Language of document : ECLI:EU:F:2007:229

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

13 décembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation pour 2004 – Objectifs et critères d’évaluation – Dommages-intérêts »

Dans l’affaire F‑42/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Asa Sundholm, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et suite à l’audience du 8 mars 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 13 avril 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 20 avril suivant), Mme Sundholm demande notamment l’annulation de son rapport d’évolution de carrière établi pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 (ci-après le « REC 2004 »), ainsi que la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser la somme d’un euro en réparation du préjudice moral que lui aurait causé ledit REC.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version issue du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut ») :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […] »

3        Le 3 mars 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après les « DGE du 3 mars 2004 »).

4        Selon l’article 1er, paragraphe 1, des DGE du 3 mars 2004, un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente. À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »), est établi pour chaque fonctionnaire. Par ailleurs, selon l’article 1er, paragraphe 2, desdites DGE, l’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste ; une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets.

5        Le formulaire ad hoc du REC, repris à l’annexe II des DGE du 3 mars 2004, prévoit trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de 10 au titre du rendement, de 6 au titre de la compétence et de 4 au titre de la conduite dans le service.

6        S’agissant des acteurs de la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE du 3 mars 2004 prévoient l’intervention, premièrement, de l’évaluateur, qui est, en règle générale, le chef d’unité, en tant que supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire évalué, deuxièmement, du validateur, qui est, en règle générale, le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, et, troisièmement, de l’évaluateur d’appel, qui est, en règle générale, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique direct du validateur.

7        Quant au déroulement concret de la procédure d’évaluation, l’article 8, paragraphe 4, des DGE du 3 mars 2004 dispose que, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, le titulaire de poste établit une autoévaluation qui est intégrée dans le REC. Dix jours ouvrables au plus tard après communication de l’autoévaluation par le titulaire de poste, l’évaluateur et celui-ci tiennent un dialogue formel qui, en application de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE du 3 mars 2004, porte sur trois éléments : l’évaluation des prestations du titulaire de poste pendant la période de référence, la fixation des objectifs pour l’année qui suit la période de référence et la définition d’une carte de formation.

8        En ce qui concerne plus particulièrement la fixation des objectifs, l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, sous b), des DGE du 3 mars 2004, dispose :

« L’évaluateur propose au titulaire de poste, les objectifs à atteindre dans le cadre du poste, assortis d’une liste de compétences nécessaires ainsi que la manière dont les résultats seront évalués et les conditions dans lesquelles ils sont censés être obtenus. Les objectifs à atteindre doivent être à la mesure des conditions de travail (temps partiel, détachement…) et cohérents avec les objectifs du programme de travail de la direction générale et de l’unité. Ils constituent la base de référence pour l’évaluation du rendement. En cas de désaccord entre l’évaluateur et le titulaire du poste sur le contenu des objectifs, le validateur, après avoir entendu le titulaire du poste, tranchera. Les objectifs sont intégrés dans le [REC] relatif à la période à laquelle ils se rattachent. »

9        À la suite de l’entretien entre le fonctionnaire et l’évaluateur, le REC est établi par l’évaluateur et le validateur. Le fonctionnaire évalué a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, lequel a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire évalué peut demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 9 des DGE du 3 mars 2004 (ci-après le « CPE »), dont le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux DGE du 3 mars 2004 et au document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide d’évaluation »). Le CPE émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

10      En juillet 2002, la Commission a porté le guide d’évaluation à la connaissance de son personnel, par le moyen de l’intranet. Le guide d’évaluation précise les modalités d’établissement du REC.

11      Selon le point 1.5 du guide d’évaluation, un des « buts recherchés et avantages » du nouveau système d’évaluation est de faire en sorte que le personnel soit « plus motivé et plus engagé » et que « chacun [puisse] avoir mieux prise sur son travail, grâce à […] une politique responsabilisant chaque membre du personnel pour l’inciter à progresser ».

12      Le point 2.4 du guide d’évaluation, intitulé « Objectifs », énonce notamment dans sa partie introductive :

« Le titulaire du poste et l’évaluateur doivent convenir des objectifs clés du poste ainsi que des critères d’évaluation à utiliser. Cette initiative doit être menée au début de la période de référence pour l’évaluation ou lorsque le membre du personnel est nommé à un nouveau poste (si l’évaluateur est nouveau, il peut souhaiter passer les objectifs en revue avec le titulaire du poste). »

13      Le point 2.4.2, premier alinéa, du guide d’évaluation est ainsi libellé :

« L’établissement d’objectifs est au cœur de tout système de gestion des performances, qui […] intègre la gestion et le développement tant des personnes que de l’organisation en vue d’atteindre des buts spécifiques. L’idée est de permettre aux personnes de donner le meilleur d’elles-mêmes, dans un effort commun centré sur l’amélioration des performances de l’organisation. »

14      Le 23 décembre 2004, la Commission a adopté une nouvelle décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE du 23 décembre 2004 »), afin, notamment, de tenir compte des modifications introduites par le règlement n° 723/2004.

 Faits à l’origine du litige

15      La requérante était, pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2004 (ci-après la « période de référence »), fonctionnaire de la Commission de grade A 5 (grade renommé A*11 à compter du 1er mai 2004) et affectée à l’unité G.5 « Évaluation » de la direction générale (DG) « Emploi et affaires sociales » (ci-après l’« unité G.5 »).

16      Le 2 juillet 2004, le chef de l’unité G.5 a envoyé à la requérante un courrier électronique ayant pour titre « Objectifs […] 2004 » et qui était ainsi rédigé : « [V]oici (enfin…) le brouillon des objectifs mis à jour pour 2004 [; c]ertains sont ‘dépassés’, puisqu’ils ont déjà été atteints, d’autres deviendront ‘obsolètes’ puisqu’ils ont été remplacés par d’autres […], d’autres enfin sont nouveaux [; s]entez-vous libre de faire tout commentaire ou observation, soit par courrier électronique, soit oralement : nous pourrons avoir un ‘dialogue’ plus ou moins formel sur ce point. » Ce courrier électronique comportait, en pièce jointe, un document présentant une liste d’objectifs et de critères d’évaluation pour la période de référence, concernant le suivi de la procédure d’évaluation à mi-parcours des programmes du Fonds social européen au Danemark, en Suède et en Finlande, l’évaluation du réseau EURES (European Employment Services) et l’assistance à l’évaluation des programmes du Fonds social européen.

17      Le 7 juillet 2004, la requérante a envoyé au chef de l’unité G.5 un courrier électronique dans lequel elle faisait part de ses observations concernant les objectifs et les critères d’évaluation que lui avait proposés celui-ci dans le courrier électronique du 2 juillet 2004. La requérante y signalait notamment que la première moitié de la période de référence était déjà écoulée et qu’elle ignorait sur la base de quels critères d’évaluation serait évaluée son activité pour cette première moitié de la période de référence.

18      Le 14 juin 2005, le REC 2004 de la requérante a été rendu définitif par le directeur général de la DG « Emploi et affaires sociales », agissant en tant qu’évaluateur d’appel de l’intéressée. Ce REC 2004 a abouti à la note globale de 13/20, soit 6,5/10 au titre du rendement, 3,5/6 au titre de la compétence et 3/4 au titre de la conduite dans le service.

19      Le 14 septembre 2005, la requérante a introduit, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre son REC 2004.

20      Par décision du 23 décembre 2005, dont la requérante a pris connaissance le 9 janvier 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer illégal l’article 12 des DGE du 3 mars 2004 ;

–        annuler la décision portant établissement du REC 2004 ;

–        condamner la Commission à verser la somme d’un euro en réparation de son préjudice moral ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la demande tendant à ce que soit déclaré illégal l’article 12 des DGE du 3 mars 2004

23      La requérante demande au Tribunal de déclarer illégal l’article 12 des DGE du 3 mars 2004, au motif qu’une telle disposition, en ce qu’elle a prévu que lesdites DGE s’appliqueraient aux REC devant être établis à compter du 1er janvier 2004, aurait méconnu les principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique. Toutefois, les conclusions susmentionnées visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé du premier moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation du REC 2004. Elles doivent être, par suite, déclarées irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13).

 Sur les conclusions tendant à l’annulation du REC 2004

24      À l’appui de ses conclusions, la requérante soulève cinq moyens, tirés, premièrement, de la violation des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique, deuxièmement, de la violation des DGE du 3 mars 2004 ainsi que « des buts et objectifs recherchés par le nouveau système d’évolution de carrière », troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation, quatrièmement, de l’incohérence entre les notes et les commentaires, et cinquièmement, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

25      Il convient d’examiner le deuxième moyen.

 Arguments des parties

26      Parmi les griefs soulevés au soutien du deuxième moyen, la requérante fait valoir que ses supérieurs hiérarchiques auraient dû lui assigner, lors du dialogue formel qui s’est tenu au début de la période de référence, des objectifs ainsi que des critères d’évaluation. Or, ce n’est que le 2 juillet 2004 que le chef de l’unité G.5 lui aurait envoyé un courrier électronique l’invitant à une discussion relative à ses objectifs et aux critères d’évaluation de ses prestations pour la période de référence. De surcroît, les objectifs et les critères d’évaluation proposés le 2 juillet 2004 auraient été dépourvus de toute précision concernant les délais d’exécution ou les conditions dans lesquelles ils devaient être atteints.

27      En défense, la Commission conteste d’abord la prétendue absence de fixation, avant le 2 juillet 2004, des objectifs et des critères d’évaluation. Elle fait valoir à cet égard que les objectifs et les critères d’évaluation assignés à la requérante au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2003 (ci-après la « période 2003 ») n’auraient comporté aucune date de fin de validité et auraient donc nécessairement été prorogés pour la période de référence. Par ailleurs, la Commission fait observer que la requérante a elle-même indiqué, à la rubrique 8.1 du REC 2004, qu’elle avait dépassé ses objectifs, ce qui tendrait à établir qu’elle en avait connaissance.

28      S’agissant du grief, tiré de la prétendue imprécision des objectifs et des critères d’évaluation, la Commission ajoute que la requérante aurait pu pallier une telle imprécision en se référant à la description du poste qu’elle occupait et aux standards communs de sa direction générale, comme elle était invitée à le faire, au même titre que tous les autres fonctionnaires évalués, par les Informations administratives n° 18-2004 du 12 mars 2004 et n° 2‑2005 du 12 janvier 2005. Ainsi, la requérante aurait été, comme l’ensemble des collègues de son unité, en possession de tous les éléments de nature à connaître ses objectifs et les critères d’évaluation de ses prestations.

29      Dans sa réponse à la question posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante conteste les arguments avancés par la Commission. Elle soutient, en premier lieu, que la Commission ne l’aurait pas informée au début de la période de référence que les objectifs et les critères d’évaluation qui lui avaient été assignés pour la période 2003 seraient prorogés pour la période de référence. En second lieu, elle fait observer que, en tout état de cause, une grande partie des objectifs et des critères d’évaluation de la période 2003 n’auraient plus été pertinents pour la période de référence.

 Appréciation du Tribunal

30      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, bien que les DGE du 23 décembre 2004 s’appliquent aux REC établis à compter du 1er janvier 2005, la période de référence était régie par les DGE du 3 mars 2004 en ce qui concerne la fixation préalable des objectifs à atteindre.

31      Or, il résulte des dispositions de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE du 3 mars 2004 une obligation pour l’administration de fixer au titulaire de poste des objectifs et des critères d’évaluation. En effet, selon ces dispositions, le dialogue formel qui se tient entre l’évaluateur et le titulaire de poste au début de chaque exercice d’évaluation doit porter non seulement sur l’évaluation des prestations du titulaire de poste pendant la période de référence, qui s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédant celle au cours de laquelle est mené l’exercice d’évaluation, mais également sur « la fixation des objectifs pour l’année qui suit la période de référence », ces objectifs constituant, selon l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, sous b), des DGE du 3 mars 2004, « la base de référence pour l’évaluation du rendement ».

32      L’obligation pour l’administration de fixer au titulaire de poste des objectifs et des critères d’évaluation a également été rappelée par le guide d’évaluation que la Commission s’est imposée à elle-même en tant que règle de conduite (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981, point 20 ; arrêts du Tribunal de première instance du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑63/89, Rec. p. II‑19, point 25, et du 30 septembre 2003, Tatti/Commission, T‑296/01, RecFP p. I‑A‑225 et II‑1093, point 43). Selon le point 2.4 de ce guide « [l]e titulaire du poste et l’évaluateur doivent convenir des objectifs clés du poste ainsi que des critères d’évaluation à utiliser » et « [c]ette initiative doit être menée au début de la période de référence pour l’évaluation […] ».

33      Aux termes du point 1.5 du guide d’évaluation qui identifie explicitement les « buts recherchés et avantages » du nouveau système d’évaluation, la fixation d’objectifs et de critères d’évaluation vise à faire en sorte que le personnel soit « plus motivé et plus engagé » et que « chacun [puisse] avoir mieux prise sur son travail, grâce à […] une politique responsabilisant chaque membre du personnel pour l’inciter à progresser ».

34      Enfin, le point 2.4.2 du guide d’évaluation, intitulé « Utilité des objectifs », précise que « [l]’établissement d’objectifs est au cœur de tout système de gestion des performances, qui […] intègre la gestion et le développement tant des personnes que de l’organisation en vue d’atteindre des buts spécifiques » et que « [l]’idée est de permettre aux personnes de donner le meilleur d’elles-mêmes, dans un effort commun centré sur l’amélioration des performances de l’organisation ».

35      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la requérante ne s’est pas vu fixer d’objectifs et de critères d’évaluation dans le respect des dispositions de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE du 3 mars 2004 et du point 2.4 du guide d’évaluation.

36      En effet, alors que lesdites dispositions imposaient à l’administration d’aborder, lors du dialogue formel qui s’est tenu au début de la période de référence entre la requérante et son supérieur hiérarchique, la question des objectifs et des critères d’évaluation, la requérante soutient, sans être contredite, que tel n’a pas été le cas. Ce n’est, en fait, que le 2 juillet 2004, dans un courrier électronique envoyé à l’intéressée, que le chef de l’unité G.5 a, pour la première fois, abordé la question des objectifs et des critères d’évaluation à assigner à celle-ci.

37      Pour justifier le fait que cette question n’a pas été évoquée lors du dialogue formel, la Commission explique en substance que la requérante ne pouvait ignorer que les objectifs qui lui avaient été assignés pour la période 2003 seraient prorogés pour la période de référence, puisque, dans son REC établi au titre de l’année 2003 (ci-après le « REC 2003 »), ces objectifs ne comportaient aucune date de fin de validité. Toutefois, un tel argument ne saurait être accueilli. En effet, d’une part, dès lors que les dispositions de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE du 3 mars 2004 obligeaient l’administration à assigner explicitement à l’intéressée, lors du dialogue formel, des objectifs et des critères d’évaluation, il n’appartenait pas à la requérante de se référer à des REC antérieurs pour pallier la méconnaissance par l’administration d’une telle obligation. Au demeurant, il importe de souligner que, postérieurement à l’expiration de la période de référence, l’administration a, dans le REC 2004, inséré les dates de fin de validité des objectifs et des critères d’évaluation initialement fixés pour la période 2003, ce qui tend à établir que la seule lecture, par la requérante, de son REC 2003 ne suffisait pas à l’informer que ces objectifs et critères d’évaluation pour 2003 seraient prorogés pour la période de référence. D’autre part, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, en particulier des réponses données par les parties aux questions écrites posées par le Tribunal, qu’une partie significative des objectifs et critères d’évaluation fixés pour la période 2003 n’étaient plus pertinents pour la période de référence.

38      Par ailleurs, s’il est vrai que, dans le courrier électronique du 2 juillet 2004, le chef de l’unité G.5 a communiqué à la requérante une liste d’objectifs et de critères d’évaluation reprenant partiellement ceux qui lui avaient été fixés pour la période 2003 et a invité l’intéressée à faire part de ses observations, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des débats à l’audience que la Commission aurait répondu aux observations critiques que la requérante avait formulées le 7 juillet 2004 à l’encontre du contenu du courrier électronique du 2 juillet 2004.

39      Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que la Commission a méconnu l’article 8, paragraphe 5, des DGE du 3 mars 2004 et les points 1.5 et 2.4 du guide d’évaluation, concernant la fixation des objectifs et des critères d’évaluation. Dans ces conditions, en ayant placé l’intéressée dans une situation qui ne lui permettait pas, ou difficilement, selon les termes dudit guide, d’« avoir prise sur son travail » et de « donner le meilleur » d’elle-même, en vue de progresser dans l’évaluation de ses mérites, la Commission s’est écartée des « buts recherchés et avantages » du nouveau système d’évaluation.

40      De plus, il ne ressort pas du dossier que la situation dans laquelle s’est trouvée la requérante ait précisément été prise en compte par la Commission lorsqu’elle a procédé à l’évaluation de ses mérites.

41      En conséquence, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres irrégularités dénoncées par la requérante ainsi que les autres moyens de la requête, il convient d’annuler le REC 2004.

 Sur la demande indemnitaire

 Arguments des parties

42      La requérante sollicite la condamnation de la Commission à lui verser la somme d’un euro, en réparation du préjudice moral qui résulterait, selon elle, des atteintes à son honneur contenues dans le REC 2004.

43      La Commission conclut au rejet de la demande.

 Appréciation du Tribunal

44      Il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé (arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62).

45      En l’espèce, la requérante soutient que le commentaire de l’évaluateur à la rubrique 6.3 « Conduite dans le service », selon lequel elle aurait, « cette année », fait preuve d’« intégrité », laisserait entendre que tel n’aurait pas été le cas au cours des années précédentes. Toutefois, il ne ressort pas du libellé de ce commentaire que l’évaluateur aurait entendu expressément mettre en cause l’intégrité de la requérante lors des périodes d’évaluation précédentes, ce d’autant plus que l’évaluateur avait déjà inséré une mention identique dans le REC 2003.

46      Il y a donc lieu de considérer que l’annulation du REC 2004 constitue, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que la requérante pourrait avoir subi en raison de l’acte annulé.

47      Les conclusions indemnitaires doivent en conséquence être rejetées.

 Sur les dépens

48      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rapport d’évolution de carrière de Mme Sundholm établi au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2004 est annulé.

2)      Le surplus de la requête est rejeté.

3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2007.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.