Language of document : ECLI:EU:T:2022:315

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

1er juin 2022 (*) 

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption par le CRU d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Délégation de pouvoir – Droit d’être entendu – Droit de propriété – Obligation de motivation – Articles 14, 18 et 20 du règlement (UE) no 806/2014 »

Dans l’affaire T‑628/17,

Aeris Invest Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes M. Roca Junyent, R. Vallina Hoset, G. Serrano Fenollosa, E. Galán Burgos et M. Varela Suárez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

et

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes J. King et M.  Fernández Rupérez, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Meyring, S. Schelo, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

parties défenderesses,

soutenus par

Royaume d’Espagne, représenté par MM. L. Aguilera Ruiz et J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agents,

par

Parlement européen, représenté par Mmes P. López-Carceller, M. Martínez Iglesias, MM. L. Visaggio, J. Etienne, M. Menegatti et M. Sammut, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. de Gregorio Merino, J. Bauerschmidt, Mmes H. Marcos Fraile et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,  

et par

Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo, A. Rodríguez Conde, D. Sarmiento Ramírez-Escudero et J. Remón Peñalver, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du CRU, du 7 juin 2017, concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA et, d’autre part, de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español (JO 2017, L 178, p. 15),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, M. Jaeger, V. Kreuschitz, G. De Baere (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

1        À la suite de la crise financière de 2008, il a été décidé de créer une union bancaire au sein de l’Union européenne, fondée sur un corpus réglementaire unique, complet et détaillé pour les services financiers, valable pour l’ensemble du marché intérieur et comprenant un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires.

2        La première étape vers la création de l’union bancaire a consisté en l’établissement d’un mécanisme de surveillance unique (MSU) par le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63). Selon le considérant 12 de ce règlement, un MSU devrait garantir que la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit est mise en œuvre de manière cohérente et efficace, que le corpus réglementaire unique pour les services financiers s’applique de la même manière aux établissements de crédit de tous les États membres concernés et que ces établissements de crédit sont soumis à une surveillance de la plus haute qualité, sans qu’interviennent des considérations autres que prudentielles. À cette fin, le règlement no 1024/2013 confie à la Banque centrale européenne (BCE) des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

3        Par la suite, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), a été adoptée. Elle indique, dans son considérant 1, ce qui suit :

« La crise financière a révélé un manque criant, au niveau de l’Union, d’instruments permettant de faire face efficacement aux établissements de crédit et entreprises d’investissement […] peu solides ou défaillants. De tels instruments sont, en particulier, nécessaires pour éviter l’insolvabilité ou, en cas d’insolvabilité avérée, pour en minimiser les répercussions négatives en préservant les fonctions importantes, sur le plan systémique, de l’établissement concerné. Pendant la crise, ces défis ont pris une importance majeure, contraignant les États membres à utiliser l’argent des contribuables pour sauver des établissements. L’objectif d’un cadre crédible pour le redressement et la résolution est de rendre cette intervention aussi inutile que possible. »

4        L’objectif de la directive 2014/59 est de mettre en place des règles communes d’harmonisation minimale des dispositions nationales régissant la résolution des banques dans l’Union et prévoit une coopération entre autorités de résolution pour les défaillances de banques transfrontalières. À cet égard, la directive 2014/59 prévoit, notamment, dans son article 3, paragraphe 1, que chaque État membre désigne une ou, exceptionnellement, plusieurs autorités de résolution habilitées à appliquer les instruments de résolution et à exercer les pouvoirs de résolution.

5        Toutefois, considérant, d’une part, que la directive 2014/59 n’aboutissait pas à la centralisation du processus décisionnel en matière de résolution, qu’elle mettait essentiellement des instruments de résolution et des pouvoirs de résolution communs à la disposition des autorités nationales de chaque État membre et qu’elle laissait à celles-ci une marge d’appréciation pour le recours à ces instruments et l’utilisation des dispositifs nationaux de financement pour la résolution, et considérant, d’autre part, que cette directive n’empêchait pas complètement la prise de décisions distinctes et potentiellement divergentes sur la résolution des groupes transfrontaliers par les États membres, il a été décidé de mettre en place un mécanisme de résolution unique (MRU).

6        Ainsi, la seconde étape vers la création de l’union bancaire a consisté dans l’adoption du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un MRU et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

7        Le considérant 12 du règlement no 806/2014 indique :

« Il est essentiel, pour l’achèvement du marché intérieur des services financiers, que la résolution des banques défaillantes dans l’Union fasse l’objet de décisions effectives, notamment pour ce qui est de l’emploi des fonds perçus au niveau de l’Union. Au sein du marché intérieur, la défaillance des banques dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers de l’Union dans son ensemble. La mise en place de règles efficaces et uniformes et de conditions de financement identiques en matière de résolution d’un État membre à l’autre est dans l’intérêt non seulement des États membres dans lesquels les banques opèrent mais aussi de tous les États membres en général, puisqu’elle permet d’assurer des conditions de concurrence équitables et d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Les systèmes bancaires étant étroitement interconnectés au sein du marché intérieur, les groupes de banques ont une dimension internationale, et les banques comptent un pourcentage élevé d’avoirs étrangers. En l’absence du MRU, une crise affectant des banques dans un État membre participant au MSU aurait des répercussions systémiques plus graves, y compris dans les États membres non participants. La création du MRU garantira une approche neutre pour le traitement des banques défaillantes et renforcera par conséquent la stabilité des banques des États membres participants et préviendra la propagation des crises aux États membres non participants, facilitant ainsi le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble. Les mécanismes de coopération concernant les établissements établis à la fois dans des États membres participants et non-participants devraient être clairs et aucun État membre ou groupe d’États membres ne devrait faire l’objet, directement ou indirectement, d’une discrimination en tant que lieu de fourniture de services financiers. »

8        Le règlement no 806/2014, selon son article 1er, premier alinéa, a pour objet d’établir des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des entités définies à l’article 2 qui sont établies dans les États membres participants, à savoir les banques dont l’autorité de surveillance du pays d’origine est la BCE ou l’autorité compétente nationale dans les États membres dont la monnaie est l’euro ou dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro qui ont instauré une coopération rapprochée conformément à l’article 7 du règlement no 1024/2013 (voir considérant 15 du règlement no 806/2014).

9        L’article 1er, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que ces règles uniformes et cette procédure uniforme sont appliquées par le Conseil de résolution unique (CRU), établi par l’article 42 de ce même règlement, en collaboration avec le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ainsi que les autorités de résolution nationales, dans le cadre du MRU créé par ce même règlement. Il est également prévu que le MRU s’appuie sur un Fonds de résolution unique (FRU).

10      En application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU décide d’une mesure de résolution à l’égard d’un établissement financier établi dans un État membre participant lorsque les trois conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du même règlement sont remplies.

11      La première condition exige que la défaillance de l’entité soit avérée ou prévisible. L’évaluation de cette condition est réalisée par la BCE, après consultation du CRU, ou par le CRU, et elle est considérée comme remplie si l’entité se trouve dans l’une ou plusieurs des situations énumérées à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.

12      La deuxième condition suppose qu’il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielles empêchent la défaillance de l’entité dans un délai raisonnable.

13      La troisième condition implique qu’une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public, à savoir qu’elle est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs de la résolution, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

14      L’article 14 du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la résolution comme étant les suivants : assurer la continuité des fonctions critiques ; éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion ; protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ; protéger les déposants ainsi que les investisseurs, et protéger les fonds et les actifs des clients.

15      L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que, avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’entité concernée soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

16      Selon l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014, la valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres.

17      Lorsque les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution.

18      Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution, le CRU, le Conseil et la Commission doivent veiller à ce que la mesure de résolution soit prise conformément à certains principes énumérés à l’article 15 du règlement no 806/2014, parmi lesquels figurent le principe selon lequel les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ainsi que le principe selon lequel aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité.

19      Dans le dispositif de résolution, le CRU détermine l’application des instruments de résolution. L’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 énumère les différents instruments de résolution disponibles, à savoir la cession des activités, le recours à un établissement-relais, la séparation des actifs et le renflouement interne.

20      Dans le dispositif de résolution, le CRU peut également exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de l’entité concernée dans les conditions prévues à l’article 21 du règlement no 806/2014. Selon l’article 19 du règlement no 806/2014, une mesure de résolution peut également impliquer l’octroi d’une aide d’État ou de recourir au FRU.

21      Selon l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission. Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci, autres que ceux prévus au troisième alinéa, à savoir le respect du critère de l’intérêt public ou une modification importante du montant du FRU. S’agissant de ces derniers aspects discrétionnaires, dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil d’émettre des objections au dispositif de résolution adopté par le CRU au motif que celui-ci ne satisfait pas au critère de l’intérêt public ou d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du FRU prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU. Le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

22      L’article 18, paragraphe 9, du règlement no 806/2014 indique que le CRU veille à ce que les mesures de résolution nécessaires pour appliquer le dispositif de résolution soient prises par les autorités de résolution nationales concernées. Ces dernières sont destinataires du dispositif de résolution, qui leur donne instruction de prendre toutes les mesures nécessaires pour le mettre en œuvre, conformément à l’article 29 du même règlement, en exerçant tout pouvoir de résolution.

23      Postérieurement à l’adoption d’une mesure de résolution, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante, afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité. Cette valorisation peut conduire, en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, à dédommager les actionnaires ou créanciers s’ils ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

II.    Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

24      La requérante, Aeris Invest Sàrl, est une personne morale de droit luxembourgeois, qui était actionnaire de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.

A.      Sur la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution

25      Le groupe Banco Popular, dont Banco Popular était la société mère, était, à la date de la résolution, le sixième groupe bancaire espagnol.

26      En 2016, Banco Popular a procédé à une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros.

27      Le 5 décembre 2016, la session exécutive du CRU a adopté un plan de résolution du groupe Banco Popular (ci-après le « plan de résolution de 2016 »). L’instrument de résolution privilégié dans le plan de résolution de 2016 était l’instrument de renflouement interne prévu à l’article 27 du règlement no 806/2014.

28      Le 3 février 2017, Banco Popular a publié son rapport annuel de 2016 dans lequel elle a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, ainsi que la nomination d’un nouveau président.

29      Le 10 février 2017, DBRS Ratings Limited (DBRS) (devenu DBRS Morningstar) a dégradé la note de Banco Popular, avec une perspective négative, au regard de la situation affaiblie du capital de Banco Popular à la suite d’une perte nette plus forte que celle prévue dans son rapport annuel, mentionnée au point 28 ci-dessus, ainsi que des efforts de Banco Popular pour réduire son stock encore élevé d’actifs non performants.

30      Le 3 avril 2017, Banco Popular a annoncé le résultat d’audits internes indiquant que des corrections au rapport annuel de 2016 pourraient être nécessaires. Ces ajustements ont été effectués dans le rapport financier de Banco Popular pour le premier trimestre 2017.

31      Le 10 avril 2017, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Banco Popular, le président du conseil d’administration a annoncé que la banque envisageait soit une augmentation de capital, soit une transaction d’entreprise en raison de la situation du groupe en termes de fonds propres et de son niveau d’actifs non performants. Le président-directeur général de Banco Popular a été remplacé moins d’un an après sa prise de fonction.

32      À la suite de l’annonce du 3 avril 2017 sur le besoin d’ajustement des résultats financiers de 2016, DBRS a, le 6 avril, dégradé la note de Banco Popular en maintenant sa perspective négative. Standard & Poor’s, le 7 avril, et Moody’s Investors service (ci-après « Moody’s »), le 21 avril 2017, ont également dégradé la note de Banco Popular avec une perspective négative.

33      En avril 2017, Banco Popular a engagé une procédure de vente privée dans le but de réaliser sa vente à un concurrent fort, ce qui restaurerait sa situation financière. La date limite pour que les éventuels acquéreurs intéressés par l’acquisition de Banco Popular soumettent leur offre avait été fixée au 10 juin 2017, puis a été repoussée jusqu’à la fin du mois de juin 2017.

34      Le 5 mai 2017, Banco Popular a présenté son rapport financier pour le premier trimestre 2017, annonçant des pertes d’un montant de 137 millions d’euros.

35      Le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité (Liquidity Coverage Requirement) de Banco Popular est passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).

36      Par lettre du 16 mai 2017, Banco Santander, SA a informé Banco Popular qu’elle n’était pas en mesure de présenter une offre ferme dans le cadre de la procédure de vente privée.

37      Le 16 mai 2017, Banco Popular, dans une communication d’un fait pertinent à la Comisión nacional del mercado de valores (CNMV, Commission nationale du marché des valeurs, Espagne), a indiqué que des acquéreurs potentiels avaient manifesté leur intérêt dans la procédure de vente privée, mais qu’aucune offre ferme n’avait été reçue.

38      Le 19 mai 2017, l’agence FITCH a dégradé la note à long terme de Banco Popular.

39      Le 23 mai 2017, la présidente du CRU, Mme Elke König, a accordé un entretien à la chaîne de télévision Bloomberg, lors duquel elle a été interrogée, notamment, sur la situation de Banco Popular.

40      Dans le courant du mois de mai 2017, de nombreux articles de presse ont rapporté les difficultés de Banco Popular. À titre d’exemple, il convient de mentionner un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « Saracho commande la vente urgente de Popular à JP Morgan et Lazard en raison d’un risque de faillite » (Saracho encarga la venta urgente del Popular a JP Morgan y Lazard por riesgo de quiebra). Dans cet article, il est indiqué que le président de la banque avait mandaté JP Morgan et Lazard pour organiser la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite, dû à la fuite massive des dépôts des clients particuliers et institutionnels et qu’il considérait que la seule manière d’assurer la viabilité de la banque était la vente complète et imminente de l’ensemble du groupe. L’article relate que, « compte tenu de la persistance des sorties de dépôts et de la fermeture de sources de financement externes, la banque courrait un risque sérieux de faillite et que [son président] avait donc été contraint d’activer la mesure la plus drastique et de s’abstenir progressivement de vendre ses actifs afin d’améliorer les ratios de fonds propres et de satisfaire aux exigences de la BCE ».

41      Le 15 mai 2017, un article publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « La BCE inspecte Banco Popular pendant deux mois en plein processus de vente » (El BCE inspecciona a Banco Popular durante dos meses en pleno proceso de venta), rapporte que le plan de vente de Banco Popular, mis en œuvre par son président, a eu lieu après l’inspection de la BCE qui avait confirmé le déficit de provisions. Selon cet article, les inspecteurs de la BCE avaient conclu que les difficultés de Banco Popular seraient liées à son déficit de provisions pour couvrir son exposition immobilière et qu’il serait nécessaire d’éviter les sorties occasionnelles de dépôts. Ces inspecteurs auraient également exprimé leur mécontentement concernant la présentation des comptes de 2016.

42      Le 31 mai 2017, l’agence Reuters a publié un article intitulé « L’UE, mise en garde contre le risque d’une résolution de Banco Popular » (La UE, advertida de riesgo de una resolución ordenada en Banco Popular). Cet article mentionne notamment que, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur. Selon cet article, ce fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce » et avait déclaré que le CRU suivait la procédure (de Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention.

43      Le même jour, le CRU a publié un communiqué de presse visant à contester le contenu de cet article.

44      Les premiers jours de juin 2017, Banco Popular a dû faire face à des retraits de liquidités massifs.

45      Le 5 juin 2017, Banco Popular a présenté, le matin, une première demande d’apport urgent de liquidités à Banco de España (Banque d’Espagne), puis une seconde demande, dans l’après-midi, contenant une extension du montant sollicité, en raison d’importants mouvements de liquidités. Sur le fondement d’une demande de la Banque d’Espagne et à la suite de l’évaluation du même jour de la BCE relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, le conseil des gouverneurs de la BCE n’a pas émis d’objections à un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour la période allant jusqu’au 8 juin 2017. Banco Popular a reçu une partie de cet apport urgent de liquidités, puis la Banque d’Espagne a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

46      Le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

B.      Sur d’autres faits antérieurs à l’adoption du dispositif de résolution

47      Le 23 mai 2017, le CRU a chargé Deloitte, en qualité d’expert indépendant, de procéder à la valorisation de Banco Popular au titre de l’article 20 du règlement no 806/2014.

48      Le 24 mai 2017, le CRU a demandé à Banco Popular, sur le fondement de l’article 34 du règlement no 806/2014, les informations nécessaires en vue de la réalisation de sa valorisation. Le 2 juin 2017, il a également demandé à Banco Popular de fournir des informations sur la procédure de vente privée ainsi que de prévoir un accès à la salle de données virtuelle sécurisée que cette dernière avait établie dans le cadre de cette procédure.

49      Le 3 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/06, adressée au Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), concernant la commercialisation de Banco Popular (ci-après la « décision sur la commercialisation »). Le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU indiquait notamment que le FROB devait contacter les cinq acquéreurs potentiels qui avaient été invités à présenter une offre dans le cadre de la procédure de vente privée.

50      Parmi les cinq acquéreurs potentiels, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles.

51      Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, SA (BBVA), ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle.

52      Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

53      Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014.

54      Dans cette évaluation, la BCE a indiqué que, au cours des mois précédents, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts. Banco Popular a été confrontée à des sorties de trésorerie importantes sur tous les segments de clientèle. La BCE a énuméré les événements qui avaient conduit aux problèmes de liquidité auxquels devait faire face Banco Popular.

55      À cet égard, elle a relevé que, en février 2017, lors de la présentation de ses comptes annuels, Banco Popular avait divulgué un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à des pertes de 3,485 milliards d’euros en 2016, ainsi que le remplacement de son président de longue date, qui avait entrepris une révision de la stratégie de la banque. L’annonce de provisions additionnelles et de pertes de fin d’exercice avait entraîné une baisse de la note de Banco Popular par DBRS le 10 février 2017 et avait suscité de vives préoccupations de la part de la clientèle de Banco Popular, qui s’étaient traduites par des retraits importants et inattendus de dépôts et par une fréquence élevée de visites de clients dans les succursales de la banque.

56      La BCE a également indiqué que la publication par Banco Popular, le 3 avril 2017, d’une déclaration publique ad hoc informant du résultat de plusieurs audits internes pouvant avoir une incidence significative sur les états financiers de l’établissement ainsi que la confirmation que le président-directeur général de l’établissement serait remplacé moins d’un an après son entrée en fonction avaient déclenché une autre vague de retraits de dépôts. La BCE a relevé que cette vague de retraits de dépôts avait été également alimentée par :

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Standard & Poor’s le 7 avril 2017 ;

–        l’annonce par Banco Popular, le 10 avril 2017, qu’elle ne verserait pas de dividendes et qu’une augmentation de capital ou une transaction d’entreprise pourrait être nécessaire en raison de la situation tendue des fonds propres et de l’alignement nécessaire sur ses pairs de la couverture des actifs non performants ;

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Moody’s le 21 avril 2017 ;

–        la divulgation des résultats du premier trimestre 2017 qui étaient pires que prévu ;

–        la couverture médiatique négative et continue, comme les articles des 11 et 15 mai 2017 mentionnés aux points 40 et 41 ci-dessus, suggérant que le président de Banco Popular avait ordonné une vente urgente de la banque en raison d’un risque imminent de faillite ou de manque de liquidité et que la banque devait faire face à un besoin supplémentaire important de provisions résultant d’une inspection sur place par le superviseur.

57      La BCE a également constaté que les dépôts perdus depuis le 31 mai 2017 étaient particulièrement pertinents, après la divulgation dans les médias du fait que la banque pourrait être mise en liquidation si le processus de vente en cours n’était pas fructueux dans un très court délai.

58      En outre, la BCE a relevé que, bien que Banco Popular ait développé diverses mesures génératrices de liquidités supplémentaires au cours des semaines précédentes et ait commencé à les mettre en œuvre, l’ampleur des flux entrants réalisés et encore attendus était insuffisante pour remédier à l’épuisement de la position de liquidité de Banco Popular à la date de l’évaluation. Elle a également indiqué que, même avec le recours à l’apport urgent de liquidités pour lequel le conseil des gouverneurs de la BCE n’avait pas émis d’objections le 5 juin 2017, la situation de trésorerie à cette date ne suffisait pas pour garantir la capacité de Banco Popular à faire face à ses engagements au plus tard le 7 juin 2017.

59      La BCE a estimé que les mesures déjà adoptées par Banco Popular n’avaient pas été suffisamment efficaces pour inverser la détérioration de sa situation de trésorerie. Elle a relevé que, comme mesure alternative pour garantir sa capacité à faire face à ses engagements arrivant à échéance, Banco Popular tentait de mettre en œuvre une transaction d’entreprise, à savoir sa vente à un concurrent plus fort. Cependant, la BCE a considéré que, compte tenu de la détérioration de la situation de trésorerie de Banco Popular, de l’absence de preuve de la capacité de celle-ci de renverser sa situation de liquidité dans un proche avenir et du fait que les négociations n’avaient jusqu’alors pas abouti à un résultat positif, la confirmation d’une telle transaction privée n’était pas prévisible dans un délai qui permettait à Banco Popular de pouvoir s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

60      La BCE a constaté que, dans le même temps, il n’existait pas de mesures de surveillance ou d’intervention précoce disponibles permettant de rétablir la situation de trésorerie de Banco Popular de manière immédiate et lui assurant suffisamment de temps pour mettre en œuvre une transaction d’entreprise ou une autre solution. Les mesures à la disposition de la BCE en tant qu’autorité compétente, en vertu de la transposition nationale de l’article 104 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), et des articles 27 à 29 de la directive 2014/59 ou de l’article 16 du règlement no 1024/2013, ne pouvaient assurer que Banco Popular serait en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, étant donné l’ampleur et le rythme de la détérioration de la liquidité observée.

61      En conclusion, la BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

62      Le 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

63      Le même jour, le FROB a adopté une lettre contenant les informations sur la procédure de vente (ci-après la « lettre de procédure ») et fixant le délai de soumission des offres au 6 juin 2017 à minuit.

64      Toujours le même jour, BBVA, un des deux acquéreurs potentiels de Banco Popular, a informé le FROB qu’elle ne présenterait pas d’offre.

65      Également le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. Cette valorisation a notamment estimé la valeur économique de Banco Popular à 1,3 milliard d’euros dans le meilleur scénario, à moins 8,2 milliards d’euros dans le scénario le plus défavorable et à moins 2 milliards d’euros pour la meilleure estimation.

66      Le 7 juin 2017, Banco Santander a soumis une offre ferme.

67      Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par Banco Santander pour la vente des actions de Banco Popular était d’un euro. Le FROB a indiqué que son comité directeur avait retenu Banco Santander comme adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular et avait décidé de proposer au CRU de désigner Banco Santander comme acquéreur dans la décision du CRU relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.

C.      Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

68      Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement no 806/2014.

69      Selon l’article 1er du dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution.

70      Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public. À cet égard, le CRU a indiqué que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques de la banque et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.

71      À l’article 5.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé ce qui suit :

« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

72      L’article 6 du dispositif de résolution concerne la dépréciation des instruments de fonds propres et l’instrument de cession des activités. À l’article 6.1, le CRU a indiqué les mesures qu’il avait adoptées en application de son pouvoir de dépréciation prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

73      Ainsi, à l’article 6.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé :

–        d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

–        ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

–        ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;

–        enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».

74      L’article 6.3 du dispositif de résolution prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le FROB.

75      À l’article 6.5 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà consenti au transfert.

76      Le CRU a également indiqué que le transfert des « nouvelles actions II » devrait être effectué sur la base de l’offre contraignante de l’acquéreur du 7 juin 2017 et devrait être mis en œuvre par le FROB en application de la Ley 11/2015 de recuperación y resolución de entidades de crédito y empresas de servicios de inversión (loi 11/2015 de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises de services d’investissement), du 18 juin 2015 (BOE no 146, du 19 juin 2015, p. 50797, ci-après la « loi 11/2015 »).

77      Le dispositif de résolution a été soumis à la Commission pour approbation le 7 juin 2017 à 5 h 13.

78      Le 7 juin 2017 à 6 h 30, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15), et l’a notifiée au CRU. Par conséquent, le dispositif de résolution est entré en vigueur le même jour.

79      Il ressort du considérant 4 de la décision 2017/1246 ce qui suit :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement (UE) no 806/2014. »

80      Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014. Dans ce cadre, le FROB a donné son accord au transfert des nouvelles actions de Banco Popular issues de la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 (les « nouvelles actions II ») à Banco Santander.

D.      Sur les faits postérieurs à l’adoption de la décision de résolution

81      Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, Deloitte a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

82      Le 28 septembre 2018, à la suite d’une fusion par absorption, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular.

83      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2020/52 visant à déterminer si un dédommagement devait être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2). Dans cette décision, le CRU a considéré que les actionnaires et créanciers qui avaient été affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas droit à un dédommagement du FRU en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

III. Procédure et conclusions des parties

84      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

85      Par acte déposé au greffe le 15 novembre 2017, le CRU a demandé au Tribunal, en application de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, d’ordonner des mesures d’instruction concernant la production de certains documents mentionnés en annexe. Par décision du 30 novembre 2017, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande de mesure d’instruction à ce stade de la procédure.

86      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 6 et 30 novembre 2017 et les 5 et 13 décembre 2017, Banco Santander, le Conseil, le Royaume d’Espagne et le Parlement européen ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du CRU et de la Commission. Par décisions du 6 août 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions du Royaume d’Espagne, du Parlement et du Conseil, et, par ordonnance du 12 avril 2019, il a admis l’intervention de Banco Santander. Le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leur mémoire et la requérante et le CRU ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

87      Le 16 février 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le CRU à déposer la dernière version non confidentielle du dispositif de résolution ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 2, publiées sur son site Internet. Le CRU a déposé les documents dans le délai imparti.

88      Le 6 juillet 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties principales des questions écrites. Les parties principales ont répondu à cette demande dans le délai imparti.

89      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

90      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2020, la requérante a présenté un moyen nouveau au titre de l’article 84 du règlement de procédure. La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans les délais impartis.

91      Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

92      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2020, la requérante a produit une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

93      Le 16 mars 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le CRU à produire plusieurs documents. Par lettre du 30 mars 2021, le CRU a répondu que les documents demandés étaient en partie confidentiels et qu’ils pourraient être produits si le Tribunal adoptait une mesure d’instruction.

94      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 avril 2021, la requérante a déposé une nouvelle offre de preuve et une demande de mesures d’organisation de la procédure. La Commission, le CRU, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

95      Par ordonnance du 12 mai 2021, le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, de produire les versions intégrales du dispositif de résolution, de la valorisation 2, de l’évaluation de la BCE du 6 juin 2017 sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, de la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, y compris son annexe, et de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017. Le Tribunal a également ordonné au CRU de produire les versions non confidentielles de la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, y compris son annexe, et de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017.

96      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2021, la requérante a présenté une demande de mesures d’organisation de la procédure. La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Parlement, le Conseil et Banco Santander ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

97      Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en exécution de l’ordonnance du 12 mai 2021 et a transmis à la requérante ainsi qu’au Royaume d’Espagne, au Parlement, au Conseil et à Banco Santander la lettre du 6 juin 2017 de Banco Popular à la BCE sans son annexe.

98      Deux membres de la troisième chambre élargie ayant été empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné deux autres juges pour compléter la chambre.

99      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 juin 2021.

100    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2021, la requérante a présenté une demande de réouverture de la phase orale de la procédure, au titre de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure. Par décision du 27 août 2021, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a rejeté cette demande, aucune des conditions prévues à l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure n’étant remplie en l’espèce, les éléments sur lesquels la requérante fondait sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure n’étant pas susceptibles d’exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal.

101    La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le dispositif de résolution et la décision 2017/1246 (ci-après, pris ensemble, les « décisions attaquées ») ;

–        condamner le CRU aux dépens.

102    La Commission et le CRU concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

103    Le Royaume d’Espagne, le Conseil et Banco Santander concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

104    Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur la nouvelle offre de preuves du 19 avril 2021

105    Par acte déposé au Tribunal le 19 avril 2021, la requérante a présenté une nouvelle offre de preuve sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cette preuve concerne une demande d’accès aux documents adressée par la requérante au CRU, le 4 mai 2018, visant à obtenir la valorisation définitive ex post de Banco Popular et la réponse du CRU du 19 juin 2018.

106    La Commission, le CRU et Banco Santander font valoir que ces documents ne sont pas pertinents pour le présent litige.

107    Selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

108    Selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (voir arrêt du 17 décembre 2014, Si.mobil/Commission, T‑201/11, EU:T:2014:1096, point 64 et jurisprudence citée).

109    Il suffit de constater que la nouvelle offre de preuve présentée par la requérante concerne un échange de courrier entre elle et le CRU, concernant une demande d’accès à des documents, datant des mois de mai et de juin 2018. Partant, ces documents ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité des décisions attaquées dès lors qu’ils sont largement postérieurs à l’adoption de celles-ci.

110    De plus, la requérante n’explique pas quelle information contenue dans cet échange de courrier serait pertinente pour la solution du litige et n’identifie pas quel argument soulevé dans la requête ou la réplique cet échange est censé soutenir.

111    Il y a donc lieu de considérer que la nouvelle offre de preuve présentée par la requérante le 19 avril 2021 n’est pas pertinente aux fins d’apprécier la légalité des décisions attaquées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la requérante a justifié la production tardive de ces documents qui, compte tenu de leur date, étaient déjà à sa disposition avant le dépôt de la réplique.

B.      Au fond

112    À l’appui de son recours, la requérante soulève, dans la requête, dix moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, consacrés par les articles 15 et 296 TFUE et par les articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans et de l’article 88 du règlement no 806/2014. Le troisième moyen est tiré d’une exception d’illégalité, en ce que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 violent les principes relatifs à la délégation de pouvoir. Le quatrième moyen est tiré d’une exception d’illégalité en ce que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent le droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, et le principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE. Le cinquième moyen est tiré d’une exception d’illégalité en ce que les articles 18 et 20 du règlement no 806/2014 violent le droit d’être entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte. Le sixième moyen est tiré de la violation du droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, TUE. Le septième moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte. Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 18 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE. Le neuvième moyen est tiré de la violation des articles 14 et 20 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE. Le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 14 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE.

113    Dans la réplique, la requérante soulève deux moyens nouveaux. Le onzième moyen est tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 14, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphes 11 et 15, du même règlement, ainsi que de la violation des formes substantielles. Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphes 3 et 5, du même règlement.

114    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

115    D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60, et du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, point 76 ; voir, également, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 163 et jurisprudence citée).

116    D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34 ; du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 100 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2020, Iberpotash/Commission, T‑257/18, EU:T:2020:1, point 96 et jurisprudence citée).

117    Les décisions que le CRU est amené à adopter dans le cadre d’une procédure de résolution étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 115 et 116 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

118    Toutefois, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57 et jurisprudence citée ; du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée, et du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 115 et jurisprudence citée).

119    À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation du dispositif de résolution, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans ce dispositif (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2018, Lubrizol France/Conseil, C‑223/17 P, non publié, EU:C:2018:442, point 39 ; du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 108 et jurisprudence citée).

120    Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, les exceptions d’illégalité soulevées dans les troisième, quatrième et cinquième moyens, puis le huitième moyen et, enfin, les autres moyens.

1.      Sur le troisième moyen, tiré dune exception dillégalité en ce que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 violent les principes relatifs à la délégation de pouvoir

121    La requérante fait valoir que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 violent les principes établis par les arrêts du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), et du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), en matière de délégation de pouvoirs par les institutions. La délégation au CRU du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014, et du pouvoir de cession des activités, prévu à l’article 24 du même règlement, ne respecterait pas les trois conditions établies dans ces arrêts, à savoir les objectifs ne seraient pas établis avec précision, les circonstances et les conditions dans lesquelles ces pouvoirs pourraient être exercés ne seraient pas délimitées et le respect du principe de proportionnalité ne serait pas garanti.

122    La Commission, le Parlement et le Conseil font valoir, en substance, que le législateur de l’Union n’a pas délégué de pouvoirs discrétionnaires au CRU, dans la mesure où le dispositif de résolution du CRU ne produirait des effets juridiques contraignants que s’il est approuvé par la Commission ou le Conseil. Les pouvoirs prévus par les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 nécessiteraient une approbation de la Commission conformément à l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Le pouvoir de décider sur des questions impliquant des appréciations discrétionnaires étant réservé à la Commission ou au Conseil, ces derniers assumeraient ainsi la responsabilité juridique et politique de déterminer la politique de résolution de l’Union.

123    Il convient de relever que les traités ne comportent aucune disposition prévoyant l’octroi de compétences à un organe ou à une agence de l’Union. Ainsi, ni l’article 290 TFUE, qui prévoit la délégation de pouvoirs réglementaires à la Commission dans le cadre d’actes législatifs, ni l’article 291 TFUE, qui confère des compétences d’exécution aux États membres, à la Commission et, dans certaines circonstances précises, au Conseil, ne mentionnent les agences (conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2013:562, point 75).

124    C’est donc la jurisprudence, et notamment l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), qui a posé les principes en matière de délégation de pouvoirs. Ensuite, l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), a appliqué ces principes au cas où des pouvoirs autonomes ont été conférés à une agence par le législateur de l’Union.

125    Au point 41 de l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), la Cour a indiqué que, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), elle avait souligné, en substance, que les conséquences résultant d’une délégation de pouvoirs étaient très différentes selon que cette dernière visait, d’une part, des pouvoirs d’exécution nettement délimités et dont l’usage, de ce fait, était susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l’autorité délégante ou, d’autre part, un « pouvoir discrétionnaire, impliquant une large liberté d’appréciation, susceptible de traduire par l’usage qui en [était] fait une véritable politique économique ».

126    La Cour a ajouté avoir également indiqué, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), qu’une délégation du premier type n’était pas susceptible de modifier sensiblement les conséquences qu’entraînait l’exercice des pouvoirs qu’elle affectait, alors qu’une délégation du second type, en substituant les choix de l’autorité délégataire à ceux de l’autorité délégante, opérait un « véritable déplacement de responsabilité » (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 42).

127    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la procédure d’adoption des mesures de résolution mise en place par le législateur dans le règlement no 806/2014 faisait suite aux observations formulées par le service juridique du Conseil dans un avis du 7 octobre 2013, relatif à la proposition de règlement de la Commission, qui visait à apprécier la compatibilité de la procédure prévue initialement dans la proposition de règlement avec les principes en matière de délégation de pouvoirs, tels qu’ils sont interprétés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

128    À l’origine, dans la proposition de règlement examinée dans cet avis, la répartition des compétences entre la Commission et le CRU était différente de celle qui a été finalement retenue dans le règlement no 806/2014. Notamment, la Commission avait le pouvoir de soumettre une entité à une résolution, d’établir un cadre pour l’utilisation des instruments de résolution et de décider si et comment les pouvoirs de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres devaient être utilisés et le CRU, conformément au cadre fixé par la Commission, était compétent pour adopter les décisions adressées aux autorités de résolution nationales.

129    Dans son avis, le service juridique du Conseil a relevé que certaines mesures que le CRU pouvait inclure dans une décision de résolution n’étaient pas définies avec suffisamment de précision. Le service juridique du Conseil a considéré que l’économie générale et la structure de la proposition de règlement, dans laquelle la Commission adopte la décision de résolution de base et le CRU est tenu d’agir dans le cadre des critères établis par la Commission, étaient conformes au droit de l’Union tel qu’il est interprété dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Il a estimé que, cependant, les pouvoirs du CRU de mettre en œuvre les instruments de résolution et ses décisions semblaient, dans une certaine mesure, de nature discrétionnaire et aller au-delà de l’exercice de pouvoirs purement techniques. Il a conclu que, dès lors, il pourrait être nécessaire soit d’inclure dans le règlement d’autres dispositions dans le but d’encadrer correctement l’application par le CRU des instruments de résolution, soit d’impliquer dans l’exercice de ces pouvoirs une institution de l’Union investie de compétences d’exécution.

130    Le législateur de l’Union, prenant en considération cet avis du service juridique du Conseil, a modifié le mécanisme d’adoption des mesures de résolution. Dans la mesure où l’adoption d’une mesure de résolution implique une marge d’appréciation discrétionnaire, le législateur a réservé cette compétence à une institution et non au CRU.

131    Cela ressort, en particulier, des considérants 24 et 26 du règlement no 806/2014 qui prévoient :

« (24)      Étant donné que seules les institutions de l’Union peuvent définir la politique de l’Union en matière de résolution et qu’il existe une marge d’appréciation dans l’adoption de chaque dispositif de résolution spécifique, il est nécessaire de prévoir la participation appropriée du Conseil et de la Commission, en tant qu’institutions qui peuvent exercer des pouvoirs d’exécution conformément à l’article 291 [TFUE]. La Commission devrait procéder à l’évaluation des aspects discrétionnaires des décisions de résolution prises par le CRU. Compte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de résolution soit conféré au Conseil. Il appartiendrait alors au Conseil, sur proposition de la Commission, d’assurer le contrôle effectif de l’appréciation, par le CRU, de l’existence d’un intérêt public et d’évaluer toute modification importante du montant du Fonds à utiliser pour une mesure de résolution donnée. […]

(26)      […] Le CRU, s’il estime réunis tous les critères relatifs au déclenchement de la résolution, devrait adopter le dispositif de résolution. La procédure relative à l’adoption du dispositif de résolution, qui suppose la participation de la Commission et du Conseil, renforce la nécessaire indépendance opérationnelle du CRU tout en respectant le principe de délégation des pouvoirs aux agences, selon l’interprétation qu’en donne la Cour de justice de l’Union européenne […]. Par conséquent, le présent règlement prévoit que le dispositif de résolution adopté par le CRU entre en vigueur uniquement si le Conseil ou la Commission, dans un délai de vingt-quatre heures après l’adoption du dispositif de résolution par le CRU, n’émet aucune objection, ou le dispositif de résolution est approuvé par la Commission. Les raisons pour lesquelles le Conseil pourrait, sur proposition de la Commission, contester le dispositif de résolution du CRU devraient se limiter strictement à l’existence d’un intérêt public ou de modifications importantes apportées par la Commission au montant utilisé dans le cadre du Fonds, tel que proposé par le CRU. […] En sa qualité d’observateur aux réunions du CRU, la Commission devrait, de manière régulière, vérifier que le dispositif de résolution adopté par le CRU respecte en tous points le présent règlement, qu’il assure un équilibre approprié entre les différents objectifs et intérêts en jeu, qu’il respecte l’intérêt public et que l’intégrité du marché intérieur est préservée. Étant donné que la mesure de résolution exige une prise de décision très rapide, le Conseil et la Commission devraient coopérer étroitement et le Conseil ne devrait pas reproduire le travail de préparation déjà entrepris par la Commission. […] »

132    Ainsi, s’agissant de la procédure de résolution, l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 prévoit que la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci et qu’un dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

133    Dès lors, en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, il est nécessaire qu’une institution de l’Union, à savoir la Commission ou le Conseil, approuve le dispositif de résolution sur ses aspects discrétionnaires pour que celui-ci produise des effets juridiques. Le législateur de l’Union a ainsi confié à une institution la responsabilité juridique et politique de déterminer la politique de l’Union en matière de résolution, évitant de ce fait un « véritable déplacement de responsabilité » au sens de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

134    Comme le soutiennent la Commission, le Parlement et le Conseil, le législateur européen, en établissant la procédure d’adoption d’une mesure de résolution prévue par le règlement no 806/2014 et en réservant expressément la décision sur les aspects discrétionnaires d’une telle mesure aux institutions de l’Union, n’a pas délégué de pouvoir autonome au CRU.

135    À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner les compétences conférées au CRU par l’article 21 du règlement no 806/2014 relatif au pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres et par l’article 24 du même règlement relatif à l’instrument de cession des activités, visés dans l’exception d’illégalité soulevée par la requérante.

136    Tout d’abord, il y a lieu de relever que le choix de l’instrument de cession des activités et l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres dans le cadre d’une mesure de résolution supposent que les conditions d’adoption d’un dispositif de résolution visées à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 soient remplies. En particulier, ils impliquent que la mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public, au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014.

137    Or, en application de l’article 18, paragraphe 7, troisième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la Commission, après transmission du dispositif de résolution par le CRU, peut proposer au Conseil d’émettre des objections au dispositif de résolution au motif que le dispositif de résolution adopté par le CRU ne satisfait pas au critère de l’intérêt public visé au paragraphe 1, sous c), de cet article.

138    Le respect de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 conditionne la décision de soumettre un établissement à une procédure de résolution et le contrôle de la nécessité de la mesure au regard de l’intérêt public implique l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire impliquant une large marge d’appréciation. Pour ce motif, le législateur de l’Union a expressément conféré à la Commission, et éventuellement au Conseil, et non au CRU, le contrôle du respect de cette condition.

139    Selon l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, « [a]ux fins du paragraphe 1, point c), du présent article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure ».

140    L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 indique :

« Lorsqu’ils agissent en vertu de la procédure de résolution visée à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales, dans le cadre de leurs compétences respectives, tiennent compte des objectifs de la résolution et choisissent les instruments de résolution et les pouvoirs de résolution qui, selon eux, sont les mieux à même de réaliser les objectifs de la résolution pertinents dans les circonstances de l’espèce ».

141    Il en ressort qu’il appartient à la Commission, dans le cadre de son évaluation du respect du critère de l’intérêt public, d’apprécier si le choix de l’instrument de résolution et si l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres sont adaptés et proportionnés aux objectifs de la résolution. Il en ressort également que la Commission doit apprécier si le dispositif de résolution envisagé par le CRU est adapté aux circonstances propres à l’entité concernée, eu égard notamment aux motifs pour lesquels cette dernière a été considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible.

142    Dès lors, d’une part, il y a lieu de considérer que le choix de l’instrument de cession des activités prévu à l’article 24 du règlement no 806/2014 comme instrument de résolution participe de la proportionnalité de la mesure au regard du critère de l’intérêt public et que le règlement no 806/2014 prévoit expressément qu’il appartient à la Commission soit de l’approuver soit d’émettre des objections. Il y a donc lieu de considérer que cet article ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au CRU.

143    D’autre part, s’agissant de l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014, il y a lieu de relever que cet article opère de nombreux renvois à la procédure de l’article 18 du même règlement, notamment à l’article 21 paragraphe 9, qui prévoit que « [s]i une ou plusieurs des conditions visées au paragraphe 1 sont réunies et si les conditions visées à l’article 18, paragraphe 1, sont également réunies, la procédure fixée à l’article 18, paragraphes 6, 7 et 8, s’applique ». Ainsi, la décision de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de l’entité concernée est soumise à la procédure d’adoption du dispositif de résolution de l’article 18 du règlement no 806/2014 et, notamment, à l’approbation de la Commission.

144    En outre, le pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres fait partie des pouvoirs de résolution visés à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, dont l’utilisation doit être proportionnée au regard des objectifs de la résolution et qui relèvent de l’appréciation par la Commission du respect du critère de l’intérêt public. Il y a donc lieu de considérer que l’article 21 du règlement no 806/2014 ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au CRU.

145    Par ailleurs, il convient de rappeler que le choix de l’instrument de cession des activités et l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, en tant qu’éléments essentiels du dispositif de résolution, ne produisent d’effets juridiques que si une institution de l’Union, à savoir la Commission ou le Conseil, les a approuvés.

146    Partant, il y a lieu de considérer que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 ne contiennent pas de délégation de pouvoirs autonomes au CRU au sens de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

147    Par ses arguments, la requérante fait valoir, en substance, que la délégation de pouvoirs conférés au CRU par les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 ne respecte pas les conditions posées par l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), mentionnées au point 121 ci-dessus.

148    Or, dans la mesure où il a été constaté que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 ne conduisaient pas à une délégation de pouvoirs au CRU, les conditions posées par la Cour dans l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), visant à apprécier si une délégation de pouvoirs autonomes conférés à une agence était conforme aux principes posés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), ne sont donc pas applicables en l’espèce. Partant, les arguments de la requérante, visant à établir que les conditions posées par cet arrêt n’étaient pas réunies, ne sont pas pertinents.

149    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que l’exception d’illégalité des articles 21et 24 du règlement no 806/2014 doit être rejetée.

2.      Sur le quatrième moyen, tiré dune exception dillégalité en ce que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent le droit de propriété, consacré par larticle 17 de la Charte, et le principe de proportionnalité prévu à larticle 5, paragraphe 4, TUE

150    La requérante, sur le fondement de l’article 277 TFUE, soulève une exception d’illégalité des articles 15 et 22 du règlement no 806/2014. Elle fait valoir, en substance, que ces dispositions, en ce qu’elles contraignent les actionnaires à être les premiers à supporter les pertes en toutes circonstances, portent atteinte, d’une part, au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Charte, sans que cette restriction puisse être considérée comme justifiée conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, et, d’autre part, au principe de proportionnalité garanti par l’article 5, paragraphe 4, TUE.

151    La requérante soutient que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 restreignent le droit de propriété des actionnaires en ce que ces derniers sont tenus de supporter les pertes découlant de la résolution. Ces articles empêcheraient de rechercher des solutions moins restrictives et ne rempliraient donc pas les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. À cet égard, elle soutient qu’il n’est pas possible d’établir une présomption générale selon laquelle il existerait un intérêt public à ce que les pertes soient supportées en premier lieu par les actionnaires, sans possibilité d’examiner d’autres mesures. La requérante estime que l’autorité publique devrait pouvoir évaluer l’intérêt public à ne pas utiliser de fonds publics ou à ne pas recourir au FRU dans chaque cas concret, en fonction de la situation des finances publiques, de la situation du marché, du contexte économique ainsi que de la solvabilité de l’établissement.

152    La requérante fait également valoir que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent le principe de proportionnalité garanti par l’article 5, paragraphe 4, TUE, dans la mesure où le CRU devrait pouvoir vérifier au cas par cas s’il existe un intérêt public à ce que les pertes soient supportées par les actionnaires ou si le droit de la propriété doit primer en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce. Ces articles établiraient également une discrimination entre les différentes catégories de créanciers, notamment au regard de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 806/2014.

153    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les dispositions dont la requérante conteste la légalité contiennent des principes généraux régissant la résolution ou les instruments de résolution.

154    L’article 15, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution définie à l’article 18, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales prennent toutes les dispositions appropriées afin que la mesure de résolution soit prise conformément aux principes suivants :

a)      les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ;

[…] »

155    L’article 22, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Lorsque le CRU décide d’appliquer un instrument de résolution à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 2, ou à une entité ou un groupe visé à l’article 7, paragraphe 4, point b), et paragraphe 5, lorsque les conditions d’applications de ces paragraphes sont remplies, et que cette mesure de résolution se traduirait par des pertes à charge des créanciers ou par une conversion de leurs créances, le CRU donne instruction aux autorités de résolution nationales d’exercer le pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21 immédiatement avant l’application de l’instrument de résolution ou simultanément. »

156    Il y a lieu de considérer que la dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres prévues par l’article 22 du règlement no 806/2014 constituent une application du principe selon lequel les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes, prévu par l’article 15 du même règlement.

157    L’article 17, paragraphe 1, de la Charte prévoit :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

158    L’article 52, paragraphe 1, de la Charte indique :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

159    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70 et jurisprudence citée ; arrêts du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 85, et du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 100).

160    Il en ressort que le droit de propriété n’est pas un droit absolu, mais qu’il peut subir des limitations si celles-ci sont prévues par les textes applicables, nécessaires à la poursuite d’un objectif général et proportionnées à cet objectif.

161    En premier lieu, il ressort de la jurisprudence que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Les banques et les établissements de crédit sont une source essentielle de financement pour des entreprises actives sur les différents marchés. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 50 ; du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 72, et du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

162    Selon la Cour, l’objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 69).

163    La Cour a déjà jugé que, compte tenu de l’objectif consistant à assurer la stabilité du système bancaire dans la zone euro, et eu égard au risque imminent de pertes financières auquel les déposants auprès des banques concernées auraient été exposés en cas de faillite de ces dernières, certaines restrictions au droit de propriété pouvaient être justifiées (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 74).

164    La Cour a également jugé que, bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir à travers l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système financier (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 91, et du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 54).

165    À cet égard, le considérant 61 du règlement no 806/2014 prévoit que les restrictions aux droits des actionnaires et des créanciers devraient être conformes aux principes énoncés à l’article 52 de la Charte et que les instruments de résolution ne devraient donc s’appliquer qu’aux entités dont la défaillance est avérée ou prévisible et uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre l’objectif de stabilité financière dans l’intérêt général.

166    Il convient de relever que l’article 15, paragraphe 1, et l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoient expressément qu’ils sont mis en œuvre dans le cadre d’une mesure de résolution, ce qui implique qu’ils répondent aux objectifs d’une résolution.

167    À cet égard, l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, prévoit que les objectifs de la résolution sont les suivants : assurer la continuité des fonctions critiques, éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel, protéger les déposants et protéger les fonds et les actifs des clients.

168    Partant, il y a lieu de considérer que l’objectif poursuivi par une mesure de résolution visant à garantir la stabilité du système financier constitue un objectif d’intérêt général qui, en application de la jurisprudence citée aux points 162 à 164 ci-dessus, peut justifier certaines restrictions au droit de propriété. Les limitations du droit de propriété des actionnaires que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 pourraient induire répondent à ce même objectif d’intérêt général reconnu par l’Union et sont donc susceptibles d’être justifiées, conformément aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

169    En second lieu, il convient de rappeler que l’application des articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 suppose que les conditions d’adoption d’une mesure de résolution soient remplies.

170    S’agissant des conditions d’adoption d’une mesure de résolution, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que l’entité visée par la mesure de résolution doit être en situation de défaillance avérée ou prévisible, qu’il ne doit pas exister de perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et que la mesure doit être nécessaire dans l’intérêt public.

171    Il convient également de relever, comme cela ressort notamment de l’article 18, paragraphe 8, du règlement no 806/2014, qu’une mesure de résolution constitue une solution alternative à une procédure normale d’insolvabilité.

172    La Cour a jugé, s’agissant des actionnaires des banques, que, selon le régime général applicable au statut des actionnaires des sociétés anonymes, ceux-ci assument pleinement le risque de leurs investissements (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 73).

173    La Cour a estimé, dans le domaine des aides d’État, que les actionnaires étant responsables des dettes de la banque à concurrence du capital social de celle-ci, le fait que les points 40 à 46 de la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (« communication concernant le secteur bancaire ») (JO 2013, C 216, p. 1) exigent que, pour remédier au déficit de fonds propres d’une banque, préalablement à l’octroi d’une aide d’État, ces actionnaires contribuent à absorber les pertes subies par celle-ci dans la même mesure qu’en l’absence d’une telle aide d’État ne saurait être considéré comme affectant leur droit de propriété (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 74).

174    Il y a lieu de considérer, par analogie, que, dans le cas d’une entité faisant l’objet d’une mesure de résolution, l’application du principe selon lequel les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes, prévu par l’article 15 du règlement no 806/2014, et l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, prévu par l’article 22 du même règlement, sont la conséquence du fait que les actionnaires d’une entité doivent supporter les risques inhérents à leurs investissements et du fait que, cette entité faisant l’objet d’une résolution en raison de sa défaillance, ils doivent en supporter les conséquences économiques.

175    La requérante soulève plusieurs arguments visant à soutenir que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent le principe de proportionnalité en ce qu’ils ne permettent pas une analyse au cas par cas ou l’examen d’autres solutions.

176    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêts du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée, et du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 166 et jurisprudence citée]. Ce principe est rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE ainsi qu’à l’article 1er du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité UE et au traité FUE.

177    Premièrement, la requérante soutient que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 s’appliquent en toutes circonstances, sans qu’il soit tenu compte des circonstances de chaque cas d’espèce.

178    Certes, l’article 15 du règlement no 806/2014 contient un principe qui doit guider toute mesure de résolution, dans la mesure où les actionnaires doivent assumer les risques liés à leurs investissements. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en application de la jurisprudence citée au point 173 ci-dessus, la contribution des actionnaires aux pertes de la banque ne saurait constituer une atteinte à leur droit de propriété.

179    Toutefois, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, l’application de ce principe ne conduit pas automatiquement à l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, prévu à l’article 22 du règlement no 806/2014, dans chaque hypothèse où une entité fait l’objet d’une mesure de résolution.

180    Ainsi, concernant la participation des actionnaires et des créanciers, l’article 21 du règlement no 806/2014 indique les conditions dans lesquelles le pouvoir de dépréciation et de conversion d’instruments de fonds propres est exercé.

181    En outre, il y a lieu de relever que l’article 22 du règlement no 806/2014 n’impose pas l’application d’un instrument de résolution spécifique. Il appartient au CRU et à la Commission de décider, en fonction des circonstances de l’espèce, de l’instrument de résolution le plus approprié.

182    Deuxièmement, la requérante soutient que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 empêcheraient de rechercher des solutions moins restrictives, telles que le recours au FRU, à des fonds publics ou à des prêts, en fonction des circonstances. Il y a lieu de considérer que cet argument repose sur une compréhension erronée du mécanisme de résolution.

183    En effet, d’une part, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, l’adoption d’une mesure de résolution et, partant, l’exercice, dans ce cadre, du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres présupposent l’absence de solution alternative de nature privée ou prudentielle.

184    Les solutions moins restrictives envisagées par la requérante ne sauraient donc être considérées comme des mesures alternatives à la participation des actionnaires et des créanciers dans le cadre d’une mesure de résolution.

185    De plus, la requérante semble ne pas tenir compte du fait que la mesure de résolution constitue une alternative à une situation de liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité. Si les difficultés rencontrées par une banque pouvaient être résolues au moyen de prêts, qu’ils soient de nature publique ou privée, une procédure de résolution ne pourrait être engagée, dans la mesure où la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014 ne serait pas remplie.

186    D’autre part, il y a lieu de relever que l’octroi d’une aide d’État ou d’une aide du FRU n’est pas exclue dans le cadre d’une mesure de résolution en application de l’article 19 du règlement no 806/2014. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, en fonction des circonstances de l’espèce, le CRU et la Commission peuvent décider d’autoriser le recours à des fonds publics ou au FRU.

187    Troisièmement, la requérante ajoute, dans la réplique, que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 ne permettraient pas d’avoir recours à des solutions plus souples, notamment en cas de crise de liquidité, qui ne constitue pas le problème le plus grave qu’une banque peut connaître, telles que des prêts des autorités publiques ou un apport de liquidités de la BCE.

188    Par cet argument, la requérante semble reprocher au législateur de ne pas avoir envisagé à l’article 22 du règlement no 806/2014 d’autre solution qu’une mesure de résolution pour résoudre des difficultés qu’une banque est susceptible de rencontrer. Il suffit de constater que cet argument est inopérant, dans la mesure où, si une banque n’est pas dans une situation où elle remplit les conditions pour faire l’objet d’une mesure de résolution, cela ne ressort pas du champ d’application du règlement no 806/2014.

189    En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, une crise de liquidité est susceptible de conduire une banque à une situation dans laquelle elle ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou dans laquelle il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir, ce qui constitue une des hypothèses, prévue par l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, dans laquelle une entité sera considérée en situation de défaillance avérée ou prévisible.

190    Quatrièmement, la requérante soutient que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent également le principe de proportionnalité en ce qu’ils établissent une discrimination entre les différentes catégories de créanciers et qu’un traitement privilégié injustifié serait accordé aux détenteurs de dépôts.

191    Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la Charte, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 55 ; du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 191, et du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 98).

192    À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que l’article 15, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014 prévoit que « les créanciers de l’établissement soumis à une procédure de résolution supportent les pertes après les actionnaires, conformément à l’ordre de priorité de leurs créances en vertu de l’article 17, sauf dispositions contraires expresses du présent règlement ». L’article 15, paragraphe 1, sous f), du règlement no 806/2014 prévoit que les créanciers d’une même catégorie sont traités sur un pied d’égalité.

193    De plus, l’article 21, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 indique également que « [l]e CRU veille à ce que les autorités de résolution nationales exercent, sans retard, les pouvoirs de dépréciation ou de conversion selon l’ordre de priorité des créances visé à l’article 17 ». Cette disposition prévoit un ordre de priorité des créances et distingue, à cet égard, différentes catégories de créanciers, les détenteurs d’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, les détenteurs d’instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et les détenteurs d’instruments de fonds propres de catégorie 2.

194    Les actionnaires et les créanciers détenteurs d’instruments subordonnés, selon leur appartenance à une de ces catégories, ne sont pas dans une situation comparable et sont susceptibles de recevoir un traitement différent selon l’ordre de priorité de leurs créances. En outre, le respect du principe de non-discrimination entre les créanciers est garanti par l’article 15 paragraphe 1, sous f), du règlement no 806/2014.

195    D’autre part, les actionnaires d’une banque ne sont pas dans une situation comparable avec les déposants. Contrairement aux actionnaires, les déposants ne sauraient être considérés comme des investisseurs devant assumer les risques économiques d’un investissement dans le capital social de la banque.

196    En outre, la protection des déposants fait partie des objectifs de la résolution en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous d), du règlement no 806/2014 et est rappelée à l’article 15, paragraphe 1, sous h), du même règlement. Le règlement no 806/2014 assure ainsi la conformité d’une mesure de résolution avec les principes posés par la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149).

197    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 conduisaient à une restriction disproportionnée du droit de propriété.

198    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de tenir compte du fait que le règlement no 806/2014 a prévu un mécanisme visant à garantir que les atteintes au droit de propriété des actionnaires, qui pourraient découler de la mesure de résolution, ne soient pas disproportionnées.

199    À cet égard, le considérant 62 du règlement no 806/2014 prévoit que les atteintes aux droits de propriété ne devraient pas être disproportionnées et que les actionnaires et les créanciers affectés ne devraient donc pas subir de pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies si l’entité avait été liquidée au moment où la résolution a été décidée.

200    Parmi les principes généraux régissant la résolution, l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014 établit le principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, à savoir :

« aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si une entité visée à l’article 2 avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité conformément aux mesures de sauvegarde prévues à l’article 29. »

201    Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’entité concernée avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 prévoit qu’une valorisation est réalisée postérieurement à la résolution. Selon l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014, cette valorisation établit s’il existe une différence entre le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et les créanciers si l’établissement avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise et le traitement réel dont ils ont fait l’objet dans le cadre de la résolution.

202    Si, à la suite de cette valorisation, il est établi que les actionnaires ou les créanciers ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU peut recourir au FRU pour les dédommager.

203    Ainsi, le règlement no 806/2014 garantit que les actionnaires et les créanciers ne subiront pas, du fait de la résolution, de traitement plus défavorable que celui qu’ils auraient subi dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, en prévoyant, le cas échéant, un mécanisme d’indemnisation. Conformément au respect du droit de propriété, consacré par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, dans l’hypothèse où un dispositif de résolution conduirait à une atteinte au droit de propriété des actionnaires et des créanciers, le règlement no 806/2014 établit un mécanisme garantissant une juste indemnité pour leur perte.

204    Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la procédure d’insolvabilité constitue la seule alternative à la résolution. Il suffit en effet de rappeler que, en application de l’article 18 paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le fait que l’entité soit en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielle soient susceptibles d’empêcher cette défaillance sont des conditions à l’adoption d’une mesure de résolution.

205    À cet égard, il convient de relever que, dans le domaine des aides d’État, la Cour a jugé que les pertes des actionnaires des banques en difficultés auront, en tout état de cause, la même ampleur, indépendamment de la question de savoir si leur cause repose sur un jugement de déclaration de faillite en raison de l’absence d’octroi d’une aide d’État ou sur une procédure d’octroi d’une telle aide soumise à la condition préalable de répartition des charges (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 75).

206    La Cour a relevé que le point 46 de la communication concernant le secteur bancaire prévoit qu’« il convient de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé » et que « [l]es créanciers subordonnés ne devraient donc pas recevoir moins, en termes économiques, que ce que leur instrument aurait valu en l’absence d’aide d’État » (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 77).

207    Selon la Cour, il résulte de ce point que les mesures de répartition des charges auxquelles serait subordonné l’octroi d’une aide d’État en faveur d’une banque déficitaire ne peuvent porter au droit de propriété des créanciers subordonnés une atteinte que ceux-ci n’auraient pas subie dans le cadre d’une procédure de faillite consécutive à l’absence d’octroi d’une telle aide. Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que les mesures de répartition des charges, telles que celles prévues par la communication concernant le secteur bancaire, constituent une ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers subordonnés (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 78 et 79).

208    Il y a donc lieu de considérer, par analogie, que l’application du principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité, prévu à l’article 15 du règlement no 806/2014, garantit aux actionnaires d’une entité faisant l’objet d’une mesure de résolution une juste indemnité conforme aux exigences de l’article 17 de la Charte.

209    Par ailleurs, par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2020, la requérante a produit un moyen nouveau sur le fondement de l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure. Elle fait valoir que l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), a une incidence directe sur l’exception d’illégalité des articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 et que les allégations formulées dans le quatrième moyen doivent être complétées au regard de cette ordonnance.

210    La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne, le Conseil et Banco Santander font valoir que les arguments soulevés par la requérante le 21 janvier 2020 constituent un moyen nouveau, qui est irrecevable.

211    La requérante ayant confirmé, lors de l’audience, qu’il ne s’agissait pas d’un moyen nouveau, mais d’une ampliation du quatrième moyen, le Tribunal se contentera d’examiner les nouveaux arguments soulevés le 21 janvier 2020 en tant qu’ils viennent au soutien de l’exception d’illégalité soulevée dans le quatrième moyen.

212    La requérante fait valoir qu’il ressort des points 48 et 49 de l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), contre laquelle elle a introduit un pourvoi, que le règlement no 806/2014 ne prévoit pas de compensation pour les actionnaires qui se voient privés de leur droit de propriété dans des cas comme celui de Banco Popular. Selon cette ordonnance, les actionnaires de Banco Popular n’auraient pas droit à une compensation, même si la valeur réelle de Banco Popular était supérieure à celle que lui attribuait la valorisation 2. La requérante en déduit que le règlement no 806/2014 ne prévoit pas un système d’indemnisation approprié pour les actionnaires qui se voient privés de leur droit de propriété et que l’exception d’illégalité doit donc être accueillie. Elle ajoute que l’indemnisation prévue par l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 ne serait pas adéquate et suffisante.

213    Il convient de rappeler que, dans son ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), le Tribunal a rejeté le recours en annulation formé par la requérante à l’encontre de la décision du CRU de ne pas effectuer une valorisation définitive ex post de Banco Popular. Au point 47 de cette ordonnance, le Tribunal a constaté que l’instrument de cession des activités appliqué à Banco Popular ne faisait pas partie des cas visés par l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 dans lesquels une compensation pouvait être versée à la suite d’une valorisation définitive ex post. Le Tribunal a ainsi considéré, aux points 48 et 49 de son ordonnance, mentionnés par la requérante :

« 48      En outre, il y a lieu de constater que l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 ne permet pas l’indemnisation des anciens actionnaires et créanciers d’une entité dont les instruments de fonds propres ont été entièrement convertis, dépréciés et transférés à un tiers.

49      À cet égard, c’est à tort que la requérante soutient que la valorisation ex post affecte directement la situation juridique des anciens actionnaires de Banco Popular et que, si l’estimation de la valeur de marché de Banco Popular était supérieure à celle résultant de la valorisation 2, ces derniers auraient droit à une compensation conformément à l’article 20 du règlement no 806/2014. »

214    Il suffit de relever que, dans l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), le Tribunal s’est prononcé uniquement sur la situation de la requérante dans le cadre de la résolution de Banco Popular et a considéré que la compensation prévue par l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 n’était pas applicable en l’espèce.

215    Il en ressort que les considérations limitées au cas d’espèce faites par le Tribunal dans l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), ne sont pas pertinentes aux fins de l’appréciation de la légalité du règlement no 806/2014. En outre, dans son acte déposé le 21 janvier 2020, la requérante n’établit aucun lien entre cette ordonnance et les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 dont l’illégalité est soulevée dans le quatrième moyen.

216    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la requérante a introduit un pourvoi à l’encontre de l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2019:740), celle-ci n’est pas définitive.

217    Il s’ensuit que les nouveaux arguments soulevés par la requérante le 21 janvier 2020 ne sont pas pertinents aux fins de l’appréciation de l’exception d’illégalité soulevée dans le quatrième moyen.

218    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des actionnaires de l’entité concernée par une mesure de résolution, mais doivent être considérés comme établissant une restriction à leur droit de propriété justifiée et proportionnée, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ainsi qu’à celles de l’article 5, paragraphe 4, TUE.

219    Partant, l’exception d’illégalité soulevée dans le quatrième moyen doit être rejetée.

3.      Sur le cinquième moyen, tiré dune exception dillégalité en ce que les articles 18 et 20 du règlement no 806/2014 violent le droit dêtre entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte

220    La requérante, sur le fondement de l’article 277 TFUE, soulève une exception d’illégalité des articles 18 et 20 du règlement no 806/2014, en ce que ces dispositions violent le droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, dans la mesure où elles ne prévoient pas l’audition des actionnaires de l’entité faisant l’objet d’une mesure de résolution. Cette absence d’audition serait également incompatible avec les garanties procédurales du droit de propriété prévu à l’article 17 de la Charte, lu conjointement avec l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, selon lesquelles, en cas d’ingérence dans le droit de propriété d’une personne, il conviendrait de lui offrir une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes

221    La Commission, le CRU et le Parlement font valoir que, dans l’hypothèse où les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution disposeraient d’un droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, ce droit serait reconnu même en l’absence de disposition expresse dans le règlement no 806/2014. L’absence de disposition expresse, à l’article 18 du règlement no 806/2014, prévoyant une audition des actionnaires n’entraînerait pas l’illégalité de ce règlement, dans la mesure où aucune disposition n’interdit une telle audition.

222    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante conteste l’absence d’audition des actionnaires de l’entité faisant l’objet d’une mesure de résolution lors de la procédure conduisant à l’adoption de cette mesure, mais ne soulève aucun argument concernant l’article 20 du règlement no 806/2014, qui est relatif à la valorisation. Partant, il y a lieu de considérer que, par son exception d’illégalité soulevée dans le cadre du cinquième moyen, la requérante conteste la validité de l’article 18 du règlement no 806/2014, relatif à la procédure de résolution, en ce que cette disposition, en ne prévoyant pas une audition des actionnaires par le CRU, préalablement à l’adoption d’une mesure de résolution, viole leur droit d’être entendu, garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

223    Il y a lieu de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte prévoit que le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

224    Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Ensuite, il convient de préciser que le droit d’être entendu poursuit un double objectif. D’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief soit adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, points 68 et 69 et jurisprudence citée).

225    Il convient de relever que la Cour a affirmé l’importance du droit d’être entendu et sa portée très large dans l’ordre juridique de l’Union, en considérant que ce droit doit s’appliquer à toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, points 85 et 86 et jurisprudence citée ; du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 67 et jurisprudence citée, et du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 89 et jurisprudence citée).

226    Dès lors, eu égard à son caractère de principe fondamental et général de droit de l’Union, l’application du principe des droits de la défense, qui incluent le droit d’être entendu, ne peut être ni exclue ni restreinte par une disposition réglementaire et son respect doit dès lors être assuré tant en l’absence totale d’une réglementation spécifique qu’en présence d’une réglementation qui ne tiendrait pas elle-même compte dudit principe (voir arrêt du 18 juin 2014, Espagne/Commission, T‑260/11, EU:T:2014:555, point 62 et jurisprudence citée).

227    En effet, le champ d’application du droit d’être entendu, en tant que principe et droit fondamental de l’ordre juridique de l’Union, est ouvert lorsque l’administration envisage d’adopter un acte faisant grief, à savoir un acte qui est susceptible d’affecter de manière défavorable les intérêts du particulier ou de l’État membre concerné, son application ne dépendant pas de l’existence d’une règle expresse à cet effet prévue par le droit secondaire (arrêt du 18 juin 2014, Espagne/Commission, T‑260/11, EU:T:2014:555, point 64).

228    À cet égard, d’une part, il convient de relever que, selon son considérant 121, le règlement no 806/2014 respecte les droits fondamentaux et les droits, libertés et principes reconnus, en particulier, par la Charte, parmi lesquels les droits de la défense, et devrait être mis en œuvre conformément à ces droits et à ces principes. D’autre part, aucune disposition du règlement no 806/2014 n’exclut ni ne restreint explicitement le droit d’être entendu des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée pendant la procédure de résolution.

229    En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission et du Conseil, qu’une mesure de résolution adoptée par le CRU à l’issue de la procédure de l’article 18 du règlement no 806/2014 a pour objet la résolution d’une entité. L’entité faisant l’objet de la résolution doit être considérée comme la personne à l’égard de laquelle une mesure individuelle est adoptée et à l’égard de laquelle le droit d’être entendu est garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

230    Ainsi, il convient de tenir compte du fait que les actionnaires et les créanciers de cette entité ne sont pas destinataires d’une mesure de résolution, qui n’est pas une décision individuelle prise à leur encontre.

231    Toutefois, il y a lieu de relever que, selon l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU peut exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de l’entité visée par une mesure de résolution en agissant selon la procédure définie à l’article 18 de ce règlement.

232    Ainsi, la procédure de l’article 18 du règlement n° 806/2014, même si elle ne constitue pas une procédure individuelle ouverte à l’encontre des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée, peut conduire à l’adoption d’une mesure de résolution susceptible d’affecter de manière défavorable leurs intérêts.

233    Or, la jurisprudence de la Cour, citée au point 225 ci-dessus, a retenu une interprétation large du droit d’être entendu comme étant garanti à toute personne au cours de la procédure susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief. Dès lors, il ne saurait être exclu que les actionnaires d’un établissement faisant l’objet d’une mesure de résolution puissent se prévaloir du droit d’être entendus dans le cadre de la procédure de résolution.

234    Cependant, l’exercice du droit d’être entendu peut être soumis à des limitations conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, cité au point 158 ci-dessus.

235    Dès lors, il y a lieu d’examiner si l’absence, dans le règlement no 806/2014, de disposition prévoyant explicitement une audition des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée dans le cadre de la procédure visée à l’article 18 dudit règlement constitue une limitation à l’exercice du droit d’être entendu qui est conforme à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

236    La Cour a considéré que les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles‑ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêts du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 33 et jurisprudence citée, et du 20 décembre 2017, Prequ’Italia, C‑276/16, EU:C:2017:1010, point 50 et jurisprudence citée).

237    À cet égard, le CRU ainsi que le Royaume d’Espagne, le Parlement et le Conseil font valoir que la limitation du droit d’être entendu des actionnaires serait justifiée, d’une part, par l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers et, d’autre part, par la nécessité d’assurer l’efficacité des décisions de résolution, lesquelles doivent être adoptées avec célérité.

238    En premier lieu, il y a eu lieu de relever que plusieurs considérants du règlement no 806/2014, notamment ses considérants 12, 58 et 61, indiquent que la stabilité des marchés financiers est un des objectifs poursuivis par les mécanismes de résolution mis en place par ce règlement.

239    De plus, selon l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce même règlement, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure. Parmi les objectifs de la résolution visés à l’article 14 du règlement no 806/2014 figurent, notamment, celui d’« éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché » ainsi que celui de « protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ».

240    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 161 ci-dessus que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union et que la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. De plus, selon la jurisprudence citée au point 162 ci-dessus, l’objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur.

241    En outre, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a considéré, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799, point 6), que, dans les domaines économiquement sensibles tels que la stabilité du système bancaire, les États disposaient d’une vaste marge d’appréciation et que, partant, l’impossibilité pour un actionnaire de participer à la procédure conduisant à la vente de la banque n’était pas disproportionnée par rapport aux objectifs légitimes de protéger les droits des créanciers et de préserver la bonne administration de l’état d’insolvabilité de la banque.

242    Il convient également de mentionner l’arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a. (C‑41/15, EU:C:2016:836), rendu à l’occasion d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 8, 25 et 29 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [54, deuxième alinéa, TFUE], en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1). Cette affaire concernait une mesure exceptionnelle des autorités nationales visant à éviter, au moyen d’une augmentation de capital, la défaillance d’une société qui, selon la juridiction de renvoi, menaçait la stabilité financière de l’Union. La Cour a estimé que la protection que la deuxième directive 77/91 conférait aux actionnaires et aux créanciers d’une société anonyme, en ce qui concerne le capital social de celle-ci, ne s’étendait pas à une telle mesure nationale adoptée dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre qui visait à remédier à une menace systémique pour la stabilité financière de l’Union, résultant de l’insuffisance des fonds propres de la société concernée (arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 50). La Cour a ajouté que les dispositions de la deuxième directive 77/91 ne s’opposaient donc pas à une mesure exceptionnelle relative au capital social d’une société anonyme, que les autorités nationales avaient prise, dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre, sans l’approbation de l’assemblée générale de cette société et dans le but d’éviter un risque systémique et d’assurer la stabilité financière de l’Union (voir arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 51 et jurisprudence citée).

243    Ces considérations s’appliquent, par analogie, à la situation d’anciens actionnaires d’une banque ayant été soumise à une procédure de résolution en application du règlement no 806/2014.

244    Par ailleurs, il convient de relever qu’un autre objectif de la résolution visé par l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014, à savoir celui d’assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité visée par une mesure de résolution, participe également de l’objectif d’intérêt général de protection de la stabilité des marchés financiers.

245    Selon l’article 2, paragraphe 1, point 35, de la directive 2014/59, les fonctions critiques d’un établissement sont définies comme « les activités, services ou opérations dont l’interruption est susceptible, dans un ou plusieurs États membres, d’entraîner des perturbations des services indispensables à l’économie réelle ou de perturber la stabilité financière en raison de la taille ou de la part de marché de l’établissement ou du groupe, de son interdépendance interne et externe, de sa complexité ou des activités transfrontières qu’il exerce, une attention particulière étant accordée à la substituabilité de ces activités, services ou opérations ».

246    À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2016/778 de la Commission, du 2 février 2016, complétant la directive 2014/59 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement de contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté, et en ce qui concerne les critères de détermination des activités, services et opérations constitutifs de fonctions critiques et les critères de détermination des activités et services associés constitutifs d’activités fondamentales (JO 2016, L 131, p. 41), prévoit les critères de détermination des fonctions critiques. Il s’agit d’une fonction qui est exercée par un établissement pour des tiers qui ne sont pas affiliés à l’établissement ou au groupe et dont il est probable que sa perturbation soudaine aurait une incidence négative importante sur ces tiers, qu’elle serait contagieuse ou qu’elle porterait atteinte à la confiance générale des acteurs du marché, en raison de l’importance systémique de la fonction pour les tiers et de l’importance systémique de l’établissement ou du groupe dans l’exercice de cette fonction.

247    L’objectif consistant à assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité concernée par une mesure de résolution, prévu à l’article 14 paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014, vise à éviter une interruption de ces fonctions qui serait susceptible d’entraîner des perturbations, non seulement sur le marché concerné, mais également pour l’ensemble de la stabilité financière de l’Union.

248    Dès lors, une mesure de résolution, étant donné qu’elle vise à préserver ou à rétablir la situation financière d’un établissement de crédit, notamment en ce qu’elle constitue une alternative à sa liquidation, doit être regardée comme répondant effectivement à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (voir, par analogie, arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

249    Il ressort de ce qui précède que la procédure de résolution, mise en place par le règlement no 806/2014 et décrite à son article 18, poursuit un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers, susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu.

250    En second lieu, plusieurs considérants du règlement no 806/2014 impliquent que, lorsqu’une mesure de résolution devient nécessaire, elle doit être adoptée rapidement. Il s’agit notamment des considérants 26, 31, 53 et, en particulier, du considérant 56 de ce règlement qui prévoit que, afin de limiter les perturbations subies par les marchés financiers et l’économie, la procédure de résolution devrait être conduite en un court laps de temps.

251    À cet égard, la Cour a considéré que le règlement no 806/2014 a pour objectif d’instaurer, conformément à son considérant 8, des mécanismes de résolution plus efficaces, lesquels doivent constituer un instrument essentiel pour éviter les conséquences dommageables des défaillances des banques survenues par le passé et qu’un tel objectif suppose une prise de décision rapide, comme l’illustrent les brefs délais prévus à l’article 18 dudit règlement, afin que la stabilité financière ne soit pas mise en péril (arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 55).

252    Ainsi, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 indique notamment que, lorsque la BCE estime qu’une entité est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, elle communique sans retard son évaluation à la Commission et au CRU. Selon le paragraphe 2 de ce même article, lorsque le CRU réalise lui-même une évaluation, elle est communiquée sans retard à la BCE. Si les conditions fixées dans son paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution, lequel, en vertu de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, est transmis à la Commission immédiatement après son adoption. La Commission dispose alors d’un délai de vingt-quatre heures pour approuver un dispositif de résolution ou émettre des objections.

253    Il en ressort que, une fois que l’entité remplit les conditions pour l’adoption d’une mesure de résolution, à savoir, premièrement, qu’elle est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existe pas d’autre perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, que sa résolution est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs visés à l’article 14 du règlement no 806/2014, l’article 18 du même règlement prévoit qu’une décision doit être adoptée dans un délai très bref.

254    Cette prise de décision rapide vise, en particulier, à assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité concernée et à éviter les conséquences d’une défaillance de l’entité sur la stabilité financière. La rapidité d’une prise de décision constitue donc une condition de son efficacité.

255    Ainsi, la Cour a déjà jugé que l’urgence commandant une action immédiate de l’autorité compétente justifiait une limitation du droit d’être entendu des personnes concernées par des mesures adoptées dans le domaine de la responsabilité environnementale (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 67) et dans le domaine de l’agriculture (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Dokter e.a., C‑28/05, EU:C:2006:408, point 76).

256    De plus, dans le domaine des mesures de gel de fonds, la Cour a jugé que la communication des motifs sur lesquels est fondée l’inclusion initiale du nom d’une personne ou d’une entité dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, préalablement à cette inclusion, serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’impose le droit de l’Union. Afin d’atteindre l’objectif poursuivi par le règlement applicable, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 338 à 340 ; du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 51).

257    Pour des raisons tenant également à l’objectif poursuivi par le droit de l’Union et à l’efficacité des mesures prévues par celui-ci, les autorités de l’Union ne sont pas non plus tenues de procéder à une audition des parties requérantes préalablement à l’inclusion initiale de leurs noms dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 341, et du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 103).

258    Il en va d’autant plus ainsi dans les cas où la limitation au droit d’être entendu concerne non pas l’entité visée par la procédure de résolution, mais ses actionnaires ou ses créanciers.

259    Il convient également de relever que, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799), la Cour EDH a constaté que la vente de la banque en faillite en tant qu’entreprise en activité avait été réalisée afin d’obtenir la satisfaction rapide et plus certaine de ses créanciers, qui attendaient depuis des années de recevoir leur dû, et l’achèvement rapide de la procédure de faillite. Par conséquent, la nécessité de simplicité et de rapidité dans la procédure menant à la vente de la banque était d’une importance capitale. Si la loi avait prévu que le tribunal des faillites était tenu de consulter tous les actionnaires et créanciers de la banque, cela aurait entraîné un ralentissement important de la procédure et, par conséquent, un retard supplémentaire dans le paiement des sommes dues aux créanciers et dans l’achèvement de la procédure de faillite.

260    Dans l’arrêt du 24 novembre 2005, Capital Bank AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2005:1124JUD004942999, point 136), la Cour EDH a jugé que, dans un domaine économiquement sensible tel que la stabilité du système bancaire et dans certaines situations, il pouvait exister une nécessité impérieuse d’agir avec la plus grande diligence et sans préavis, dans le but d’éviter des dommages irréparables pour la banque, ses déposants et ses autres créanciers, ou pour le système bancaire et financier dans son ensemble.

261    En outre, le fait que la mesure de résolution soit susceptible de conduire à une ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée ne saurait justifier une obligation de leur accorder un droit d’être entendu avant l’adoption de celle-ci.

262    À cet égard, le Tribunal a déjà souligné, au point 282 de l’arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), que les procédures applicables doivent offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Pour s’assurer du respect de cette exigence, qui constitue une exigence inhérente à l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 368 et jurisprudence citée ; du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 119, et Cour EDH, 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, CE:ECHR:2004:0720JUD003759897, point 56). Ainsi, ladite exigence ne saurait être interprétée en ce sens que la personne intéressée doit, en toutes circonstances, pouvoir faire valoir son point de vue auprès des autorités compétentes préalablement à l’adoption des mesures portant atteinte à son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 19 septembre 2006, Maupas et autres c. France, CE:ECHR:2006:0919JUD001384402, points 20 et 21).

263    Le Tribunal a considéré que tel était, notamment, le cas lorsque, comme pour une mesure de résolution, les mesures en cause ne constituaient pas une sanction et s’inscrivaient dans un contexte d’urgence particulière. À ce dernier égard, le Tribunal a relevé qu’il s’agissait de prévenir un risque imminent d’effondrement des banques visées pour préserver la stabilité du système financier d’un État membre et, ainsi, d’éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro. Or, la mise en œuvre d’une procédure de consultation préalable, dans le cadre de laquelle les milliers de déposants et d’actionnaires des banques visées auraient pu utilement faire valoir leur point de vue avant l’adoption des dispositions dommageables, aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir un tel effondrement. La réalisation de l’objectif consistant à préserver la stabilité du système financier de cet État membre et, ainsi, à éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro en aurait été exposée à d’importants risques (voir arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 282 et jurisprudence citée).

264    Cette appréciation a été confirmée par la Cour qui a estimé que le Tribunal avait, à juste titre, appuyé son raisonnement sur l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE:ECHR:2016:0721JUD006306614), dont il ressort que l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi ne saurait être interprétée en ce sens que les personnes concernées auraient dû être consultées préalablement à l’adoption de cette loi, notamment lorsqu’une telle consultation préalable aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir l’effondrement des banques concernées (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 159).

265    Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la nécessité d’agir rapidement sans informer les actionnaires et les créanciers d’une entité de l’imminence d’une procédure de résolution la concernant vise à éviter l’aggravation de la situation de cette entité qui nuirait à l’efficacité de la mesure de résolution. En effet, informer les actionnaires ou les détenteurs d’obligations de la banque que celle-ci pourrait être soumise à une procédure de résolution, et donc qu’elle a été considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, pourrait les inciter à vendre leurs titres sur les marchés et également conduire à un retrait massif des dépôts, ce qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation financière de la banque et de rendre plus difficile, voire impossible, l’adoption d’une solution susceptible d’empêcher sa liquidation.

266    À cet égard, comme cela ressort du considérant 116 du règlement no 806/2014, la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont remplies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action.

267    Il y a donc lieu de considérer que l’instauration dans le règlement no 806/2014 d’une consultation des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée avant l’adoption d’une mesure de résolution entraînerait un ralentissement substantiel de la procédure et compromettrait tant la réalisation des objectifs de la mesure que son efficacité.

268    Par ailleurs, compte tenu de l’urgence de l’adoption d’une mesure de résolution, il ne serait pas possible de consulter les actionnaires au préalable, en raison, notamment, des difficultés liées à leur identification. En effet, comme le relèvent le Royaume d’Espagne et le Conseil, étant donné que les actions et les obligations sont négociées en continu sur les marchés, il serait, en pratique, impossible de savoir quels investisseurs particuliers et institutionnels il y aurait lieu de contacter.

269    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le règlement no 806/2014 pourrait prévoir une audition des actionnaires postérieurement à l’adoption de la mesure de résolution, il suffit de relever, à l’instar du Parlement, qu’une telle audition ne serait pas susceptible de modifier le contenu de cette mesure et qu’elle ne saurait donc entraîner son annulation.

270    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’une audition des actionnaires et des créanciers de l’entité visée par une mesure de résolution, avant l’adoption de cette mesure, compromettrait les objectifs de stabilité des marchés financiers et de continuité des fonctions critiques de l’entité ainsi que les exigences de rapidité et d’efficacité de la procédure de résolution.

271    Dès lors, l’absence de disposition prévoyant une audition des actionnaires et des créanciers de l’entité concernée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 18 du règlement no 806/2014 constitue une limitation au droit d’être entendu qui est justifiée et nécessaire pour répondre à un objectif d’intérêt général, respecte le principe de proportionnalité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, et ne méconnaît aucune des garanties procédurales du droit de propriété qui seraient prévues à l’article 17 de la Charte.

272    Partant, il convient de rejeter l’exception d’illégalité de l’article 18 du règlement no 806/2014.

4.      Sur le huitième moyen, tiré de la violation de larticle 18 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de larticle 296 TFUE

273    La requérante fait valoir que le CRU, en adoptant le dispositif de résolution, a violé l’article 18 du règlement no 806/2014, son devoir de diligence et l’article 296 TFUE, dans la mesure où il n’a pas prouvé que les conditions de la résolution étaient remplies. Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne, la requérante précise que, par ce moyen, elle ne soulève pas d’erreur d’appréciation, mais une violation du devoir de diligence et de l’obligation de motivation dans le cadre de l’application de l’article 18 du règlement no 806/2014.

274    La requérante soutient que le CRU, lors de l’adoption du dispositif de résolution, n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de la situation pour appliquer l’article 18 du règlement no 806/2014 conformément au devoir de diligence et n’a pas motivé sa décision de façon suffisante. Par un premier grief, elle fait valoir, en substance, que le CRU n’a pas démontré qu’était remplie la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, selon laquelle la défaillance de l’entité est avérée ou prévisible. Elle soutient, premièrement, que le CRU n’a pas tenu compte du fait que Banco Popular était solvable et que la défaillance de celle-ci n’était donc pas prouvée et, deuxièmement, qu’il n’a pas justifié qu’un problème ponctuel de liquidité impliquait une défaillance de Banco Popular. Par un second grief, la requérante reproche au CRU de ne pas avoir démontré qu’était remplie la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, selon laquelle, compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles prises à l’égard de l’entité empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable. Le CRU n’aurait pas examiné l’existence d’autres mesures de surveillance qui auraient pu résoudre les problèmes de liquidité de Banco Popular.

a)      Sur le premier grief, relatif à l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014

275    En premier lieu, la requérante fait valoir que le CRU a violé son devoir de diligence ou, à tout le moins, son obligation de motivation, en ne tenant pas compte d’un certain nombres d’éléments démontrant la solvabilité de Banco Popular.

276    Il convient de rappeler, premièrement, que, le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014. Dans cette évaluation, la BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité avec laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

277    Deuxièmement, par lettre du 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

278    Dans sa lettre à la BCE du 6 juin 2017, Banco Popular se réfère à la notification faite à la BCE en application de l’article 414 du règlement no 575/2013 concernant la violation des exigences minimales en matière de couverture des besoins de liquidité et renvoie à l’évaluation effectuée par son conseil d’administration, figurant en annexe, selon laquelle Banco Popular était en situation de défaillance et aux informations et aux analyses sur lesquelles ce dernier s’est fondé pour arriver à cette conclusion.

279    Dans cette lettre, il est indiqué :

« Conformément à l’article 21.4 de la loi 11/2015 et aux articles 45 et 46 du règlement délégué (UE) 2016/1075 [de la Commission, du 23 mars 2016, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l’autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l’indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l’avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution (JO 2016, L 184, p. 1)], Banco Popular notifie par la présente que son conseil d’administration a évalué que la banque était en situation de défaillance prévisible. »

280    Dans cette lettre, le conseil d’administration de Banco Popular a reconnu que la banque rencontrait de graves problèmes de liquidité et qu’elle était en situation de défaillance prévisible. Il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, cette lettre ne saurait être écartée comme étant dénuée de pertinence.

281    Troisièmement, à l’article 2 du dispositif de résolution, le CRU a rappelé la conclusion de l’évaluation de la BCE et a conclu, à l’article 2.2, que, suivant l’évaluation de la BCE, la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie.

282    Ainsi, en l’espèce, la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular a été constatée sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, selon lequel, aux fins du paragraphe 1, sous a), du même article, la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci se trouve dans la situation suivante :

« [L]’entité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ».

283    Il convient de relever que ni la BCE ni le CRU ne se sont fondés sur la situation prévue à l’article 18, paragraphe 4, sous b), du règlement no 806/2014, selon laquelle la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible lorsque « l’actif de l’entité est inférieur à son passif, ou [lorsqu’]il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ».

284    Ainsi, l’insolvabilité de l’entité n’est pas une condition à la constatation de la défaillance avérée ou prévisible sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014 et, partant, n’est pas une condition à l’adoption d’un dispositif de résolution.

285    À cet égard, il ressort du considérant 57 du règlement no 806/2014 que :

« La décision de soumettre une entité à une procédure de résolution devrait intervenir avant que l’entité financière ne devienne insolvable au regard de son bilan et ne voie se tarir tous ses fonds propres. La procédure devrait être engagée une fois qu’il a été établi qu’une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’aucune autre mesure de nature privée ne pourrait empêcher cette défaillance dans un délai raisonnable. [...] »

286    Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, l’insolvabilité de Banco Popular ne constituait pas la seule hypothèse dans laquelle celle-ci pouvait être considérée dans une situation de défaillance avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014. En effet, le fait qu’une entité soit solvable au regard de son bilan n’implique pas qu’elle dispose d’une trésorerie suffisante, à savoir des fonds disponibles pour s’acquitter de ses dettes ou autres engagements arrivant à échéance.

287    À cet égard, il ressort notamment de l’extrait de la lettre de la présidente du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, du 25 juillet 2017, adressée à un membre du Parlement mentionné par la requérante, que :

« La décision de la BCE selon laquelle la banque était en situation de défaillance avérée ou prévisible a été prise sur la base de l’insuffisance de liquidités. À cette date, les éléments objectifs n’étaient pas suffisants pour que la BCE détermine que la banque était en situation de défaillance avérée ou prévisible sur la base de sa situation de capital. Bien sûr, la BCE a surveillé de près non pas uniquement la position de liquidité mais aussi la position de capital de la banque. Ses problèmes structuraux (haut niveau d’actifs non performants, sa faible couverture et sa faible rentabilité) se reflètent dans les exigences de fonds propres correspondantes établies par la BCE. »

288    La situation prévue à l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014 n’exigeant pas que l’entité concernée soit insolvable, les éléments invoqués par la requérante visant à démontrer la solvabilité de Banco Popular sont inopérants et c’est à tort qu’elle soutient que le CRU a violé son devoir de diligence ou son obligation de motivation en ne tenant pas compte de ces éléments.

289    En second lieu, la requérante relève que le CRU a conclu que Banco Popular était défaillante en raison de problèmes de liquidité, en application de l’article 18 du règlement no 806/2014, alors que les problèmes de liquidité ne font partie d’aucune des situations envisagées à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014. À titre subsidiaire, le CRU aurait violé son obligation de motivation, dans la mesure où il ne serait pas expliqué pour quel motif un problème de liquidité relèverait des cas visés à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.

290    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 23 du dispositif de résolution, le CRU, en se référant à l’évaluation effectuée par la BCE, a constaté que la situation de trésorerie de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle. Il en a déduit que la banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin de s’assurer qu’elle serait en position stable pour s’acquitter de ses engagements à échéance.

291    Dans le dispositif de résolution, le CRU a énuméré les différents événements ayant conduit, depuis février 2017, à une détérioration rapide de la position de liquidité de Banco Popular. Le CRU fait notamment référence à la publication, en février 2017, du rapport annuel de 2016 de Banco Popular annonçant une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros et la nomination d’un nouveau président ainsi qu’à la publication, en mai 2017, du rapport financier pour le premier trimestre 2017 annonçant des résultats moins bons que ceux attendus par le marché. Le CRU a mentionné les dégradations des notes de Banco Popular par différentes agences de notation en février, en avril et en juin 2017. Il a relevé également que la couverture médiatique négative continue sur les résultats financiers et sur le risque prétendument imminent de faillite ou d’illiquidité de Banco Popular avait entraîné une augmentation des retraits de dépôts.

292    De plus, le CRU a indiqué que, le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité de Banco Popular était passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement no 575/2013 et que Banco Popular n’avait pas réussi à rétablir sa conformité avec cette limite à la date du dispositif de résolution.

293    L’article 412, paragraphe 1, du règlement no 575/2013 définit l’exigence de couverture des besoins de liquidité ainsi :

« Les établissements détiennent des actifs liquides dont la valeur totale couvre les sorties de trésorerie moins les entrées de trésorerie en situation de tensions afin de garantir qu’ils conservent des coussins de liquidité suffisants pour faire face à tout déséquilibre éventuel entre entrées et sorties de trésorerie en situation de tensions sévères pendant une période de trente jours. En période de tensions, les établissements peuvent utiliser leurs actifs liquides pour couvrir leurs sorties nettes de trésorerie. »

294    En outre, comme le relève le CRU, ces différents éléments figurent dans les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 6 août 2015, relatives à l’interprétation des différentes situations dans lesquels la défaillance d’un établissement est considérée comme avérée ou prévisible en vertu de l’article 32, paragraphe 6, de la directive 2014/59 (EBA/GL/2015/07) (ci-après les « orientations de l’ABE »).

295    Ces orientations, applicables dès le 1er janvier 2016, ont pour objet de fournir un ensemble d’éléments objectifs permettant de déterminer si une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible, conformément aux circonstances prévues à l’article 32, paragraphe 4, sous a) à c), de la directive 2014/59. La rédaction de l’article 32, paragraphe 4, sous c), de la directive 2014/59 est identique à celle de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

296    L’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU, le Conseil et la Commission mettent tout en œuvre pour se conformer aux orientations et aux recommandations de l’ABE ayant trait aux tâches susceptibles d’être exécutées par ces organes.

297    Selon les orientations de l’ABE, un établissement doit être considéré en situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 32, paragraphe 4, sous c), de la directive 2014/59, s’il enfreint les exigences réglementaires en matière de liquidité, s’il n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou s’il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir.

298    Parmi les éléments à prendre en compte, les orientations de l’ABE mentionnent, notamment : premièrement, tout évènement défavorable important affectant l’évolution de la position de liquidité de l’établissement et la viabilité de son profil de financement, ainsi que sa capacité à respecter les exigences minimales de liquidité prévues par le règlement no 575/2013 et les exigences supplémentaires imposées en vertu de l’article 105 de ce règlement ou de toute exigence minimale nationale de liquidité ; deuxièmement, toute évolution défavorable importante des obligations actuelles et futures de l’établissement, dont l’évaluation doit tenir compte, le cas échéant, des sorties de liquidités attendues et exceptionnelles, y compris tout signe de potentiels retraits massifs auprès des banques ; troisièmement, tout évènement susceptible de fortement nuire à la réputation de l’établissement, en particulier tout déclassement significatif de sa note de crédit par une ou plusieurs agences de notation si elles engendrant des sorties de capitaux importantes ou l’incapacité de renouveler le financement ou l’activation de facteurs de déclenchement contractuels en fonction des notes externes.

299    Les différents éléments pris en considération par la BCE et le CRU, conformément aux orientations de l’ABE, par ailleurs non contestés par la requérante, ont permis de conclure que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, à la date de l’adoption du dispositif de résolution.

300    Partant, c’est à tort que la requérante soutient que le CRU se serait fondé sur une analyse incomplète de l’évaluation de la BCE sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, en se fondant sur des circonstances qui ne démontreraient pas un problème de liquidité.

301    C’est également à tort que la requérante soutient que les problèmes de liquidité ne font pas partie des situations de défaillance avérée ou prévisible envisagées par l’article 18 du règlement no 806/2014. Enfin, dans la mesure où le dispositif de résolution fait expressément référence à l’évaluation de la BCE qui a constaté la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, la requérante ne saurait soutenir que le CRU aurait violé son obligation de motivation en n’expliquant pas pour quel motif un problème de liquidité relèverait des cas visés à l’article 18, paragraphe 4, de ce règlement.

302    Par ailleurs, il ressort également de ces éléments que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, les problèmes de liquidité de Banco Popular ne pouvaient pas être considérés comme seulement ponctuels. Cela est d’ailleurs confirmé par le fait que la banque elle-même a informé la BCE qu’elle était en situation de défaillance en raison de problèmes de liquidité.

303    Enfin, l’argument de la requérante selon lequel les problèmes de liquidité de Banco Popular auraient été le résultat des événements découlant des déclarations de la présidente du CRU et n’auraient donc pas été imputables à Banco Popular n’est pas pertinent pour apprécier la légalité des décisions attaquées. En effet, en application de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, le CRU a constaté, à l’article 2 du dispositif de résolution, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, sur le fondement de l’évaluation de la BCE. Les circonstances et les motifs ayant conduit la BCE à conclure à la défaillance de Banco Popular n’étaient pas pertinents.

304    Partant, la requérante n’a pas établi que le CRU n’avait pas démontré que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie et il convient donc de rejeter le premier grief.

b)      Sur le second grief, relatif à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014

305    La requérante soutient que le CRU a manqué à son devoir de diligence et outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en n’examinant pas les autres mesures de surveillance disponibles permettant de résoudre les problèmes de liquidité de Banco Popular et, subsidiairement, aurait violé son obligation de motivation.

306    D’une part, la requérante fait valoir qu’un ensemble d’éléments démontrent qu’il était possible pour Banco Popular d’obtenir un apport urgent de liquidités et qu’il ne ressort pas du dispositif de résolution que le CRU aurait examiné ces éléments. D’autre part, le CRU aurait ignoré qu’une augmentation de capital devait être annoncée et que la Barclays Bank et la Deutsche Bank auraient garanti la souscription de la totalité de l’augmentation.

307    Premièrement, la requérante fait valoir qu’un apport urgent de liquidités avait été approuvé dans la mesure où Banco Popular avait offert des garanties suffisantes et que, cette dernière n’ayant reçu qu’une partie du montant de cet apport, un apport supplémentaire était encore disponible. Ce montant aurait été considéré comme suffisant pour surmonter la crise de liquidité de Banco Popular. Elle fait valoir que des garanties suffisantes avaient été fournies par Banco Popular et que ces garanties s’élevaient, selon la presse, à 40 milliards d’euros, ce qui constituerait un montant suffisant au regard des critères réglementaires.

308    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, la BCE a relevé que, bien que Banco Popular ait développé diverses mesures génératrices de liquidités supplémentaires sur les semaines ayant précédé l’évaluation et ait commencé à les mettre en œuvre, l’ampleur des flux entrants réalisés et encore attendus était insuffisante pour remédier à l’épuisement de la situation de trésorerie de Banco Popular à la date de cette évaluation. Elle a également indiqué que, même avec le recours à l’apport urgent de liquidités pour lequel le conseil des gouverneurs de la BCE n’avait pas émis d’objections le 5 juin 2017, la situation de trésorerie à cette date ne suffisait pas pour garantir la capacité de Banco Popular à faire face à ses engagements au plus tard le 7 juin 2017.

309    Au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution, le CRU a constaté que Banco Popular avait reçu un premier apport urgent de liquidités le 5 juin 2017, à la suite de l’absence d’objection de la BCE, mais que la Banque d’Espagne n’avait pas été en mesure de lui accorder un apport urgent de liquidités supplémentaire.

310    À cet égard, il convient de noter que, dans une lettre du 5 juin 2017, la Banque d’Espagne a demandé à la BCE son accord pour un apport urgent de liquidités à Banco Popular avec pour date d’échéance le 14 juin 2017, pour faire face à la sévère crise de liquidité dont souffrait cette dernière. Or, dès le même jour, la Banque d’Espagne a adressé une nouvelle lettre à la BCE contenant une demande d’extension de l’apport urgent de liquidités en faveur de Banco Popular, cette dernière l’ayant informée de mouvements de liquidités extrêmement importants, avec pour date d’échéance le 21 juin. Ces deux courriers transmis le même jour à la BCE révèlent la rapidité avec laquelle la situation de liquidités de Banco Popular s’était détériorée.

311    Le CRU a ainsi constaté, à l’article 3.2, sous d), du dispositif de résolution, qu’un apport urgent de liquidités aurait été insuffisant au regard de la rapidité de la détérioration de la position de liquidité de Banco Popular.

312    Il y a lieu de relever que, le lendemain de ce premier apport urgent de liquidités, soit le 6 juin 2017, en raison de l’ampleur et de la rapidité des retraits de liquidités, la BCE et le conseil d’administration de Banco Popular ont conclu que la banque ne serait plus en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance du 7 juin. Ainsi, la défaillance de Banco Popular ayant été constatée, un apport urgent de liquidités supplémentaire n’était plus envisageable.

313    En outre, il convient de rappeler que le CRU ne joue aucun rôle dans la fourniture d’un apport urgent de liquidités, qui relève de la compétence des banques centrales nationales. Dès lors, comme le soutient le CRU, il ne lui incombe pas de fournir des justifications s’agissant de l’indisponibilité d’un apport urgent de liquidités ou du fait qu’un apport urgent de liquidités supplémentaire n’était pas disponible dans le délai requis.

314    Dès lors, dans le dispositif de résolution, le CRU n’a pu que constater, d’une part, que la BCE, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, avait estimé que l’apport urgent de liquidités qu’elle avait approuvé ne permettait pas de résoudre la crise de liquidité de Banco Popular et, d’autre part, que la Banque d’Espagne n’avait pas accordé d’apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

315    La requérante ne saurait donc reprocher au CRU de ne pas avoir examiné, dans le dispositif de résolution, s’il était possible pour Banco Popular d’obtenir un apport urgent de liquidités supplémentaire.

316    Deuxièmement, la requérante reproche au CRU d’avoir ignoré qu’une augmentation de capital devait être annoncée et que la Barclays Bank et la Deutsche Bank auraient garanti la souscription de la totalité de l’augmentation. Selon la requérante, cette mesure aurait permis de restaurer la perte de confiance et, ajoutée à l’octroi d’un prêt ou d’un apport urgent de liquidités, aurait pu résoudre la crise ponctuelle. Elle ajoute que certains actionnaires de Banco Popular étaient disposés à recourir à une éventuelle augmentation de capital.

317    S’agissant des lettres de la Barclays Bank et de la Deutsche Bank, dont des extraits sont annexés à la réplique, elles ne contiennent aucun engagement ferme de ces banques de participer à une augmentation de capital de Banco Popular, mais reflètent de simples discussions sur une potentielle augmentation de capital future. Ces lettres révèlent que, à la date de leur envoi, le projet d’augmentation de capital de Banco Popular n’en était encore qu’à un stade d’élaboration très précoce.

318    Dans sa lettre du 3 juin 2017 à Banco Popular, la Barclays Bank fait uniquement référence à des discussions récentes concernant une augmentation de capital, dont le but serait, pour Banco Popular, de couvrir ses besoins de provisionnement supplémentaires et d’atteindre des niveaux de capital significativement plus élevés, afin d’atténuer les défis découlant d’une exposition particulière en matière immobilière et d’autres actifs non performants auxquels elle devait faire face. Ainsi, dans cette lettre, d’une part, rien n’indique que la Barclays Bank était disposée à participer à cette augmentation de capital et, d’autre part, cette dernière ne mentionne pas la crise de liquidité à laquelle Banco Popular était confrontée et ne propose aucune solution visant à y remédier.

319    Dans sa lettre du 5 juin 2017 à Banco Popular, la Deutsche Bank fait uniquement mention de son intérêt à assurer 50 % d’une possible augmentation de capital de 4 milliards d’euros. La Deutsche Bank indique seulement qu’« il y a évidemment certaines conditions, mais [que] la lettre est fondée sur notre conviction que, dans des circonstances que nous pensons pouvoir être satisfaites de manière réaliste, une augmentation [de capital] pourrait être réalisée qui stabiliserait la banque ». Dès lors, cette lettre ne saurait être interprétée comme contenant un engagement ferme de la Deutsche Bank et elle ne concerne pas une solution visant à résoudre la crise de liquidité de Banco Popular.

320    De plus, il ressort des déclarations de certains actionnaires de Banco Popular figurant en annexe des observations sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne que le projet d’augmentation de capital par les actionnaires de Banco Popular n’était qu’à un stade préparatoire à la date de la résolution. À cet égard, il y a lieu de citer un extrait de la déclaration de M. Del Valle Ruíz, dans laquelle il indique que lui et un autre investisseur ont discuté, le 2 juin 2017, en vue d’organiser une réunion avec une banque d’investissement sur la meilleure manière de structurer l’augmentation de capital et que cette réunion avait été fixée au 5 juin 2017.

321    Il y a lieu de relever que l’argument de la requérante repose sur l’hypothèse purement théorique selon laquelle ces augmentations de capital auraient pu se concrétiser dans un délai suffisamment bref pour permettre d’éviter la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. En outre, il y a lieu de relever que la requérante n’explique pas dans quelle mesure une augmentation de capital aurait été de nature à résoudre les problèmes de liquidité auxquels Banco Popular faisait face et qu’elle reconnaît elle-même que cette mesure ne pouvait être envisagée sans le complément d’un prêt ou d’un apport urgent de liquidités. Enfin, il y a lieu de constater que si la banque a constaté elle-même, le 6 juin 2017, qu’elle était en situation de défaillance, c’est qu’elle estimait que ces mesures n’étaient pas envisageables.

322    Dès lors, comme le soutient le CRU, il n’était pas nécessaire, dans le dispositif de résolution, d’envisager, pour les rejeter, des mesures qui ne permettaient pas de fournir les liquidités nécessaires à Banco Popular pour faire face aux retraits de dépôts et qui ne pouvaient être mises en œuvre dans un délai suffisant pour empêcher sa défaillance. Conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, le CRU pouvait, à bon droit, limiter son appréciation aux mesures qui pouvaient effectivement être mises en œuvre compte tenu des délais impartis et des circonstances.

323    Troisièmement, la requérante reproche au CRU de ne pas avoir examiné d’autres mesures de surveillance prévues par l’article 86 de la directive 2013/36.

324    Il y a lieu de constater que l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2013/36 prévoit que « [l]es autorités compétentes veillent à ce que les établissements disposent de stratégies, de politiques, de processus et de systèmes solides permettant de détecter, de mesurer, de gérer et de suivre le risque de liquidité sur des périodes adéquates de différentes longueurs, y compris intrajournalières, de manière à garantir que ces établissements maintiennent des coussins adéquats de liquidité ». Selon le paragraphe 3 de cet article, mentionné par la requérante, « [l]es autorités compétentes veillent à ce que les établissements, compte tenu de la nature, de l’échelle et de la complexité de leurs activités, possèdent des profils de risque de liquidité conformes et n’excédant pas ce qu’exige un système solide et performant ».

325    Il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que cette disposition ne saurait être considérée comme une solution plausible aux problèmes de liquidité de Banco Popular. En effet, la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular résultait précisément du fait qu’elle n’avait pas été en mesure de respecter ces exigences en matière de liquidités.

326    Partant, la requérante n’a pas établi que le CRU avait manqué à son devoir de diligence ou violé son obligation de motivation en n’examinant pas les autres mesures de surveillance qu’elle avait invoquées ni qu’il n’avait pas démontré que la condition de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014 était remplie.

327    Partant, il convient de rejeter le second grief et le huitième moyen comme non fondés.

5.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de lobligation de motivation et des droits de la défense, consacrés par les articles 15 et 296 TFUE et par les articles 42 et 47 de la Charte

328    La requérante fait valoir que le CRU a violé l’obligation de motivation et les droits de la défense, consacrés par les articles 15 et 296 TFUE et les articles 42 et 47 de la Charte, dans la mesure où la motivation du dispositif de résolution est insuffisante et contradictoire et où elle n’a pas été rendue entièrement accessible, en ce qu’elle a été déclarée confidentielle.

329    Ce moyen se divise, en substance en deux griefs, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation et, le second, de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

a)      Sur le premier grief, tiré de la violation de lobligation de motivation

330    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 41 et jurisprudence citée).

331    En outre, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêts du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 48 et jurisprudence citée, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 139 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 162).

332    La requérante soutient que la motivation du dispositif de résolution est insuffisante et contradictoire.

333    Premièrement, elle fait valoir l’existence d’une contradiction entre le considérant 24 du dispositif de résolution, relatif aux problèmes de liquidité de Banco Popular, et le considérant 26, concernant des mesures relatives à un problème de solvabilité.

334    Ces deux considérants concernent la description de la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution. Au considérant 24 du dispositif de résolution, le CRU énumère les circonstances ayant conduit à la crise de liquidité de Banco Popular. Le considérant 26 concerne les mesures qui avaient été envisagées par Banco Popular, avant l’adoption du dispositif de résolution, pour tenter de résoudre ses problèmes de liquidité. Il ne saurait donc y avoir de contradiction entre ces deux considérants.

335    De plus, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, le considérant 26 ne vise pas des solutions que le CRU aurait proposées dans le dispositif de résolution pour résoudre les problèmes de liquidité de Banco Popular. Le fait que la requérante considère que les mesures envisagées par Banco Popular durant les semaines précédant la résolution, mentionnées au considérant 26 du dispositif de résolution, étaient des mesures semblant concerner un problème de solvabilité et non de liquidité n’est pas pertinent.

336    Deuxièmement, la requérante soutient que le CRU n’a pas expliqué pour quel motif l’instrument de cession des activités serait une mesure appropriée et proportionnée pour résoudre un problème de liquidité.

337    À cet égard, comme le relève le CRU, l’instrument de cession des activités, défini à l’article 24 du règlement no 806/2014, s’applique à toutes les situations dans lesquelles une entité est considérée en situation de défaillance avérée ou prévisible. Aucun élément ne permet de supposer que cet instrument ne serait pas adapté à une crise de liquidité.

338    En outre, le CRU a expliqué, dans les articles 4 et 5 du dispositif de résolution, la nécessité et la proportionnalité de l’instrument de cession des activités au regard des objectifs de la résolution et a indiqué que les autres instruments de résolution prévus par l’article 22 du règlement no 806/2014 ne permettaient pas d’atteindre ces objectifs dans la même mesure.

339    Plus particulièrement, le CRU a considéré, à l’article 5.3 du dispositif de résolution, que les autres instruments de résolution prévus à l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ne rempliraient pas les objectifs de la résolution dans la même mesure. S’agissant de l’instrument de renflouement interne, le CRU a estimé que, même combiné avec l’instrument de séparation des actifs, il ne pouvait être garanti qu’il permettrait immédiatement de remédier efficacement à la situation de liquidité de Banco Popular et, partant, de rétablir sa solidité financière et sa viabilité à long terme. S’agissant de l’instrument de l’établissement-relais, le CRU a estimé que, même combiné avec l’instrument de séparation des actifs, étant donné que l’établissement-relais visait à maintenir l’accès aux fonctions critiques et à vendre Banco Popular dans un délai de, en principe, deux ans et, dans la mesure où l’instrument de cession des activités permettait d’atteindre le même résultat dans un délai court, ce dernier était considéré comme permettant d’atteindre les objectifs de la résolution plus efficacement que celui de l’établissement-relais.

340    Le CRU a ainsi justifié les raisons pour lesquelles l’instrument de cession des activités était la mesure de résolution adaptée à la situation de défaillance de Banco Popular, à savoir une crise de liquidité.

341    Troisièmement, la requérante fait valoir que la valorisation 2 fait apparaître une autre contradiction, à savoir que le CRU aurait considéré que Banco Popular était solvable, mais qu’elle avait une valeur négative de moins 8,2 milliards d’euros.

342    À cet égard, il convient de relever que, dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué que le résultat de son évaluation se situait dans une fourchette comprise entre 1,3 milliard et moins 8,2 milliards d’euros, avec la meilleure estimation se situant à l’intérieur de cette fourchette à moins 2 milliards d’euros.

343    Cette évaluation concerne la valeur de cession de Banco Popular, laquelle correspond à ce qu’un acquéreur potentiel serait disposé à payer pour Banco Popular dans les circonstances existant à la date de l’adoption du dispositif de résolution. Il s’agit donc de la valeur économique de Banco Popular et non pas de sa valeur comptable.

344    Dès lors, le constat de la solvabilité de Banco Popular du point de vue comptable n’est pas en contradiction avec l’estimation négative de sa valeur de cession.

345    Quatrièmement, la requérante soutient que les données confidentielles étaient essentielles à la compréhension du raisonnement suivi et qu’elle ignore en quoi a consisté la crise de liquidité de Banco Popular. Elle relève que le considérant 25 du dispositif de résolution se contente de mentionner que « les circonstances susmentionnées ont entraîné d’importants retraits de dépôts […] ».

346    Il suffit de constater que les circonstances ayant entraîné la crise de liquidité de Banco Popular entre février 2017 et la date de la résolution sont expliquées au considérant 24 du dispositif de résolution.

347    En outre, au considérant 23 du dispositif de résolution, le CRU, en se référant à l’évaluation effectuée par la BCE, a constaté que la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle. Il en a déduit que la banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin de s’assurer qu’elle serait en position stable pour s’acquitter de ses engagements à l’échéance.

348    Au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution, le CRU a également constaté que Banco Popular avait reçu un premier apport urgent de liquidités le 5 juin 2017, à la suite de l’accord donné par la BCE, mais que la Banque d’Espagne n’avait pas été en mesure de lui accorder un apport urgent de liquidités supplémentaire.

349    Il y a lieu de considérer que ces éléments sont suffisants pour comprendre la gravité de la crise de liquidité à laquelle Banco Popular devait faire face.

350    Le constat par la BCE de la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, du fait de la détérioration de sa situation de liquidité, est suffisant pour comprendre la justification des mesures adoptées par le CRU, sans qu’il soit nécessaire de connaître exactement le montant des retraits de dépôts.

351    Comme l’indique la première phrase du considérant 25 du dispositif de résolution, ce dernier contient des données confidentielles relatives au montant des retraits de dépôts. La requérante n’explique pas en quoi ces informations seraient essentielles à la compréhension du raisonnement suivi dans le dispositif de résolution.

352    À cet égard, la requérante renvoie à l’annexe C.7 de la réplique, censée expliquer les données manquantes. Or, cette annexe contient un tableau comparatif des trois versions publiées successivement du dispositif de résolution, qui indique uniquement que, s’agissant du considérant 25, il n’a pas été complété.

353    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la requérante n’a pas établi une violation de l’obligation de motivation et que le premier grief doit être rejeté.

b)      Sur le second grief, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

354    La requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu accès à l’intégralité du dispositif de résolution, les parties essentielles de celui-ci n’ayant pas été publiées et ses demandes d’accès ayant été rejetées. Dès lors, elle ne connaîtrait pas les raisons ayant conduit le CRU à la priver de son droit de propriété, ce qui constituerait une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective consacré par l’article 47 de la Charte. Elle soutient qu’il lui serait nécessaire d’avoir accès au texte complet du dispositif de résolution pour exercer ses droits de la défense et que la confidentialité du dispositif de résolution n’est pas justifiée.

355    Il y a lieu de rappeler que, s’agissant du principe de protection juridictionnelle effective, l’article 47, premier alinéa, de la Charte énonce que toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article. Il découle de la jurisprudence de la Cour que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par cette disposition exige, notamment, que l’intéressé puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile de saisir le juge compétent d’une action dirigée contre une entité donnée (voir arrêt du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 57 et jurisprudence citée).

356    À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de légalité de la décision nationale en cause (voir arrêts du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 55 et jurisprudence citée ; du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43 et jurisprudence citée, et du 3 février 2021, Ramazani Shadary/Conseil, T‑122/19, non publié, EU:T:2021:61, point 50 et jurisprudence citée).

357    S’agissant de la communication du dispositif de résolution, il y a lieu de rappeler que la requérante n’est pas destinataire de celui-ci, qui est adressé au FROB. La requérante doit être considérée comme un tiers et ne dispose donc pas d’un droit à la communication du dispositif de résolution.

358    À cet égard, il y a lieu de relever que c’est à tort que la requérante s’appuie sur la jurisprudence en matière de mesures restrictives, selon laquelle le respect de l’obligation de communiquer les motifs d’une décision est nécessaire pour permettre aux destinataires de telles mesures de défendre leurs droits dans les meilleures conditions et pour respecter le droit à une protection juridictionnelle effective.

359    En effet, à la différence des mesures restrictives par lesquelles une personne se voit infliger une mesure individuelle de sanction économique et financière (gel de fonds), le dispositif de résolution ne constitue pas une mesure individuelle prise à l’encontre des actionnaires de Banco Popular et, partant, de la requérante. Dès lors, la jurisprudence citée par la requérante selon laquelle la personne visée par une mesure restrictive, en tant que destinataire d’une telle décision, doit s’en voir communiquer les motifs n’est pas applicable en l’espèce.

360    S’agissant de la publication du dispositif de résolution, en vertu de l’article 29, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, le CRU publie sur son site Internet officiel soit une copie du dispositif de résolution, soit une communication résumant les effets de la mesure de résolution, en particulier les effets sur la clientèle de détail.

361    En l’espèce, le 7 juin 2017, le CRU a publié sur son site Internet une communication informant de l’adoption du dispositif de résolution accompagnée d’un document résumant les effets de la résolution conformément à l’article 29, paragraphe 5, du règlement no 806/2014. Le 11 juillet 2017, le CRU a publié une version non confidentielle du dispositif de résolution. Le CRU a, en outre, publié sur son site Internet, le 2 février 2018 puis le 31 octobre 2018, des versions non confidentielles moins expurgées du dispositif de résolution et des valorisations 1 et 2.

362    De plus, l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Avant que des informations ne soient divulguées, le CRU s’assure qu’elles ne contiennent pas d’informations confidentielles, notamment en évaluant les effets que leur divulgation pourrait avoir sur l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique, sur les intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales, sur les objectifs des inspections, sur les enquêtes et les audits. La procédure visant à examiner les effets liés à la publication d’informations comprend les effets liés à la publication du contenu et du détail des plans de résolution visés aux articles 8 et 9, des résultats de toute évaluation effectuée en vertu de l’article 10 ou du dispositif de résolution visé à l’article 18. »

363    Cette disposition prévoit expressément l’obligation pour le CRU de s’assurer, avant la publication ou la communication à un tiers du dispositif de résolution, que celui-ci ne contient pas d’informations confidentielles. Cette obligation s’applique également à la valorisation 2 qui constitue une annexe du dispositif de résolution et qui en fait partie intégrante en application de l’article 12.2 dudit dispositif.

364    La requérante fait valoir que la confidentialité du dispositif de résolution ne trouve pas de fondement dans le règlement no 806/2014 et est contraire au règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), ainsi qu’au principe de transparence consacré par l’article 15 TFUE et l’article 42 de la Charte.

365    À cet égard, il y a lieu de relever que le CRU a l’obligation de protéger les données confidentielles de toutes les entités, y compris les secrets d’affaires, en vertu de l’article 339 TFUE, de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte et de l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014.

366    Premièrement, la requérante soutient qu’il ressort du considérant 116 du règlement no 806/2014 que les obligations de confidentialité ne s’appliqueraient que tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique.

367    Le considérant 116 du règlement no 806/2014 prévoit :

« Les mesures de résolution devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement. Toutefois, dans la mesure où les informations obtenues par le CRU, les autorités de résolution nationales et leurs conseillers professionnels durant la procédure de résolution peuvent être sensibles tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique, elles devraient faire l’objet des exigences de secret professionnel. Il convient de tenir compte du fait que les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées. Il faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont réunies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action. Or, le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. Il est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations, comme le contenu et les détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre. »

368    D’une part, il ressort de ce considérant que certaines informations détenues par le CRU, contenues dans le dispositif de résolution, dans la valorisation 2 ainsi que dans les documents sur lesquels il s’est fondé, relèvent du secret professionnel et sont confidentielles.

369    À cet égard, il ressort de l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que, aux fins de l’accomplissement de ses tâches au titre de ce règlement, le CRU peut, soit par l’intermédiaire des autorités de résolution nationales, soit directement, après les en avoir informées, en faisant plein usage de toutes les informations dont disposent la BCE ou les autorités compétentes nationales, exiger notamment des entités visées par une mesure de résolution qu’elles fournissent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement des missions que lui confère ledit règlement. Le paragraphe 2 de cet article précise que les exigences de secret professionnel ne dispensent pas ces entités de l’obligation de fournir ces informations. L’article 34, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU est en mesure d’obtenir, y compris en permanence, toutes les informations nécessaires pour l’exercice de ses fonctions au titre de ce règlement, notamment sur les fonds propres, la liquidité, les actifs et les passifs de tout établissement soumis à ses pouvoirs de résolution.

370    La Cour a jugé, s’agissant de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1), que le fonctionnement efficace du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement, fondé sur une surveillance exercée à l’intérieur d’un État membre et sur l’échange d’informations entre les autorités compétentes de plusieurs États membres, requiert ainsi que tant les entreprises surveillées que les autorités compétentes puissent être sûres que les informations confidentielles fournies conserveront en principe leur caractère confidentiel (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 31 et jurisprudence citée).

371    La Cour a considéré que l’absence d’une telle confiance serait de nature à compromettre la transmission sans heurt des informations confidentielles nécessaires à l’exercice de l’activité de surveillance. C’est donc afin de protéger non seulement les intérêts spécifiques des entreprises directement concernées, mais aussi l’intérêt général lié au fonctionnement normal des marchés d’instruments financiers de l’Union, que l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 impose, en tant que règle générale, l’obligation de garder le secret professionnel (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 32 et 33 et jurisprudence citée).

372    Or, il y a lieu de relever que l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, relatif aux exigences de secret professionnel des membres du CRU, contient une disposition équivalente à l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39.

373    D’autre part, certes, le considérant 116 du règlement no 806/2014 mentionne les obligations de secret professionnel du CRU avant qu’une décision de résolution ne soit adoptée. Il indique que, dans la mesure où certaines informations détenues par le CRU sont sensibles et relèvent du secret des affaires, elles ne doivent pas être communiquées au public avant l’adoption d’une mesure de résolution. En effet, la communication d’informations sur le fait qu’une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’elle est susceptible de faire l’objet d’une mesure de résolution pourrait, notamment, inciter les actionnaires à vendre leurs titres sur les marchés et également conduire à un retrait massif des dépôts, ce qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation financière de la banque et, partant, de nuire à l’efficacité d’une action du CRU ainsi qu’au fonctionnement du marché.

374    Toutefois, ce considérant indique également expressément que les mesures de résolution « devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement ». Or, il y a lieu de rappeler que l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, cité au point 362 ci-dessus, prévoit expressément l’obligation pour le CRU de s’assurer, avant la divulgation du dispositif de résolution, que celui-ci ne contient pas d’informations confidentielles.

375    Il en ressort que le considérant 116 du règlement no 806/2014 ne saurait être interprété comme signifiant que les règles de confidentialité et de secret professionnel ne s’appliquent que tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique.

376    Deuxièmement, la requérante fait référence à l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, selon lequel « [l]es informations couvertes par les exigences de secret professionnel ne sont pas divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires ».

377    Or, cette disposition ne saurait signifier que le CRU a l’obligation de divulguer l’intégralité d’une décision de résolution à partir du moment où une procédure judiciaire est engagée. Cette disposition renvoie à la possibilité pour une juridiction d’ordonner la production de documents, y compris contenant des informations confidentielles.

378    À cet égard, le Tribunal a la faculté de demander au CRU la production de tout document qu’il estime pertinent pour statuer sur le litige, par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure ou d’une mesure d’instruction, en application de l’article 91, sous b), et de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cependant, conformément à l’article 103, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut considérer que certaines informations contenues dans ces documents ont un caractère confidentiel et ainsi décider qu’elles ne seront pas communiquées aux autres parties, et notamment aux parties requérantes.

379    Il en ressort qu’une décision du Tribunal d’ordonner la production de documents ne garantit pas aux parties requérantes l’accès à l’intégralité de ces documents si le Tribunal estime qu’ils contiennent des données confidentielles.

380    Il y a lieu de relever que, dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal, le 12 mai 2021, par le biais d’une ordonnance de mesure d’instruction, a ordonné au CRU de produire certains documents, dont les versions confidentielles du dispositif de résolution, de la valorisation 2 et de l’évaluation de la BCE sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Conformément à l’article 103 du règlement de procédure, après avoir examiné le contenu de ces documents, le Tribunal a estimé que les éléments demeurant occultés dans les versions de ces documents publiées sur les sites Internet du CRU et de la BCE n’étaient pas pertinents pour la solution du présent litige. Dès lors, par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré les versions confidentielles de ces documents du dossier.

381    Troisièmement, la requérante se contente d’alléguer que la confidentialité du dispositif de résolution est contraire au principe de transparence et aux dispositions du règlement no 1049/2001, relatives à l’accès public aux documents, sans soulever d’argument spécifique.

382    Or, il suffit de constater que, d’une part, le règlement no 1049/2001 n’est pas pertinent pour la question de savoir si le CRU avait l’obligation de divulguer l’intégralité du dispositif de résolution et que, d’autre part, il établit un régime d’accès public aux documents comprenant des exceptions visant à garantir la confidentialité de certaines données.

383    À cet égard, la Cour a jugé, concernant l’article 54 de la directive 2004/39, qui pose un principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes et énonce de manière exhaustive les cas spécifiques dans lesquels cette interdiction générale ne fait, exceptionnellement, pas obstacle à leur transmission ou utilisation, qu’il n’avait ainsi pas pour but de créer un droit d’accès en faveur du public aux informations détenues par les autorités compétentes ou de réglementer de manière détaillée l’exercice d’un tel droit d’accès reconnu, le cas échéant, par le droit national (arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 38 et 39).

384    Il y a lieu de relever que l’article 88 du règlement no 806/2014 prévoit les exigences en matière de secret professionnel et établit, de la même manière que l’article 54 de la directive 2004/39, un principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par le CRU et prévoit les hypothèses dans lesquelles cette interdiction générale ne fait, exceptionnellement, pas obstacle à leur transmission.

385    Or, la Cour a jugé que l’article 54 de la directive 2004/39 répond à un objectif différent de celui qui est poursuivi par le règlement no 1049/2001. En effet, ce dernier vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union qui soit le plus large possible (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 40 et 41 et jurisprudence citée).

386    Selon la Cour, c’est à la lumière d’un tel objectif que le règlement no 1049/2001 impose, en principe, à l’institution de l’Union qui entend refuser l’accès à un document de fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement atteinte à l’intérêt protégé par l’une des exceptions prévues au droit d’accès en cause, sans préjudice de la possibilité pour cette institution de se fonder, à cet égard, sur une présomption générale de confidentialité s’appliquant à une catégorie de documents lorsque des considérations d’ordre général similaires sont susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 42 et jurisprudence citée).

387    Elle a conclu que, en revanche, lorsque, saisies par un particulier d’une demande d’accès à des informations relatives à une entreprise surveillée, les autorités compétentes estimaient que les informations sollicitées étaient confidentielles, au sens de l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39, elles ne sauraient donner suite à une telle demande que dans les cas limitativement énumérés à cet article 54 (arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 43).

388    Il y a lieu de considérer que cette jurisprudence s’applique par analogie aux informations confidentielles détenues par le CRU au sens de l’article 88 du règlement no 806/2014.

389    Quatrièmement, dans la réplique, la requérante invoque les décisions du comité d’appel du CRU du 28 novembre 2017 et du 19 juin 2018, en réponse à ses demandes d’accès aux documents en application de l’article 90, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et du règlement no 1049/2001, à la suite desquelles le CRU a publié, en février et en octobre 2018, sur son site Internet, des versions non confidentielles du dispositif de résolution, des valorisations 1 et 2, moins expurgées. Elle soutient que ces décisions du comité d’appel du CRU ont confirmé que l’accès à une partie substantielle du dispositif de résolution avait été refusé de manière injustifiée et que la version de celui-ci publiée en février 2018 contenait une confidentialité excessive.

390    Il y a lieu de relever que la Cour a jugé que, sous peine de compromettre les objectifs poursuivis par l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39, les autorités compétentes sont en principe tenues d’observer l’obligation de secret professionnel qui leur incombe en vertu de cette disposition au cours de toute la période durant laquelle les informations qu’elles détiennent au titre de cette directive doivent être considérées comme confidentielles. Cela étant, l’écoulement du temps constitue une circonstance normalement susceptible d’influencer l’analyse du point de savoir si les conditions dont dépend la confidentialité des informations concernées sont réunies à un moment donné (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 48 et 49 et jurisprudence citée).

391    Dans la mesure où, comme cela a déjà été indiqué, l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 contient une disposition équivalente à celle de l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39, cette jurisprudence est applicable en l’espèce par analogie.

392    Les deux décisions du comité d’appel sont intervenues, respectivement, plus de six mois et un an après l’adoption du dispositif de résolution. Ainsi, l’écoulement de plusieurs mois depuis l’adoption du dispositif de résolution est susceptible d’avoir influencé l’analyse du caractère confidentiel de certaines données figurant dans le dispositif de résolution et les valorisations 1 et 2. Il en ressort que l’appréciation du comité d’appel, dans ses décisions des 28 novembre 2017 et 19 juin 2018, sur le caractère excessif de la confidentialité de certaines données ne remet pas en cause le fait que, juste après l’adoption du dispositif de résolution, cette confidentialité était alors justifiée. En outre, le comité d’appel n’a pas imposé la publication de l’intégralité du dispositif de résolution ou de la valorisation 2, certaines données demeurant confidentielles.

393    Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante soutient que la confidentialité de certaines données du dispositif de résolution n’était pas fondée.

394    Par ailleurs, il convient de rappeler que le CRU a publié sur son site Internet, le 11 juillet 2017, une version non confidentielle du dispositif de résolution. La requérante, ayant eu accès à celle-ci, a pu la contester devant le Tribunal par le présent recours, introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, ce qui établit l’existence de son droit à un recours effectif.

395    En outre, postérieurement à l’introduction du présent recours et à la suite des décisions du comité d’appel du CRU mentionnées au point 389 ci-dessus, le CRU a publié sur son site Internet, le 2 février et le 31 octobre 2018, soit avant le dépôt de la réplique, des versions non confidentielles moins expurgées du dispositif de résolution et des valorisations 1 et 2. La requérante a ainsi été en mesure de présenter des arguments sur ces versions.

396    La requérante fait valoir que, quand bien même elle a eu accès à un plus grand nombre d’informations, à la suite des publications, le 2 février et le 31 octobre 2018, du dispositif de résolution et des valorisations 1 et 2 dans des versions moins expurgées, il ne pourrait être remédié à l’absence de motivation après l’ouverture de la procédure.

397    À cet égard, il suffit de constater que les publications successives sur le site Internet du CRU concernaient le dispositif de résolution et les valorisations 1 et 2 dans leurs versions originales. Ces publications visaient à accorder au public un accès à des parties de ces documents qui avaient été considérées initialement comme confidentielles. Il ne s’agissait pas, pour le CRU, de publier des informations qui ne figuraient pas dès l’origine dans le dispositif de résolution ou dans les valorisations 1 et 2 et qui auraient pour objet de compléter leur motivation.

398    Enfin, il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé qu’une décision de la Commission concluant à l’inexistence d’une aide d’État dénoncée par un plaignant peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivée sans comporter l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 108 à 111). Dès lors, une version non confidentielle d’une telle décision, lorsqu’elle fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de ladite institution ainsi que la méthodologie employée par celle-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître ces justifications et au Tribunal d’exercer son contrôle à leur égard, suffit à satisfaire à l’obligation de motivation pesant sur la même institution (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 55).

399    De plus, s’agissant des éléments économiques utilisés par Deloitte dans la valorisation 2 et pris en compte par le CRU dans le dispositif de résolution, il ne saurait être contesté qu’ils relèvent d’appréciations techniques complexes. Dès lors que le dispositif de résolution faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par le CRU pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie ce raisonnement (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108 et jurisprudence citée).

400    Or, d’une part, il ressort de l’analyse du premier grief que la requérante n’avait pas établi que les versions du dispositif de résolution et de la valorisation 2, publiées sur le site Internet du CRU et auxquelles elle a eu accès, étaient insuffisamment motivées. D’autre part, la requérante n’a pas précisé dans quelle mesure les données économiques demeurant occultées dans les versions non confidentielles du dispositif de résolution et de la valorisation 2 étaient nécessaires à la compréhension du dispositif de résolution et à l’exercice de son droit à un recours juridictionnel effectif.

401    Dès lors, il y a lieu de considérer que la requérante ne saurait faire valoir qu’un droit d’accès à l’intégralité du dispositif de résolution était nécessaire à l’exercice de ses droits de la défense ou de son droit à un recours effectif.

402    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le second grief doit être rejeté et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

6.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans et de larticle 88 du règlement no 806/2014

403    La requérante fait valoir que le CRU a violé le principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans et l’obligation de secret professionnel prévue par l’article 88 du règlement no 806/2014 et par l’article 339 TFUE, en adoptant un acte faisant grief à Banco Popular et à ses actionnaires en raison d’une crise qu’il a lui-même provoquée.

404    Elle soutient que les déclarations faites par la présidente du CRU, dans une interview à Bloomberg TV le 23 mai 2017 et dans un article publié le 31 mai 2017 par Reuters constituent une violation de l’article 88 du règlement no 806/2014, qui prévoit une obligation de secret professionnel pour le personnel et les membres du CRU. La requérante fait valoir que ces déclarations ont provoqué la panique du public, qui a retiré massivement des fonds de Banco Popular, ce qui a conduit à une fuite des dépôts. La requérante invoque divers éléments établissant un lien de causalité entre ces déclarations et la crise de Banco Popular. Les informations contenues dans ces déclarations de la présidente du CRU des 23 et 31 mai 2017 seraient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular, qui serait le motif de la résolution de Banco Popular.

405    En outre, la requérante soutient que, conformément au principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans, une institution ne pourrait se fonder sur ses propres erreurs pour adopter un acte faisant grief à un particulier.

406    La Commission considère que, dans un recours portant sur la légalité du dispositif de résolution, les circonstances qui ont pu mettre l’entité en difficulté sont sans importance et que la seule question pertinente est de savoir si les conditions juridiques pour l’adoption de ce dispositif étaient réunies. Le CRU soutient également que la validité du dispositif de résolution exige que l’entité soit en situation de défaillance avérée ou prévisible et que les conditions prévues par le règlement no 806/2014 soient remplies au moment où il est adopté, quelles que soient les raisons qui ont conduit à une telle situation.

407    À titre liminaire, s’agissant de l’invocation par la requérante du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans, selon lequel nul ne saurait invoquer son propre comportement fautif à l’égard d’autrui pour obtenir un avantage, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission et du CRU, que ce principe n’est pas applicable en l’espèce.

408    Comme le relève le CRU, ce principe s’applique lorsqu’une partie cherche à tirer indûment profit de sa propre conduite illicite. Or, la requérante n’indique pas quel avantage le CRU aurait retiré de l’adoption du dispositif de résolution.

409    En outre, aucun des exemples tirés de la jurisprudence, cités par la requérante, ne permet d’établir la pertinence de ce principe au soutien d’une demande d’annulation d’un acte adopté par une institution ou un organe de l’Union. Ainsi, au point 55 de l’arrêt du 11 décembre 1996, Barraux e.a./Commission (T‑177/95, EU:T:1996:187), le Tribunal a considéré que l’argument selon lequel ce principe empêcherait le Conseil d’adopter un règlement avec effet rétroactif n’était pas pertinent. Au point 63 de l’arrêt du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine (C‑472/00 P, EU:C:2003:399), la Cour a simplement rappelé une constatation du Tribunal selon laquelle Fresh Marine aurait contribué au préjudice du fait de sa propre négligence. Au point 13 de l’arrêt du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes (316/82, EU:C:1984:49), la Cour a relevé que l’argumentation de la Cour des comptes européenne tirée de l’absence de forme écrite de l’acte attaqué, invoquée au soutien de l’irrecevabilité du recours, n’était pas fondée, indépendamment du fait qu’accepter cette argumentation reviendrait à lui permettre de se prévaloir d’une violation, qu’elle a elle‑même commise, afin de priver la partie requérante de son droit de recours.

410    Partant, il convient d’examiner le présent moyen en ce que la requérante fait valoir une violation par le CRU de son obligation de secret professionnel prévue par l’article 339 TFUE et l’article 88 du règlement no 806/2014.

411    Il y a lieu de relever que, à supposer même que la requérante ait établi que le CRU avait divulgué des informations confidentielles à la presse, selon une jurisprudence constante, une irrégularité de ce genre ne peut entraîner l’annulation de la décision en cause que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283 et jurisprudence citée ; arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 416 ; voir, également, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 402 et jurisprudence citée).

412    À cet égard, comme le soutiennent la Commission et le CRU, un dispositif de résolution est valablement adopté lorsque les conditions prévues à l’article 18 du règlement no 806/2014 sont remplies, quels que soient les motifs ayant conduit l’entité en cause à une situation de défaillance avérée ou prévisible.

413    Or, il y a lieu de rappeler que les arguments de la requérante relatifs à une violation de l’article 18 du règlement no 806/2014 ont été rejetés dans le cadre de l’analyse du huitième moyen.

414    Ainsi, il convient de relever que le CRU, ayant estimé que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a adopté le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular et que la Commission, ayant considéré que le dispositif de résolution était conforme aux dispositions du règlement no 806/2014, a approuvé celui-ci. Les circonstances ayant conduit à ce que Banco Popular remplisse les conditions justifiant l’adoption du dispositif de résolution, notamment la condition selon laquelle elle était en situation de défaillance avérée ou prévisible, ne sont pas pertinentes.

415    En conséquence, un prétendu lien de causalité entre les déclarations des 23 et 31 mai 2017 et la crise de liquidité de Banco Popular, invoqué par la requérante, est indifférent et ne saurait conduire à l’annulation des décisions attaquées.

416    Partant, l’argument de la requérante selon lequel le CRU ne pouvait valablement adopter le dispositif de résolution étant donné que les déclarations de sa présidente, effectuées en violation de son devoir de confidentialité et du principe de bonne administration, seraient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular, doit être rejeté comme inopérant s’agissant de l’appréciation de la légalité du dispositif de résolution.

417    Au demeurant, la requérante ne saurait valablement soutenir que les divulgations des 23 et 31 mai 2017 ont provoqué la grave crise de liquidité de Banco Popular. Les arguments de la requérante reposent sur une présentation partielle et erronée des faits à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular et des causes ayant conduit à la situation de défaillance avérée ou prévisible de celle-ci.

418    Ainsi, il y a lieu de rappeler que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, citée aux points 53 à 61 ci-dessus, la BCE a mentionné les différents événements à l’origine de détérioration de la situation de liquidité de Banco Popular.

419    Au considérant 24 du dispositif de résolution, le CRU a cité d’autres circonstances ayant conduit à la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, à savoir :

–        en février 2017, Banco Popular a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros et a nommé un nouveau président ;

–        le 10 février 2017, DBRS a dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 3 avril 2017, Banco Popular a publié une déclaration publique ad hoc informant sur le résultat d’audits internes ayant potentiellement un impact significatif sur ses états financiers et confirmé le remplacement de son directeur général moins d’un an après son entrée en fonction ;

–        le 7 avril 2017, Standard & Poor’s et, le 21 avril, Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 12 mai 2017, Banco Popular a enfreint l’exigence de couverture des besoins de liquidité de 80 % et n’a pas été en mesure de rétablir la conformité avec la limite réglementaire par la suite ;

–        la couverture médiatique négative et continue sur les résultats financiers de Banco Popular et sur le supposé risque imminent de faillite ou d’illiquidité a causé une augmentation des retraits de dépôts ;

–        le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

420    Le CRU a relevé que l’ensemble de ces circonstances avait causé des retraits de dépôts importants.

421    Il ressort de ces faits, non contestés par la requérante, que la situation de Banco Popular s’était déjà dégradée bien avant le 23 mai 2017 et que la crise de liquidité de Banco Popular était causée par de multiples facteurs, qui avaient pour origine les mauvais résultats de la banque annoncés en février et en avril 2017. En particulier, l’exigence de couverture des besoins de liquidité de Banco Popular ne respectait pas les exigences légales depuis le 12 mai 2017.

422    Il convient de relever que la requérante ne saurait ignorer l’ensemble des circonstances objectives ayant causé les problèmes de liquidité de Banco Popular, particulièrement depuis le mois d’avril 2017. Elle ne saurait valablement soutenir que la déclaration du 23 mai 2017 et l’article du 31 mai 2017, à supposer même qu’ils aient pour origine une violation du principe de confidentialité de la part du CRU, étaient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular.

423    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

424    La requérante fait valoir que la BCE, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, a relevé que les pertes de dépôts depuis le 31 mai 2017 étaient particulièrement importantes, après que les médias ont révélé que la banque pourrait faire face à une liquidation si la procédure de vente privée en cours n’aboutissait pas à très court terme.

425    Il ressort de son évaluation que, selon la BCE, l’annonce de l’échec de la procédure de vente privée et du risque de liquidation de l’entreprise a renforcé les pertes de dépôts de Banco Popular. Cependant, il ne s’agit que d’un élément parmi les nombreux autres cités par la BCE, qui sont à l’origine de ces fuites de dépôts. La requérante ne saurait affirmer que la BCE aurait reconnu que l’article de Reuters du 31 mai 2017 était à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular.

426    La BCE a relevé l’importante couverture médiatique négative dont a fait l’objet Banco Popular pendant cette période et cite même des exemples d’articles publiés les 11 et 15 mai 2017, mentionnés aux points 40 et 41 ci-dessus. La requérante ne saurait isoler de l’ensemble de ces articles de presse le seul article mentionnant un fonctionnaire de l’Union pour prétendre que seul cet article serait à l’origine de la fuite des liquidités de Banco Popular.

427    La requérante soutient également que les déclarations des 23 et 31 mai 2017 ont eu des conséquences sur la baisse du cours des actions de Banco Popular ainsi que sur la cotation de divers instruments financiers.

428    Il y a lieu de relever que l’évolution du cours de l’action de Banco Popular montrait une baisse constante entre juin 2016 et juin 2017. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, cette évolution ne révèle aucun lien entre la déclaration du 23 mai et l’article du 31 mai 2017 et le cours de l’action de Banco Popular. La chute du cours des actions de Banco Popular s’explique par la mauvaise situation financière de la banque et doit être mise en relation avec les dégradations successives de la note de Banco Popular par les agences de notation, mentionnées aux points 32, 38 et 46 ci-dessus.

429    En outre, la requérante a reconnu, lors de l’audience que, le 15 mai 2017, Banco Popular était sortie de l’indice MSCI (Morgan Stanley Capital International). Or, cette sortie a conduit d’importants fonds d’investissements à vendre leurs actions de Banco Popular et a contribué à la chute des actions de Banco Popular.

430    De plus, s’agissant de l’évolution des obligations convertibles conditionnelles (Cocos) de Banco Popular, il suffit de relever que le journaliste qui a interrogé la présidente du CRU le 23 mai 2017 a mentionné leur effondrement en raison du risque d’un défaut de paiement. La requérante ne saurait donc prétendre que la baisse des Cocos était consécutive à cette interview.

431    En toute hypothèse, il y a lieu de relever que la requérante ne soulève aucun argument visant à établir quels seraient les éléments contenus dans les déclarations des 23 et 31 mai 2017 qui constitueraient une violation de l’obligation de secret professionnel de la part de la présidente du CRU et qu’elle n’a pas démontré l’existence d’une violation de l’obligation de confidentialité ou de secret professionnel imputable à ce dernier.

432    En premier lieu, s’agissant de l’interview de la présidente du CRU à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai 2017, le journaliste a demandé :

« Puis-je vous emmener en Espagne ? Je voudrais montrer à notre public quelque chose qui est très présent sur notre écran radar ici à Bloomberg, il s’agit de Banco Popular et des obligations contingentes convertibles qui subissent un peu de pression en ce moment. Cette institution a un CET 1 légèrement supérieur à 7 %. Est-elle également sur votre écran radar ? » [Can I take you to Spain ? I want to show our audience something that is very much on our radar screen here at Bloomberg and that is Banco Popular and the CoCos (Contingent Convertibles) which are under a little bit of pressure right now. This is an institution with a CET 1 just north of 7 per cent. Is it on your radar screen as well ?]

433    La présidente du CRU a répondu :

« Je ne parle jamais des banques individuellement. Il y a plus d’une banque sur notre écran radar et bien sûr Banco Popular est également un cas que nous surveillons, mais ce n’est pas le seul » (Well, I am never talking about individual banks. There are more banks than just one on our radar screen and of course, Banco Popular is also a case we are watching but it is not the only one we are watching).

434    Il y a lieu de constater, d’une part, comme le relève le CRU, que ces propos sont de portée générale, la surveillance des établissements faisant partie de sa mission en coopération avec la BCE. L’information selon laquelle Banco Popular, en tant qu’établissement de crédit couvert par le mécanisme de surveillance unique, est « surveillée » n’est pas confidentielle.

435    En outre, il ressort de l’article du 15 mai 2017 publié par elconfidencial.com, mentionné au point 41 ci-dessus, que l’information selon laquelle Banco Popular avait fait l’objet d’une inspection de la BCE était déjà publique.

436    D’autre part, durant cette interview, la présidente du CRU ne mentionne pas l’hypothèse d’une résolution de Banco Popular. Il ne saurait être tiré aucune conclusion de ces propos s’agissant de la mise en œuvre prochaine d’une résolution de Banco Popular et encore moins s’agissant de l’instrument de résolution qui pourrait être mis en œuvre par le CRU.

437    En outre, dans la mesure où ces propos ne sauraient être interprétés comme signifiant que Banco Popular fera l’objet d’une procédure de résolution, ils ne relèvent pas des hypothèses envisagées par le considérant 116 du règlement no 806/2014 relatif à la communication de toute information à propos d’une décision de résolution avant que celle-ci ne soit adoptée.

438    Partant, il y a lieu de considérer que les propos tenus par la présidente du CRU lors de l’interview du 23 mai 2017 ne contiennent pas d’informations confidentielles et ne constituent pas une violation du principe de confidentialité ni de l’obligation de secret professionnel prévue à l’article 88 du règlement no 806/2014 et à l’article 339 TFUE.

439    En second lieu, s’agissant de l’article publié par Reuters le 31 mai 2017, intitulé « L’UE, mise en garde contre le risque d’une résolution de Banco Popular » (La UE, advertida de riesgo de una resolución ordenada en Banco Popular), cet article indique que, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur et que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce ». Selon cet article, ce haut fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention et il a ajouté que l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse.

440    Cet article de Reuters indique également que, selon une autre source, également anonyme, des préparatifs généraux étaient en cours, bien qu’aucune mesure concrète n’ait encore été adoptée. Selon cet article, un porte-parole de Banco Popular avait déclaré que la banque travaillait sur plusieurs plans incluant une fusion, une augmentation de capital et des ventes d’actifs.

441    Il convient également de relever que cet article mentionne le communiqué de presse du CRU du même jour, dans lequel le CRU a indiqué qu’il ne commentait pas les difficultés spécifiques à une banque, qu’il ne pouvait pas confirmer les interprétations relatives aux prétendues citations faites par sa présidente et qu’il n’émettait jamais d’alerte à propos des banques.

442    Il convient de relever que la requérante ne précise pas quelles informations contenues dans cet article seraient confidentielles, ni dans quelle mesure leur divulgation serait constitutive d’une violation des exigences de secret professionnel du CRU. La requérante soutient que la présidente du CRU serait l’auteure des déclarations rapportées dans cet article et que ni le CRU ni la Commission n’ont apporté d’éléments de preuve de nature à démontrer le contraire. Or, il y a lieu de relever que les propos d’un fonctionnaire de l’Union, mentionnés dans cet article, ne portaient pas sur des informations confidentielles qui ne pouvaient être connues que de membres du CRU, et encore moins de sa seule présidente.

443    Ainsi, premièrement, le fonctionnaire aurait mentionné une « alerte précoce » qui aurait été émise par la présidente du CRU. Or, il y a lieu de relever que cette affirmation ne correspond pas à une compétence du CRU, ce que ce dernier a d’ailleurs rappelé dans son communiqué de presse du 31 mai 2017.

444    Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle « la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention », il suffit de constater que ces propos reprennent la substance de ce que la présidente du CRU avait affirmé publiquement lors de son interview accordée à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai 2017, à savoir que Banco Popular était « surveillée ». De plus, l’interprétation extensive donnée à ces propos a été démentie par le CRU dans son communiqué de presse.

445    Troisièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse, il ressort de ce même article que Banco Popular elle-même avait indiqué qu’elle devrait repousser la date limite initialement fixée au 10 juin 2017 pour présenter des offres dans le cadre de la procédure de vente privée.

446    Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur, il y a lieu de relever que plusieurs articles de presse mentionnaient déjà, dans le courant du mois de mai, que Banco Popular était en difficulté et qu’elle avait engagé une procédure de vente privée.

447    Ainsi, il ressort d’un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, cité au point 40 ci-dessus, que le président de Banco Popular avait ordonné la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite. La référence, dans l’article du 31 mai, au fait que les fonctionnaires de l’Union auraient été informés par « un des principaux surveillants des banques en Europe », semble correspondre à l’information donnée dans cet article, selon laquelle, en raison d’un risque sérieux de faillite dû, notamment, à la fuite continue des dépôts, le président de Banco Popular avait été contraint de mettre en œuvre la procédure de vente afin de répondre aux exigences de la BCE. En outre, un article du 15 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, mentionné au point 41 ci-dessus, indiquait que le plan de vente de Banco Popular avait été mis en œuvre par son président après l’inspection de la BCE.

448    Ainsi, le fait que Banco Popular devait faire face à un risque de faillite si elle ne trouvait pas d’acquéreur à l’issue de la procédure de vente qu’elle avait entamée était une information publique depuis le milieu du mois de mai 2017.

449    Il en ressort que, contrairement à ce que prétend la requérante, les propos du fonctionnaire de l’Union anonyme rapportés dans cet article ne contiennent pas d’informations confidentielles relatives à la mise en œuvre d’une procédure de résolution visant Banco Popular, telles que celles visées au considérant 116 du règlement no 806/2014.

450    Par ailleurs, la requérante fait valoir à tort qu’il appartient au CRU ou à la Commission de démontrer que la présidente du CRU n’était pas l’auteure des déclarations rapportées dans cet article.

451    Comme le soutient le CRU, de nombreuses autres personnes que des membres du CRU ou des fonctionnaires de la Commission étaient susceptibles de tenir de tels propos, eu égard notamment aux possibilités d’échanges d’informations prévues notamment à l’article 88, paragraphe 6, du règlement no 806/2014.

452    Or, à supposer que les propos rapportés dans cet article aient pour origine une fuite de la part d’un fonctionnaire de l’Union, dans la mesure où il n’est pas établi que la présidente du CRU serait responsable de la fuite d’informations dont témoignent les articles de presse auxquels la requérante se réfère, il ressort de la jurisprudence, qu’une telle origine de la fuite ne saurait être présumée (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2006:74, point 605).

453    En outre, il y a lieu de relever que, même dans le cas où il serait vraisemblable que le CRU puissent être à l’origine de cette fuite, cette seule éventualité ne suffit pas, comme le prétend la requérante, à faire peser sur lui la charge de prouver le contraire (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 412).

454    Partant, le fait que cet article rapporte des prétendues paroles de la présidente du CRU ne saurait suffire à établir leur authenticité, d’autant plus que la personne censée rapporter ces paroles n’est elle-même pas identifiée. En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le communiqué de presse du CRU du 31 mai 2017, dont le contenu est rappelé au point 441 ci-dessus, constitue un démenti des informations contenues dans cet article.

455    En outre, la requérante ne saurait s’appuyer sur le fait que les prétendues déclarations de la présidente du CRU auraient été reprises dans des articles de presse le 1er juin 2017, figurant en annexe de la requête. En effet, ces articles n’établissent pas que la présidente du CRU aurait fait des déclarations le 31 mai 2017. Il suffit de constater que l’extrait de l’article de bolsamania.com, du 1er juin 2017, cité par la requérante, se contente de reprendre le contenu de l’interview accordée par la présidente du CRU à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai et que l’extrait de l’article du Financial Times du 1er juin 2017 reproduit le contenu de l’article de Reuters du 31 mai 2017.

456    En l’absence de présomption selon laquelle la présidente du CRU aurait été à l’origine de la déclaration du 31 mai 2017, il n’appartient pas à la Commission ou au CRU de démontrer qu’elle n’en était pas l’auteure.

457    Par ailleurs, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2020, la requérante a présenté une nouvelle offre de preuve, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cette offre de preuve porte sur deux courriels internes du CRU des 10 et 18 août 2017 concernant les actions menées par le CRU afin d’enquêter sur les fuites d’informations dans la presse liées à la résolution de Banco Popular. La requérante justifie le retard dans la production de ces documents en indiquant qu’elle a eu accès à ces documents à la suite de la décision du CRU du 24 août 2020 de divulguer ces documents, adoptée conformément à la décision du comité d’appel du CRU du 15 avril 2020, relative à une demande d’accès à des documents introduite par un tiers. Elle précise qu’elle a eu accès à ces documents en septembre 2020. La requérante indique que ces nouvelles preuves visent à étayer son argumentation soulevée dans le cadre du deuxième moyen et que ces documents démontrent l’absence d’enquête sur les fuites d’informations dans la presse le 23 mai 2017.

458    La Commission, le CRU, le Royaume d’Espagne et le Conseil soutiennent que ces documents ne sont pas pertinents pour apprécier la légalité des décisions attaquées.

459    Il suffit de constater qu’il ne saurait en aucun cas être déduit de l’absence d’enquête interne du CRU sur la déclaration de sa présidente le 23 mai 2017 ou sur la déclaration à l’origine de l’article du 31 mai 2017 la preuve de la violation par ce dernier de ses obligations de confidentialité. Ainsi, il y a lieu de considérer que le fait que le CRU n’ait pas procédé à une enquête interne sur ces déclarations, postérieurement à l’adoption de la décision de résolution, n’est pas pertinent s’agissant de l’appréciation de la légalité des décisions attaquées.

460    Partant, il y a lieu de rejeter les documents présentés dans cette nouvelle offre de preuve comme n’étant pas pertinents pour la solution du litige.

461    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

7.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation du droit de propriété, consacré par larticle 17 de la Charte, et de la violation de larticle 5, paragraphe 4, TUE

462    La requérante, en qualité d’ancienne actionnaire de Banco Popular, fait valoir que la décision du CRU, dans le dispositif de résolution, de déprécier et de convertir les actions de Banco Popular et de vendre cette dernière à Banco Santander constitue une restriction de son droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, qui ne respecte pas la condition de proportionnalité prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 5, paragraphe 4, TUE.

463    Il convient de rappeler que, en application de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, cité au point 158 ci-dessus, et de la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus, des restrictions peuvent être apportées à l’exercice du droit de propriété à condition qu’elles soient prévues par les textes applicables, nécessaires à la poursuite d’un objectif d’intérêt général et proportionnées à cet objectif.

464    Par son sixième moyen, la requérante ne remet pas en cause le fait que la limitation de son droit de propriété découlant de la dépréciation et de la conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular et de la vente de celle-ci à Banco Santander, décidées dans le dispositif de résolution, était prévue par les textes applicables et était nécessaire à la poursuite d’un objectif d’intérêt général. Elle se contente de remettre en cause la proportionnalité de ces mesures eu égard au fait que Banco Popular était confrontée à un problème de liquidité et reproche au CRU de ne pas avoir recherché d’autres solutions moins restrictives pour le droit de propriété des actionnaires.

465    Selon la jurisprudence constante, déjà mentionnée au point 176 ci-dessus, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêts du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée, et du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 166 et jurisprudence citée].

466    Il convient de relever que le pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular, prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014, est la conséquence de l’application du principe, prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du même règlement, selon lequel les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes. La vente de Banco Popular à Banco Santander est le résultat de l’application de l’instrument de cession des activités prévu à l’article 22 du règlement no 806/2014.

467    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’analyse du quatrième moyen que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des actionnaires de l’entité concernée par une mesure de résolution, mais doivent être considérés comme établissant une restriction à leur droit de propriété justifiée et proportionnée, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

468    Par ailleurs, le Tribunal a déjà jugé qu’une mesure consistant dans la réduction de la valeur nominale des actions d’une banque chypriote était proportionnée à l’objectif poursuivi par cette mesure. Il a, tout d’abord, relevé que cette mesure visait à contribuer à la recapitalisation de la banque et qu’elle était apte à contribuer à l’objectif consistant à assurer la stabilité du système financier chypriote et de la zone euro dans son ensemble. Ensuite, il a constaté que cette mesure n’excédait pas les limites de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation de cet objectif, étant donné que des alternatives moins restrictives n’étaient pas réalisables ou n’auraient pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Enfin, il a considéré que, compte tenu de l’importance de l’objectif poursuivi, la mesure ne générait pas des inconvénients démesurés. Il a rappelé, à cet égard, que les actionnaires des banques assument pleinement le risque de leurs investissements (arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 330).

469    Dans ces circonstances, le Tribunal a conclu qu’il ne saurait être considéré que la réduction de la valeur nominale des actions de cette banque constituait une intervention démesurée et intolérable qui portait atteinte à la substance même du droit de propriété des actionnaires (arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 331).

470    Or, en l’espèce, il convient de rappeler que, dans le dispositif de résolution, le CRU a constaté que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies, à savoir, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autre perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public. À cet égard, le CRU a indiqué que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques de la banque et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière. Dans la décision 2017/1246, la Commission a indiqué qu’elle était d’accord avec le dispositif de résolution et notamment avec les raisons que le CRU avait avancées pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public.

471    Dans la mesure où la requérante n’a pas établi que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 n’étaient pas remplies en l’espèce et où, en sa qualité d’actionnaire de Banco Popular, elle devait assumer pleinement le risque de ses investissements, il y a lieu de conclure que la décision de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular dans le dispositif de résolution ne constitue pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même de son droit de propriété, mais doit être considérée comme une restriction à son droit de propriété justifiée et proportionnée, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

472    Les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

473    En premier lieu, la requérante fait valoir que la dépréciation des actions et la vente de Banco Popular étaient disproportionnées étant donné que Banco Popular était solvable et qu’elles ne constituaient pas des solutions appropriées pour résoudre un problème de liquidité. Elle conteste que la solution alternative à la résolution était une procédure d’insolvabilité dans la mesure où Banco Popular était solvable.

474    Premièrement, il convient de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier grief du huitième moyen que l’insolvabilité de Banco Popular n’était pas une condition à l’adoption du dispositif de résolution. En effet, une situation dans laquelle une entité ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ce qui correspond notamment à une crise de liquidité, est une des hypothèses dans laquelle cette entité sera considérée en situation de défaillance avérée ou prévisible, prévue par l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

475    Ainsi, les arguments relatifs au fait que Banco Popular était solvable sont inopérants, dans la mesure où la BCE a constaté que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a) et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, en raison de la détérioration de sa situation de liquidité.

476    Deuxièmement, il convient de rappeler que le fait que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’il n’existait pas d’autres mesures susceptibles d’empêcher cette défaillance dans un délai raisonnable constituaient des conditions de sa résolution, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Partant, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la procédure d’insolvabilité constituait la seule alternative à la résolution.

477    Troisièmement, à l’article 5 du dispositif de résolution, le CRU a justifié le choix de l’instrument de cession des activités comme instrument de résolution. Le CRU a indiqué que cet instrument était nécessaire et proportionné aux objectifs prévus à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et visait principalement la protection des fonctions critiques pour le fonctionnement de l’économie réelle et la préservation de la stabilité financière.

478    Il ressort notamment de l’article 5, paragraphe 3, du dispositif de résolution, mentionné au point 339 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU a indiqué les raisons pour lesquelles l’instrument de cession des activités était le plus approprié pour résoudre les problèmes de liquidité de Banco Popular.

479    Or, la requérante ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause ces appréciations du CRU et se contente d’affirmer que, selon elle, une séparation des actifs et l’instrument de l’établissement-relais constituaient des mesures adéquates pour résoudre les problèmes de liquidité et restaurer la confiance du marché.

480    En deuxième lieu, la requérante affirme que la solution pour résoudre un problème de liquidité était de donner davantage de liquidités. Elle renvoie aux rapports d’experts figurant en annexe de la requête et de la réplique selon lesquels, pour résoudre le problème de liquidité de Banco Popular, il était possible de prendre des mesures de surveillance, d’effectuer un apport urgent de liquidités ou d’octroyer des prêts, ou de procéder à un apport de liquidités d’un autre type. Elle soutient que, selon ces rapports, il existait d’autres mesures moins restrictives pour les actionnaires, qui leur aurait permis de conserver tout ou partie de leur investissement, et renvoie aux arguments soulevés à l’appui du huitième moyen.

481    D’une part, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’analyse du huitième moyen qu’un apport urgent de liquidités n’était pas envisageable au moment de l’adoption du dispositif de résolution et que, le CRU ne jouant aucun rôle dans la fourniture d’un apport urgent de liquidités, qui relève de la compétence des banques centrales nationales, il n’était pas tenu de prendre en compte une telle hypothèse. De plus, la requérante n’explique pas à quelles mesures de surveillance et autres formes de prêts ou d’apports de liquidités elle fait référence. Il ressort également de l’analyse du huitième moyen que la requérante n’a pas établi que les solutions alternatives qu’elle proposait étaient envisageables.

482    D’autre part, s’agissant des pages du rapport d’expertise du 16 septembre 2017, intitulé « Évaluation réglementaire et économique », figurant en annexe de la requête auxquelles renvoie la requérante, il suffit de constater qu’elles ne contiennent qu’une analyse purement théorique des mesures auxquelles, selon cet expert, le CRU aurait pu avoir recours pour éviter la crise de Banco Popular, comme coopérer avec d’autres autorités compétentes ou avertir les autorités de surveillance. Cet expert s’appuie, notamment, sur la considération erronée selon laquelle le CRU pouvait obliger la Banque d’Espagne à fournir un apport urgent de liquidités.

483    Enfin, s’agissant du renvoi global opéré par la requérante au rapport d’expertise du 2 décembre 2018, intitulé « Évaluation réglementaire et économique relative aux rapports de valorisations et à la défense du CRU »  figurant en annexe de la réplique, il suffit de relever que, selon la jurisprudence, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 41 et jurisprudence citée ; du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée, et du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission, T‑760/15 et T‑636/16, EU:T:2019:669, point 114 et jurisprudence citée).

484    En troisième lieu, la requérante soutient que le dispositif de résolution n’aurait pas recherché un équilibre entre l’intérêt public et son droit de propriété et n’aurait pas déterminé s’il existait un intérêt public à la priver de sa propriété ou s’il existait des mesures moins restrictives pour le droit de propriété.

485    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 :

« Aux fins du paragraphe 1, point c), du présent article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure. »

486    Il en ressort que les arguments de la requérante reposent sur une interprétation erronée de la condition de l’intérêt public prévue par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU ne devait pas rechercher s’il existait un « intérêt public à la priver de sa propriété ». En outre, il ne s’agissait pas pour le CRU de mettre en balance l’intérêt public et l’intérêt privé des actionnaires.

487    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 164 ci-dessus, bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir à travers l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système financier.

488    En réplique, la requérante ajoute que le CRU ne s’était pas préparé conformément au principe de bonne administration et au devoir de diligence, ce qui l’a empêché d’analyser les autres solutions existantes et de choisir la plus adéquate et la moins onéreuse. Selon la requérante, le plan de résolution de 2016, élaboré par le CRU, ne vérifiait pas si la stratégie de résolution envisagée était viable, manquait des informations et de la préparation nécessaires à l’examen d’autres solutions et il a dû être écarté.

489    Il suffit de constater que, par ces arguments, la requérante reproche au CRU de ne pas avoir préparé la mesure de résolution en violation du principe de bonne administration et de son devoir de diligence.

490    Comme le relève la Commission, ces arguments soulevés pour la première fois en réplique doivent être considérés comme irrecevables en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

491    En tout état de cause, ces arguments sont inopérants s’agissant de déterminer si la mesure de résolution adoptée par le CRU, une fois les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 remplies, entraînait une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la requérante.

492    Partant, il convient de rejeter le sixième moyen.

8.      Sur le septième moyen, tiré de la violation le droit dêtre entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte

493    La requérante fait valoir que le CRU a violé les articles 17 et 41 de la Charte, dans la mesure où il a adopté le dispositif de résolution, qui a conduit à une violation de son droit de propriété sur les actions de Banco Popular, sans l’entendre, ni avant ni après cette adoption. Une audition aurait permis de vérifier s’il existait ou non des mesures alternatives privées, telles qu’une augmentation de capital. Elle ajoute que cette restriction ne serait pas prévue par la loi et ne serait pas proportionnée, l’urgence ne justifiant pas l’absence d’audition.

494    À titre liminaire, il ressort de l’analyse du cinquième moyen que le fait que l’article 18 du règlement no 806/2014 ne prévoit pas l’audition des actionnaires de l’entité visée par une mesure de résolution constitue une limitation du droit d’être entendu, d’une part, qui est justifiée par un objectif d’intérêt général, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers visé par l’article 14 du règlement no 806/2014, auquel participe également l’objectif visant à assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité, ainsi que par la nécessité d’adopter rapidement une décision une fois les conditions de la résolution remplies et, d’autre part, qui respecte le principe de proportionnalité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

495    Cependant, il ressort de la jurisprudence citée aux points 225 et 226 ci-dessus que le respect du droit d’être entendu doit s’appliquer à toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité.

496    Tout d’abord, il convient de rappeler que le dispositif de résolution adopté par le CRU à l’issue de la procédure prévue à l’article 18 du règlement no 806/2014 a pour objet la résolution de Banco Popular. Le dispositif de résolution a pour unique destinataire le FROB et Banco Popular doit être considérée comme la personne à l’égard de laquelle une mesure individuelle a été adoptée et à laquelle le droit d’être entendu est garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

497    Ainsi, il convient de tenir compte du fait que la requérante, en sa qualité d’actionnaire de Banco Popular, n’est pas destinataire du dispositif de résolution, qui n’est pas une décision individuelle prise à son encontre, ni de la décision 2017/1246 approuvant ce dispositif de résolution.

498    Toutefois, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a exercé le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular.

499    Dès lors, la procédure suivie par le CRU pour adopter le dispositif de résolution, même si elle ne constitue pas une procédure individuelle ouverte à l’encontre de la requérante, peut conduire à l’adoption d’une mesure susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts en sa qualité d’actionnaire de Banco Popular.

500    Or, la jurisprudence de la Cour, citée au point 225 ci-dessus, a retenu une interprétation large du droit d’être entendu comme étant garanti à toute personne au cours de la procédure susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief.

501    Cependant, il convient également de rappeler que, en application de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, cité au point 158 ci-dessus, et de la jurisprudence mentionnée au point 235 ci-dessus, dans l’hypothèse où la requérante pourrait se prévaloir du droit d’être entendu, consacré par la Charte, dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular, ce droit peut être soumis à des limitations. En particulier, l’absence d’audition de la requérante, en sa qualité d’actionnaire de Banco Popular, dans le cadre de la procédure de résolution, que ce soit par le CRU ou par la Commission, pouvait être justifiée.

502    En l’espèce, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que la résolution de Banco Popular était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière et assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular.

503    À cet égard, à l’article 4.4.2 du dispositif de résolution, le CRU a expliqué qu’il avait conclu que la situation de Banco Popular entraînait un risque croissant d’effets négatifs significatifs sur la stabilité financière en Espagne, en se fondant sur différents éléments. Parmi ces éléments figurent, premièrement, la taille et l’importance de Banco Popular, qui constitue la société mère du sixième groupe bancaire d’Espagne, avec un montant total des actifs de 147 milliards d’euros, et qui a été désignée en 2017 par la Banque d’Espagne comme un établissement d’importance systémique. Le CRU a relevé notamment que Banco Popular était l’un des principaux acteurs du marché en Espagne, avec une part de marché significative dans le segment des petites et moyennes entreprises (PME), et qu’elle détenait une part de marché relativement élevée des dépôts (près de 6 %) et un grand nombre de clients de détail (environ 1,4 million) à travers toute l’Espagne. Deuxièmement, le CRU a pris en compte la nature de l’activité de Banco Popular, qui s’articulait autour des activités de banque commerciale et se concentrait principalement sur l’offre de financement, la gestion de l’épargne et les services aux particuliers, aux familles et aux entreprises (notamment les PME). Selon le CRU, la similitude du modèle d’entreprise de Banco Popular avec celui d’autres banques commerciales espagnoles pouvait contribuer au potentiel de contagion indirecte à ces banques, lesquelles pourraient être perçues comme devant faire face aux mêmes difficultés.

504    À l’article 4.4 du dispositif de résolution, le CRU a identifié trois fonctions critiques de Banco Popular, au sens de l’article 6 du règlement délégué 2016/778, à savoir la collecte de dépôts auprès des ménages et des sociétés non financières, les prêts aux PME et les services de paiement en espèces.

505    Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que le dispositif de résolution était nécessaire dans l’intérêt public au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, à savoir que la résolution de Banco Popular était nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce règlement, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne l’aurait pas permis pas dans la même mesure. Il en ressort que la requérante ne conteste pas que le dispositif de résolution était nécessaire et proportionné afin d’éviter les effets négatifs significatifs de la défaillance de Banco Popular sur la stabilité financière de l’Union et afin d’assurer la continuité des fonctions critiques de celle-ci.

506    Dès lors, le dispositif de résolution, en ce qu’il visait à préserver la situation financière de Banco Popular et constituait une alternative à sa liquidation, répondait effectivement à un objectif d’intérêt général, à savoir celui de garantir la stabilité des marchés financiers, qui, conformément à l’analyse effectuée en ce qui concerne le cinquième moyen, est susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu de la requérante.

507    En outre, il ressort également de l’analyse du cinquième moyen que, lorsqu’une entité remplit les conditions nécessitant l’adoption d’une mesure de résolution, l’article 18 du règlement no 806/2014 prévoit qu’une décision doit être adoptée dans un délai très bref.

508    Ainsi, en l’espèce, à compter du moment où la BCE a constaté que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et où le CRU a estimé que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies, le dispositif de résolution devait être adopté le plus rapidement possible.

509    Cette prise de décision rapide était justifiée par la nécessité d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular et celle d’éviter les effets négatifs significatifs de la situation de cette dernière sur les marchés financiers, en prévenant notamment les risques de contagion. En l’espèce, la défaillance de Banco Popular étant intervenue un jour de semaine, il était nécessaire d’achever la procédure et d’adopter la décision avant l’ouverture des marchés le 7 juin 2017 au matin.

510    Comme l’a mis en exergue l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, au point 80 de ses conclusions dans les affaires jointes ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:16), la célérité avec laquelle ces institutions et ces agences de l’Union doivent prendre leurs décisions est nécessaire afin d’éviter l’impact négatif de la résolution de l’établissement bancaire sur les marchés financiers et cette célérité les oblige de facto à avoir « préparé » la décision avant de lancer la procédure pour profiter de la fermeture des marchés de valeurs mobilières.

511    Or, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que le dispositif de résolution devait être adopté en urgence.

512    En outre, il convient de relever qu’une audition préalable de la requérante et des autres actionnaires de Banco Popular les informant de l’existence d’une mesure de résolution imminente aurait conduit à un risque qu’ils adoptent des comportements sur le marché aggravant la situation financière de Banco Popular. Une telle audition aurait ainsi pu nuire à l’efficacité de la mesure de résolution envisagée.

513    Il y a donc lieu de considérer que l’audition de la requérante avant l’adoption du dispositif de résolution ou avant l’adoption de la décision 2017/1246 aurait entraîné un ralentissement substantiel de la procédure et, partant, n’aurait pas permis la réalisation des objectifs poursuivis par le dispositif de résolution et aurait compromis son efficacité.

514    Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse du huitième moyen que la requérante n’a pas démontré que le CRU avait violé l’article 18, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 806/2014. Il en ressort en particulier que la requérante n’a pas démontré qu’elle était en mesure de proposer des mesures alternatives susceptibles de remédier aux problèmes de liquidité de Banco Popular et donc d’empêcher la résolution de Banco Popular. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il a été constaté que l’augmentation de capital, mentionnée par la requérante, ne constituait pas une mesure alternative envisageable, susceptible d’empêcher la défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular dans un délai raisonnable.

515    Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que, si elle avait eu la possibilité de présenter des observations quant à l’existence de mesures alternatives de nature privée pendant la procédure, le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté.

516    En outre, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel une audition pourrait avoir lieu, même après l’adoption du dispositif de résolution. En effet, une telle audition ne serait pas susceptible de modifier le contenu du dispositif de résolution, lequel par hypothèse est déjà entré en vigueur.

517    Il ressort de ce qui précède que l’absence d’audition de la requérante, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption des décisions attaquées, constituait une limitation au droit d’être entendu qui était justifiée et nécessaire pour répondre à un objectif d’intérêt général et respectait le principe de proportionnalité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

518    Partant, il convient de rejeter le septième moyen.

9.      Sur le neuvième moyen, tiré de la violation des articles 14 et 20 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de larticle 296 TFUE

519    La requérante fait valoir que le CRU, dans le dispositif de résolution, a violé les articles 14 et 20 du règlement no 806/2014, le devoir de diligence et l’article 296 TFUE, dans la mesure où, premièrement, le processus de vente a eu lieu sans obtenir le prix de vente le plus élevé possible et où, deuxièmement, la valorisation 2 n’a pas été établie conformément à des critères de marché. Ce moyen se divise en deux branches.

a)      Sur la première branche, relative au processus de vente

520    La requérante fait valoir que la procédure de vente de Banco Popular n’a pas permis d’obtenir le prix de vente le plus élevé possible en violation de l’article 14 du règlement no 806/2014. Elle soutient, premièrement, que la procédure n’était pas concurrentielle et, deuxièmement, que la procédure a été viciée par des irrégularités.

521    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante soutient que le fait que la procédure de vente n’a pas conduit à maximiser le prix de vente constitue une violation de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 selon lequel :

« Dans la poursuite des objectifs visés au premier alinéa, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales s’efforcent de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige. »

522    Il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission et de Banco Santander, que l’objectif de « maximiser le prix de vente » ne figure pas parmi les objectifs prévus à l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014. Il ne s’agit donc pas de la disposition pertinente pour soutenir les arguments de la requérante relatifs à la maximisation du prix de vente.

523    Cependant, il y a lieu de relever que, selon l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 806/2014, en ce qui concerne l’instrument de cession des activités, le dispositif de résolution prévoit :

« [L]es dispositions en vue de la vente, par l’autorité de résolution nationale, de l’entité ou des instruments, actifs, droits et engagements concernés, conformément à l’article 39, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/59 ».

524    L’article 39, paragraphe 2, sous f), de la directive 2014/59, prévoit que la vente effectuée par l’autorité de résolution, lorsqu’elle applique l’instrument de cession des activités, vise à maximiser, dans la mesure du possible, le prix de vente des actions ou autres titres de propriété, actifs, droits ou engagements concernés.

525    Il convient donc d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels la procédure n’a pas été conduite avec toutes les garanties nécessaires permettant de maximiser le prix de vente de Banco Popular.

526    Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, dans la décision sur la commercialisation, adoptée le 3 juin 2017, prenant en compte la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, la baisse significative de la valeur de ses actions ainsi que les effets négatifs que la défaillance de la banque pourrait avoir sur la stabilité financière, le CRU a considéré qu’il devait prendre toutes les mesures nécessaires pour pouvoir adopter une mesure de résolution si nécessaire et que l’efficacité de l’instrument de cession des activités devait être assurée dans le but de garantir les objectifs de la résolution. Ainsi, le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59.

527    À l’article 2, sous b), de la décision sur la commercialisation, le CRU a indiqué que la procédure de vente devait viser à maximiser le prix de vente, tout en tenant compte du besoin d’effectuer rapidement une résolution. Il a également précisé que le principal critère d’évaluation des offres était le prix offert.

528    Ensuite, la procédure de vente de Banco Popular a été menée par le FROB en application des dispositions de la directive 2014/59 et de la loi 11/2015. À cet égard, le FROB, dans la lettre de procédure adoptée le 6 juin 2017, dans le contexte d’une possible résolution de Banco Popular, a invité les acquéreurs potentiels à participer à la procédure de vente et à lui soumettre une offre pour l’acquisition de 100 % du capital de Banco Popular selon les termes et conditions décrits dans cette lettre. Dans la lettre de procédure, le FROB a indiqué que le prix proposé dans les offres devait être égal ou supérieur à un euro.

529    Enfin, à l’article 6.6 du dispositif de résolution, le CRU a considéré que l’effort de commercialisation mené à l’égard de Banco Popular par le FROB avant l’adoption de ce dispositif avait satisfait aux exigences énoncées à l’article 24 du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 39 de la directive 2014/59.

530    Le CRU a relevé que, dans la période précédant immédiatement la résolution, Banco Popular avait mené une procédure de vente privée et que, dans la semaine du 29 mai 2017, il était apparu que cette procédure échouerait. Il a indiqué que la décision de limiter son effort commercial aux banques ayant déjà exprimé un intérêt général dans l’acquisition de Banco Popular dans le cadre de la procédure de vente privée était conforme aux exigences de l’article 39 de la directive 2014/59.

531    Le CRU a également relevé que, à la suite de la mise en œuvre de la procédure de vente par le FROB, finalement, deux banques avaient été invitées à participer à la vente. Il a mentionné que tous les acquéreurs potentiels avaient été approchés à la même date, avaient eu accès à la même salle de données virtuelle et que leurs offres avaient été soumises aux mêmes conditions et à la même date limite.

532    Le CRU a finalement constaté que, sur les deux acquéreurs potentiels, une offre valide avait été reçue et a considéré que, étant donné que l’acquéreur était le seul ayant soumis une offre, il était prudent d’accepter ses conditions et ainsi de prévenir une insolvabilité incontrôlée de Banco Popular qui aurait, notamment, pu porter atteinte à ses fonctions critiques.

533    En premier lieu, la requérante soutient que la procédure ne s’est pas déroulée pendant un laps de temps suffisant et qu’il ne s’agissait pas d’une procédure concurrentielle dans la mesure où elle a été conduite sans publicité ni transparence et sans un nombre suffisant d’acquéreurs potentiels. La procédure de vente privée aurait été « recyclée » sans que cela soit expliqué dans le dispositif de résolution. Les banques des autres États membres auraient été écartées et auraient fait l’objet d’une discrimination.

534    À titre liminaire, il convient de relever que les exigences concernant la vente et, notamment, la décision de limiter le nombre de participants à la procédure de vente ne figurent pas dans le dispositif de résolution, mais dans la décision sur la commercialisation adoptée antérieurement par le CRU, le 3 juin 2017.

535    À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ne constituent pas, en principe, des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (voir arrêts du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 39 et jurisprudence citée, et du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 43 et jurisprudence citée).

536    Il ressort également de la jurisprudence qu’un acte intermédiaire n’est également pas susceptible de recours s’il est établi que l’illégalité attachée à cet acte pourra être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la décision finale dont il constitue un acte d’élaboration. Dans de telles conditions, le recours introduit contre la décision mettant fin à la procédure assurera une protection juridictionnelle suffisante (voir arrêt du 15 mars 2017, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑415/15 P, EU:C:2017:216, point 46 et jurisprudence citée).

537    En l’espèce, dans le dispositif de résolution, le CRU a considéré que la procédure de vente mise en place par le FROB était conforme aux exigences de l’article 39 de la directive 2014/59. Or, il y a lieu de relever que le FROB a tenu compte des exigences qui avaient été fixées par le CRU dans la décision sur la commercialisation. Il en ressort que le CRU, dans le dispositif de résolution, a implicitement confirmé les exigences concernant la vente qu’il avait lui-même fixées dans la décision sur la commercialisation.

538    En outre, il y a lieu de relever que l’article 13 du règlement no 806/2014, relatif à l’intervention précoce, prévoit à son paragraphe 3 :

« Le CRU a le pouvoir d’exiger de l’établissement ou de l’entreprise mère qu’il ou elle prenne contact avec des acquéreurs potentiels afin de préparer la résolution de l’établissement, sous réserve des critères fixés à l’article 39, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et des exigences de secret professionnel fixées à l’article 88 du présent règlement.

[...] »

539    Partant, il y a lieu de considérer que la décision sur la commercialisation constitue un acte intermédiaire adopté par le CRU en vue de la potentielle résolution de Banco Popular et que la requérante ne saurait être empêchée d’invoquer l’illégalité entachant l’appréciation contenue dans cette décision à l’appui de son recours contre le dispositif de résolution.

540    S’agissant de la transparence de la procédure de vente de Banco Popular, il y a lieu de relever que, au considérant 4 de la décision sur la commercialisation, le CRU a indiqué que toute divulgation publique de la vente de la banque devait être reportée dans le but d’éviter les effets négatifs sur la stabilité financière.

541    Une telle possibilité est expressément prévue par l’article 39, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 2014/59 qui prévoit que toute annonce publique de la mise en vente d’un établissement, qui serait normalement requise en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission (JO 2014, L 173, p. 1), peut être différée conformément à l’article 17, paragraphe 4 ou 5, dudit règlement.

542    Le considérant 64 de la directive 2014/59 indique à cet égard :

« Les informations concernant la mise en vente d’un établissement défaillant et les négociations menées avec des acquéreurs potentiels avant l’application de l’instrument de cession des activités sont susceptibles d’avoir une importance systémique. Dans un souci de stabilité financière, il importe que la publication de ces informations, requise par le règlement no 596/2014 […] puisse être retardée de la durée nécessaire pour planifier et structurer la procédure de résolution de l’établissement, conformément aux délais autorisés par les dispositions relatives aux abus de marché. »

543    Il s’ensuit que l’exigence de transparence de l’article 39, paragraphe 2, sous a), de la directive 2014/59 doit être interprétée comme concernant le déroulement de la procédure de vente et non les éventuelles mesures de publicité annonçant cette procédure.

544    S’agissant de la limitation de la procédure de vente aux seuls établissements qui avaient participé à la procédure de vente privée engagée par Banco Popular, mentionnée au point 33 ci-dessus, le CRU fournit à l’article 2, sous a), i), de la décision sur la commercialisation un certain nombre de motifs justifiant sa décision d’inviter le FROB à ne contacter que ces cinq participants.

545    À cet égard, le CRU a indiqué :

« En ce qui concerne la sélection des acquéreurs particuliers à solliciter, le FROB contactera dans tous les cas un nombre suffisant d’acheteurs, à la suite d’une recherche de l’intérêt du marché pour investir dans les activités de la banque. Compte tenu de la nécessité de finaliser la procédure de vente dans un délai extrêmement court, l’intérêt manifesté lors de la procédure de vente privée renseigne sur l’analyse de l’intérêt du marché. Au cours de la procédure de vente privée, plusieurs soumissionnaires potentiels opérant sur les marchés espagnol et international ont été contactés. Seules cinq parties ont exprimé leur intérêt initial et ont donc été invitées à présenter des offres non contraignantes dans le cadre de la procédure de vente privée.

Le FROB contactera les cinq parties qui ont été invitées à présenter des offres dans le cadre de la procédure de vente privée.

Contacter ces cinq parties est justifié par des raisons de stabilité financière et par le risque substantiel que la commercialisation auprès d’un cercle plus large d’acheteurs potentiels, la divulgation des risques et des évaluations ou l’identification des fonctions critiques et non critiques de la banque n’entraînent une incertitude supplémentaire et une perte de confiance du marché. En outre, le fait de contacter un plus grand nombre d’acheteurs pourrait augmenter la probabilité de fuite et, partant, le risque que la banque puisse faire l’objet d’une résolution dans un délai extrêmement court.

En outre, en raison de l’urgence et du temps très limité qui devrait être disponible pour la procédure de commercialisation, inviter un plus grand nombre de participants augmenterait la complexité de la procédure. En outre, sur la base des informations reçues de la Banque, il est douteux que les soumissionnaires qui n’ont pas encore manifesté d’intérêt pour la procédure de vente privée soumettent des offres.

Conformément à l’article 24, paragraphe 3, du règlement, le CRU s’efforcera de trouver un équilibre entre les exigences de commercialisation et la nécessité d’atteindre les objectifs de la résolution. En particulier, le CRU s’écartera partiellement des exigences de commercialisation, en raison de l’urgence des circonstances et, notamment, de la menace matérielle pour la stabilité financière qui résulterait de la défaillance de la banque et du fait que le respect de la nécessité de contacter un plus large éventail d’acheteurs compromettrait également l’efficacité de l’instrument de cession des activités. »

546    Il y a lieu de relever que l’article 39, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/59 indique que, sous réserve de ne pas favoriser indûment les acquéreurs potentiels ni d’opérer de discrimination, les principes visés au même paragraphe n’empêchent pas l’autorité de résolution de solliciter certains acquéreurs potentiels en particulier.

547    Par conséquent, la décision du CRU de demander au FROB de ne contacter que les cinq établissements qui avaient participé à la procédure de vente privée est conforme à cette disposition.

548    La requérante ne soulève aucun argument visant à démontrer que la limitation du nombre d’acquéreurs potentiels aux cinq participants à la procédure de vente privée n’aurait pas permis une réelle concurrence par les prix entre eux.

549    À cet égard, il ne saurait être reproché au CRU les circonstances intervenues au cours de la procédure, à savoir que quatre des cinq participants ont renoncé à présenter une offre contraignante et que la seule offre contraignante présentée proposait un prix d’achat d’un euro.

550    En outre, cette décision reposait sur un critère objectif, à savoir l’intérêt déjà manifesté par ces entreprises pour l’achat de Banco Popular, et se justifiait par le délai très court dans lequel la procédure de vente devait être achevée. Comme le soulignait le CRU, le fait d’élargir la procédure à un plus grand nombre de participants risquait de ralentir la procédure, mais également augmentait les risques de fuites sur la situation de Banco Popular et donc les risques pour la stabilité financière.

551    Partant, c’est à tort que la requérante soutient que cette procédure était discriminatoire. La décision de s’adresser uniquement aux établissements qui avaient manifesté un intérêt pour l’acquisition de Banco Popular dans le cadre de la procédure de vente privée n’excluait pas, en principe, les établissements des autres États membres.

552    À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure de vente privée avait été ouverte à tout opérateur espagnol ou international. La requérante n’explique pas pour quel motif d’autres établissements espagnols ou étrangers qui n’avaient pas manifesté leur intérêt dans l’acquisition de Banco Popular au moment de la procédure de vente privée auraient été intéressés quelques semaines plus tard, au stade du lancement de la procédure par le FROB. En outre, toute information publique concernant la mise en œuvre de la procédure de vente étant exclue, la requérante n’explique pas sur la base de quels critères non discriminatoires d’autres opérateurs auraient pu être contactés.

553    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la procédure de vente n’était pas concurrentielle.

554    En second lieu, la requérante soutient que la procédure a été viciée par des irrégularités qui ont faussé le prix de vente. Le FROB aurait signé des accords de confidentialité avec de potentiels acheteurs avant que Banco Popular ne soit déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible et la procédure de résolution aurait donc commencé avant que les conditions ne soient réunies. Elle relève que Banco Santander a présenté son offre le 7 juin 2017 à 3 h 12, alors que la procédure concurrentielle avait pris fin.

555    S’agissant du déroulement de la procédure, il convient de rappeler que, parmi les cinq acquéreurs potentiels contactés par le FROB, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles. Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et BBVA, ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle. Le 6 juin 2017, le FROB leur a transmis la lettre de procédure ainsi que la convention d’achat et de vente (Sale and Purchase Agreement). Par courrier du 6 juin 2017, BBVA a informé le FROB qu’elle avait décidé de ne pas présenter d’offre.

556    Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU des résultats de la procédure de vente et a indiqué que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par Banco Santander pour la vente des actions de Banco Popular était d’un euro. Le FROB a proposé que Banco Santander, en sa qualité d’adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular, soit désignée comme acquéreur de Banco Popular dans le dispositif de résolution.

557    Dans le dispositif de résolution, le CRU a considéré que la procédure de vente menée à l’égard de Banco Popular par le FROB avait satisfait aux exigences énoncées à l’article 24 du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 39 de la directive 2014/59 et a accepté la proposition du FROB de désigner Banco Santander comme acquéreur de Banco Popular.

558    En outre, dans la lettre de procédure, le FROB avait fixé un calendrier du déroulement de la procédure de vente de Banco Popular. Ce calendrier prévoyait que les offres contraignantes devaient être soumises au plus tard le 6 juin 2017 à minuit. Ce calendrier indiquait également pour le 7 juin 2017, à 1 h 00, que des contacts auraient lieu avec les soumissionnaires pour finaliser la procédure et sélectionner l’offre ; devaient ensuite intervenir, à 5 h 30, le dispositif de résolution du CRU (le cas échéant) et l’exécution de la convention d’achat et de vente, à 6 h 30, l’acte d’exécution du FROB et, à 7 h 00, la clôture et l’annonce de la transaction.

559    Il y a lieu de relever que la requérante n’explique pas quelle disposition aurait été violée par le fait que le FROB a commencé la procédure de vente avant que Banco Popular ait été déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible, ni quelles en ont été les conséquences sur le prix de vente.

560    Par ailleurs, si le FROB avait dû attendre que Banco Popular soit déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible pour commencer la procédure de vente, celle-ci n’aurait pu être menée dans un délai suffisant pour empêcher la liquidation de Banco Popular et n’aurait pas permis d’atteindre les objectifs de la résolution.

561    Comme l’indique Banco Santander, le calendrier de la procédure de vente fixé dans la lettre de procédure avait pour but de permettre de conclure toutes les formalités le 7 juin 2017 à 7 h 00, afin que Banco Popular puisse fonctionner normalement après l’ouverture des marchés, afin notamment d’éviter une interruption de ses fonctions critiques.

562    Étant donné que Banco Santander a été la seule participante à la procédure à présenter une offre ferme et qu’il était certain, à la suite de l’annonce de BBVA, qu’aucun des autres établissements invités à participer à la procédure de vente ne présenterait d’offre, le FROB a accepté cette offre, quand bien même elle a été présentée après l’expiration du délai fixé dans la lettre de procédure.

563    Par ailleurs, il ressort de l’article 24, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 que :

« Le CRU applique l’instrument de cession des activités sans se conformer aux exigences concernant la vente fixées au paragraphe 2, point e), lorsqu’il établit que le fait de s’y conformer serait de nature à compromettre la réalisation d’un ou de plusieurs des objectifs de la résolution, et, en particulier, si les conditions suivantes sont remplies :

a)      il considère que la défaillance ou défaillance potentielle de l’établissement soumis à une procédure de résolution fait peser une menace importante sur la stabilité financière ou aggrave une telle menace ; et

b)      il considère que le respect des exigences en question risquerait de nuire à l’efficacité de l’instrument de cession des activités en limitant sa capacité de parer à la menace ou d’atteindre les objectifs de la résolution énoncés à l’article 14, paragraphe 2, point b). »

564    À cet égard, il y a lieu de rappeler, comme cela est indiqué au point 532 ci-dessus, que, à l’article 6.6 du dispositif de résolution, le CRU a relevé que, étant donné que l’acquéreur était le seul ayant soumis une offre, il était prudent d’accepter ses conditions et ainsi de prévenir une insolvabilité incontrôlée de Banco Popular qui aurait, notamment, pu porter atteinte à ses fonctions critiques.

565    En effet, dans l’hypothèse où le CRU n’aurait pas accepté la proposition du FROB de désigner Banco Santander comme acquéreur de Banco Popular, cette dernière aurait fait l’objet d’une liquidation. Or, comme cela a été constaté dans le cadre de l’analyse du cinquième moyen, conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, une liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité n’aurait pas permis d’atteindre les objectifs prévus à l’article 14 du même règlement dans la même mesure que la résolution. En particulier, il a été constaté que la résolution était nécessaire pour atteindre les objectifs d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular et d’éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.

566    Le FROB a transmis au CRU les résultats de la procédure de vente de Banco Popular dans un délai suffisant pour permettre à ce dernier d’adopter le dispositif de résolution et de le transmettre à la Commission à 5 h 13 le 7 juin 2017. La Commission a ainsi adopté sa décision permettant l’entrée en vigueur du dispositif de résolution à 6 h 30 le même jour. Le déroulement de la procédure a donc permis au FROB de conclure toutes les formalités et de clore la vente avant l’expiration du délai fixé dans la lettre de procédure, soit avant le 7 juin 2017 à 7 h 00.

567    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel Banco Santander, sachant qu’elle était la seule à présenter une offre, aurait proposé le prix minimum, il suffit de constater que cet argument s’appuie sur une allégation non étayée selon laquelle Banco Santander aurait été informée qu’elle était le seul soumissionnaire avant la fin de la procédure de vente organisée par le FROB.

568    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la procédure de vente aurait été viciée par des irrégularités et elle ne saurait soutenir que le déroulement de la procédure n’a pas conduit à maximiser le prix de vente.

569    Partant, il convient de rejeter la première branche.

b)      Sur la seconde branche, relative à la valorisation 2

570    La requérante fait valoir, en substance, que la valorisation 2 est erronée et que le CRU a violé l’article 20 du règlement no 806/2014 et son obligation de motivation.

571    La seconde branche se divise, en substance, en cinq griefs. Premièrement, la requérante fait valoir que le CRU a violé son obligation de motivation dans la mesure où la valorisation 2 n’a pas été jointe au dispositif de résolution. Deuxièmement, elle soutient également que le CRU a violé l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dans la mesure où la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste ». À cet égard, elle soutient que la valorisation 2 n’était pas fiable, Deloitte ayant reconnu qu’elle reposait sur des informations insuffisantes. Elle soutient que la valorisation 2 ne peut être fiable que si elle est complétée par une valorisation définitive. Troisièmement, elle conteste la méthode utilisée dans la valorisation 2. Quatrièmement, elle fait valoir que la valorisation 2 était en contradiction avec la valorisation 1 et avec le fait que Banco Popular avait été considérée comme solvable, qu’elle n’a pas tenu compte de la valeur de marché de Banco Popular et qu’elle a intégré des coussins pour pertes sans justification. Cinquièmement, la requérante fait valoir que, selon le rapport d’expert du 2 décembre 2018, relatif à la valorisation 2, joint en annexe de la réplique (ci-après le « rapport d’expert »), la valorisation 2 comporte des erreurs manifestes d’appréciation.

572    En l’espèce, il convient de rappeler que la valorisation de Banco Popular, réalisée avant l’adoption du dispositif de résolution, comprend deux rapports qui sont annexés au dispositif de résolution.

573    La valorisation 1, datée du 5 juin 2017, a été rédigée par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles qu’elles sont définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

574    La valorisation 2, datée du 6 juin 2017, a été rédigée par Deloitte, en qualité d’expert indépendant, en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

575    Le dispositif de résolution indique que, compte tenu de l’urgence, la valorisation 2, réalisée conformément à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

576    Dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué s’être fondé sur les exigences de l’article 36 de la directive 2014/59 (correspondant à l’article 20 du règlement no 806/2014) et sur le chapitre 3 du projet définitif de normes techniques de réglementation de l’ABE nos 2017/05 et 2017/06, du 23 mai 2017, sur la valorisation aux fins de la résolution et sur la valorisation en vue de déterminer la différence de traitement à la suite de la résolution prévue par la directive 2014/59 (ci-après les « normes techniques de l’ABE »).

577    L’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59 autorise l’ABE à élaborer des projets de normes techniques de réglementation visant à préciser les critères sur la base desquels les valorisations réalisées lors d’une procédure de résolution doivent être effectuées.

578    Le chapitre 3 des normes techniques de l’ABE est relatif au projet de normes techniques de réglementation no 2017/05 sur la valorisation aux fins de la résolution (ci-après les « normes techniques de réglementation ») et contient, notamment, conformément à l’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59, un projet de règlement délégué de la Commission complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou des entités.

579    Il y a lieu, en outre, de relever que, à la date de l’adoption du dispositif de résolution, les normes techniques de réglementation n’étaient pas contraignantes, dans la mesure où l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU, le Conseil et la Commission sont soumis aux normes techniques de réglementation et d’exécution contraignantes élaborées par l’ABE lorsqu’elles ont été adoptées par la Commission. Ces normes techniques de réglementation ont été intégrées dans le règlement délégué (UE) 2018/345 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou entités (JO 2018, L 67, p. 8).

580    À l’article 6.3 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que, pour décider de la dépréciation et de la conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular, il s’était appuyé sur la valorisation 2, telle que complétée et corroborée par les résultats de la procédure de vente menée par le FROB.

581    Dans la mesure où la valorisation 2 contient des appréciations techniques et économiques complexes, il convient de reconnaître au CRU un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il a considéré que la valorisation 2 constituait une base valable pour décider des mesures de résolution.

582    Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 114 à 119 ci-dessus, le contrôle effectué par le Tribunal est un contrôle restreint qui se limite à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation du CRU lorsqu’il a considéré que la valorisation 2 était conforme aux exigences de l’article 20 du règlement no 806/2014. Il appartient à la requérante d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité la valorisation 2.

1)      Sur le premier grief, relatif à la violation de l’obligation de motivation

583    La requérante soutient que le CRU a violé son obligation de motivation dans la mesure où la valorisation 2 n’a pas été jointe au dispositif de résolution et que l’accès donné postérieurement à une version censurée de cette valorisation n’a pas mis fin à cette violation. Elle estime qu’une absence de motivation ne peut être régularisée après l’introduction du recours.

584    Il convient de rappeler que la valorisation 2 a été publiée sur le site Internet du CRU, le 2 février et le 31 octobre 2018, dans des versions de moins en moins expurgées.

585    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la réplique, à la suite de ces publications, la requérante ne soulève aucun argument concernant une insuffisance de motivation de la valorisation 2. Elle se contente d’affirmer que l’accès à une version non confidentielle de la valorisation 2 n’a pas fait disparaître la violation de l’obligation de motivation.

586    En outre, il convient de constater que les publications successives sur le site Internet du CRU concernent le dispositif de résolution et les valorisations 1 et 2 dans leurs versions originales. Ces publications visaient à accorder au public un accès à des parties de ces documents qui avaient été à l’origine considérées comme confidentielles.

587    Il ne s’agissait pas pour le CRU de publier des informations qui ne figuraient pas dès l’origine dans le dispositif de résolution ou dans les valorisations 1 et 2 et qui auraient pour objet de compléter leur motivation. La requérante, par cet argument, opère une confusion entre la publication d’une décision, c’est-à-dire le fait d’en rendre publique la motivation, et le fait d’en compléter la motivation par des éléments additionnels qui n’y figuraient pas au moment de son adoption.

588    Partant, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, relatif à la fiabilité de la valorisation 2

589    La requérante soutient que la valorisation 2 n’était pas fiable, Deloitte ayant reconnu qu’elle reposait sur des informations insuffisantes.

590    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la lettre accompagnant la communication de la valorisation 2 au CRU, Deloitte a indiqué, que, étant donné la position de liquidité difficile de Banco Popular, il avait été invité à réaliser sa valorisation dans un délai extrêmement court. Le travail principal a été limité à douze jours à compter du jour où il a eu accès à la documentation, alors qu’un tel projet devrait normalement prendre six semaines. Deloitte a relevé qu’il existait un certain nombre de lacunes et d’incohérences parmi les informations disponibles. Il a mentionné que la valorisation devait être regardée comme hautement incertaine et provisoire en vertu de l’article 36 de la directive 2014/59 et qu’un coussin pour pertes supplémentaires avait été inclus dans la valorisation conformément à l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59, lequel correspond à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

591    L’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 prévoit expressément l’hypothèse où, compte tenu de l’urgence de la situation, il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9 de cet article, à savoir notamment le cas où il n’est pas possible de compléter la valorisation par certaines informations figurant dans les livres et registres comptables. En outre, cette disposition reconnaît l’existence d’incertitudes inhérentes à toute valorisation provisoire en prévoyant, dans son deuxième alinéa, que celle-ci intègre un coussin pour pertes supplémentaires.

592    Ainsi, conformément à cette disposition, Deloitte s’est contenté d’indiquer que, étant donné le peu de temps disponible pour effectuer la valorisation, il devait s’appuyer sur des informations incomplètes. Il a précisé que la valorisation qu’il avait effectuée devait être considérée comme une valorisation provisoire au titre de l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59.

593    En outre, il ressort de l’article 20, paragraphe 13, du règlement no 806/2014 que, compte tenu de l’urgence de la situation, le CRU pouvait se fonder sur la valorisation 2, effectuée au titre de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, pour adopter le dispositif de résolution, ce que la requérante ne conteste pas.

594    Partant, il y a lieu de considérer que, étant donné les contraintes de temps et les informations disponibles, certaines incertitudes et approximations sont inhérentes à toute valorisation provisoire effectuée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 et que les réserves formulées par Deloitte ne sauraient signifier que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

595    Par ailleurs, la requérante soutient que la valorisation 2 ne peut être fiable que si elle est complétée par une valorisation définitive. Or, le CRU aurait confirmé qu’il n’y aurait pas de valorisation définitive ex post.

596    À cet égard, le 30 juillet 2018, en réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le CRU a indiqué que la valorisation 2 ne serait pas suivie d’une valorisation définitive ex post. Il a estimé que, en raison des particularités du cas présent, il était arrivé à la conclusion qu’une valorisation définitive ex post ne servirait aucune finalité pratique dans le cadre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, ni mènerait à une décision de compensation prévue à l’article 20, paragraphe 12, du même règlement.

597    Il y a lieu de relever que la valorisation définitive ex post prévue par l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 est, par définition, postérieure à l’adoption du dispositif de résolution et de la décision de la Commission.

598    En outre, comme cela a été indiqué au point 593 ci-dessus, en application de l’article 20, paragraphe 13, du règlement no 806/2014, une valorisation provisoire telle que la valorisation 2 constitue une base valable pour adopter le dispositif de résolution.

599    Il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (voir arrêt du 17 décembre 2014, Si.mobil/Commission, T‑201/11, EU:T:2014:1096, point 64 et jurisprudence citée).

600    Il s’ensuit que le fait de procéder ou non à une valorisation définitive ex post, qui est manifestement postérieure à l’adoption du dispositif de résolution, ne saurait affecter la validité des décisions attaquées.

601    Partant, il convient de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, relatif à la méthode utilisée dans la valorisation 2

602    En premier lieu, la requérante soutient que Deloitte, dans la valorisation 2, serait parti du principe que la valorisation de Banco Popular devait être faite dans le cadre d’un scénario de liquidation, ce qui suppose d’appliquer les critères de l’article 20, paragraphes 16 et 17, du règlement no 806/2014 et ce qui constitue une erreur manifeste et serait contraire à l’article 20, paragraphe 8, de ce règlement. Elle estime que la valorisation 2 ne pouvait appliquer le critère de la valeur de liquidation de la banque, qui serait le critère pertinent pour la valorisation 3, laquelle est une valorisation distincte de la valorisation 2.

603    Il convient de relever que cet argument repose sur une compréhension erronée de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2. En effet, La valorisation 2 comporte deux parties, une première contenant la valorisation provisoire de Banco Popular et une seconde consistant en une simulation de scénario de liquidation. La première partie vise à déterminer la valeur économique de Banco Popular dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. La seconde partie a pour objet de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular devait faire l’objet d’une liquidation dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

604    Le CRU a adopté le dispositif de résolution en prenant en compte la première partie de la valorisation 2 contenant la valorisation des actifs et du passif de Banco Popular proprement dite. En revanche, Deloitte ayant précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires ni du temps suffisant pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade, la seconde partie de la valorisation 2 correspond à une première simulation, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014. La valorisation 3, qui est la valorisation définitive visant à déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, au titre de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, a été réalisée postérieurement à la résolution.

605    Or, la valeur de liquidation, dont la requérante conteste l’utilisation par Deloitte, correspond à la seconde partie de la valorisation 2. Dans le cadre de la première partie, Deloitte a pris en compte la valeur de cession de Banco Popular.

606    S’agissant de la méthodologie utilisée, Deloitte a indiqué, dans la valorisation 2, que le scénario utilisé pour déterminer la valeur économique était la vente de la banque selon l’instrument de cession des activités. Conformément à l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014, la valorisation visait à fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et à fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constituait des conditions commerciales aux fins de l’article 24, paragraphe 2, sous b), du même règlement.

607    Deloitte a expliqué que « [sa] valorisation économique vis[ait] à fournir une estimation de la valeur pouvant être proposée par un acquéreur potentiel pour la banque dans son ensemble, à la suite d’une procédure d’enchères ouverte, juste et compétitive (une “valeur de cession” conformément à l’article 11 des normes techniques de réglementation […]) ».

608    Il ressort du considérant 6 des normes techniques de réglementation que le choix de la base d’évaluation la plus appropriée (valeur de détention ou valeur de cession) devrait être effectuée en fonction des mesures de résolution spécifiques envisagées par l’autorité de résolution.

609    Concernant le choix de la base d’évaluation, l’article 11, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 11, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/345, indique :

« Lorsque les mesures de résolution visées à l’article 10, paragraphe 1, imposent que les actifs et passifs soient conservés par une entité qui reste un établissement en continuité d’exploitation, l’évaluateur utilise la valeur de détention comme base d’évaluation appropriée. La valeur de détention peut, si cela est considéré comme juste, prudent et réaliste, anticiper une normalisation des conditions de marché.

La valeur de détention n’est pas utilisée comme base d’évaluation lorsque les actifs sont transférés à une structure de gestion des actifs en vertu de l’article 42 de la directive 2014/59 ou à un établissement-relais en vertu de l’article 40 de ladite directive, ou lorsqu’un instrument de cession des activités en vertu de l’article 38 de la directive 2014/59 est utilisé. »

610    Selon l’article 12, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/345, « lorsque la situation d’une entité l’empêche de détenir un actif ou de poursuivre une activité, ou lorsque la cession est considérée comme nécessaire pour toute autre raison par l’autorité de résolution pour atteindre les objectifs de résolution, les flux de trésorerie attendus sont indiqués par rapport aux valeurs de cession attendues au cours d’un délai de cession donné ».

611    Les facteurs à prendre en compte pour déterminer la valeur de cession, aux fins de l’instrument de cession des activités, sont définis à l’article 12, paragraphes 5 à 7, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2018/345.

612    Il en ressort que la requérante ne saurait soutenir que la valeur de cession n’était pas la méthodologie correcte pour apprécier la valeur de Banco Popular dans le cadre de la valorisation 2.

613    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la valorisation 2 n’a pas tenu compte de la valeur de marché de Banco Popular avant la résolution.

614    Il convient de relever que la valeur de l’action de Banco Popular sur le marché avant l’adoption de la décision de résolution ne saurait constituer un critère d’évaluation de la valeur de cession de Banco Popular dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités.

615    L’article 2, paragraphe 1, des normes techniques de réglementation prévoit :

« Lorsqu’il effectue la valorisation, l’évaluateur tient compte des circonstances influant sur les flux de trésorerie attendus des actifs et passifs d’une entité et des taux d’actualisation applicables à ces actifs et passifs et s’efforce de donner une représentation juste de la situation financière de l’entité dans le contexte des opportunités et des risques auxquels elle fait face. »

616    S’agissant plus spécifiquement de la valeur de cession, l’article 12, paragraphe 5, des normes techniques de réglementation prévoit :

« La valeur de cession est déterminée par l’évaluateur sur la base des flux de trésorerie, nets des coûts de cession et nets de la valeur attendue des éventuelles garanties données, que l’entité peut raisonnablement attendre dans les conditions de marché à la suite d’une cession ou d’un transfert ordonnés des actifs ou passifs. S’il y a lieu, au regard des mesures à prendre dans le cadre du dispositif de résolution, l’évaluateur peut déterminer la valeur de cession en appliquant une réduction correspondant à une actualisation pour cession anticipée potentielle au prix du marché pour cette cession ou ce transfert. Pour déterminer la valeur de cession des actifs qui n’ont pas de marché liquide, l’évaluateur examine les prix observables sur des marchés où des actifs similaires sont négociés ou recourt à des calculs à l’aide de modèles utilisant les paramètres observables du marché, tenant dûment compte des actualisations pour illiquidité. »

617    La valorisation 2 visait à déterminer ce qu’un acquéreur potentiel serait disposé à payer pour Banco Popular dans les circonstances existant à la date de l’adoption du dispositif de résolution. À cet égard, s’agissant de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué qu’il avait adopté une approche catégorie par catégorie, en ajustant les valeurs comptables de chaque classe d’actifs et de passifs pour estimer les pertes et profits, et d’autres ajustements que tout acquéreur appliquerait à la valeur. Il a produit une fourchette d’évaluation pour chaque classe d’actifs et de passifs.

618    D’une part, il y a lieu de considérer que la valeur de marché de Banco Popular avant qu’elle soit déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible ne saurait constituer un critère de détermination de la valeur de cession de la banque. À cet égard, comme le relève la Commission, les marchés étaient dans l’ignorance de la résolution imminente de Banco Popular, de la portée des mesures envisagées et du fait que, si la résolution n’avait pas eu lieu, Banco Popular aurait fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité, de sorte que le cours de l’action de cet établissement avant la résolution ne correspondait pas nécessairement à sa valeur économique réelle.

619    D’autre part, la valeur de l’action de Banco Popular sur le marché ne saurait constituer une information suffisante permettant d’établir une estimation par catégories ou groupes d’actifs.

620    Pour ces motifs, contrairement à ce qu’indique le rapport d’expert, la valeur de marché de Banco Popular ne saurait être considérée comme un indicateur de sa valeur aux fins de la valorisation 2.

621    Par ailleurs, dans la valorisation 2, Deloitte a expliqué pour quel motif la valeur de marché de Banco Popular ne constituait pas une méthodologie appropriée pour apprécier la valeur de cession de celle-ci. En particulier, Deloitte a indiqué que, étant donné la situation dans laquelle se trouvait la banque, le prix de l’action avait connu une grande volatilité.

622    À cet égard, dans le rapport d’expert, il est indiqué que « le prix de l’action en vigueur est la preuve directe d’un prix qu’un acheteur était prêt à payer pour un petit paquet d’actions, quelle que soit sa volatilité ». Or, il suffit de rappeler que la valeur de cession que devait estimer Deloitte portait sur l’acquisition de l’ensemble de Banco Popular et non sur seulement quelques actions.

623    En troisième lieu, la requérante soutient que la valorisation 2 intègre des coussins pour pertes sans justification, ce qui serait contraire à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

624    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 20, paragraphe 10, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 indique que la valorisation provisoire visée au premier alinéa intègre un coussin pour pertes supplémentaires, assorti d’une justification.

625    L’article 13 des normes techniques de réglementation définit la méthode utilisée pour calculer et inclure un coussin pour pertes supplémentaires dans le cadre de la valorisation provisoire et prévoit :

« 1.      Pour tenir compte de l’incertitude des valorisations provisoires effectuées conformément à l’article 36, paragraphe 4, [sous] b) à g), de la directive 2014/59/UE, l’évaluateur inclut dans la valorisation un coussin qui est fonction des faits et circonstances étayant l’existence de pertes supplémentaires dont le montant et le calendrier sont incertains. Afin d’éviter les doubles comptabilisations de l’incertitude, les hypothèses étayant le calcul du coussin sont expliquées et justifiées en bonne et due forme par l’évaluateur.

2.      Afin de déterminer la taille du coussin, l’évaluateur recense les facteurs qui peuvent influer sur les flux de trésorerie attendus en conséquence des mesures de résolution susceptibles d’être adoptées. »

626    À cet égard, il y a lieu de rappeler que Deloitte, dans la lettre de couverture de la valorisation 2, a explicitement indiqué que cette valorisation intégrait un coussin pour pertes supplémentaires conformément à l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59 et qu’il appliquait les normes techniques de réglementation, lesquelles prévoient que la valorisation doit inclure un coussin pour pertes supplémentaires. Deloitte a mentionné que le coussin pour pertes supplémentaires faisait partie intégrante de la valorisation 2 et que les détails figuraient dans le rapport sur la valorisation 2 et son annexe.

627    Ainsi, s’agissant de la justification de ce coussin, il y a lieu de relever que, dans la valorisation 2, pour chaque catégorie d’actifs, Deloitte a fourni des explications concernant les différentes circonstances susceptibles de conduire à des pertes supplémentaires et mentionné les incertitudes concernant leur évaluation. Deloitte a ainsi justifié l’inclusion du coussin pour pertes supplémentaires conformément aux exigences des normes techniques de réglementation.

628    Il y a lieu de relever que la requérante ne soulève aucun argument visant à contester ces explications figurant dans la valorisation 2. Dans le rapport d’expert, l’expert se contente d’affirmer que Deloitte n’a pas quantifié, expliqué ou justifié le coussin pour pertes supplémentaires.

629    Partant, il convient de rejeter le troisième grief.

4)      Sur le quatrième grief, relatif à la contradiction avec la valorisation 1

630    La requérante fait valoir que la valorisation 2 est en contradiction avec le fait que Banco Popular a été considérée comme solvable dans la valorisation 1, dans l’évaluation de la BCE sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular et avec le fait que la Banque d’Espagne a déclaré la solvabilité de Banco Popular le 5 juin 2017.

631    Il convient de rappeler que, le 5 juin 2017, le CRU a adopté la valorisation 1 en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de fonds propres étaient remplies. En particulier, le CRU a indiqué que la valorisation 1 avait pour objet de contribuer à déterminer si Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014.

632    Les normes techniques de l’ABE adoptées le 23 mai 2017 n’étaient, certes, pas contraignantes, mais étaient disponibles à la date de la valorisation 2. Dans la valorisation 2, Deloitte indique explicitement s’être conformé aux exigences des normes techniques de l’ABE.

633    Dans leur résumé introductif, les normes techniques de l’ABE spécifient la nécessité de distinguer entre deux types de valorisations antérieures à la résolution, la valorisation 1 effectuée au titre de l’article 36, paragraphe 4, sous a), de la directive 2014/59, qui est l’équivalent de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, et la valorisation 2 effectuée au titre de l’article 36, paragraphe 4, sous b) à g), de la directive 2014/59, qui correspond à l’article 20, paragraphe 5, sous b) à g), du règlement no 806/2014.

634    Le considérant 1 des normes techniques de réglementation, repris au considérant 1 du règlement délégué 2018/345, rappelle cette distinction entre, d’une part, une valorisation initiale qui permet de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de capital sont remplies et, d’autre part, une valorisation ultérieure qui constitue la base de la décision d’appliquer un ou plusieurs instruments de résolution. Les normes techniques de réglementation établissent des critères différents pour la réalisation de la valorisation 1 et de la valorisation 2.

635    En outre, il convient de rappeler que, selon l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, l’évaluation de cette condition est réalisée par la BCE ou par le CRU.

636    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les conclusions des valorisations 1 et 2 étaient contradictoires, il suffit de constater qu’il est inopérant.

637    En effet, la valorisation 1, adoptée le 5 juin 2017, visant à déterminer si Banco Popular se trouvait en situation de défaillance avérée ou prévisible, afin d’établir si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution ou de la dépréciation ou de la conversion d’instruments de fonds propres de conversion étaient remplies, est devenue obsolète à la suite de l’évaluation effectuée par la BCE le 6 juin 2017, relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.

638    Certes, dans la valorisation 1, le CRU a indiqué que, à la date de référence de son évaluation, à savoir le 31 mars 2017, Banco Popular était solvable. Toutefois, d’une part, il convient de rappeler que la BCE s’est fondée sur les importants retraits de dépôts de Banco Popular à compter des mois d’avril et de mai 2017 et sur l’incapacité de cette dernière à générer de nouvelles liquidités, pour conclure que, le 6 juin 2017, Banco Popular se trouvait dans une situation de défaillance avérée ou prévisible. D’autre part, la conclusion de la BCE reposait sur le fait que Banco Popular ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, au sens de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, et non pas sur le fait que Banco Popular aurait été insolvable au bilan. Ainsi, les conclusions de la valorisation 1 n’étaient plus pertinentes à la date de la résolution.

639    Par ailleurs, il convient de relever que des différences de conclusions entre la valorisation 1 et la valorisation 2 s’expliquent par le fait que, ayant des objectifs différents, elles s’appuient sur des critères d’évaluation différents définis dans les normes techniques de l’ABE. Ainsi, selon les normes techniques de l’ABE, la valorisation 1 vise principalement à déterminer si la valeur totale des actifs de l’entité dépasse celle de ses passifs, en d’autres termes, si l’entité est solvable au bilan, tandis que la valorisation 2 doit s’appuyer sur la valeur économique et non sur la valeur comptable de l’entité.

640    Enfin, dans la mesure où la valorisation 2 doit tenir compte de la valeur économique, et non de la valeur comptable de Banco Popular, la requérante ne saurait faire valoir l’existence d’une contradiction entre le constat selon lequel Banco Popular était solvable, effectué dans la valorisation 1, dans l’évaluation de la BCE ou par la Banque d’Espagne, et la conclusion de la valorisation 2.

641    Partant, il convient de rejeter le quatrième grief.

5)      Sur le cinquième grief, relatif à l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation

642    La requérante fait valoir que, selon le rapport d’expert, la valorisation 2 comporte des erreurs manifestes d’appréciation.

643    Tout d’abord, il y a lieu de relever que la requérante soutient que, selon le rapport d’expert, la valorisation 2 contient une évaluation à la baisse dans la mesure où elle ne tient pas compte des données de marché et des données des auditeurs qui avaient disposé de temps pour évaluer Banco Popular.

644    À cet égard, concernant la valeur de marché, il est renvoyé à l’analyse figurant aux points 614 à 621 ci-dessus. Concernant les données des auditeurs, il y a lieu de relever que la valeur donnée aux actifs de Banco Popular par ces auditeurs correspond à leur valeur comptable. Ces données ne sauraient donc être comparées à celles relatives à la valeur économique des actifs, qui devaient être prises en compte par Deloitte pour déterminer la valeur de cession de Banco Popular.

645    Premièrement, s’agissant des prêts et des créances, la requérante, s’appuyant sur le rapport d’expert, fait valoir que leur valorisation n’est pas réaliste en ce qu’elle contredirait les ratios de provisions approuvés par le superviseur ainsi que la valorisation 1, dans laquelle la valeur comptable du portefeuille de prêt n’a pas été réduite.

646    Il suffit de rappeler qu’il ressort du point 644 ci-dessus et de l’analyse du quatrième grief que les données du superviseur et la valorisation 1, en ce qu’elles ne prennent en compte que la valeur comptable des actifs de Banco Popular, ne sont pas pertinentes aux fins de la comparaison avec la valorisation 2.

647    En outre, il y a lieu de relever que les prêts et créances font partie des éléments pour lesquels il existe une incertitude importante et auxquels l’évaluateur porte une attention particulière selon l’article 8, sous a), des normes techniques de réglementation, lequel prévoit :

« [L]es prêts ou portefeuilles de prêts dont les flux de trésorerie attendus dépendent de la capacité de la contrepartie à exécuter ses obligations, de sa volonté à le faire ou de mesures l’y incitant, lorsque ces prévisions reposent sur des hypothèses relatives aux taux de défaillance, aux probabilités de défaut, aux pertes en cas de défaut ou aux caractéristiques des instruments, en particulier lorsque l’historique des pertes d’un portefeuille de prêts en atteste ».

648    De plus, aux pages 4 à 11 de l’annexe de la valorisation 2, Deloitte a expliqué les ajustements qu’il avait effectués concernant la valorisation des prêts et des créances, en particulier au regard des risques de défaut de paiement. La requérante ne soulève aucun argument visant à contester ces ajustements.

649    Deuxièmement, s’agissant des actifs immobiliers, la requérante, s’appuyant sur le rapport d’expert, fait valoir que la valorisation 2 a réduit de manière injustifiée leur valeur en ne tenant pas compte des évaluations de ces actifs effectuées par les experts habilités par la Banque d’Espagne. La valorisation 2 ignorerait la valeur donnée à ces actifs par les auditeurs de Banco Popular et les recommandations de la Banque d’Espagne pour les valoriser.

650    Il convient de rejeter cet argument en ce qu’il s’appuie sur une comparaison avec les évaluations effectuées par les auditeurs, qui ne sont pas pertinentes.

651    En outre, il y a lieu de relever que cet argument n’est pas suffisamment clair pour en comprendre la portée. Notamment, la requérante ne précise pas quels seraient les experts habilités par la Banque d’Espagne ni les recommandations de la Banque d’Espagne qui auraient été ignorés par Deloitte.

652    En tout état de cause, il ressort de la lecture du rapport d’expert que les « recommandations de la Banque d’Espagne » renvoient à la circulaire 4/2016 de cette dernière. L’expert relève que, s’agissant de l’évaluation des actifs immobiliers saisis, Deloitte a utilisé la Orden ECO/805/2003, sobre normas de valoración de bienes inmuebles y de determinados derechos para ciertas finalidades financieras (règle ECO/805/2003 sur les règles de valorisation des biens immobiliers et de certains droits à certaines fins financières), du 27 mars 2003 (BOE no 85, du 9 avril 2003, p. 13678), pour procéder à des ajustements, ce qui a abouti à une valeur plus basse que s’il avait suivi la circulaire 4/2016. À cet égard, il suffit de constater que l’expert ne conteste pas l’applicabilité de la règle ECO 805/2003.

653    En outre, dans le rapport sur la valorisation 2, Deloitte a estimé qu’une évaluation juste des actifs immobiliers saisis nécessitait un ajustement compris entre 42 et 47 % par rapport aux évaluations fournies par Banco Popular. Dans l’annexe de la valorisation 2, Deloitte a indiqué que la plupart des incohérences relevées était due à une prise en compte insuffisante de la règle ECO/805/2003, qui établit les règles obligatoires pour la valorisation des biens immobiliers dans le secteur bancaire espagnol. En particulier, Deloitte indique que ces incohérences concernent notamment l’évaluation des attentes en matière d’urbanisme et l’état d’avancement des travaux.

654    Dans le rapport d’expert, l’expert ne soulève aucun argument visant à remettre en cause cette appréciation de Deloitte dans la valorisation 2. Il se contente de mentionner que les experts habilités par la Banque d’Espagne étaient également qualifiés pour procéder à l’évaluation des actifs immobiliers de Banco Popular.

655    Il en ressort que Deloitte a expliqué la méthode utilisée, dans la valorisation 2, pour valoriser les actifs immobiliers de Banco Popular et a justifié les raisons pour lesquelles sa valorisation des actifs immobiliers saisis était distincte de celle fournie par Banco Popular.

656    Troisièmement, s’agissant des actifs d’impôts différés, la requérante soutient que Deloitte a procédé à leur valorisation sans disposer des documents nécessaires et que cette valorisation est en contradiction avec la valorisation 1.

657    Il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse du quatrième grief que l’argument de la requérante relatif à la contradiction avec la valorisation 1 est inopérant.

658    S’agissant de la valorisation des actifs d’impôts différés, Deloitte a indiqué, dans l’annexe de la valorisation 2, les incertitudes de son évaluation liées au temps et aux informations disponibles et qui sont inhérentes à la nature même de ces actifs. À cet égard, Deloitte a fourni des explications sur la méthode utilisée pour évaluer les actifs d’impôts différés et sur les hypothèses qu’il avait prises en compte.

659    Par exemple, Deloitte, dans le rapport sur la valorisation 2, a indiqué que l’évaluation des actifs d’impôts différés non protégés dépendrait des bénéfices imposables anticipés de l’acheteur (plan d’affaire) et des niveaux de crédits d’impôts existants. Il a notamment expliqué dans l’annexe de la valorisation 2 que la valorisation des actifs d’impôts différés non protégés dépendait de l’acquéreur, notamment du fait qu’il s’agisse d’une entité espagnole ou étrangère et que, dans l’hypothèse où l’acquéreur serait une banque espagnole, leur caractère recouvrable et leur comptabilisation au bilan dépendraient du plan d’affaire de Banco Popular et de celui de l’acquéreur. Le rapport sur la valorisation mentionne que l’évaluation faite par Deloitte tient compte de ces différentes hypothèses.

660    Enfin, il convient de rappeler que l’existence d’incertitudes est inhérente à toute valorisation provisoire effectuée sur le fondement de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

661    Or, la requérante ne soulève aucun argument visant à remettre en cause la méthode de valorisation des actifs d’impôts différés utilisée par Deloitte et expliquée aux pages 27 à 33 de l’annexe de la valorisation 2.

662    Quatrièmement, s’agissant des provisions pour risques juridiques, la requérante renvoie au rapport d’expert selon lequel la valorisation 2 a augmenté de manière injustifiée ces provisions.

663    Il suffit de constater que le rapport d’expert se contente de comparer le résultat de la valorisation des risques juridiques effectuée par Deloitte avec celle retenue dans le rapport d’audit de Banco Popular.

664    Ces appréciations ne sont pas de nature à remettre en cause les ajustements opérés par Deloitte sur la base de sa propre expérience et des tendances du secteur ayant conduit à différentes hypothèses expliquées aux pages 34 à 38 de l’annexe de la valorisation 2.

665    Par ailleurs, la requérante considère que la valorisation 2 n’a pas tenu compte des synergies significatives que Banco Popular présentait pour Banco Santander, démontrées par l’importante augmentation de la cotation en bourse de Banco Santander le 7 juin 2017 et les deux jours suivants.

666    À cet égard, il suffit de relever que la valorisation 2 avait pour but de déterminer la valeur de cession de Banco Popular pour tout acquéreur potentiel. Deloitte ne pouvait donc tenir compte, dans la valorisation 2, des synergies relatives à un acquéreur dont il ignorait l’identité. La valeur particulière attribuée aux actifs et aux passifs de Banco Popular dans la comptabilité de Banco Santander à la suite de l’intégration de celle-ci n’est, dès lors, pas pertinente.

667    Partant, la requérante n’a pas démontré l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans la valorisation 2 et il convient de rejeter le cinquième grief.

668    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la seconde branche doit être rejetée ainsi que le neuvième moyen dans son ensemble.

10.    Sur le dixième moyen, tiré de la violation de larticle 14 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de larticle 296 TFUE

669    La requérante fait valoir que le CRU, dans le dispositif de résolution, a violé l’article 14 du règlement no 806/2014, son devoir de diligence et l’article 296 TFUE, en ce qu’il a procédé à la dépréciation des actions et à la cession des activités sans examiner s’il existait d’autres mesures entraînant une destruction de valeur moindre pour les actionnaires.

670    En premier lieu, la requérante soutient que rien dans la motivation du dispositif de résolution ne montre que le CRU aurait examiné d’autres solutions moins contraignantes pour les actionnaires avant de procéder à la dépréciation des instruments de fonds propres de Banco Popular et à la cession des activités. Il n’aurait pas justifié si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de valeur pour les actionnaires conformément à l’article 14 du règlement no 806/2014.

671    Il y a lieu de relever que les arguments de la requérante reposent sur une interprétation erronée de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014, cité au point 521 ci-dessus.

672    Il ressort de cette disposition que les objectifs de la résolution visés à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 doivent être atteints, dans la mesure du possible, avec un instrument de résolution qui entraîne la moindre destruction de valeur. Toutefois, comme le précise cette disposition, lorsque la destruction de valeur entraînée par l’instrument de résolution choisi est nécessaire pour la réalisation de ces objectifs et donc pour l’intérêt public, la résolution ne saurait être considérée comme disproportionnée.

673    En outre, comme le souligne la Commission, la destruction de valeur au sens de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 ne vise pas uniquement les intérêts patrimoniaux des actionnaires et des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité, mais également ceux de ses déposants, de ses salariés et de ses autres créanciers.

674    Contrairement à ce que soutient la requérante, cette disposition n’implique pas d’apprécier la proportionnalité de la mesure de résolution au regard de l’atteinte portée au droit de propriété des actionnaires.

675    Il convient de rappeler que, à l’article 5.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que l’instrument de cession des activités constituait un moyen approprié, nécessaire et proportionné pour atteindre les objectifs de la résolution figurant à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir principalement assurer la continuité des fonctions critiques et préserver la stabilité financière. À l’article 5.3 du dispositif de résolution, mentionné au point 339 ci-dessus, le CRU a expliqué les raisons pour lesquelles les autres instruments de résolution prévus par le règlement no 806/2014 n’étaient pas appropriés et ne permettaient pas d’atteindre les objectifs de la résolution dans la même mesure.

676    Ainsi, le CRU a indiqué les raisons pour lesquelles les autres instruments de résolution, tels que la séparation des actifs, qui selon la requérante aurait conduit à éviter la destruction de valeur pour les actionnaires, n’auraient pas permis d’atteindre les objectifs prévus à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014.

677    Contrairement à ce que soutient la requérante, dans la mesure où le CRU a justifié que l’instrument de cession des activités était nécessaire pour la réalisation de ces objectifs, il n’avait pas à indiquer si d’autres solutions auraient permis d’éviter la destruction de valeur au sens de l’article 14 paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014.

678    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans l’article 4.5 du dispositif de résolution, le CRU a conclu que la résolution contribuait également à la minimisation de la destruction de valeur, prenant en compte le fait qu’une liquidation de Banco Popular aurait entraîné des pertes plus importantes pour les créanciers que la résolution. Le CRU a également considéré, dans l’article 4.6 du dispositif de résolution, que les inconvénients et les coûts liés à l’adoption de la mesure de résolution, principalement les pertes subies par les actionnaires et les créanciers subordonnés, seraient contrebalancés par les avantages qui en résultaient, à savoir le maintien des fonctions critiques, la limitation des effets négatifs sur l’économie et la stabilité financière ainsi que le fait d’éviter des pertes que pourraient subir d’autres créanciers.

679    Il en ressort que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le CRU a pris en compte, dans le dispositif de résolution, la destruction de valeur que l’instrument de cession des activités était susceptible d’entraîner pour les actionnaires de Banco Popular.

680    En deuxième lieu, la requérante soutient que le CRU n’a pas examiné si l’instrument de séparation des actifs, combiné à un prêt du FRU, aurait été approprié pour résoudre les problèmes de liquidité et rétablir la confiance du marché et aurait ainsi outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation. La requérante soutient que, selon le rapport d’expertise figurant en annexe de la requête, mentionné au point 482 ci-dessus, une séparation des actifs combinée avec d’autres mesures destinées à apporter de la liquidité était, en principe, réalisable et aurait permis d’éviter une destruction de valeur pour les actionnaires contraire à l’article 14 du règlement no 806/2014.

681    Tout d’abord, il convient de rappeler que, à l’article 5.3 du dispositif de résolution, mentionné au point 339 ci-dessus, le CRU a considéré que l’instrument de séparation des actifs, qu’il soit combiné avec l’instrument de renflouement interne ou avec l’instrument de l’établissement-relais, ne permettait pas d’atteindre les objectifs de la résolution dans la même mesure que l’instrument de cession des activités.

682    En outre, la requérante ne soulève aucun argument susceptible d’établir que la solution qu’elle invoque, à savoir une séparation des actifs combinée à un apport de liquidités, était effectivement envisageable compte tenu de la situation de liquidité de Banco Popular et de l’urgence dans laquelle le dispositif de résolution devait être adopté ni que cette solution aurait pu permettre de rétablir la viabilité de Banco Popular à long terme.

683    Ainsi, dans la requête, la requérante se contente de renvoyer à la partie du rapport d’expertise qui y est annexé intitulée « La décision ne tient pas suffisamment compte des instruments de résolution alternatifs ». Or, il suffit de constater que dans ce rapport, réalisé le 16 septembre 2017 sur la base de la version du dispositif de résolution publiée en juillet 2017, les experts reconnaissent de nombreuses lacunes dans leur analyse tenant au fait que la version du dispositif de résolution dont ils disposaient était expurgée et qu’ils ignoraient l’étendue des problèmes de liquidité de Banco Popular. Ils relèvent que Banco Popular était solvable et s’appuient sur un certain nombre d’hypothèses purement théoriques relatives à la vente de certains actifs. En revanche, ce rapport ne contient aucune analyse visant à établir qu’une solution alternative à l’instrument de cession des activités était réalisable en pratique au regard de la détérioration de la situation de liquidité de Banco Popular et de l’urgence. Ce rapport n’établit pas la faisabilité concrète de ces ventes d’actifs dans les circonstances applicables à la date de la résolution.

684    Comme le relève le CRU, la requérante n’explique pas suffisamment comment la solution alternative aurait été aussi efficace, juridiquement réalisable et moins coûteuse que la vente d’actifs au moyen de l’instrument de cession des activités. À cet égard, il y a lieu de relever que les experts qui ont réalisé le rapport d’expertise du 16 septembre 2017 ont également réalisé le rapport d’expertise figurant en annexe de la réplique, mentionné au point 483 ci-dessus, dans lequel ils ont admis que, faute d’informations disponibles, ils n’avaient pas été en mesure, dans leur premier rapport, d’expliquer avec plus de détails comment cette solution alternative pouvait fonctionner.

685    En outre, le rapport d’expertise annexé à la requête ne tient pas compte des objectifs de la résolution, prévus à l’article 14 du règlement no 806/2014, et ne démontre donc pas que l’application d’un autre instrument de résolution, tel que la séparation d’actifs, aurait permis d’atteindre ces objectifs de manière aussi efficace que l’instrument de cession des activités.

686    Enfin, comme le soulignent la Commission et le CRU, la mise en œuvre de l’instrument de séparation des actifs nécessite un délai qui n’était pas disponible à la date de la résolution.

687    À cet égard, en réplique, la requérante soutient que le CRU aurait pu réaliser une séparation d’actifs en urgence. Elle renvoie, à cet égard, à la section 8 du rapport d’expertise figurant en annexe de la réplique. Or, il suffit de relever que ce rapport d’expertise annexé à la réplique se contente d’indiquer que les parties essentielles d’un tel exercice pourraient être réalisées dans une période substantiellement plus courte que les six à neuf mois mentionnés par la Commission. Ces éléments ne sont pas de nature à établir que l’instrument de séparation des actifs était concrètement réalisable dans la situation d’urgence dans laquelle se trouvait Banco Popular.

688    La requérante fait également valoir que la séparation des actifs aurait pu être appliquée en urgence si le plan de résolution de 2016 avait été correctement préparé.

689    Il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que cet argument n’est pas pertinent, dans la mesure où le plan de résolution de 2016 ne pouvait envisager la crise de liquidité à laquelle Banco Popular a dû faire face à partir du mois d’avril 2017.

690    À cet égard, en application de l’article 23, troisième alinéa, du règlement no 806/2014, « lorsqu’ils adoptent un dispositif de résolution, le CRU, le Conseil et la Commission prennent en considération et suivent le plan de résolution visé à l’article 8, à moins que le CRU n’estime, compte tenu des circonstances de l’espèce, que les objectifs de la résolution seront mieux réalisés en prenant des mesures qui ne sont pas prévues dans le plan de résolution ».

691    En l’espèce, le CRU a expliqué, dans les considérants 44 à 46 du dispositif de résolution, pour quels motifs l’instrument de résolution envisagé dans le plan de résolution de 2016 n’était pas approprié aux circonstances existant à la date de la résolution. Ainsi, il a relevé que le plan de résolution de 2016 était basé sur l’hypothèse que la défaillance de Banco Popular serait liée à une détérioration de sa situation de capital. Or, dans la mesure où la défaillance de Banco Popular découlait de la détérioration de sa situation de liquidité, le CRU a indiqué qu’il n’était pas garanti que l’instrument de renflouement interne, envisagé dans ce plan, aurait permis de remédier immédiatement et efficacement à la crise de liquidité de Banco Popular.

692    Il en ressort que les éventuelles faiblesses du plan de résolution de 2016 ne sauraient entraîner l’annulation des décisions attaquées et que les arguments de la requérante à cet égard sont inopérants. En particulier, le rapport spécial de la Cour des comptes no 23/2017, intitulé « [CRU] – L’ambitieux chantier de l’union bancaire a commencé mais est loin d’être terminé », mentionné par la requérante, n’est pas pertinent.

693    En troisième lieu, la requérante soutient que le CRU a violé son devoir de diligence et de bonne administration en n’examinant pas les éventuelles solutions offertes par l’article 76 du règlement no 806/2014, à savoir un prêt du FRU, afin de résoudre les problèmes de liquidité de Banco Popular.

694    À cet égard, il suffit de constater que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, dans le cadre du dispositif de résolution, lors de l’utilisation des instruments de résolution, le CRU peut recourir au FRU uniquement dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution aux fins, notamment, d’accorder des prêts à l’établissement soumis à une procédure de résolution. Il en ressort clairement que cette possibilité ne peut être envisagée que dans le cadre d’une mesure de résolution et ne constitue en aucun cas une mesure alternative à celle-ci. Comme le relève le CRU, le recours au FRU ne peut être utilisé de manière isolée afin de résoudre les problèmes de liquidité d’une entité.

695    En quatrième lieu, à titre subsidiaire, la requérante soutient que le CRU aurait pu avoir recours à d’autres mesures prévues par la directive 2014/59. Le CRU aurait violé son devoir de diligence et outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en n’examinant pas la possibilité de concevoir un instrument de résolution ad hoc, eu égard au fait que le règlement no 806/2014 ne serait pas conçu pour résoudre les problèmes de liquidité.

696    Il suffit de relever, à l’instar du CRU, qu’il ne peut utiliser que les instruments de résolution visés à l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

697    Partant, il convient de rejeter le dixième moyen.

11.    Sur le onzième moyen, tiré de la violation de larticle 20, paragraphe 14, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec larticle 20, paragraphes 11 et 15, du même règlement ainsi que de la violation des formes substantielles

698    Par ce nouveau moyen soulevé en réplique, la requérante indique que, dans sa réponse du 30 juillet 2018 à une mesure d’organisation de la procédure, le CRU a indiqué qu’il ne procéderait pas à une valorisation définitive ex post et soutient que le dispositif de résolution viole l’article 20, paragraphes 11, 14 et 15, du règlement no 806/2014. Le dispositif de résolution aurait été adopté sans qu’existent les dispositions et les mécanismes nécessaires pour que la valorisation visée à l’article 20 du règlement no 806/2014 soit fondée sur des informations relatives aux actifs et aux passifs de Banco Popular aussi complètes et actualisées que possible.

699    La requérante soutient que ce nouveau moyen est recevable, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure, en ce qu’il se fonde sur un élément nouveau intervenu en cours d’instance, à savoir l’information communiquée par le CRU, dans sa réponse du 30 juillet 2018 à une mesure d’organisation de la procédure, selon laquelle il ne sera pas procédé à une valorisation définitive ex post.

700    La Commission fait valoir que ce moyen nouveau est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé, dans la mesure où la requérante s’appuie sur un élément postérieur à l’adoption du dispositif de résolution qui ne peut en affecter la légalité. Le CRU et Banco Santander soutiennent également que ce moyen se réfère à une décision du CRU postérieure à l’adoption du dispositif de résolution et que cela ne saurait affecter la légalité du dispositif de résolution.

701    Il suffit de relever que, pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 596 à 599 ci-dessus, le fait de procéder ou non à une valorisation définitive ex post, qui est manifestement postérieure à l’adoption du dispositif de résolution, ne saurait affecter la validité des décisions attaquées.

702    Par ailleurs, dans ses observations sur le mémoire en intervention de Banco Santander, la requérante explique que ce moyen nouveau ne se fonde pas sur l’absence de valorisation définitive ex post, mais vise à soutenir que le dispositif de résolution était vicié dès son adoption, dans la mesure où les garanties prévues par l’article 20, paragraphe 14, du règlement no 806/2014 n’existaient pas.

703    Il suffit de constater que, par cette explication, la requérante remet en cause les motifs qu’elle avait avancés pour justifier la production de ce moyen nouveau au stade de la réplique.

704    Partant, le onzième moyen doit être rejeté.

12.    Sur le douzième moyen, tiré de la violation de larticle 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec larticle 20, paragraphes 3 et 5, du même règlement

705    Par ce nouveau moyen soulevé en réplique, la requérante, à la suite de l’accès aux versions de la valorisation 2 publiées en février et en octobre 2018, fait valoir que le dispositif de résolution, dont la valorisation 2 fait partie intégrante, viole l’article 20, paragraphes 1 et 5, du règlement no 806/2014.

706    Premièrement, la requérante soutient que la valorisation 2 n’a envisagé qu’un seul instrument de résolution, à savoir la cession d’activité, ce qui est contraire à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, en vertu duquel la valorisation provisoire doit être effectuée avant de décider d’une mesure de résolution. Il serait contraire à cette disposition d’élaborer une valorisation provisoire après avoir choisi la mesure de résolution à employer. Deuxièmement, le dispositif de résolution violerait l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, dans la mesure où la valorisation 2 n’aurait pas été réalisée par une personne indépendante. La requérante soutient que Deloitte a travaillé en suivant les instructions du CRU, qu’il n’a pu se forger sa propre opinion, le CRU lui ayant enjoint de se concentrer sur l’instrument de cession des activités, et qu’une partie de la valorisation provisoire, à savoir la valorisation 1, a été réalisée par le CRU lui-même. Troisièmement, l’instrument de résolution ayant été choisi au préalable, la valorisation 2 n’aurait pas pu remplir l’objectif, visé à l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, de fournir au CRU des informations sur le type d’instrument de résolution à utiliser.

707    La Commission fait valoir que ce moyen nouveau est irrecevable.

708    Selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

709    Il convient de constater que l’ensemble des arguments soulevés par la requérante dans ce moyen nouveau s’appuient, en substance, sur le fait que la valorisation 2 a été effectuée en n’envisageant qu’un seul instrument de résolution, à savoir l’instrument de cession des activités.

710    À cet égard, le considérant 42 du dispositif de résolution, dans la version figurant en annexe de la requête, indiquait que :

« Étant donné l’urgence des circonstances de l’affaire, Deloitte a effectué une valorisation provisoire, conformément à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. Cette valorisation provisoire a été réalisée dans le but de :

[…]

c)      rassembler les éléments permettant de prendre la décision sur les actions ou instruments de propriété devant être transférés et permettant au CRU de déterminer ce qui constitue les conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. »

711    Il en ressort que le fait que Deloitte ait réalisé une valorisation provisoire dans le but d’apprécier les conditions de la réalisation de l’instrument de cession des activités est une information qui figurait déjà dans le dispositif de résolution dont disposait la requérante à la date de l’introduction du recours.

712    La requérante ne fait état d’aucun élément nouveau qui serait venu à sa connaissance du fait de son accès à une version moins confidentielle de la valorisation 2, telle que publiée sur le site Internet du CRU en février et en octobre 2018, et qui serait susceptible de justifier le fait que ce moyen ait été soulevé seulement en réplique. La requérante ne saurait donc s’appuyer sur le fait qu’elle n’a eu accès à la valorisation 2 qu’en cours d’instance pour justifier la recevabilité de ce moyen nouveau au regard de l’article 84 du règlement de procédure.

713    Partant, il convient de rejeter le douzième moyen comme irrecevable.

714    En tout état de cause, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ne sont pas fondés.

715    Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, cité au point 15 ci-dessus, qu’une valorisation ne peut pas être effectuée en tenant compte d’un instrument de résolution particulier. C’est donc à tort que la requérante soutient que le fait que la valorisation 2 n’ait envisagé que l’instrument de cession des activités serait contraire à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

716    Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la valorisation en fonction de l’instrument de résolution appliqué. En particulier, l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la valorisation dans l’hypothèse où l’instrument de cession des activités est appliqué, lesquels sont différents des objectifs, visés à l’article 20, paragraphe 5, sous d) et e), du même règlement, relatifs aux cas où soit l’instrument de renflouement interne soit l’instrument de l’établissement-relais ou de séparation des actifs est appliqué.

717    En outre, l’article 20, paragraphe 5, sous b), du règlement no 806/2014, prévoyant que, si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution sont réunies, la valorisation vise à fournir les éléments permettant de décider des mesures de résolution appropriées qu’il convient de prendre à l’égard d’une entité, doit être interprété en ce sens que la valorisation doit fournir au CRU les éléments techniques et économiques permettant de mettre en œuvre l’instrument de résolution choisi par ce dernier.

718    L’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 ne saurait être interprété comme imposant à l’évaluateur de réaliser une valorisation tenant compte de tous les instruments de résolution potentiellement envisageables. Dès lors, c’est à tort que la requérante soutient que cette disposition s’opposait à ce que la valorisation 2 soit effectuée en tenant compte de l’instrument de cession des activités, que le CRU avait estimé être l’instrument le mieux à même de remplir les objectifs de la résolution.

719    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante visant à remettre en cause l’indépendance de l’évaluateur, il y a lieu de relever qu’il n’appartient pas à l’évaluateur de définir lui-même quel serait l’instrument de résolution le plus adéquat. Comme le relève le CRU, il appartient à l’autorité de résolution de choisir l’instrument le mieux approprié à la situation de l’entité concernée.

720    Partant, le fait que le CRU ait estimé que l’instrument de cession des activités était le mieux à même de remplir les objectifs de la résolution et qu’il ait missionné Deloitte pour effectuer une valorisation répondant aux objectifs de cet instrument ne saurait être considéré comme portant atteinte à l’indépendance de Deloitte. Enfin, il y a lieu de relever que la requérante n’explique pas de quelle manière le fait que le CRU a réalisé lui-même la valorisation 1 serait de nature à remettre en cause l’indépendance de Deloitte lorsque ce dernier a effectué la valorisation 2, ces deux valorisations ayant des objectifs différents.

13.    Sur les demandes de mesures dorganisation de la procédure et de mesures dinstruction

721    La requérante a demandé au Tribunal d’ordonner diverses mesures d’organisation de la procédure et d’instruction.

722    D’une part, dans la requête et la réplique ainsi que par lettre du 19 avril 2021, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner la production de divers documents. En outre, par lettre du 17 mai 2021, la requérante a demandé au Tribunal de poser des questions écrites au Royaume d’Espagne.

723    Il y a lieu de rappeler que, par son ordonnance de mesure d’instruction du 12 mai 2021, au titre de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, le Tribunal a ordonné au CRU la production de certains documents cités au point 95 ci-dessus. Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a considéré que les documents produits par le CRU dans leur version confidentielle n’étaient pas pertinents pour la solution du litige. En revanche, la lettre de Banco Popular à la BCE du 6 juin 2017, sans son annexe, a été communiquée aux autres parties.

724    D’autre part, la requérante, dans la requête, a proposé l’audition de plusieurs témoins.

725    S’agissant des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 53).

726    Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 118 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, C‑702/19 P, EU:C:2020:857, point 29).

727    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments contenus dans le dossier ainsi que les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

728    Il s’ensuit que les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction de la requérante doivent être rejetées ainsi que le recours dans son intégralité.

V.      Sur les dépens

729    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, le CRU et Banco Santander, conformément aux conclusions de ces derniers.

730    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume d’Espagne, le Parlement et le Conseil supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Aeris Invest Sàrl est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, le Conseil de résolution unique (CRU) et Banco Santander, SA.

3)      Le Royaume d’Espagne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Jaeger

Kreuschitz

De Baere

 

      Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juin 2022.

Signatures


Table des matières


I. Cadre juridique

II. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

A. Sur la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution

B. Sur d’autres faits antérieurs à l’adoption du dispositif de résolution

C. Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

D. Sur les faits postérieurs à l’adoption de la décision de résolution

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur la nouvelle offre de preuves du 19 avril 2021

B. Au fond

1. Sur le troisième moyen, tiré d’une exception d’illégalité en ce que les articles 21 et 24 du règlement no 806/2014 violent les principes relatifs à la délégation de pouvoir

2. Sur le quatrième moyen, tiré d’une exception d’illégalité en ce que les articles 15 et 22 du règlement no 806/2014 violent le droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, et le principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE

3. Sur le cinquième moyen, tiré d’une exception d’illégalité en ce que les articles 18 et 20 du règlement no 806/2014 violent le droit d’être entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte

4. Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE

a) Sur le premier grief, relatif à l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014

b) Sur le second grief, relatif à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014

5. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, consacrés par les articles 15 et 296 TFUE et par les articles 42 et 47 de la Charte

a) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation

b) Sur le second grief, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

6. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans et de l’article 88 du règlement no 806/2014

7. Sur le sixième moyen, tiré de la violation du droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, TUE

8. Sur le septième moyen, tiré de la violation le droit d’être entendu, consacré par les articles 17 et 41 de la Charte

9. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation des articles 14 et 20 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE

a) Sur la première branche, relative au processus de vente

b) Sur la seconde branche, relative à la valorisation 2

1) Sur le premier grief, relatif à la violation de l’obligation de motivation

2) Sur le deuxième grief, relatif à la fiabilité de la valorisation 2

3) Sur le troisième grief, relatif à la méthode utilisée dans la valorisation 2

4) Sur le quatrième grief, relatif à la contradiction avec la valorisation 1

5) Sur le cinquième grief, relatif à l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation

10. Sur le dixième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement no 806/2014, du devoir de diligence et de l’article 296 TFUE

11. Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 14, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphes 11 et 15, du même règlement ainsi que de la violation des formes substantielles

12. Sur le douzième moyen, tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphes 3 et 5, du même règlement

13. Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.