Language of document : ECLI:EU:T:2022:216

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale AMSTERDAM POPPERS – Motifs absolus de refus – Marque contraire à l’ordre public – Article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑680/21,

Funline International, établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Me Y. Echevarría García, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 octobre 2021,

–        le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2022,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Funline International, demande l’annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 août 2021 (affaire R 439/2021‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 décembre 2020, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AMSTERDAM POPPERS.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures ; agents antitaches à des fins de nettoyage ; produits pour enlever le vernis des ongles ; nettoyants ménagers ; cirages et crèmes pour chaussures ; arômes d’ambiance à vocation aphrodisiaque et/ou festive ; encens liquides ; produits à inhaler à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ; préparations nettoyantes et parfumantes ; nettoyants et solvants pour têtes de lecture en verre ou en métal destinées aux équipements audio, vidéo et électroniques ; produits cosmétiques ; gels de massage autres qu’à usage médical » ;

–        classe 5 : « Préparations pour éliminer les odeurs ; désodorisants d’intérieur : sels odorants ; préparations pour désodoriser et purifier l’air ; poppers, stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante ; gels lubrifiants à usage personnel ».

5        Par décision du 29 janvier 2021, l’examinateur a rejeté en totalité la demande d’enregistrement. Il a estimé, en substance, que la demande d’enregistrement se heurtait, pour tous les produits quelle désignait, au motif absolu de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, dans la mesure où le terme « popper » était totalement contraire aux principes éthiques et moraux reconnus dans tous les États membres. Il a également estimé que, dans la mesure où la marque demandée renvoyait à une drogue récréative provenant d’Amsterdam (Pays-Bas) et était dès lors descriptive des produits « Poppers, stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante », relevant de la classe 5, l’enregistrement de ladite marque, afin de désigner ces produits, se heurtait aux motifs absolus de refus tirés de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

6        Le 9 mars 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 20 août 2021, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement accueilli le recours. Premièrement, la chambre de recours a relevé que l’examinateur avait commis une erreur en considérant qu’il convenait de refuser l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits qu’elle désignait sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, dans la mesure où cette dernière aurait été contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, alors même que celui-ci avait admis que la consommation de poppers n’était prohibée dans aucun État membre.

8        Deuxièmement, s’agissant du motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que le public pertinent, confronté à la marque demandée, comprendrait que les « poppers, stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante » relevant de la classe 5 proviendraient de la ville d’Amsterdam et a donc confirmé la décision de l’examinateur en ce que celui-ci avait rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée afin de désigner lesdits produits, au regard de son caractère descriptif.

9        Troisièmement, la chambre de recours a confirmé l’irrecevabilité de la demande de la requérante tendant à l’enregistrement de la marque demandée au motif qu’elle aurait acquis un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, dans la mesure où une telle demande était tardive.

10      L’existence d’un motif absolu de refus au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 n’ayant été constatée qu’à l’égard des « poppers, stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante » relevant de la classe 5, la chambre de recours a donc fait droit à l’enregistrement de la marque demandée pour le reste des produits qu’elle désignait.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés de la violation, premièrement, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, deuxièmement, de l’article 7, paragraphe 1, sous f), dudit règlement, et, troisièmement, de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

14      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et soutient, en substance, que les deuxième et troisième moyens sont irrecevables.

 Sur la recevabilité du deuxième moyen

15      L’EUIPO soutient que le deuxième moyen de la requérante, en ce qu’il est fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, est irrecevable, dès lors qu’il ne peut tendre qu’à la confirmation de la décision attaquée, laquelle a entièrement fait droit aux prétentions de la requérante reposant sur l’application de la disposition en question.

16      Aux termes de l’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO « est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ». En outre, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’une partie requérante constitue la condition essentielle de tout recours en justice et doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité. L’intérêt à agir suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté [voir arrêt du 25 septembre 2015, Copernicus-Trademarks/OHMI – Bolloré (BLUECO), T‑684/13, EU:T:2015:699, point 27 et jurisprudence citée].

17      Selon la jurisprudence, une décision d’une chambre de recours doit être considérée comme ayant fait droit aux prétentions de l’une des parties devant cette chambre, lorsqu’elle accueille la demande de cette partie sur la base d’un des motifs de refus d’enregistrement ou de nullité d’une marque ou, plus généralement, d’une partie seulement de l’argumentation présentée par ladite partie, quand bien même elle omettrait d’examiner ou elle rejetterait les autres motifs ou arguments invoqués par cette même partie (voir arrêt du 25 septembre 2015, BLUECO, T‑684/13, EU:T:2015:699, point 28 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 7 à 10 de la décision attaquée ainsi que du point 1 du dispositif de cette dernière, la chambre de recours a accueilli partiellement le recours introduit par la requérante devant elle et a fait entièrement droit à ses prétentions dans la mesure où celles-ci reposaient sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, la chambre de recours ayant estimé qu’il n’existait pas de motif absolu de refus d’enregistrement de la marque demandée au sens de la disposition en question.

19      Dès lors, il y a lieu de considérer que la requérante ne dispose pas d’un intérêt à agir afin de solliciter l’annulation de la décision attaquée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001. Le deuxième moyen est donc irrecevable.

 Sur la recevabilité du troisième moyen au regard des exigences de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal

20      L’EUIPO soutient que le troisième moyen est irrecevable en vertu de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, dans la mesure où il ne satisfait pas aux exigences pesant sur la requérante d’identifier, de manière claire et précise, les motifs pour lesquels la chambre de recours aurait commis une erreur dans la décision attaquée en rejetant comme irrecevable sa revendication fondée sur l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

21      En vertu de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer, notamment, l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 25 mai 2016, Stagecoach Group/EUIPO (MEGABUS.COM), T‑805/14, non publiée, EU:T:2016:336, points 16 et 17 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, il convient de relever que, dans le cadre de son troisième moyen, la requérante s’est limitée, aux points 69 à 71 de la requête, à reproduire la motivation de la décision attaquée et, au point 72 de la requête, à se référer, sans autres explications, à des annexes qu’elle aurait jugé pertinentes pour sa revendication fondée sur l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

23      Or, il convient donc de relever, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante n’a soulevé aucun argument pour remettre en cause la motivation de la chambre de recours figurant aux points 29 à 32 de la décision attaquée.

24      L’argumentation relative au troisième moyen ne satisfaisant pas aux exigences minimales de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, ledit moyen ne peut qu’être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le fond

25      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, en n’ayant pas examiné la marque demandée dans son ensemble et en n’ayant pas démontré son caractère descriptif.

26      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

27      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

28      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

29      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 9 septembre 2020, Daw/EUIPO (SOS Loch- und Rissfüller), T‑626/19, non publié, EU:T:2020:399, point 25 et jurisprudence citée].

30      S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories de produits concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple, en rattachant les produits à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 43 (non publié)].

31      Toutefois, il y a lieu de relever que, en principe, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne s’oppose pas à l’enregistrement de noms géographiques qui sont inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits ou de services concernée provienne de ce lieu [arrêt du 13 septembre 2013, CASTEL, T‑320/10, EU:T:2013:424, point 45 (non publié)].

32      Ainsi, afin d’apprécier si un signe est susceptible, aux yeux des milieux intéressés, de désigner la provenance géographique de la catégorie de produits concernée, il convient de déterminer si le nom géographique en question désigne un lieu qui présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits concernée ou s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi. À cette fin, il convient de prendre en compte la connaissance plus ou moins grande que ces derniers ont d’un tel nom ainsi que des caractéristiques du lieu que celui-ci désigne et de la catégorie de produits concernée [arrêt du 13 septembre 2013, CASTEL, T‑320/10, EU:T:2013:424, point 46 (non publié)].

33      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen.

34      En premier lieu, en ce qui concerne le public pertinent, il importe de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

35      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 19 à 21 de la décision attaquée, que les « poppers » étaient des stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante, qu’il s’agissait de produits récréatifs associés à la vie et aux plaisirs nocturnes, aux boîtes de nuit et, plus généralement, à la fête et que, n’étant pas des produits de consommation courante, ils s’adressaient à un public particulier qui ferait preuve d’un niveau d’attention élevé. Elle a également considéré, en substance, qu’il convenait de tenir compte, plus particulièrement, du public francophone et anglophone dès lors que l’élément « poppers » présent dans la marque demandée provenait de l’anglais et était également connu des consommateurs francophones.

36      Il y a lieu de confirmer ces conclusions de la chambre de recours, qui apparaissent exactes au regard des éléments figurant dans le dossier de l’affaire dont, notamment, le site Internet de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et qui, au demeurant, ne sont pas contestées par les parties.

37      En second lieu, il convient d’examiner si, conformément à la jurisprudence citée aux points 27 à 32 ci-dessus, il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits en cause.

38      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que la ville d’Amsterdam était bien connue du grand public et, notamment, pour sa tolérance à l’égard de l’usage de drogues et qu’elle était associée à des activités nocturnes et de plaisirs. Elle en a conclu, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, que le public pertinent, confronté à la marque demandée, comprendrait, sans autre réflexion, que les « poppers, stimulants à vocation aphrodisiaque et/ou euphorisante » proviennent de la ville d’Amsterdam.

39      La requérante conteste, en substance, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la ville d’Amsterdam serait connue et associée à l’usage de drogues. À cet égard, le public pertinent saurait qu’il n’existe pas de production de poppers à Amsterdam. De plus, la requérante conteste que les poppers correspondent à un produit associé aux plaisirs nocturnes, aux boîtes de nuit et à la fête. Enfin, la requérante soutient que l’association des termes « amsterdam » et « poppers » n’est ni banale ni évidente et nécessite un effort intellectuel de la part du consommateur pour en déduire le sens.

40      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

41      À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’agissant de marques constituées de plusieurs éléments, un éventuel caractère descriptif peut être examiné, en partie, pour chacun de ces éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, être constaté également pour l’ensemble qu’ils composent. En effet, une marque constituée d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services qu’elle vise est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sauf s’il existe un écart perceptible entre cette marque et la simple somme des éléments qui la composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, ladite marque crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui la composent. Ainsi, puisque le public pertinent percevra la marque demandée dans son ensemble, c’est le caractère éventuellement descriptif de l’ensemble de la marque et non des différents éléments de celle-ci, pris isolément, qui importe (voir arrêt du 9 septembre 2020, SOS Loch- und Rissfüller, T‑626/19, non publié, EU:T:2020:399, point 31 et jurisprudence citée).

42      Par ailleurs, la simple juxtaposition de plusieurs termes descriptifs reste en principe descriptive, sauf si, en raison du caractère inhabituel de la combinaison de ces termes, le syntagme en cause crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la combinaison des significations des termes qui le composent, de sorte que ce syntagme, dans son ensemble, prime la somme de ses éléments. Le simple fait de juxtaposer plusieurs éléments descriptifs sans y apporter de modifications inhabituelles, notamment, d’ordre syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu’une marque descriptive dans son ensemble (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, EU:C:2004:87, points 39 à 41).

43      En l’espèce, la marque demandée est une marque verbale composée de deux éléments, à savoir « amsterdam » et « poppers ».

44      Premièrement, s’agissant de la signification de l’élément « amsterdam », il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que celui-ci renvoie à la première ville en termes de population aux Pays-Bas et que cette dernière est connue du public pertinent, notamment, comme tolérant l’usage de drogues et pour ses « coffee shops » [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Conte/EUIPO (CANNABIS STORE AMSTERDAM), T‑683/18, EU:T:2019:855, point 25]. La chambre de recours a également pu considérer, sans commettre d’erreur, que la ville d’Amsterdam pouvait également être associée à ses activités nocturnes et de plaisirs.

45      Contrairement à ce que prétend la requérante, il n’était pas nécessaire pour la chambre de recours d’établir l’exactitude de tels faits, dès lors qu’il s’agit de faits notoires et que, d’après la jurisprudence, les organes de l’EUIPO peuvent fonder leurs décisions sur des faits notoires qui n’ont pas été invoqués par le demandeur, sans avoir à en établir l’exactitude, et que, le demandeur à qui l’EUIPO oppose de tels faits notoires est en mesure de contester leur exactitude devant le Tribunal (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, points 50 à 52).

46      Or, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause de tels faits. En effet, même si la ville d’Amsterdam peut être également associée, comme le soutient la requérante, à sa qualité de vie et d’environnement et à son rayonnement culturel, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe doit être refusé à l’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il caractérise l’existence d’un motif absolu de refus (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 25).

47      Deuxièmement, s’agissant de la signification de l’élément « poppers », qui désigne des stimulants à vocation aphrodisiaque ou euphorisante et, donc, décrit directement lesdits produits, la chambre de recours a pu valablement considérer qu’il s’agissait de produits récréatifs associés à la vie et aux plaisirs nocturnes et, plus généralement, à la fête. Contrairement à ce que prétend la requérante, une telle association n’est pas infondée dès lors qu’il est notoire qu’il s’agit d’un contexte courant de consommation pour ce genre de produits.

48      Troisièmement, s’agissant de la signification du syntagme créé par l’association des termes « amsterdam » et « poppers », il convient de relever que celui-ci ne présente pas une combinaison inhabituelle de termes et qu’il respecte les règles grammaticales de l’anglais, lesquelles sont également susceptibles d’être comprises par un public francophone, de sorte que le public pertinent comprendra le signe demandé comme signifiant « poppers d’Amsterdam ».

49      Quatrièmement, s’agissant du rapport entre le signe et les produits en cause, il convient de relever, ainsi qu’il ressort des points 44 à 47 ci-dessus, que le public pertinent connaît et associe la ville d’Amsterdam à un environnement de fête et de plaisir et sait également qu’il s’agit d’un environnement propice à l’utilisation des produits en cause. Il est donc raisonnable de considérer que, même si le public pertinent fait preuve d’un niveau élevé d’attention, il pourrait croire que les produits stimulants à vocation aphrodisiaque ou euphorisante en cause, à savoir les poppers, proviennent de la ville d’Amsterdam.

50      À cet égard, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent sait que les poppers ne sont pas produits aux Pays-Bas dès lors qu’il n’est pas notoire qu’il n’y aurait aucune production de poppers aux Pays-Bas et que les allégations de la requérante ne sont étayées par aucun élément de preuve. En tout état de cause, il importe de rappeler, conformément à la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, qu’il n’est pas nécessaire que le nom géographique désigne actuellement aux yeux des milieux intéressés un lien avec la catégorie de produits concernée, mais seulement qu’il soit raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi, ce qui, ainsi qu’il ressort des points 48 et 49 ci-dessus, est le cas en l’espèce.

51      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le public pertinent, confronté à la marque demandée, comprendrait celle-ci comme désignant des poppers, à savoir des stimulants à vocation aphrodisiaque ou euphorisante, et l’origine géographique de ces produits, à savoir la ville d’Amsterdam, et que, par conséquent, la marque demandée était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Cette conclusion a été, au demeurant, et contrairement à ce que prétend la requérante, motivée par un examen de la marque dans son ensemble, ainsi qu’il ressort des points 23 à 28 de la décision attaquée.

52      Il convient donc de rejeter le premier moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Funline International est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.