Language of document : ECLI:EU:T:2005:83

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
8 mars 2005 (1)

« Anciens agents auxiliaires – Récupération des rémunérations indûment versées après la fin du contrat – Intérêts de retard – Recours en annulation – Motivation – Force majeure »

Dans l'affaire T-277/03,

Dionysia Vlachaki, épouse de Petros Eleftheriadis, demeurant à Polydroso Amarousiou (Grèce), représentée par MT. Sigalas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme I. Dimitriou et M. G. Wilms, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation ou de reformation partielle de la décision de la Commission C (2003) 738 final, du 25 mars 2003, relative à la récupération des rémunérations indûment versées à la requérante, ancien agent auxiliaire,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 20 janvier 2005,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Le règlement (Euratom, CECA, CE) n° 3418/93 de la Commission, du 9 décembre 1993, portant modalités d’exécution de certaines dispositions du règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 315, p. 1, ci-après le « règlement n° 3418/93 »), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 1687/2001 de la Commission, du 21 août 2001, (JO L 228, p. 8), prévoyait dans son article 45 :

« 1. […] toute créance constatée donne lieu à l’établissement par l’ordonnateur compétent d’un ordre de recouvrement, sans délai.

Cet ordre est soumis pour visa au contrôleur financier et est transmis au comptable pour enregistrement. Il comporte notamment la date d’échéance.

2. Le comptable procède au recouvrement […].

[…]

4. Au cas où une créance n’est pas recouvrée à l’échéance du délai prévu pour le paiement, le comptable fait diligence pour entamer la procédure de recouvrement, le cas échéant, par toute voie de droit.

[…] »

2
Les articles 92 à 96 du titre XIV, du règlement n° 3418/93, intitulé « [c]onditions de versement d’intérêts en cas de répétition de l’indu », étaient ainsi libellés :

« Article 92

Les dispositions du présent titre s’appliquent en cas de répétition de l’indu en faveur de la Communauté, sans préjudice des dispositions éventuellement prévues dans les actes de base sectoriels relatifs aux politiques communautaires.

Article 93

1. L’ordre de recouvrement […] comporte pour toute créance constatée, relative à la répétition d’un montant indûment versé, la fixation d’une date d’échéance.

2. Des délais supplémentaires pour le paiement ne peuvent être accordés, par le comptable, en liaison avec l’ordonnateur concerné, que sur demande écrite dûment motivée du débiteur à condition que le débiteur s’engage au paiement d’intérêts au taux prévu à l’article 94, pour toute la période du délai accordé à compter de la date d’échéance initiale.

3. En cas d’octroi de délais supplémentaires, le comptable peut, afin de mieux sauvegarder les droits de la Communauté, demander au débiteur le dépôt d’une sûreté couvrant la dette tant en principal qu’en intérêts.

Article 94

1. Toute créance, non remboursée à sa date d’échéance, porte intérêt selon les dispositions suivantes :

pour les créances libellées en écus: au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en écus, majoré d’un point et demi,

pour les créances libellées en monnaie nationale: au taux d’intérêt interbancaire vendeur à trois mois pour le marché concerné, majoré d’un point et demi.

2. Le taux d’intérêt applicable est celui en vigueur pendant le mois correspondant à celui de la date d’échéance.

3. Le montant des intérêts est calculé à partir de la date d’échéance, fixée dans l’ordre de recouvrement jusqu’au jour du remboursement intégrale de la dette.

Article 95

La comptable, en accord avec le contrôleur financier, peut renoncer au recouvrement des intérêts lorsque l’incidence financière en jeu − soit en raison du montant, soit du fait de la durée du retard − est minime par rapport au coût administratif de l’opération.

Article 96

Tout paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts de retard, déterminés selon les dispositions de l’article 94, et ensuite sur le principal. »

3
Le 25 juin 2002, le Conseil a adopté le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement n° 1605/2002 »), lequel a abrogé le règlement financier du 21 décembre 1977 (article 186) et est entré en vigueur, conformément à son article 187, à compter du 1er janvier 2003.

4
Le titre IV du règlement n° 1605/2002, relatif à l’exécution du budget, comporte un chapitre 5, intitulé, « [o]pérations de recettes » qui prévoit, notamment, dans les articles 71 et 72, ce qui suit :

« Section 3

Constatation des créances

Article 71

1. La constatation d’une créance est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué :

a)
vérifie l’existence des dettes du débiteur ;

b)
détermine ou vérifie la réalité et le montant de la dette ;

c)
vérifie les conditions d’exigibilité de la dette.

2. Les ressources propres mises à la disposition de la Commission ainsi que toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible doivent être constatées par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur, tous deux établis par l’ordonnateur compétent.

3. Les montants indûment payés sont recouvrés.

4. Les conditions dans lesquelles des intérêts de retard sont dûs aux Communautés sont précisées dans les modalités d’exécution.

Section 4

Ordonnancement des recouvrements

Article 72

1. L’ordonnancement des recouvrements est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué compétent donne au comptable, par l’émission d’un ordre de recouvrement, l’instruction de recouvrer une créance qu’il a constatée.

2. L’institution peut formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États dans une décision qui forme titre exécutoire au sens de l’article 256 du traité CE. »

5
Conformément à l’article 183 du règlement n° 1605/2002, la Commission a adopté, le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1, ci-après le « règlement n° 2342/2002 »). Le règlement n° 2342/2002 a abrogé le règlement n° 3418/93 (article 272) et est entré en vigueur à compter du 1er janvier 2003 (article 273).

6
Les articles 78 et 86 du règlement n° 2342/2002, prévoient, notamment, ce qui suit :

« Article 78

1. La constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit des Communautés sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette.

2. L’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur compétent donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée.

3. La note de débit est l’information donnée au débiteur que :

a)
les Communautés ont constaté cette créance ;

b)
le paiement de sa dette envers les Communautés est dû pour une certaine date (ci-après « date d’échéance ») ;

c)
à défaut de paiement à la date d’échéance, sa dette porte intérêts au taux visé à l’article 86, sans préjudice des dispositions réglementaires spécifiques applicables ;

[…]

Article 86

1. Sans préjudice des dispositions spécifiques découlant de l’application de la réglementation sectorielle, toute créance non remboursée à sa date d’échéance porte intérêt selon les paragraphes 2 et 3.

2. Le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date d’échéance est le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel des Communautés européennes, série C, en vigueur le premier jour calendrier du mois de l’échéance, majoré de :

a)
sept points de pourcentage lorsque la créance a pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visés au titre V;

b)
trois points et demi de pourcentage dans tous les autres cas.

3. Le montant des intérêts est calculé à partir du jour calendrier suivant la date d’échéance, figurant dans la note de débit, jusqu’au jour calendrier du remboursement intégral de la dette.

4. Tout paiement partiel est imputé d’abord sur les intérêts de retard, déterminés selon les dispositions des paragraphes 2 et 3. 

[…] »


Faits à l’origine du litige

7
La requérante, ancien agent auxiliaire de la Commission, avait été engagée le 16 novembre 1996 et son contrat, renouvelé à plusieurs reprises, a pris fin le 31 mars 1998.

8
D’avril à septembre 1998, la requérante a continué à percevoir sa rémunération, alors qu’elle n’était plus employée par la Commission en raison de l’expiration de son contrat.

9
Par note de débit du 4 novembre 1998 (ordre de recouvrement n° 98007128M), la requérante a été invitée à rembourser, avant le 4 janvier 1999, la somme de 531 768 francs belges (BEF) (13 128,18 euros), correspondant aux rémunérations qui lui avaient été indûment versées pour la période allant du 1er avril au 30 septembre 1998.

10
La requérante n’ayant pas répondu à cette invitation, un rappel lui a été adressé le 6 avril 1999 avec référence à l’ordre de recouvrement n° 98007128M susvisé. Le rappel attirait expressément l’attention de la requérante sur le fait que le non respect de la date d’échéance précitée pour l’exécution du paiement entraînerait des majorations et intérêts de retard.

11
Après avoir constaté qu’aucun versement de la somme exigée n’avait été effectué par la requérante jusqu’au 30 septembre 1999, par lettre recommandée datée du 1er octobre 1999, le comptable de la Commission lui a demandé d’acquitter cette somme au plus tard dans les 15 jours à compter de la réception de ladite lettre.

12
Ce courrier étant resté sans réponse, une nouvelle lettre recommandée, avec accusé de réception, datée du 8 mars 2000, valant lettre de mise en demeure, a été envoyée par le comptable de la Commission à la requérante le 9 mars 2000, reçue par celle-ci le 10 mars suivant. Cette lettre précisait qu’à défaut de versement de la somme due dans les 15 jours à dater de sa réception, la Commission poursuivrait, par toute voie de droit, la procédure d’exécution forcée à l’encontre de la requérante pour le recouvrement tant du principal que des intérêts.

13
Après avoir contacté par téléphone, le 13 mars 2000, le service de recouvrement des créances de la direction générale du budget, pour lui faire part des difficultés financières et familiales qui avaient empêché la requérante de s’acquitter de sa dette, M. Petros Eleftheriadis, conjoint de la requérante, par lettre du 20 mars 2000, reçue par la Commission le 23 mars suivant, a exprimé le désir de la requérante et de lui-même de rembourser la dette en question. Toutefois, compte tenu des difficultés rencontrées, M. Eleftheriadis demandait à la Commission d’accepter le remboursement de la somme due en plusieurs versements, à savoir 200 000 BEF à la fin du mois d’octobre 2000, 200 000 BEF à la fin du mois de novembre et le solde à la fin du mois de décembre de la même année.

14
En réponse au courrier précité, le comptable de la Commission a, par lettre recommandée du 28 mars 2000 adressée à la requérante et à son conjoint, accepté la proposition de remboursement échelonné de la dette, à condition que le plan de remboursement échelonné, susvisé, soit strictement respecté par la requérante.

15
Par télécopie du 23 novembre 2000, la Commission a attiré l’attention de la requérante sur le fait que les conditions du plan de remboursement échelonné, précité, de la somme due, n’avaient pas été respectées à cette date et l’a invitée à procéder immédiatement au versement, par virement bancaire, de deux premières tranches de la dette.

16
Tel n’ayant pas été le cas, une lettre recommandée avec accusé de réception et datée du 14 mars 2001 a été adressée à la requérante et son époux à leurs adresses à Bruxelles et en Crète, les invitant à verser le montant dû de 531 768 BEF le 10 avril 2001 au plus tard. Cette lettre indiquait clairement qu’à défaut de paiement dans le délai imparti, la Commission engagerait à leur encontre la procédure d’exécution forcée. Selon la Commission, les lettres en question ont été renvoyées par la poste avec la mention « absent ».

17
C’est dans ces circonstances que, le 25 mars 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 738 final, relative à la récupération des rémunérations indûment versées à la requérante, (ci-après « la décision attaquée ») qui lui a été notifiée le 23 juin 2003.

18
L’article premier de la décision attaquée est rédigé comme suit :

« [La requérante] […] est redevable de la somme de 13 182,18 euros.

Le principal de la dette est majoré :

des intérêts de retard d’un montant de 1 344,04 euros jusqu’au 10 avril 2001, soit un total 14 526,22 euros à la date précitée ;

des intérêts de retard d’un montant de 1 023,88 euros pour la période du 11 avril 2001 au 31 décembre 2002 ;

de 2,35 euros par jour de retard, à compter du 1erjanvier 2003 jusqu’au complet paiement de la dette. »

19
Selon l’article 3 de la décision attaquée « [d]ans le cas où le débiteur ne rembourserait pas sa dette sous quinzaine à compter de la réception de la présente décision […] une procédure en exécution forcée sera mise en œuvre à son encontre, sur la base de l’article 256, alinéa 2, CE ».

20
Le 11 juillet 2003, la requérante a versé à la Commission un montant de 2 000,00 euros.


Procédure et conclusions des parties

21
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juillet 2003, la requérante a introduit le présent recours.

22
Par versements successifs, effectués les 30 juillet 2003 (3 000,00 euros), 1er septembre 2003 (3 000,00 euros), 1er octobre 2003 (1 000,00 euros), 3 novembre 2003 (2 182,18 euros), 2 décembre 2003 (1 000,00 euros) et 22 décembre 2003 (1 000,00 euros), la requérante a finalement remboursé à la Commission, ainsi que celle-ci l’a confirmé lors de l’audience, la totalité de la somme correspondant à la dette au principal, soit 13 182,18 euros (531 768 BEF).

23
En application de l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire en l’espèce.

24
À la suite des élections des présidents de chambre prévues à l’article 15 du règlement de procédure du Tribunal et intervenues le 10 septembre 2004, le juge rapporteur a été affecté par décision du Tribunal du 13 septembre 2004, en qualité de président de chambre, à la cinquième chambre du Tribunal à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti. En revanche, la requérante n’a ni répondu ni fourni les documents réclamés dans le délai imparti mais elle a présenté, après l’expiration dudit délai, un mémoire contenant des observations quant au fond du litige qui n’a pas été versé au dossier comme tardif.

26
La Commission a été entendue en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 20 janvier 2005. La requérante ne s’est pas présentée à l’audience ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

27
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, annuler ou réformer la décision attaquée en supprimant l’article premier, second alinéa, pour que la partie requérante ne soit pas contrainte de verser à la partie défenderesse les majorations de la somme principale de la créance de la défenderesse qui y sont mentionnées et en particulier qu’elle ne soit pas obligée de verser au titre des intérêts moratoires et des majorations jusqu’au 23 juillet 2003, au total, la somme de 2 847,32 euros comprenant, aux termes de l’article premier de la décision attaquée, 1 344,04 euros dûs pour la période s’étendant jusqu’au 10 avril 2001, 1 023,88 euros dûs pour la période du 11 avril 2001 au 31 décembre 2002 et 479,40 euros pour la période du 1er janvier au 23 juillet 2003 (204 jours x 2,35 euros = 479,40 euros) ;

à titre subsidiaire, annuler ou réformer la décision attaquée en supprimant l’article premier, second alinéa, premier tiret, de cette décision pour que la partie requérante ne soit pas contrainte de verser à la partie défenderesse la somme de 1 344,04 euros ;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

28
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

« statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables ».


En droit

Observations liminaires sur l’objet et la nature du litige

29
À titre liminaire, il y a lieu de constater que les conclusions principale et subsidiaire du présent recours sont dirigées contre la décision attaquée en tant qu’elle exige seulement le paiement d’intérêts de retard. En revanche, la dette au principale correspondant aux rémunérations indûment versées, d’avril à septembre 1998, dont le remboursement est également exigé par la décision attaquée (article 1er, premier alinéa) n’est nullement contestée dans le cadre du recours. Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 20 et 22 ci-dessus, la requérante a remboursé à la Commission la totalité de la somme correspondant à la dette au principal (13 182,18 euros).

30
Ensuite, compte tenu du libellé tant de la conclusion principale que de la conclusion subsidiaire de la requête visant à annuler ou à reformer partiellement la décision attaquée, il convient de définir la nature du présent litige et, subséquemment, l’étendue du contrôle que le Tribunal est appelé à exercer dans le cadre de ce litige.

31
À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’abord, que, conformément à l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dans les litiges de caractère pécuniaire, le juge communautaire dispose d’une compétence de pleine juridiction.

32
Relèvent, notamment, de cette catégorie les litiges portant sur la récupération de l’indu (ou du trop-perçu) au sens de l’article 85 du statut (voir, arrêts du Tribunal du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑158/98, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1085 et E/Commission, T‑210/98, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1113).

33
Il convient de constater, ensuite, que les agents auxiliaires relèvent du champ d’application ratione personae du Régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »), conformément à son article 1er. En vertu de l’article 45 du RAA, « [l]es dispositions prévues à l’article 85 du statut concernant la répétition de l’indu sont applicables ».

34
Le Tribunal considère, toutefois, que ces dispositions ne sont pas applicables en l’espèce.

35
En effet, la décision attaquée est basée sur les dispositions pertinentes des règlements financiers applicables et des règlements établissant leurs modalités d’application, visés aux points 1 à 6 ci-dessus, et ne mentionne nullement, dans ses visas, les dispositions combinées des articles 85 et 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut et 45 du RAA.

36
Par ailleurs, il convient de relever que, lors de l’engagement de la procédure de recouvrement, de l’adoption et de la notification de la décision attaquée, la requérante n’avait aucun lien statutaire ou contractuel avec la Commission mais elle était un tiers à l’égard de cette dernière.

37
Enfin et surtout, les intérêts de retard dont le remboursement est contesté par le présent recours, ne découlent pas d’une créance afférente à la période où la requérante était employée en qualité d’agent auxiliaire à la Commission, mais des versements erronés des sommes correspondant à sa rémunération après la fin de son contrat.

38
Compte tenu de ces considérations, le présent recours doit être considéré comme un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, dans le cadre duquel le Tribunal exerce un contrôle de légalité de la décision attaquée, en l’absence d’une disposition lui conférant une compétence de pleine juridiction en la matière.

39
Il s’ensuit que les conclusions principale et subsidiaire de la requérante, en ce qu’elles visent à la reformation de la décision attaquée, doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la conclusion principale

40
À l’appui de sa conclusion principale, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’existence d’un cas de force majeure. Le deuxième est tiré d’une violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu. Le troisième est tiré du dépassement des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission pour infliger des majorations et des intérêts de retard et de la violation du principe d’estoppel.

Sur le premier moyen tiré de l’existence d’un cas de force majeure

Arguments des parties

41
La requérante fait valoir que l’incapacité de restituer la somme litigieuse est due à des causes indépendantes de sa volonté et à des obstacles insurmontables pour tout contractant normal, qu’elle ne serait pas en mesure d’empêcher même en prenant des mesures d’extrême prudence et diligence et qui sont, dès lors, constitutifs d’un cas de force majeure.

42
À cet égard, elle prétend, premièrement, que des membres de sa famille directe, à savoir son père et sa sœur, ont subi et affronté, pendant longtemps, une série de problèmes de santé d’une extrême gravité. Ces problèmes auraient contraint la requérante à mobiliser des moyens financiers ainsi qu’à apporter des soins et un soutient moral et matériel à ses proches. Les problèmes de santé de son père, auraient commencé en 1989 et son état se serait détérioré en 1997 ainsi qu’en attesteraient ses hospitalisations répétées jusqu’en juillet 2003. Ces problèmes auraient joué un rôle déterminant dans la décision de la requérante de déménager en Grèce et de s’engager avec son époux dans des activités commerciales. En effet, il serait impératif pour elle de se trouver très près de sa famille et de contribuer, également, à la couverture des dépenses médicales sans cesse croissantes de ses proches. Quant à sa sœur, elle n’aurait pas pu résister aux sérieux problèmes de santé auxquels elle aurait été confrontée depuis 1992, et serait décédée le 20 janvier 1995.

43
Deuxièmement, la requérante soutient que, par le biais d’un contrat de crédit-bail conclu le 18 janvier 2000 avec la société A.T.E LEASING SA, elle a investi 48 000 000 drachmes, dans une entreprise qu’elle a constituée avec son époux en Grèce dans l’île de Crète, à savoir la société en nom collectif « P. Eleftheriadis & Cie S.N.C ». Le terme du contrat de crédit-bail aurait été fixé au 29 février 2005 et le paiement fractionné en versements trimestriels. Toutefois, compte tenu du fait que l’activité de son entreprise n’aurait engendré pour les années 1999, 2000, 2001 et 2002 que des pertes, elle se serait trouvée dans l’obligation de demander de l’assistance à ses relations amicales et familiales. Ainsi, pour permettre la réduction du montant des versements à la société A.T.E. LEASING SA, la mère de la requérante aurait vendu un appartement à Athènes et un acompte de 17 700 000 drachmes aurait été versé à cette société. La vente en question aurait été réalisée avec le consentement de A.T.E. LEASING SA, puisque l’appartement en cause aurait déjà été hypothéqué pour le compte de cette société, en garantie de la créance qu’elle détenait sur la requérante au titre du contrat de crédit-bail.

44
Enfin, selon la requérante, en raison des sommes prêtées émanant d’A.T.E. LEASING AE et de l’hypothèque grevant l’ensemble de biens familiaux en garantie de cette dette, il était impossible de contracter un autre prêt pour rembourser la dette litigieuse.

45
La Commission soutient que, selon la jurisprudence, la notion de « force majeure » couvre des circonstances inhabituelles rendant impossible l’exécution de l’acte en cause. Même si elle ne présuppose pas une impossibilité absolue, elle exige, néanmoins, que la non réalisation du fait en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêts de la Cour du 5 février 1987, Denkavit/État belge, 145/85, Rec. p. 565, du 17 septembre 1987, Commission/Grèce, 70/86, Rec. p. 3545 et du 27 octobre 1987, Theodorakis/Grèce, 109/86, Rec. p. 4319). Or, les faits invoqués par la requérante ne seraient ni inhabituels, ni imprévus, ni inévitables, de sorte qu’ils ne sauraient être considérés comme des raisons de force majeure.

46
S’agissant, d’une part, des problèmes de santé des membres de la famille de la requérante, la Commission fait valoir que les problèmes de santé de son père existaient depuis 1989 et, dès lors, la détérioration de son état à partir de 1997 ne constitue nullement une évolution imprévue. Quant à la maladie et au décès de la sœur de la requérante, la Commission estime qu’ils sont sans incidence en l’espèce, puisque la requérante a commencé à travailler à la Commission longtemps après le décès de sa sœur, à savoir le 16 novembre 1996, et l’obligation de remboursement des salaires indûment versés avait pris naissance beaucoup plus tard, à savoir, en novembre 1998.

47
En ce qui concerne, d’autre part, l’absence de rentabilité de l’entreprise de la requérante et de son époux, la Commission fait valoir qu’elle ne saurait être qualifiée de force majeure, car l’exercice d’une activité commerciale comporte non seulement le risque de ne pas obtenir les bénéfices escomptés, mais aussi celui d’essuyer des pertes. Il s’agirait, en conséquence, d’un risque commercial habituel dans le cadre des transactions commerciales qu’un opérateur moyen doit prendre en compte avant de lancer une entreprise. En outre, l’absence de rentabilité ne saurait non plus être qualifiée de circonstance imprévisible et inévitable, puisque la requérante a commencé cette activité en 1999, à savoir après la naissance de sa dette envers la Commission.

Appréciation du Tribunal

48
Il convient de relever qu’aucune disposition du règlement financier du 21 décembre 1977 et du règlement n° 3418/93, tel que modifié par le règlement n° 1687/2001, ainsi que des règlements n° 1605/2002 et n° 2342/2002, ne prévoit la possibilité pour le débiteur d’une créance non remboursée à la date d’échéance d’invoquer l’existence d’un cas de force majeure afin de justifier le défaut de paiement dans le délai imparti.

49
Néanmoins, bien que la jurisprudence de la Cour et du Tribunal n’ait pas, jusqu’ici, explicitement reconnu l’existence d’un principe général de droit communautaire permettant d’invoquer la force majeure en l’absence de mention expresse d’une telle possibilité dans la réglementation applicable, la possibilité d’invoquer un cas de force majeure, alors même que la réglementation applicable ne la prévoit pas, a déjà été admise dans certaines situations par la jurisprudence (voir, notamment, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, APOL et AIPO/Commission, T‑61/00 et T‑62/00, Rec. p. II‑635, point 72 et la jurisprudence citée).

50
Dès lors, il y a lieu d’analyser si, au regard des critères dégagés par la jurisprudence dans des affaires où la réglementation applicable prévoyait la possibilité d’invoquer un cas de force majeure, les conditions d’existence d’un cas de force majeure étaient réunies en l’espèce.

51
À cet égard, il convient de rappeler que, même si la notion de force majeure ne présuppose pas une impossibilité absolue, elle exige, néanmoins, que l’absence de réalisation du fait en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Transafrica, C‑136/93, Rec. p. I‑5757, point 14, et du 17 octobre 2002, Parras Medina, C‑208/01, Rec. p. I‑8955, point 19 ; arrêt du Tribunal APOL et AIPO/Commission, précité, point 74 et la jurisprudence citée).

52
En l’espèce, aucune des circonstances invoquées par la requérante n’est étrangère, anormale et imprévisible au sens de la jurisprudence susvisée.

53
Tout d’abord, les problèmes de santé du père de la requérante qui l’auraient empêchée de rembourser sa dette, auraient commencé en 1989 et consisteraient à trois attaques cardiaques (1989, 1990, 1992) et à plusieurs hospitalisations, en Grèce et en Grande-Bretagne, consécutives à trois interventions et à des problèmes de mobilité et d’équilibre. Ces problèmes se seraient aggravés depuis septembre 1997 à la suite d’une lombalgie l’ayant forcé à l’alitement jusqu’en juillet 1998. Depuis juillet 1998, le père de la requérante serait soumis à une physiothérapie continue et serait de nouveau hospitalisé en Grèce, en août 2002, en raison d’un gonflement des pieds, et, en juillet 2003, pour deux semaines, en vue de subir les examens préparatoires nécessaires à une intervention pour traiter un carcinome de la peau.

54
Force est, toutefois, de constater que la requérante n’a fourni aucune pièce justificative des faits invoqués mais elle s’est limitée à annoncer, dans la requête, qu’ils « seront dûment étayés par les pièces produites à l’audience devant la Cour » à laquelle la requérante ne s’est même pas présentée.

55
En tout état de cause, les problèmes de santé du père de la requérante, susvisés, même à les supposer établis, ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un cas de force majeure. En effet, ainsi que la requérante elle-même l’affirme, les problèmes en question ont commencé en 1989, soit sept ans avant l’entrée en service de la requérante à la Commission. Or, compte tenu de la gravité de ces problèmes et, en général, de l’état déjà critique de la santé du père de la requérante, leur aggravation ultérieure alléguée est, ainsi que le relève à juste titre la Commission, loin d’être considérée comme une circonstance imprévisible au sens de la jurisprudence citée au point 51 ci-dessus.

56
Les mêmes considérations sont à fortiori valables s’agissant des problèmes de santé et du décès de la sœur de la requérante intervenu en janvier 1995, à savoir longtemps avant l’engagement de la requérante à la Commission, en novembre 1996, et la naissance de la dette litigieuse en novembre 1998. Dans ces conditions, les faits allégués sont dépourvus de toute pertinence en l’espèce.

57
En ce qui concerne, enfin, la situation financière déficitaire de l’entreprise de la requérante, en raison de laquelle cette dernière n’aurait pas pu s’acquitter de sa dette envers la Commission, il y a lieu d’observer que, en tout état de cause, une telle situation n’est ni anormale ni imprévisible. En effet, dans l’exercice d’une activité commerciale, les pertes subies par une entreprise relèvent du risque commercial normal qu’un opérateur économique moyen et normalement informé doit prendre en compte et ne pas exclure avant de lancer son entreprise.

58
Il résulte de ce qui précède que les circonstances, certes malheureuses, invoquées par la requérante ne sauraient être considérées comme constitutives d’un cas de force majeure.

59
Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen tiré d’une violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu

Arguments des parties

60
La requérante soutient que, même si la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation limité pour l’imposition, conformément à la réglementation applicable en l’espèce, d’intérêts moratoires et de majorations, elle aurait dû, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, permettre à la requérante de présenter ses observations en vue de fournir des explications et d’invoquer les raisons qui l’ont conduite à l’impossibilité absolue de rembourser la somme demandée.

61
La Commission rétorque, d’une part, que l’application ou le calcul d’intérêts de retard ne relève pas de son pouvoir discrétionnaire, mais est obligatoire aux termes de la législation communautaire applicable, à savoir l’article 94 du règlement n° 3418/93 et l’article 86 du règlement n° 2342/2002. L’imposition d’intérêts ne résulterait pas de l’exercice du prétendu pouvoir d’appréciation de la Commission, mais du seul retard imputable à la requérante.

62
D’autre part, elle soutient que la requérante n’a jamais contesté son obligation de rembourser à la Commission les salaires qui lui avaient été indûment versés. La requérante savait également, depuis la réception de la note de débit du 4 novembre 1998 jusqu’à l’adoption de la décision attaquée, qu’en tardant à s’acquitter de sa dette, elle s’exposerait à des intérêts de retard. Tout au long de cette période, la requérante aurait eu plusieurs fois l’occasion d’exposer son point de vue. Par ailleurs, dans sa lettre du 20 mars 2000 elle aurait reconnu sa dette et aurait proposé de la rembourser par des versements échelonnés.

63
Enfin, la décision attaquée n’aurait apporté aucun changement à la situation existante, en ce sens qu’elle n’aurait pas imposé à la requérante de nouvelles obligations exigeant qu’elle soit entendue préalablement à l’adoption de ladite décision. La décision attaquée viserait précisément à recouvrer une créance qui serait déjà certaine, liquidée et échue, dont l’intéressée aurait pris connaissance sans jamais la contester.

Appréciation du Tribunal

64
Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré même en l’absence d’une réglementation spécifique. Ce principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration, exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder ladite décision (voir, arrêt de la Cour du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C‑462/98 P, Rec. p. I‑7183, point 36 ; arrêts du Tribunal du 23 janvier 2002, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑5 et II‑15 et Rec p. II‑163, points 86, 90 et 100 et la jurisprudence citée, du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, points 30 et 31 et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 121).

65
En l’occurrence, la décision attaquée constitue un acte faisant grief à la requérante. En effet, par cette décision, la Commission exige de la requérante, d’une part, le remboursement des sommes afférentes aux rémunérations indûment versées par la Commission et, d’autre part, des intérêts de retard, objet du présent litige, du fait du non paiement de la dette principale à la date d’échéance.

66
Il convient donc de rechercher si, et dans quelle mesure, l’exigence prescrite par la jurisprudence citée ci-dessus a été satisfaite en l’espèce et ce, en l’absence d’une disposition expresse prévue à cette fin par la réglementation concernant la procédure en cause.

67
À cet égard, il convient de relever que la requérante n’a pas démontré que cette exigence n’a pas été respectée dans le cas d’espèce. En effet, non seulement elle a été informée par la Commission, à plusieurs reprises (voir, notamment, la correspondance citée aux points 10 et 12 ci-dessus), de son obligation de restituer la somme indûment perçue, sur la base de l’ordre de recouvrement n° 98007128M, et du risque qu’elle courait de voir sa dette majorée des intérêts de retard en cas de non paiement dans le délai prescrit, mais, en outre, elle a, dans sa lettre du 20 mars 2000 (citée au point 13 ci-dessus), proposé de restituer la somme due en trois versements mensuels. La requérante a pu donc prendre position sur les griefs invoqués par la Commission sans, par ailleurs, les contester. Cependant, alors que sa proposition avait été acceptée par la Commission, la requérante n’a pas procédé aux versements convenus malgré les rappels de la Commission et ceci, sans invoquer aucune raison précise justifiant le défaut de paiement.

68
Dans ces conditions, le grief de la requérante tiré de ce que la Commission aurait dû à nouveau, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, permettre à la requérante de présenter des observations et fournir des explications, doit être écarté, la décision attaquée n’ayant aucunement imposé des nouvelles obligations ni modifié la situation existante, déjà connue de la requérante, de manière à exiger qu’elle soit encore entendue avant l’adoption de ladite décision.

69
Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant également non fondé.

Sur le troisième moyen tiré du prétendu dépassement des limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission et de la violation du principe d’estoppel

Arguments des parties

70
La requérante prétend qu’en appliquant des majorations et des intérêts de retard à sa dette au principal, la Commission a outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire, car l’impossibilité pour la requérante de rembourser la dette en question en temps utile procéderait des raisons objectives et non d’une intention frauduleuse de détournement. En revanche, l’erreur aurait été détectée grâce à l’information par la requérante des services compétents de la Commission concernant le versement des rémunérations indues. En outre, compte tenu du fait que l’origine de la dette de la requérante serait due à la faute propre et, en particulier, à la négligence la plus grave des organes de contrôle de la Commission, cette dernière, conformément au principe d’estoppel, ne pourrait se prévaloir de ses propres actes ou négligences pour imposer à la requérante des intérêts de retard. Tel ne saurait être le cas qui si la Commission apportait la preuve d’une intention frauduleuse à l’origine du non remboursement des salaires indûs, hypothèse qui ferait défaut en l’espèce.

71
La Commission, après avoir rappelé que l’imposition d’intérêts de retard ne découle pas de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission, mais résulte de l’application d’actes contraignants, à savoir les règlements n° 3418/93 et n° 2342/2002, fait valoir que le fait d’exiger des intérêts n’a aucun lien avec le caractère fautif ou non du comportement du débiteur. En revanche, les intérêts seraient dûs dans tous les cas dans lesquels un retard serait constaté dans le respect d’une obligation de paiement d’une créance afin de prévenir l’enrichissement sans cause du débiteur au détriment du créancier.

72
Dans ces conditions, le fait que la dette de la requérante aurait résulté d’une erreur de services de la Commission serait sans effet sur la légitimité des intérêts de retard. En effet, ce serait l’absence de remboursement en temps utile, par la requérante, du montant indûment versé à celle-ci qui constituerait le fait générateur de l’application des intérêts de retard, et non les actes ou les omissions de la Commission. Par ailleurs, la Commission n’aurait jamais fourni à la requérante d’assurances précises quant à la non application d’intérêts de retard. Par conséquent, le grief de la requérante tiré d’une prétendue violation du principe d’estoppel ou du principe connexe de la confiance légitime serait dénoué de fondement.

Appréciation du Tribunal

73
Dans le cadre de ce moyen, la requérante reproche, en premier lieu, à la Commission d’avoir dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire en lui infligeant des majorations et des intérêts de retard.

74
Il convient de rappeler que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 3418/93, dont le contenu est analogue à celui de l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 2342/2002, « […] toute créance non remboursée à la date d’échéance porte intérêt […] ».

75
Il est constant, en l’espèce, qu’à la date d’échéance figurant sur la note de débit du 4 novembre 1998 mentionnant l’ordre de recouvrement n° 98007128M, à savoir le 4 janvier 1999, la requérante n’avait procédé à aucun versement afférent à sa dette envers la Commission. Dès lors, en exigeant, dans la décision attaquée, des intérêts de retard du fait de non paiement de la somme due, à la date d’échéance, la Commission a pleinement respecté l’obligation que lui imposent l’article 94, paragraphe 1, du règlement n° 3418/93 et l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 2342/2002. Partant, le présent grief est fondé sur une prémisse erronée et doit être rejeté.

76
S’agissant, en second lieu, du grief tiré d’une violation du principe d’estoppel, il convient également de le rejeter. En effet, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, l’imposition des intérêts de retard découle du non remboursement de la créance de la Commission par la requérante à la date d’échéance et non du fait des actes et omissions des services de la Commission concernant le versement indu de salaires à la requérante. Cette conclusion est corroborée par le fait que la requérante ne vise pas, dans le cadre du présent recours, l’annulation de la décision attaquée pour autant que celle-ci exige de sa part le remboursement des salaires indûment versés erronément ou par négligence, mais uniquement pour autant que cette décision lui inflige des intérêts de retard et des majorations.

77
Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du dossier, la Commission n’a jamais déclaré expressément que la requérante serait exonérée des intérêts de retard. Par conséquent, en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies la Commission, la requérante ne saurait valablement invoquer une violation de principe de protection de la confiance légitime en l’espèce.

78
Il s’ensuit que le second grief doit être rejeté comme non fondé ainsi que le troisième moyen dans son ensemble.

Sur la conclusion subsidiaire

79
Au soutien de sa conclusion subsidiaire, la requérante invoque deux moyens, tirés, premièrement, d’un défaut de motivation de la décision attaquée pour ce qui concerne le calcul et la base légale des intérêts exigés pour la période antérieure au 10 avril 2001, et, deuxièmement, de la renonciation implicite de la Commission à réclamer des intérêts de retard pour la période allant de la date d’échéance (4 janvier 1999) au 10 avril 2001.

Sur le premier moyen subsidiaire tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée pour ce qui concerne le calcul et la base légale des intérêts exigés pour la période antérieure au 10 avril 2001

Arguments des parties

80
La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation pour ce qui concerne les intérêts exigés pour la période allant du 4 janvier 1999 au 10 avril 2001. En effet, la décision attaquée ne ferait aucune mention du mode de calcul ou de la base légale sur lesquels reposerait le calcul des intérêts exigés pour cette période. L’absence de motivation de la décision attaquée sur ce point serait confirmée par son considérant 11, lequel aborderait exclusivement le calcul des intérêts de retard pour la seule période postérieure au 11 avril 2001.

81
La Commission fait valoir que, dans la mesure où l’objet de la décision attaquée est le recouvrement d’une dette exigible et le recouvrement consécutif des intérêts de retard, il n’y a pas d’obligation de motivation détaillée de cette décision. En effet, le non versement en temps utile des montants dûs serait un motif suffisant de recouvrement, étant donné que tous les éléments sur lesquels reposerait ledit recouvrement étaient déjà connus de la requérante. L’application d’intérêts ne nécessiterait pas de motivation particulière car elle résulterait de la constatation du retard de paiement et leur calcul découlerait des dispositions applicables du règlement financier et de son règlement d’exécution.

82
Quant au point 11 de la décision attaquée, invoqué par la requérante, la Commission soutient que son objectif n’était pas de motiver la décision attaquée mais de rappeler les dispositions concernant le taux servant de base au calcul des intérêts, étant donné que ce taux a été modifié avec le remplacement, à compter du 1er janvier 2003, du règlement n° 3418/93 par le règlement n° 2342/2002. Le considérant 3 de la décision attaquée mentionnerait, par ailleurs, explicitement la date d’échéance du 4 janvier 1999 et son dispositif énoncerait explicitement que les intérêts ont été calculés à compter de cette date.

Appréciation du Tribunal

83
Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19, du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63 et du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, Rec. p I‑9927, point 87).

84
En outre, lorsqu’une décision a été adoptée dans un contexte bien connu de l’intéressé, elle peut être motivée de manière sommaire (arrêts de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31 et arrêt Allemagne/Commission, précité, points 89 et 92).

85
En l’espèce, il ressort clairement de la décision attaquée et, notamment, des considérants 3, 6 et 11 ainsi que de l’article 1er de celle-ci que les intérêts de retard ont été calculés de manière à couvrir toute la période allant de la date d’échéance de la dette au principal (4 janvier 1999) jusqu’au paiement complet de la dette. Le taux et la méthode de calcul appliqués ont été ceux prévus, respectivement, par l’article 94 du règlement n° 3418/93, pour la période du 4 janvier 1999 au 31 décembre 2002, et par l’article 86 du règlement n° 2342/2002 pour la période postérieure à l’entrée en vigueur dudit règlement, soit le 1er janvier 2003. Le fait que le considérant 11 de la décision attaquée comporte une mention erronée en fait, en retenant comme point de départ de la première période la date du 11 avril 2001 et non pas la date d’échéance (4 janvier 1999), ne constitue pas un vice de forme susceptible de conduire à l’annulation de ladite décision, dès lors que les autres considérants de celle-ci fournissent une motivation suffisante en elle-même (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 162).

86
Il est, certes, vrai que, dans la décision attaquée (article 1er, second alinéa, premier et deuxième tirets), la Commission a procédé au calcul des intérêts de retard en subdivisant la première période (4/01/1999 − 31/12/2002) en deux parties, la première allant du 4 janvier 1999 au 10 avril 2001 et la seconde du 11 avril 2001 au 31 décembre 2002, sans fournir des explications précises. Toutefois, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, par laquelle elle a été invitée à expliquer la base et le mode de calcul des intérêts de retard pour la première période et à indiquer en détail quels seraient les résultats de ses calcul si elle n’avait pas procédé au découpage de cette période au 10 avril 2001, la Commission a affirmé que le découpage en question ne modifie nullement le mode de calcul des intérêts de retard afférent à l’ensemble de la première période. Il résulte également de cette réponse que, compte tenu du taux et du mode de calcul retenus en conformité avec l’article 94 du règlement n° 3418/93, le montant total des intérêts de retard afférents à la première période, calculés sans tenir compte du découpage de ladite période au 10 avril 2001, reste identique à celui fixé par l’article 1er de la décision attaquée, soit 2 367,92 euros (1 344,04 + 1 023,88 = 2 367,92).

87
Eu égard à ces considérations, aux règles juridiques régissant la matière et au contexte d’adoption de la décision attaquée, connu de la requérante, il convient de conclure que cette décision est suffisamment motivée. Par conséquent, le premier moyen subsidiaire, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée pour ce qui concerne les intérêts de retard exigés pour la première partie de la première période allant du 4 janvier 1999 au 10 avril 2001, doit être rejeté.

Sur le second moyen subsidiaire tiré de la renonciation implicite de la Commission à réclamer des intérêts de retard pour la période allant du 4 janvier 1999 au 10 avril 2001

Arguments des parties

88
La requérante soutient que, par sa lettre du 14 mars 2001, la Commission a renoncé de manière implicite aux intérêts dûs pour la période antérieure au 11 avril 2001, en ne réclamant pas le versement d’intérêts et en se réservant d’en exiger la perception seulement si la somme n’était pas versée dans le délai fixé, soit pour la période commençant le 11 avril 2001 et non pour la période antérieure.

89
La Commission rappelle, tout d’abord, que, conformément au règlement financier et à ses dispositions d’exécution, toute créance est constatée par l’ordre de recouvrement sur la base duquel est envoyée au débiteur une note de débit mentionnant, notamment, le montant de la créance (dette principale) et la date d’échéance. Ainsi, dans le cas d’espèce, l’exigence du remboursement des salaires indûment versés à la requérante serait fondée sur la note de débit précitée, avec échéance au 4 janvier 1999, ainsi que sur le rappel du 6 avril 1999, qui indiquait expressément que le non-paiement de la dette à la date d’échéance entraînerait des majorations et des intérêts de retard. La date du 10 avril 2001, mentionnée dans la lettre du 14 mars 2001, précitée, ne serait pas une date d’échéance au sens de la réglementation pertinente mais une date d’expiration du délai dans lequel le débiteur, déjà en retard, aurait été invité à s’acquitter de sa dette et à l’issue duquel la procédure de recouvrement forcé de la créance serait engagée.

90
Ensuite, elle considère que ni la lettre du 14 mars 2001 ni les lettres antérieures de la Commission ne constituent pas une nouvelle constatation ou liquidation de la créance. Ces lettres auraient pour seul objet de rappeler à la requérante sa dette et de l’inciter à la rembourser avant que la Commission ne procède à l’exécution forcée pour recouvrer sa créance. Il ne ressortirait nullement des lettres en question que la Commission aurait tacitement renoncé à sa prétention en ce qui concerne les intérêts pour la période du 5 janvier 1999 au 10 avril 2001.

91
Enfin, selon la Commission, la possibilité d’une renonciation tacite n’est pas prévue par la législation applicable. Mais même si la Commission, dans un ultime geste de bonne volonté à l’égard de la requérante et faisant preuve d’une extrême clémence, s’était contentée du versement de la dette principale, sans les intérêts de retard, avant le 10 avril 2001, cette possibilité n’aurait été donnée à la requérante que sous réserve du remboursement de la somme due avant le 10 avril 2001. Or, non seulement la requérante n’aurait pas remboursé sa dette dans le délai prescrit mais elle aurait fait preuve d’indifférence et de manque de coopération en ne communiquant pas sa nouvelle adresse à la Commission, qui la rechercherait en vain, par l’intermédiaire d’huissiers de justice, tant en Belgique, qu’en Grèce.

Appréciation du Tribunal

92
Il convient de relever que l’article 24 du règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (L 356, p. 1), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (EURATOM, CECA, CEE) n° 610/90 du Conseil du 13 mars 1990 (L 70, p. 1) et l’article 95 du règlement n° 3418/93 prévoyaient la possibilité d’une renonciation au recouvrement d’une créance constatée, dont définissaient les conditions et les modalités . Plus précisément, aux termes de l’article 95 du règlement n° 3418/93, « [l]e comptable, en accord avec le contrôleur financier, peut renoncer au recouvrement des intérêts lorsque l’incidence financière en jeu − soit en raison du montant, soit du fait de la durée du retard − est minime par rapport au coût administratif de l’opération ». Une telle possibilité est également prévue par l’article 73, paragraphe 2, du règlement n° 1605/2002, moyennant une décision motivée de l’ordonnateur compétent et dans le respect des autres conditions et modalités définies par l’article 87 du règlement n° 2342/2002.

93
En l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas renoncé au recouvrement des intérêts de retard dûs pour la période allant de la date d’échéance (4 janvier 1999) au 10 avril 2001, en vertu des dispositions précitées. Il est également constant que la requérante n’a ni demandé ni même invoqué l’application de ces dispositions. La requérante fait valoir, toutefois, que, par sa lettre du 14 mars 2001, précitée, la Commission a implicitement renoncé aux intérêts de retard afférents à la période antérieure au 10 avril 2001, dès lors que, dans cette lettre, elle se serait limitée à réclamer, avant cette date, le versement du montant correspondant à la créance au principal.

94
Cette argumentation ne saurait être retenue. D’une part, eu égard à son contenu, la lettre de la Commission du 14 mars 2001, susvisée, ne peut être interprétée comme une renonciation expresse au recouvrement des intérêts de retard en question, au sens de la réglementation applicable. D’autre part, cette réglementation ne prévoit pas, ainsi que la souligne à juste titre la Commission, la possibilité d’une renonciation tacite au recouvrement d’une créance constatée. En tout état de cause, à supposer même que cette lettre puisse être interprétée en ce sens qu’elle implique une renonciation tacite possible, comme le soutient la requérante, une telle interprétation ne saurait être admise qu’à condition que la requérante ait procédé au remboursement de la totalité de la dette principale réclamée avant l’expiration du délai imparti, soit avant le 10 avril 2001, ce qui n’a pas été le cas.

95
Par conséquent, il convient de rejeter le second moyen subsidiaire comme étant non fondé.

96
Compte tenu de ce qui précède, le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.


Sur les dépens

97
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Or, dans la présente affaire, la Commission a demandé au Tribunal de « statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables ». Cette conclusion ne saurait être considérée comme une demande tendant à la condamnation aux dépens de la requérante (voir, arrêts de la Cour du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, Rec. p. I‑3755, point 38 et du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a., C‑470/00 P, non encore publié au Recueil, point 86), étant rappelé que l’article 88 du règlement de procédure n’est pas applicable en l’espèce (voir, points 29 à 39 ci-dessus). Par conséquent, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Vilaras

Dehousse

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Vilaras


1
Langue de procédure : le grec.