Language of document : ECLI:EU:T:2021:668

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant des chevrons entre deux lignes parallèles – Motif absolu de refus – Signe susceptible de constituer une marque de l’Union européenne – Article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] – Obligation de statuer sur le recours – Article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Recours incident »

Dans l’affaire T‑124/20,

M/S. Indeutsch International, établie à Noida (Inde), représentée par Me G. Glas, avocat, MM. D. Stone, A. Dykes, Mmes A. Leonelli, K. Hughes, solicitors, et M. S. Malynicz, QC,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

135 Kirkstall, Inc., anciennement Crafts Americana Group, Inc., établie à Vancouver, Washington (États-Unis), représentée par MM. M. Edenborough, QC, et J. Fish, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la grande chambre de recours de l’EUIPO du 13 décembre 2019 (affaire R 2672/2017-G), relative à une procédure de nullité entre Crafts Americana Group et M/S. Indeutsch International,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 février 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2020,

vu le recours incident de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2020,

vu l’ordonnance du 16 novembre 2020 rejetant la demande de substitution de Crafts Group LLC à 135 Kirskstall,

vu les exceptions d’irrecevabilité soulevées par l’EUIPO à l’encontre du recours incident par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2020,

vu les observations de l’intervenante sur les exceptions d’irrecevabilité, déposées au greffe du Tribunal le 16 février 2021,

vu l’ordonnance de jonction des exceptions d’irrecevabilité au fond du 8 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO au recours incident, déposé au greffe du Tribunal le 23 avril 2021,

à la suite de l’audience du 1er juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 février 2010, la requérante, M/S. Indeutsch International, a déposé une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

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3        Ce signe a été accompagné de la description suivante :

« La marque consiste en un dessin géométrique répétitif. »

4        L’enregistrement de cette marque a été demandé pour des « aiguilles à tricoter » et des « crochets à broder » relevant de la classe 26 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

5        Ladite marque a été enregistrée le 10 août 2010 et publiée au Bulletin des marques communautaires no 74/2010, du 26 avril 2010.

6        Le 9 janvier 2013, Crafts Americana Group, Inc., ancienne dénomination de l’intervenante, 135 Kirkstall, Inc., a introduit auprès de l’EUIPO une demande de nullité de cette marque au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement [devenus, respectivement, article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001].

7        Par décision du 7 mai 2014, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité. En particulier, la division d’annulation a considéré que la représentation graphique de la marque contestée était claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective, si bien qu’elle satisfaisait aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En outre, s’agissant de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la division d’annulation a considéré que la marque contestée était pourvue de caractère distinctif. À cet égard, la division d’annulation a souligné que la marque en question ne constituait pas une marque tridimensionnelle et ne représentait pas l’apparence des produits couverts par son enregistrement.

8        Le 14 juillet 2014, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation. À l’appui de son recours, l’intervenante a soulevé des moyens relatifs tant à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 qu’à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Ainsi, l’intervenante a conclu à ce que la marque contestée soit déclarée nulle en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et, à titre subsidiaire, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

9        Par décision du 5 novembre 2015 (ci-après la « première décision de la chambre de recours »), la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation au motif que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

10      En particulier, la chambre de recours a considéré que la marque contestée, évoquée par le titulaire de celle-ci comme la « marque à chevrons », représentait un motif placé sur une partie des produits désignés par cette marque ou couvrant toute leur surface. Sur le fondement de cette constatation, la chambre de recours a tenu compte des photos et des échantillons des produits commercialisés par la requérante au moment du dépôt de la demande de marque, afin d’identifier les caractéristiques essentielles de celle-ci. Dans ce contexte, la chambre de recours a estimé que l’apparence ornementale de la marque contestée conduisait le public pertinent, composé de consommateurs moyens d’aiguilles à tricoter et de crochets à broder, à percevoir ladite marque comme une décoration de ces produits. En outre, la chambre de recours a estimé que ledit public percevait cette marque comme ayant l’apparence du grain du bois, qui est le matériau de fabrication des produits concernés, et non comme une indication d’origine commerciale. Il en résulterait que la marque contestée n’avait pas le caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 afin de remplir la fonction d’une marque.

11      Par ailleurs, la chambre de recours a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de statuer sur l’autre motif de nullité, tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En outre, dès lors que la requérante avait fait valoir, devant la division d’annulation, que la marque contestée avait, en toute hypothèse, acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait, conformément à l’article 7, paragraphe 3, et à l’article 52, paragraphe 2, de ce règlement (devenus, respectivement, article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la chambre de recours a renvoyé l’affaire à la division d’annulation afin que cette dernière se prononce sur cette question.

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2016, la requérante a demandé l’annulation de la première décision de la chambre de recours.

13      Par arrêt du 21 juin 2017, M/S. Indeutsch International/EUIPO – Crafts Americana Group (Représentation de chevrons entre deux lignes parallèles) (T‑20/16, EU:T:2017:410), le Tribunal a annulé la première décision de la chambre de recours. Il ressort des points 29 à 47 de cet arrêt que le Tribunal a considéré que, en prenant appui sur le fait que les produits de la requérante font apparaître en surface des motifs sous forme de chevrons multicolores afin d’examiner le caractère distinctif de l’apparence de ces produits, au lieu de fonder cet examen sur la marque contestée telle qu’enregistrée, la chambre de recours avait tenu compte de caractéristiques substantiellement altérées de celle-ci. Le Tribunal a estimé que cette circonstance était constitutive d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

14      À la suite de l’arrêt du 21 juin 2017, Représentation de chevrons entre deux lignes parallèles (T‑20/16, EU:T:2017:410), l’affaire a été attribuée à la grande chambre de recours de l’EUIPO.

15      Par décision du 13 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la grande chambre de recours a, à nouveau, annulé la décision de la division d’annulation et a déclaré invalide la marque contestée pour défaut de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      En particulier, la grande chambre de recours a considéré, tout d’abord, que le public pertinent est composé de consommateurs moyens finaux des produits couverts par la marque contestée, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, et qu’il y avait lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée, au regard dudit public, dans la forme sous laquelle elle a été demandée et enregistrée (points 26 et 34 de la décision attaquée). À cet égard, la grande chambre de recours a observé, d’une part, que la comparaison entre la forme sous laquelle la marque contestée a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été utilisée est étrangère à l’appréciation du caractère distinctif de la marque en question dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (point 31 de la décision attaquée). D’autre part, l’appréciation du caractère distinctif d’une marque doit se fonder sur la perception qu’en a le consommateur lorsqu’il la voit accompagner les biens qu’elle désigne (point 32 de la décision attaquée). Ainsi la grande chambre de recours a tenu compte du fait que la marque contestée peut, telle que demandée et enregistrée, être appliquée sur la surface des produits qu’elle désigne, de façon à constituer une marque correspondant à l’apparence desdits produits. Toutefois, ce serait la forme figurant sur le registre des marques qui devait être prise en compte à cet égard, et non d’autres formes issues de diverses manières de représenter la répétition des chevrons horizontalement ou verticalement (points 35 à 46 de la décision attaquée).

17      Ensuite, la chambre de recours a considéré que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif en tant que figure géométrique simple, mais aussi en tant qu’élément décoratif sur une aiguille à tricoter ou un crochet à broder. Ainsi, la grande chambre de recours a estimé que la répétition des chevrons entre les deux lignes composant la marque contestée n’enlève pas la simplicité qui caractérise cette dernière et qui la prive de tout caractère distinctif. Le fait pour la requérante d’être la première entreprise à commercialiser des aiguilles à tricoter avec une surface ornementée ne changerait rien à cette appréciation. Il en serait de même de l’application de la marque contestée à la surface des produits qu’elle désigne, dans la version en noir et blanc sous laquelle elle a été demandée et enregistrée, sans les convexités et les concavités caractérisant l’apparence de ces produits. En effet, l’application de la marque contestée à la surface des aiguilles à tricoter ou des crochets à broder serait perçue comme purement ornementale, l’ornementation ne pouvant être perçue comme étant une caractéristique propre aux seuls produits de la requérante. Or, le caractère distinctif de la marque contestée serait à examiner dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, et non dans la forme sous laquelle elle est actuellement ou sera potentiellement utilisée. L’examen en question confirmerait la simplicité du motif géométrique qui constitue la marque contestée et l’absence de tout caractère distinctif de celle-ci au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (points 47 à 58 de la décision attaquée).

18      Dans ce contexte, la grande chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation en indiquant qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si la marque contestée tombait sous le coup de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 (points 62 et 63 de la décision attaquée).

19      Enfin, dès lors que la requérante avait fait valoir, devant la division d’annulation, que la marque contestée avait, en toute hypothèse, acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, la chambre de recours a renvoyé l’affaire à la division d’annulation afin que cette dernière se prononce sur cette question (points 59 à 61 et 64 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

21      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours principal ;

–        rejeter le recours incident comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme partiellement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens afférents au recours principal et l’intervenante aux dépens afférents au recours incident.

22      Dans le mémoire en réponse au recours principal et dans le recours incident, l’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours principal ;

–        déclarer que la marque contestée a été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ;

–        à titre subsidiaire, réformer la décision attaquée en ce sens que l’affaire soit renvoyée devant la division d’annulation pour que cette dernière statue sur le motif d’annulation tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 ;

–        condamner la requérante et l’EUIPO aux dépens afférents au recours principal et au recours incident, y compris ceux exposés devant la grande chambre de recours.

 En droit

23      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 15 février 2010, qui est déterminante pour l’identification du droit matériel applicable aux fins de l’examen d’une demande en nullité, la présente affaire est régie par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

24      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la grande chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par les parties aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions correspondantes du règlement no 207/2009.

25      Par ailleurs, dans la mesure où les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

26      À l’appui du recours principal, la requérante présente trois moyens, tirés de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et ayant trait à l’appréciation du caractère distinctif de la marque contestée.

27      L’intervenante, pour sa part, présente, à l’appui du recours incident, un moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

28      Il convient de relever à cet égard que les termes employés dans le mémoire en réponse ainsi que dans le recours incident, selon lesquels l’« intervenante proposée » formule les conclusions présentées au point 22 ci-dessus doivent être lus à la lumière du fait que le 10 juillet 2020, jour du dépôt du mémoire en réponse et du recours incident, a également été introduite une demande de substitution de l’intervenante par la société Crafts Group, LLC, qui a acquis l’actif de l’intervenante et était représentée par les mêmes avocats que l’intervenante. Cette demande de substitution a été rejetée par ordonnance de la présidente de la neuvième chambre du Tribunal, du 16 novembre 2020, conformément à l’article 174 du règlement de procédure. Il s’ensuit que ces termes ne sauraient être lus comme excluant que les avocats renseignés comme représentants dans le mémoire en réponse et le recours incident aient déposé ces mémoires également au nom de l’intervenante, qui les a d’ailleurs dûment mandaté aux fins de la présente affaire. Une lecture des termes en cause selon laquelle les avocats en question ont en effet agi également au nom de l’intervenante ressort par ailleurs du point 8 du mémoire en réponse et du recours incident ainsi que du point 12 de l’ordonnance du 16 novembre 2020, sans que la requérante ou l’EUIPO n’aient présenté d’observation en sens contraire à aucun stade de la procédure.

29      Il convient d’examiner en premier lieu le recours incident.

 Sur le recours incident

30      À l’appui du recours incident, l’intervenante fait valoir qu’il ne ressort pas avec clarté des points 43, 44 et 62 de la décision attaquée si la grande chambre de recours a rejeté la demande de nullité de la marque contestée en ce que celle-ci est fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

31      Selon l’intervenante, s’il devait être considéré que la chambre de recours a rejeté la demande de nullité en ce que celle-ci est fondée sur cette disposition, cette décision serait erronée, en raison de l’imprécision de la marque contestée appréciée à la lumière de la description dont elle est assortie, mentionnée au point 3 ci-dessus. En effet, l’enregistrement litigieux laisserait sans réponse la question de savoir si la « marque » qui est reproduite de manière répétitive consiste en un ou en plusieurs chevrons, de sorte que l’espacement entre les chevrons, qui constituerait un élément crucial, resterait incertain. En revanche, s’il devait être considéré que la grande chambre de recours n’a pas statué sur la demande en nullité en ce que celle-ci est fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la décision attaquée serait alors entachée d’une violation de formes substantielles ou d’un détournement de pouvoir, puisqu’elle aurait éliminé l’un des deux motifs sur lesquels repose la demande en nullité sans l’examiner et sans enjoindre à la division d’annulation de l’examiner.

32      Au demeurant, l’intervenante fait valoir, premièrement, qu’elle ne pouvait introduire de recours contre la première décision de la chambre de recours et, deuxièmement, que, en dépit du fait que la grande chambre de recours était saisie du motif de nullité tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, actuellement, il n’y aurait pas de décision de la chambre de recours statuant sur ledit motif et aucune des décisions adoptées jusqu’à présent ne saurait être considérée comme s’étant prononcée sur cette question de manière définitive.

 Sur la recevabilité

33      L’EUIPO fait valoir que les trois premiers chefs de conclusions du recours incident sont irrecevables.

34      Lors de l’audience, la requérante, qui, n’ayant pas déposé de mémoire en réponse au recours incident, a été invitée par le Tribunal à présenter ses observations sur celui-ci, a contesté sa recevabilité. En particulier, la requérante fait valoir qu’aucun des trois premiers chefs de conclusions dudit recours n’est recevable.

35      S’agissant du premier chef de conclusions du recours incident, tendant au rejet du recours principal, il y a lieu de constater que celui-ci est irrecevable. En effet, conformément à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les conclusions du recours incident ne peuvent tendre qu’à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée.

36      S’agissant des deuxième et troisième chefs de conclusions du recours incident, il convient de rappeler qu’une demande tendant à ce que le Tribunal adopte la décision que, selon une partie, la chambre de recours aurait dû prendre relève du pouvoir de réformation des décisions de la chambre de recours prévu à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 9 septembre 2011, Deutsche Bahn/OHMI – DSB (IC4), T‑274/09, non publié, EU:T:2011:451, point 22 et jurisprudence citée]. Or, selon l’article 64, paragraphe 5, de ce règlement, s’il résulte de l’examen de la demande en nullité que la marque de l’Union européenne aurait dû être refusée à l’enregistrement pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, la nullité de cette marque est déclarée pour les produits ou les services concernés. La chambre de recours pouvant exercer les compétences de la division d’annulation, conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, elle peut également déclarer la nullité de la marque contestée.

37      Il s’ensuit que le chef de conclusions de l’intervenante par lequel celle-ci demande au Tribunal de déclarer que la marque contestée a été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 tend à la réformation en ce sens de la décision attaquée et compte, dans cette mesure, parmi les conclusions pouvant être formulées conformément à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Cela étant, la question de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal peut accueillir cette demande sera examinée au point 76 ci-après.

38      Il en est de même du troisième chef de conclusions du recours incident, tendant, à titre subsidiaire, à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée en ce sens que l’affaire soit renvoyée devant la division d’annulation pour que cette dernière statue sur le motif d’annulation tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En effet, la chambre de recours dispose également de ce pouvoir en vertu de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

39      L’EUIPO fait valoir, en outre, que le grief pris de l’absence d’examen du motif de nullité tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 est également irrecevable. À cet égard, l’EUIPO expose que, dès lors que la première décision de la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 sans examiner explicitement le motif de nullité fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, mais en lui renvoyant l’affaire pour que ladite division examine si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, la chambre de recours avait, par sa première décision, implicitement mais nécessairement rejeté ledit motif de nullité.

40      Dans ces conditions, le fait pour l’intervenante de ne pas avoir introduit de recours, principal ou incident, contre la première décision de la chambre de recours en ce que celle-ci lui faisait grief entraînerait que le rejet du motif de nullité fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 est devenu définitif. Il s’ensuit, selon l’EUIPO, que les deuxième et troisième chefs de conclusions du recours incident sont également irrecevables.

41      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 4 du règlement no 207/2009 (devenu, après modification, article 4 du règlement 2017/1001) dispose :

« Peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »

42      Aux termes de l’article 7 du règlement no 207/2009 :

« 1.      Sont refusés à l’enregistrement :

a)      les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4 ;

b)      les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

[…]

3.      Le paragraphe 1, [sous] b), c) et d), n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. »

43      Il ressort de l’article 4 du règlement no 207/2009 qu’un signe peut constituer une marque de l’Union européenne s’il remplit les conditions énoncées dans cette disposition, dont celle d’être susceptible d’une représentation graphique. La représentation graphique d’une marque doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective (arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 44).

44      Si un signe est susceptible d’une représentation graphique au sens exposé au point 43 ci-dessus, il peut constituer une marque de l’Union européenne à la condition supplémentaire qu’il soit propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, c’est-à-dire qu’il soit pourvu d’un caractère distinctif.

45      Ainsi, selon l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les « marques » qui sont dépourvues de caractère distinctif.

46      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’un signe ne saurait être apprécié, aux fins de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, qu’une fois qu’il a été constaté que celui-ci constitue une marque au sens de l’article 4 du même règlement, à savoir à partir du moment où il a été constaté qu’il est susceptible d’une représentation graphique au sens exposé au point 43 ci-dessus.

47      Cette conclusion est confirmée par le fait que, selon l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, une marque peut acquérir un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, alors que ceci n’est pas possible pour un signe qui n’est pas susceptible d’une représentation graphique au sens de l’article 4 de ce règlement et qui est, par conséquent, refusé à l’enregistrement conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de celui-ci.

48      Par conséquent, lorsqu’une demande en nullité est fondée sur le fait que le signe en cause a été enregistré, d’une part, contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, à titre subsidiaire, contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, il est impératif d’examiner d’abord le premier de ces motifs avant d’apprécier, le cas échéant, si la marque est pourvue d’un caractère distinctif intrinsèque ou, le cas échéant, acquis par l’usage.

49      C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier la recevabilité du recours incident au regard des arguments de l’EUIPO exposés en substance aux points 39 et 40 ci-dessus.

50      Ainsi qu’il est exposé au point 2 de la décision attaquée, l’intervenante a soutenu, en tant que premier motif de nullité, que la marque contestée avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (voir point 6 ci-dessus). À cet égard, l’intervenante a fait valoir que l’image illustrant la marque contestée ne consiste pas en un dessin géométrique répétitif, contrairement à ce qui était indiqué dans la description textuelle dont elle était assortie dans la demande d’enregistrement, et que, si cette description devait être prise en compte dans son sens littéral, il pourrait en résulter une multitude de dessins géométriques différents. Il s’ensuivrait que la représentation graphique de la marque contestée ne permet pas aux autorités compétentes ni aux opérateurs concernés de percevoir avec certitude l’objet de la protection conférée par l’enregistrement de la marque contestée. À titre subsidiaire, l’intervenante a fait valoir que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle avait, dès lors, été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

51      Dans sa décision du 7 mai 2014, la division d’annulation a rejeté les deux motifs soulevés à l’appui de la demande en nullité (voir point 7 ci-dessus).

52      Le 14 juillet 2014 l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO mettant en cause l’appréciation de la division d’annulation relative à l’application tant de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 que de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de celui-ci. Dans ce contexte, l’intervenante a demandé à la chambre de recours de déclarer la nullité de la marque contestée sur le fondement, premièrement, de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et, deuxièmement, à titre subsidiaire, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (voir point 8 ci-dessus).

53      La chambre de recours a examiné uniquement le second motif de nullité invoqué dans ce recours et l’a accueilli. Elle a, ensuite, annulé la décision de la division d’annulation et renvoyé l’affaire à cette dernière aux fins de l’examen du caractère distinctif de la marque contestée au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, en indiquant qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le motif de nullité tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement (voir points 9 à 11 ci-dessus).

54      Ainsi que le fait valoir l’EUIPO, l’intervenante n’a pas introduit de recours, principal ou incident, contre la première décision de la chambre de recours en ce qui concerne le motif de nullité tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. À cet égard, contrairement à ce que fait valoir l’intervenante (voir point 32 ci-dessus), la première décision de la chambre de recours lui faisait grief en ce que celle-ci avait omis de statuer sur ledit motif et avait renvoyé l’affaire à la division d’annulation pour que cette dernière examine si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait.

55      Toutefois, le fait pour l’intervenante de ne pas avoir introduit de recours contre la première décision de la chambre de recours est dénué de pertinence, dès lors qu’il ne saurait être considéré que cette décision a tranché définitivement la question de savoir si la marque contestée a été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

56      En effet, premièrement, c’est la chambre de recours elle-même qui a indiqué, au point 37 de cette décision, que, eu égard au sort réservé au second motif de nullité, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’était pas nécessaire de statuer sur le premier motif de nullité, pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement. S’il est vrai que, comme le fait valoir l’EUIPO, l’examen du motif de nullité tiré de l’absence de caractère distinctif présuppose que la marque contestée remplit les conditions prévues à l’article 4 du règlement no 207/2009, il ne saurait toutefois en être déduit que la chambre de recours s’est prononcée sur le moyen principal de la demande de nullité de la marque contestée, fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En effet, la chambre de recours n’a consacré à cette question aucune partie du raisonnement ou du dispositif de sa décision, mais, au contraire, a expressément décidé de ne pas statuer sur celle-ci.

57      Deuxièmement, la première décision de la chambre de recours a été annulée dans son intégralité par l’arrêt du 21 juin 2017, Représentation de chevrons entre deux lignes parallèles (T‑20/16, EU:T:2017:410), de sorte qu’aucune question faisant partie de l’objet de la demande en nullité introduite devant l’EUIPO ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme ayant été définitivement tranchée par ladite décision de la chambre de recours.

58      Ces appréciations ont été, indirectement mais clairement, partagées par la grande chambre de recours, dans la mesure où celle-ci n’a pas considéré que la question de savoir si la marque contestée a été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 avait été définitivement tranchée. Bien au contraire, ainsi qu’il sera exposé plus en détail au point 63 ci-après, la grande chambre de recours a considéré qu’elle était saisie de cette question, mais a, elle aussi, expressément conclu qu’il n’était pas nécessaire de statuer sur celle-ci.

59      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, l’intervenante est recevable à présenter, à l’appui du recours incident, un moyen tiré de l’omission de la grande chambre de recours de statuer sur le motif de nullité pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

60      En outre, la requérante n’ayant pas soulevé de moyen concernant le motif de nullité pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, force est de constater que ledit motif de nullité constitue « un point non soulevé dans la requête » au sens de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par conséquent, ce point peut faire l’objet d’un recours incident.

 Sur le fond

61      Quant au fond du recours incident, l’EUIPO fait valoir que, ainsi qu’il ressortirait du point 43 de la décision attaquée, la grande chambre de recours a, en réalité, confirmé la décision de la division d’annulation du 7 mai 2014 en tant que cette dernière avait considéré que la marque contestée satisfaisait aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. Au demeurant, cette appréciation serait correcte, compte tenu du caractère clair et précis de la marque contestée.

62      Lors de l’audience, la requérante, pour sa part, a fait valoir, en substance, que le recours incident doit être rejeté en raison du fait que la marque contestée remplit les conditions prévues à l’article 4 du règlement no 207/2009.

63      Il y a lieu de relever d’emblée que le point 62 de la décision attaquée est ainsi libellé :

« La marque est dépourvue de caractère distinctif ; le motif de nullité s’applique à l’ensemble de l’[Union], [...]. Par conséquent, il convient de considérer que la marque est nulle en vertu de l’article [52], paragraphe 1, [sous] a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, [sous] b), du [règlement no 207/2009]. L’examen du motif de nullité fondé sur l’article 7, paragraphe 1, [sous] a), du [règlement no 207/2009] n’est pas nécessaire, étant donné qu’un seul des motifs suffit et que les deux motifs entraînent la même sanction juridique avec effet ex [t]unc (article [55], paragraphe 2, du règlement [no 207/2009]). »

64      Il ressort de ce point de la décision attaquée que, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, la grande chambre de recours ne s’est pas prononcée sur le motif de nullité pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. De surcroît, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, aucun point de la décision attaquée n’est consacré à l’examen de ce motif de nullité.

65      Certes, il est vrai que, au point 43 de la décision attaquée, la grande chambre de recours s’est référée aux arguments avancés par l’intervenante dans le cadre du motif de nullité pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, selon lesquels la direction dans laquelle se répètent les chevrons composant la marque contestée n’était pas clairement déterminée. Toutefois, ce point de la décision attaquée fait partie d’un ensemble d’appréciations exposées aux points 35 à 46 de celle-ci, qui sont consacrés à l’analyse du caractère distinctif de cette marque dans la mesure où celle-ci devait être appliquée à la surface des produits qu’elle désigne (voir point 16 ci-dessus). Il s’ensuit que l’analyse s’y rapportant concerne le second motif de nullité, pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ainsi que cela ressort d’ailleurs du titre précédant le point 17 de la décision attaquée.

66      Ainsi, au point 43 de la décision attaquée, la grande chambre de recours a seulement constaté que la marque contestée pouvait être appliquée telle qu’enregistrée sur les produits couverts par l’enregistrement et qu’il ne lui était pas permis de prendre en considération des chevrons supplémentaires par rapport à la représentation de cette marque lorsqu’elle appréciait son caractère distinctif en tant que marque appliquée à la surface des produits concernés.

67      Il s’ensuit que cette référence a été faite exclusivement dans le but de préciser quelle est l’apparence de la marque contestée lorsqu’elle est appliquée à la surface des produits qu’elle désigne, le tout dans le but d’examiner si cette apparence est pourvue d’un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

68      Par conséquent, la grande chambre de recours ne s’est pas prononcée sur le premier motif de nullité, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, qui était invoqué devant elle (voir point 52 ci-dessus).

69      Force est donc de constater que, ainsi que le soutient l’intervenante (voir point 32 ci-dessus), la grande chambre de recours a omis de statuer sur l’un des deux motifs sur lesquels repose la demande en nullité litigieuse. Or, compte tenu de la relation entre les articles 4 et 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une part, et l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, d’autre part (voir points 44 à 48 ci-dessus), la grande chambre de recours ne pouvait pas faire l’économie de l’examen du motif de nullité pris de l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement et renvoyer l’affaire devant la division d’annulation afin que celle-ci statue sur l’éventuelle acquisition d’un caractère distinctif par la marque contestée après l’usage qui en avait été fait, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 et à l’article 52, paragraphe 2, de celui-ci. En effet, si la grande chambre de recours avait examiné et accueilli le premier motif de nullité, pris de l’article 7, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, elle aurait, par suite, dû prononcer la nullité de la marque contestée, sans qu’il soit possible de renvoyer l’affaire devant la division d’annulation aux fins de l’examen de l’éventuelle acquisition d’un caractère distinctif par l’usage.

70      La grande chambre de recours a donc omis de statuer sur le recours formé contre la décision de la division d’annulation, pendant devant elle à la suite de l’annulation de la première décision de la chambre de recours, pour autant que ledit recours visait à la déclaration de nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

71      La grande chambre de recours a ainsi enfreint son obligation découlant de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, disposition procédurale applicable ratione temporis, selon laquelle, « [à] la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours ».

72      En effet, dès lors que l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 n’est pas applicable à un signe qui relève du paragraphe 1, sous a), de cet article, la méconnaissance de cette obligation peut avoir une incidence sur le contenu de la décision de la chambre de recours et est constitutive d’une violation de formes substantielles [voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2017, Nanu-Nana Joachim Hoepp/EUIPO – Fink (NANA FINK), T‑39/16, EU:T:2017:263, point 37].

73      Quant aux conséquences à tirer de l’illégalité constatée, il est, certes, vrai que le recours incident ne comporte que des chefs en réformation de la décision attaquée. Force est toutefois de constater que l’intervenante demande, implicitement mais nécessairement, non seulement la réformation, mais aussi, à défaut de réformation, l’annulation de cette dernière. Cette conclusion se déduit, au demeurant, de la nature même du moyen invoqué à l’appui du recours incident, par lequel l’intervenante, invoquant une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, fait valoir que cette violation est à la fois constitutive d’une violation des formes substantielles ainsi que d’un détournement de pouvoir [voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, EU:T:2014:89, point 16 et jurisprudence citée].

74      En particulier, ainsi qu’il ressort de l’article 72, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001, les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant le Tribunal pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité FUE, violation dudit règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir. Selon le paragraphe 3 du même article, à l’issue de l’examen d’un tel recours introduit devant lui, le Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée. Le pouvoir de réformer la décision attaquée devant le Tribunal présuppose donc qu’au moins un moyen examiné et accueilli dans le cadre du recours soit susceptible de donner lieu non seulement à l’annulation de celle-ci, mais, de surcroît, à l’adoption, par le Tribunal, de la décision que la chambre de recours aurait dû prendre.

75      En l’espèce, l’illégalité constatée aux points 69 à 72 ci-dessus dans le cadre du moyen présenté à l’appui du recours incident entache par principe la décision attaquée dans son intégralité. En effet, cette illégalité a pour effet d’invalider le choix de la grande chambre de recours d’examiner le motif de nullité tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 sans apprécier au préalable le bien-fondé du motif de nullité pris du point a) du même paragraphe.

76      Dans ce contexte, contrairement à ce que demande l’intervenante, il n’incombe pas au Tribunal de statuer lui-même directement, dans le cadre de son pouvoir de réformation, sur le motif de nullité pris de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En effet, bien que l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, disposition procédurale applicable ratione temporis, habilite le Tribunal à réformer les décisions des chambres de recours, cette possibilité est, en principe, limitée aux situations dans lesquelles l’affaire est en état d’être jugée. Le fait que la chambre de recours ait omis de statuer sur un chef de conclusions qu’elle aurait dû examiner exclut que l’affaire soit dans un tel état. Dans ce contexte, la réformation de la décision attaquée impliquerait que le Tribunal apprécie pour la première fois, sur le fond, l’applicabilité en l’espèce d’un motif de nullité sur lequel la chambre de recours a omis de statuer. Or, une telle appréciation n’entre pas dans le champ de compétence du Tribunal défini par l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 [arrêt du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL) (T‑85/07, EU:T:2008:186, point 28)].

77      Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit possible de soustraire de cette annulation le point 2 de son dispositif, constatant la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, comme l’a suggéré l’intervenante lors de l’audience.

78      Il convient également de rejeter comme non-fondé le troisième chef de conclusions du recours incident, visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée en ce sens que l’affaire soit renvoyée devant la division d’annulation pour que cette dernière statue sur le motif d’annulation tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En effet, l’omission de la grande chambre de recours de statuer sur ledit motif de nullité implique qu’il incombe à celle-ci, et non à la division d’annulation, d’entreprendre, après l’annulation de la décision attaquée par le Tribunal, l’examen s’y rapportant et de se prononcer à cet égard dans le cadre du recours dont elle sera à nouveau saisie, en tant que celui porte, notamment, sur la décision de ladite division quant à ce motif de nullité.

 Sur le recours principal

79      Force est de constater que l’annulation de la décision attaquée par suite du recours incident fait disparaître l’objet du litige tel que défini par le recours principal.

80      En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 26 ci-dessus, au soutien du recours principal, la requérante soulève trois moyens, tous tirés de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et ayant trait à l’appréciation du caractère distinctif de la marque contestée.

81      Or, eu égard à la relation entre les articles 4 et 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une part, et l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, d’autre part (voir points 44 à 48 ci-dessus), l’annulation de la décision attaquée en raison de l’omission de la grande chambre de recours de statuer sur le premier motif de nullité de la marque contestée entraîne l’annulation de cette décision en ce qui concerne l’application du second motif de nullité de ladite marque, pris de l’absence de caractère distinctif de celle-ci (voir points 75 à 77 ci-dessus). Partant, après avoir procédé à l’examen du premier motif de nullité invoqué par l’intervenante, il incombera le cas échéant à la chambre de recours, en fonction de la décision qu’elle aura adoptée quant audit motif, de statuer en outre sur le second motif de nullité.

82      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur le recours principal.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

84      La requérante et l’EUIPO ayant succombé en ce qui concerne le recours incident, il y a lieu de les condamner aux dépens de l’intervenante afférents audit recours, conformément aux conclusions de celle-ci.

85      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de l’EUIPO et de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant la grande chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, la demande de l’intervenante tendant à ce que l’EUIPO et la requérante soient condamnés aux dépens de la procédure devant la grande chambre de recours doit être accueillie s’agissant des dépens indispensables exposés par l’intervenante aux fins de cette procédure.

86      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de relever que chaque partie supportera ses propres dépens afférents au recours principal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la grande chambre de recours de l’EUIPO du 13 décembre 2019 (affaire R 2672/2017-G) est annulée.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal.

3)      M/S. Indeutsch International et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens de 135 Kirkstall, Inc., anciennement Crafts Americana Group, Inc., afférents au recours incident et à la procédure devant la chambre de recours.

4)      135 Kirkstall, anciennement Crafts Americana Group, supportera ses propres dépens afférents au recours principal.

Costeira

Gratsias

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.