Language of document : ECLI:EU:T:2003:115

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 avril 2003(1)

«Fonctionnaires - Recours - Délais - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-186/01,

Nicole Robert, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Strassen (Luxembourg), représentée par Me A. Lorang, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. von Hertzen et D. Moore, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Parlement de ne pas promouvoir la requérante au grade B 1 au titre de l'exercice de promotion 1999,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 28 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1.
    La requérante, fonctionnaire de grade B 2 du Parlement, avait vocation à être promue au grade B 1 depuis le 1er janvier 1995. Elle a été promue au grade B 1 au titre de l’exercice de promotion 2000.

2.
    Le bureau du Parlement a adopté, le 8 mars 1999, les «instructions en matière de promotion et de programmation des carrières» sur lesquelles le nouveau système de notation et de promotion est fondé. Aux termes de ces instructions, il est prévu que le mérite de chaque fonctionnaire est évalué chaque année au sein de sa direction générale à la suite de l’établissement de son rapport de notation. Dans ce cadre, chaque fonctionnaire méritant obtient chaque année un ou plusieurs «points de promouvabilité» dans une fourchette de un à trois points (un point = carrière lente; deux points = carrière normale; trois points = carrière rapide).

3.
    Le secrétaire général du Parlement a adopté, le 1er septembre 1999, les «instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité».

4.
    Le 22 septembre 1999, le directeur général de la requérante a proposé de lui attribuer trois «points de promouvabilité» par année pour les exercices de promotion 1997 et 1998.

5.
    Dans son avis du 4 novembre 1999, le comité des rapports a estimé qu’il devait être attribué seulement deux «points de promouvabilité» à la requérante pour les exercices de promotion 1997 et 1998, l’attribution d’un troisième point n’étant pas justifiée sur la base du rapport de notation.

6.
    Le 11 novembre 1999, le secrétaire général du Parlement a pris une décision d’attribution des points définitifs de promouvabilité pour les années 1997 et 1998. Il est notamment indiqué dans cette note, concernant la requérante, qu’elle dispose d’un bon rapport de notation qui ne comporte toutefois pas d’éléments exceptionnels permettant de justifier l’attribution d’un 3e «point de promouvabilité» et qu’il est recommandé de suivre l’avis du comité des rapports de lui accorder deux points pour chacune des années de référence.

7.
    Dans sa décision du 22 novembre 1999, rendue après examen du procès-verbal de la réunion du comité de promotion pour la catégorie B, le directeur général du personnel, en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN»), n’a pas mentionné la requérante parmi les fonctionnaires de grade B 2 promus au grade B 1 au titre de l’exercice de promotion 1999.

8.
    Le 7 décembre 1999, la requérante a saisi le comité des rapports afin de contester le nombre de «points de promouvabilité» qui lui a été attribué au titre des exercices de promotion 1997 et 1998 ainsi qu’au titre des exercices 1995 et 1996.

9.
    Le 14 décembre 1999, le comité des rapports, dans l’avis n° 142/99, a estimé que la transposition en «points de promouvabilité» des appréciations portées dans les rapports de notation de la requérante pour les exercices de promotion 1995 et 1996 était correcte.

10.
    Par lettre du 17 décembre 1999, le secrétaire général du Parlement a indiqué ce qui suit à la requérante:

«Objet: points de promouvabilité pour l’exercice 1997-1998

[.]

Conformément aux instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité, le comité des rapports rend un avis sur la 'liste des fonctionnaires pour lesquels les directeurs généraux et les chefs d’unité autonome proposent d’attribuer un 3e point’.

La tâche du comité des rapports était de vérifier que le rapport de notation des fonctionnaires concernés démontrait bien un niveau exceptionnel de prestation,notamment en indiquant des éléments factuels et précis. Dans son avis du 4 novembre 1999, le comité a estimé que votre rapport de notation ne répondait pas à ce critère.

J’ai décidé de suivre cet avis et par conséquent de vous accorder 2 points pour chacune des deux années de référence.»

11.
    Par lettre du 22 février 2000, le président du comité des rapports a transmis à la requérante l’avis n° 142/99, rendu par ledit comité le 14 décembre 1999, concernant l’attribution des points de promouvabilité pour les années 1995 et 1996.

12.
    Par lettre du 29 février 2000, enregistrée au Parlement le 9 mars 2000, la requérante a introduit, auprès du secrétaire général de cette institution, une réclamation sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»). Aux termes de sa réclamation, la requérante demande au secrétaire général du Parlement de reconsidérer la décision de ne lui accorder que deux «points de promouvabilité» par année pour la période allant de 1995 à 1998.

13.
    Par lettre du 10 mars 2000, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante de ce qui suit:

«Je confirme l’avis du comité [des rapports] relatif au calcul de vos points de promouvabilité pour 1995-1996. Quant à la période 1997-1998, je vous ai fait part de ma décision par lettre en date du 17 décembre 1999 dans laquelle je vous indiquais également la procédure suivie.»

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2000, la requérante a introduit un recours en annulation de la lettre du secrétaire général du Parlement du 10 mars 2000, lequel a été enregistré sous le numéro T-157/00.

15.
    Le 12 juillet 2000, le Parlement a envoyé à la requérante une lettre rédigée comme suit:

«Tout en regrettant le retard dans l’analyse de votre dossier, nous vous assurons qu’il sera traité dans les meilleurs délais. En effet, le nombre très élevé de réclamations et l’exigence d’un examen approfondi du contenu de votre réclamation n’a pas permis d’élaborer une réponse à celle-ci dans les délais prévus à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

Bien évidemment, la décision contre laquelle vous avez introduit une réclamation est celle du 17 décembre 1999 de Monsieur le secrétaire général du Parlement.

[...][L]a lettre du 10 mars 1999, par laquelle ce dernier confirme avoir examiné l’avis n° 142/99 du comité des rapports, n’est pas un rejet de votre réclamationdu 29 février 2000 mais une réponse à votre saisine du comité des rapports du 7 décembre 1999.»

16.
    Le 6 novembre 2000, le président du Parlement a adressé à la requérante une lettre rédigée comme suit:

«Par lettre du 29 février 2000, enregistrée au courrier officiel le 9 mars 2000, vous avez introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du secrétaire général datée du 17 décembre 1999 de confirmer l’avis n° 142/99 du comité des rapports vous accordant deux points de promouvabilité par année pour la période 1997-1998. Vous demandez également de reconsidérer les points attribués pour les années 1995 et 1996.

Étant donné que pour 1997-1998 vous étiez proposée pour l’attribution d’un troisième point par votre directeur général, j’ai décidé de saisir à nouveau le comité des rapports en ce qui concerne cet exercice. J’invite ce dernier à procéder à une comparaison très détaillée de votre rapport de notation et du niveau de vos mérites non seulement avec ceux des fonctionnaires de votre direction générale ayant obtenu trois points, mais également avec ceux des fonctionnaires ayant obtenu deux points.»

17.
    Par ordonnance du 15 novembre 2000, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours dans l’affaire T-157/00. À cet égard, le Tribunal a considéré que le recours était prématuré, puisque il a été introduit avant l’expiration du délai de réponse à la réclamation. Il a été jugé, à cet égard, que la lettre du secrétaire général du 10 mars 2000 (voir point 13 ci-dessus) ne pouvait pas être considérée comme une décision portant rejet de la réclamation de la requérante.

18.
    Le 21 mars 2001, le président du Parlement a adressé à la requérante une lettre ainsi rédigée:

«Par lettre du 22 février 2001 enregistrée au courrier officiel le 26 février suivant, vous vous interrogez sur l’issue de votre réclamation du 29 février 2000.

Conformément à ma lettre du 6 novembre 2000, j’ai invité le comité des rapports à procéder à un nouvel examen de votre rapport de notation pour la période 1997/1998 afin de le comparer à ceux des autres fonctionnaires ayant obtenu deux ou trois points de promouvabilité.

Le 11 janvier 2001, le comité des rapports m’a communiqué son avis qui fait actuellement l’objet d’une analyse minutieuse de l’unité réclamations juridiques ainsi que du service juridique du Parlement européen.

Dès que ces analyses seront achevées, vraisemblablement début avril, je vous informerai de l’issue définitive de votre réclamation.»

19.
    Le Parlement a, par lettre du 23 mai 2001, informé la requérante, notamment, de ce qui suit:

«Le comité des rapports a donné son avis en date du 11 janvier 2001.

[.]

Pour ma part, après avoir vérifié minutieusement les appréciations du comité des rapports, j’ai décidé de suivre son avis et de rejeter votre réclamation comme non fondée. En effet, deux points de promouvabilité par année, correspondant à une carrière normale, sont attribués aux fonctionnaires méritants dont le rapport de notation met en évidence, par le biais d’éléments factuels probants, la haute qualité d’ensemble de leurs compétence, rendement et intégrité pendant la période de référence.

[.]

Or, votre rapport de notation pour 1997-1998 mentionne un fonctionnaire méritant, ce qui justifie l’attribution de deux points de promouvabilité, et la comparaison avec les rapports des fonctionnaires de même grade permet de confirmer la décision du comité des rapports.»

Procédure

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2001, la requérante a introduit le présent recours.

21.
    Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2001, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

22.
    Le 24 octobre 2001, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

23.
    Par ordonnance du Tribunal (cinquième chambre) du 23 novembre 2001, l’examen de l’exception d’irrecevabilité a été joint à celui du fond et les dépens ont été réservés.

24.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

25.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience publique du 28 novembre 2002.

Conclusions des parties

26.
    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

—    constater que le Parlement a pris une décision contraire aux articles 4, 5, 7, deuxième alinéa, 9, 45 et à l’annexe 1 du statut;

—    annuler la décision du Parlement du 22 novembre 1999 de promouvoir douze autres fonctionnaires du grade B 2 au grade B 1;

—    annuler la décision du président du Parlement du 23 mai 2001;

—    condamner le Parlement aux dépens.

27.
    Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme étant irrecevable;

—    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé;

—    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

28.
    Le Parlement excipe de l’irrecevabilité du recours aux motifs du non-respect des délais de recours, de l’insuffisance de l’identification de l’acte faisant grief et de l’absence de concordance entre l’objet de la réclamation et celui du recours.

Sur le premier argument, tiré du non-respect des délais de recours

29.
    Le Parlement soutient que, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il disposait d’un délai de quatre mois à compter de l’introduction de la réclamation de la requérante, qui lui a été notifiée le 9 mars 2000, pour y répondre. À l’expiration de ce délai, le 10 juillet 2000, aucune décision explicite portant rejet de la réclamation de la requérante ne lui ayant été notifiée, ce défaut de réponse valait décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours dans un délai de trois mois. Ce délai a, selon le Parlement, expiré le 10 octobre 2000.

30.
    Le fait qu’une décision explicite portant rejet de la réclamation de la requérante soit intervenue le 23 mai 2001, c’est-à-dire postérieurement au délai de recours susmentionné, ne saurait justifier une extension de ce délai. Dès lors, le présent recours, introduit le 8 août 2001, devrait être déclaré irrecevable en vertu de l’article 91, paragraphe 3, du statut et de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509).

31.
    Le Parlement précise que la requérante a bénéficié des services d’un conseil, que le Tribunal a jugé que le recours T-157/00 avait été introduit prématurément et qu’il a, à cette occasion, insisté sur la nécessité de respecter les délais de recours, lesquels sont d’ordre public.

32.
    La requérante soutient que, dans sa lettre du 12 juillet 2000, le Parlement lui avait indiqué qu’il n’y avait pas eu de rejet de sa réclamation du 29 février 2000 et que, eu égard au nombre très élevé de réclamations introduites par d’autres fonctionnaires, il n’avait pas été possible de traiter sa réclamation. Il ne saurait donc être question d’un rejet implicite de sa réclamation, puisque le Parlement lui a demandé de patienter en attendant que soit adoptée une décision finale.

33.
    La requérante considère que, dans ces circonstances, il n’était pas question d’introduire un recours avant d’avoir pris connaissance de la position définitive du Parlement.

34.
    Or, ce ne serait que le 23 mai 2001 que le Parlement aurait explicitement rejeté la réclamation de la requérante, après avoir réexaminé sa situation en prenant en considération les éléments nouveaux.

35.
    En outre, le président du Parlement aurait donné des assurances à la requérante selon lesquelles, à la suite de sa réclamation, le comité des rapports serait à nouveau saisi. Il s’agissait donc, selon la requérante, d’une procédure nouvelle par laquelle le Parlement s’engageait à reconsidérer sa situation. Cet engagement aurait d’ailleurs été réitéré dans la lettre du président du Parlement du 21 mars 2001.

36.
    La loyauté qui devrait présider aux relations entre l’institution et le fonctionnaire ne saurait permettre que l’administration considère que, lorsqu’elle s’engage à réexaminer une situation, un tel examen ne puisse faire l’objet d’un recours. À cet égard, la requérante relève que le Parlement n’a nullement, en procédant de la sorte, invoqué le fait qu’un tel réexamen aurait un caractère gracieux qui l’exonérerait des voies de recours statutaires.

Sur le deuxième argument, tiré de l’insuffisance d’identification de l’acte faisant grief.

37.
    Le Parlement fait valoir que la requérante demande au Tribunal de conclure que la décision du Parlement est contraire au statut sans préciser l’auteur et la date de cette décision. Le premier chef de conclusions de la requête ferait référence à une «seule décision attaquée», alors que celui de la réplique viserait les «décisions attaquées».

38.
    En outre, le deuxième chef de conclusions de la requête ferait référence à la décision de promotion adoptée le 26 novembre 1999. Or, cette décision daterait du 22 novembre 1999 et n’aurait, en tout état de cause, jamais fait l’objet d’uneréclamation. En effet, la réclamation du 29 février 2000 ne concernerait que la décision du secrétaire général du 17 décembre 1999 relative à l’attribution des «points de promouvabilité». Ainsi, l’identification de l’acte faisant grief étant confuse, une telle demande devrait être rejetée en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

39.
    La requérante soutient que, tant dans le corps de sa requête que dans sa conclusion finale, elle a indiqué quelles sont les décisions attaquées et le nom de leur auteur, ce qui n’aurait d’ailleurs pas échappé au Parlement, lequel a commenté les deuxième et troisième chefs de conclusions de la requête.

Sur le troisième argument, tiré de l’absence de concordance entre l’objet de la réclamation et l’objet du recours

40.
    Le Parlement rappelle que, selon une jurisprudence constante, les conclusions des recours des fonctionnaires doivent avoir le même objet que celui de la réclamation administrative préalable et contenir des chefs de conclusions reposant sur la même cause que celle de la réclamation (arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, Rec. p. 4395, point 15; arrêts du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. I-A-283 et II-835, point 43, et du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T-193/96, RecFP p. I-A-495 et II-1495, point 47).

41.
    À cet égard, la réclamation du 29 février 2000 porterait seulement sur la décision de notation et l’attribution des «points de promouvabilité», c’est-à-dire sur la décision du secrétaire général du Parlement du 17 décembre 1999 et non sur la décision du directeur général du personnel du 22 novembre 1999 relative à la promotion d’autres fonctionnaires.

42.
    Cette décision du 22 novembre 1999, concernant la promotion des fonctionnaires de grade B 2 au grade B 1, aurait été portée à la connaissance de l’ensemble du personnel. En conséquence, la requérante aurait dû introduire une réclamation à l’encontre de cette décision au plus tard à l’échéance du délai de trois mois à compter de sa publication.

43.
    En outre, la procédure de notation et la procédure de promotion seraient deux procédures distinctes pour lesquelles deux AIPN différentes sont responsables. Le secrétaire général du Parlement serait ainsi l’AIPN compétente pour clôturer la procédure de notation et le directeur général du personnel du Parlement serait l’AIPN compétente pour décider de la promotion des fonctionnaires de catégorie B.

44.
    La réclamation de la requérante ne concernerait donc que la procédure de notation et l’attribution de ses «points de promouvabilité».

45.
    La requérante avance que la décision du 22 novembre 1999 ne la concernant pas, celle-ci ne lui a naturellement pas été communiquée.

46.
    En outre, en contestant la décision de promouvabilité dont elle faisait l’objet, la requérante aurait implicitement et nécessairement mis en cause les décisions relatives à ses collègues, lesquels, sur le fondement du seul système de notation, n’auraient pas dû bénéficier d’une promotion.

Appréciation du Tribunal

47.
    Il convient d’emblée de constater que, contrairement aux allégations du Parlement, il ressort des écrits de la requérante qu’elle a clairement identifié deux décisions dont elle demande l’annulation, à savoir la décision du Parlement du 22 novembre 1999 de promouvoir douze fonctionnaires au grade B 1, dont la date a été confirmée lors de l’audience, et la décision du président du Parlement du 23 mai 2001.

48.
    Selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont destinés à assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et sont d’ordre public, de sorte qu’ils ne peuvent être laissés à la disposition des parties et du juge (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C-246/95, Rec. p. I-403, point 21, et arrêt du Tribunal du 15 novembre 2001, Van Huffel/Commission, T-142/00, RecFP p. I-A-219 et II-1011, point 28). Les éventuelles exceptions ou dérogations à ces délais doivent être interprétées de manière restrictive (ordonnance du Tribunal du 15 décembre 1995, Progoulis/Commission, T-131/95, RecFP p. I-A-297 et II-907, point 36).

49.
    En l’espèce, il y a lieu de constater que, conformément aux dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut, en l’absence de réponse explicite du Parlement, dans un délai de quatre mois, à la réclamation de la requérante du 29 février 2000, notifiée au Parlement le 9 mars 2000, celle-ci a été implicitement rejetée le 10 juillet 2000.

50.
    Le délai de trois mois pour l’introduction du recours, prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut, a ainsi expiré le 20 octobre 2000, délai de distance inclus, sans qu’aucune décision explicite de rejet susceptible de faire de nouveau courir le délai de recours soit intervenue dans ledit délai, tel que le prévoit l’article 91, paragraphe 3, du statut.

51.
    Le présent recours ayant été introduit le 8 août 2001, il est tardif. Dès lors, la décision du secrétaire général du Parlement, du 17 décembre 1999, de n’accorder que deux points de promouvabilité à la requérante au titre des exercices de promotion 1997 et 1998 est, en principe, devenue définitive à son égard faute d’avoir fait l’objet d’un recours contentieux introduit dans les délais requis.

52.
    Il convient toutefois d’examiner si l’introduction tardive du recours de la requérante peut être justifiée par l’existence d’une erreur excusable de cette dernière susceptible de rouvrir les délais de recours prescrits à l’article 91, paragraphe 3, du statut.

53.
    En effet, afin de justifier l’introduction tardive de son recours, la requérante avance qu’il résulte des courriers que lui a fait parvenir le Parlement que ce dernier lui a assuré que sa situation serait réexaminée et qu’il serait répondu à sa réclamation.

54.
    S’agissant de la notion d’erreur excusable, il a été itérativement jugé qu’elle ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie (arrêts du Tribunal du 16 mars 1993, Blackmann/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, point 34, et du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514/93, Rec. p. II-621, point 40).

55.
    Par sa lettre du 12 juillet 2000 (voir point 15 ci-dessus), le Parlement a informé la requérante de la circonstance selon laquelle il n’avait pas été possible de traiter sa réclamation dans le délai de quatre mois prescrit à l’article 90, paragraphe 2, du statut et que celle-ci serait traitée dans les meilleurs délais.

56.
    Il ressort de cette lettre que le Parlement n’a pas tenté de dissuader la requérante d’introduire un recours contre la décision implicite portant rejet de sa réclamation intervenue le 10 juillet 2000 et que son contenu n’est pas de nature à avoir provoqué, dans l’esprit de cette dernière, une confusion quant au délai dans lequel elle était tenue d’introduire ce recours.

57.
    Quant aux lettres des 6 novembre 2000 et 21 mars 2001 (voir points 16 et 18 ci-dessus) aux termes desquelles le président du Parlement a informé la requérante, respectivement, de son intention de saisir à nouveau le comité des rapports afin qu’il réexamine le nombre de «points de promouvabilité» qui lui a été attribué et de la circonstance selon laquelle l’avis ainsi rendu par ledit comité le 11 janvier 2001 est analysé par l’unité «Réclamations juridiques» et par le service juridique du Parlement, elles ne peuvent pas être à l’origine d’une confusion dans l’esprit de la requérante quant à la computation du délai pour l’introduction du présent recours, dès lors que ces lettres lui ont été envoyées postérieurement à l’expiration de celui-ci, intervenue le 20 octobre 2000.

58.
    Il en est, a fortiori, de même s’agissant de la décision du président du Parlement du 23 mai 2001 de ne pas octroyer un troisième «point de promouvabilité» à la requérante pour chacune des années de la période allant de 1995 à 1998, laquelle constitue, selon le Parlement, une décision explicite portant rejet de sa réclamation.

59.
    Il s’ensuit que la notion d’erreur excusable n’étant pas applicable en l’espèce, elle ne saurait justifier l’introduction tardive du présent recours.

60.
    À titre subsidiaire, il convient de relever que la décision du président du Parlement du 23 mai 2001 a été adoptée à la suite de la nouvelle saisine du comité des rapports, laquelle constitue, tel que l’a admis le Parlement lors de l’audience, une procédure exceptionnelle non prévue par les dispositions applicables en l’espèce, à savoir les «instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité».

61.
    Ainsi, à supposer que la décision du 23 mai 2001 adoptée par le président du Parlement à l’issue de ce réexamen ne constitue pas une décision portant rejet de la réclamation de la requérante, mais une nouvelle décision au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Beiten/Commission, 206/85, Rec. p. 5301, point 8, et arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T-209/99, non encore publié au Recueil, point 48), il incombait à la requérante d’introduire une réclamation administrative contre cette décision, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

62.
    Dans cette hypothèse, le présent recours, en ce qu’il vise cette décision aux termes du troisième chef de conclusions de la requérante, doit également être rejeté comme étant irrecevable pour défaut de réclamation administrative préalable.

63.
    Par ailleurs, il y a lieu d’examiner l’argument du Parlement tiré de l’absence de concordance entre l’objet de la réclamation administrative et celui du présent recours.

64.
    Il convient à cet égard de rappeler que la règle de la concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une façon suffisamment précise les critiques formulées par l’intéressé à l’encontre de la décision contestée (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Allo/Commission, T-496/93, RecFP p. I-A-127 et II-405, point 26).

65.
    En l’espèce, il ressort des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante qu’elle demande l’annulation tant de la décision du Parlement, du 22 novembre 1999, de promouvoir au grade B 1 douze fonctionnaires dont elle ne fait pas partie que de la décision du président du Parlement, du 23 mai 2001, de ne pas lui accorder trois «points de promouvabilité» pour chacune des années de la période allant de 1995 à 1998.

66.
    Les moyens soulevés par la requérante dans le cadre de son recours viennent uniquement à l’appui de son deuxième chef de conclusions, tendant à obtenir l’annulation de la décision du Parlement, du 22 novembre 1999, relative à la promotion au grade B 1 de douze fonctionnaires dont elle ne fait pas partie et nepeuvent, même dans un esprit d’ouverture, être interprétés comme visant à contester le nombre de «points de promouvabilité» obtenus par la requérante pour les exercices de promotion 1995 à 1998.

67.
    Or, il convient de rappeler que, aux termes de sa réclamation du 29 février 2000, la requérante contestait uniquement le nombre de «points de promouvabilité» qui lui avait été accordé au titre des exercices de promotion 1995 à 1998 et non la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables effectuée dans le cadre de l’exercice de promotion 1999.

68.
    Dès lors, le présent recours est également irrecevable pour défaut de concordance entre les moyens soulevés par la requérante à l’appui de son recours et l’objet de sa réclamation.

69.
    Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant irrecevable.

Sur les dépens

70.
    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme étant irrecevable.

2)     Chacune des parties supportera ses propres dépens.

García-Valdecasas
Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français