Language of document : ECLI:EU:T:2022:601

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ALDIANO – Marques de l’Union européenne et enregistrement international verbaux antérieurs ALDI – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 64 du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑429/21,

Aldi Einkauf SE & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. Fürsen, M. Minkner et A. Starcke, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Cantina sociale Tollo SCA, établie à Tollo (Italie), représentée par Mes F. Celluprica, F. Fischetti et F. De Bono, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Aldi Einkauf SE & Co. OHG, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 mai 2021 (affaire R 1074/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 25 mai 2018, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 22 septembre 2017 pour le signe verbal ALDIANO.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4        La demande en nullité était fondée sur les marques et enregistrement international verbaux antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne verbale ALDI, enregistrée sous le numéro 3360955 le 11 novembre 2004 (ci-après la « marque antérieure no 3360955 »), désignant des services relevant notamment de la classe 35 et correspondant à la description suivante : « Services de commerce de détail dans tous les secteurs de produits ; services de commerce de détail en ligne dans tous les secteurs de produits ; gestion de supermarchés, commerces de détail et discounts ; publicité sur l’internet pour le compte de tiers ; mise à disposition d’informations sur l’internet, à savoir d’informations sur les produits de consommation, sur les conseils aux consommateurs et sur les services à la clientèle » ;

–        l’enregistrement international verbal ALDI, enregistré sous le numéro 870896 le 11 août 2005 (ci-après l’« enregistrement antérieur »), désignant des services relevant notamment de la classe 35 et correspondant à la description suivante : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; vente au détail de toutes sortes de produits ; vente au détail en ligne de toutes sortes de produits ; exploitation de supermarchés, points de vente au détail et points de vente au détail avec réduction ; publicité sur l’internet pour des tiers ; mise à disposition d’informations sur l’internet, à savoir informations sur des produits de grande consommation, informations destinées à conseiller les consommateurs et informations du service clients ; organisation de transactions commerciales pour des tiers, également sur l’internet ; négociation de contrats concernant l’achat et la vente de produits ainsi que la fourniture de services pour des tiers, également par l’internet » ;

–        la marque de l’Union européenne verbale ALDI, enregistrée sous le numéro 2019867 le 3 août 2007 (ci-après la « marque antérieure no 2019867 »), pour les produits et les services relevant des classes 3, 4, 9, 16, 24, 25, 29 à 34 et 36, dont les « bières » relevant de la classe 32 et les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » relevant de la classe 33.

5        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du même règlement.

6        À la suite de la demande formulée par l’intervenante, Cantina sociale Tollo SCA, devant la chambre de recours et conformément à l’article 64, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux des marques et enregistrement antérieurs invoqués à l’appui de la demande en nullité. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

7        Le 6 avril 2020, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité et a déclaré la nullité de la marque contestée. Elle a, en substance, considéré que l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 avait été prouvé pour les « services de commerce de détail d’aliments, y compris de boissons alcoolisées et non alcoolisées » compris dans la classe 35 et qu’il existait un risque de confusion entre cette marque et la marque contestée. Elle en a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la demande en nullité sur la base de l’enregistrement antérieur ni sur celle de la marque antérieure no 2019867.

8        Le 27 mai 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation et rejeté la demande en nullité. En substance, elle a considéré que l’ensemble des preuves produites par la requérante ne démontrait pas l’usage sérieux des marques et enregistrement antérieurs pour les produits et services pour lesquels ils étaient enregistrés. S’agissant de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur, elle a estimé, en substance, que la requérante revendiquait une protection pour des services de commerce de détail en employant les formules générales « services de commerce de détail dans tous les secteurs de produits » et « gestion de supermarchés, commerces de détail et discounts », sans fournir de détails sur les produits ou types de produits concernés par ces services. La chambre de recours a donc considéré que c’était pour cette spécification très générale que la requérante devait prouver l’usage sérieux des marques et enregistrement antérieurs, ce qui était impossible. Quant à la marque antérieure no 2019867, elle a considéré que les éléments de preuve produits ne permettaient de prouver ni la nature ni l’importance de l’usage de cette marque pour les « bières » relevant de la classe 32 et les « vins » relevant de la classe 33.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, articulé en trois griefs. La chambre de recours aurait commis une erreur de droit en concluant à l’absence de preuve de l’usage sérieux, premièrement, de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35, deuxièmement, de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33 et, troisièmement, de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières » relevant de la classe 32.

13      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord les deuxième et troisième griefs.

 Sur les deuxième et troisième griefs relatifs à la preuve de l’usage de la marque antérieure no 2019867

14      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 64 du règlement 2017/1001 en considérant que les éléments de preuve produits ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33 et pour les « bières » relevant de la classe 32.

 Observations liminaires

15      Selon l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, sur requête du titulaire de la marque de l’Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve de l’usage sérieux de celle-ci, à défaut de quoi la demande en nullité est rejetée.

16      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 37, et du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 27].

17      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis  de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].

18      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 27 septembre 2007, LA MER, T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir, également, arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée].

19      Plus précisément, pour examiner, dans un cas concret, le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause, il convient de réaliser une appréciation globale des éléments versés au dossier, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêts du 10 septembre 2008, CAPIO, T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 27 et jurisprudence citée]. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque, et inversement (voir arrêt du 15 septembre 2011, CENTROTHERM, T‑427/09, EU:T:2011:480, point 28 et jurisprudence citée). En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être par rapport à d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39).

20      En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêts du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée ; du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 47 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, Inditex/OHMI – Ansell (ZARA), T‑584/14, non publié, EU:T:2015:604, point 19 et jurisprudence citée].

21      Il y a lieu d’ajouter que plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 31].

22      Par ailleurs, l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 n’exige pas un usage continu et ininterrompu de la marque contestée pendant la période pertinente, mais uniquement un usage sérieux au cours de celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, points 40 et 41, et du 5 octobre 2017, Versace 19.69 Abbigliamento Sportivo/EUIPO – Gianni Versace (VERSACCINO), T‑337/16, non publié, EU:T:2017:692, point 51 et jurisprudence citée].

23      C’est au vu des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient pas l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33 et les « bières » relevant de la classe 32, seuls produits pour lesquels la requérante invoque l’usage sérieux de cette marque.

24      À titre liminaire, il y a lieu de noter que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 45 de la décision attaquée, la requérante était tenue d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 au cours des cinq années précédant la demande en nullité, soit entre le 25 mai 2013 et le 24 mai 2018 (ci-après la « période pertinente »).

25      Aux fins d’examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure no 2019867 au cours de la période pertinente, la chambre de recours a mentionné les éléments de preuve figurant ci-après, produits par la requérante, tels qu’ils sont décrits aux points 8 et 10 de la décision attaquée :

–        une déclaration sous serment d’un employé d’Aldi central de compras SLU, datée du 4 décembre 2018 (ci-après la « déclaration sous serment du 4 décembre 2018 ») (élément de preuve no 1) ;

–        des copies de magazines publicitaires pour plusieurs produits, notamment pour la bière MATERNUS et pour les vins ROSSO TOSCANO et BONUS prétendument distribués entre 2007 et 2018 (ci-après les « magazines publicitaires ») (élément de preuve no 2) ;

–        des copies de factures émises par des sociétés d’imprimerie à l’attention de diverses sociétés du groupe Aldi, ayant prétendument trait à l’impression des magazines publicitaires datant des années 2011 à 2014 et 2016 à 2018 (ci-après les « factures pour l’impression des magazines publicitaires ») (élément de preuve no 3) ;

–        une photographie d’une bouteille de vin ROSSO TOSCANO portant les mentions manuscrites « 7815 » et « II/05/12 », trois exemplaires de projets d’emballage pour le vin BONUS et une photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS non datés (élément de preuve no 4) ;

–        des copies de factures émises par des sociétés d’imprimerie à l’attention de diverses sociétés du groupe Aldi, ayant trait à l’impression d’étiquettes arborant prétendument le signe ALDI datant des années 2015 à 2017 (ci-après les « factures pour l’impression des étiquettes ») (élément de preuve no 5) ;

–        des copies de factures émises par des fournisseurs, à l’attention de diverses sociétés du groupe Aldi, relatives à la vente de produits dénommés « Aldi Maternus DD », « VINO BONUS ALDI SLIM HELICAP » et « ROSSO TOSCANO ALDI » datant des années 2011 à 2018 (élément de preuve no 6) et de l’année 2019 (ci-après les « factures fournisseurs ») (élément de preuve no 7) ;

–        des extraits de tickets de caisse enregistreuse, datés des années 2014 à 2018, témoignant des ventes de nombreux produits alimentaires, dont de la bière et du vin, en Espagne (ci-après les « tickets de caisse ») (élément de preuve no 8) ;

–        des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS et du vin BONUS non datées (élément de preuve no 9).

26      À l’appui des deuxième et troisième griefs, la requérante invoque, en substance, une appréciation erronée de la valeur probante des éléments de preuve eu égard, premièrement, à la période pertinente, deuxièmement, à la nature de l’usage de la marque antérieure no 2019867 et, troisièmement, à l’importance dudit usage.

 Sur les éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pris en compte par la chambre de recours pour les « vins » et les « bières »

27      Il convient de constater que, parmi les éléments de preuve produits par la requérante et visés au point 25 ci-dessus, la chambre de recours a indiqué, en substance, que certains étaient dénués de force probante au motif qu’ils n’étaient pas datés. Tel serait le cas notamment des magazines publicitaires (élément de preuve no 2), des photographies et projets d’emballage (élément de preuve no 4) ou des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin (élément de preuve no 9). Par ailleurs, la chambre de recours a estimé que certains des éléments de preuve produits étaient dénués de force probante au motif qu’ils portaient une date se situant en dehors de la période pertinente. Tel est le cas de certaines factures fournisseurs (éléments de preuve nos 6 et 7).

28      Selon la requérante, la chambre de recours aurait apprécié de manière erronée la force probante des éléments de preuve. D’une part, elle fait valoir que, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, les magazines publicitaires sont tous datés. D’autre part, à supposer établi que des éléments de preuve aient été non datés ou postérieurs à la période pertinente, ils n’étaient pas pour autant dénués de pertinence et auraient dû être appréciés avec les autres éléments de preuve produits.

29      En premier lieu, il y a lieu d’écarter d’emblée les factures pour l’impression des magazines publicitaires émises entre le 27 octobre 2011 et le 29 août 2012 (élément de preuve no 3), les factures fournisseurs émises entre le 3 octobre 2011 et le 21 mai 2013 (élément de preuve no 6) dès lors que ces éléments portent une date antérieure à la période pertinente. Doit également être écartée pour les mêmes raisons la photographie d’une bouteille de vin ROSSO TOSCANO portant les mentions manuscrites « 7815 » et « II/05/12 » (élément de preuve no 4). Contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours au point 62 de la décision attaquée, cette photo est datée. En revanche, il apparaît que la mention « II/05/12 » doit être interprétée en ce sens que cette photo date du mois de mai 2012, ce qui est au demeurant corroboré par l’unique facture datant du 18 avril 2012 produite pour le vin ROSSO TOSCANO dans l’élément de preuve no°6.

30      En deuxième lieu, s’agissant des éléments de preuve prétendument non datés, force est de constater que, ainsi que le fait valoir la requérante et contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours aux points 58 à 60 et 75 de la décision attaquée, les magazines publicitaires de l’élément de preuve no 2 sont tous datés.

31      En effet, les magazines publicitaires sont systématiquement présentés avec la première page, la page sur laquelle se trouve le vin ou la bière dont elle revendique l’usage ainsi que la dernière page. S’agissant des magazines publicitaires des années 2012 à 2014, ils portent en première page, dans le coin inférieur droit, un numéro permettant d’identifier la semaine, le mois et l’année dudit magazine. À titre d’exemple, le magazine publicitaire se trouvant à la page 26 de l’élément no 2 contient, dans le coin inférieur droit de la première page, le numéro « I/12/13 » correspondant à la première semaine du mois de décembre 2013, ainsi que cela est confirmé sans ambiguïté possible par la mention « à partir du samedi 07.12 » (a partir del sabado 07.12) figurant sur cette même page. En effet, le 7 décembre de l’année 2013 était bien un samedi. Quant aux magazines publicitaires plus récents, ils indiquent tous la date ou la période de validité des offres. Tel est le cas, par exemple, du magazine publicitaire de la page 58 de l’élément de preuve no 2, qui mentionne « prix valide du 16 au 22 juillet 2018 » (precio valido del 16 al 22 de julio de 2018). Il y a lieu d’ajouter, à l’instar de la requérante, que la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 mentionne également les dates de parution des magazines publicitaires de l’élément de preuve no 2 par semaine calendaire qui correspondent aux dates indiquées sur les magazines publicitaires.

32      Partant, c’est à tort que la chambre de recours a indiqué que les magazines publicitaires n’étaient pas datés. Il n’en demeure pas moins qu’il y a lieu de déterminer leur valeur probante en fonction de leur prétendue date de parution. À cet égard, parmi les 20 magazines publicitaires produits dans l’élément de preuve no 2, quatre datent d’avant la période pertinente et doivent donc être écartés, treize relèvent de la période pertinente et, enfin, trois sont postérieurs à cette période. Il conviendra donc de vérifier si, comme le soutient la requérante, de tels éléments de preuve postérieurs à la période pertinente ne sont pas dénués de toute force probante.

33      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que laisse entendre la chambre de recours au point 62 de la décision attaquée et à ce que soutient l’intervenante, les trois exemplaires de projets d’emballage pour le vin BONUS (élément de preuve no 4) mentionnent une date de création, à savoir le 26 février 2016, si bien qu’il doit être considéré que lesdits projets d’emballage relèvent de la période pertinente.

34      En troisième lieu, s’agissant de la prise en compte d’éléments de preuve de l’usage postérieurs à la période pertinente, il est vrai que, d’une part, certaines des factures fournisseurs datent des mois de juin à octobre 2018 et des mois de janvier et février 2019 (éléments de preuve nos 6 et 7) et que, d’autre part, les trois magazines publicitaires datant des mois de juillet, août et octobre 2018 (élément de preuve no 2) portent une date en dehors de la période pertinente. Il n’est toutefois pas exclu, selon la jurisprudence, que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuels éléments postérieurs à cette période, qui peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente [voir arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 63 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, ordonnances du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31, et du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, point 41].

35      À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater que, en l’espèce, un grand nombre d’éléments de preuve relevaient de la période pertinente et se référaient à celle-ci. Cela ressort des éléments de preuve énumérés aux points 8 et 10 de la décision attaquée (voir point 25 ci-dessus) et, notamment, de certaines factures pour l’impression des magazines publicitaires (élément de preuve no 3), des factures pour l’impression des étiquettes des années 2015 à 2017 (élément de preuve no 5), de certaines factures fournisseurs (élément de preuve no 6) et des tickets de caisse datés des années 2014 à 2018 (élément de preuve no 8). Il y a lieu d’ajouter que, ainsi que cela ressort du point 32 ci-dessus, parmi les 20 magazines publicitaires produits dans l’élément de preuve no 2, treize relevaient de la période pertinente.

36      D’autre part, les factures fournisseurs datant des mois de juin à octobre 2018 et de janvier et février 2019 ainsi que les trois magazines publicitaires datant des mois de juillet, août et octobre 2018 permettent de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque antérieure no 2019867 pour les produits dont l’usage est revendiqué au cours de la période pertinente et d’appuyer les éléments de preuve non contestés qui sont mentionnés au point 35 ci‑dessus. Ces documents, qui mentionnent à la fois la marque antérieure no 2019867 et les produits pour lesquels l’usage est revendiqué, corroborent, en particulier, les huit factures fournisseurs mentionnant le vin BONUS de l’élément de preuve no 6 et les treize magazines publicitaires qui relèvent de la période pertinente. Dans ces conditions, il y a lieu de constater la pertinence des éléments de preuve contestés qui sont visés au point 34 ci‑dessus, aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque contestée au regard des éléments de preuve qu’ils corroborent et qui relèvent de la période pertinente.

37      En revanche, tel n’est pas le cas des factures pour l’impression des magazines publicitaires datés entre le 7 juillet et le 6 octobre 2018 (élément de preuve no 3), dès lors qu’elles sont postérieures à la période pertinente et que, à défaut de la moindre mention de la marque antérieure no 2019867 et des produits pour lesquels l’usage est revendiqué, elles ne permettent pas de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente.

38      En quatrième lieu, s’agissant de la prise en compte d’éléments de preuve de l’usage non datés, il y a lieu de relever que sont concernées la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS (élément de preuve no 4) et les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS et du vin BONUS (élément de preuve no 9). Ainsi que cela ressort de la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation de la preuve de l’usage sérieux d’une marque, l’article 10 du règlement délégué 2018/625 n’indique pas que chaque élément de preuve doit nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage [arrêt du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products), T‑308/06, EU:T:2011:675, point 61].

39      En effet, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 36 ; voir, également, arrêt du 16 juin 2015, POLYTETRAFLON, T‑660/11, EU:T:2015:387, point 94 et jurisprudence citée). Ainsi, bien que la valeur probante d’un élément de preuve soit limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si et comment les produits ou les services concernés ont été placés sur le marché, et bien que cet élément ne soit dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément corrobore les autres facteurs pertinents du cas d’espèce [voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2014, Anapurna/OHMI – Annapurna (ANNAPURNA), T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 45, et du 23 septembre 2015, L’Oréal/OHMI – Cosmética Cabinas (AINHOA), T‑426/13, non publié, EU:T:2015:669, point 53].

40      En l’espèce, il convient de considérer que la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS (élément de preuve no 4) ainsi que les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS et du vin BONUS (élément de preuve no 9) corroborent les autres facteurs pertinents du cas d’espèce. Tel est le cas en particulier de l’élément de preuve no 9 contenant les photographies des rayons d’un magasin, dès lors que cet élément de preuve, généralement non daté, montre un usage externe à destination de la clientèle de la requérante, et représente la marque antérieure no 2019867 dans une configuration graphique identique à celle présente sur de nombreux éléments de preuve non contestés et qui relèvent de la période pertinente. Dès lors, bien que la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS et les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin ne soient pas datées, elles permettent de corroborer d’autres éléments de preuve relevant de la période pertinente.

41      C’est donc au regard des éléments datés de la période pertinente et des éléments de preuve non datés ou postérieurs à la période pertinente et mentionnés aux points 34 et 38 ci-dessus qu’il convient d’examiner, tout en tenant compte de leur valeur probante respective, l’argumentation de la requérante tendant à mettre en cause l’appréciation de la chambre de recours relative à la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33 et les « bières » relevant de la classe 32.

 Sur la nature de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins »

42      La chambre de recours a estimé, en substance, que l’ensemble des éléments de preuve présentés ne permettaient pas d’établir que les produits étaient commercialisés sous la marque antérieure no 2019867 et que les documents présentés n’étaient pas suffisants en ce qui concerne la nature de l’usage. Selon elle, lesdits documents démontraient que la requérante proposait différents types de vins dans ses supermarchés, dont les vins ROSSO TOSCANO et BONUS pour lesquels un usage sérieux était revendiqué. Toutefois, la chambre de recours a observé que la marque antérieure no 2019867, présente sur les magazines publicitaires ou les photographies, n’était jamais, à quelques exceptions près et en très petits caractères, apposée sur les produits et qu’elle n’était pas utilisée pour désigner les produits.

43      La requérante conteste ces conclusions de la chambre de recours et fait valoir, en substance, qu’il ressortirait de l’ensemble des documents présentés que la marque antérieure no 2019867 a été utilisée pour les vins. En particulier, elle reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié chaque document de manière isolée.

44      En premier lieu, s’agissant du vin ROSSO TOSCANO, il convient de souligner que le seul magazine publicitaire sur lequel est représenté ce vin (élément de preuve no 2), la photographie d’une bouteille de vin ROSSO TOSCANO (élément de preuve no 4) et la seule facture fournisseurs sur laquelle est mentionné ce vin (élément de preuve no 6) ne peuvent être pris en compte en l’espèce dès lors que ces trois éléments de preuve sont antérieurs à la période pertinente. Partant, s’agissant du vin ROSSO TOSCANO, le seul élément de preuve pouvant être pris en compte est la déclaration sous serment du 4 décembre 2018. Toutefois, dans la mesure où cette déclaration mentionne pour le vin ROSSO TOSCANO un chiffre de vente pour l’année 2012, qui est antérieure à la période pertinente, et où, en tout état de cause, il ne démontre pas la commercialisation effective de ce vin, cet élément est insuffisant pour prouver la nature de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour ce vin.

45      En second lieu, s’agissant du vin BONUS il convient de relever que la marque antérieure no 2019867 a été apposée sur les emballages de ce vin. S’il est vrai que les magazines publicitaires ne montrent qu’une seule fois le vin BONUS portant la marque antérieure no 2019867 directement sur l’emballage, il n’en demeure pas moins que, dans tous les autres magazines publicitaires sur lesquels le vin BONUS est présent, ce vin est accompagné de la marque antérieure no 2019867, à savoir « BONUS Vino de mesa blanco ALDI 11 % vol 1 L » ou « BONUS ALDI VINO DE MESA BLANCO 11 % vol 1 L » ou encore « BONUS ALDI VINO DE MESA TINTO 11 % vol 1 L ». Par ailleurs, grâce aux trois exemplaires de projets d’emballage pour le vin BONUS soumis par la requérante et dont l’authenticité n’a pas été mise en doute par la chambre de recours, il est possible de constater que la marque antérieure no 2019867 a été apposée sur les produits ayant fait l’objet d’une publicité [voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2016, Aldi/EUIPO – Cantina Tollo (ALDIANO), T‑391/15, non publié, EU:T:2016:741, point 29]. Force est de constater que la valeur probante de l’un des projets d’emballage est corroborée par le magazine publicitaire se trouvant à la page 26 de l’élément no 2 daté du mois de décembre 2013. En effet, bien que ce magazine publicitaire soit antérieur aux projets d’emballage pour le vin BONUS, il apparaît que l’un de ces projets d’emballage est identique à l’emballage présent sur ce magazine publicitaire, ce qui tend à démontrer que pendant la période pertinente la requérante faisait produire des emballages pour les vins BONUS sur lesquels apparaissait la marque antérieure no 2019867. Enfin, il y a lieu de constater que les factures fournisseurs (élément de preuve no 6) mentionnent ce vin accompagné de la marque antérieure no 2019867, à savoir « VINO BONUS ALDI SLIM HELICAP 1 L BCO » ou « VINO BONUS ALDI SLIM HELICAP 1 L TTO » ou encore « VINO BONUS ALDI SLIM HELICAP 1 L TINTO ». Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus, les preuves visant à démontrer l’usage sérieux et, notamment, la nature de cet usage doivent être appréciées dans leur ensemble. C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré que la marque antérieure no 2019867 n’était pas utilisée pour désigner les produits pour lesquels l’usage sérieux avait été invoqué. À cet égard, il n’est pas pertinent que la marque apposée soit de petite taille (voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2016, ALDIANO, T‑391/15, non publié, EU:T:2016:741, point 31).

46      Par conséquent, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours au point 68 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve relatifs au vin BONUS, c’est-à-dire la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 à laquelle sont annexés les magazines publicitaires, les factures fournisseurs et les trois exemplaires de projets d’emballage pour le vin BONUS, pris dans leur ensemble, donnent des informations suffisantes quant à la nature de l’usage de la marque antérieure no 2019867. Dès lors que la requérante a apporté une preuve suffisante de la nature de l’usage de la marque antérieure pour le vin BONUS, il convient d’apprécier si la requérante a prouvé l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour ce vin contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours.

 Sur l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins »

47      En substance, la chambre de recours a estimé que, compte tenu des liens qui unissaient l’auteur de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 et la requérante, cette déclaration ne saurait se voir attribuer une valeur probante qu’à condition qu’elle soit corroborée par d’autres éléments de preuve (point 56 de la décision attaquée). Elle a ajouté que les chiffres de vente mentionnés dans ladite déclaration sous serment étaient également dénués de valeur probante dès lors qu’ils renvoyaient de manière générale aux « bières » et « vins » et qu’ils pourraient donc inclure n’importe quel produit vinicole de la gamme de produits proposés par la requérante (point 57 de la décision attaquée).

48      En outre, la chambre de recours a indiqué, en substance, que les autres éléments de preuve fournis par la requérante ne corroboraient pas le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 et que, par conséquent, l’importance de l’usage de la marque antérieure n’avait pas été établie (points 56 et 58 à 68 de la décision attaquée).

49      La requérante conteste cette appréciation et soutient que, appréciés globalement, la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 combinée aux autres documents fournis seraient de nature à fournir la preuve de l’usage justifiant le maintien des droits sur la marque invoquée et reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié chaque document de manière isolée.

50      Il convient de relever que, dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, A, l’employé de la requérante, a affirmé que la marque antérieure no 2019867 avait été utilisée pendant la période allant du 6 juin 2007 au 25 mai 2018, ainsi que cela ressort des magazines publicitaires produits en annexe. Il a ajouté que ces magazines avaient été placés dans plus de 293 succursales d’ALDI du nord de l’Espagne aux différentes dates comprises entre la trente-huitième semaine calendaire de l’année 2011 et la quarante-deuxième semaine calendaire de l’année 2018. En outre, il a déclaré que les produits avaient été identifiés par des étiquettes portant la marque antérieure no 2019867 et qu’ils avaient été vendus dans plus de 293 succursales d’ALDI du nord de l’Espagne. De même, cette déclaration comprend un tableau de chiffres de vente du vin de table blanc et rouge d’un litre ainsi que de la bière pour les années 2011 à 2018.

51      À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêt du 13 juin 2012, Süd-Chemie/OHMI – Byk-Cera (CERATIX), T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 29].

52      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, d’une part, même lorsqu’une déclaration a été établie au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 par l’un des cadres de la requérante, il ne peut être attribué une valeur probante à ladite déclaration que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve. D’autre part, le fait qu’une telle déclaration émane d’un salarié de la requérante ne saurait à lui seul la priver de toute valeur (voir arrêt du 13 juin 2012, CERATIX, T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 30 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, même si la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 de A revêt un caractère solennel et comporte des informations relatives notamment à l’importance de l’usage de la marque antérieure en Espagne, il convient de relever qu’elle émane d’un cadre de la requérante et non d’une personne tierce qui offrirait davantage de gages d’objectivité. Par conséquent, c’est en conformité avec la jurisprudence présentée aux points 51 et 52 ci-dessus que la chambre de recours a considéré, en substance, aux points 56 et 57 de la décision attaquée que, compte tenu, d’une part, des liens unissant l’auteur de cette déclaration et la requérante et, d’autre part, de la circonstance que les chiffres de vente mentionnaient les « bières » et « vins » de façon générale, il ne pouvait être attribué une valeur probante à ladite déclaration qu’à condition qu’elle soit corroborée par d’autres éléments de preuve.

54      Il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les autres éléments de preuve soumis par la requérante lors de la procédure administrative ne permettaient pas de prouver que la marque antérieure no 2019867 avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « vins ».

55      En premier lieu, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, en substance, aux points 61 et 63 de la décision attaquée, que les factures pour l’impression des magazines publicitaires (élément de preuve no 3) et les factures pour l’impression des étiquettes (élément de preuve no 5) ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » dès lors que cette marque n’est mentionnée sur aucune de ces factures et qu’elles pourraient donc faire référence à l’impression de n’importe quels magazines publicitaires ou étiquettes.

56      En second lieu, s’agissant du vin BONUS, la chambre de recours a considéré au point 60 de la décision attaquée, en substance, que les magazines publicitaires ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins ».

57      Après avoir constaté au point 59 de la décision attaquée que les magazines publicitaires illustraient un vin de la marque BONUS à treize reprises, du « vino de mesa blanco » (vin de table blanc) à dix reprises et du « vino de mesa tinto » (vin de table rouge) à trois reprises sans qu’aucune date soit précisée, à une exception près, la chambre de recours a émis les considérations ci-après au point 60 de la décision attaquée :

« En conséquence, les magazines publicitaires ne sauraient prouver que la marque [antérieure no 2019867] a été utilisée pour désigner des vins “BONUS” au cours de la période [pertinente], ne fût-ce que parce qu’ils ne sont pas datés. Cela ne change rien au fait que les éléments de preuve ne démontrent pas que la marque [antérieure no 2019867] a effectivement été utilisée pour ces produits, c’est-à-dire apposée sur leur emballage. En outre, les éléments de preuve ne démontrent pas que les vins commercialisés sous la marque BONUS ont effectivement été vendus aux consommateurs finaux, et encore moins à quelle période et dans quelle mesure. Sur ce point, la chambre de recours fait remarquer que les treize références au vin “BONUS” pour la période [pertinente], auxquelles renvoient les publicités selon la [requérante], sont extrêmement limitées pour un produit de consommation à rotation rapide tel que le vin. »

58      Il ressort donc du point 60 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les magazines publicitaires soumis par la requérante ne pouvaient démontrer aucun usage de la marque antérieure no 2019867.

59      Toutefois, ainsi que le soutient la requérante à juste titre, l’examen auquel s’est livrée la chambre de recours est erroné.

60      En effet, tout d’abord, la chambre de recours devait examiner si les éléments de preuve autres que la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 corroboraient l’information contenue dans celle-ci et ne devait pas se limiter à examiner si ces éléments de preuve établissaient, à eux seuls, sans ladite déclaration, l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867. Si la chambre de recours procédait de cette manière, elle ôterait toute valeur probante à la déclaration sous serment du 4 décembre 2018.

61      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 58 à 60 de la décision attaquée, la chambre de recours a déterminé si les magazines publicitaires, à eux seuls, pouvaient prouver l’importance de l’usage de la marque antérieure et a conclu que tel n’était pas le cas. Aucune partie de la décision attaquée ne démontre que la chambre de recours a examiné le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 en combinaison avec lesdits magazines.

62      Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas effectué un examen approprié de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 et des magazines publicitaires.

63      Force est de constater que tel est le cas également s’agissant de l’examen des trois exemplaires de projets d’emballage pour le vin BONUS (élément de preuve no 4), des factures fournisseurs (éléments de preuve nos 6 et 7), des tickets de caisse (élément de preuve no 8) ainsi que des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin (élément de preuve no 9). En effet, à l’instar des magazines publicitaires, aucune partie de la décision attaquée ne démontre que la chambre de recours a examiné le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 en combinaison avec ces différents éléments de preuve.

64      S’agissant des projets d’emballage pour le vin BONUS, la chambre de recours a constaté, au point 62 de la décision attaquée, qu’il était « impossible d’établir clairement s’ils [avaie]nt effectivement été utilisés sur le marché au cours de la période [pertinente] ». Quant aux factures fournisseurs, elle a relevé, au point 64 de la décision attaquée, que ces « factures ne prouv[ai]ent absolument pas que le signe ALDI figurait effectivement sur leur emballage [et que, q]ui plus est, elles ne prouv[ai]ent pas non plus que ce produit a[vait] effectivement été distribué aux consommateurs finaux, et encore moins à quelle période et dans quelle mesure ». En ce qui concerne les tickets de caisse, la chambre de recours a considéré, au point 65 de la décision attaquée, que, à défaut de référence aux signes BONUS ou ALDI, ces tickets « pourraient faire référence à n’importe quel autre produit vinicole ». Elle a ajouté que « le nombre de produits vendus, consignés sur ces [tickets] qui couvr[ai]ent une période de plus de quatre ans, [était] très faible, soit environ 80 produits de vin blanc et une vingtaine de produits de vin rouge ». Enfin, s’agissant des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin, la chambre de recours a estimé, au point 66 de la décision attaquée, qu’elles n’étaient pas datées et qu’elles ne « prouv[ai]ent pas l’usage au cours de la période pertinente, sans compter qu’elles ne comport[ai]ent aucune référence concrète à l’importance de l’usage ».

65      Or, en l’espèce, dès lors que la chambre de recours se trouvait en présence de plusieurs éléments de preuve, de nature diverse, soumis par la requérante, elle était tenue d’examiner si ces éléments de preuve corroboraient le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 et confirmaient la véracité de l’information qui y était contenue, ce qu’elle s’est abstenue de faire [voir, par analogie, arrêt du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, point 65].

66      Cet examen erroné réalisé par la chambre de recours affecte la décision attaquée et constitue une base suffisante pour l’annuler en ce qui concerne la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33.

67      Au surplus, indépendamment de cet examen erroné, le Tribunal considère que la chambre de recours a également commis plusieurs erreurs en ce qui concerne l’appréciation de la valeur probante de certains éléments de preuve produits par la requérante.

68      Premièrement, s’agissant des magazines publicitaires (élément de preuve no 2), il ressort du point 60 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré qu’ils ne pouvaient pas prouver l’usage de la marque antérieure no 2019867 au motif qu’ils n’étaient pas datés, qu’ils ne démontraient pas que cette marque était apposée sur l’emballage des vins BONUS et, enfin, qu’ils ne démontraient pas que les vins BONUS avaient effectivement été vendus aux consommateurs finaux, et encore moins dans quelle mesure.

69      Or, à cet égard, ainsi que cela a été mentionné au point 32 ci-dessus, c’est à tort que la chambre de recours a indiqué que les magazines publicitaires n’étaient pas datés. En effet, tous ces magazines portent une date et treize d’entre eux relèvent de la période pertinente. Par ailleurs, il ne saurait être considéré que lesdits magazines ne démontreraient pas que la marque antérieure no 2019867 était apposée sur l’emballage du vin BONUS. En effet, il ressort clairement du magazine publicitaire daté du mois de décembre 2013, figurant à la page 27 de l’élément de preuve no 2, que le vin BONUS porte la marque antérieure no 2019867 directement sur son emballage. Quant aux autres magazines publicitaires, s’il est vrai que le vin BONUS n’est pas représenté avec la marque antérieure no 2019867 sur l’emballage, il n’en demeure pas moins que ladite marque est systématiquement associée à ce vin dans la description du produit, ainsi que cela a été relevé au point 45 ci-dessus.

70      Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel les magazines publicitaires ne démontraient pas que les vins BONUS avaient effectivement été vendus aux consommateurs finaux, et encore moins dans quelle mesure, il y a lieu de relever que la reproduction d’une marque, sur des produits couverts par cette marque, dans des publicités adressées aux consommateurs constituant le public pertinent constitue une utilisation publique et vers l’extérieur de ladite marque, au sens de la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus. Dans le cadre d’une appréciation effectuée conformément à la jurisprudence citée aux points 18 à 22 ci-dessus, une telle utilisation est susceptible de démontrer l’usage sérieux de ladite marque, exigé par l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Il est vrai qu’une telle utilisation de la marque concernée ne peut pas être prouvée par la simple production des copies de matériel publicitaire mentionnant ladite marque avec les produits ou les services visés. Encore faut-il démontrer que ce matériel, quelle que soit sa nature, a connu une diffusion auprès du public pertinent suffisante pour établir le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause [voir arrêt du 28 mai 2020, Diesel/EUIPO – Sprinter megacentros del deporte (Représentation d’une ligne incurvée et coudée), T‑615/18, non publié, EU:T:2020:223, point 72 et jurisprudence citée].

71      Or, en l’espèce, il est notoire que les chaînes de supermarchés de commerce de détail, telles que celle de la requérante, distribuent habituellement leurs magazines publicitaires à la fois dans leurs supermarchés et dans les boîtes aux lettres des clients potentiels aux alentours de leurs supermarchés.

72      En outre, dans le cadre de l’appréciation globale requise par la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, doit également être prise en compte la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, qui, si elle n’est pas suffisante à elle seule, peut se voir corroborée par d’autres éléments probants, conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus.

73      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a commis une erreur en niant toute force probante aux magazines publicitaires de l’élément de preuve no 2.

74      Deuxièmement, s’agissant des trois projets d’emballage pour le vin BONUS (élément de preuve no 4), c’est également à tort que la chambre de recours a, en substance, considéré qu’ils étaient dénués de force probante au motif qu’il était « impossible d’établir clairement s’ils [avaie]nt effectivement été utilisés sur le marché au cours de la période [pertinente] ». En effet, ainsi que cela ressort du point 45 ci-dessus, force est de constater que la valeur probante de l’un des projets d’emballage est corroborée par le magazine publicitaire se trouvant à la page 26 de l’élément no 2 daté du mois de décembre 2013.

75      Troisièmement, s’agissant des factures fournisseurs (élément de preuve no 6), il ne saurait être valablement soutenu qu’elles sont dénuées de force probante comme l’a fait, en substance, remarquer la chambre de recours au point 64 de la décision attaquée. En effet, ainsi que l’a relevé la requérante à juste titre, ce type d’élément de preuve ne contient généralement pas d’informations relatives à l’aspect du produit. Par ailleurs, il est constant que de telles factures ne sauraient démontrer, à elles seules, que les produits commandés ont effectivement été distribués aux consommateurs finaux. Toutefois, force est de constater que les factures fournisseurs relevant de la période pertinente mentionnent toutes la marque antérieure no 2019867 accolée au nom du produit, à savoir « BONUS Vino de mesa blanco ALDI 11 % vol 1 L » ou « BONUS ALDI VINO DE MESA BLANCO 11 % vol 1 L » ou encore « BONUS ALDI VINO DE MESA TINTO 11 % vol 1 L ». Or, il ne fait aucun doute que ces références sur les factures correspondent au vin BONUS blanc et rouge qui apparaît tant sur les magazines publicitaires (élément de preuve no 2) que sur les exemplaires de projet d’emballage (élément de preuve no 4), de sorte qu’un lien entre ces éléments peut être aisément établi.

76      Il y a lieu d’ajouter, en ce qui concerne le fait mentionné par la chambre de recours selon lequel seules huit factures fournisseurs seraient relatives au vin BONUS, que leur nombre restreint peut s’expliquer par le fait qu’elles ont été fournies à titre d’exemple. Appréciées globalement avec d’autres éléments de preuve, notamment les magazines publicitaires, elles confirment que la requérante commandait à ses fournisseurs des quantités non négligeables de vin BONUS blanc et rouge dès lors que chacune des factures mentionnant le vin BONUS fait état de commandes d’au minimum 300 unités de douze briques d’un litre. Par ailleurs, ainsi que cela ressort du point 36 ci-dessus, les factures fournisseurs datant des mois de juin à octobre 2018 et de janvier et février 2019, bien qu’étant postérieures à la période pertinente, permettent de corroborer l’utilisation de la marque antérieure no 2019867 pour les produits dont l’usage est revendiqué au cours de la période pertinente.

77      Quatrièmement, s’agissant des tickets de caisse (élément de preuve no 8), c’est à tort que la chambre de recours a considéré, en substance, qu’ils étaient dénués de force probante au motif que, à défaut de référence aux signes BONUS ou ALDI, ces tickets « pourraient faire référence à n’importe quel autre produit vinicole ».

78      En effet, force est de constater que chaque article mentionné sur ces tickets correspond à un code. Le vin de table blanc correspond systématiquement au code article 1600 et le vin de table rouge correspond au code article 1815. Or, ces codes sont identiques à ceux qui apparaissent sur les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin (élément de preuve no 9), lesquelles peuvent être prises en compte bien qu’elles ne soient pas datées, ainsi que cela ressort du point 40 ci-dessus. Il apparaît donc sans ambiguïté possible que chaque produit vendu sous les codes articles 1600 et 1815 fait référence au vin de table blanc et au vin de table rouge BONUS, vendus sous la marque antérieure no 2019867. Cela est d’ailleurs corroboré par la comparaison qui peut être faite avec les prix indiqués sur les magazines publicitaires. En effet, à titre d’exemple, le ticket de caisse daté du 31 août 2015 mentionne un prix de vente de l’article 1600 « VINO DE MESA BLANCO » de 0,59 euro, identique à celui mentionné sur le magazine publicitaire contenant les offres valables pour le mois de septembre 2015 pour le vin BONUS, vendu sous la marque antérieure no 2019867. Quant au ticket de caisse du 27 novembre 2017, il mentionne un prix de vente de l’article 1600 « VINO DE MESA BLANCO » de 0,68 euro qui correspond au prix figurant sur le magazine publicitaire contenant les offres valables du 11 au 17 décembre 2017 pour le vin BONUS, vendu sous la marque antérieure no 2019867.

79      Dans ces conditions, force est de constater qu’un lien entre les tickets de caisse, les magazines publicitaires et les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin peut être aisément établi et qu’il en ressort que la requérante a vendu ses produits, comme cela est au demeurant indiqué dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, dans ses magasins pendant la période pertinente.

80      Il y a lieu d’ajouter que les éléments de preuve analysés aux points 68 à 79 ci-dessus, considérés à tort par la chambre de recours comme étant dépourvus de force probante, fournissent des informations relatives à l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33 et constituent un faisceau d’éléments de preuve susceptibles d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits. Par ailleurs, ils rendent crédibles les informations contenues dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, y compris celles relatives aux chiffres de vente mentionnés sous forme de tableau.

81      À cet égard, contrairement à ce que soutient la chambre de recours au point 57 de la décision attaquée, les chiffres de vente de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 ne sauraient être considérés comme dénués de toute valeur probante dès lors qu’ils renvoient de manière générale aux « bières » et « vins » et qu’ils pourraient donc inclure n’importe quel produit vinicole de la gamme de produits proposés par la requérante. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus, les preuves visant à démontrer l’usage sérieux doivent être appréciées dans leur ensemble. Or, appréciés globalement avec d’autres éléments de preuve, il apparaît que les chiffres de vente mentionnés dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 se rapportent effectivement au vin de table blanc et rouge BONUS, comme le soutient la requérante.

82      Il y a lieu d’observer d’emblée que, compte tenu du fait, d’une part, que la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 avait pour unique but de prouver l’usage sérieux de la bière MATERNUS, du vin ROSSO TOSCANO et du vin BONUS et, d’autre part, que ces trois produits étaient systématiquement mis en évidence dans les pièces annexées à ladite déclaration, il paraît évident que lorsque A a indiqué que les chiffres de vente minimum par article pouvaient être vus dans le tableau des chiffres de vente, il visait bien le vin de table BONUS blanc et rouge vendu sous la marque antérieure no 2019867 et non pas n’importe quel vin. Ce constat est au demeurant corroboré par l’ensemble des magazines publicitaires dont il ressort que seul le vin BONUS est vendu en tant que vin de table et qu’il est le seul à être vendu en conditionnement d’un litre, ainsi que cela apparaît également à la lecture des factures fournisseurs.

83      Partant, appréciés globalement avec d’autres éléments de preuve, il est clair que lorsque, dans le tableau de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, il est mentionné « table wine white 1 L » (vin de table blanc 1 L) ou « table wine red 1 L » (vin de table rouge 1 L), les chiffres de vente indiqués se réfèrent au vin de table BONUS blanc et rouge et non pas à n’importe quel vin.

84      Il ressort des points 60 à 66 ci-dessus que la chambre de recours, en n’examinant pas la question de savoir si les magazines publicitaires, les projets d’emballage pour le vin BONUS, les factures fournisseurs, les tickets de caisse ainsi que les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI de bière et de vin corroboraient le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, a effectué un examen erroné de ces éléments de preuve. Il ressort également des points 67 à 78 ci-dessus que la chambre de recours a commis une erreur en niant toute force probante aux magazines publicitaires, aux trois projets d’emballage pour le vin BONUS, aux factures fournisseurs ainsi qu’aux tickets de caisse qui contiennent des informations pertinentes aux fins d’apprécier l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour les vins BONUS. Or, il n’est pas exclu que si la chambre de recours n’avait pas commis ces erreurs et n’avait pas nié toute valeur probante aux éléments de preuve susmentionnés, elle aurait conclu que la marque antérieure no 2019867 avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « vins ». Dès lors, il convient de conclure que la chambre de recours a violé l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et que la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne la marque antérieure no 2019867 pour les « vins » relevant de la classe 33.

85      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le principe ne bis in idem invoqué par l’intervenante, qui interdit d’infliger une sanction à une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique et qui constitue un principe général du droit de l’Union européenne dont le juge assure le respect. En effet, il suffit de constater à cet égard que ce principe est uniquement applicable à des sanctions, ce qui n’est pas le cas des décisions rendues par l’EUIPO dans le cadre d’une procédure en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2015, Giand/OHMI – Flamagas (FLAMINAIRE), T‑583/14, non publié, EU:T:2015:943, point 19 et jurisprudence citée]. Par conséquent, l’invocation dudit principe est, en l’espèce, inopérante.

 Sur la nature de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières »

86      La chambre de recours a estimé, en substance, que l’ensemble des éléments de preuve présentés ne permettaient pas d’établir que les produits étaient commercialisés sous la marque antérieure no 2019867 et que les documents présentés n’étaient pas suffisants en ce qui concerne la nature de l’usage. Elle observe, en substance, que la marque antérieure no 2019867 n’était pas utilisée pour désigner les produits au motif qu’elle n’était pas apposée sur les bouteilles de bière. Elle a ajouté qu’il n’était pas exclu que la brasserie Brouwerij Martens produise la bière MATERNUS exclusivement pour la requérante, ce qui expliquerait la très petite référence, presque illisible, au signe ALDI dans l’angle de l’emballage extérieur, comme en attestent les éléments de preuve produits.

87      La requérante conteste ces conclusions de la chambre de recours et fait valoir, en substance, que celle-ci a commis les mêmes erreurs que pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins ».

88      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il est vrai que la marque antérieure no 2019867 n’est pas apposée sur les bouteilles de bière individuellement, il n’en demeure pas moins que tel est le cas sur chaque emballage de pack de bouteilles de bière, ainsi que le souligne, au demeurant, la chambre de recours au point 71 de la décision attaquée.

89      Cela ressort également des éléments de preuve produits par la requérante, à savoir des magazines publicitaires (élément de preuve no 2), de la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS (élément de preuve no 4) et des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS (élément de preuve no 9). S’agissant en particulier des magazines publicitaires, non seulement il apparaît que la bière MATERNUS est toujours vendue en pack et que ces packs portent la marque antérieure no 2019867 sur le coin supérieur droit mais lesdits magazines mentionnent, dans la description de ce produit, systématiquement cette marque antérieure de la façon suivante : « MATERNUS Cerveza Premium ALDI » ou « MATERNUS CERVEZA PILSENER ALDI ».

90      En outre, il y a lieu de constater que les factures fournisseurs (élément de preuve no 6) mentionnent cette bière accompagnée de la marque antérieure no 2019867, à savoir « ALDI Maternus DD 6X0,50 L ». Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus, les preuves visant à démontrer l’usage sérieux et, notamment, la nature de cet usage doivent être appréciées dans leur ensemble.

91      S’agissant de la conclusion de la chambre de recours, soutenue par l’EUIPO, selon laquelle, en substance, ce produit n’était pas commercialisé sous la marque antérieure no 2019867 mais sous la marque MATERNUS et selon laquelle ladite marque antérieure n’était pas utilisée pour distinguer ces produits mais en tant que dénomination sociale du détaillant de ce produit, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il y avait usage « pour des produits » lorsqu’un tiers apposait le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialisait (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 22).

92      Or, ainsi que cela a été relevé au point 88 ci‑dessus, la marque antérieure no 2019867, qui constitue également la dénomination sociale de la requérante, a été apposée sur les emballages du produit en cause. Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que cette marque antérieure n’était pas utilisée pour distinguer les produits pour lesquels l’usage sérieux avait été invoqué. C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré que la marque antérieure no 2019867 n’était pas utilisée pour désigner les « bières » pour lesquelles l’usage sérieux avait été invoqué. À cet égard, il n’est pas pertinent que la marque apposée soit de petite taille (voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2016, ALDIANO, T‑391/15, non publié, EU:T:2016:741, point 31).

93      Par conséquent, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours au point 83 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve relatifs aux « bières », c’est-à-dire la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 à laquelle sont annexés les magazines publicitaires, les factures fournisseurs, la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS ainsi que la photographie de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de bière et de vin, pris dans leur ensemble, donnent des informations suffisantes quant à la nature de l’usage de la marque antérieure no 2019867. Dès lors que la requérante a apporté une preuve suffisante de la nature de l’usage de la marque antérieure pour la bière MATERNUS, il convient d’apprécier si elle a prouvé l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour cette bière contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours.

 Sur l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières »

94      Ainsi que cela ressort du point 83 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas prouvé à suffisance de droit l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières ». Pour parvenir à cette conclusion, elle s’est basée sur les mêmes éléments de preuve que ceux pris en compte pour apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins », a suivi le même raisonnement et a formulé les mêmes critiques. En substance, elle a indiqué que la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 ne saurait se voir attribuer une valeur probante qu’à condition qu’elle soit corroborée par d’autres éléments de preuve, ce qui n’est pas le cas.

95      La requérante conteste cette appréciation et soutient que la chambre de recours a commis les mêmes erreurs que pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « vins ». Elle fait valoir que, appréciés globalement, la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 combinée aux autres documents fournis seraient de nature à fournir la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières » et reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié chaque document de manière isolée.

96      D’emblée, il convient de relever que, s’agissant de l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières », la requérante soutient à juste titre que l’examen effectué par la chambre de recours est entaché des mêmes erreurs que celles relatives à l’examen de l’usage sérieux pour les « vins » et constatées aux points 56 à 84 ci-dessus.

97      En effet, la chambre de recours devait examiner si les éléments de preuve autres que la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 corroboraient l’information contenue dans celle-ci et ne devait pas se limiter à examiner si ces éléments de preuve établissaient, à eux seuls, sans ladite déclaration, l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 (voir point 60 ci-dessus).

98      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 71 à 81 de la décision attaquée, la chambre de recours a déterminé, de la même manière que pour les « vins », si les différents éléments de preuve produits par la requérante, à eux seuls, pouvaient prouver l’importance de l’usage de la marque antérieure et a conclu que tel n’était pas le cas.

99      S’agissant des magazines publicitaires (élément de preuve no 2), la chambre de recours s’est bornée à constater, au point 75 de la décision attaquée, qu’ils ne pouvaient pas prouver le fait et encore moins l’importance de l’usage de la marque antérieure au motif qu’ils n’étaient pas datés et qu’ils ne démontraient pas que la bière MATERNUS avait effectivement été vendue aux consommateurs finaux, et encore moins dans quelle mesure. S’agissant de la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS (élément de preuve no 4) et des photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS (élément de preuve no 9), elle a indiqué, en substance, aux points 77 et 81 de la décision attaquée, qu’elles n’étaient pas datées et qu’elles ne donnaient aucune indication quant à l’importance de l’usage. Quant aux factures fournisseurs (élément de preuve no 6), la chambre de recours a considéré, au point 79 de la décision attaquée, qu’elles attestaient qu’une brasserie produisait effectivement de la bière sous la marque MATERNUS qui était vendue au groupe de sociétés de la requérante. En revanche, elle a estimé qu’elles n’apportaient aucune preuve quant à l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour ce produit et qu’elles ne prouvaient pas non plus que ce produit avait effectivement été distribué aux consommateurs finaux. Enfin, s’agissant des tickets de caisse (élément de preuve no 8), la chambre de recours s’est bornée à constater, au point 80 de la décision attaquée, qu’ils mentionnaient effectivement « CERVEZA MATERNUS », mais que le nombre de quatorze packs de six bouteilles vendus pour une période de plus de quatre ans était extrêmement faible pour un produit de consommation à rotation rapide tel que la bière.

100    Force est de constater qu’aucune partie de la décision attaquée ne démontre que la chambre de recours a examiné le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 en combinaison avec les différents éléments de preuve mentionnés au point 93 ci-dessus. Or, en l’espèce, dès lors que la chambre de recours se trouvait en présence de plusieurs éléments de preuve, de nature diverse, soumis par la requérante, elle était tenue d’examiner si ces éléments de preuve corroboraient le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018 et confirmaient la véracité de l’information qui y était contenue, ce qu’elle s’est abstenue de faire.

101    Cet examen erroné réalisé par la chambre de recours affecte la décision attaquée et constitue une base suffisante pour l’annuler en ce qui concerne la marque antérieure no 2019867 pour les « bières » relevant de la classe 32.

102    Au surplus, indépendamment de cet examen erroné, le Tribunal considère, de la même manière que pour l’appréciation de l’usage pour les « vins », que la chambre de recours a également commis plusieurs erreurs en ce qui concerne l’appréciation de la valeur probante de certains éléments de preuve produits par la requérante.

103    S’agissant des magazines publicitaires (élément de preuve no 2), il y a lieu de renvoyer aux points 69 à 73 ci-dessus. Quant aux factures fournisseurs, il convient de renvoyer aux points 75 et 76 ci-dessus et d’ajouter qu’il ressort desdites factures qu’elles confirment que la requérante a commandé à ses fournisseurs des quantités non négligeables de bières MATERNUS tout au long de la période pertinente. En effet, il apparaît que chacune des factures, entre le 1er juillet 2013 et le 31 janvier 2018, fait état de la commande de 4 860 unités de packs de bières « Aldi Maternus DD ».

104    Quant à la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS (élément de preuve no 4) et aux photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS (élément de preuve no 9), s’il est vrai qu’elles ne comportent aucune date, il n’en demeure pas moins qu’elles permettent de corroborer d’autres éléments de preuve relevant de la période pertinente, ainsi que cela ressort du point 40 ci-dessus, et en particulier les magazines publicitaires sur lesquels le pack de bières est identique à celui présent sur les photographies susmentionnées.

105    Enfin, s’agissant des tickets de caisse (élément de preuve no 8), la chambre de recours leur a nié toute force probante au motif qu’ils ne démontraient la vente que de quatorze packs de six bouteilles vendus pour une période de plus de quatre ans, ce qui est extrêmement faible. Toutefois, à cet égard, indépendamment du fait que le nombre de packs vendus retenu par la chambre de recours soit plus élevé, il convient de relever que le nombre restreint de tickets de caisse peut s’expliquer par le fait qu’ils ont été fournis à titre d’exemple. Par ailleurs, force est de constater que chaque article mentionné sur ces tickets correspond à un code. La bière MATERNUS correspond systématiquement au code article 0510. Or, ce code est identique à celui qui apparaît sur les factures fournisseurs. Partant, un lien entre les tickets de caisse, les magazines publicitaires et les factures fournisseurs peut être aisément établi dont il ressort que la requérante a commandé une grande quantité de bières « Aldi Maternus » (voir point 103 ci-dessus) et a vendu ses produits, comme cela est au demeurant indiqué dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, dans ses magasins pendant la période pertinente. C’est donc à tort que la chambre de recours a nié toute force probante aux tickets de caisse.

106    Il y a lieu d’ajouter que les éléments de preuve analysés aux points 103 à 105 ci-dessus, considérés à tort par la chambre de recours comme étant dépourvus de force probante, fournissent des informations relatives à l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour les « bières » relevant de la classe 32 et constituent un faisceau d’éléments de preuve susceptibles d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits. Par ailleurs, ils rendent crédibles les informations contenues dans la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, y compris celles relatives aux chiffres de vente mentionnés sous forme de tableau.

107    Il ressort des points 99 à 101 ci-dessus que la chambre de recours, en n’examinant pas la question de savoir si les magazines publicitaires, la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS, les photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS, les factures fournisseurs et les tickets de caisse corroboraient le contenu de la déclaration sous serment du 4 décembre 2018, a effectué un examen erroné de ces éléments de preuve. Il ressort également des points 103 à 106 ci-dessus que la chambre de recours a commis une erreur en niant toute force probante aux magazines publicitaires, à la photographie d’un pack de bouteilles de bière MATERNUS, aux photographies de la disposition dans des rayons d’un magasin ALDI en Espagne de la bière MATERNUS, aux factures fournisseurs ainsi qu’aux tickets de caisse, qui contiennent des informations pertinentes aux fins d’apprécier l’importance de l’usage de la marque antérieure no 2019867 pour les bières MATERNUS. Or, il n’est pas exclu que si la chambre de recours n’avait pas commis ces erreurs et n’avait pas nié toute valeur probante aux éléments de preuve susmentionnés, elle aurait conclu que la marque antérieure no 2019867 avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « bières ». Dès lors, il convient de conclure que la chambre de recours a violé l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et que la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne la marque antérieure no 2019867 pour les « bières » relevant de la classe 32.

108    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir les deuxième et troisième griefs du moyen unique.

 Sur le premier grief relatif à la preuve de l’usage de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur

109    La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 64 du règlement 2017/1001 en considérant, en substance, que la portée générale des termes « services de commerce de détail dans tous les secteurs de produits » s’opposait à ce que soit apportée la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35. Elle fait en particulier grief à la chambre de recours d’avoir considéré, au point 41 de la décision attaquée, qu’elle aurait dû préciser les produits auxquels les services de commerce de détail étaient censés se rapporter, à tout le moins après l’enregistrement de ladite marque antérieure et de l’enregistrement antérieur. Selon elle, cette considération serait contraire à l’arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO (C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151), dans lequel la Cour aurait jugé qu’une telle précision ne pouvait pas être exigée pour les marques enregistrées avant le prononcé de l’arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau - und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425).

110    L’EUIPO admet que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’il n’était pas possible de prouver l’usage de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35 dès lors que les produits concernés par ces services n’étaient pas définis, mais il estime que cette erreur est sans incidence sur le résultat de la décision attaquée. Quant à l’intervenante, elle conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

111    Il y a lieu de relever que pour parvenir à la conclusion que la requérante n’a pas prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35, la chambre de recours a émis les considérations ci-après aux points 41 et 42 de la décision attaquée :

« 41 Malgré les arrêts [du 7 juillet 2005, Praktiker Bau - und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425)], et [du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361)], la [requérante] a maintenu l’enregistrement de ses marques antérieures pour des services de commerce de détail non définis, c’est-à-dire sans préciser les produits ou types de produits concernés par ces services. Elle aurait pu modifier sa spécification dans la classe 35, par exemple au moment du renouvellement, après le dépôt de la demande de preuve de l’usage du cas d’espèce, ou à tout autre moment, mais elle ne l’a pas fait. En lieu et place, elle a soutenu à chaque fois qu’elle bénéficie d’une protection pour les services de commerce de détail d’une variété indéfinie de produits. C’est donc pour cette spécification très générale qu’elle doit prouver l’usage sérieux des marques antérieures.

42 De toute évidence, il est impossible de prouver des services de commerce de détail dans tous les secteurs de produits dès lors que ces secteurs de produits ne sont pas définis ; même la référence à une très vaste gamme de produits ne saurait rendre possible l’impossible. En outre, l’apparition sporadique de boissons alcoolisées parmi ces nombreux produits exclut la preuve que les marques antérieures n’auraient été utilisées “que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée”, ainsi que l’exige l’article 64, paragraphe 2, du [règlement 2017/1001]. »

112    À cet égard, à l’instar de ce que fait valoir la requérante et ainsi que le reconnaît au demeurant l’EUIPO, force est de constater que le raisonnement suivi par la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée est en contradiction avec les points 133 à 136 de l’arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO (C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151).

113    En effet, il y a lieu de relever que, certes, la Cour a jugé que, aux fins de l’enregistrement d’une marque couvrant des services fournis dans le cadre du commerce de détail, il n’était pas nécessaire de désigner concrètement le ou les services pour lesquels cet enregistrement était demandé, mais que, en revanche, il devait être exigé du demandeur qu’il précise les produits ou les types de produits concernés par ces services (arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau- und Heimwerkermärkte, C‑418/02, EU:C:2005:425, points 49 et 50). Toutefois, d’une part, la Cour a précisé que la jurisprudence issue de cet arrêt ne portait que sur les demandes d’enregistrement de marques et ne concernait pas la protection des marques enregistrées à la date du prononcé dudit arrêt (arrêt du 11 octobre 2017, EUIPO/Cactus, C‑501/15 P, EU:C:2017:750, point 45). Dans la mesure où, en l’occurrence, la marque antérieure no 3360955, invoquée par la requérante à l’appui de sa demande en nullité, a été enregistrée avant la date du prononcé de l’arrêt du 7 juillet 2005, Praktiker Bau - und Heimwerkermärkte (C‑418/02, EU:C:2005:425), elle n’était, en tout état de cause, pas concernée par l’obligation issue de cet arrêt. D’autre part, il ne saurait être déduit des considérations de ce même arrêt que lorsqu’une marque visant les services de vente au détail, enregistrée postérieurement au prononcé de celui-ci – ce qui est le cas de l’enregistrement antérieur – est invoquée à l’appui d’un motif de nullité visé à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, ce motif peut d’emblée être écarté par la simple invocation de l’absence de toute indication précise au sujet des produits pouvant être concernés par les services de vente au détail couverts par la marque antérieure (voir, par analogie, arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 134). Enfin, il y a lieu d’ajouter que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur est l’un des moyens permettant de déterminer les produits précis couverts par les services de commerce de détail pour lesquels ceux-ci ont été enregistrés (arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 136).

114    La chambre de recours a donc commis une erreur en considérant, au point 41 de la décision attaquée, que c’est pour la spécification très générale de commerce de détail dans tous les secteurs de produits que la requérante devait prouver l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur. Or, cette erreur affecte la décision attaquée et constitue une base suffisante pour l’annuler en ce qui concerne la marque antérieure no 3360955 et l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35.

115    En effet, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, il ne saurait être valablement soutenu que, en affirmant au point 42 de la décision attaquée que l’« apparition sporadique de boissons alcoolisées parmi ces nombreux produits exclut la preuve que les marques antérieures n’auraient été utilisées que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée », la chambre de recours aurait examiné les éléments de preuve produits par la requérante mais les aurait jugés insuffisants pour prouver l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur pour les services relevant de la classe 35. Aucune précision n’est apportée dans la décision attaquée quant à une éventuelle analyse des quatre éléments de preuve produits par la requérante, tels que mentionnés au point 9 de la décision attaquée, pour prouver l’usage de la marque antérieure no 3360955 et de l’enregistrement antérieur sur la base desquels la division d’annulation avait d’ailleurs estimé que la preuve de l’usage avait été rapportée par la requérante. Partant, l’allégation laconique contenue au point 42 de la décision attaquée ne peut manifestement pas être considérée comme équivalant à un examen effectué conformément à la jurisprudence citée aux points 18 à 22 ci-dessus.

116    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le premier grief du moyen unique ainsi que le moyen unique dans son ensemble et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé. Partant, d’une part, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. D’autre part, l’intervenante ayant succombé en ses conclusions, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 mai 2021 (affaire R 1074/2020-4) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Aldi Einkauf SE & Co. OHG.

3)      Cantina sociale Tollo SCA supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.