Language of document : ECLI:EU:T:1998:39

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 février 1998 (1)

«Recours en annulation — Décisions du European Film Distribution Office (EFDO) — Instructions données par la Commission — Décisions imputables à la Commission — Programme d'action pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle européenne (MEDIA) — Financement de la distribution de films — Critères d'appréciation — Motivation»

Dans les affaires jointes T-369/94 et T-85/95,

DIR International Film Srl, société de droit italien, établie à Rome,

Nostradamus Enterprises Ltd, société de droit anglais, établie à Londres,

Union PN Srl, société de droit italien, établie à Rome,

United International Pictures BV, société de droit néerlandais, établie à Amsterdam,

United International Pictures AB, société de droit suédois, établie à Stockholm,

United International Pictures APS, société de droit danois, établie à Copenhague,

United International Pictures A/S, société de droit norvégien, établie à Oslo,

United International Pictures EPE, société de droit grec, établie à Athènes,

United International Pictures OY, société de droit finlandais, établie à Helsinki, et

United International Pictures y Cía SRC, société de droit espagnol, établie à Madrid,

représentées par Me Michel Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Berend Jan Drijber et Peter Oliver, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d'annulation, en premier lieu, des lettres du 12 septembre 1994 adressées par le European Film Distribution Office (EFDO) aux requérantes, par lesquelles il a déclaré ajourner la décision relative aux demandes d'octroi d'un prêt présentées par ces dernières dans le cadre du programme d'action pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle européenne (MEDIA) pour la distribution de deux films et/ou l'acte par lequel la Commission a donné instruction en ce sens à l'EFDO, et, en second lieu, de l'acte du 5 décembre 1994, par lequel l'EFDO a rejeté lesdites demandes de prêt et/ou l'acte par lequel la Commission a donné instruction en ce sens à l'EFDO,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 1er octobre 1997,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige

1.
    Le Conseil a adopté, le 21 décembre 1990, une décision 90/685/CEE concernant la mise en oeuvre d'un programme d'action pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle européenne (MEDIA) (1991-1995) (JO L 380, p. 37, ci-après «décision 90/685»), MEDIA étant l'acronyme de «mesures pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle». Il y constate, tout d'abord, que le renforcement de la capacité audiovisuelle de l'Europe a été considéré par le Conseil européen comme étant de la plus haute importance (premier considérant). Il précise, ensuite, avoir pris note de la communication de la Commission accompagnée de deux propositions de décision du Conseil, relatives à un programme d'action pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle européenne «MEDIA» 1991-1995 [COM(90) 132 final, du 4 mai 1990, non publiée au Journal officiel des Communautés européennes, ci-après «communication sur la politique audiovisuelle»] (huitième considérant). Il souligne, par ailleurs, que l'industrie audiovisuelle européenne devrait surmonter la fragmentation des marchés et adapter ses structures de production et de distribution, trop étroites et insuffisamment rentables (quatorzième considérant) et qu'il convient d'accorder, dans ce contexte, une attention particulière aux petites et moyennes entreprises (quinzième considérant).

2.
    L'article 2 de la décision 90/685 énumère les objectifs du programme MEDIA comme suit:

—    contribuer à créer un contexte favorable dans lequel les entreprises de la Communauté jouent un rôle moteur à côté de celles des autres pays européens,

—    stimuler et renforcer la capacité d'offre compétitive des produits audiovisuels européens en tenant compte notamment du rôle et des besoins des petites et moyennes entreprises, des intérêts légitimes de tous les professionnels participant à la création originale de ces produits et de la situation des pays à moindre capacité de production audiovisuelle et/ou à aire géographique et linguistique restreinte en Europe,

—    multiplier les échanges intra-européens de films et de programmes audiovisuels et exploiter au maximum les différents moyens de distribution existants ou à créer en Europe, en vue d'une plus grande rentabilité des investissements, d'une diffusion plus large et d'un impact public accru,

—    accroître la place des entreprises européennes de production et de distribution sur les marchés mondiaux,

—    favoriser l'accès aux nouvelles technologies, en particulier européennes, de la communication dans la production et la distribution d'oeuvres audiovisuelles, ainsi que l'utilisation de ces technologies,

—    favoriser une approche globale de l'audiovisuel permettant de prendre en compte l'interdépendance de ses différents secteurs,

—    assurer la complémentarité des efforts déployés au niveau européen par rapport à ceux entrepris au niveau national,

—    contribuer, en particulier par l'amélioration des compétences des professionnels de l'audiovisuel dans la Communauté en matière de gestion économique et commerciale, à créer, en liaison avec les institutions existant dans les états membres, les conditions permettant aux entreprises du secteur de tirer pleinement parti de la dimension du marché unique.

3.
    Par ailleurs, la Commission a constaté dans sa communication sur la politique audiovisuelle (p. 9) que le European Film Distribution Office — Europäisches Filmbüro eV (ci-après «EFDO»), association enregistrée à Hambourg (Allemagne), «contribue à créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national».

4.
    L'article 7, paragraphe 1, de la décision 90/685 dispose que la Commission est responsable de la mise en oeuvre du programme MEDIA. Selon le point 1.1. de l'annexe I à la décision 90/685, l'un des mécanismes à employer dans la mise en oeuvre du programme MEDIA est de développer de manière significative l'action entreprise par l'EFDO dans le soutien à la distribution transnationale de films européens dans les salles de cinéma.

5.
    Dans ce cadre, la Commission a conclu des accords avec l'EFDO, portant sur la mise en oeuvre financière du programme MEDIA. Une copie de l'accord pour l'année 1994, pertinente en l'espèce, a été versée au dossier (ci-après «accord de 1994»).

6.
    L'article 3, paragraphe 2, dudit accord fait référence aux modalités de collaboration décrites en annexe 3, qui font partie intégrante de l'accord. Ces modalités de collaboration ont également été versées au dossier par la Commission. Elles prévoient notamment l'obtention d'un accord préalable des représentants de la Commission lorsqu'il s'agit de toute question affectant la mise en oeuvre du programme MEDIA et notamment lorsqu'il s'agit «de façon générale, de toute négociation susceptible d'avoir des répercussions sur les relations entre la Commission et des pouvoirs politiques et/ou des organisations professionnelles» (paragraphe 1, sous g).

7.
    Le fonctionnement de l'EFDO est en outre soumis aux lignes directrices adoptées par lui-même et approuvées, de manière non précisée, par la Commission. La

version du 15 février 1994 desdites lignes directrices a également été versée au dossier. Selon ces lignes directrices, l'EFDO gère un fonds qui accorde à des distributeurs de films des prêts à hauteur de 50 % des coûts prévisionnels de distribution, sans intérêts et remboursables seulement si le film amortit les coûts prévisionnels dans le pays pour lequel le prêt est accordé. Le prêt sert à réduire le risque relatif à la distribution de films et aide à assurer l'exploitation de films qui, en l'absence d'un tel financement, auraient peu de chance d'être diffusés en salle. Les décisions sur les demandes de prêt sont prises par le comité de sélection de l'EFDO.

8.
    Le point VI.2, de ces lignes directrices prévoit que le comité de sélection de l'EFDO examine les demandes, après une date limite annoncée dans des publications spécialisées, et accorde des prêts aux projets éligibles jusqu'à épuisement des fonds.

9.
    La Commission a expliqué dans ses réponses aux questions écrites qui lui ont été posées par le Tribunal que, peu de temps avant chaque réunion du comité de sélection de l'EFDO, les services de la Commission étaient informés par ce dernier de toutes les demandes déposées et, après avoir examiné la compatibilité de ces demandes avec «les conditions fixées (par exemple, aspects budgétaires, ou éligibilité des distributeurs des pays d'Europe orientale)», les responsables de la Commission «faisaient en général connaître leur point de vue à l'EFDO plutôt oralement que par écrit».

10.
    Le point III.1, sous a), des lignes directrices impose, notamment, aux demandeurs de concours de l'EFDO les conditions suivantes:

«Au moins trois distributeurs différents représentant au moins trois pays différents de l'Union [européenne], ou des pays avec lesquels des contrats de coopération ont été passés, doivent se mettre d'accord pour exploiter un film en salles. Tous les distributeurs concernés doivent faire parvenir leurs demandes pour la même date limite.»

11.
    Les lignes directrices prévoient en outre un ordre de priorité dans la sélection des projets de distribution (point VI.1):

«1re priorité

Les projets de distribution (films) qui réunissent le plus grand nombre de distributeurs, c'est-à-dire qui garantissent une distribution dans le plus grand nombre de pays, ont la priorité sur les projets qui réunissent moins de distributeurs/pays.

2e priorité

Les projets (films) des pays considérés comme 'difficiles‘ au niveau de l'exportation ont la priorité sur les projets de tous les autres pays. Après évaluation de la phase pilote de l'EFDO et conformément à la décision du comité directeur, sont considérés comme 'difficiles‘ au niveau de l'exportation tous les pays de l'Union européenne [...] à l'exception de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne [...].

3e priorité

En cas de projets pareillement éligibles au regard des critères précédents, la préférence sera accordée aux films de pays n'ayant pas encore bénéficié du fonds de soutien ou aux films de pays en ayant le moins souvent bénéficié.

4e priorité

Si des critères supplémentaires sont nécessaires, la préférence sera accordée aux projets qui en raison de leur concept de distribution semblent avoir le plus de chances de succès lors de leur sortie en salles.»

12.
    Le point VI.3, des lignes directrices permet, enfin, un rejet d'une demande de concours sans motivation si l'EFDO a connaissance, directement ou indirectement,de tout fait laissant à penser que le prêt ne sera pas ou ne pourra pas être dûment remboursé.

13.
    La première et la troisième requérantes, DIR International Film Srl et Union PN Srl, sont les producteurs du film italien «Maniaci Sentimentali» et la deuxième requérante, Nostradamus Enterprises Ltd, est le producteur du film «Nostradamus», une coproduction anglo-allemande. La quatrième requérante, United International Pictures BV (ci-après «UIP»), une filiale commune des sociétés Paramount Communications Inc. (une société américaine), MCA Inc. (une société japonaise) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc. (une société française), dans laquelle elles étaient associées à parts égales à la date d'introduction des recours, a pour activité principale la distribution de longs métrages à travers le monde, exception faite des États-Unis, de Porto Rico et du Canada. Les cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes, United International Pictures AB (Suède), United International Pictures APS (Danemark), United International Pictures A/S (Norvège), United International Pictures EPE (Grèce), United International Pictures OY (Finlande), et United International Pictures y Cía SRC (Espagne), sont des filiales de UIP et font office de distributeurs locaux dans leur pays respectif (ci-après «filiales»).

14.
    Le 28 juillet 1994, à la demande des producteurs du film «Maniaci Sentimentali», UIP a envoyé à l'EFDO des demandes de financement pour la distribution dudit film en Norvège, Finlande, Suède, Danemark, Grèce et Espagne par ses filiales respectives (et pour le compte de Filmes Lusomundo SARL, une société sans liens avec UIP, pour le Portugal).

15.
    A la même date, à la demande du producteur du film «Nostradamus», UIP a adressé à l'EFDO une demande de financement pour la distribution dudit film en Norvège, Finlande, Suède et Danemark par ses filiales respectives.

16.
    Il ressort de la correspondance entre l'EFDO et la Commission, versée au dossier à la demande du Tribunal, que la Commission, par une télécopie datée du 7 septembre 1994, s'est opposée à ce que l'EFDO prenne une décision sur les demandes de financement déposées par les filiales de UIP avant qu'elle ne se soit prononcée sur la demande de renouvellement d'exemption introduite par UIP. Par une autre télécopie en date du même jour, la Commission a de nouveau demandé à l'EFDO «de ne pas se prononcer [ce jour-là] sur ces candidatures et de les maintenir en suspens en attendant que la Commission ait pris une décision définitive sur le dossier UIP qu'elle instrui[sait]» alors.

17.
    Le 12 septembre 1994, les filiales de UIP ont reçu par télécopie des lettres de l'EFDO indiquant que «[l]e comité de l'EFDO [avait] ajourné sa décision relative à [leur] demande concernant les films ”Nostradamus” et ”Maniaci Sentimentali” [...] jusqu'à ce que la Commission européenne ait pris sa décision générale sur le statut de [UIP] en Europe» (ci-après «lettres litigieuses»). La décision générale susvisée était, d'après les parties, celle que la Commission devait prendre au sujet de la demande de UIP de renouvellement de l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE, de l'accord de filiale commune entre ses trois sociétés mères prévoyant sa création et d'accords connexes concernant principalement la production et la distribution de films de fiction de long métrage. L'exemption accordée par décision de la Commission 89/467/CEE, du 12 juillet 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/30.566 — UIP) était valable jusqu'au 26 juillet 1993 (JO L 226, p. 25, ci-après «décision 89/467»).

18.
    A la suite de la réception des lettres litigieuses, les quatre premières requérantes ont pris contact avec des représentants de l'EFDO et de la Commission afin de marquer leur désaccord et d'obtenir certains renseignements et documents et afin que les demandes soient réexaminées. Les représentants de UIP ont également contacté le membre de la Commission en charge, entre autres, des questions culturelles, M. J. de Deus Pinheiro, afin de lui demander d'intervenir pour que les demandes soient reconsidérées. Ayant été informé que le dossier avait été transmis à la direction générale de la concurrence, le conseil de UIP a en outre écrit au membre de la Commission en charge des questions de concurrence, M. K. Van Miert en lui demandant certaines informations. Celui-ci a souligné dans sa réponse qu'il n'y avait aucun lien entre la procédure relative à la demande de UIP de renouvellement de son exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité et la procédure relative à l'octroi de subventions par l'EFDO. La Commission a expliqué, à l'audience, que cette affirmation de M. Van Miert signifiait uniquement que UIP ne saurait en aucun cas invoquer une décision de l'EFDO lui octroyant un prêt afin de justifier sa demande de renouvellement d'exemption.

19.
    Ces contacts n'ayant pas abouti au résultat souhaité, les requérantes ont, le 16 novembre 1994, intenté un recours à l'encontre des lettres litigieuses.

20.
    Le 5 décembre 1994, le comité de l'EFDO, «à la suite des protestations de UIP», a examiné les demandes de financement susvisées et décidé de les rejeter. Cette décision a été communiqué à UIP par lettre de l'EFDO datée du 10 janvier 1995 (ci-après «décision litigieuse»).

21.
    Il ressort de la correspondance entre l'EFDO et la Commission, versée au dossier par la Commission à la demande du Tribunal, que la Commission, à une date non précisée, avait proposé à l'EFDO de rejeter les demandes des requérantes au motif qu'elles n'étaient pas éligibles parce que plusieurs filiales d'une même société de distribution ne constituaient pas des «distributeurs différents» au sens des lignes directrices de l'EFDO.

22.
    Selon la décision litigieuse, rédigée par les services de l'EFDO, les demandes ont été rejetées parce que «la Commission de l'Union européenne n'avait pas encore décidé du futur statut de UIP en Europe. Comme les contrats de prêt de l'EFDO sont fondés sur une période de cinq années de diffusion en salles des films bénéficiant de l'aide, il était impossible de prendre une autre décision afin de ne pas interférer avec la procédure juridique entamée par UIP à l'encontre de la Commission de l'Union européenne. En outre, le comité de l'EFDO pense que UIP ne satisfait pas pleinement aux objectifs du programme MEDIA tels qu'ils sont décrits ci-dessous: '[...] créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national‘ (programme d'action en vue de promouvoir le développement de l'industrie audiovisuelle européenne 'MEDIA‘ 1991-1995)».

Procédure et conclusions des parties

Dans l'affaire T-369/94

23.
    C'est dans ces circonstances que les parties requérantes ont, par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 1994, introduit un recours ayant pour objet principal une demande d'annulation des lettres litigieuses et/ou de l'acte par lequel la Commission a donné instruction à l'EFDO de prendre ces décisions. Ce recours a été enregistré sous le numéro T-369/94.

24.
    La Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 1995.

25.
    Les parties requérantes ont présenté leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité le 5 avril 1995.

26.
    Elles ont également demandé à plusieurs reprises que le Tribunal prenne certaines mesures d'organisation de la procédure.

27.
    Le 3 mai 1995, les requérantes, qui n'avaient pas encore eu la possibilité de se prononcer sur l'annexe 3 à l'accord de 1994 (voir ci-dessus point 6), déposée par la Commission postérieurement aux observations qu'elles avaient présentées sur l'exception d'irrecevabilité, ont demandé l'autorisation de déposer un mémoire d'observations complémentaires, joint à la demande. Le président du Tribunal a décidé que le mémoire devait être versé au dossier et signifié à la partie adverse.

28.
    Par ordonnance du Tribunal du 7 novembre 1995, la demande de statuer sur l'exception d'irrecevabilité a été jointe au fond.

29.
    La procédure écrite a suivi un cours régulier et s'est achevée à la date du dépôt du mémoire en duplique, le 12 juillet 1996.

30.
    Les requérantes concluent dans leur requête, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler les lettres litigieuses et/ou l'acte par lequel la Commission a donné instruction à l'EFDO de prendre ces décisions;

—    condamner la Commission aux dépens.

31.
    Les requérantes ont, dans leurs réponses aux questions écrites posées par le Tribunal, abandonné leurs conclusions tendant à l'annulation des instructions données à l'EFDO par la Commission.

32.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable;

—    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé;

—    dans les deux hypothèses, condamner les requérantes aux dépens.

33.
    Enfin, la Commission demande au Tribunal, de tenir compte, dans sa décision sur les dépens, de l'attitude des requérantes qui ont poursuivi leur action en dépit du fait qu'elle soit sans objet depuis juin 1995.

Dans l'affaire T-85/95

34.
    Les parties requérantes ont, par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 1995, introduit un recours à l'encontre de la décision litigieuse et/ou de l'acte par lequel la Commission a donné instruction à l'EFDO d'adopter cette décision. Ce recours a été enregistré sous le numéro T-85/95.

35.
    Elles ont également demandé que le Tribunal prenne certaines mesures d'organisation de la procédure.

36.
    La procédure écrite a suivi un cours régulier et s'est achevée à la date du dépôt du mémoire en duplique, le 21 décembre 1995.

37.
    Les requérantes concluent dans leur requête à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision litigieuse et/ou l'acte par lequel la Commission a donné instruction à l'EFDO d'adopter cet acte;

—    condamner la Commission aux dépens.

38.
    Les requérantes ont, dans leurs réponses aux questions écrites posées par le Tribunal, abandonné leurs conclusions tendant à l'annulation des instructions données à l'EFDO par la Commission.

39.
    La Commission conclut, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—    condamner les requérantes aux dépens.

Jonction des affaires

40.
    Par lettre du 22 juin 1995, la Commission a indiqué au Tribunal qu'elle reconnaissait la recevabilité du recours dans l'affaire T-85/95, tout en contestant toujours la recevabilité du recours dans l'affaire T-369/94 et en suggérant aux parties requérantes d'y renoncer.

41.
    Le 13 juillet 1995, les requérantes ont écrit au Tribunal en prenant position sur la lettre susmentionnée de la Commission. Au lieu de se désister, elles ont demandé la jonction des deux affaires.

42.
    La Commission a rétorqué, par lettre du 25 juillet 1995, qu'elle ne voyait pas l'utilité pour les requérantes de maintenir le premier recours, mais elle ne s'est pas opposée expressément à la demande de jonction.

43.
    Par ordonnance du 13 mai 1997, le président du Tribunal a décidé la jonction des affaires T-369/94 et T-85/95 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

Audience publique

44.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience publique qui s'est déroulée le 1er octobre 1997.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

45.
    La Commission reconnaît que les décisions prises par l'EFDO dans le cadre de la mise en oeuvre financière du programme MEDIA lui sont imputables. Elle estime, en effet, que ses relations avec les organismes privés qui l'assistent, sur une base contractuelle, dans la mise en oeuvre du programme MEDIA doivent garantir que le pouvoir de statuer sur les demandes de soutien financier demeure une prérogative de la Commission. Elle relève, en outre, qu'un système décentralisé de prise de décision et de contrôle juridictionnel peut être considéré comme contraire au caractère communautaire du programme MEDIA.

46.
    Toutefois, elle soutient que le recours dans l'affaire T-369/94 est néanmoins irrecevable, au motif que les lettres litigieuses n'ont qu'un caractère provisoire. En effet, les termes mêmes des lettres litigieuses indiqueraient clairement que la décision avait seulement été ajournée. Dans ces circonstances, ces lettres ne constitueraient pas des actes annulables au sens de l'article 173 du traité.

47.
    La Commission ajoute que l'annonce selon laquelle la décision avait été ajournée ne saurait être interprétée comme un rejet implicite en l'absence de règles fixant un délai pour qu'une décision soit prise.

48.
    Les requérantes font valoir, en premier lieu, que les lettres litigieuses soit leur ont été adressées, soit les concernent directement et individuellement.

49.
    Elles estiment, en second lieu, que les lettres litigieuses constituent en réalité un rejet des demandes de financement de l'EFDO, étant donné qu'un laps de temps considérable peut s'écouler avant qu'une décision sur la demande de UIP de renouvellement de son exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne soit prise par la Commission et que l'ajournement de la sortie des deux films concernés jusqu'à cette date leur ferait perdre pratiquement toute valeur marchande. En effet, l'ajournement sine die des projets de sortie des films ainsi que de publicité et de promotion ne serait en aucune manière une option commercialement réaliste.

50.
    A l'audience les requérantes ont encore soutenu que les lettres litigieuses étaient des actes susceptibles de recours et que la décision litigieuse adoptée postérieurement n'était qu'un acte confirmatif.

51.
    La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours dans l'affaire T-85/95.

Appréciation du Tribunal

52.
    Le Tribunal relève, tout d'abord que, selon l'article 7, paragraphe 1, de la décision 90/685, la Commission est responsable de la mise en oeuvre du programme MEDIA. En outre, il découle de l'arrêt de la Cour du 13 juin 1958, Meroni/Haute autorité (9/56, Rec. p. 9, 47), qu'aucune délégation de pouvoir assortie d'une liberté d'appréciation impliquant un large pouvoir discrétionnaire n'est admissible.

Conformément à ces principes, l'accord pertinent entre la Commission et l'EFDO sur la mise en oeuvre financière du programme MEDIA (voir ci-dessus points 5 et 6) subordonne, en pratique, toute décision prise dans ce cadre à un accord préalable des représentants de la Commission. A cet égard, cette dernière a expliqué que, avant chaque réunion du comité de sélection de l'EFDO, les services de la Commission étaient informés par celui-ci de toutes les demandes déposées et que, après examen desdites demandes, les responsables de la Commission lui faisaient connaître leur point de vue (voir ci-dessus point 9).

53.
    Le Tribunal estime, sur la base des considérations qui précèdent, que les décisions prises par l'EFDO sur les demandes de financement déposées dans le cadre du programme MEDIA sont imputables à la Commission, laquelle est, de ce fait, responsable de leur contenu et peut être citée en justice pour les défendre.

54.
    En l'occurrence, la Commission a déterminé, pour l'essentiel, le contenu des lettres et de la décision litigieuses, même si la motivation de cette dernière n'est pas exactement calquée sur le libellé proposé par la Commission.

55.
    Le Tribunal considère, par conséquent, que les lettres et la décision litigieuses peuvent, en principe, faire l'objet d'un recours dirigé contre la Commission devant le juge communautaire.

56.
    Il appartient encore au Tribunal d'examiner si, compte tenu des circonstances de l'espèce, les requérantes ont un intérêt à agir, d'une part, et ont qualité pour agir, d'autre part.

57.
    Le Tribunal constate, tout d'abord, que le recours dans l'affaire T-369/94 est dirigé à titre principal contre les lettres litigieuses et que, à supposer que ces dernières soient annulées, les seules mesures susceptibles d'être adoptées en exécution de l'arrêt, conformément à l'article 176 du traité, seraient des décisions définitives sur les demandes de financement déposées par les requérantes. Or ces décisions ont été prises postérieurement à l'introduction dudit recours et font l'objet du recours dans l'affaire T-85/95. Un arrêt du Tribunal annulant les lettres litigieuses ne pourrait donc donner lieu aux mesures d'exécution visées par l'article 176 du traité, de sorte que les requérantes ne conservent aucun intérêt à obtenir l'annulation desdits actes.

58.
    Par conséquent, le recours dans l'affaire T-369/94 est devenu sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer.

59.
    Le Tribunal constate, par ailleurs, que la décision litigieuse dans le cadre du recours T-85/95 a été adressée aux filiales de UIP pour lesquelles les demandes de financement avaient été déposées, à savoir les cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes. Ces dernières ont donc qualité pour agir en tant que destinataires de la décision litigieuse.

60.
    Le Tribunal constate, enfin, que les première, deuxième et troisième requérantes sont les producteurs des films candidats à un financement de l'EFDO. Elles font valoir, sans que la Commission le conteste, qu'un prêt de l'EFDO avance la date à laquelle les frais de distribution sont récupérés et, par conséquent, la date à laquelle le producteur perçoit une redevance. La quatrième requérante, UIP, avait acquis les droits d'exploitation des films concernés en salles, qu'elle a ensuite transférés à ses filiales établies dans les pays où leur distribution était respectivement envisagée. C'est par ailleurs UIP qui avait transmis les demandes de financement de ses filiales à l'EFDO, pour le compte de ces dernières et, selon ses dires, à la demande du producteur concerné. Dans ces circonstances, tant les producteurs des films que UIP sont concernés directement et individuellement, d'une manière analogue à celle des destinataires de la décision litigieuse, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne.

61.
    Le recours dans l'affaire T-85/95 est donc recevable.

Sur le fond de l'affaire T-85/95

62.
    A l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent trois moyens tirés d'une violation des critères de sélection énoncés dans les lignes directrices de l'EFDO, d'un manque de compatibilité avec la philosophie et les objectifs du programme MEDIA et d'un défaut de motivation.

63.
    Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner ensemble les premier et deuxième moyens.

Sur les premier et deuxième moyens, tirés respectivement d'une violation des critères de sélection énoncés dans les lignes directrices de l'EFDO et d'un manque de compatibilité avec la philosophie et les objectifs du programme MEDIA

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

64.
    Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent, en premier lieu, que les demandes de financement remplissaient pleinement toutes les conditions énoncées dans les lignes directrices de l'EFDO et notamment celle exigeant qu'au moins trois distributeurs représentant au moins trois pays différents de l'Union européenne se mettent d'accord pour exploiter un film en salles. Selon elles, l'expression «trois distributeurs différents» désigne trois entités juridiquement distinctes, qu'elles soient ou non liées entre elles, et il ne serait pas justifié de considérer un groupe de sociétés liées entre elles comme un seul distributeur.

65.
    Elles opposent à l'argument de la Commission, selon lequel l'un des objectifs centraux du programme MEDIA serait de créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant

isolément sur son territoire national, que cet objectif n'est pas mentionné dans les lignes directrices, aux termes desquelles, au contraire, l'objectif principal serait d'élargir la distribution des films européens à l'échelle paneuropéenne. D'ailleurs, les lignes directrices de l'action dénommée Espace vidéo européen (ci-après «EVE»), qui est l'un des groupes de programmes européens créés dans le cadre du programme MEDIA et qui serait fort analogue à l'EFDO dans ses buts et ses méthodes, encourageraient expressément la distribution par des sociétés liées, en ce qu'elles prévoient qu'«une attention particulière sera accordée aux sociétés opérant sur des territoires multiples».

66.
    Les requérantes ajoutent que l'EFDO a, en pratique, accordé des prêts à des sociétés liées entre elles dans les cas des films «De Flat», «Jack and Sarah» et «Carrington» entre autres. Les requérantes ont annexé à leur réplique une liste, couvrant la période de 1992 à 1995, d'un total de treize films distribués, selon elles, par des sociétés liées entre elles avec le soutien de l'EFDO.

67.
    Elles font valoir, en outre, que les demandes de soutien financier pour la distribution du film «Nostradamus» ont, d'ailleurs, été présentées par quatre entités liées à UIP, de concert avec six autres distributeurs qui n'étaient liés ni entre eux ni avec une société du groupe UIP, ce qui fait un total de sept demandeurs selon l'interprétation donnée par la défenderesse à la règle de «distributeurs différents». Toutefois, seules les demandes des six distributeurs non liés à UIP ont été déclarées éligibles. Ceci serait inconciliable avec la position défendue par la défenderesse.

68.
    En deuxième lieu, la portée du pouvoir discrétionnaire de l'EFDO dans la sélection de projets de distribution s'inscrirait dans les limites définies par les critères de sélection publiés dans les lignes directrices. Les lignes directrices ne prévoiraient pas que les demandes remplissant les conditions énoncées puissent être rejetées, sauf pour les raisons et les critères qu'elles mentionnent expressément.

69.
    Les requérantes affirment, en effet, que, comme la Commission ne peut déléguer de pouvoirs discrétionnaires à des entités dépendantes (arrêt Meroni e.a./Haute autorité, précité), l'EFDO ne peut refuser des prêts sur la base de critères noncontenus dans les lignes directrices et ne peut recevoir le pouvoir de le faire. Dans ces conditions, si une demande satisfait au test d'éligibilité, l'EFDO n'aurait aucune marge discrétionnaire permettant d'appliquer ou non les critères de sélection contenus dans les lignes directrices. Les requérantes ajoutent que, si tant est que l'EFDO dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire lui permettant de rejeter des demandes éligibles, ce pouvoir a été outrepassé en l'espèce, de telle sorte que la décision litigieuse viole les principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique et de confiance légitime.

70.
    Les requérantes soulignent que les lignes directrices ne confèrent à l'EFDO la faculté de rejeter, sans avoir à fournir aucun motif, une demande éligible, même si le demandeur remplit les conditions pour bénéficier d'une aide, que dans le cas

très précis où il a «connaissance, directement ou indirectement, de tout fait laissant à penser que le prêt ne sera pas ou ne pourra pas être dûment remboursé».

71.
    A cet égard, les requérantes soulignent, d'une part, que la décision litigieuse ne fait pas état d'une inquiétude quant à la solvabilité de UIP et, d'autre part, que toute inquiétude aurait été injustifiée étant donné que les sociétés mères de UIP ou ses banques auraient été en mesure de fournir une garantie pour les prêts et l'ont même proposé dans une lettre adressée à la directrice du programme MEDIA à la direction générale Information, communication, culture, audiovisuel (DG X) de la Commission.

72.
    Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes affirment, tout d'abord, qu'un acte qui est contraire à la philosophie et aux objectifs du programme MEDIA enfreint de ce fait la décision 90/685.

73.
    Elles rappellent que le programme MEDIA a pour but de multiplier les échanges intra-européens de films et d'exploiter au maximum les différents moyens de distribution, en vue d'une plus grande rentabilité des investissements, d'une diffusion plus large et d'un impact public accru. En admettant que l'EFDO puisse rejeter des demandes pour des raisons analogues à celles avancées en l'espèce, UIP ne pourrait bénéficier d'aides de l'EFDO non seulement en ce qui concerne les deux films en question, mais également pour tous les autres films européens qu'elle peut chercher à distribuer dans un avenir prévisible, tant que la Commission n'aura pas décidé du renouvellement ou non de l'exemption accordée à UIP au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Or, le fait qu'un distributeur puisse ou ne puisse pas bénéficier de prêts sans intérêts dans le cadre de l'action mise en oeuvre par l'EFDO pourrait être essentiel pour le producteur, car un prêt avance la date à laquelle les frais de distribution sont récupérés et, par conséquent, la date à laquelle le producteur reçoit une redevance. Ainsi, si la position de la Commission était acceptée, la distribution de films en Europe deviendrait moins efficace, les producteurs choisissant «faute de mieux» un distributeur qui peut bénéficier d'un financement de l'EFDO.

74.
    En outre, la position adoptée par la Commission en l'espèce constituerait également une discrimination flagrante à l'encontre de UIP en faveur des autres distributeurs.

75.
    La Commission conteste, en réplique au premier moyen, que l'EFDO ait une obligation juridique d'accorder des fonds à des projets éligibles. En effet, les moyens financiers disponibles ne permettraient pas à celui-ci de satisfaire toutes les demandes introduites et une sélection doit, par conséquent, être opérée conformément à la liste de priorités susmentionnée. Or, en l'espèce, comme les demandes des requérantes n'auraient même pas été éligibles, la question de savoir comment appliquer la liste de priorités ne se serait pas posée.

76.
    La Commission explique que les demandes des requérantes n'ont pas été éligibles car, selon elle, les termes «distributeurs différents» utilisés dans les lignes directrices de l'EFDO doivent être compris comme faisant référence à des sociétés indépendantes ou sans liens entre elles. Elle ajoute que, si on acceptait que les demandes des sociétés appartenant au même groupe soient éligibles à un soutien financier, des opérateurs économiques pourraient être incités à créer des sociétés distinctes à seule fin de rendre leurs demandes éligibles à un soutien. De telles pratiques pourraient, selon elle, conduire à des abus de nature à nuire gravement à l'objectif du programme MEDIA, consistant à encourager une véritable coopération transnationale entre distributeurs.

77.
    Elle souligne également que les règles applicables dans le cadre de l'action EVE, invoquées par les requérantes, seraient dépourvues de pertinence en l'espèce parce que ledit régime serait totalement distinct de l'EFDO.

78.
    La Commission affirme, dans la duplique, que si l'EFDO a parfois accordé des prêts à des sociétés ayant un lien entre elles, ces sociétés n'ont jamais été aussi nombreuses qu'en l'espèce et n'ont jamais constitué une majorité. En réponse à une question posée par le Tribunal à l'audience, relative aux données contenues dans la liste des demandes de financement approuvées par l'EFDO depuis sa création, la Commission reconnaît qu'il est arrivé à deux reprises, en 1992, qu'il accorde un prêt à la distribution d'un film à trois sociétés dont deux étaient liées entre elles. Toutefois, ce fait regrettable ne diminuerait pas l'importance qu'attache la Commission à l'interprétation de la règle des trois distributeurs différents expliquée ci-dessus au point 76.

79.
    En ce qui concerne le rejet des demandes au motif que le statut de UIP était incertain et qu'il existait des doutes quant à sa capacité à rembourser un prêt, la Commission explique que, étant donné que seules les filiales de UIP, et non leurs sociétés mères, auraient été les bénéficiaires des prêts de l'EFDO, une certaine incertitude aurait régné autour de la capacité de ces filiales à effectuer les remboursements si nécessaire. L'implication de UIP dans une procédure relative au renouvellement d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'aurait pas en elle-même conduit l'EFDO à rejeter les demandes.

80.
    Pour ces raisons, la Commission considère que le premier moyen des requérantes n'est pas fondé.

81.
    La Commission considère que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant trop vague. En effet, ce n'est qu'au stade de la réplique que les requérantes ont mentionné quelle règle de droit aurait été enfreinte. De plus, leurs arguments ne seraient pas étayés par des éléments de preuve. En outre, la décision serait conforme à l'un des objectifs essentiels du programme MEDIA, à savoir celui de favoriser la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national. Le moyen devrait donc, de toute manière, être rejeté.

Appréciation du Tribunal

82.
    Il est constant que les lignes directrices de l'EFDO ont été approuvées par la Commission dans le cadre de la mise en oeuvre du programme MEDIA, régi par la décision 90/685. Eu égard à leur place dans le système du programme MEDIA et au fait que la Commission, invoquant leurs règles afin de justifier la décision litigieuse, les considère comme ayant une force obligatoire et comme étant une source de droit dans la mise en oeuvre dudit programme, les lignes directrices de l'EFDO, tout comme la décision 90/685, constituent des règles de droit dont le juge communautaire doit assurer le respect.

83.
    Les dispositions des lignes directrices de l'EFDO doivent, en outre, dans le respect de la hiérarchie des normes, être interprétées à la lumière de la finalité de la décision 90/685.

84.
    La première question à trancher, en l'occurrence, est de savoir si la condition d'éligibilité contenue dans les lignes directrices de l'EFDO (point III.1, sous a) selon laquelle «au moins trois distributeurs différents représentant au moins trois pays différents de l'Union [européenne], ou des pays avec lesquels un contrat de coopération a été passé, doivent se mettre d'accord pour exploiter un film en salles [...]» a été correctement interprétée et appliquée en l'espèce.

85.
    Selon les requérantes, l'expression «trois distributeurs différents» signifie trois entités juridiquement distinctes, qu'elles soient ou non liées entre elles. Selon la Commission il est nécessaire de l'interpréter en ce sens que les distributeurs différents doivent être des sociétés indépendantes et sans liens entre elles. Cette interprétation s'imposerait afin de respecter l'objectif essentiel du programme MEDIA consistant à «créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national».

86.
    Le Tribunal constate que, comme l'ont fait remarquer les requérantes, ledit objectif ne figure pas, en tant que tel, parmi ceux énumérés dans l'article 2 de la décision 90/685. Cependant, cette idée figure dans la communication sur la politique audiovisuelle, à laquelle le Conseil fait référence dans le huitième considérant de ladite décision. Plus précisément, la Commission y constate que l'EFDO mène une première expérience pilote en vue de la coopération entre les distributeurs européens pouvant leur permettre de faire circuler les films à travers les frontières et tenter ainsi de créer le «grand marché cinématographique». La Commission remarque dans ce document, notamment, que l'EFDO «contribue à créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national».

87.
    Le Conseil a clairement apporté son soutien aux projets lancés au cours de la phase pilote du programme MEDIA (neuvième et dixième considérants de la

décision 90/685), y compris celui entrepris par l'EFDO, auquel le Conseil se réfère dans l'annexe I à la décision 90/685 en le décrivant comme un mécanisme de distribution à «développer de manière significative».

88.
    En outre, l'objectif d'encourager des contacts et la coopération entre des distributeurs établis dans différents pays européens sous-tend la décision 90/685 à plusieurs égards. Ainsi, le Conseil estime qu'il faudra surmonter la fragmentation des marchés (quatorzième considérant). Il considère qu'il convient d'accorder une attention particulière aux petites et moyennes entreprises dans l'aménagement des structures du marché (quinzième considérant). L'article 2, troisième tiret, pose également comme objectif d'exploiter au maximum les différents moyens de distribution existants ou à créer en Europe.

89.
    Il est donc indéniable que le Conseil a considéré que le programme MEDIA devait contribuer à de nouveaux développements du marché cinématographique européen et notamment à la création de nouvelles formes de coopération entre des opérateurs européens afin de renforcer la capacité audiovisuelle de l'Europe.

90.
    Les lignes directrices de l'EFDO mettent également en évidence l'objectif consistant à favoriser la création de nouveaux réseaux de coopération lorsqu'elles exigent qu'«au moins trois distributeurs différents représentant au moins trois pays différents de l'Union, ou un pays avec lequel un contrat de coopération a été passé, doivent se mettre d'accord pour exploiter un film en salles».

91.
    Le Tribunal considère, dès lors, que, dans les circonstances de l'espèce, la Commission et l'EFDO n'ont pas outrepassé les limites de leur pouvoird'appréciation en estimant que l'octroi de moyens financiers provenant de la Communauté à la distribution de films devait favoriser la création, en Europe, de réseaux de distributeurs qui n'existaient pas auparavant. Elles ont ainsi pu considérer que l'octroi de prêts de l'EFDO devait encourager de nouveaux contacts et la coopération entre, notamment, de petits et moyens distributeurs établis dans différents pays européens qui, sans un tel programme offrant des avantages financiers, auraient probablement peu de motivation d'établir des contacts. Elles en ont légitimement déduit qu'un prêt ne pouvait être octroyé qu'à un projet de distribution qui contribuait à cet objectif du programme MEDIA.

92.
    Par ailleurs, il ne peut être contesté que des opérateurs économiques pourraient être incités à créer des sociétés distinctes à seule fin de pouvoir bénéficier d'un soutien financier si tout réseau, quelle que soit sa structure, pouvait obtenir des prêts dans le cadre du programme MEDIA.

93.
    En ce qui concerne l'action dénommée EVE, menée dans le cadre du programme MEDIA, qui, selon les requérantes, favoriserait des sociétés opérant sur des territoires multiples, le Tribunal constate d'abord, sans même avoir besoin d'examiner la portée de ladite phrase figurant dans les critères de sélection, que la décision litigieuse, en l'espèce, s'inscrit dans le cadre d'une action distincte de

l'action EVE et qu'elle est notamment régie par les lignes directrices de l'EFDO interprétées à la lumière des objectifs du programme MEDIA. En outre, dans ce cadre juridique, la Commission, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, a pu estimer opportun, dans les circonstances de l'espèce, de soutenir la création de réseaux entre des distributeurs indépendants.

94.
    Pour les raisons qui précèdent, la Commission et l'EFDO étaient en droit d'exiger que, pour que les demandes de financement pour la distribution de films dans le cadre du programme MEDIA soient éligibles, elles soient présentées par au moins trois distributeurs qui ne coopéraient pas auparavant de manière substantielle et permanente.

95.
    Or, il est constant que UIP, ayant son siège social aux Pays-Bas, a initialement été créée par trois sociétés américaines pour la distribution en Europe de films produits et/ou distribués par ses sociétés mères ou l'une de leurs sociétés mères, filiales, sociétés liées ou concessionnaires, franchisés ou sous-licenciés, ainsi que la Commission l'a constaté dans sa décision 89/467 (septième considérant). Son activité est étroitement contrôlée par ses sociétés mères, ainsi qu'il ressort de la décision susvisée (notamment quarante et unième considérant). Elle a des filiales dans la Communauté qui font office de distributeurs locaux (huitième considérant de la décision 89/467) et dont l'autonomie est réduite, ainsi qu'il ressort des éléments du dossier. Dans ce contexte, le Tribunal estime que la coopération et le réseau de distribution créé par les seules filiales de UIP, sans la participation d'autres sociétés, ne correspondent pas aux formes de coopération visées par la décision 90/685 en raison de cette structure et de la nature peu indépendante desdites filiales.

96.
    Dans ces circonstances la Commission et l'EFDO ont, à bon droit, considéré les filiales de UIP comme un unique distributeur aux fins de l'appréciation de l'éligibilité des demandes de prêt adressées à l'EFDO.

97.
    En ce qui concerne, en premier lieu, les demandes de prêt concernant le film «Maniaci Sentimentali», il importe de constater que les filiales de UIP n'ont pas passé d'accords avec d'autres distributeurs indépendants. Comme elles sont à considérer comme un seul distributeur dans le cadre de l'examen de l'éligibilité des demandes, l'exigence des trois distributeurs différents n'était pas remplie. Les demandes de prêt des filiales de UIP n'étaient pas éligibles parce que le projet n'a pas créé de nouveau réseau de coopération dans la distribution de films.

98.
    Cette solution, conforme aux objectifs poursuivis par le programme MEDIA, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, ne saurait être remise en cause par le fait que, à deux reprises, en 1992, l'EFDO a accordé un prêt à la distribution d'un film à trois sociétés dont deux étaient liées entre elles et qu'il n'y avait dès lors pas trois distributeurs différents, ainsi que la Commission l'a reconnu à l'audience. A cet égard, les requérantes soutiennent que treize films ont été distribués, entre 1992

et 1995, par des sociétés liées entre elles, avec le soutien de l'EFDO. Le Tribunal relève, sur la base des données contenues dans la liste de projets de distribution approuvés par l'EFDO depuis sa création, que, sur les treize films invoqués par les requérantes, deux seulement avaient donné lieu à une demande de prêt présentée par moins de trois distributeurs différents, comme l'a admis la Commission. Compte tenu du fait que, entre 1992 et 1995, 196 projets de distribution au total ont bénéficié d'un soutien de l'EFDO, le Tribunal peut constater qu'il n'existait pas réellement de pratique consistant à accorder des prêts lorsque le projet de distribution n'était pas présenté par au moins trois distributeurs différents au sens précisé ci-dessus. Dans ces circonstances, l'application de la règle ne peut être qualifiée d'arbitraire.

99.
    En second lieu, s'agissant de la distribution du film «Nostradamus», il est constant que six distributeurs, qui n'étaient liés ni entre eux ni avec une société du groupe UIP, ont obtenu un financement de l'EFDO sur la base de leurs demandes présentées pour la même date limite que les demandes de quatre filiales de UIP. Les requérantes concernées ont aussi mentionné dans leurs demandes — à l'endroit où il est demandé d'indiquer d'autres demandeurs s'ils sont connus — quatre des six distributeurs qui ont obtenu un financement ainsi qu'une société qui ne figurait pas parmi les candidats retenus.

100.
    Le Tribunal doit en tirer la conclusion qu'ils s'étaient mis d'accord pour la distribution de ce film dans la mesure requise par les lignes directrices. Il n'était dès lors pas justifié de rejeter les demandes des filiales concernées de UIP au motif qu'aucun nouveau réseau d'au moins trois distributeurs différents n'avait été créé. Le Tribunal estime, en conséquence, que, s'agissant de la distribution du film «Nostradamus», les demandes des requérantes concernées étaient à cet égard éligibles en vue de l'obtention d'un prêt.

101.
    Toutefois, le motif essentiel du rejet des demandes était que la Commission n'avait pas encore «décidé du futur statut de UIP en Europe [... et qu']il était impossible de prendre une autre décision afin de ne pas interférer avec la procédure [d'exemption]». Même si la Commission a affirmé en cours d'instance que l'implication de UIP dans une procédure relative au renouvellement d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'avait pas, en elle-même, conduit l'EFDO à rejeter les demandes, et que ce serait une certaine incertitude quant à la capacité des filiales de UIP à effectuer les remboursements nécessaires, liée au statut incertain de UIP, qui aurait justifié le rejet, le Tribunal estime que c'est bel et bien le statut incertain de UIP et de ses filiales qui était à l'origine du rejet des demandes de prêt.

102.
    Certes, le membre de la Commission en charge des questions de concurrence, M. Van Miert, a souligné dans sa lettre au conseil de UIP qu'il n'y avait aucun lien entre la procédure relative à la demande de UIP de renouvellement de son exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité et la procédure relative à l'octroi de subventions par l'EFDO. Cependant, cette réponse peut très bien être

interprétée, comme l'a suggéré la Commission à l'audience, en ce sens que, sous l'angle spécifique du droit communautaire de la concurrence, l'absence, à ce stade, de décision sur la demande de renouvellement d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, présentée par UIP, ne faisait pas obstacle à l'octroi éventuel de la subvention sollicitée, étant donné que celui-ci n'exercerait, le cas échéant, aucune incidence sur l'application des règles de la concurrence.

103.
    A ce stade du raisonnement, le Tribunal estime opportun de rappeler que l'exemption de l'accord de base conclu entre les trois sociétés mères de UIP prévoyant la création de celle-ci en tant que filiale commune, ainsi que des accords concernant la coopération des sociétés du groupe, était parvenue à échéance le 26 juillet 1993. Lorsque l'EFDO a pris sa décision en 1994, UIP se trouvait dans l'incertitude en ce qui concerne l'éventuel renouvellement de l'exemption. Or, il est incontestable que l'avenir des filiales de UIP dépendait de celui de leur société mère, qui, elle-même, ne pouvait continuer à exister en l'absence de renouvellement de l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Dans ces conditions, il était avéré que ces filiales n'auraient plus été en mesure de poursuivre leur activité si la Commission ne renouvelait pas l'exemption de UIP.

104.
    La situation de UIP et de ses filiales était à ce moment-là tout à fait incertaine et précaire parce qu'une exemption était nécessaire afin de rendre admissible une entente contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

105.
    Il résulte de ce qui précède que, tout en étant éligibles, les demandes des filiales de UIP concernant la distribution du film «Nostradamus» pouvaient être rejetées au motif que, tant que la Commission n'avait pas décidé si elle renouvelait l'exemption accordée à UIP au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la position juridique de cette société et de ses filiales demeurait incertaine. En particulier, la Commission et l'EFDO étaient en droit d'estimer, dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, que, en raison même de cette précarité, ces sociétés ne pouvaient pas être reconnues comme des structures à soutenir, même si elles avaient offert toutes les garanties de remboursement des prêts sollicités, notamment en cas de refus de renouvellement de l'exemption. En effet, l'octroi de ces prêts aux requérantes, alors qu'il était possible que la Commission n'approuvât pas leur activité telle qu'elle était organisée au moment des faits de l'espèce — ce qui aurait pu entraîner leur liquidation — aurait été difficilement conciliable avec la condition raisonnable selon laquelle la Commission ne saurait soutenir des structures potentiellement incompatibles avec les règles de concurrence, d'une part, et le but essentiel du programme MEDIA consistant à encourager le développement d'une industrie audiovisuelle européenne puissante et à même de surmonter tout défi, d'autre part. Par ailleurs, l'octroi des prêts aux requérantes concernées dans les circonstances de l'espèce aurait eu pour résultat de priver de tout financement communautaire d'autres entreprises dont l'activité était sans aucun doute compatible avec les règles de concurrence, d'une part, et qui

étaient désireuses et capables de créer ou de développer un réseau de distribution, d'autre part.

106.
    Il s'ensuit que la décision litigieuse remplissait les exigences de la décision 90/685 et répondait pleinement aux objectifs du programme MEDIA, visant notamment à favoriser la création et le développement de réseaux de codistribution sur le territoire de la Communauté.

107.
    Par ailleurs, l'objectif de multiplication des échanges intra-européens de films et d'exploitation maximale des différents moyens de distribution existants ou à créer, ainsi que d'une diffusion plus large des films en Europe (article 2, troisième tiret, de la décision 90/685) ne peut être poursuivi que dans la mesure où il est compatible avec l'objectif que la Commission a considéré, en l'espèce, comme essentiel, c'est-à-dire celui visant à favoriser la création de nouveaux réseaux de codistribution. Du reste, les fonds qui n'étaient pas alloués aux requérantes pouvaient être mis à la disposition d'autres distributeurs, et promouvoir ainsi ledit objectif.

108.
    Enfin, le Tribunal ne saurait accueillir l'argument selon lequel l'absence d'octroi d'un prêt à des sociétés faisant partie du groupe UIP, tant que la Commission n'avait pas décidé si elle renouvelait l'exemption accordée à UIP au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, constituerait une discrimination flagrante à l'encontre de UIP en faveur des autres distributeurs. En effet, il n'y a aucune raison de croire que l'EFDO et la Commission auraient adopté une autre position à l'égard de demandes d'un autre groupe de sociétés placé dans la même situation.

109.
    Les deux premiers moyens, tirés en substance de l'incompatibilité de la décision litigieuse avec les lignes directrices de l'EFDO et avec les objectifs du programme MEDIA, sont, dès lors, privés de fondement et doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen, tiré d'un défaut de motivation

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

110.
    Les requérantes font valoir que les motifs contenus dans la décision litigieuse n'en constituent pas les véritables raisons et qu'ils ne sont pas valables.

111.
    Elles se réfèrent, tout d'abord, à la réponse susmentionnée de M. Van Miert selon laquelle il n'y avait aucun lien entre la procédure relative à la demande de UIP de renouvellement de son exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité et la procédure relative à l'octroi de subventions par l'EFDO. L'affirmation selon laquelle il était impossible de prendre une autre décision afin de ne pas «interférer avec la procédure juridique entamée par UIP à l'encontre de la Commission», parce que les contrats de prêt de l'EFDO supposent que la diffusion en salles des films bénéficiant d'une aide s'étale sur une période de cinq ans, serait totalement incompréhensible.

112.
    Quant au motif relatif à l'objectif de créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des entreprises qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national, il serait faux parce qu'il ne s'agirait pas d'un objectif du programme MEDIA mais simplement d'une description de l'un des effets espérés des activités de l'EFDO sur le marché.

113.
    En ce qui concerne les motifs avancés devant le Tribunal, les requérantes constatent, tout d'abord, que l'absence de motivation adéquate ne peut être régularisée par le fait que l'intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure contentieuse (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861). Ensuite elles font valoir que l'interprétation par la défenderesse de la règle des trois distributeurs différents est fausse. Elles sont aussi d'avis qu'il ne pouvait exister de réels doutes quant à la capacité de UIP à rembourser un prêt même si son exemption n'était pas renouvelée, car, à supposer que cette préoccupation soit fondée, elle existait déjà lorsque l'EFDO a décidé d'accorder un prêt à la filiale allemande de UIP pour la distribution du film «Fuglekrigen i Kanofleskoven» («War of the birds»), sans exiger la moindre garantie. Les requérantes estiment, par conséquent, que cette dernière raison n'était pas une vraie cause de préoccupation.

114.
    Elles soulignent que l'exigence d'une motivation adéquate, claire et pertinente, consacrée par l'article 190 du traité, est applicable aussi bien à l'autorité délégataire, l'EFDO, qu'à l'autorité délégante, la Commission (arrêts de la Cour Meroni, précité, et du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 129). En outre, lorsque la décision présente un caractère novateur, il incomberait à l'institution de développer son raisonnement d'une manière explicite (arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491). Or, les motifs avancés pour le rejet des demandes des requérantes seraient complètement inadéquats. Du reste, même si, selon les lignes directrices, l'EFDO avait, dans une situation donnée, le droit de rejeter des demandes sans fournir aucun motif, ces lignes directrices n'en demeureraient pas moins soumises au traité.

115.
    La Commission soutient que ce troisième moyen doit également être rejeté. Elle explique que la motivation avancée dans la décision litigieuse est correcte. En effet, elle ferait sans aucun doute ressortir les deux parties de la motivation, la première faisant référence au statut incertain de UIP et à sa capacité incertaine à rembourser un prêt, et la seconde à la condition générale prévoyant une coopération entre des sociétés qui opéraient auparavant isolément, principe sous-tendant la règle des trois distributeurs différents.

Appréciation du Tribunal

116.
    Il convient de rappeler au préalable que le défaut ou l'insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant

que tel, du moyen pris de l'inexactitude des motifs de la décision litigieuse, dont le contrôle relève, au contraire, de l'examen du bien-fondé de cette décision.

117.
    Il ressort d'une jurisprudence bien établie que la motivation doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il est également de jurisprudence constante que la question de savoir si la motivation d'une décision satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95/94, Rec. p. II-2651, point 52, et la jurisprudence citée).

118.
    La motivation de la décision litigieuse était libellé comme suit:

«Le 5 décembre 1994, le comité de l'EFDO a rejeté les demandes présentées par UIP concernant les films ”Maniaci Sentimentali” et ”Nostradamus”, la Commission de l'Union européenne n'ayant pas encore décidé du futur statut de UIP en Europe. Comme les contrats de prêt de l'EFDO sont fondés sur une période de cinq années de diffusion en salles des films bénéficiant de l'aide, il était impossible de prendre une autre décision afin de ne pas interférer avec la procédure juridique entamée par UIP à l'encontre de la Commission de l'Union européenne.

En outre, le comité de l'EFDO pense que UIP ne satisfait pas pleinement aux objectifs du programme MEDIA tels qu'ils sont décrits ci-dessous:

'... créer des réseaux de codistribution en favorisant la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national‘ (programme d'action en vue de promouvoir le développement de l'industrie audiovisuelle européenne 'MEDIA‘ 1991-1995).»

119.
    Le Tribunal estime que la première partie de la motivation fait, de façon suffisamment claire, référence à la procédure d'exemption pendante devant la Commission comme motif du rejet. Bien que le libellé soit formulé de façon peu précise, les requérantes n'ont pu avoir aucun doute concernant sa signification. Il était sans aucun doute connu de toute l'industrie cinématographique, et sûrement des filiales de UIP, que cette dernière avait demandé le renouvellement de son exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Par ailleurs, lorsque l'EFDO a exposé qu'il ne pouvait pas «interférer» avec cette procédure, les requérantes ont raisonnablement dû comprendre qu'une entité, comme UIP, partie à une procédure d'application des règles de concurrence, ne peut ni directement ni indirectement par l'intermédiaire de ses filiales bénéficier d'un prêt dans le cadre du programme MEDIA.

120.
    Quant à la deuxième partie de la motivation, l'affirmation selon laquelle «UIP ne satisfait pas pleinement aux objectifs du programme MEDIA [... qui est, notamment, de favoriser] la coopération entre des sociétés qui, chacune, opérait auparavant isolément sur son territoire national» doit raisonnablement être comprise comme une référence à la règle selon laquelle au moins trois distributeurs différents doivent se mettre d'accord pour créer un nouveau réseau de coopération et à la circonstance que le réseau formé par les filiales de UIP, sans participation d'autres sociétés, ne satisfait pas à cette condition.

121.
    Plus particulièrement, en ce qui concerne le fait que cet objectif ne figure pas explicitement dans la décision 90/685, le Tribunal rappelle d'abord que l'objectif consistant à encourager de nouveaux contacts et la coopération entre des distributeurs établis dans différents pays européens sous-tend la décision 90/685 à plusieurs égards (voir ci-dessus points 86 et 88). Quant au fait que la communication de la Commission sur la politique audiovisuelle n'a pas été publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes, il y a lieu de relever que ladite communication n'était pas confidentielle et pouvait facilement être obtenue auprès de la Commission. Les requérantes disposaient sans aucun doute d'une copie de cette communication parce qu'elle présentait un intérêt particulier pour les opérateurs avisés de ce secteur bien identifié et qu'elles ont elles-mêmes constaté dans leur requête que la phrase contenue dans la décision litigieuse venait justement de ce document. La motivation de la décision litigieuse, lue à la lumière de ces documents officiels, est donc d'autant plus claire et satisfait aux exigences du traité et de la jurisprudence établie en matière de motivation des actes faisant grief.

122.
    La motivation de la décision litigieuse doit, dans ces circonstances, être considérée comme suffisante.

123.
    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen ne peut pas non plus être accueilli.

124.
    Dans ces circonstances, le recours dans l'affaire T-85/95 doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

125.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions dans le recours T-85/95 et la Commission ayant demandé la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu d'ordonner que les requérantes supporteront l'ensemble des dépens exposés dans le cadre du recours T-85/95.

126.
    En vertu du paragraphe 6 du même article, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En l'occurrence, le Tribunal a prononcé un non-lieu à statuer pour ce qui est du recours T-369/94. Le Tribunal considère que, s'agissant du règlement des dépens, ce résultat doit en l'occurrence être assimilé à un rejet du recours. C'est pourquoi il décide que les requérantes doivent supporter également l'ensemble des dépens exposés dans le cadre du recours T-369/94.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours T-369/94.

2)    Le recours T-85/95 est rejeté.

3)    Les requérantes supporteront l'ensemble des dépens.

Saggio                Tiili                    Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 février 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Saggio


1: Langue de procédure: l'anglais.