Language of document : ECLI:EU:T:2008:339

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 septembre 2008 (*)

« Recours en annulation – Fonds de cohésion – Règlement (CE) n° 1164/94 – Réduction d’un concours financier – Absence d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑26/07,

Serviço Intermunicipalizado de Gestão de Resíduos do Grande Porto (Lipor), établi à Baguim do Monte (Portugal), représenté par Mes P. Moura Pinheiro, M. Gorjão Henriques et F. Quintela, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Guerra e Andrade et A. Weimar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 5008 de la Commission, du 17 octobre 2006, relative à la réduction du concours du Fonds de cohésion en ce qui concerne certains projets relatifs à l’usine d’incinération des déchets solides urbains d’origine ménagère de la région de Porto,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. O. Czúcz, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Selon l’article 1er du règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1), dans sa version applicable au moment des faits, le Fonds de cohésion contribue au renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté.

2        L’article 2 dudit règlement prévoit que le Fonds de cohésion fournit une contribution financière à des projets qui contribuent à la réalisation des objectifs fixés par le traité UE, dans les domaines de l’environnement et des réseaux transeuropéens d’infrastructures de transport dans les États membres dont le produit national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire et qui ont mis en place un programme visant à satisfaire les conditions de convergence économique visées au traité CE.

3        Par ailleurs, le règlement n° 1164/94 prévoit que les projets bénéficiant du soutien du Fonds de cohésion sont choisis d’un commun accord par la Communauté, représentée par la Commission, et par l’État membre. La demande d’aide est présentée par l’État membre qui doit prouver à la Commission que le projet pour lequel l’aide est demandée est conforme aux dispositions du règlement n° 1164/94 et qu’il est viable (article 10 du règlement n° 1164/94). Le concours du Fonds de cohésion est versé à l’entité désignée par l’État membre bénéficiaire (annexe II, article D, paragraphe 1, et article E, paragraphe 4, du règlement n° 1164/94). Le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du projet sont effectués par l’État membre et par la Commission (article 13 et annexe II, article F du règlement n° 1164/94). L’État membre bénéficiaire est responsable de la mise en œuvre de l’action et veille à ce que celle-ci fasse l’objet d’une publicité adéquate (article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1164/94). La Commission discute avec l’État membre des corrections financières à effectuer (annexe II, article H, du règlement n° 1164/94). Le paiement final du solde du concours est effectué après que l’État membre a certifié à la Commission l’exactitude de la déclaration des dépenses et a confirmé les informations relatives au paiement et le rapport final [annexe II, article D, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1164/94].

 Faits à l’origine du litige

4        Par les décisions de la Commission C (93) 3347/3, du 7 décembre 1993, C (94) 3721 final/3, du 21 décembre 1994, et C (96) 3923 final, du 17 décembre 1996, ultérieurement réunies dans la décision C (98) 2283 final, du 28 juillet 1998, le financement communautaire a été accordé pour l’installation d’une usine d’incinération des déchets solides urbains d’origine ménagère de la région de Porto (projets nos 93.10.61.016, 94.10.61.026 et 95.10.61.023).

5        Les projets ont été mis en œuvre par la requérante, Serviço intermunicipalizado de Gestão de Resíduos do Grande Porto (Lipor), qui est une association de municipalités de la zone métropolitaine de Porto constituée en 1982 pour résoudre les problèmes environnementaux posés par les déchets solides produits dans la zone.

6        Afin de mettre en œuvre les projets, la requérante a conclu plusieurs marchés, notamment avec l’entreprise Hidroprojecto – Consultores de Hidráulica e Salubridade, SA, devenue Hidroprojecto – Engenharia e Gestão, SA (ci-après « Hidroprojecto ») ou l’Instituto para o Ambiente e Desenvolvimento (IDAD).

7        À la suite d’une visite de contrôle des travaux réalisés au Portugal, effectuée entre le 13 et le 17 mai 2002, la Commission a adopté, le 17 octobre 2006, en vertu de l’article H de l’annexe II du règlement n° 1164/94, la décision C (2006) 5008 relative à la réduction de l’aide accordée au titre du Fonds de cohésion aux projets nos 93.10.61.016, 94.10.61.026 et 95.10.61.023 concernant l’installation d’une usine d’incinération des déchets urbains solides d’origine ménagère de la région de Porto (ci-après la « décision attaquée »). En vertu de son article 3, cette décision est adressée à la République Portugaise.

8        Par lettre datée du 22 novembre 2006 et reçue par Lipor le 27 novembre 2006, la République portugaise a communiqué la décision attaquée au chargé d’affaire du ministère de l’Environnement portugais pour le Fonds de cohésion et à Lipor.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2007, la requérante a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2007, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité du recours au motif que la requérante n’aurait pas qualité pour agir.

11      La requérante a soumis ses observations écrites sur l’exception d’irrecevabilité le 11 mai 2007.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée, adressée à l’État portugais, dans la mesure où l’aide totale octroyée par le Fonds de cohésion, au titre des décisions de la Commission C (93) 3347/3, du 7 décembre 1993, C (94) 3721 final/3, du 21 décembre 1994, et C (96) 3923 final, du 17 décembre 1996, réunies dans la décision C (98) 2283/final, du 28 juillet 1998, doit être considérée comme réduite de 1 511 591 euros, et la décision ordonnant le remboursement du même montant à l’État membre ;

–        annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il ordonne une correction financière de 100 % en ce qui concerne les marchés conclus par la requérante avec l’IDAD pour violation du principe de proportionnalité, et ordonner à l’État membre le remboursement de 458 683 euros ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement l’article 1er de la décision attaquée, pour violation du principe de proportionnalité, en ce qui concerne les marchés conclus par elle avec Hidroprojecto ;

–        toujours à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal estimerait qu’elle ne s’est pas intégralement conformée aux exigences de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p 1), condamner la Commission pour avoir violé le principe de proportionnalité en fixant à 100 % la correction financière relative au financement des marchés conclus avec Hidroprojecto ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

14      La Commission soutient que, selon le règlement n° 1164/94, les situations juridiques découlant de l’octroi du concours du Fonds de cohésion ne font intervenir que deux sujets, la Communauté et l’État membre bénéficiaire. Selon elle, il est manifeste qu’en sa qualité de personne responsable de l’exécution du projet Lipor n’a aucun droit subjectif à l’égard du concours du Fonds de cohésion.

15      La Commission ne nie pas la possibilité que, en tant que personne responsable de l’exécution du projet, Lipor puisse avoir un intérêt propre et autonome, cependant cet intérêt n’est pas de percevoir des fonds communautaires, mais simplement celui d’exécuter le projet et d’être payé. Cet intérêt n’est donc pas protégé par des dispositions communautaires.

16      La Commission rappelle que, d’après la décision C (98) 2283 final, par laquelle les fonds ont été initialement octroyés pour le projet, c’est la République portugaise qui adopte les règles à caractère contraignant pour la mise en oeuvre du projet. Comme il n’appartient pas à la Communauté de réglementer les intérêts relatifs au projet et aux dépenses qui y sont afférentes, la décision d’octroi du concours du Fonds de cohésion n’a donc pas produit directement des effets dans la sphère juridique de Lipor. Par conséquent, de toute évidence, la décision attaquée, qui a fait cesser partiellement les effets de la décision d’octroi, n’en a pas eu non plus.

17      Afin de motiver sa position, la Commission invoque la jurisprudence relative à l’affectation directe, en particulier les arrêts de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission (C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881), et du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission (C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591). Elle rappelle également que, dans l’ordonnance du 22 novembre 2006, Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission (T‑225/02, non publiée au Recueil), le Tribunal a déclaré qu’une décision à l’instar de la décision attaquée n’imposait pas à l’État membre l’obligation de récupérer les sommes non dues auprès de ceux qui les avaient perçues.

18      La Commission relève que, d’après sa lecture de la requête, aucun remboursement du trop-perçu n’a encore formellement été exigé de la requérante et que, en tout cas, si la République portugaise venait à exiger d’elle le remboursement, c’est l’acte administratif national que Lipor devrait attaquer (ordonnances du Tribunal du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, Rec. p. II‑2877, et du 13 janvier 2006, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05, non publiée au Recueil ; conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, précité, Rec. p. I‑3883).

19      La Commission relève que, pendant la procédure administrative ayant conduit à la décision attaquée, la République portugaise n’a pas toujours été d’accord avec la Commission et n’a pas admis l’existence d’irrégularités à certaines étapes de la mise en œuvre du projet. Par conséquent, rien n’empêcherait les autorités portugaises de s’abstenir de répercuter sur la requérante les éléments de la décision attaquée avec lesquels elle n’est pas d’accord.

20      La Commission considère que la requérante n’a ni qualité pour agir, ni intérêt à agir, et cette conclusion n’est pas influencée par le fait que la requérante a participé à la procédure administrative. Selon la Commission, ce qui prouverait que la décision attaquée concerne la requérante serait non pas la participation à l’audition, mais le droit d’y participer. Or, le règlement n° 1164/94 ne lui confère pas un tel droit. En tout état de cause, la participation à l’audition préalable concerne la question de savoir si la décision attaquée concerne la requérante individuellement, et non celle de son affectation directe.

21      La Commission relève également qu’il y a lieu de distinguer la position de la requérante dans la présente affaire de celle des requérantes dans les affaires concernant le Fonds social européen, fondées sur le règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application à la décision 83/516/CEE concernant les missions du Fonds social européen (JO L 289, p. 1), désormais abrogé, en vertu duquel les décisions de la Commission concernaient directement certaines personnes (arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, points 16 et 17, et du 14 décembre 2006, Branco/Commission, T‑162/04, non publié au Recueil).

22      La requérante fonde sa qualité pour agir sur plusieurs faits.

23      En premier lieu, les projets en cause sont tous des projets exécutés directement par Lipor et sous sa responsabilité, de sorte que les comportements dont la légalité est contestée par la Commission sont imputables à Lipor.

24      En second lieu, la requérante évoque le fait qu’elle a participé à la procédure administrative et qu’elle a assisté à une audience accordée par la Commission, comme la décision attaquée le mentionne.

25      Concernant les arguments soulevés par la Commission, la requérante relève d’abord que le présent recours a pour objet de contester un acte de la Commission et non un quelconque acte de droit national. Elle rappelle également que la jurisprudence de la Cour établit clairement que les juridictions communautaires ne sont pas compétentes pour contrôler la légalité d’actes nationaux et que les juridictions communautaires possèdent une compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes communautaires.

26      En outre, le fait que l’État membre soit bénéficiaire de l’aide accordée par le Fonds de cohésion ne préjuge pas ni n’interfère en lui-même avec la conclusion que c’est la requérante qui est directement affectée par la décision attaquée.

27      La requérante considère également que le renvoi par la Commission aux arrêts du 2 mai 2006 et du 22 mars 2007, Regione Siciliana, précités, n’est pas approprié, étant donné que les affaires ayant donné lieu à ces arrêts ne concernaient pas le Fonds de cohésion.

28      La requérante fait tout de même référence à l’arrêt du Tribunal du 18 octobre 2005, Regione Siciliana/Commission (T‑60/03, Rec. p. II‑4139), au soutien de son affectation directe par la décision attaquée. La requérante en déduit que l’obligation de restituer les sommes versées découle de manière automatique de la décision prise par la Commission. En outre, elle considère que cette jurisprudence ne serait pas infléchie par l’arrêt subséquent du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, précité. En tout état de cause, la présente affaire serait différente en ce qu’il ne s’agit pas d’une entité régionale ou locale, mais d’une association de communes.

29      Sur le plan factuel, la requérante relève qu’elle ne connaît aucun cas dans lequel la République portugaise, dans une situation similaire, aurait pris en charge le montant en question. Le budget d’État pour 2007 ne prévoit aucune rubrique relative au versement des sommes en cause au profit de l’État. Il est d’ailleurs significatif que la République portugaise n’ait pas attaqué la décision de la Commission, ce qui indique qu’elle entendait faire peser sur Lipor tout remboursement éventuel. Il s’agit donc d’une situation relevant parfaitement de la jurisprudence de la Cour, issue des arrêts du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, Rec. p. 897), et du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), puisque, en l’espèce également, les autorités portugaises ont toujours laissé entendre à la requérante qu’il incomberait à cette dernière d’assumer la responsabilité du remboursement des montants, quels qu’ils soient, pour peu que la Commission en décide ainsi. En résumé, la possibilité pour la République portugaise de ne pas exiger de Lipor qu’elle procède au remboursement serait purement théorique.

30      De plus, le fait qu’une décision ordonne le remboursement de sommes versées et que ce remboursement soit automatiquement imposé à Lipor en tant qu’entité ayant construit et mis en œuvre le système de gestion des déchets de la région de Porto montrerait que la décision attaquée produit des effets directs dans la sphère juridique de Lipor. Ainsi, force est de conclure, selon la requérante, que, dans la mesure où elle s’était portée candidate à la mise en œuvre d’un important projet dans le domaine environnemental, bénéficiant du soutien du Fonds de cohésion, elle a acquis un droit au bénéfice de ce concours à partir du moment où ledit concours – dont la seule base est constituée par le projet qu’elle a présenté – a été approuvé par la Commission.

31      Enfin, la requérante relève qu’elle se trouve dans une situation identique à celle du requérant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2006, Branco/Commission, précité. Dans cette affaire, la décision de la Commission était également adressée à l’État, et les autorités portugaises ont procédé exactement de la même manière qu’en l’espèce en envoyant une copie de la décision attaquée à l’entreprise Eugénio Branco et en lui demandant la restitution du trop-perçu.

32      Ainsi, la requérante affirme qu’elle se trouve dans une situation où l’acte national constitue une simple exécution technique et non discriminatoire et dans laquelle les effets de la décision prise par la Commission découlent directement de ladite décision. Par ailleurs, l’opinion de la requérante est confortée par la jurisprudence du Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), qui a affirmé, dans son arrêt du 24 mai 2006, que les actes d’exécution se bornant à mettre en œuvre ce qui a déjà été décidé dans l’acte destiné à être exécuté sont, en règle générale, non susceptibles de recours, puisqu’ils sont simplement confirmatifs, n’étant pas par nature des actes faisant grief ou n’affectant pas des intérêts légalement protégés, étant entendu que la lésion, si elle existe, découle d’un acte qui a antérieurement défini la situation de l’intéressé.

33      Par conséquent, si le Tribunal suit la position de la Commission, celle-ci, conjuguée à celle de la jurisprudence du Supremo Tribunal Administrativo, pourrait aboutir à un déni de justice à l’égard de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

35      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

36      En vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions visées aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

37      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a été notifiée à la République portugaise, de sorte que la requérante ne peut pas être considérée comme destinataire de ladite décision au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

38      Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si la requérante est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision au motif qu’elle est directement et individuellement concernée par celle-ci.

39      S’agissant de la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert que la mesure communautaire produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, précité, point 28, et ordonnance Regione Siciliana/Commission, précitée, point 53, et la jurisprudence citée).

40      Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (voir ordonnance Regione Siciliana/Commission, précitée, point 53, et la jurisprudence citée).

41      En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée, comme celle en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 2 mai 2006 et du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, précités, et à l’ordonnance Regione Siciliana/Commission, précitée, a été adressée par la Commission à l’État membre, et n’a pas imposé à ce dernier l’obligation de récupérer des sommes auprès des bénéficiaires finaux.

42      En effet, l’article 3 de la décision attaquée désigne la République portugaise comme la destinataire de cette décision, et, selon l’article 2, la République portugaise est obligée d’en informer le bénéficiaire final, dont le nom n’est pas mentionné.

43      Ainsi, il résulte de la décision attaquée, contrairement à ce que prétend la requérante, qu’elle ne contient aucune disposition enjoignant à la République portugaise de procéder, auprès de la requérante, à la récupération des sommes indues. À cet égard, l’obligation d’information du bénéficiaire final ne saurait être assimilée à une telle injonction. L’exécution correcte de la décision attaquée impliquait seulement que la République portugaise restitue au Fonds de cohésion les sommes indues (voir, en ce sens, ordonnance Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, précitée, point 47, et la jurisprudence citée).

44      La compétence décisionnelle de l’État membre est également confirmée par la réglementation communautaire. Ainsi, l’article 12 du règlement n° 1164/94 établit que, sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général des Communautés européennes, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier des projets. Selon l’article 5 du règlement (CE) n° 1831/94 de la Commission, du 26 juillet 1994, concernant les irrégularités et le recouvrement des sommes indûment versées dans le cadre du financement du Fonds de cohésion ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 191, p. 9), lorsqu’un État membre bénéficiaire estime que le recouvrement d’un montant ne peut pas être effectué ou attendu, il indique à la Commission, à l’occasion d’une communication spéciale, le montant non recouvré et les raisons pour lesquelles ce montant est, à son avis, à la charge de la Communauté ou de l’État membre bénéficiaire.

45      En outre, aucun élément du dossier ne permet de conclure que la République portugaise ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation, voire d’aucun pouvoir décisionnel, en ce qui concerne un tel remboursement (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 6 juin 2002, SLIM Sicilia/Commission, T‑105/01, Rec. p. II‑2697, point 52).

46      Dans ces circonstances, le remboursement des fonds communautaires versés à la requérante serait la conséquence directe non pas de la décision attaquée, mais de l’action exercée à cette fin par la République portugaise sur la base de la législation nationale, afin de satisfaire aux obligations découlant de la réglementation communautaire en la matière (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, points 19 et 20, et ordonnance du Tribunal du 25 avril 2001, Coillte Teoranta/Commission, T‑244/00, Rec. p. II‑1275, point 47).

47      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle dans l’ordre juridique portugais la lettre du chargé d’affaire du ministère de l’Environnement pour le Fonds de cohésion, exigeant le remboursement, est un acte déclaratif décrivant la situation juridique contre lequel aucun recours contentieux n’est possible.

48      L’exigence d’une protection juridictionnelle effective ne saurait, en effet, aboutir à écarter la condition de l’affectation directe posée par l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir ordonnance du Tribunal du 11 juin 2007, Município de Gondomar/Commission, T-324/06 R, non publiée au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée).

49      S’agissant de l’argument que la requérante tire de sa participation à la procédure administrative et à une audience accordée par la Commission (voir point 24 ci-dessus), le Tribunal partage le point de vue de la Commission, selon lequel ce qui prouverait que la décision attaquée concerne la requérante serait non pas la participation à l’audition, mais le droit d’y participer. Or, le règlement n° 1164/94 ne lui confère pas un tel droit.

50      Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la possibilité pour la République portugaise de ne pas exiger de Lipor qu’elle procède au remboursement serait purement théorique, au motif que, d’une part, le budget d’État pour 2007 ne prévoit aucune rubrique relative au versement des sommes en cause au profit de l’État et, d’autre part, la République portugaise n’a pas attaqué la décision de la Commission (voir point 29 ci-dessus), le Tribunal considère qu’il ne résulte d’aucun de ces faits que la République portugaise demandera automatiquement à la requérante de rembourser les sommes en cause. Ces circonstances ne sont pas donc pertinentes pour la résolution de l’affaire.

51      S’agissant de la référence à l’arrêt du 14 décembre 2006, de Branco/Commission, précité, faite par la requérante (voir point 31 ci-dessus), il y a lieu de relever que la décision en question dans cette affaire avait été adoptée sur la base du règlement n° 2950/83. Selon la jurisprudence, ce règlement n’octroyait pas à l’État membre concerné un quelconque pouvoir d’appréciation propre (voir arrêt du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T‑450/93, Rec. p. II‑1177, point 44, et la jurisprudence citée).

52      En revanche, la présente affaire concerne une réglementation différente, en l’occurrence le règlement n° 1164/94. Il résulte d’une lecture combinée de l’article 12, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 1164/94, de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 7 du règlement n° 1831/94 que l’État membre bénéficiaire dispose d’un réel pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le recouvrement des montants indûment payés au titre du Fonds de cohésion, lui permettant, le cas échéant, de renoncer à toute récupération et de supporter lui-même la charge de la restitution au Fonds de cohésion des montants indûment versés et non recouvrés. Dans ces circonstances, le remboursement par la requérante des fonds communautaires indûment versés serait la conséquence directe non de la décision attaquée, ni d’une autre disposition du droit communautaire ayant vocation à régir l’effet de celle-ci, mais de l’action exercée à cette fin par la République portugaise, sur la base de la législation nationale adoptée en exécution de la réglementation communautaire pertinente (voir ordonnance du Tribunal, Município de Gondomar/Commission, précitée, points 36 et 37, et la jurisprudence citée).

53      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée n’a pas produit directement d’effet sur la situation juridique de la requérante et que, partant, cette dernière n’est pas directement concernée par la décision attaquée.

54      Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée, il convient de rejeter le présent recours comme irrecevable.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’instance, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Serviço Intermunicipalizado de Gestão de Resíduos do Grande Porto (Lipor) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 10 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : le portugais.