Language of document : ECLI:EU:T:2016:281

Édition provisoire

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 mai 2016 (*)

« Aides d’État – Énergies renouvelables – Aides accordées par certaines dispositions de la loi allemande modifiée concernant les sources d’énergie renouvelables (loi EEG de 2012) – Aide en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et prélèvement EEG réduit pour les gros consommateurs d’énergie – Décision déclarant les aides partiellement incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’aide d’État – Avantage – Ressources d’État »

Dans l’affaire T‑47/15,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par M. T. Henze et Mme K. Petersen, puis par M. Henze et Mme K. Stranz, en qualité d’agents, assistés de Me T. Lübbig, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. T. Maxian Rusche et R. Sauer, puis par M. Maxian Rusche et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA. 33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie] (JO 2015, L 250, p. 122),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 janvier 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En décembre 2011, le Bund der Energieverbraucher (association allemande des consommateurs d’électricité) a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, dans laquelle il a fait valoir que certaines mesures prévues par le Gesetz zur Neuregelung des Rechtsrahmens für die Förderung der Stromerzeugung aus Erneuerbaren Energien (loi portant nouvelle réglementation du cadre juridique de la promotion de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables), du 28 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1634, ci-après l’« EEG de 2012 »), destiné à entrer en vigueur le 1er janvier 2012, constituaient des aides incompatibles avec le marché intérieur.

 Mesures en cause

2        L’EEG de 2012 a pour objet de protéger le climat et l’environnement en assurant le développement durable de l’approvisionnement énergétique, en réduisant son coût pour l’économie allemande, en soulageant les sources d’énergie fossile et en développant les technologies de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine (ci-après l’« électricité EEG »). À cette fin, il vise notamment à augmenter la part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement en électricité jusqu’à un minimum de 35 % en 2020, puis, par paliers successifs, jusqu’à un minimum de 80 % en 2050 (article 1er de l’EEG de 2012).

3        Dans ce cadre, l’EEG de 2012 prévoit en particulier un régime de soutien en faveur des producteurs d’électricité EEG (article 2 de l’EEG de 2012), dont les principales caractéristiques sont décrites ci-après.

4        En premier lieu, les gestionnaires de réseau de tous niveaux de tension (ci-après les « GR ») assurant l’approvisionnement général en électricité sont tenus, premièrement, de raccorder à leur réseau les installations produisant de l’électricité EEG dans leur périmètre d’activité (articles 5 à 7 de l’EEG de 2012), deuxièmement, d’injecter cette électricité dans leur réseau, de la transporter ainsi que de la distribuer en priorité (articles 8 à 12 de l’EEG de 2012) et, troisièmement, de verser aux exploitants de ces installations une rémunération calculée en fonction de tarifs fixés par la loi, au vu de la nature de l’électricité en cause et de la puissance assignée ou installée de l’installation concernée (articles 16 à 33 de l’EEG de 2012). Alternativement, les exploitants d’installations produisant de l’électricité EEG ont le droit, d’une part, de commercialiser tout ou partie de cette électricité directement auprès de tiers et, d’autre part, d’exiger que le GR auquel une installation aurait été raccordée à défaut d’une telle commercialisation directe leur paie une prime de marché calculée sur la base du montant de la rémunération qui aurait été due en cas de raccordement (articles 33 a à 33 i de l’EEG de 2012). En pratique, il est constant que ces obligations pèsent essentiellement sur les gestionnaires de réseau de distribution locale à basse ou à moyenne tension (ci-après les « GRD »).

5        En deuxième lieu, les GRD sont tenus de transmettre l’électricité EEG aux gestionnaires de réseaux de transport interrégional à haute et à très haute tension situés en amont (ci-après les « GRT ») (article 34 de l’EEG de 2012). En contrepartie de cette obligation, les GRT sont tenus de verser aux GRD l’équivalent des rémunérations et des primes de marché payées par ces derniers aux exploitants d’installations (article 35 de l’EEG de 2012).

6        En troisième lieu, l’EEG de 2012 prévoit un mécanisme dit de « compensation à l’échelle fédérale » des quantités d’électricité EEG que chaque GRT injecte dans son réseau, d’une part, et des sommes versées en contrepartie aux GRD, d’autre part (article 36 de l’EEG de 2012). En pratique, chaque GRT ayant injecté et payé une quantité d’électricité EEG supérieure à celle livrée par les fournisseurs d’électricité aux clients finals situés dans sa zone peut se prévaloir, à l’égard des autres GRT, d’un droit à compensation correspondant à cette différence. Depuis les années 2009-2010, ladite compensation ne s’opère plus sous une forme réelle (échange de flux d’électricité EEG), mais sous une forme financière (compensation des coûts qui y sont afférents). Trois des quatre GRT concernés par ce dispositif de compensation sont des entreprises privées (Amprion GmbH, TenneT TSO GmbH et 50Hertz Transmission GmbH), tandis que le quatrième est une entreprise publique (Transnet BW GmbH).

7        En quatrième lieu, les GRT sont tenus de commercialiser l’électricité EEG qu’ils injectent dans leur réseau sur le marché au comptant de la bourse de l’électricité (article 37, paragraphe 1, de l’EEG de 2012). Si le prix ainsi obtenu ne leur permet pas de couvrir la charge financière que leur impose l’obligation légale de rémunérer cette électricité aux tarifs fixés par la loi, ils ont le droit d’exiger, dans des conditions définies par le pouvoir réglementaire, que les fournisseurs approvisionnant les clients finals leur versent la différence, en proportion des quantités vendues. Ce mécanisme est dénommé « prélèvement EEG » (article 37, paragraphe 2, de l’EEG de 2012). Le montant du prélèvement EEG peut néanmoins être réduit de 2 centimes d’euro par kilowattheure (KWh) dans certains cas (article 39 de l’EEG de 2012). Pour bénéficier d’une telle réduction, qualifiée par l’EEG de 2012 de « réduction du prélèvement EEG », mais également connue sous le nom de « privilège électricité verte », les fournisseurs d’électricité doivent notamment démontrer, tout d’abord, qu’au moins 50 % de l’électricité qu’ils livrent à leurs clients est de l’électricité EEG, ensuite, qu’au moins 20 % de celle-ci est issue de l’énergie éolienne ou de l’énergie radiative du soleil et, enfin, qu’elle fait l’objet d’une commercialisation directe à leurs clients.

8        Les modalités du prélèvement EEG ont été précisées, en particulier, par la Verordnung zur Weiterentwicklung des bundesweiten Ausgleichsmechanismus (règlement sur le mécanisme de compensation), du 17 juillet 2009 (BGBl. 2009 I, p. 2101), telle que modifiée par l’article 2 du Gesetz zur Änderung des Rechtsrahmens für Strom aus solarer Strahlungsenergie und zu weiteren Änderungen im Recht der erneuerbaren Energien (loi modifiant le cadre juridique applicable à l’énergie issue du rayonnement solaire et modifiant la loi sur les énergies renouvelables), du 17 août 2012 (BGBl. 2012 I, p. 1754), ainsi que par la Verordnung zur Ausführung der Verordnung zur Weiterentwicklung des bundesweiten Ausgleichsmechanismus (règlement d’application du règlement sur le mécanisme de compensation), du 22 février 2010 (BGBl. 2010 I, p. 134), telle que modifiée par la Zweite Verordnung zur Änderung der Ausgleichsmechanismus-Ausführungsverordnung (second règlement modifiant le règlement d’application sur le mécanisme de compensation), du 19 février 2013 (BGBl. 2013 I, p. 310).

9        En cinquième lieu, il est constant que, bien que l’EEG de 2012 n’oblige pas les fournisseurs d’électricité à répercuter le prélèvement EEG sur les clients finals, il ne le leur interdit pas non plus. Il est également constant que les fournisseurs, qui sont eux-mêmes obligés de payer ce prélèvement aux GRT, répercutent en pratique cette charge sur leurs clients, ainsi que l’a d’ailleurs confirmé la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience. Les modalités selon lesquelles ce prélèvement doit être signalé sur la facture qui leur est adressée sont prévues par l’EEG de 2012 (article 53 de l’EEG de 2012), de même que les conditions dans lesquelles ces clients doivent être informés de la proportion d’énergies renouvelables, subventionnées selon la loi sur les énergies renouvelables, qui leur est livrée (article 54 de l’EEG de 2012).

10      Par ailleurs, l’EEG de 2012 prévoit également un régime de compensation spécial, en vertu duquel le Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle (Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations, ci-après le « BAFA ») accorde chaque année un plafonnement de la part du prélèvement EEG pouvant être répercutée par les fournisseurs d’électricité sur deux catégories déterminées de clients, à savoir, d’une part, les « entreprises électro-intensives du secteur productif » (ci-après les « EEI ») et, d’autre part, les « entreprises du rail », à la suite d’une demande devant être présentée par ces derniers avant le 30 juin de l’année précédente, dans le but de réduire leurs coûts d’électricité et, ce faisant, de préserver leur compétitivité (article 40 de l’EEG de 2012).

11      L’EEG de 2012 précise les conditions qui ouvrent droit à ce régime, la procédure devant être suivie par les entreprises admissibles, les modalités de détermination du plafonnement au cas par cas et les effets des décisions prises à ce sujet par le BAFA (articles 41 à 44 de l’EEG de 2012). L’EEG de 2012 prévoit en particulier que, pour les entreprises du secteur productif dont les coûts de consommation d’électricité représentent au moins 14 % de leur valeur ajoutée brute et dont la consommation est d’au moins 1 gigawattheure (GWh), ce plafonnement est fixé à 10 % du prélèvement EEG pour la part de leur consommation comprise entre 1 GWh et 10 GWh, à 1 % de ce prélèvement pour la part de leur consommation comprise entre 10 GWh et 100 GWh et à 0,05 centime d’euro par KWh au-delà. L’EEG de 2012 dispose également que, pour les entreprises du secteur productif dont les coûts de consommation d’électricité représentent au moins 20 % de leur valeur ajoutée brute et dont la consommation est d’au moins 100 GWh, le prélèvement EEG est plafonné à 0,05 centime d’euro par KWh dès le premier kilowattheure. L’EEG de 2012 précise par ailleurs que les fournisseurs d’électricité doivent informer les entreprises bénéficiant d’un avis de plafonnement du prélèvement EEG, premièrement, de la part d’énergies renouvelables, bénéficiant d’une aide en vertu de la loi sur les énergies renouvelables, qui leur est livrée, deuxièmement, de la composition de leur bouquet énergétique global et, troisièmement, pour les entreprises privilégiées au titre de la loi sur les énergies renouvelables, de la composition du bouquet énergétique qui leur est servi (article 54 de l’EEG de 2012).

12      En sixième lieu, l’EEG de 2012 impose un ensemble d’obligations d’information et de publication aux exploitants d’installations, aux GR et aux fournisseurs d’électricité, en particulier à l’égard des GRT et de la Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux, ci-après la « BNetzA »), auxquelles s’ajoute une série d’obligations de transparence pesant spécifiquement sur les GRT (articles 45 à 51 de l’EEG de 2012). Ladite loi précise également les pouvoirs de surveillance et de contrôle dont dispose la BNetzA à l’égard des GRD et des GRT (article 61 de l’EEG de 2012).

 Décision d’ouverture

13      Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a informé les autorités allemandes qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures contenues dans l’EEG de 2012 et mises en œuvre sous la forme d’une aide en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2014, la République fédérale d’Allemagne a introduit un recours en annulation contre la décision d’ouverture, recours dont elle s’est désistée par lettre du 28 avril 2015.

15      Par ordonnance du 8 juin 2015, le président de la troisième chambre du Tribunal a ordonné qu’il soit procédé à la radiation de l’affaire du registre du Tribunal (Allemagne/Commission, T‑134/14, non publiée, EU:T:2015:392).

 Décision attaquée

16      Le 25 novembre 2014, la Commission a adopté la décision (UE) 2015/1585 relative au régime d’aides SA. 33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie] (JO 2015, L 250, p. 122, ci-après la « décision attaquée »).

17      D’une part, la Commission a estimé que les tarifs de rachat et les primes de marché, qui garantissent pour les producteurs d’électricité EEG un prix, pour l’électricité qu’ils produisent, plus élevé que le prix du marché, constituaient une aide d’État compatible avec le marché intérieur. D’autre part, la Commission a considéré que la réduction du prélèvement EEG pour certains gros consommateurs d’énergie constituait également une aide d’État, dont la compatibilité avec le marché intérieur n’est reconnue que pour autant qu’elle relève de certaines catégories.

18      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

L’aide d’État en faveur du soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine, y compris son mécanisme de financement, qui a été octroyée en vertu de la Erneuerbare-Energien-Gesetz de 2012 […], illégalement appliquée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est compatible avec le marché intérieur sous réserve de l’exécution par la République fédérale d’Allemagne de l’engagement exposé à l’annexe I.

[…]

Article 3

1.      L’aide d’État consistant en des réductions du prélèvement destiné à financer le soutien apporté à l’électricité produite à partir de sources renouvelables […] au cours des années 2013 et 2014 en faveur des gros consommateurs d’énergie […], illégalement appliquée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est compatible avec le marché intérieur pour autant qu’elle relève de l’une des quatre catégories exposées au présent paragraphe.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui relève d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 […], elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur leurs clients. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui ne relève pas d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices de 2014 mais qui présentait une électro-intensité d’au moins 20 % en 2012 et relevait, cette année-là, d’un secteur affichant une intensité des échanges d’au moins 4 % au niveau de l’Union européenne, elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur les consommateurs d’électricité. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise éligible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, mais lorsque le montant du prélèvement EEG payé par cette entreprise n’a pas atteint le niveau requis par ces alinéas, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)      pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013 ;

b)      pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise non admissible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, et lorsque l’entreprise a acquitté moins de 20 % des coûts supplémentaires du prélèvement sans réduction, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)      pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013 ;

b)      pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

2.      Toute aide qui n’est pas couverte par le paragraphe 1 est incompatible avec le marché intérieur. »

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 février 2015, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

20      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

22      À l’appui de son recours, la République fédérale d’Allemagne soulève trois moyens, tirés, en substance, le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des faits, le deuxième, de l’absence d’avantage lié au régime de compensation spécial et, le troisième, de l’absence d’avantage financé au moyen de ressources d’État.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des faits

 Sur la recevabilité

23      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission fait valoir, à titre principal, que le premier moyen est irrecevable au motif, en substance, qu’il est incompréhensible.

24      En effet, la Commission allègue que, dans sa description de l’objet du moyen, la République fédérale d’Allemagne lui reproche de façon générale d’avoir manifestement méconnu les différentes formes d’action de l’État, ce reproche étant, selon elle, incompréhensible. Elle ajoute qu’il n’appartient pas au Tribunal de réinterpréter une argumentation incompréhensible de la requête de façon à lui donner un sens.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard des dispositions susmentionnées, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible de la requête elle-même (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée).

26      Plus particulièrement, s’il convient d’admettre, d’une part, que l’énonciation des moyens du recours n’est pas liée à la terminologie et à l’énumération du règlement de procédure et, d’autre part, que la présentation de ces moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire, c’est à la condition toutefois que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté. En outre, la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure, et les termes « exposé sommaire des moyens », employés dans ces textes, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 21 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il ressort de la requête que l’objet du premier moyen est clairement défini, en ce qu’il vise à obtenir l’annulation de la décision attaquée, et qu’il est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des faits et du rôle de l’État dans le fonctionnement de l’EEG de 2012. Il découle ainsi de la requête que, par ce moyen, la République fédérale d’Allemagne considère, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de sorte que ce moyen de droit se dégage de la requête avec suffisamment de netteté.

28      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir doit être rejetée comme non fondée.

 Sur le fond

29      La République fédérale d’Allemagne considère, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission aurait commis différentes erreurs manifestes d’appréciation dans son évaluation du rôle de l’État dans le fonctionnement de l’EEG de 2012. À cet égard, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’État n’exerce pas de rôle particulier et n’intervient pas dans le fonctionnement de l’EEG de 2012.

30      En premier lieu, s’agissant des parties qui interviennent dans le système de l’EEG de 2012, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, premièrement, que seuls des sujets de droit privé participent au mécanisme de l’EEG de 2012, deuxièmement, que ladite loi est applicable sans distinction tant aux gestionnaires de réseaux et aux fournisseurs d’électricité publics qu’à leurs équivalents privés, troisièmement, qu’aucune entreprise individuelle n’est chargée de missions particulières par l’EEG de 2012 ou par ses règlements d’application, mais uniquement les GRT pris collectivement et, quatrièmement, que les organes étatiques qui se voient conférer des prérogatives par l’EEG de 2012 ont pour seule mission de contrôler la légalité et le bon fonctionnement des mécanismes établis, sans avoir d’impact sur l’origine et l’utilisation des ressources générées.

31      En deuxième lieu, s’agissant des flux financiers générés par le fonctionnement de l’EEG de 2012, la République fédérale d’Allemagne soutient que ceux-ci ne sont ni imposés ni contrôlés par l’État. Elle affirme, à l’appui de cette prétention, que, d’une part, l’EEG de 2012 est un régime de fixation de prix pour la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables qui ne permettrait pas à l’État de fixer le montant du prélèvement EEG, lequel serait déterminé par les parties dans le cadre de leur liberté contractuelle et que, d’autre part, la mise en œuvre du droit à paiement entre particuliers, qui découle des mécanismes de l’EEG de 2012, ne serait aucunement assurée par des organes étatiques et relèverait, en cas de litige, des juridictions civiles.

32      En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, s’agissant du rôle de l’administration dans le régime de compensation spécial prévu par l’EEG de 2012, la tâche du BAFA se limite à statuer sur les demandes de plafonnement qui lui sont soumises et à établir, dans le cadre d’une compétence liée qui ne lui laisse aucune marge d’appréciation, une décision qui se bornerait à constater que, le cas échéant, les conditions requises pour l’obtention du droit à plafonnement sont remplies. Ainsi, le BAFA ne disposerait ni directement de flux financiers engendrés par le fonctionnement de l’EEG de 2012, ni d’un accès à ces flux, ni de moyens de les contrôler.

33      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE déclare incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

34      L’article 107, paragraphe 1, TFUE subordonne cette incompatibilité à la vérification de quatre conditions. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, EU:C:2004:448, point 33 et jurisprudence citée).

35      Quant à la première de ces conditions, il résulte d’une jurisprudence constante que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont considérés comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (voir arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58 et jurisprudence citée). Ainsi, l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE peut, en principe, englober également des aides accordées par des organismes publics ou privés institués ou désignés par l’État en vue de gérer l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, EU:C:2004:448, point 34 et jurisprudence citée).

36      Toutefois, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent certes, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, mais aussi, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, EU:C:2004:448, point 35 et jurisprudence citée). Il ressort en effet de la jurisprudence qu’il s’agit de conditions distinctes et cumulatives (voir arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103 et jurisprudence citée).

37      S’agissant de la condition tenant à l’imputabilité de la mesure, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il y a lieu d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption de ladite mesure (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 17 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il y a lieu de relever que, si la République fédérale d’Allemagne soutient que la décision attaquée est entachée d’appréciations manifestement erronées des faits, son argumentation porte exclusivement, dans le cadre de son premier moyen, sur le fonctionnement de l’EEG de 2012 et sur le rôle de l’État dans ce système.

39      En effet, il y a lieu de constater que la République fédérale d’Allemagne se borne, à l’appui de son premier moyen, à expliquer le fonctionnement de l’EEG de 2012 à travers un rappel des dispositions légales, mais n’avance aucun élément concret permettant de constater une erreur de fait dans la description des mécanismes en cause ou une erreur manifeste d’appréciation dans leur analyse.

40      Par ailleurs, dans la mesure où, par son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne remet en cause l’imputabilité à l’État de l’EEG de 2012, force est de constater que les mécanismes de soutien et de compensation en cause dans la présente affaire ont été institués par la loi, en l’occurrence l’EEG de 2012, ce que reconnaît d’ailleurs la République fédérale d’Allemagne lorsqu’elle évoque, dans la requête, un « cadre légal imposé ». Ces mécanismes doivent donc, en application de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, être considérés comme imputables à l’État.

41      Dans de telles circonstances, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse plus avancée du rôle de l’État dans le fonctionnement de l’EEG de 2012, cette question relevant de l’appréciation de la condition relative à l’engagement de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, examinée dans le cadre du troisième moyen.

42      Partant, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’avantage lié au régime de compensation spécial

43      La République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la Commission a considéré à tort que le régime de compensation spécial instaurerait un avantage au bénéfice des EEI. Le présent moyen se divise en cinq branches.

44      À titre liminaire, il convient de relever, à l’instar de la Commission dans son mémoire en défense, que les développements du deuxième moyen soulevé par la République fédérale d’Allemagne portent exclusivement sur l’existence même d’un avantage à l’égard des EEI, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lié au seul régime de compensation spécial, et non sur la question de la sélectivité d’un tel avantage ni même sur celle de l’existence d’un avantage sélectif lié au régime de soutien, questions qui n’ont, dès lors, pas lieu d’être examinées par le Tribunal.

45      Par ailleurs, le Tribunal estime opportun d’examiner, dans un premier temps, les première, deuxième et cinquième branches conjointement, dans un deuxième temps, la troisième branche et, dans un troisième temps, la quatrième branche.

 Sur les première, deuxième et cinquième branches

46      Par la première branche du deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que le régime de compensation spécial n’accorde pas un avantage au bénéfice des EEI, mais vise à compenser la diminution de leur compétitivité internationale liée, en particulier, au fait que les charges sont nettement inférieures dans d’autres pays de l’Union européenne, y compris les États membres où il existe également un allégement des charges pour les EEI. La République fédérale d’Allemagne ajoute que, dans les États tiers, il n’y a souvent pas de charges comparables.

47      Par la deuxième branche du deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’un grand nombre de secteurs à forte intensité énergétique, comme la production ou la transformation de cuivre, d’acier, d’aluminium et de pétrole, sont soumis à une pression concurrentielle internationale très forte. Ainsi, le régime de compensation spécial n’apporterait pas d’avantage, mais compenserait un désavantage, en ce que, sans ce régime, les entreprises dont les conditions de production présentent une intensité énergétique particulièrement prononcée se trouveraient dans une situation de concurrence très défavorable par rapport aux entreprises de la même branche établies dans d’autres États membres ou dans des États tiers.

48      Par la cinquième branche du deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le régime de compensation spécial se justifie pour préserver la compétitivité d’entreprises allemandes aux conditions de production particulièrement énergivores. Dans cette perspective, le régime de compensation spécial serait un instrument important pour assurer les mêmes conditions de concurrence aux entreprises allemandes à forte intensité énergétique et pour promouvoir le passage à un approvisionnement en énergie fondé sur des sources renouvelables. En outre, la République fédérale d’Allemagne considère que les EEI favorisées par le régime de compensation spécial, qui doivent démontrer, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 41, paragraphe 1, point 2, de l’EEG de 2012, qu’elles ont procédé à une certification dans le cadre de laquelle leur consommation d’énergie a été relevée et évaluée, doivent consentir de nombreux efforts d’audit. Les exigences correspondantes généreraient ainsi des coûts considérables. Selon la République fédérale d’Allemagne, une plus forte réduction du prélèvement EEG dans ces cas constitue une compensation adéquate pour les efforts de gestion des ressources énergétiques consentis par les entreprises concernées.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’aide est plus générale que celle de subvention, étant donné qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions d’État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêt du 7 mars 2012, British Aggregates/Commission, T‑210/02 RENV, EU:T:2012:110, point 46 et jurisprudence citée).

50      Pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il faut notamment, d’une part, qu’elle comporte un avantage qui est susceptible de prendre des formes diverses (aide accordée « sous quelque forme que ce soit ») et, d’autre part, que cet avantage découle, de manière directe ou indirecte, de ressources publiques (aide accordée « par les États ou au moyen de ressources d’État »).

51      C’est à l’aune de ces rappels qu’il convient de vérifier si le plafonnement du prélèvement EEG accordé aux EEI implique, en lui-même, l’octroi d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à ces EEI.

52      En l’espèce, la Commission a relevé, au considérant 65 de la décision attaquée, que les articles 40 et 41 de l’EEG de 2012 instauraient un plafonnement du prélèvement EEG au bénéfice des EEI et empêchaient ainsi les GRT et les fournisseurs d’électricité de récupérer les coûts supplémentaires afférents à l’électricité EEG auprès des EEI.

53      À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission dans la décision attaquée, que l’article 40 de l’EEG de 2012 pose le principe de la limitation du montant du prélèvement EEG qui peut être répercuté par les fournisseurs d’électricité sur les gros consommateurs d’énergie en prévoyant que, sur demande, le BAFA émet un acte administratif qui interdit au fournisseur d’électricité de répercuter la totalité du prélèvement EEG sur un utilisateur final lorsque ce dernier est une EEI. L’article 41 de l’EEG de 2012, quant à lui, subordonne la limitation du prélèvement EEG aux EEI au respect de certaines conditions liées, principalement, à l’importance de leur consommation d’énergie.

54      Il convient également de souligner qu’aucun argument n’a été avancé pour contredire ce constat, la République fédérale d’Allemagne reconnaissant elle-même que le régime instauré par ces articles vise à limiter la surcharge économique résultant, pour les EEI, du soutien à la production d’électricité EEG et, partant, allège les charges qui normalement grèvent leur budget.

55      Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en concluant, dans la décision attaquée, que le régime de compensation spécial créé par les articles 40 et 41 de l’EEG de 2012 libérait les EEI d’une charge qu’elles devraient normalement supporter et que, partant, l’existence d’un avantage consenti aux EEI, qui résultait de la simple description du mécanisme mis en place par l’EEG de 2012, était établie.

56      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que, par ce régime de compensation spécial, la République fédérale d’Allemagne entend compenser un désavantage concurrentiel. À cet égard, il convient en effet de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides (voir arrêt du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, EU:C:2005:130, point 54 et jurisprudence citée).

57      Il y a donc lieu d’écarter les première, deuxième et cinquième branches du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche

58      Par la troisième branche du deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne prétend que, en recourant au régime de compensation spécial pour plafonner les prélèvements payés par les EEI, le législateur allemand entend seulement compenser des désavantages structurels, de sorte que l’hypothèse d’un avantage semble d’emblée exclue. À cet égard, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le Tribunal a déjà jugé que la compensation de désavantages structurels n’était pas un avantage au sens de la définition de l’aide figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

59      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée).

60      Il importe également de rappeler que les motifs qui sous-tendent une mesure d’aide ne suffisent pas à faire échapper d’emblée une telle mesure à la qualification d’aide au sens de l’article 107 TFUE. En effet, le paragraphe 1 de cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 94 et jurisprudence citée).

61      D’emblée, il y a donc lieu de considérer que le régime de compensation spécial créé par les articles 40 et 41 de l’EEG de 2012 ne saurait échapper à la qualification d’aide d’État du seul fait qu’il supprime, pour les EEI, un désavantage structurel.

62      À supposer que, par son argumentation, la République fédérale d’Allemagne entende se référer à la jurisprudence relative à la compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général pour exécuter des obligations de service public, il convient de relever qu’une telle intervention doit répondre aux critères établis par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), pour ne pas relever de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 43 et jurisprudence citée).

63      Or, en l’espèce, il ne ressort pas des éléments de la présente affaire que les EEI sont chargées d’un service d’intérêt économique général et doivent exécuter des obligations de service public.

64      D’ailleurs, il y a lieu de constater que la République fédérale d’Allemagne ne soutient pas, dans la troisième branche de son deuxième moyen, que les critères établis par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), seraient remplis à l’égard des mesures en cause.

65      Il y a donc lieu d’écarter la troisième branche du deuxième moyen.

 Sur la quatrième branche

66      Par la quatrième branche du deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne allègue que le régime de compensation spécial respecte le principe de capacité contributive, en ce que le gouvernement allemand espère, en réduisant le prélèvement EEG pour les entreprises à forte intensité énergétique, que ces entreprises pourront être maintenues en Allemagne et apporteront ainsi au moins une certaine contribution au prélèvement EEG.

67      À cet égard, il convient d’emblée de relever que, par son argumentation générale et abstraite tirée du respect du « principe de capacité contributive », la République fédérale d’Allemagne se contente d’affirmer, en substance, que, si les EEI avaient été grevées par le prélèvement EEG à taux plein, elles auraient pu délocaliser leur production à l’étranger et, ce faisant, n’auraient plus participé à l’alimentation des fonds générés par ce prélèvement. La République fédérale d’Allemagne ne produit toutefois aucun élément de preuve à l’appui de cette argumentation. En particulier, elle ne démontre pas qu’elle a pris individuellement en considération les situations financières des entreprises auxquelles bénéficie le plafonnement du prélèvement EEG, pas plus que, sans ce dernier, celles-ci auraient effectivement délocalisé leur production.

68      Au surplus, à supposer que, par son argumentation relative au principe de capacité contributive, la République fédérale d’Allemagne entende se référer à la jurisprudence selon laquelle la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre les entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 145 et jurisprudence citée), elle ne saurait emporter la conviction. En effet, elle n’a pas démontré que la différenciation entre les entreprises en matière de charges était effectivement justifiée par la nature et l’économie du système en cause, comme l’exige la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 146 et jurisprudence citée).

69      Il y a donc lieu d’écarter la quatrième branche du deuxième moyen.

70      Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen, tiré de l’absence d’avantage lié au régime de compensation spécial, doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’avantage financé au moyen de ressources d’État

71      La République fédérale d’Allemagne estime, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la Commission a considéré à tort que le fonctionnement de l’EEG de 2012 impliquait des ressources étatiques, alors que, selon elle, les constatations de l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), ne permettent pas de retenir, en l’espèce, l’existence d’une aide étatique, s’agissant tant du régime de soutien que du régime de compensation. En effet, l’EEG de 2012 serait, à l’instar de ce qu’a jugé la Cour à propos des dispositions législatives en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), une réglementation d’un État membre qui, d’une part, oblige des entreprises privées d’approvisionnement en électricité à acheter l’électricité produite dans leur zone d’approvisionnement à partir de sources d’énergie renouvelables à des prix minimaux supérieurs à la valeur économique réelle de ce type d’électricité et, d’autre part, répartit la charge financière résultant de cette obligation entre lesdites entreprises d’approvisionnement en électricité et les exploitants privés des réseaux d’électricité situés en amont.

72      En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que le système de l’EEG de 2012 ne présente aucun lien avec le budget de l’État ou d’une entité publique, de sorte que l’implication de ressources d’État est exclue.

73      À cet égard, tout d’abord, elle affirme que les textes législatifs relatifs au système de l’EEG de 2012 ne prévoient ni financement des aides aux énergies renouvelables par des ressources d’État ni imputabilité à l’État. La République fédérale d’Allemagne ajoute que, d’après la jurisprudence, gardent leur caractère de droit privé les paiements entre particuliers ordonnés par l’État sans être imputables au budget de l’État ou à celui d’une autre entité publique et à l’égard desquels l’État ne renonce à aucune ressource, à quelque titre que ce soit, telle que des impôts, des taxes, des contributions ou autres.

74      Ensuite, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’il résulte également de la jurisprudence que les taxes, impôts et redevances se caractérisent par le fait que les recettes générées doivent, sous une forme ou une autre, revenir au budget de l’État ou d’une entité publique. Or, tel n’est précisément pas le cas pour l’EEG de 2012. Les GRT ne sont pas des entités publiques et les ressources qui leur sont versées pour couvrir les coûts résultant de la vente en bourse de l’électricité produite à partir de sources renouvelables ne diminuent en rien, ni directement ni indirectement, les recettes de l’État.

75      Enfin, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’absence de rattachement du prélèvement EEG au budget fédéral ou à celui d’une entité publique résulte également du fait que les éventuels excédents ou déficits des GRT doivent être compensés, intérêts compris, l’année suivante dans le cadre de la fixation du prélèvement EEG, conformément à ce qui s’applique en droit civil pour une action en compensation de frais. Sur cet aspect, elle ajoute que les éventuels litiges nés du montant dû en application du système de financement de l’EEG de 2012 relèvent de la compétence des juridictions civiles, les autorités administratives n’ayant aucune influence sur le traitement de ces litiges.

76      En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que le mécanisme de l’EEG de 2012 ne prévoit pas de surveillance par l’État de l’utilisation faite des ressources générées par le prélèvement EEG. Si l’EEG de 2012 prévoit certes une série de tâches de surveillance visant à contrôler la régularité, la légalité et le bon fonctionnement des mécanismes mis en place par les organismes privés en exécution des prescriptions légales, il n’en demeure pas moins, selon la République fédérale d’Allemagne, que les organismes étatiques auxquels ces tâches incombent n’ont pas compétence pour exercer une influence sur des paiements ou des flux financiers et n’ont aucun pouvoir sur les ressources financières mises en jeu par les différentes parties prenantes au système. Elle s’appuie, principalement, sur l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448).

77      Tout d’abord, la République fédérale d’Allemagne allègue que les tâches de contrôle de la BNetzA portent pour l’essentiel sur la mise en œuvre des dispositions relatives au prélèvement EEG que les fournisseurs d’électricité sont susceptibles d’exiger des consommateurs finals. Selon la République fédérale d’Allemagne, la BNetzA ne peut intervenir que si la fixation du prélèvement EEG enfreint les normes fixées, en incluant par exemple des coûts qui ne peuvent être intégrés dans le prélèvement EEG.

78      Ensuite, la République fédérale d’Allemagne prétend que l’imposition légale d’une méthode de calcul ainsi que les obligations de transparence et les droits de surveillance qui y sont associés servent simplement à éviter qu’un acteur ne s’enrichisse à un stade quelconque de la chaîne.

79      Enfin, la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a commis une erreur de droit dans la décision attaquée en postulant que la réglementation et la surveillance font de flux monétaires privés des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE. À cet égard, elle fait valoir que la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de ressources étatiques lorsqu’une prise d’influence de l’État sur l’utilisation des ressources était suffisamment exclue.

80      En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne souligne que l’argumentation déployée dans les deux premières branches du troisième moyen, centrée principalement sur la question de l’implication de ressources étatiques dans le fonctionnement du régime de soutien, s’applique par analogie au régime de compensation spécial.

81      À titre liminaire, premièrement, il importe à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont à considérer comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, il résulte des termes mêmes de cette disposition et des règles de procédure instaurées par l’article 108 TFUE que les avantages accordés par d’autres moyens que des ressources d’État n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions en cause. La distinction entre aides accordées par l’État et aides accordées au moyen de ressources d’État est destinée à inclure dans la notion d’aide non seulement les aides accordées directement par l’État, mais également celles accordées par des organismes publics ou privés, désignés ou institués par l’État (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 21, et du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C‑72/91 et C‑73/91, EU:C:1993:97, point 19 et jurisprudence citée). En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23).

82      Deuxièmement, il convient de souligner qu’il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, qu’il y a eu un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 36 et jurisprudence citée).

83      En effet, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ceux-ci appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession de l’administration du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (voir arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37 et jurisprudence citée).

84      En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que, par l’EEG de 2012, la République fédérale d’Allemagne avait introduit une taxe spéciale, le prélèvement EEG, et défini son objectif, qui est le financement de la différence entre les coûts exposés par les GRT pour acheter de l’électricité EEG et les recettes générées par la vente de cette électricité. La Commission a considéré que la méthode de calcul servant à déterminer le niveau du prélèvement EEG était également définie dans l’EEG de 2012, tout comme le principe selon lequel les déficits et les excédents sont corrigés au cours de l’année qui suit, garantissant ainsi que les GRT ne subissent pas de pertes, mais impliquant également qu’ils ne peuvent pas utiliser les recettes générées par le prélèvement à des fins autres que le financement de l’électricité EEG. La Commission a conclu que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), l’État avait, dans le cadre de l’EEG de 2012, fourni aux GRT les ressources financières nécessaires pour financer l’aide à l’électricité EEG.

85      Pour soutenir cette conclusion, la Commission s’est appuyée, dans la décision attaquée, sur quatre séries d’arguments.

86      Premièrement, la Commission a estimé, aux considérants 112 à 116 de la décision attaquée, que, le prélèvement EEG étant introduit par l’État et celui-ci ayant désigné les GRT pour administrer les fonds, le simple fait que l’avantage n’est pas financé directement par le budget de l’État n’est pas suffisant pour exclure la possibilité que des ressources d’État soient impliquées. À cet égard, la Commission a fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que les entités désignées pour administrer l’aide peuvent être des organismes publics ou privés et que, par conséquent, le fait que les GRT soient des opérateurs privés ne saurait en soi exclure l’existence de ressources d’État, de même que la nature initialement privée des ressources collectées.

87      Deuxièmement, la Commission s’est appuyée, aux considérants 117 et 118 de la décision attaquée et aux fins de la démonstration de l’implication de ressources d’État dans le système mis en place par l’EEG de 2012, sur la désignation des GRT pour administrer le prélèvement EEG. À cet égard, la Commission a maintenu les conclusions préliminaires formulées dans la décision d’ouverture et a considéré que les GRT devaient :

–        acheter l’électricité EEG produite dans leur périmètre, soit directement auprès du producteur lorsque celui-ci était directement relié à la ligne de transport, soit auprès des GRD, aux tarifs de rachat ou payer la prime de marché (par conséquent, l’électricité EEG ainsi que la charge financière du soutien prévu par l’EEG de 2012 sont centralisées au niveau de chacun des quatre GRT) ;

–        appliquer le « privilège électricité verte » aux fournisseurs qui en faisaient la demande et qui remplissaient les conditions requises, énoncées à l’article 39, paragraphe 1, de l’EEG de 2012 ;

–        se répartir la quantité d’électricité EEG, afin que chacun d’entre eux achète la même proportion d’électricité EEG ;

–        vendre l’électricité EEG sur le marché au comptant selon les règles définies dans l’EEG de 2012 et dans ses dispositions d’application, cette vente pouvant être réalisée en commun ;

–        calculer ensemble le prélèvement EEG, qui doit être identique pour chaque KWh consommé en Allemagne, égal à la différence entre les recettes générées par la vente d’électricité EEG et les dépenses liées à l’achat d’électricité EEG ;

–        publier conjointement le prélèvement EEG dans un format spécifique sur un site Internet commun ;

–        publier des informations agrégées sur l’électricité EEG ;

–        comparer le prélèvement EEG prévu avec la valeur qu’il aurait réellement dû avoir au cours d’une année donnée et adapter le prélèvement pour l’année qui suit ;

–        publier des prévisions pour plusieurs années à l’avance ;

–        collecter le prélèvement EEG auprès des fournisseurs d’électricité ;

–        (séparément) consigner tous les flux financiers (dépenses et recettes) liés à l’EEG de 2012 dans des comptes bancaires distincts.

88      La Commission en a déduit que les GRT ne se limitaient pas à régler entre eux des demandes privées, mais qu’ils mettaient en œuvre les obligations juridiques qui leur incombaient en vertu de l’EEG de 2012.

89      Troisièmement, la Commission a estimé, aux considérants 119 à 122 de la décision attaquée, que les GRT étaient soumis à une surveillance stricte de l’État en ce qui concerne l’administration du prélèvement EEG. Cette surveillance est, selon la Commission, menée par la BNetzA, qui dispose par ailleurs des pouvoirs d’exécution nécessaires. D’après la Commission, la BNetzA surveille en particulier la façon dont les GRT vendent sur le marché au comptant l’électricité EEG pour laquelle des tarifs de rachat sont payés et vérifie que les GRT déterminent, fixent et publient correctement le prélèvement EEG, que les GRT facturent correctement le prélèvement EEG aux fournisseurs d’électricité, que les tarifs de rachat et les primes sont correctement facturés aux GRT et que le prélèvement EEG est réduit uniquement pour les fournisseurs d’électricité qui remplissent les conditions prévues à l’article 39 de l’EEG de 2012. La Commission a également estimé que la BNetzA recevait des informations des GRT sur le soutien à l’électricité EEG et sur les prix facturés aux fournisseurs et que, enfin, elle pouvait infliger des amendes et adopter des décisions, dont des décisions influant sur le niveau du prélèvement EEG.

90      Quatrièmement, la Commission a estimé, aux considérants 123 à 138 de la décision attaquée, qu’il existait, dans le cadre du fonctionnement de l’EEG de 2012, un contrôle général de l’État résultant de ce que celui-ci organise un transfert de ressources financières à travers la législation et établit à quelles fins ces ressources financières peuvent être utilisées. Selon la Commission, qui s’appuie notamment sur l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851), l’élément décisif consiste en ce que l’État a créé un système dans lequel les coûts supportés par les GRT sont intégralement compensés par le prélèvement EEG et dans lequel les fournisseurs d’électricité sont autorisés à répercuter le prélèvement EEG sur les consommateurs finals. À cet égard, la Commission a relevé que le contrôle des ressources par l’État ne signifiait pas que des flux entrants et sortants liés aux ressources concernées devaient apparaître dans le budget de l’État, mais que, pour que l’État exerce un contrôle sur les ressources, il suffisait que, comme en l’espèce, celui-ci réglemente pleinement ce qui est censé se produire dans le cas d’un déficit ou d’un excédent du compte relatif au prélèvement EEG.

91      En l’espèce, il y a lieu de vérifier, au regard des arguments soulevés par la République fédérale d’Allemagne, si c’est à bon droit que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’EEG de 2012 impliquait des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

92      À titre liminaire, il doit être observé qu’il est constant, ainsi que cela a été rappelé aux points 2 à 12 ci-dessus, que le prélèvement EEG, perçu et administré par les GRT, vise, in fine, à couvrir les coûts générés par les tarifs de rachat et la prime de marché prévus par l’EEG de 2012 en garantissant aux producteurs d’électricité EEG un prix pour l’électricité qu’ils produisent plus élevé que le prix du marché. Partant, il y a lieu de considérer que le prélèvement EEG procède, à titre principal, de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée, à travers la loi, par l’État.

93      En premier lieu, il convient de relever que les GRT sont chargés, en l’espèce, par l’EEG de 2012, de gérer le système de soutien à la production de l’électricité à partir de sources renouvelables. À ce sujet, et ainsi que la Commission l’a à juste titre constaté (voir points 87 et 88 ci-dessus), l’EEG de 2012 confère clairement aux GRT une série d’obligations et de prérogatives en ce qui concerne la mise en œuvre des mécanismes résultant de cette loi, de sorte que les GRT sont le point central dans le fonctionnement du système prévu par ladite loi. Les missions de gestion et d’administration de ce système, prévues notamment par les articles 34 à 39 de l’EEG de 2012, sont assimilables, du point de vue de leurs effets, à une concession étatique. En effet, il y a lieu de relever que les fonds impliqués dans le fonctionnement de l’EEG de 2012 sont exclusivement gérés à des fins d’intérêt public, suivant des modalités préalablement définies par le législateur allemand. À cet égard, lesdits fonds, consistant dans les surcoûts répercutés sur les consommateurs finals et payés par les fournisseurs d’électricité aux GRT pour l’électricité EEG dont le prix dépasse celui de l’électricité achetée sur le marché, ne transitent pas directement des consommateurs finals aux producteurs d’électricité EEG, c’est-à-dire entre opérateurs économiques autonomes, mais nécessitent l’intervention d’intermédiaires, chargés en particulier de leur perception et de leur gestion. Il convient en particulier de souligner que lesdits fonds ne sont ni versés au budget général des GRT, ni laissés à leur libre disposition, mais font l’objet d’une comptabilité séparée et sont exclusivement affectés au financement des régimes de soutien et de compensation, à l’exclusion de toute autre fin. Ainsi, contrairement aux allégations de la République fédérale d’Allemagne, la situation des GRT dans l’affaire en cause présente des points communs avec la situation de la Samenwerkende ElektriciteitsProduktiebedrijven NV dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), et avec celle de l’Abwicklungsstelle für Ökostrom AG dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2014, Autriche/Commission (T‑251/11, EU:T:2014:1060).

94      Dès lors, il y a lieu de considérer que les fonds générés par le prélèvement EEG et administrés collectivement par les GRT demeurent sous l’influence dominante des pouvoirs publics en ce que les dispositions législatives et réglementaires qui les régissent permettent d’assimiler les GRT, pris collectivement, à une entité exécutant une concession étatique.

95      En deuxième lieu, force est de constater que les ressources en cause en l’espèce, générées par le prélèvement EEG et destinées tant au financement du régime de soutien à l’électricité EEG qu’au financement du régime de compensation, sont obtenues grâce à des charges imposées in fine à des sujets privés par l’EEG de 2012. En effet, l’article 37 de l’EEG de 2012 prévoit, en raison de l’obligation imposée par ladite loi aux GR de verser une rémunération supplémentaire ou une prime de marché aux producteurs d’électricité EEG, la faculté pour les GRT d’imposer un supplément de prix aux fournisseurs, lesquels peuvent le répercuter ensuite sur les clients finals selon des modalités, notamment en termes de transparence sur les factures, définies par le législateur. Il n’est pas contesté que les fournisseurs d’électricité répercutent en pratique la charge financière résultant du prélèvement EEG sur les clients finals (voir point 9 ci-dessus), tendant au remboursement du coût engendré par les dépenses liées à ladite obligation. Il convient d’ailleurs d’observer que cette charge, pour laquelle les EEI bénéficient d’un plafonnement suivant les modalités rappelées au point 11 ci-dessus, représente, ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’a reconnu lors de l’audience, 20 % à 25 % du montant total de la facture d’un consommateur final moyen. Au vu de l’ampleur de cette charge, sa répercussion sur les consommateurs finals doit donc être considérée comme une conséquence prévue et organisée par le législateur allemand. C’est donc bien en raison de l’EEG de 2012 que les consommateurs finals d’électricité sont, de facto, tenus de payer ce supplément de prix ou surcoût. Il s’agit d’une charge unilatéralement imposée par l’État dans le cadre de sa politique de soutien aux producteurs d’électricité EEG et qui est assimilable, du point de vue de ses effets, à une taxe frappant la consommation d’électricité en Allemagne. En effet, cette charge est imposée par une autorité publique, à des fins d’intérêt public, à savoir la protection du climat et de l’environnement, en assurant le développement durable de l’approvisionnement énergétique, en développant les technologies de production d’électricité EEG et, selon un critère objectif, en fonction de la quantité d’électricité livrée par les fournisseurs à leurs clients finals (voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, points 43 à 47). Comme le souligne la Commission au considérant 99 de la décision attaquée, l’État ne s’est pas limité à définir les bénéficiaires de l’avantage, les critères d’admissibilité et le niveau de l’aide, mais il a également fourni les ressources financières nécessaires pour couvrir les coûts du soutien à l’électricité EEG. En outre, contrairement aux circonstances factuelles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348), il n’a pas été soutenu par la République fédérale d’Allemagne, et il n’y a pas non plus d’indication en ce sens dans le dossier, que l’initiative d’imposition, par le biais de la mesure en question, proviendrait de la part d’entités redevables ni que les GRT agiraient uniquement comme un instrument dans un schéma que ces entités auraient elles-mêmes prévu, ou encore qu’elles auraient elles-mêmes décidé de l’utilisation des ressources financières ainsi générées.

96      Dès lors, il y a lieu de qualifier les montants en cause, générés par le prélèvement EEG, prélevés sur les consommateurs finals d’électricité et qui ont pour origine l’obligation, imposée par l’EEG de 2012 aux GR, de verser une rémunération supplémentaire ou une prime de marché aux producteurs d’électricité EEG, de fonds impliquant une ressource d’État assimilables à une taxe (voir, par analogie, arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 66, et du 11 décembre 2014, Autriche/Commission, T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 68). En tout état de cause, ces fonds ne sauraient être analysés en une ressource propre des GRT auxquels l’État aurait simplement prescrit, par une mesure législative, une utilisation particulière, ces fonds n’étant, à aucun moment et ainsi que le souligne la Commission au considérant 128 de la décision attaquée, laissés à la libre disposition des GRT.

97      Il y a également lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, pour qu’une taxe, telle que celle en cause, puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, point 46 et jurisprudence citée). En l’espèce, il est constant qu’un tel lien est établi entre la taxe perçue par les GRT, à travers le prélèvement EEG, et l’aide en faveur du soutien à la production d’électricité EEG.

98      En ce qui concerne l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), sur lequel la République fédérale d’Allemagne cherche appui, il y a lieu de relever que, pour exclure la qualification d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Cour s’est fondée, en substance, sur le fait que la réglementation allemande en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, qui, d’une part, imposait aux entreprises privées d’approvisionnement en électricité d’acheter l’électricité EEG à des prix supérieurs à sa valeur économique réelle et, d’autre part, répartissait la charge financière en résultant entre les entreprises d’approvisionnement en électricité et les exploitants privés des réseaux d’électricité situés en amont, ne présentait pas d’éléments dont il aurait pu être déduit qu’il y avait un transfert direct ou indirect de ressources d’État. Dans de telles circonstances, la Cour a jugé que le fait que ladite réglementation conférait un avantage incontestable aux entreprises productrices d’électricité EEG et qu’un tel avantage était la conséquence de l’intervention des pouvoirs publics n’était pas suffisant pour qualifier d’aide la mesure en question.

99      Il ressort cependant de l’analyse du cadre factuel de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), que, contrairement à la mesure allemande faisant l’objet de la présente procédure, le mécanisme prévu par la précédente loi allemande ne prévoyait ni la répercussion explicite des surcoûts sur les consommateurs finals ni l’intervention d’intermédiaires chargés de la perception ou de la gestion des sommes constitutives de l’aide et, partant, ne prévoyait pas d’entités comparables, dans leur structure ou dans leur rôle, aux GRT pris collectivement.

100    Contrairement au cas d’espèce, l’avantage analysé par la Cour dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), consistait en la garantie, au profit des entreprises bénéficiaires, de la possibilité de revendre l’ensemble de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et en ce que le prix de vente dépassait le prix du marché, sans qu’aucun régime de financement de ce supplément de prix, au moyen d’un prélèvement assimilable à une taxe sur la consommation d’électricité, dont le montant est identique pour chaque KWh d’électricité fourni à un client final, soit mis en place.

101    De surcroît, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), les entreprises privées n’étaient pas, comme dans la présente affaire en cause, mandatées par l’État membre concerné pour gérer une ressource d’État, mais étaient seulement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 35). Dans la présente affaire, il est constant que l’obligation de rémunération supplémentaire des producteurs d’électricité EEG qui pèse sur les GRT n’est pas satisfaite au moyen de leurs ressources financières propres, mais bien au moyen des fonds générés par le prélèvement EEG, gérés par les GRT et exclusivement affectés au financement des régimes de soutien et de compensation mis en place par l’EEG de 2012.

102    Ainsi, les fonds en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), ne pouvaient être considérés comme une ressource d’État, puisqu’ils n’étaient à aucun moment sous contrôle public et qu’il n’existait aucun mécanisme, tel que celui en cause en l’espèce, instauré et réglementé par l’État membre, de compensation des surcoûts résultant de cette obligation d’achat et par lequel l’État garantissait à ces opérateurs privés la couverture intégrale desdits surcoûts (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 36).

103    Par ailleurs, il ressort également de l’analyse du cadre factuel de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), que, contrairement à la mesure allemande faisant l’objet de la présente procédure, le système créé par la précédente loi allemande ne prévoyait pas de mécanisme comparable au régime de compensation spécial, par lequel un plafonnement du prélèvement EEG pouvant être répercuté par les fournisseurs d’électricité sur les EEI est instauré.

104    Il résulte de ce qui précède que le système mis en place par la République fédérale d’Allemagne dans l’affaire en cause en l’espèce est substantiellement différent de celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), au regard notamment des modalités de gestion, d’utilisation, de prélèvement et d’affectation des fonds en cause.

105    En troisième lieu, il est certes constant que les GRT sont des organismes qui se présentent, pour la plupart, sous la forme de sociétés anonymes de droit privé. Toutefois, cela ne saurait être jugé suffisant, dans les circonstances particulières de l’espèce, pour écarter la conclusion relative à la présence de ressources étatiques dans le cadre des mesures issues de l’EEG de 2012.

106    En effet, comme cela a été relevé aux points 93 et 94 ci-dessus, les GRT sont chargés, en sus des attributions inhérentes à leur activité principale, de gérer le système d’aide à la production d’électricité EEG. Ils sont d’ailleurs contrôlés dans cette tâche, ainsi que le rappelle la Commission au considérant 107 de la décision attaquée, de sorte qu’ils ne peuvent utiliser les fonds perçus dans le cadre de la mesure en cause, qui leur sont fournis par les fournisseurs visés par cette dernière, à d’autres fins que celles prévues par le législateur allemand. Dans de telles circonstances, il convient de constater que, dans le cadre de l’exécution des missions issues de l’EEG de 2012 leur incombant, l’action de ces organismes n’est pas celle d’une entité économique agissant librement sur le marché aux fins d’obtenir des profits, mais est une action délimitée par le législateur allemand, qui l’a circonscrite quant à l’exécution desdites missions.

107    À cet égard, il convient d’ajouter que les GRT sont soumis à l’obligation de gérer les montants financiers, obtenus en application de la mesure en cause, sur un compte commun spécifique, relevant d’un contrôle par des instances étatiques, comme cela ressort, notamment, de l’article 61 de l’EEG de 2012. Cela constitue un indice additionnel, lorsqu’il est analysé avec les compétences et les obligations spécifiques attribuées par l’EEG de 2012 aux GRT, qu’il ne s’agit pas de fonds correspondant à des ressources normales appartenant au secteur privé, qui seraient à l’entière disposition de l’entreprise qui les gère, mais de ressources particulières, dont l’utilisation à des fins strictement déterminées a été prévue à l’avance par le législateur allemand (voir, par analogie, arrêt du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, EU:T:1998:7, points 106 à 108).

108    Plus particulièrement, s’agissant du contrôle des GRT par des instances étatiques, celui-ci s’exerce à de multiples niveaux. D’une part, un contrôle est effectué par la BNetzA. Conformément à l’article 61 de l’EEG de 2012, la BNetzA doit notamment, dans le cadre de ses missions de surveillance, contrôler que les GRT commercialisent l’électricité EEG conformément aux dispositions de l’article 37 de l’EEG de 2012 et qu’ils déterminent, fixent, publient et facturent aux fournisseurs d’électricité le prélèvement EEG en respectant les prescriptions législatives et réglementaires.

109    D’autre part, conformément à l’article 48 de l’EEG de 2012, la BNetzA se voit présenter, par les GRT, les données utilisées pour le mécanisme de compensation.

110    Or, l’existence d’un tel contrôle strict de la concordance des agissements des GRT avec le cadre légal prévu, même effectué a posteriori, s’inscrit dans la logique générale de la structure d’ensemble prévue par l’EEG de 2012. Ce contrôle corrobore ainsi la conclusion, tirée notamment à partir des compétences attribuées à ces organismes et adoptée au regard de leurs missions et obligations, selon laquelle les GRT n’agissent pas pour leur propre compte et librement, mais bien en tant que gestionnaires d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques. Même à supposer que le contrôle auquel sont soumis les GRT n’ait pas d’effet direct sur la gestion des fonds en question au jour le jour, il n’en reste pas moins qu’il s’agit bien d’un élément additionnel visant à s’assurer que l’action des GRT demeure bien circonscrite dans le cadre prévu par l’EEG de 2012.

111    Dans ces circonstances, il convient de constater que c’est à juste titre que la Commission a affirmé, au considérant 138 de la décision attaquée, lu avec les considérants 98 à 137 de ladite décision, que l’avantage prévu par les dispositions des articles 16 à 33 i de l’EEG de 2012 au profit des producteurs d’électricité EEG à travers les tarifs de rachat et les primes de marché s’apparentait, en l’espèce, à une taxe fixée par les autorités de l’État impliquant des ressources d’État en ce que ce dernier organisait un transfert de ressources financières à travers la législation et établissait à quelles fins ces ressources financières pouvaient être utilisées.

112    Cette conclusion vaut également pour l’avantage en faveur des gros consommateurs d’énergie que sont les EEI, en ce que le mécanisme de compensation prévu par l’EEG de 2012 constitue, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 114 de la décision attaquée, une charge supplémentaire pour les GRT. En effet, toute réduction du montant du prélèvement EEG a précisément pour conséquence de réduire les montants collectés auprès des EEI par les fournisseurs d’électricité et peut être considérée comme conduisant à des pertes de recettes pour les GRT. Toutefois, ces pertes sont récupérées par la suite auprès d’autres fournisseurs et, de fait, d’autres clients finals, afin de compenser les pertes ainsi encourues, comme l’a d’ailleurs confirmé la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal. Ainsi, le consommateur final moyen en Allemagne participe, d’une certaine manière, au subventionnement des EEI qui bénéficient d’un plafonnement du prélèvement EEG. D’ailleurs, la circonstance que les consommateurs finals d’électricité qui ne sont pas des EEI doivent supporter des surcoûts engendrés par le plafonnement du prélèvement EEG dont bénéficient ces derniers constitue, là encore, un indice additionnel, lorsqu’il est analysé avec les développements qui précèdent, que les fonds générés par le prélèvement EEG sont bien des ressources particulières, équivalentes à une taxe sur la consommation d’électricité, dont l’utilisation à des fins strictement déterminées a été prévue à l’avance par le législateur allemand dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique publique et non d’une initiative privée.

113    Ces conclusions ne sont pas invalidées par les autres arguments soulevés par la République fédérale d’Allemagne.

114    Dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne appuie également son argumentation sur la prétendue similitude des circonstances factuelles et juridiques de la présente affaire avec celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348), force est de constater que ces circonstances se distinguent de celles du litige en cause.

115    Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348), la question posée à la Cour était celle de la régularité, au regard de la législation relative aux aides d’État, d’une décision des autorités nationales compétentes étendant obligatoirement à l’ensemble des professionnels de la filière agricole de la production et de l’élevage de dindes un accord, conclu au sein de l’organisation interprofessionnelle représentative de ladite filière, qui institue une cotisation afin de financer des actions communes décidées par cette organisation.

116    Au point 36 de l’arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348), la Cour a constaté que les autorités nationales ne peuvent pas effectivement utiliser les ressources provenant des cotisations en cause pour soutenir certaines entreprises, dans la mesure où c’est l’organisation interprofessionnelle concernée qui décide de l’utilisation de ces ressources, qui sont entièrement consacrées à des objectifs déterminés par elle‑même.

117    En revanche, dans la présente affaire, il est constant que les GRT ne peuvent librement décider de l’utilisation des ressources générées par le prélèvement EEG et les consacrer, le cas échéant, à des objectifs qu’ils détermineraient eux-mêmes. En effet, en vertu de l’EEG de 2012, les GRT sont tenus d’administrer le prélèvement EEG dans l’unique perspective de rémunérer les producteurs d’électricité EEG. À cet égard, ils doivent consigner tous les flux financiers (dépenses et recettes) liés à l’EEG de 2012 dans un compte bancaire commun distinct de leur propre comptabilité et comparer le prélèvement EEG perçu avec la valeur qu’il aurait réellement dû avoir au cours d’une année donnée pour adapter le prélèvement pour l’année qui suit, ce afin d’exclure tout solde bénéficiaire ou déficitaire du compte bancaire utilisé pour la gestion des flux financiers liés à l’EEG de 2012. Ainsi, il ne saurait être contesté, dans la présente affaire, que les objectifs poursuivis par l’EEG de 2012, à savoir, principalement, le soutien aux producteurs d’électricité EEG mais aussi aux EEI, sont, contrairement à la situation de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348), entièrement déterminés par l’État par le biais du corpus législatif et réglementaire adopté de sa seule initiative.

118    Dès lors, l’absence d’accès effectif de l’État aux ressources générées par le prélèvement EEG, au sens où celles-ci ne transitent certes pas par le budget étatique, est sans incidence, en l’espèce, sur l’influence dominante de l’État sur l’utilisation de ces ressources et sur la capacité de ce dernier à décider, en amont, grâce à l’adoption de l’EEG de 2012, des objectifs à poursuivre et de l’utilisation desdites ressources dans leur intégralité.

119    En ce qui concerne les arrêts du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9), et du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235), invoqués par la République fédérale d’Allemagne dans son mémoire en réplique, il y a lieu de relever que, par ces arrêts, la Cour a jugé que, aux fins de la constatation de l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il doit être établi un lien suffisamment direct entre, d’une part, l’avantage accordé au bénéficiaire et, d’autre part, une diminution du budget étatique, voire un risque économique suffisamment concret de charges grevant celui-ci.

120    Il y a cependant lieu de constater, s’agissant des arrêts du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9), et du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235), que ceux-ci portent sur des circonstances factuelles différentes. Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que le terme « aide » implique nécessairement des avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État ou pour les organismes désignés ou institués à cet effet (voir arrêt du 1er décembre 1998, Ecotrade, C‑200/97, EU:C:1998:579, point 35 et jurisprudence citée). À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante, rappelée au point 35 ci-dessus, qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre les cas dans lesquels l’aide est accordée directement par l’État et ceux où elle est accordée par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État. Dès lors que, dans la présente affaire, les GRT ont été désignés pour administrer collectivement le prélèvement EEG et que la gestion des flux financiers engendrés par le fonctionnement des mécanismes issus de l’EEG de 2012 leur incombe, l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne tirée de ce que le régime de soutien à la production d’électricité EEG ne grève pas le budget de l’État ne permet pas d’écarter la présence de ressources d’État dans la présente affaire.

121    Ces conclusions ne sont pas non plus invalidées par les autres allégations de la République fédérale d’Allemagne.

122    Tout d’abord, il y a lieu d’écarter l’allégation selon laquelle ne serait en aucun cas versé au budget de l’État un éventuel trop perçu du prélèvement EEG. Certes, il découle du fonctionnement même de l’EEG de 2012 que, en tout état de cause et ainsi que les parties s’accordent à le reconnaître, les éventuels excédents ou déficits des GRT découlant du prélèvement EEG doivent être compensés, intérêts compris, l’année suivante dans le cadre de la fixation du prélèvement EEG. En effet, cette compensation, année par année, prévue par l’EEG de 2012, exclut, in fine, tout solde excédentaire ou déficitaire de la comptabilité des GRT dédiée à l’administration du prélèvement EEG, de sorte que l’hypothèse du versement au budget de l’État d’un éventuel trop perçu du prélèvement EEG est nécessairement irréalisable. Toutefois, ainsi que cela a été établi au point 111 ci-dessus, l’implication de ressources d’État dans la présente affaire découle précisément de ce que l’État organise un transfert de ressources financières à travers la législation et établit à quelles fins ces ressources financières doivent être utilisées, et non de l’existence de liens étroits avec le budget étatique.

123    En tout état de cause, il ressort de l’analyse de l’EEG de 2012 effectuée aux points 92 à 112 ci-dessus que, en principe, la mesure en cause prévoit un accès ininterrompu des GRT aux financements nécessaires pour exécuter les tâches d’intérêt public qui leur sont allouées pour l’exécution de leurs missions et qui tendent à la mise en œuvre d’une politique fixée par l’État. Or, cela ne fait que renforcer la conclusion selon laquelle les GRT n’agissent pas comme des entreprises typiques sur le marché, supportant l’ensemble des risques et des aléas habituels, incluant des risques financiers, mais bien comme des entités particulières dont le rôle est strictement délimité par la législation en cause.

124    Ensuite, s’agissant des allégations de la République fédérale d’Allemagne selon lesquelles, premièrement, la mesure en cause ne prévoit pas de lien avec le budget de l’État ou le budget d’une entité publique, deuxièmement, ni la BNetzA ni l’État, dans un sens plus large, ne déterminent le montant exact du prélèvement EEG, troisièmement, la nature étatique des ressources utilisées pour le régime de compensation spécial ne découle pas du rôle du BAFA et, quatrièmement, d’éventuels recours liés au système du prélèvement EEG suivent, conformément à la mesure en cause, la procédure judiciaire normale civile et non pas administrative, force est de constater que celles-ci doivent également être écartées.

125    En effet, d’une part, il a déjà été constaté que les fonds en cause devaient être qualifiés, dès le début, de financements étatiques, notamment en raison du fait que les consommateurs finals sont tenus de payer un supplément de prix assimilable à une taxe pour la mise en œuvre d’une politique fixée par l’État. D’autre part, il a également été relevé que les GRT agissaient, en ce qui concerne l’exécution des missions leur incombant, dans un cadre clairement délimité par le législateur allemand. Ils sont, d’ailleurs, strictement contrôlés par les autorités administratives allemandes compétentes. Or, des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique. En effet, il a déjà été jugé qu’un mécanisme de compensation intégrale des surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obligation d’achat d’électricité d’origine éolienne, à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement était supporté par tous les consommateurs finals d’électricité sur le territoire national, tel qu’il était prévu par la législation française analysée en l’espèce, constituait une intervention au moyen de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que, par analogie, point 26).

126    Enfin, s’agissant des allégations de la République fédérale d’Allemagne soulevées lors de l’audience et selon lesquelles le plafonnement du prélèvement EEG au bénéfice des EEI s’analyserait en une pratique de prix différenciés connue des économistes sous le nom de « Ramsey Pricing » (prix de Ramsey) ou en une subvention croisée entre petits et gros consommateurs d’électricité, force est de constater que celles-ci doivent aussi être écartées. Certes, l’existence même du prélèvement EEG résulte de choix politiques et son niveau ne peut pas être influencé par les consommateurs, de sorte que ce niveau peut être plus important, en proportion de la facture finale, à l’égard de petits consommateurs, lesquels sont moins sensibles que les EEI, du point de vue de la demande, aux modifications du prix de l’électricité. Cependant, il est, à cet égard, de jurisprudence constante que sont des aides au fonctionnement les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑177/10, EU:T:2014:897, point 92 et jurisprudence citée). Partant, le plafonnement en cause, qui permet aux EEI d’alléger les coûts liés à leur consommation d’électricité, lesquels entrent par définition dans le cadre de la gestion courante, s’analyse en une aide au fonctionnement impliquant, ainsi que cela a été démontré notamment aux points 95 et 96 ci-dessus, l’existence de ressources d’État.

127    Il découle de cette analyse que les mécanismes résultant de l’EEG de 2012 procèdent, à titre principal, de la mise en œuvre d’une politique publique de soutien aux producteurs d’électricité EEG fixée, à travers l’EEG de 2012, par l’État et que, premièrement, les fonds générés par le prélèvement EEG et administrés collectivement par les GRT demeurent sous l’influence dominante des pouvoirs publics, deuxièmement, les montants en cause, générés par le prélèvement EEG, sont des fonds impliquant une ressource d’État, assimilables à une taxe et, troisièmement, les compétences et missions attribuées aux GRT permettent de conclure que ces derniers n’agissent pas pour leur propre compte et librement, mais bien en tant que gestionnaires, assimilés à une entité exécutant une concession étatique, d’une aide accordée au moyen de fonds étatiques.

128    Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’EEG de 2012 impliquait des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

129    Partant, il convient d’écarter le troisième moyen et de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Bieliūnas

Forrester

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.