Language of document : ECLI:EU:T:2012:145

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

22 mars 2012 (*)

« Concurrence — Procédure administrative — Décision de demande de renseignements — Caractère nécessaire des renseignements demandés — Principe de bonne administration — Obligation de motivation — Proportionnalité »

Dans les affaires jointes T‑458/09 et T‑171/10,

Slovak Telekom a.s., établie à Bratislava (Slovaquie), représentée initialement par Mes M. Maier, L. Kjølbye et D. Geradin, puis par Mes Kjølbye, Geradin et G. Berrisch, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée, dans l’affaire T‑458/09, par M. F. Castillo de la Torre et Mme K. Mojzesowicz et, dans l’affaire T‑171/10, par M. Castillo de la Torre, Mme Mojzesowicz et M. J. Bourke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d’annulation, d’une part, de la décision C (2009) 6840 de la Commission, du 3 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (Affaire COMP/39.523 — Slovak Telekom) et, d’autre part, de la décision C (2010) 902 de la Commission, du 8 février 2010, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (Affaire COMP/39.523 — Slovak Telekom),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Slovak Telekom a.s., est une société constituée le 1er avril 1999 en République slovaque, qui est détenue à 51 % par Deutsche Telekom AG et à 49 % par le gouvernement slovaque. Elle fournit notamment des services de téléphonie nationale et internationale, des services Internet à large bande et un large éventail d’autres services de télécommunication comprenant des réseaux de données, des services à valeur ajoutée et des lignes louées.

2        Entre les 13 et 16 janvier 2009, la Commission des Communautés européennes a effectué une inspection dans les locaux de la requérante, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

3        Par lettre du 14 avril 2009, la Commission a informé la requérante que, le 8 avril 2009, elle avait décidé d’engager à son égard une procédure d’infraction à l’article 82 CE dans l’affaire COMP/39.523. La Commission a indiqué à cet égard que l’ouverture de cette procédure concernait l’existence possible, de la part de la requérante et de sociétés qu’elle contrôlait, en République slovaque, d’un refus de conclure des transactions s’agissant de l’accès de gros dégroupé à la boucle locale et d’autres accès de gros à haut débit, d’une compression éventuelle des marges s’agissant de l’accès de gros dégroupé à la boucle locale et d’autres accès de gros à haut débit, et d’autres pratiques d’exclusion et discriminatoires, telles que des ventes groupées mixtes et des ventes liées s’agissant de services de gros et de détail d’accès à haut débit (considérant 1 de la décision attaquée dans l’affaire T‑458/09, ci-après la « décision attaquée I » ; considérant 1 de la décision attaquée dans l’affaire T‑171/10, ci-après la « décision attaquée II »).

4        Le 17 avril 2009, la Commission a demandé des informations à la requérante en vertu de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003 (considérant 2 de la décision attaquée I ; considérant 7 de la décision attaquée II).

5        Par courriel du 4 juin 2009, la requérante a indiqué à la Commission que la demande d’informations du 17 avril 2009 concernait également une période antérieure à la date d’adhésion de la République slovaque à l’Union européenne et que la Commission n’était pas compétente pour appliquer les articles 81 CE et 82 CE à un prétendu comportement infractionnel de la requérante antérieur au 1er mai 2004. Elle a ainsi souligné que la Commission ne pouvait constater une infraction pour cette période, ni demander de manière systématique des informations relatives à ladite période. La requérante a proposé de continuer à fournir des informations générales relatives à la période ayant précédé le 1er mai 2004. S’agissant de données et de calculs plus détaillés, elle a suggéré de limiter ses réponses à la période postérieure à cette date (considérant 3 de la décision attaquée I ; considérant 8 de la décision attaquée II).

6        Par courriel du 5 juin 2009, la Commission a répondu à la requérante qu’il ne s’agissait pas, en l’espèce, de constater une infraction aux règles de concurrence de l’Union pour la période qui a précédé le 1er mai 2004, mais plutôt d’obtenir des informations factuelles concrètes, dont certaines couvraient aussi ladite période. La Commission a en effet estimé que ces informations étaient pertinentes pour évaluer la compatibilité du comportement de la requérante avec l’article 82 CE après le 1er mai 2004, en pleine connaissance des faits et de leur contexte économique correct. La Commission a dès lors insisté pour que les informations demandées lui soient transmises dans leur intégralité (considérant 4 de la décision attaquée I ; considérant 9 de la décision attaquée II).

7        Par lettre jointe à un courriel du 11 juin 2009, la requérante a réitéré les objections formulées dans son courriel du 4 juin 2009 et a précisé que, selon elle, il ne suffisait pas que les informations puissent être utiles aux fins d’évaluer sa conduite dans son contexte économique. Elle a toutefois communiqué à la Commission les informations demandées par celle-ci, tout en indiquant qu’elle se réservait le droit de s’opposer à toute utilisation par la Commission de ces informations à son égard, ainsi que des documents antérieurs à l’adhésion de la République slovaque à l’Union, rassemblés par la Commission lors de l’inspection du mois de janvier 2009 (considérant 5 de la décision attaquée I ; considérant 10 de la décision attaquée II).

8        Les 13 et 14 juillet 2009, la Commission a réalisé une nouvelle inspection.

9        Par lettre du 17 juillet 2009, la Commission a demandé à la requérante des informations supplémentaires en vertu de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, y compris des informations et des documents antérieurs au 1er mai 2004 (considérant 7 de la décision attaquée I ; considérant 11 de la décision attaquée II).

10      Par lettre du 14 août 2009, la requérante a réitéré ses objections concernant la fourniture d’informations et de documents relatifs à la période ayant précédé le 1er mai 2004. Elle a également indiqué qu’elle avait fourni volontairement à la Commission, à la suite de la demande d’informations du 17 avril 2009, des informations générales concernant la période ayant précédé le 1er mai 2004 afin de clarifier le contexte ayant entouré les informations communiquées à cette dernière, mais qu’elle ne fournirait pas de données et de calculs plus détaillés concernant cette période. La requérante a ainsi indiqué qu’elle avait décidé de ne pas communiquer à la Commission les informations relatives à la période de « préadhésion » en ce qui concernait, d’une part, les questions 4 a) et 4 b) de la demande de renseignements du 17 juillet 2009, relatives à l’agrégation « ATM » (Asynchronous Transfer Mode) et à son réseau de base et, d’autre part, les questions 16 et 17 de ladite demande de renseignements. Elle a toutefois relevé que sa décision ne concernait pas certaines données de l’année 2004 relatives à la rentabilité de certains de ses produits, demandées dans la question 12 de la demande de renseignements du 17 juillet 2009, dès lors qu’il n’était pas possible de scinder les données concernées de manière compréhensible (considérant 9 de la décision attaquée I ; considérant 11 de la décision attaquée II).

 Décision attaquée I

11      Le 3 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 6840 relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (Affaire COMP/39.523 — Slovak Telekom).

12      Dans la décision attaquée I, la Commission a indiqué que, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, elle peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires. Selon la Commission, sa compétence pour demander de tels renseignements ne saurait être limitée à la période pour laquelle elle est habilitée à constater une infraction aux articles 81 CE et 82 CE (considérant 11 de la décision attaquée I).

13      La Commission a ainsi estimé que, en tant qu’administrateur diligent, il lui incombait de réunir tous les éléments de fait liés à l’affaire. Elle a indiqué qu’en l’espèce cette tâche consistait à apprécier, outre le contexte des ventes et du développement des services à large bande et « triple play » fournis au détail et en gros après le 1er mai 2004, le contexte de la planification, de la préparation de ces services, des investissements y afférents et de leur lancement, ainsi que de leur évolution jusqu’à l’adoption de la décision attaquée I (notamment en ce qui concerne l’année 2003 et les quatre premiers mois de l’année 2004), indépendamment du fait que certains de ces événements se seraient produits avant l’accession de la République slovaque à l’Union. La Commission a ajouté que, dès lors qu’elle pouvait inclure de telles constatations factuelles dans une décision imposant des amendes, elle était compétente, sur la base de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, pour demander des informations et des documents lui permettant d’effectuer lesdites constatations (considérant 12 de la décision attaquée I).

14      À cet égard, la Commission a estimé, tout d’abord, que des données antérieures à 2004 concernant le développement des marchés des télécommunications et les activités de la requérante sur ces marchés étaient pertinentes pour l’analyse du comportement de la requérante postérieur au 1er mai 2004, notamment aux fins de la définition des marchés en cause et de la détermination de la détention éventuelle par la requérante d’une position dominante sur ces marchés à partir du 1er mai 2004, de telles évaluations ne pouvant se fonder sur des chiffres statiques et devant tenir compte de l’évolution économique, notamment au cours de la période antérieure au 1er mai 2004 (considérant 13 de la décision attaquée I).

15      Ensuite, la Commission a indiqué que l’agrégation « ATM » et le réseau de base de la requérante (points I et II de l’annexe I de la décision attaquée I) avaient été lancés avant le 1er mai 2004 et que, à la date de ladite décision, celle-ci les utilisait toujours pour fournir des services à large bande en gros et au détail (considérant 14 de la décision attaquée I).

16      Enfin, la Commission a relevé que les documents visés aux questions 16 et 17 de l’annexe III de la demande de renseignements de la Commission et mentionnés aux points III et IV de l’annexe I de la décision attaquée I concernaient des services à large bande en gros et au détail qui avaient été lancés en 2003 et que la requérante avait continué à fournir après le 1er mai 2004. Elle a précisé que les renseignements en cause concernaient la planification desdits services, leur lancement, les investissements y relatifs et leur développement, leur positionnement sur le marché, leur réglementation, leurs produits concurrents ainsi que d’autres circonstances pertinentes. La Commission a ajouté que d’autres documents concernaient la stratégie de la société sur le marché de la large bande, la stratégie réglementaire, les prévisions et les discussions sur la situation du marché et les réactions de la requérante à cet égard ainsi que la préparation de l’offre de référence pour le dégroupage de la boucle locale et les questions réglementaires relatives à celle-ci. De ce fait, lesdits documents seraient utiles à l’instruction de la Commission en l’espèce et nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, afin d’apprécier le contexte économique et financier global du lancement et de la fourniture au détail et en gros de services d’accès à large bande sur le territoire de la République slovaque ainsi que la compatibilité du comportement de la requérante avec les règles de concurrence de l’Union (considérant 15 de la décision attaquée I).

17      Le dispositif de la décision attaquée I se lit comme suit :

« Article premier

Slovak Telekom a.s. doit fournir, pour le 22 septembre 2009 au plus tard, les informations mentionnées en annexe I à la présente [d]écision. L’annexe I constitue une partie intégrante de la présente [d]écision.

Article 2

À défaut pour Slovak Telekom de fournir les informations demandées de manière correcte et complète dans la période précisée à l’article 1er, il lui sera imposé une astreinte de 1 % de son chiffre d’affaires journalier pendant l’exercice précédent, ce qui correspond à 28 114 euros […], par jour de retard, calculé à partir de la date fixée dans la présente [d]écision.

Article 3

La présente [d]écision est adressée à Slovak Telekom, a.s., dont le siège social est situé à Karadžičova 10, 825 13 Bratislava, République slovaque, ainsi qu’à toutes les entreprises qu’elle contrôle directement ou indirectement, seule ou conjointement. »

18      Le 22 septembre 2009, la requérante a communiqué à la Commission l’ensemble des renseignements demandés par celle-ci.

 Décision attaquée II

19      Le 8 février 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 902 relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (Affaire COMP/39.523 — Slovak Telekom).

20      Dans la décision attaquée II, la Commission a rappelé, en substance, plusieurs considérations qui figuraient déjà dans la décision attaquée I (considérants 2, 5 et 6 de la décision attaquée II) (voir points 12 et 13 ci-dessus).

21      Par ailleurs, la Commission a indiqué, tout d’abord, que le « rapport type UCN » relatif à 2003, demandé au point 1 de l’annexe I de la décision attaquée II, contenait des données comptables sur les services à large bande fournis en gros et au détail par la requérante, telles que les recettes, les coûts et la rentabilité. Elle a donc estimé que ce document était nécessaire pour lui permettre d’apprécier la rentabilité des services à large bande de la requérante durant l’ensemble de la période comprise entre leur lancement en 2003 et la date de la décision attaquée II (considérant 3 de la décision attaquée II).

22      Ensuite, la Commission a indiqué que les renseignements et documents concernant l’année 2003, demandés aux points 2 à 4 de l’annexe I de la décision attaquée II, relatifs aux coûts d’acquisition de nouveaux clients et à certaines dépenses en capital de Slovak Telekom pour la fourniture de certains services de la large bande étaient nécessaires aux fins de l’appréciation du comportement prétendument abusif après le 1er mai 2004. Elle a en effet estimé que des coûts tels que les dépenses en capital et les coûts de fonctionnement supportés au cours d’un exercice pouvaient être amortis sur une durée plus longue et que cela aurait des répercussions sur le calcul du coût et de la rentabilité au cours des exercices suivants (considérant 3 de la décision attaquée II).

23      Enfin, la Commission a considéré qu’il était approprié de demander les renseignements en cause par voie de décision, eu égard notamment au risque de retards dans leur communication, au fait que la requérante avait par le passé refusé de fournir des renseignements relatifs à la période ayant précédé le 1er mai 2004 et au recours visant à l’annulation de la décision attaquée I pendant devant le Tribunal dans l’affaire T‑458/09 (voir point 25 ci-après) (considérants 7 et 13 de la décision attaquée II).

24      Le dispositif de la décision attaquée II se lit comme suit :

« Article premier

Slovak Telekom a.s. doit fournir, pour le 23 février 2010 au plus tard, les informations mentionnées en annexe I à la présente [d]écision. L’annexe I constitue une partie intégrante de la présente [d]écision.

Article 2

À défaut pour Slovak Telekom de fournir les informations demandées de manière correcte et complète dans la période précisée à l’article 1er, il lui sera imposé une astreinte de 1 % de son chiffre d’affaires journalier pendant l’exercice précédent, ce qui correspond à 28 114 euros […], par jour de retard, calculé à partir de la date fixée dans la présente [d]écision.

Article 3

La présente [d]écision est adressée à Slovak Telekom, a.s., dont le siège social est situé à Karadžičova 10, 825 13 Bratislava, République slovaque, ainsi qu’à toutes les entreprises qu’elle contrôle directement ou indirectement, seule ou conjointement. »

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requêtes, déposées respectivement au greffe du Tribunal le 13 novembre 2009 et le 15 avril 2010, la requérante a introduit les présents recours relatifs, en ce qui concerne l’affaire T‑458/09, à la décision attaquée I, et, en ce qui concerne l’affaire T‑171/10, la décision attaquée II.

26      Dans ces recours, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler respectivement la décision attaquée I et la décision attaquée II ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      Dans chaque recours, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a demandé à la Commission de produire des documents. Celle-ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.

29      À la suite d’une demande en ce sens de la requérante, à laquelle la Commission ne s’est pas opposée, les affaires T‑458/09 et T‑171/10 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, par ordonnance du président de la huitième chambre du 30 juin 2011.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 15 septembre 2011.

 En droit

31      Au soutien de chacun de ses recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’application du règlement no 1/2003. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du « principe de l’équité de la procédure ». Enfin, le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application du règlement no 1/2003

32      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit dans l’application du règlement no 1/2003. Selon la requérante, dès lors que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 82 CE et l’article 102 TFUE à des agissements sur le territoire de la République slovaque avant l’adhésion de celle-ci à l’Union, elle n’aurait pas été habilitée à demander, en vertu de l’article 18, paragraphe 3, de ce règlement, des informations concernant la période antérieure à ladite adhésion.

33      La requérante rappelle à cet égard que l’article 82 CE et l’article 102 TFUE ne s’appliquent pas à la période couverte par les décisions attaquées, la compétence de la Commission étant limitée aux abus commis par des entreprises en position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté. Or, en l’espèce, ces conditions n’auraient pas été réunies avant le 1er mai 2004. En effet, avant cette date, le marché slovaque des télécommunications n’aurait pas fait partie du marché commun et la conduite de la requérante n’aurait pas pu affecter les échanges entre États membres. D’ailleurs, la Commission ne contesterait pas cela dans les décisions attaquées I et II. Par ailleurs, l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République slovaque, d’autre part (JO 1994, L 359, p. 2) n’aurait pas rendu les articles 81 CE et 82 CE ni les articles 101 TFUE et 102 TFUE directement applicables à la République slovaque avant son adhésion à l’Union.

34      Selon la requérante, les obligations et les compétences de la Commission qui résultent du règlement no 1/2003, notamment de son article 18, paragraphe 3, et de son article 24, paragraphe 1, sous d), seraient déterminées et limitées par la finalité de l’enquête, à savoir la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union, et donc par le champ d’application des articles 81 CE et 82 CE, d’une part, et des articles 101 TFUE et 102 TFUE, d’autre part. À cet égard, la notion de « renseignements nécessaires » figurant à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 exigerait un lien suffisant entre la demande de renseignements et l’infraction présumée. Toutefois, dans les présentes affaires, il n’existerait aucun lien entre les informations demandées et l’infraction alléguée, puisque aucune infraction ne pourrait être constatée avant le 1er mai 2004. Partant, la Commission ne serait pas autorisée à enquêter en vertu de l’article 82 CE et de l’article 102 TFUE et ne pourrait pas se fonder sur des informations ayant trait à la conduite de la requérante pendant la période ayant précédé l’adhésion de la République slovaque à l’Union aux fins d’apprécier la compatibilité des pratiques de la requérante avec les règles de concurrence de l’Union à la suite de ladite adhésion.

35      À titre liminaire, il doit être relevé que, ainsi que la Commission l’a expressément indiqué par courriel du 5 juin 2009 adressé à la requérante (voir point 6 ci-dessus), au considérant 4 de la décision attaquée I et au considérant 9 de la décision attaquée II, et l’a réitéré dans ses écritures et lors de l’audience, les décisions attaquées I et II ont pour objet d’obtenir des informations factuelles concrètes, dont certaines sont antérieures au 1er mai 2004, aux fins d’enquêter sur l’existence possible, après cette date, d’un refus de la requérante et de sociétés qu’elle contrôle de conclure des transactions, d’une compression éventuelle des marges et de tout autre comportement éventuel d’exclusion s’agissant de services de gros d’accès dégroupé à la boucle locale, d’autres services de gros d’accès à large bande et de services de détail d’accès à large bande. La Commission a, en revanche, indiqué qu’il ne s’agissait pas, à ce stade, de constater une infraction aux règles de concurrence pour la période ayant précédé le 1er mai 2004.

36      Il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE, l’action de la Communauté européenne comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le traité, un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur. En outre, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’article 3, paragraphe 3, TUE précise que l’Union établit un marché intérieur. Ce dernier, conformément au protocole no 27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé aux traités UE et FUE (JO 2010, C 83, p. 309), comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée.

37      Les articles 81 CE et 82 CE, ainsi que les articles 101 TFUE et 102 TFUE, appartiennent au nombre des règles de concurrence qui, telles celles visées à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, sont nécessaires au fonctionnement dudit marché intérieur.

38      En effet, de telles règles ont précisément pour objectif d’éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs, contribuant ainsi au bien-être dans l’Union (voir arrêt de la Cour du 17 février 2011, TeliaSonera, C‑52/09, Rec. p. I‑527, point 22, et la jurisprudence citée).

39      Il convient également de rappeler que le règlement no 1/2003, pris en application de l’article 83, paragraphe 1, CE, a, aux termes du paragraphe 2, sous a), de ce même article, pour objet d’assurer le respect des interdictions visées aux articles 81 CE et 82 CE.

40      À cette fin, le règlement no 1/2003 confère à la Commission un large pouvoir d’investigation et de vérification en disposant, en son article 18, paragraphe 1, que, « [p]our l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires ». Le considérant 23 dudit règlement précise à cet égard que la Commission « doit disposer [au sein de l’Union] du pouvoir d’exiger les renseignements qui sont nécessaires pour déceler […] l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article 82 [CE] ».

41      Ainsi, afin de préserver l’effet utile de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, la Commission est en droit d’obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son égard ou à l’encontre d’une autre entreprise, l’existence d’un comportement anticoncurrentiel [voir le considérant 23 du règlement no 1/2003 ; voir également, par analogie, s’agissant de l’application du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35 ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 61, et du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon, C‑301/04 P, Rec. p. I‑5915, point 41 ; arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 327].

42      Selon la jurisprudence, la notion de « renseignements nécessaires » doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission puisse raisonnablement supposer que le document l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T‑39/90, Rec. p. II‑1497, point 29, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission, C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, point 21, et conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt du 19 mai 1994, SEP/Commission, précité, Rec. p. I‑1914, point 21).

43      En outre, seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, précité, point 25, et du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T‑34/93, Rec. p. II‑545, point 40). Par ailleurs, eu égard au large pouvoir d’investigation et de vérification de la Commission, c’est à cette dernière qu’il appartient d’apprécier la nécessité des renseignements qu’elle demande aux entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, point 17 ; Orkem/Commission, point 41 supra, point 15 ; du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 78, et arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec. p. II‑573, point 148).

44      Il importe finalement de rappeler que la Cour a souligné, à plusieurs reprises, dans le cadre de l’application du règlement no 17, que l’entreprise faisant l’objet d’une mesure d’investigation est soumise à une obligation de collaboration active, qui implique qu’elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d’information relatifs à l’objet de l’enquête (arrêts Orkem/Commission, point 41 supra, point 27 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 41 supra, point 62, et Commission/SGL Carbon, point 41 supra, point 40).

45      Eu égard au libellé de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, à sa finalité et conformément à la jurisprudence rappelée aux points 41 à 44 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les pouvoirs d’enquête qui sont prévus par cette disposition ne sont subordonnés qu’à l’exigence de la nécessité des renseignements demandés, appréciée par la Commission, aux fins de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête, et notamment, en l’espèce, de déceler l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article 82 CE et par l’article 102 TFUE. Ainsi, toute interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 qui reviendrait à interdire à la Commission, par principe, de demander à une entreprise des renseignements relatifs à une période au cours de laquelle les règles de la concurrence de l’Union ne lui étaient pas applicables, alors même que de tels renseignements seraient nécessaires aux fins de déceler une éventuelle violation desdites règles dès le moment où elles lui seraient applicables, serait susceptible de priver cette disposition d’effet utile et irait à l’encontre de l’obligation de la Commission d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 86, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 404).

46      Une telle interprétation se fonderait d’ailleurs sur le postulat erroné selon lequel des renseignements relatifs à une période au cours de laquelle les règles de la concurrence de l’Union n’étaient pas applicables à une entreprise ne pourraient permettre d’expliquer que des événements s’étant produits au cours de cette même période.

47      Or, tout d’abord, la Cour a déjà affirmé à cet égard, s’agissant de vérifications décidées en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 17, effectuées auprès d’entreprises espagnoles peu après l’adhésion du Royaume d’Espagne à la Communauté, qu’aucune règle ne limitait la compétence d’investigation de la Commission aux seuls comportements qui auraient eu lieu après l’adhésion (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, 97/87 à 99/87, Rec. p. 3165, point 63).

48      Ensuite, ainsi que le Tribunal l’a affirmé dans son arrêt du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 89), relatif à un cas d’application de l’article 81 CE, l’inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu’elle ait effectivement constaté une telle infraction. En effet, il est légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s’insère le comportement incriminé (voir également le considérant 11 de la décision attaquée I et le considérant 5 de la décision attaquée II).

49      La requérante ne saurait à cet égard prétendre que l’arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 48 supra, serait sans pertinence en l’espèce dès lors que, dans cette affaire, le juge de l’Union n’aurait pas statué sur les compétences de la Commission en matière d’établissement des faits dans des circonstances où les règles de concurrence de l’Union ne s’appliquaient pas et qu’il se serait uniquement prononcé sur le droit pour la Commission de publier certaines informations relatives à la période précédant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union.

50      En effet, d’une part, la requérante dans cette affaire avait expressément soutenu que la publication des parties de la décision infligeant des amendes qui se rapportaient à la période ayant précédé l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union était illégale au motif, notamment, que la Commission n’était pas compétente pour connaître de l’infraction qu’elle avait commise en Autriche au cours de cette période. D’autre part, il ressort de cet arrêt que le Tribunal a effectivement estimé non seulement que l’inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu’elle ait effectivement constaté une telle infraction, mais, également, qu’il en allait de même de la publication de telles constatations, étant donné qu’elle pouvait être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d’une telle décision (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 48 supra, points 81 et 89).

51      Enfin, il doit être souligné que le juge de l’Union a reconnu la nécessité pour la Commission, dans le cadre d’affaires concernant l’application de l’article 81 CE, de demander des informations relatives à une période antérieure à la période infractionnelle aux fins de préciser le contexte dans lequel un comportement s’était inscrit au cours de cette dernière période. Ainsi, dans son arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission (T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 150), le Tribunal a souligné la légitimité de la description par la Commission, dans une décision infligeant des amendes, du contexte plus large dans lequel s’inscrivait le comportement infractionnel. La circonstance, soulignée par la requérante, que les entreprises concernées n’auraient, dans cette affaire, pas contesté l’exactitude des constatations concrètes figurant dans la décision concernée au motif qu’elles n’auraient pas été fondées sur des preuves datant de la période en cause (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, précité, point 151) est sans pertinence à cet égard. Par ailleurs, dans son arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission (T‑54/03, non publié au Recueil, point 428), le Tribunal a également estimé qu’une note antérieure à la période infractionnelle pouvait être prise en compte par la Commission « afin de construire une image globale des contacts entre les concurrents et [pouvait] ainsi corroborer l’interprétation des autres preuves selon lesquelles les entreprises concurrentes en question, en l’espèce, [avaient] eu des contacts entre elles sur les hausses de prix ».

52      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments selon lesquels, par principe, la Commission ne pourrait pas se fonder sur des informations ayant trait à la conduite de la requérante antérieure à l’adhésion de la République slovaque à l’Union pour apprécier la compatibilité des pratiques de celle-ci, postérieures à ladite adhésion, avec les règles de concurrence de l’Union.

53      La requérante affirme par ailleurs qu’aucun comportement antérieur au 1er mai 2004 ne saurait être pertinent pour apprécier si elle a enfreint l’article 82 CE ou l’article 102 TFUE après le 1er mai 2004. Elle soutient, en effet, qu’il n’existe aucun lien entre le critère juridique de l’infraction litigieuse et les informations demandées, l’article 82 CE et l’article 102 TFUE n’étant pas applicables aux faits concernés par l’enquête de la Commission avant le 1er mai 2004.

54      Un tel argument doit être rejeté. En effet, premièrement, il y a lieu de considérer que des renseignements ou des documents relatifs aux évolutions des marchés en cause et aux entreprises actives sur ces marchés peuvent permettre à la Commission, indépendamment de leur antériorité par rapport à la période infractionnelle présumée, de définir les marchés en cause ou de déterminer si l’entreprise concernée détient une position dominante sur ces marchés (considérant 13 de la décision attaquée I).

55      Deuxièmement, s’agissant des abus allégués par la Commission pour justifier l’ouverture de la procédure d’infraction (voir point 3 ci-dessus), il doit également être souligné que certaines données relatives aux coûts antérieures au 1er mai 2004 pouvaient s’avérer nécessaires aux fins de la détermination de l’existence éventuelle d’un effet de ciseaux, ce qui a été admis par la requérante lors de l’audience. Ainsi, il se peut que certaines dépenses d’investissement doivent faire l’objet d’un amortissement sur une période qui ne coïncide pas nécessairement avec la période infractionnelle (voir le considérant 3 de la décision attaquée II). Cela ressort d’ailleurs de la pratique décisionnelle de la Commission, relative aux abus de position dominante, invoquée par la requérante [voir les considérants 76 et 77 de la décision de la Commission du 16 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (COMP/38.233 — Wanadoo Interactive) ; voir également, notamment, les considérants 328, 474 à 489 de la décision de la Commission du 4 juillet 2007 relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (COMP/38.784 — Wanadoo España/Telefónica)]. À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante, formulé dans l’affaire T‑171/10, selon lequel les informations spécifiques demandées par la Commission devraient être « strictement » nécessaires en l’espèce à l’application du critère de la compression des marges. En effet, ainsi que le souligne la Commission, l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 suggérée par la requérante reviendrait à exiger de la Commission, avant toute demande de renseignements, de connaître la teneur des documents sollicités ainsi que leur importance relative aux fins de l’enquête.

56      Par ailleurs, dans certains cas, les informations disponibles relatives aux coûts ne sont pas spécifiques à une période qui ne serait pas concernée par l’infraction [voir la note en bas de page no 64 de la décision de la Commission du 16 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (COMP/38.233 — Wanadoo Interactive)]. Une telle hypothèse est, du reste, expressément reconnue par la requérante, celle-ci ayant indiqué à la Commission, par courriel du 14 août 2009, qu’elle avait décidé de lui communiquer certaines données pour l’année 2004, antérieures à l’adhésion de la République slovaque à l’Union, « dès lors qu’il n’était pas possible de scinder les données concernées de manière compréhensible » (voir point 10 ci-dessus).

57      Enfin, ainsi que le relève à juste titre la Commission, des documents faisant état de décisions prises par la requérante ou d’accords conclus par celle-ci avant le 1er mai 2004, mais mis en œuvre après l’adhésion de la République slovaque à l’Union, peuvent également être considérés comme nécessaires par la Commission afin de lui permettre d’établir les faits postérieurs à ladite adhésion et d’interpréter ceux-ci de manière correcte.

58      Ainsi, des éléments tendant à révéler une éventuelle intention d’éviction des concurrents peuvent s’avérer pertinents dans le cadre de l’application de l’article 82 CE, aux fins d’une instruction adéquate de l’affaire (voir, en ce sens, s’agissant d’une décision ordonnant une inspection, arrêt France Télécom/Commission, point 43 supra, point 150 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, points 71 et 72 , et TeliaSonera, point 38 supra, point 40, et la jurisprudence citée).

59      Troisièmement, il doit être relevé que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction à l’article 82 CE. Or, il a été jugé que, pour apprécier la gravité des infractions aux règles de concurrence imputables à une entreprise, en vue de déterminer un montant d’amende qui lui soit proportionnel, la Commission pouvait notamment tenir compte de la gravité particulière d’infractions relevant d’une stratégie délibérée et cohérente visant, par des pratiques éliminatoires diverses à l’égard des concurrents, à maintenir artificiellement ou à renforcer la position dominante de l’entreprise sur des marchés où la concurrence était déjà limitée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 241, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 372, et la jurisprudence citée).

60      Il s’ensuit que des renseignements et des documents, même antérieurs à la période infractionnelle, tels que certaines des présentations internes de la requérante visées au point IV de l’annexe I de la décision attaquée I, et dont la pertinence est contestée par la requérante, qui seraient susceptibles d’établir l’existence d’une stratégie d’exclusion de la requérante peuvent aider la Commission à déterminer la gravité de l’infraction éventuelle et, partant, peuvent être considérés comme nécessaires pour permettre à la Commission d’accomplir les tâches qui lui sont assignées par le règlement no 1/2003, au sens de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement.

61      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la notion d’abus de position dominante a un contenu objectif et n’implique pas l’intention de nuire ne conduit pas à considérer que l’intention de recourir à des pratiques étrangères à la concurrence par les mérites est en toute hypothèse dénuée de pertinence, celle-ci pouvant toujours être prise en compte au soutien d’une conclusion selon laquelle l’entreprise concernée a commis un abus de position dominante, quand bien même une telle conclusion devrait en premier lieu reposer sur la constatation objective d’une mise en œuvre matérielle du comportement abusif. La Commission est donc en droit d’examiner la documentation interne des entreprises concernées, dès lors que celle-ci est susceptible de démontrer que l’exclusion de la concurrence était envisagée ou, au contraire, suggère une explication différente des pratiques examinées.

62      Eu égard aux développements figurant ci-dessus, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les arguments de la Commission, soulevés dans l’affaire T‑458/09, tirés de l’utilisation par la requérante d’éléments d’information à décharge antérieurs au 1er mai 2004, la requérante ne saurait prétendre que des informations et des documents antérieurs à cette date seraient sans pertinence aux fins de l’appréciation par la Commission d’un éventuel refus de fourniture, d’une éventuelle compression des marges ou de tout autre comportement éventuel d’exclusion (voir les considérants 1 des décisions attaquées I et II), en raison du fait que la constatation de telles infractions ne pourrait être fondée que sur des données objectives et postérieures à l’infraction.

63      Lors de l’audience, la requérante a finalement soutenu qu’il n’existait pas de lien objectif entre la totalité des informations demandées et les infractions alléguées, ce qui justifierait, à titre subsidiaire, une annulation partielle des décisions attaquées, en ce qu’elles concerneraient, à tout le moins pour partie, certaines informations ne présentant pas de lien objectif avec les infractions alléguées. Toutefois, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité d’une telle demande, contestée par la Commission, il suffit de constater qu’elle n’a nullement été étayée par la requérante, de sorte qu’elle doit être rejetée.

64      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du « principe de l’équité de la procédure »

65      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, en adoptant les décisions attaquées I et II, la Commission a violé le « principe de l’équité de la procédure », qui serait consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1, ci-après la « charte »). En substance, selon la requérante, la Commission ne mène pas son enquête avec le soin, le sérieux et la diligence requis, si son analyse d’une conduite postérieure à l’adhésion de la République slovaque à l’Union est biaisée par des informations antérieures à ladite adhésion, alors que le comportement antérieur à l’adhésion en cause serait parfaitement légal du point de vue du droit de la concurrence de l’Union. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que la requérante doit être regardée, dans le cadre de son deuxième moyen, comme se prévalant d’une violation du principe de bonne administration.

66      Il convient de rappeler que le considérant 37 du règlement no 1/2003 précise que celui-ci « respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » et qu’il « doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes ». En outre, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la charte a, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, la même valeur juridique que les traités.

67      L’article 41 de la charte, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose, en son paragraphe 1, que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

68      Selon la jurisprudence du juge de l’Union relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt Technische Universität München, point 45 supra, point 14 ; arrêts La Cinq/Commission, point 45 supra, point 86, et Atlantic Container Line e.a./Commission, point 45 supra, point 404).

69      C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient de déterminer si, en adoptant les décisions attaquées, la Commission a violé le principe de bonne administration.

70      En premier lieu, la requérante soutient qu’il n’est pas admissible que, aux fins de prouver une violation de l’article 82 CE après le 1er mai 2004, la Commission tente d’obtenir des informations sur son comportement sur le marché à un moment où elle n’était pas tenue de respecter cette disposition.

71      Un tel argument doit être rejeté. En effet, c’est notamment en raison de l’obligation pour la Commission d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, qu’il lui incombe de préparer une décision avec toute la diligence requise et de prendre sa décision sur la base de toutes les données pouvant avoir une incidence sur celle-ci. La Commission dispose, à cet effet, du pouvoir de demander aux entreprises « tous les renseignements nécessaires », conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

72      Or, ainsi qu’il résulte des développements figurant dans le cadre du premier moyen, des renseignements et des documents, même antérieurs à l’adhésion de la République slovaque à l’Union et à la période infractionnelle, peuvent s’avérer nécessaires aux fins de permettre à la Commission d’accomplir les tâches qui lui sont assignées par le règlement no 1/2003 de manière impartiale et équitable.

73      En second lieu, la requérante fait valoir que l’enquête et l’appréciation de la Commission seront faussées à son égard. Elle soutient en effet que les documents qu’elle est tenue de produire en vertu de la décision attaquée I sont susceptibles d’influencer la perception qu’aura la Commission de sa conduite postérieure à l’adhésion de la République slovaque à l’Union. Toutefois, eu égard aux développements figurant aux points 41 à 62 ci-dessus, cet argument ne saurait être retenu. En tout état de cause, un tel argument doit être rejeté, dès lors qu’il est fondé sur une prémisse purement hypothétique. En effet, les décisions attaquées I et II n’ont pas pour objet d’analyser la conduite de la requérante postérieure au 1er mai 2004.

74      Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

75      Dans le cadre du présent moyen, la requérante soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité, dès lors que, dans les décisions attaquées I et II, elle lui aurait demandé des informations et des documents relatifs à la période antérieure à l’adhésion de la République slovaque à l’Union qui ne seraient pas nécessaires pour l’appréciation de la violation alléguée du droit de la concurrence. Il conviendrait de tenir compte à cet égard du principe fondamental de l’inviolabilité de la sphère privée, lequel exigerait que la Commission n’exerce pas ses pouvoirs d’enquête au-delà de ce qui est nécessaire. En outre, sans formuler de manière expresse un moyen tiré de la violation de l’article 253 CE, en ce qui concerne la décision attaquée I, et de l’article 296 TFUE, en ce qui concerne la décision attaquée II, la requérante fait valoir que la Commission n’explique pas de façon plausible pourquoi les informations réclamées sont nécessaires pour l’appréciation du comportement abusif allégué après le 1er mai 2004. À cet égard, la requérante relève d’ailleurs que la Commission a déjà obtenu des renseignements couvrant plus de cinq années à compter de l’adhésion de cet État membre à l’Union.

76      En premier lieu, pour autant que la requérante aurait effectivement entendu formuler un moyen tiré de la violation de l’article 253 CE et de l’article 296 TFUE, celui-ci devrait être rejeté. En effet, de même que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission (136/79, Rec. p. 2033, point 25), à propos de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 17, et que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt Société Générale/Commission, point 43 supra (point 62) à propos de l’article 11, paragraphe 3, du même règlement, l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, définit les éléments essentiels de motivation d’une décision de demande de renseignements.

77      Ainsi, cette disposition prévoit que la Commission « indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis ». Cette disposition précise par ailleurs que la Commission « indique également les sanctions prévues à l’article 23 », qu’elle « indique ou inflige les sanctions prévues à l’article 24 » et qu’« elle indique encore le droit de recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision ». À cet égard, la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais elle doit indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêt Société Générale/Commission, point 43 supra, point 62).

78      En l’espèce, outre que, d’une part, les considérants 20 et 21 et le dispositif de la décision attaquée I et, d’autre part, les considérants 17 et 18 et le dispositif de la décision attaquée II se réfèrent expressément aux sanctions et au droit de recours visés au point 77 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission, aux considérants 12 à 15 de la décision attaquée I (voir points 13 à 16 ci-dessus) et au considérant 3 de la décision attaquée II (voir points 21 et 22 ci-dessus), a motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les informations et documents demandés à l’annexe des décisions attaquées I et II étaient nécessaires aux fins de son enquête sur l’infraction alléguée.

79      En particulier, la Commission a expressément indiqué, d’une part, au considérant 14 de la décision attaquée I, les raisons pour lesquelles elle estimait que les demandes de renseignements figurant aux points I et II de l’annexe I de la décision attaquée I étaient nécessaires et, d’autre part, au considérant 15 de la décision attaquée I, les raisons de sa demande de production des documents mentionnés aux points III et IV de ladite annexe (voir points 15 et 16 ci-dessus). La Commission a également justifié, au considérant 3 de la décision attaquée II, la nécessité du « rapport type UCN » et des informations et documents relatifs aux coûts d’acquisition de nouveaux clients et à certaines dépenses en capital de Slovak Telekom pour la fourniture de certains services de la large bande (voir points 21 et 22 ci-dessus).

80      En second lieu, si la requérante fait valoir que les décisions attaquées I et II violent le principe de proportionnalité, un tel moyen doit être écarté.

81      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que les demandes de renseignements adressées par la Commission à une entreprise doivent respecter le principe de proportionnalité et que l’obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit pas représenter pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête (voir arrêts du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 42 supra, points 51 et 52, et Atlantic Container Line e.a./Commission, point 45 supra, point 418, et la jurisprudence citée). En outre, selon la jurisprudence, l’exigence d’une protection contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans la sphère d’activité privée de toute personne, qu’elle soit physique ou morale, est reconnue comme un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 19, et la jurisprudence citée).

82      Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission lui a demandé des informations et des documents sur la période ayant précédé l’adhésion de la République slovaque à l’Union, alors que de tels informations et documents ne seraient pas nécessaires et qu’il ne pourrait être envisagé qu’ils le soient pour l’appréciation de la violation alléguée. À cet égard, elle soutient que la Commission aurait déjà obtenu des renseignements couvrant plus de cinq années à compter de l’adhésion de cet État membre à l’Union. Ainsi, la Commission l’aurait forcée, sous peine d’astreintes, à investir des ressources humaines significatives et à fournir de nombreuses informations non publiques qui ne sont pas liées à la période d’application de l’article 82 CE et de l’article 102 TFUE. Un tel constat serait renforcé par l’examen de la nature des allégations spécifiquement formulées contre la requérante.

83      Force est de constater que la requérante, dans l’affaire T‑458/09, n’a fourni aucune précision sur les raisons pour lesquelles l’obligation qui lui a été imposée de fournir de nombreuses informations non publiques ou d’investir des ressources humaines significatives à cet égard auraient représenté pour elle une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête. Dans l’affaire T‑171/10, elle a souligné que le fait que les renseignements demandés ne porteraient pas sur la période d’enquête, ne pourraient être utilisés pour constater un abus au cours de la période à laquelle ils se réfèrent et ne représenteraient pas une condition sine qua non de la constatation d’une infraction prétendument commise après l’adhésion de la République slovaque à l’Union, laisserait entendre que la décision attaquée II viole le principe de proportionnalité.

84      Toutefois, dès lors que les griefs visés aux points 82 et 83 ci-dessus se confondent avec ceux qui ont été rejetés dans le cadre du premier moyen et que la requérante ne formule aucune autre explication quant au caractère disproportionné de la charge qui lui aurait été imposée, il ne saurait être constaté que la Commission a violé le principe de proportionnalité.

85      En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans ses mémoires en duplique, celle-ci a effectivement entrepris de limiter la charge imposée à la requérante. Ainsi, dans la décision attaquée I, la Commission a uniquement demandé à la requérante de lui fournir les présentations et autres documents qu’elle estimait nécessaires, à la suite d’une analyse préalable des procès-verbaux du comité de direction de la requérante. Dans la décision attaquée II, elle a limité ses demandes à certains documents, à la suite notamment d’un entretien avec la requérante relatif aux types de rapports financiers et comptables et aux renseignements dont la requérante disposait. S’agissant de l’argument de la requérante, formulé lors de l’audience, selon lequel la Commission lui aurait adressé, ainsi qu’à sa société mère, 17 demandes de renseignements, certaines d’entre elles concernant la mise à jour d’informations existantes, la Commission a indiqué, sans être contredite par la requérante, que ces demandes étaient postérieures à l’adoption des décisions attaquées. Dès lors que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté, l’argument de la requérante doit être rejeté comme inopérant (arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7 ; du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, point 87, et du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, Rec. p. I‑3009, point 26).

86      Deuxièmement, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité en demandant à la requérante de lui communiquer des données couvrant approximativement la période qui précède d’une année et demie l’adhésion de la République slovaque à l’Union, ce qui montrerait que les informations exigées ne présentaient pas de lien suffisant avec l’infraction alléguée.

87      Toutefois, un tel grief vise également, en substance, à démontrer que les informations demandées n’étaient pas nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

88      Or, un tel grief a été rejeté dans le cadre du premier moyen. En tout état de cause, s’agissant de la décision attaquée I, force est de constater que la requérante ne conteste pas les affirmations figurant au considérant 14 de celle-ci selon lesquelles, d’une part, l’agrégation « ATM » et le réseau de base de la requérante (points I et II de l’annexe I de la décision attaquée I) ont été lancés avant le 1er mai 2004 et, d’autre part, à la date de la décision attaquée I, celle-ci les utilisait toujours pour fournir des services à large bande en gros et au détail. De la même manière, la requérante ne conteste pas les affirmations figurant au considérant 15 de la décision attaquée I selon lesquelles les documents mentionnés aux points III et IV de l’annexe I de ladite décision, d’une part, concernent des services à large bande en gros et au détail qui ont été lancés en 2003 et que la requérante a continué à fournir après le 1er mai 2004 et, d’autre part, sont notamment relatifs à la planification desdits services, leur lancement, les investissements y relatifs et leur développement. Or, la Commission pouvait à bon droit considérer que de telles informations, même relatives approximativement à la période précédant d’une année et demie l’adhésion de la République slovaque à l’Union, étaient nécessaires. Il en va de même, s’agissant de la décision attaquée II et pour les motifs déjà exposés au point 55 ci-dessus, des demandes de renseignements relatives aux recettes, aux coûts (devant, le cas échéant, faire l’objet d’un amortissement) et à la rentabilité de la requérante (voir points 21 et 22 ci-dessus).

89      Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que le principe de proportionnalité a été violé en raison du fait que les documents et renseignements demandés couvrent approximativement la période qui précède d’une année et demie l’adhésion de la République slovaque à l’Union.

90      Troisièmement, la requérante, dans l’affaire T‑171/10, reproche à la Commission de ne pas lui avoir adressé une « simple demande de renseignements ». Toutefois, la Commission peut, en vertu de l’article 18 du règlement no 1/2003, demander des renseignements à une entreprise « par simple demande ou par voie de décision », sans que cette disposition subordonne l’adoption d’une décision à une « simple demande » préalable. Par suite, la Commission ne saurait être considérée comme ayant violé le principe de proportionnalité du seul fait d’avoir adopté la décision attaquée II sans avoir adressé une telle demande préalable à la requérante. Au demeurant, il doit être considéré que c’est sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a demandé des renseignements à la requérante dans la décision attaquée II sans lui adresser une telle demande préalable, eu égard aux circonstances mentionnées aux considérants 7 et 13 de la décision attaquée II, et en particulier au risque de retards dans leur communication, au fait que la requérante avait par le passé refusé de fournir des renseignements relatifs à la période ayant précédé le 1er mai 2004 et au recours en annulation relatif à la décision attaquée I (voir point 23 ci-dessus).

91      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante dans les affaires T‑458/09 et T‑171/10 ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens dans chacune de ces affaires, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Slovak Telekom a.s. est condamnée aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.