Language of document : ECLI:EU:T:2017:26

Édition provisoire

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

25 janvier 2017 (*)

« Dumping – Importations de certaines feuilles d’aluminium originaires d’Arménie, du Brésil et de Chine – Droit antidumping définitif – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), deuxième tiret, du règlement (CE) n° 384/96 – Évaluation cumulative des importations faisant l’objet d’enquêtes antidumping – Article 3, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 384/96 – Offre d’engagement – Article 8, paragraphe 3, du règlement n° 384/96 »

Dans l’affaire T‑512/09 RENV,

Rusal Armenal ZAO, établie à Erevan (Arménie), représentée par Mes B. Evtimov, E. Borovikov, avocats, et M. D. O’Keeffe, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Boelaert et M. J.-P. Hix, en qualité d’agents, puis par M. Hix, assisté de M. B. O’Connor, solicitor, et Me S. Gubel, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. D. Warin et A. Auersperger Matić, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, M. França et Mme A. Demeneix, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement (CE) n° 925/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires de l’Arménie, du Brésil et de la République populaire de Chine (JO 2009, L 262, p. 1),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka, M. J. Schwarcz, Mme V. Tomljenović et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er juin 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Rusal Armenal ZAO, est une société productrice et exportatrice de produits d’aluminium établie en 2000 en Arménie. La République d’Arménie a accédé à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3) le 5 février 2003.

2        À la suite d’une plainte déposée le 28 mai 2008 par Eurométaux, la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires d’Arménie, du Brésil et de la République populaire de Chine (ci-après la « RPC »). L’avis d’ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 12 juillet 2008 (JO 2008, C 177, p. 13).

3        Par lettres des 25 juillet et 1er septembre 2008, la requérante a contesté notamment la classification de l’Arménie parmi les pays n’ayant pas une économie de marché en vertu de l’article 2, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le « règlement de base »), alors applicable. En outre, dans le cadre de l’analyse relative à la sous-cotation des prix/sous-cotation des prix de référence, la requérante a fait état des déficiences liées à ses produits, question sur laquelle elle a fourni des informations supplémentaires dans une lettre en date du 7 octobre 2008.

4        En outre, la requérante a demandé que lui soit accordé le statut de société évoluant en économie de marché ou, à défaut, un traitement individuel (ci-après la « demande SEM »). À cet égard, par lettre du 19 décembre 2008, la Commission a communiqué à la requérante les considérations sur la base desquelles elle concluait que les critères relatifs à la comptabilité et aux coûts de production mentionnés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième et troisième tirets, du règlement de base n’étaient pas remplis. Par lettre du 5 janvier 2009, la requérante a réitéré ses griefs à l’encontre de l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base pour l’Arménie et a contesté les appréciations de la Commission relatives aux critères que cette dernière a considérés non remplis. Par lettre du 13 mars 2009, la requérante a soumis à la Commission des éléments additionnels relatifs à sa demande SEM.

5        Le 7 avril 2009, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 287/2009 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires de l’Arménie, du Brésil et de la [RPC] (JO 2009, L 94, p. 17, ci-après le « règlement provisoire »). Par lettre du 8 avril 2009, la Commission a communiqué à la requérante, en application de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, le règlement provisoire ainsi que les considérations relatives au calcul de la marge de dumping et de préjudice à l’égard de la requérante.

6        La Turquie a été désignée en tant que pays analogue aux fins du calcul d’une valeur normale pour les producteurs-exportateurs qui ne se verraient pas accorder le statut de société évoluant en économie de marché. Un producteur turc du produit similaire a répondu au questionnaire envoyé par la Commission (considérants 10, 12 et 52 du règlement provisoire).

7        Selon le considérant 13 du règlement provisoire, l’enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2008 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles à l’appréciation du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008 (ci-après la « période considérée »).

8        Selon le considérant 19 du règlement provisoire, le produit concerné consiste en des feuilles d’aluminium d’une épaisseur non inférieure à 0,008 mm, ni supérieure à 0,018 mm, sans support, simplement laminées, présentées en rouleaux d’une largeur ne dépassant pas 650 mm et d’un poids supérieur à 10 kg, originaires d’Arménie, du Brésil et de la RPC, relevant du code NC ex 7607 11 19. S’agissant du produit similaire, le considérant 20 du règlement provisoire dispose que les feuilles d’aluminium produites et vendues par l’industrie de l’Union européenne dans l’Union, les feuilles d’aluminium produites et vendues sur les marchés intérieurs d’Arménie, du Brésil et de la RPC et les feuilles d’aluminium importées vers l’Union en provenance de ces pays, ainsi que celles produites et vendues en Turquie, présentent essentiellement les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et sont destinées aux mêmes utilisations finales de base.

9        S’agissant de l’octroi du statut de société évoluant en économie de marché, la Commission a conclu que l’Arménie ne pouvait être considérée comme étant une économie de marché, dès lors qu’elle était mentionnée dans la note en bas de page à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. En outre, la Commission a exposé que la requérante ne remplissait pas les critères relatifs à la comptabilité et aux coûts de production mentionnés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième et troisième tirets, du règlement de base. À cet égard, la Commission a relevé, premièrement, que la comptabilité de la requérante relative à l’exercice 2006 était assortie d’un avis défavorable de l’auditeur, alors que cette dernière n’aurait pas communiqué de comptabilité dûment vérifiée pour l’exercice 2007 et, deuxièmement, que le prix payé à l’État arménien pour l’acquisition des actions de l’entreprise exploitant l’ancien site de production correspondait approximativement au tiers de leur valeur nominale, la requérante ayant par ailleurs obtenu la jouissance de biens immobiliers gratuitement (considérants 24 et 25 et 27 à 31 du règlement provisoire).

10      En ce qui concerne le calcul de la marge de dumping, la Commission a exposé, en annexe à sa lettre du 8 avril 2009 (voir point 5 ci-dessus), que la requérante remplissait les conditions pour obtenir un traitement individuel. En outre, la comparaison des valeurs normales moyennes pondérées de chaque type de produit concerné exporté vers l’Union et provenant du producteur turc ayant répondu au questionnaire s’y rapportant avec les prix à l’exportation moyens pondérés correspondants de la requérante avait donné lieu à une marge de dumping de 37 %. Ces éléments sont repris aux considérants 42, 74 et 77 du règlement provisoire.

11      La Commission a, de plus, estimé qu’une évaluation cumulative des effets des importations concernées était possible, les conditions d’une telle évaluation prévues à l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base étant réunies (considérants 91 à 94 du règlement provisoire).

12      En outre, selon la Commission, l’analyse relative à la consommation de l’Union, au volume et aux prix des importations en provenance des pays concernés et à la situation de l’industrie de l’Union a démontré que cette dernière avait subi un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base (considérants 88 à 90 et 95 à 118 du règlement provisoire). De plus, après une analyse relative aux effets des importations faisant l’objet d’un dumping et aux effets d’autres facteurs, la Commission a conclu que le préjudice devait être attribué à un accroissement des importations en dumping en provenance des pays tiers concernés par l’enquête (considérants 119 à 138 du règlement provisoire).

13      Dès lors que la Commission n’a pas détecté de raisons impérieuses de ne pas instituer de mesures provisoires, cette institution a procédé à l’imposition d’un droit antidumping provisoire au niveau de l’élimination du préjudice en tenant compte d’un prix non préjudiciable que devrait obtenir l’industrie de l’Union. Ainsi, le droit antidumping provisoire a été établi à 20 % pour les produits fabriqués par la requérante (considérants 164 à 170 du règlement provisoire).

14      Par lettre du 15 juillet 2009, la Commission a transmis à la requérante, en application de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d’information finale sur les faits et considérations essentiels fondant la proposition d’imposer des droits antidumping définitifs. La Commission a invité la requérante à lui transmettre ses commentaires sur le document d’information finale pour le 30 juillet 2009.

15      Par lettre du 22 juillet 2009, la requérante a soumis ses observations sur le document d’information finale et a offert un engagement au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base en demandant également une réunion aux fins d’une analyse dudit engagement. Par courriel du 27 juillet 2009, la Commission a envoyé à la requérante un formulaire d’engagement et a proposé qu’une réunion soit organisée le 29 juillet suivant, tout en rappelant que le délai pour la soumission définitive de l’engagement expirait le 30 juillet. Par lettre du 30 juillet 2009, la requérante a soumis son engagement à la Commission.

16      Par lettre du 7 août 2009, la Commission a exposé à la requérante les motifs pour lesquels elle estimait que l’engagement proposé par celle-ci ne pouvait être accepté. La Commission a invité la requérante à lui présenter ses observations à cet égard le 12 août 2009 au plus tard, ce que la requérante a fait par courriel du 10 août 2009.

17      Le 24 septembre 2009,, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 925/2009 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires de l’Arménie, du Brésil et de la [RPC] (JO 2009, L 262, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). En outre, par sa décision 2009/736/CE, du 5 octobre 2009, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires, entre autres, du Brésil (JO 2009, L 262, p. 50), la Commission a accepté les engagements proposés par la Companhia Brasileira de Aluminio (CBA), un producteur-exportateur brésilien.

18      S’agissant de la demande SEM de la requérante, le Conseil a confirmé, aux considérants 18 à 26 et 32 du règlement attaqué, les appréciations du règlement provisoire relatives au statut de l’Arménie, aux critères que la Commission a estimé non remplis par la requérante ainsi qu’à l’octroi d’un traitement individuel à celle-ci (voir points 9 et 10 ci-dessus). Dans ces conditions, la marge de dumping de la requérante a été établie à 33,4 % (point 4.4 du règlement attaqué). Le Conseil a confirmé par ailleurs, aux considérants 55 et 56 du règlement attaqué, les appréciations contenues dans le règlement provisoire relatives à l’évaluation cumulative des effets des importations concernées (voir point 11 ci-dessus). Enfin, aux considérants 44 à 48 et 59 à 109 du règlement attaqué, le Conseil a également confirmé les appréciations contenues dans le règlement provisoire et résumées aux points 12 et 13 ci-dessus et a établi le niveau d’élimination du préjudice occasionné par les importations des produits de la requérante à 13,4 %.

19      En ce qui concerne l’engagement offert par la requérante, le Conseil a exposé, au considérant 114 du règlement attaqué, que celui-ci ne pouvait être accepté pour des motifs tenant, essentiellement, au risque de compensation croisée dû à la structure du groupe auquel appartenait la requérante et à la nature des relations commerciales entre celle-ci et ses clients dans l’Union en résultant. Selon le considérant 115 du règlement attaqué, cet engagement a également été rejeté sur le fondement des constatations relatives à la comptabilité de la requérante formulées aux considérants 21 et 22 du même règlement.

20      Dans ces conditions, le Conseil a imposé, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, un droit antidumping définitif de 13,4 % aux importations des produits de la requérante.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2009, la requérante a demandé l’annulation du règlement attaqué.

22      À la suite d’une demande en ce sens, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

23      La requérante concluait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

24      Le Conseil et la Commission concluaient à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      À l’appui de son recours, la requérante a invoqué cinq moyens, tirés, le premier, d’une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, qui serait notamment contraire à l’article 2.7. de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe I A de l’accord instituant l’OMC, le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, le troisième, de la violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base et d’un défaut de motivation, le quatrième, de la violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation et, le cinquième, de la violation du principe de bonne administration.

26      Par son arrêt du 5 novembre 2013, Rusal Armenal/Conseil (T‑512/09, EU:T:2013:571), le Tribunal a accueilli le premier moyen du recours et annulé, en conséquence, le règlement attaqué en tant qu’il concernait la requérante.

27      Par requête introduite au greffe de la Cour le 16 janvier 2014, la Commission a formé un pourvoi, par lequel elle demandait à la Cour d’annuler l’arrêt du 5 novembre 2013, Rusal Armenal/Conseil (T‑512/09, EU:T:2013:571).

28      À la suite d’une demande en ce sens, le Parlement européen a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

29      À l’appui de son pourvoi, la Commission a invoqué trois moyens, tirés, le premier, de ce que le Tribunal aurait statué ultra petita, le deuxième, de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base visait à donner exécution aux obligations particulières assumées dans le cadre de l’OMC et, le troisième, de la violation du principe général d’équilibre institutionnel.

30      Par son arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2015:494), la Cour a accueilli le deuxième moyen et annulé l’arrêt du 5 novembre 2013, Rusal Armenal/Conseil (T‑512/09, EU:T:2013:571).

31      À titre liminaire, la Cour a rappelé que les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union ou d’une exception tirée de l’illégalité d’un tel acte qu’à la double condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises et que ce n’est que lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies que de telles dispositions pourront être invoquées devant le juge de l’Union afin de servir de critère pour apprécier la légalité d’un acte de l’Union. La Cour a également souligné que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée (arrêt sur pourvoi, points 37 et 38).

32      La Cour a néanmoins relevé avoir admis dans deux situations exceptionnelles, qui découlent de la volonté du législateur de l’Union de limiter lui-même sa marge de manœuvre dans l’application des règles de l’OMC, qu’il appartient au juge de l’Union, le cas échéant, de contrôler la légalité d’un acte de l’Union et des actes pris pour son application, au regard des accords OMC, à savoir, d’une part, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de ces accords et, d’autre part, lorsque l’acte du droit de l’Union en cause renvoie expressément à des dispositions précises des mêmes accords (arrêt sur pourvoi, points 40 et 41).

33      La Cour a ensuite retenu que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base avait introduit un régime spécial établissant des règles détaillées en ce qui concerne le calcul de la valeur normale à l’égard des importations en provenance de pays de l’OMC n’ayant pas une économie de marché, dont l’Arménie, et qu’il constituait l’expression de la volonté du législateur de l’Union d’adopter, dans ce domaine, une approche propre à l’ordre juridique de l’Union (arrêt sur pourvoi, points 47 et 48). Dans la mesure où l’accord antidumping ne contient pas de règles spécifiques relatives aux importations en provenance des pays membres de l’OMC dépourvus d’une économie de marché, il ne saurait être établi de correspondance entre, d’une part, les règles qui figurent à l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base visant les importations en provenance des pays membres de l’OMC dépourvus d’une économie de marché et, d’autre part, les règles définies à l’article 2 de l’accord antidumping. La Cour en a conclu que ladite disposition du règlement de base ne saurait être considérée comme une mesure destinée à assurer dans l’ordre juridique de l’Union l’exécution d’une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC (arrêt sur pourvoi, points 49 à 53).

34      En application de l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour a annulé l’arrêt du 5 novembre 2013, Rusal Armenal/Conseil (T‑512/09, EU:T:2013:571), et a statué définitivement sur le premier moyen du recours introduit par la requérante, en le rejetant (arrêt sur pourvoi, points 57 à 60). Elle a renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue sur les deuxième à cinquième moyens.

35      À la suite de son renvoi, l’affaire a été attribuée à la quatrième chambre élargie du Tribunal.

36      Les parties n’ont pas fait usage de la faculté prévue par l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de présenter des observations écrites.

37      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er juin 2016. À cette occasion, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur les éventuelles incidences de l’arrêt sur pourvoi sur les deuxième à cinquième moyens du recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 En droit

39      À la suite de l’arrêt sur pourvoi, demeurent en cause quatre moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base (deuxième moyen), de la violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base et d’un défaut de motivation (troisième moyen), de la violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation (quatrième moyen) et de la violation du principe de bonne administration (cinquième moyen).

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

40      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que l’appréciation de sa demande SEM par les institutions est entachée d’erreurs manifestes. Le présent moyen est constitué de deux branches. Par la première branche, la requérante conteste le bien-fondé de la constatation portant sur le non-respect de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base. Par la seconde branche, la requérante conteste le bien-fondé de la constatation portant sur le non-respect de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

41      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet du présent moyen.

42      En application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième et troisième tirets, du règlement de base, « la requête présentée au titre [de la disposition sous] b) doit [...] contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si : […] les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins [deuxième tiret], […] les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes [troisième tiret] ».

43      Dans la mesure où, d’une part, les conditions énumérées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base revêtent un caractère cumulatif (arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 76) et, d’autre part, par les deux branches de son moyen, la requérante conteste le bien-fondé des constatations portant sur les deuxième et troisième tirets dudit article 2, paragraphe 7, sous c), il convient de relever que le rejet de l’une desdites branches suffit à rejeter le moyen dans son ensemble.

44      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la première branche du moyen.

45      Il convient de rappeler que, aux considérants 21 et 22 du règlement attaqué, le Conseil a considéré que les éléments avancés par la requérante ne répondaient pas aux conditions énumérées au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et a confirmé l’analyse figurant dans le règlement provisoire.

46      Le considérant 22 du règlement attaqué est rédigé de la manière suivante : « [… l]a société est tenue de disposer d’un jeu unique et clair de documents comptables, conformément aux normes comptables internationales [ ; l]es manquements relevés par les vérificateurs comptables pour les exercices 2006 et 2007 étaient suffisamment importants pour montrer clairement que la comptabilité de la société n’avait pas été établie conformément aux normes comptables internationales, et que la société ne pouvait dès lors prouver qu’elle satisfaisait au deuxième critère d’attribution du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché [ ; e]n fait, les critères d’octroi du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché font référence à des normes internationales, et l’adhésion à l’OMC n’y change rien [ ; e]n outre, le simple fait qu’un pays soit membre de l’OMC ne garantit pas que les activités économiques d’une société s’inscrivent dans les conditions d’une économie de marché ».

47      Au considérant 27 du règlement provisoire, la Commission avait relevé que la comptabilité de la requérante pour l’année 2006 était assortie d’un avis défavorable du vérificateur et qu’elle n’avait pas communiqué de comptabilité dûment vérifiée pour 2007.

48      Aux considérants 28 et 29 de ce même règlement, la Commission avait rejeté l’argumentation de la requérante fondée sur, premièrement, la mise en conformité avec le processus d’audit s’agissant de l’année 2006, deuxièmement, l’engagement de transmettre des comptes pour 2007 vérifiés conformément aux normes comptables internationales et, troisièmement, le caractère non pertinent de l’émission d’un avis négatif du vérificateur, dès lors que la vérification a été conduite conformément aux normes comptables internationales. D’une part, la Commission a rappelé que les comptes pour 2007 ne lui avaient pas été communiqués malgré les demandes en ce sens. D’autre part, elle a relevé que l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, lequel envisage l’octroi du statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « SEM »), constituait une disposition dérogatoire devant faire l’objet d’une interprétation stricte et en a déduit que les comptes ne devaient pas seulement être vérifiés conformément aux normes internationales, mais devaient également être établis selon celles-ci.

49      L’argumentation de la requérante présentée à l’encontre de cette analyse peut être divisée en deux griefs. Le premier, présenté à titre principal, est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base tenant à l’application d’un critère juridique erroné. Par le second, présenté à titre subsidiaire, la requérante fait valoir une erreur manifeste d’appréciation du Conseil dans l’application du critère qu’il a privilégié.

 Sur le grief tiré de l’application d’un critère juridique erroné

50      Selon la requérante, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base doit être interprété de sorte à tenir compte de l’appartenance de la République d’Arménie à l’OMC et à ne pas entraîner une charge de la preuve déraisonnable. Elle estime que le Conseil a fait application d’un critère juridique erroné en adoptant une interprétation extensive de l’exigence d’« un audit indépendant conforme aux normes internationales » figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base. Cela aurait eu pour effet de lui imposer que ses comptes soient préparés dans le strict respect de l’intégralité des normes comptables internationales, qu’ils soient dépourvus de tout défaut et de toute réserve et qu’ils soient certifiés par un rapport d’audit sans réserve. Une telle exigence irait au-delà des termes de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, lesquels impliquent uniquement que les documents comptables soient clairs, qu’ils fassent l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qu’ils soient utilisés à toutes fins.

51      Ainsi, le Conseil soutiendrait à tort qu’une interprétation de la référence à « un audit indépendant conforme aux normes internationales », comme visant la seule conduite d’un audit conforme aux normes comptables internationales, serait contraire à la logique de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

52      Tout d’abord, la requérante fait observer que la conduite d’un audit implique non seulement le respect des normes internationales d’audit, mais également un examen des documents comptables conformément aux normes internationales d’information financière (International Financial Reporting Standards). Elle en déduit, en substance, qu’elle n’est pas tenue de préparer ses documents comptables conformément aux normes internationales d’information financière, la conduite d’un audit étant suffisante. La requérante souligne, à cet égard, que le rapport d’audit réalisé pour l’année 2007 (ci-après le « rapport d’audit pour 2007 ») se réfère à une présentation de la performance financière et de ses flux de trésorerie par référence aux normes internationales d’information financière. Ensuite, la requérante fait valoir que, si des auditeurs constatent l’existence de distorsions importantes, ils ne sont pas en mesure de délivrer d’attestation. Enfin, elle estime qu’il est illogique de la traiter d’une manière analogue à une entreprise n’ayant pas conduit d’audit de ses comptes ou seulement sur la base de normes locales non reconnues.

53      La requérante ajoute, en substance, que, dans l’éventualité où le statut de SEM lui aurait été accordé, il eut, en toute hypothèse, été loisible aux institutions d’ajuster ses coûts, en faisant application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

54      Le Conseil conclut au rejet de ce grief.

55      Est en cause le sens qu’il convient d’attribuer à l’exigence selon laquelle l’entreprise doit utiliser « un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

56      S’agissant, en premier lieu, des règles devant gouverner l’examen de ce grief, en application d’une jurisprudence constante, aux fins d’interpréter une disposition de droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

57      En outre, dans la mesure où est en cause l’interprétation de l’une des conditions d’octroi du statut de SEM envisagé à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, il convient également de prendre en considération le fait que la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée par cette disposition est une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement, cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Or, il est de jurisprudence constante que toute dérogation ou exception à une règle générale doit être interprétée strictement [voir arrêt du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 118 et jurisprudence citée]. L’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base précisant les conditions qui doivent être respectées pour que cette exception trouve à s’appliquer, lesdites conditions doivent être interprétées strictement.

58      Il convient d’emblée de relever que, à l’encontre de ce principe d’interprétation restrictive, la requérante fait valoir que l’interprétation des conditions d’octroi du statut de SEM devrait, au contraire, prendre en compte l’appartenance de la République d’Arménie à l’OMC.

59      Il ressort, certes, d’une jurisprudence constante de la Cour que les textes de droit de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union (voir arrêt du 15 mars 2012, SCF Consorzio Fonografici, C‑135/10, EU:C:2012:140, point 51 et jurisprudence citée).

60      Toutefois, il convient de souligner que l’un des postulats essentiels de l’arrêt sur pourvoi repose sur la spécificité de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, en ce qu’il résulte du choix du législateur de l’Union d’édicter des règles spécifiques relatives aux importations en provenance des pays membres de l’OMC dépourvus d’une économie de marché, alors que l’accord antidumping ne contient pas de règles spécifiques relatives aux importations en provenance de tels pays (voir point 33 ci-dessus).

61      Force est de constater que cette mise en exergue par la Cour tant de la spécificité de l’approche de l’Union que de l’absence de disposition correspondante dans l’accord antidumping prive de pertinence la circonstance que la République d’Arménie soit membre de l’OMC s’agissant de l’interprétation des conditions envisagées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

62      S’agissant, en second lieu, de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce même règlement permet, à titre d’exception, à une entreprise d’un pays dépourvu d’une économie de marché de voir la valeur normale de son produit déterminée selon les règles applicables aux entreprises relevant de pays pourvus d’une telle économie.

63      L’objet des conditions figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base est de mettre à la charge du demandeur de SEM un certain nombre d’obligations visant à permettre aux institutions de vérifier qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Dans cette perspective, force est de constater qu’il est particulièrement important que les documents comptables qu’utilise une entreprise reflètent la réalité des frais engagés par sa production, dès lors que c’est sur leur base que sera établie la valeur normale de son produit.

64      À la lumière de cet objectif, la référence, au deuxième tiret de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, à l’utilisation « d’un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins » ne saurait être comprise autrement que comme visant à permettre aux institutions de s’assurer de la sincérité des documents comptables de l’entreprise concernée.

65      C’est, dès lors, à tort que la requérante soutient, en substance, qu’une telle condition pourrait être remplie sur la seule base de la conduite d’une procédure de vérification conforme aux normes internationales d’audit, indépendamment des conclusions qui y sont présentées quant à la conformité des comptes de l’entreprise concernée avec les normes comptables internationales. D’une part, une telle approche serait contraire à la finalité de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base, en ce qu’elle pourrait conduire à l’octroi d’un statut de SEM à l’égard d’une entreprise dont les documents comptables ne revêtent pas un caractère de fiabilité suffisant. D’autre part, une telle approche serait également contraire au principe d’interprétation stricte de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, rappelé au point 57 ci-dessus.

66      Il en découle que le critère juridique que le Conseil était tenu d’appliquer consistait à vérifier si les preuves apportées par la requérante au titre de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base permettaient de s’assurer de la sincérité de ses document comptables. Partant, le Conseil avait l’obligation de prendre en considération les conclusions des vérifications opérées quant à la conformité des documents comptables avec les normes comptables internationales.

67      Par conséquent, en relevant, au considérant 22 du règlement attaqué, que « [l]es manquements relevés par les vérificateurs comptables pour les exercices 2006 et 2007 étaient suffisamment importants pour montrer clairement que la comptabilité de la société n’avait pas été établie conformément aux normes comptables internationales et que la société ne pouvait dès lors prouver qu’elle satisfaisait au deuxième critère d’attribution du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché », le Conseil n’a pas commis l’erreur de droit alléguée par la requérante.

68      Cette conclusion ne saurait être infirmée par la référence faite par la requérante à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. Celui-ci permet aux institutions, à l’égard d’une entreprise opérant dans un pays à économie de marché, dont les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans ses registres, de les ajuster ou de les déterminer sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

69      En substance, la requérante semble soutenir que d’éventuelles erreurs dans ses documents comptables ne constitueraient pas un obstacle à la reconnaissance du statut de SEM, dès lors qu’elle se présenterait alors dans une situation équivalente à celle d’une entreprise d’un pays à économie de marché à l’égard de laquelle est fait application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

70      Une telle argumentation ne saurait convaincre.

71      D’une part, elle est en contradiction directe avec le principe d’interprétation stricte des conditions d’octroi du statut de SEM précisé dans la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

72      D’autre part, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base repose, à titre principal, sur le principe d’un ajustement ou d’une détermination des frais de l’entreprise concernée sur la base d’une comparaison avec ceux d’autres producteurs ou exportateurs du même pays. Or, force est de constater que le recours à une comparaison au sein d’un même pays n’est possible qu’à l’égard d’une entreprise relevant d’une économie de marché et est impossible à l’égard d’un demandeur de SEM, lequel relève, par définition, d’un pays dépourvu d’une telle économie. Ainsi, en cas de doute sur la réalité des coûts d’un demandeur de SEM, ladite demande doit être refusée et la valeur normale du produit déterminée sur la base de la comparaison avec un pays tiers à économie de marché, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

73      Il convient, partant, de rejeter le premier grief.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

74      À titre subsidiaire, la requérante soutient que le considérant 22 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que le Conseil aurait surévalué les incidences de la réserve associée au rapport d’audit relatif aux états financiers pour l’année 2007, lequel demeurerait positif.

75      En premier lieu, la requérante soutient que la référence à une « conformité » avec les normes internationales n’empêche pas la présence de certaines réserves n’affectant pas la sincérité de la majeure partie des comptes audités.

76      En deuxième lieu, elle rappelle avoir présenté des états financiers pour l’exercice 2007 les 12 et 13 mars 2009, soit le lendemain de leur communication par les vérificateurs indépendants et trois semaines avant l’adoption du règlement provisoire. Hormis une réserve concernant la valeur des stocks au 31 décembre 2006, les auditeurs auraient émis un avis positif, ce qui attesterait de la conformité avec les normes internationales, y compris comptables.

77      En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, qu’il n’était pas possible que les auditeurs, dans le rapport d’audit pour 2007, émettent un avis sans réserve, dès lors que les états financiers pour l’exercice de 2007 se font par rapport à la clôture de l’exercice 2006, pour lequel un avis négatif avait été émis. Elle allègue qu’une opinion avec réserve faisant suite à une opinion défavorable constitue la reconnaissance de l’accomplissement de sérieux progrès dans la présentation des comptes et implique que ceux-ci, dans leur majeure partie, ne sont pas affectés par la réserve et sont conformes aux normes internationales. La requérante rappelle, à cet égard, qu’une opinion avec réserve ne peut être émise que si la réserve n’est pas d’une importance telle qu’elle remettrait en cause le principe d’un avis positif et ne concerne pas un nombre important d’éléments contenus dans les états financiers. Partant, il serait manifestement erroné de la part du Conseil de considérer que la réserve portant sur la valorisation des stocks a eu une incidence sur les coûts durant la période d’enquête, incidence qui, en outre, serait d’un niveau suffisamment important pour que les comptes soient considérés comme n’étant pas conformes aux normes internationales.

78      En quatrième lieu, la requérante reproche aux institutions d’avoir omis de prendre en considération la fermeture de son usine pendant près de trois ans entre 2004 et 2006 aux fins de procéder à un remplacement ou à une modernisation de ses équipements, ce qui a affecté sa comptabilité pour l’exercice 2006. Elle soutient s’être efforcée, et être parvenue, depuis, à quantifier et à corriger les défauts relevés pour cet exercice, ce qui explique le retard dans la présentation du rapport d’audit pour 2007. Elle allègue qu’il serait déraisonnable de lui demander de rectifier la totalité des erreurs portant sur l’exercice 2006. Dans la réplique, elle fait valoir que les distorsions concernant l’évaluation et le report des inventaires étaient déjà corrigées dans le rapport d’audit pour 2007 et que les réserves n’étaient pas susceptibles de se répéter dans le rapport d’audit pour 2008.

79      De manière liminaire, le Tribunal relève que le présent grief porte sur l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base aux circonstances de l’espèce et que l’étendue du contrôle exercé doit prendre en compte le large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions dans le domaine des mesures de défense commerciale, en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 79 et jurisprudence citée).

80      Il en résulte que le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 80 et jurisprudence citée).

81      Toutefois, il convient de rappeler que, si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par les institutions, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53).

82      Enfin, il importe de souligner que la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du SEM. En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base prévoit que la requête « doit […] contenir des preuves suffisantes ». Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur-exportateur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, aux institutions de l’Union d’apprécier si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste (voir arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 83 et jurisprudence citée).

83      Au vu de ce qui précède, le présent grief implique de vérifier si c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Conseil a retenu, en substance, que les manquements relevés par les auditeurs ne permettaient pas de s’assurer de la sincérité de la comptabilité de la requérante.

84      En premier lieu, il convient de relever que la période d’enquête allait du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 et que la requérante a seulement été en mesure de présenter un rapport d’audit pour une fraction de cette période, à savoir pour l’année 2007.

85      En deuxième lieu, il ressort du dossier que le rapport d’audit pour 2007 incluait une réserve se justifiant par la considération suivante : « [l]a société a recensé un certain nombre de différences entre les comptes relatifs à l’inventaire physique et les registres comptables au 31 décembre 2006, mais n’a pas été en mesure de résoudre de manière satisfaisante ces différences à ce jour [ ; i]l nous a été impossible de nous assurer de ces quantités d’inventaire par d’autres procédures de vérification [ ; e]n conséquence, nous n’avons pu déterminer s’il serait nécessaire d’apporter des ajustements aux inventaires au 31 décembre 2006, ainsi qu’au coût des ventes et aux pertes nettes pour les exercices clos les 31 décembre 2006 et 2007 ». Cela a conduit à la formulation de la réserve suivante dans l’avis favorable fourni par les auditeurs : « [à] notre avis, sous réserve des effets de tels ajustements sur les chiffres actuels ainsi que sur les chiffres correspondants, ajustements qui auraient pu, le cas échéant, être jugés nécessaires s’il avait été possible d’obtenir des informations probantes suffisantes et appropriées décrites dans les éléments étayant l’opinion avec réserve, les états financiers présentent fidèlement, dans tous leurs aspects significatifs, la situation financière de la société au 31 décembre 2007, ainsi que ses résultats financiers et ses flux de trésorerie pour l’exercice clos à cette date, conformément aux normes internationales d’information financière ».

86      La réserve portait, ainsi, sur trois éléments : l’inventaire des stocks au 31 décembre 2006, le coût des ventes et les pertes nettes pour les années 2006 et 2007.

87      En troisième lieu, c’est, certes, à juste titre que la requérante fait observer qu’il ressort de la section (m) dudit rapport d’audit que des efforts ont été consentis au cours de l’exercice 2007 aux fins de rectifier les erreurs identifiées dans le rapport d’audit pour l’année 2006. Toutefois, la section (m) du rapport d’audit ne peut être lue indépendamment de la réserve émise par les auditeurs. Il en résulte que, si la requérante a procédé à une réévaluation de certaines données erronées en 2006 (dont la valeur des équipements et les stocks), la fiabilité de ces corrections demeure incertaine.

88      À cet égard, force est de constater que la requérante admet elle-même dans ses écritures le caractère incomplet de la réévaluation à laquelle elle a procédé, dès lors qu’elle soutient dans la réplique que « [r]ectifier, au cours de l’enquête antidumping, absolument chaque erreur d’écriture figurant dans les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2006 et relevée par les commissaires aux comptes aurait ainsi représenté pour [s]a direction une charge déraisonnable ».

89      En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que les éléments fournis par la requérante, laquelle supporte la charge de la preuve de la satisfaction des conditions prévues par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base en application de la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, ne permettaient pas aux institutions de s’assurer de la réalité des comptes de la requérante s’agissant de trois éléments : l’inventaire des stocks au 31 décembre 2006, le coût des ventes et les pertes nettes pour les années 2006 et 2007.

90      Or, d’une part, il ne saurait valablement être nié que ces éléments concernent des frais de la requérante susceptibles d’avoir une incidence sur la détermination de la valeur normale de son produit.

91      D’autre part, il en résulte nécessairement que les documents comptables de la requérante ne permettaient pas aux institutions de déterminer ladite valeur normale en application de la méthode envisagée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base.

92      C’est, dès lors, sans commettre l’erreur manifeste d’appréciation alléguée que le Conseil a estimé que la requérante n’avait pas démontré que les conditions de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base étaient satisfaites.

93      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le second grief et, par voie de conséquence, la première branche du moyen dans son entièreté. Pour les raisons exposées au point 43 ci-dessus, cette conclusion suffit à rejeter le présent moyen sans qu’il soit utile d’examiner sa seconde branche.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base et d’un défaut de motivation 

94      Par ce moyen, la requérante reproche au Conseil d’avoir méconnu l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base en procédant à un cumul des importations en provenance d’Arménie avec celles en provenance du Brésil et de la RPC.

95      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet du présent moyen.

96      Aux termes de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, « [l]orsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que : a) si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, et si le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable ; et b) si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit communautaire similaire ».

97      Aux considérants 55 à 57 du règlement attaqué, le Conseil a rejeté l’argumentation de la requérante tirée de ce que les importations de l’Arménie ne devraient pas être cumulées avec celles du Brésil et de la RPC dans les termes suivants :

« (55)      Après la divulgation des conclusions provisoires, le producteur-exportateur arménien a affirmé que les importations en provenance de l’Arménie ne devaient pas être cumulées avec les autres importations concernées aux fins de l’analyse du préjudice, compte tenu des faibles volumes importés, de la faible part de marché de l’Arménie, de l’évolution linéaire des importations, ainsi que des différences de qualité prétendument sensibles entre le produit exporté par l’Arménie et les produits exportés par le Brésil et la RPC.

(56)            Cette affirmation n’a pas pu être acceptée, car il a été constaté que toutes les conditions d’une évaluation cumulative, conformément à l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, étaient réunies :

–        comme il a été établi provisoirement, puis confirmé aux considérants 38 et 39 ci-dessus, la marge de dumping établie pour l’Arménie était supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, du règlement de base,

–        le volume des importations en provenance de l’Arménie n’était pas négligeable au sens de l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base, puisque la part de marché de ce pays atteignait 5,26 % comme indiqué au considérant 96 (tableau 4) du règlement provisoire [ ; i]l a également été constaté que les importations en provenance de l’Arménie avaient connu un accroissement sensible entre 2006 et la fin de la période d’enquête, et ce malgré le retour d’importations en provenance de la RPC et le volume considérable des importations provenant du Brésil au cours de la période considérée,

–        en ce qui concerne les conditions de concurrence entre les produits importés des pays concernés, et plus particulièrement les arguments avancés au sujet des différences de qualité sensibles entre les produits importés, tels qu’ils sont évoqués au considérant 52, il a été constaté que les produits en provenance de l’Arménie présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils étaient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique [ ; i]l convient également de noter que ce producteur-exportateur a annoncé son intention de réorienter sa production vers des feuilles d’aluminium destinées à la transformation et d’un niveau de qualité encore plus élevé, ce qui indique que l’argument relatif à la qualité prétendument médiocre des produits fabriqués pourrait être exagéré.

(57)            Les affirmations présentées à cet égard par le producteur-exportateur arménien ont donc été rejetées. »

98      En outre, le considérant 52 du règlement attaqué, relatif à la réfutation d’arguments présentés par un producteur-exportateur brésilien, mais auquel le considérant 56, troisième tiret, renvoie, est rédigé de la manière suivante : « [e]n ce qui concerne la première allégation, c’est-à-dire la différence entre les normes de qualité, l’enquête a révélé qu’en dépit des différences de qualité, le marché des feuilles d’aluminium était principalement déterminé par les prix et que les différences de qualité ne jouaient qu’un rôle mineur dans le choix d’un fournisseur [ ; c]es conclusions ont été confirmées par les importateurs ayant coopéré à l’enquête et les utilisateurs concernés [ ; l]’allégation non étayée du producteur-exportateur brésilien, selon laquelle le marché des feuilles d’aluminium serait divisé en plusieurs segments en fonction de la qualité des produits, n’a pas pu être confirmée dans le cadre de la présente enquête, et l’affirmation faite à ce sujet a dû être rejetée ».

99      Le Tribunal estime que l’argumentation présentée par la requérante dans le cadre du présent moyen peut être divisée en deux branches, selon qu’est contestée l’appréciation des conditions figurant, d’une part, à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base, relatives au caractère non négligeable des importations faisant l’objet d’un cumul et, d’autre part, à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base, portant sur l’examen des conditions de concurrence. Dans le cadre de cette seconde branche sera, notamment, examinée la contestation par la requérante du caractère insuffisamment motivé du règlement attaqué s’agissant de l’application dudit article 3, paragraphe 4, sous b).

 Sur la première branche, relative à la condition tenant au caractère non négligeable des importations faisant l’objet d’un cumul

100    La requérante avance, en substance, cinq griefs relatifs à l’appréciation par le Conseil du caractère non négligeable des importations faisant l’objet d’un cumul.

101    Le premier grief porte sur l’interprétation de la condition voulant que le volume des importations en provenance de chaque pays figurant à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base ne soit pas négligeable. La requérante reproche au Conseil d’avoir erronément pris en considération le critère de la part de marché de 1 % visé à l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base, aux fins d’apprécier le caractère négligeable des importations au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce même règlement. D’une part, la requérante fait observer que l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base n’opère aucun renvoi à l’article 5, paragraphe 7, de ce même règlement. D’autre part, elle soutient, en substance, que le faible niveau d’importation n’a pas le même effet dans ces deux dispositions. Alors qu’il aboutirait à la cessation de la procédure dans le cas de l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base, cela ne serait pas forcément le cas en application de son article 3, paragraphe 4, sous a). La requérante fait observer, en outre, que, s’agissant de l’interprétation du règlement de base, le Conseil ne saurait invoquer le bénéfice d’une quelconque marge d’appréciation.

102    De manière liminaire, il convient de relever que le Conseil, au considérant 56, deuxième tiret, du règlement attaqué, aux fins de qualifier les importations de la requérante de « non négligeables », n’a pas procédé à une appréciation intrinsèque de l’ampleur desdites importations, mais s’est fondé sur l’interprétation combinée, d’une part, de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base et, d’autre part, de l’article 5, paragraphe 7, de ce même règlement.

103    Il ressort de la jurisprudence que l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base a été interprété comme ne permettant la prise en compte des importations originaires d’un pays donné, dans le cadre d’un cumul, que pour autant qu’elles proviennent d’un producteur-exportateur dont il est constaté qu’il exerce un dumping (arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, point 161). Il en découle que l’objet de cette disposition est d’éviter qu’une évaluation cumulative des effets des importations ne soit effectuée en incluant un pays dont les importations du producteur-exportateur en cause ne sont pas à l’origine d’un dumping, soit parce que la marge de dumping est inférieure au niveau de minimis, soit parce que les volumes d’importation sont négligeables.

104    Or, force est de constater que l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base, en ce qu’il précise qu’une « procédure ne doit pas être ouverte contre les pays dont les importations représentent une part de marché inférieure à 1 %, à moins que collectivement ces pays représentent 3 %, ou davantage, de la consommation communautaire », vise précisément à expliciter les circonstances dans lesquelles la part des importations dans la consommation de l’Union est trop faible pour que ces importations puissent être considérées comme étant à l’origine d’un dumping.

105    Il existe, dès lors, une relation de complémentarité entre les deux dispositions, de sorte que c’est sans commettre l’erreur de droit alléguée par la requérante que le Conseil a pris en compte le seuil de 1 % mentionné à l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base, aux fins d’interpréter la condition tenant au caractère non négligeable des importations figurant à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base.

106    Le premier grief encourt, partant, le rejet.

107    Le deuxième grief repose sur une comparaison avec la qualification par le Conseil des importations en provenance de Russie. Il lui est reproché d’avoir considéré que les importations en provenance d’Arménie disposaient d’une incidence significative sur le marché, alors que celles en provenance de Russie, d’un niveau pourtant supérieur, auraient été considérées comme limitées et n’ayant pas un effet négatif sur la situation de l’industrie de l’Union.

108    Force est de constater que la requérante ne qualifie pas juridiquement ce grief.

109    Dans l’éventualité où le présent grief serait invoqué aux fins de démontrer que c’est à tort que les institutions ont considéré que les importations de la requérante étaient non négligeables au titre de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base, il devrait, d’emblée, être rejeté, dans la mesure où il a été conclu aux points 103 à 105 ci-dessus que l’interprétation de l’expression « non négligeable » au regard de l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base ne revêtait aucun caractère erroné.

110    Dans l’éventualité où le présent grief devrait être compris comme alléguant, en substance, une violation du principe d’égalité de traitement au détriment de la requérante, il ne saurait non plus prospérer. Sans même qu’il soit nécessaire d’examiner si les importations russes et arméniennes sont dans des situations comparables, il suffit de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 219 et jurisprudence citée). Ainsi, à supposer que le Conseil ait eu tort de qualifier les importations russes de limitées, une telle erreur serait sans incidence sur le bien-fondé de la qualification des importations arméniennes de « non négligeables ».

111    Le deuxième grief doit, partant, également être rejeté.

112    Les troisième, quatrième et cinquième griefs portent sur le choix de la période prise en compte aux fins d’apprécier le caractère négligeable ou non des importations de la requérante.

113    Par le troisième grief, il est reproché au Conseil d’avoir déterminé le volume des importations de la requérante sur la base de la seule période d’enquête (juillet 2007 à juin 2008), plutôt que sur celle de la période considérée (janvier 2005 à juin 2008). Il est soutenu, en substance, que la seule période d’enquête n’est, à l’égard de la requérante, pas représentative en ce qu’elle ne prend pas en compte les effets de la fermeture complète de ses activités entre 2004 et 2006. Ainsi, elle ne reflèterait pas l’absence d’importations arméniennes jusqu’à la fin de l’année 2006 et, en substance, aboutirait à une présentation dénaturée des importations. La prise en compte du volume des exportations durant la période considérée aurait suffi à démontrer le caractère négligeable de ses importations. Elle ajoute que la seule prise en compte des importations au cours de la période d’enquête n’est pas suffisante pour déterminer le préjudice au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. La requérante soutient également, en substance, que l’analyse du Conseil est contradictoire, dès lors que, tout en omettant de prendre en compte les effets de la fermeture de l’usine de la requérante dans le calcul de la moyenne des importations, il s’est référé à une augmentation des importations causée par ladite période de fermeture.

114    Le règlement attaqué, en son considérant 3, fait une distinction entre, d’une part, la période d’enquête relative au dumping et au préjudice (du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008) et, d’autre part, la période considérée, qui porte sur l’examen des tendances utiles à l’appréciation du préjudice (du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008).

115    Au considérant 56, deuxième tiret, du règlement attaqué, le Conseil a pris en compte le volume des importations en provenance d’Arménie durant la période d’enquête (soit 5,26 %) aux fins de considérer que celui-ci n’était pas négligeable. Le Conseil a également constaté que les importations en provenance d’Arménie avaient connu un accroissement sensible entre 2006 et la fin de la période d’enquête, et ce malgré le retour d’importations en provenance de la RPC et le volume considérable des importations provenant du Brésil au cours de la période considérée.

116    Ainsi, pour fonder sa conclusion quant au caractère non négligeable des importations, le Conseil s’est fondé, d’une part, sur le volume des importations de la requérante pendant la période d’enquête et, d’autre part, sur l’évolution des importations sur une base temporelle plus large, celle de la période considérée.

117    Dans la mesure où il ressort des points 104 à 105 ci-dessus que la constatation, relevée au considérant 56, deuxième tiret, du règlement attaqué, de l’existence d’une part de marché de 5,26 % suffit en elle-même à démontrer le caractère non négligeable des importations de la requérante, le Tribunal estime qu’il est suffisant de vérifier si c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Conseil a établi ladite part de marché en se fondant exclusivement sur les données portant sur la période d’enquête comprise entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2008.

118    En application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base, « [à] la suite de l’ouverture de la procédure, la Commission, en coopération avec les États membres, commence l’enquête au niveau communautaire [ ; c]ette enquête porte simultanément sur le dumping et le préjudice [ ; a]ux fins d’une détermination représentative, une période d’enquête est choisie qui, en cas de dumping, couvre normalement une période d’une durée minimale de six mois immédiatement antérieure à l’ouverture de la procédure ».

119    Il ressort de la jurisprudence que l’enquête doit être menée sur la base d’informations aussi actuelles que possible afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l’industrie de l’Union contre les pratiques de dumping (arrêts du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 92, et du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 66).

120    Il découle également de la jurisprudence que le Conseil peut déterminer le préjudice subi par l’industrie de l’Union sur une période plus longue que celle couverte par l’enquête sur l’existence de pratiques de dumping (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 87), grâce à l’examen des tendances utiles à l’appréciation du préjudice dans le cadre de la période considérée.

121    C’est dans le cadre de cette période plus longue que la requérante estime que le caractère non négligeable de ses importations aurait dû être évalué.

122    Il suffit, à cet égard, de souligner que c’est à juste titre que le Conseil rétorque que cela aurait abouti à donner une image faussée du volume réel des exportations dans l’Union, dans la mesure où aurait, alors, été prise en compte une période de fermeture de l’usine de la requérante qui ne saurait être considérée comme reflétant la réalité de son activité de production et d’exportation.

123    Partant, en déterminant le caractère non négligeable des importations de la requérante sur la base des données relatives à la seule période d’enquête plutôt qu’à la période considérée, le Conseil n’a pas commis l’erreur manifeste d’appréciation alléguée par la requérante.

124    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante, figurant dans la réplique, tirée de l’obligation des institutions de procéder à un examen objectif en application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité de cet argument, contestée par le Conseil, il suffit de souligner que l’absence de prise en compte d’une période qui ne reflète pas l’activité normale de la requérante s’inscrit dans le sens de la collecte de données aussi actuelles que possible et, partant, est conforme à la logique de l’examen objectif auquel l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base se réfère.

125    Il convient, dès lors, de rejeter le troisième grief.

126    Dans le cadre de son quatrième grief, la requérante fait valoir que ses importations ont été analysées sur une période de 18 mois alors que celles des autres pays exportateurs l’ont été sur une période de 42 mois, ce qui serait constitutif d’un traitement discriminatoire à son égard.

127    Force est cependant de constater qu’un tel grief manque en fait. Il ressort du considérant 93, deuxième tiret, du règlement provisoire, auquel le considérant 58 du règlement attaqué renvoie, que les volumes des importations en provenance tant d’Arménie que du Brésil et de la RPC ont été déterminés sur la même base temporelle, à savoir la période d’enquête.

128    Par son cinquième grief, la requérante reproche au Conseil de ne pas avoir pris en compte les volumes d’importation postérieurs à la période d’enquête. Elle rappelle que les ventes qu’elle a réalisées en 2008 dans l’Union ont commencé à afficher une tendance à la baisse significative, laquelle s’est maintenue après la fin de la période d’enquête. Elle soutient que la prise en compte des volumes d’importation postérieurs à la période d’enquête répond au souci de prendre en compte des données aussi récentes que possible et que, dans la mesure où le commencement de leur baisse était de deux mois antérieur à l’ouverture de la procédure administrative, il ne peut avoir été causé par ladite ouverture.

129    Ainsi que le Tribunal a déjà eu l’occasion de le souligner, la période d’enquête et l’interdiction de prendre en compte des éléments postérieurs à celle-ci visent à garantir que les résultats de l’enquête sont représentatifs et fiables, en assurant que les éléments sur lesquels se fonde la détermination du dumping et du préjudice ne soient pas influencés par le comportement des producteurs intéressés consécutif à l’ouverture de la procédure antidumping et, donc, que le droit définitif imposé à l’issue de la procédure soit apte à remédier effectivement au préjudice résultant du dumping (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, EU:T:2008:586, point 66 et jurisprudence citée).

130    En outre, en utilisant le terme « normalement », l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base permet des exceptions à l’interdiction de prendre en considération des renseignements relatifs à une période postérieure à la période d’enquête. S’agissant de circonstances favorables aux entreprises concernées par l’enquête, il a été jugé qu’il ne pouvait incomber aux institutions de l’Union de prendre en compte des éléments relevant d’une période postérieure à celle de l’enquête, à moins que ces éléments ne révèlent de nouveaux faitsrendant manifestement inadaptée l’institution envisagée d’un droit antidumping. Si, en revanche, des éléments relatifs à une période postérieure à la période d’enquête rendent justifiée, du fait qu’ils reflètent le comportement actuel des entreprises concernées, l’imposition ou l’augmentation d’un droit antidumping, force est de constater, sur la base de ce qui précède, que les institutions ont le droit, voire l’obligation d’en tenir compte (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, EU:T:2008:586, point 67 et jurisprudence citée).

131    Dans ses commentaires sur la divulgation des conclusions provisoires, la requérante a mis en exergue un graphique de statistiques d’importation en provenance de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat), dont la lecture fait ressortir une chute de ses importations entre mars et avril 2008, puis la stabilisation de ces importations jusqu’à la fin de la période étudiée, soit janvier 2009.

132    Il ressort, certes, de ce document que la chute des importations s’est déroulée pour l’essentiel entre avril et mai 2008, antérieurement non seulement à l’ouverture de la procédure antidumping par la Commission (le 12 juillet 2008), mais encore à la plainte de l’industrie de l’Union elle-même (le 28 mai 2008), ce qui pourrait impliquer que ladite baisse ne trouve pas son origine dans l’ouverture de l’enquête antidumping.

133    Toutefois, il convient de relever que la jurisprudence mentionnée au point 130 ci-dessus n’envisage, s’agissant de circonstances favorables aux entreprises concernées par l’enquête, la prise en compte d’éléments relevant d’une période postérieure à celle de l’enquête que dans l’éventualité où ils rendent manifestement inadaptée l’institution envisagée d’un droit antidumping.

134    Or, force est de constater que l’antériorité de la chute des importations par rapport à l’ouverture de la procédure est très relative, ladite chute étant, en réalité, quasi concomitante à la plainte de l’industrie de l’Union, et que, partant, il ne saurait être exclu qu’un rapport de causalité existe entre ces deux événements. En outre, l’existence de cette procédure a pu influencer le comportement de la requérante, en la poussant à maintenir un niveau d’importation relativement bas, jusqu’à la clôture de la procédure antidumping. La justification tirée du possible comportement de la requérante en raison de l’ouverture d’une enquête antidumping n’est donc pas manifestement dénuée de pertinence.

135    C’est, dès lors, sans commettre d’erreur manifeste que le Conseil a implicitement refusé de prendre en compte les volumes d’importation postérieurs à la période d’enquête.

136    Il convient, partant, de rejeter le cinquième grief et la première branche du moyen dans son entièreté.

 Sur la seconde branche, relative à l’appréciation des conditions de concurrence

137    L’argumentation figurant dans la présente branche du moyen peut être divisée en trois griefs selon que la requérante critique, premièrement, la motivation du règlement attaqué s’agissant de l’application de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base, deuxièmement, l’application de critères non pertinents et, troisièmement, une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de cette disposition aux circonstances de l’espèce.

138    En ce qui concerne le premier grief, la requérante critique la motivation du règlement attaqué s’agissant de la réfutation des éléments de preuve qu’elle a avancés aux fins de démontrer que la mauvaise qualité de son produit la placerait dans des conditions de concurrence différentes de celles, d’une part, des importateurs du Brésil et de la RPC et, d’autre part, des producteurs de l’Union. Elle fait observer, à cet égard, que le Conseil s’est limité à mettre en exergue son intention de réorienter sa production vers des feuilles d’aluminium destinées à la transformation et d’un niveau de qualité encore plus élevé.

139    Il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution de l’Union, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 86 et jurisprudence citée).

140    Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents, les exigences de motivation devant être appréciées au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière. Il suffit que le Conseil expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie du règlement (voir arrêt du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 87 et jurisprudence citée).

141    Plus particulièrement, les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés, il suffit d’exposer les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑108/13, non publié, EU:T:2015:980, point 157 et jurisprudence citée).

142    En premier lieu, il convient de relever que la lecture combinée du considérant 52 et du considérant 56, troisième tiret, du règlement attaqué fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Conseil s’agissant du respect de la condition figurant à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base. Il en ressort, essentiellement, trois éléments : tout d’abord, l’importance de la dimension prix dans la concurrence sur le marché des feuilles d’aluminium et le faible rôle joué par les différences de qualité (considérant 52) ; ensuite, la constatation que les produits de la requérante présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils étaient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique (considérant 56, troisième tiret), et, enfin, l’intention annoncée par la requérante de réorienter sa production vers des feuilles d’aluminium destinées à la transformation et d’un niveau de qualité encore plus élevé, ce qui indiquerait que l’argument relatif à la qualité prétendument médiocre des produits fabriqués pourrait être exagéré (considérant 56, troisième tiret). Cet aspect de la motivation du règlement attaqué est, partant, conforme aux exigences explicitées au point 139 ci-dessus.

143    En second lieu et par voie de conséquence, en application de la jurisprudence citée aux points 140 et 141 ci-dessus, il convient de considérer que ces motifs, énoncés au considérant 52 et au considérant 56, troisième tiret, du règlement attaqué, relatifs au respect de la condition figurant à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base, suffisent à satisfaire aux exigences de l’article 296 TFUE s’agissant de cet aspect de son raisonnement, sans que le Conseil ait été tenu de prendre explicitement position sur les différents éléments de preuve avancés par la requérante au cours de la procédure administrative.

144    Le premier grief doit, partant, être rejeté.

145    Dans le cadre d’un deuxième grief, la requérante soutient que le règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que son argumentation relative aux conditions de concurrence a été rejetée sur la base d’un motif non pertinent. La constatation figurant au considérant 56, troisième tiret, du règlement attaqué – tirée de ce que les produits en provenance d’Arménie présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils seraient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique – ne serait pertinente que s’agissant de la détermination des produits similaires et concernés, au titre de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base, et non aux fins d’apprécier les conditions de concurrence, au titre de l’article 3, paragraphe 4, sous b), de ce même règlement.

146    Il convient de rappeler que, au considérant 56 du règlement attaqué, le Conseil a retenu « que les produits en provenance de l’Arménie présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils étaient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique ». La requérante estime qu’il s’agit là de critères pertinents dans le cadre de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base relatif à la détermination du produit similaire, mais non dans le cadre de l’article 3, paragraphe 4, sous b), de ce règlement.

147    Ainsi, par le présent grief, la requérante reproche au Conseil d’avoir appliqué des critères non pertinents à l’occasion de l’appréciation des conditions de concurrence au titre de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base. Est dès lors en cause une éventuelle erreur de droit du Conseil, et non, comme semble l’alléguer la requérante, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

148    Au point 103 ci-dessus, il a été rappelé que l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement de base a été interprété par le Tribunal comme impliquant qu’une évaluation cumulative des effets des importations ne peut être effectuée en incluant un pays dont les importations du producteur-exportateur en cause ne sont pas à l’origine d’un dumping, soit parce que la marge de dumping est inférieure au niveau de minimis, soit parce que les volumes d’importation sont négligeables.

149    Force est de constater qu’une approche équivalente doit être privilégiée dans le cadre de l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base. Ainsi, la référence au caractère approprié d’une évaluation cumulative « des effets des importations [...] compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés » doit être comprise comme visant à éviter que ne soient cumulés les effets des importations de produits n’étant pas suffisamment en concurrence entre eux pour être à l’origine d’un même préjudice subi par l’industrie de l’Union. De même, la mention du caractère approprié d’une évaluation cumulative « des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit communautaire similaire » doit être comprise comme ayant pour objet d’éviter que des importations disposant d’un degré de concurrence insuffisant avec le produit issu de l’industrie de l’Union et, partant, qui ne sont pas susceptibles d’être à l’origine d’un préjudice pour cette dernière puissent faire l’objet d’une évaluation cumulative avec d’autres importations.

150    C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Conseil a appliqué des critères équivalents à ceux qui sont pertinents pour la détermination du produit similaire au titre de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base, dès lors que ceux-ci visent, en substance, à s’assurer de l’existence d’un degré de concurrence suffisant entre le produit concerné et le produit similaire.

151    En effet, l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base définit le produit similaire comme « un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré ». Il est de jurisprudence constante que la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité [arrêt du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 59 et jurisprudence citée].

152    Il résulte de ce qui précède que le Conseil, en prenant en compte la circonstance « que les produits en provenance de l’Arménie présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils étaient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique », n’a pas commis l’erreur de droit alléguée par la requérante.

153    Le deuxième grief encourt, partant, le rejet.

154    Dans le cadre d’un troisième grief, la requérante soutient que le Conseil n’a pas suffisamment pris en compte la mauvaise qualité de ses produits dans l’appréciation des conditions de concurrence ainsi que les éléments de preuve qu’elle a avancés aux fins de démontrer ladite mauvaise qualité.

155    Dans le cadre de l’examen du présent grief, il convient de prendre en compte, en application de la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, le large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions dans le domaine des mesures de défense commerciale, en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner.

156    Il incombait, dès lors, à la requérante de démontrer que la faible qualité de ses importations plaçait celles-ci dans une situation de concurrence si différente de celle des autres importations et du produit concerné que le choix du Conseil de faire application de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base revêt un caractère manifestement erroné.

157    Ainsi que cela a déjà été observé au point 142 ci-dessus, le Conseil a retenu en substance trois éléments pour conclure que la condition de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base était remplie : la prépondérance de la dimension prix dans la concurrence sur le marché des feuilles d’aluminium et le faible rôle joué par les différences de qualité ; la constatation que les produits de la requérante présentaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques de base et qu’ils étaient affectés aux mêmes applications fondamentales, quelle que soit leur qualité spécifique, et l’intention annoncée par la requérante de réorienter sa production vers des feuilles d’aluminium destinées à la transformation et d’un niveau de qualité encore plus élevé.

158    En premier lieu, force est de constater que les éléments de preuve avancés par la requérante ne remettent pas en cause l’ensemble des éléments pris en compte par le Conseil. Ainsi, ils ne réfutent pas l’existence d’une intention de la requérante d’améliorer la qualité de ses produits, laquelle n’est, en outre, pas contestée par celle-ci dans ses écritures.

159    À cet égard, il peut être observé que le Tribunal a déjà eu l’occasion de prendre en compte dans le cadre de la détermination du produit similaire non seulement la substituabilité au niveau de la demande, mais également la substituabilité au niveau de l’offre, sous l’angle de la possibilité de passer de la production de produits d’une certaine qualité à la production de produits d’une autre qualité [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 75]. Pour les raisons exposées aux points 149 à 151 ci-dessus, un raisonnement développé dans le cadre de l’analyse du produit concerné au titre de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base est également pertinent s’agissant de la détermination des conditions de concurrence, au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous b), de ce même règlement.

160    Il en résulte nécessairement que la possibilité, non contestée par la requérante, de passer à une production de meilleure qualité réduit considérablement la portée de son argumentation tirée de l’incidence sur les conditions de concurrence de la qualité prétendument médiocre de ses produits.

161    En second lieu, et en toute hypothèse, il convient également de relever que c’est à juste titre que le Conseil met en exergue la valeur peu probante des éléments de preuve avancés par la requérante.

162    Selon une jurisprudence constante, le principe qui prévaut dans le droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. Ainsi, pour apprécier la force probante d’un élément de preuve, il convient tout d’abord de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 161 et jurisprudence citée).

163    Premièrement, s’agissant des lettres des sociétés Timos, DLR, RONCORNI, SPHERE France, FRIO COMSET, Cogepack, force est de constater, tout d’abord, que ces lettres ont été rédigées à la demande de la requérante postérieurement à l’ouverture de la procédure, ensuite, que leur rédaction est très largement similaire, sinon identique et, enfin, qu’elles demandent toutes la cessation de la procédure antidumping ouverte à l’encontre de la requérante. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que lesdites lettres visent à fournir une évaluation objective de la qualité des produits de la requérante. Seule une force probante limitée peut donc être accordée au paragraphe de ces lettres relatif à la prétendue mauvaise qualité des produits de la requérante.

164    Deuxièmement, s’agissant du courrier de la société Achenbach, il apparaît que celui-ci a également été réalisé à la demande de la requérante postérieurement à l’ouverture de la procédure. Il souligne en substance que la mise en fonctionnement des nouvelles machines fournies par ladite société à la requérante a connu certaines difficultés ayant eu une incidence sur le coût de fabrication des feuilles d’aluminium. Un tel courrier ne présente, dès lors, pas de véritable force probante s’agissant de la démonstration d’une prétendue mauvaise qualité de la production de la requérante.

165    Ainsi, troisièmement, le seul élément attestant véritablement de la mauvaise qualité d’un lot de produits de la requérante est la lettre de réclamation de la société LENZING, mettant fin à ses fournitures auprès de la requérante. Il s’agit là, cependant, d’une contestation pour un montant relativement limité (3 176 euros), qui ne saurait raisonnablement être considérée comme représentative de l’ensemble ou d’un échantillon large de la production de la requérante.

166    Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de conclure que la requérante n’a pas été à même de démontrer le caractère manifestement erroné de l’application de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement de base à ses importations.

167    Le troisième grief doit, partant, être rejeté et, par voie de conséquence, le troisième moyen dans son entièreté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que le refus de l’offre d’engagement de la requérante serait entaché d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’erreurs manifestes d’appréciation

168    La requérante estime que son offre d’engagement a été rejetée en violation du principe d’égalité de traitement et sur la base d’un raisonnement manifestement erroné.

169    Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet du présent moyen.

170    Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base : « [à] condition qu’un examen préliminaire positif ait établi l’existence d’un dumping et d’un préjudice, la Commission peut accepter des offres par lesquelles les exportateurs s’engagent volontairement et de manière satisfaisante à réviser leurs prix ou à ne plus exporter à des prix de dumping, si, après consultations spécifiques du comité consultatif, elle est convaincue que l’effet préjudiciable du dumping est éliminé ».

171    Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, de ce même règlement, « [l]es engagements offerts ne seront pas nécessairement acceptés si leur acceptation est jugée irréaliste, par exemple, si le nombre d’exportateurs effectifs ou potentiels est trop élevé ou pour d’autres raisons, y compris des raisons de politique générale [ ; l]’exportateur concerné peut être informé des raisons pour lesquelles il est envisagé de proposer le rejet de l’offre d’engagement et une possibilité peut lui être donnée de présenter ses commentaires à ce sujet [ ; l]es motifs de rejet sont indiqués dans la décision définitive ».

172    Les considérants 113 à 115 du règlement attaqué sont rédigés de la manière suivante :

« (113)      Au cours de l’enquête, le producteur-exportateur unique arménien ayant coopéré et le producteur-exportateur unique brésilien ayant coopéré ont offert des engagements de prix, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base.

(114)            Les deux offres ont été examinées. L’offre de l’exportateur brésilien élimine les effets préjudiciables du dumping et limite le risque de contournement dans une mesure suffisante. En ce qui concerne l’offre de l’exportateur arménien, compte tenu de la structure complexe du groupe de sociétés et de la complexité de ses circuits de vente, il existe un risque élevé de compensation croisée avec des ventes du même produit, mais d’origine différente, aux mêmes clients, ainsi qu’avec les ventes, aux mêmes clients, de produits différents, provenant de sociétés de vente différentes appartenant au même groupe. L’exportateur arménien a présenté une offre d’engagement largement révisée après l’expiration du délai visé à l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base. Il y a lieu de noter qu’outre le fait que l’offre révisée a été présentée hors délais, elle ne peut être acceptée pour la raison suivante : bien que la société ait offert de ne vendre que directement au premier consommateur indépendant dans l’Union, c’est-à-dire sans passer par ses deux sociétés liées dans le circuit de vente, l’enquête a montré qu’elle avait vendu d’autres produits aux mêmes consommateurs dans l’Union. En outre, la société a annoncé son intention de fabriquer un nouveau type de produit, à savoir ACF, et de le vendre à l’Union. Comme il est possible que ce nouveau type de produit puisse être vendu aux mêmes clients dans l’Union, même l’offre révisée ne peut pas limiter le risque de compensation croisée dans une mesure suffisante.

(115)            Par la décision 2009/736[…], la Commission a accepté l’offre d’engagement de [la CBA]. Le Conseil reconnaît que l’offre d’engagement élimine l’effet préjudiciable du dumping et limite le risque de contournement dans une mesure suffisante. L’offre de Rusal Armenal est rejetée pour les raisons exposées au considérant 114 et également en raison des problèmes posés par sa comptabilité, comme il a été indiqué aux considérants 21 et 22. »

173    Dans le cadre de ce moyen, la requérante conteste la légalité de ce qu’elle estime être les quatre motifs de rejet de son offre d’engagement, à savoir le caractère prétendument hors délai de la présentation de son offre d’engagement, la qualification de ladite offre de « largement révisée », le « risque élevé de compensation croisée » que son acceptation aurait impliqué et les carences affectant sa comptabilité.

174    Force est cependant de constater que la lecture des considérants 114 et 115 du règlement attaqué fait apparaître la présence de seulement deux motifs de rejet de l’offre d’engagement présentée par la requérante, d’une part, la constatation que la version révisée de l’offre ne limitait pas de manière suffisante le risque élevé de « compensation croisée avec des ventes du même produit, mais d’origine différente, aux mêmes clients, ainsi qu’avec les ventes, aux mêmes clients, de produits différents, provenant de sociétés de vente différentes appartenant au même groupe » (considérant 114), d’autre part, les carences touchant les comptes de la requérante (considérant 115). En effet, il ne ressort pas du considérant 114 du règlement attaqué que les deux autres éléments identifiés par la requérante constituent des motifs sur lesquels le Conseil s’est appuyé aux fins de rejeter ladite offre.

175    En ce qui concerne la légalité du motif pris des carences dans la comptabilité de la requérante, figurant au considérant 115 du règlement attaqué, il y a lieu d’observer que celui-ci a été explicité plus en détail à la requérante par la Commission dans un courrier en date du 7 août 2009 dans lequel il a été souligné, en substance, que le contrôle du respect de l’engagement impliquait la possibilité de pouvoir vérifier la comptabilité de la requérante et que les défauts observés dans la tenue des comptes de la requérante à l’occasion de l’examen de sa demande SEM remettaient en cause la possibilité d’une telle vérification.

176    Ainsi que le Tribunal a eu l’occasion de le souligner, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, du règlement de base que les institutions de l’Union peuvent tenir compte de toutes sortes de circonstances factuelles dans l’évaluation de l’offre d’engagement (arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 224). En outre, aucune disposition du règlement de base ne fait obligation aux institutions de l’Union d’accepter des propositions d’engagements en matière de prix formulées par les opérateurs économiques visés par une enquête préalable à l’établissement de droits antidumping. Il résulte au contraire dudit règlement que le caractère acceptable de tels engagements est défini par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 225 et jurisprudence citée).

177    Il s’en déduit logiquement que le Tribunal ne peut exercer qu’un contrôle restreint sur le bien-fondé du refus d’une offre d’engagement. À cet égard, il peut être relevé que le large pouvoir d’appréciation dont bénéficient les institutions ne découle pas seulement de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques impliquées par les mesures de défense commerciale. Il est également la conséquence du choix du législateur de laisser une liberté de décision aux institutions quant à l’opportunité d’accepter ou non une offre d’engagement.

178    En premier lieu, il convient de relever que l’impératif d’assurer un contrôle adéquat des engagements est une considération que les institutions pouvaient valablement prendre en considération à l’occasion de l’examen de l’offre d’engagement de la requérante.

179    En second lieu, et par voie de conséquence, il convient de vérifier si, en ce qu’il retient que les carences relevées dans la comptabilité de la requérante étaient de nature à mettre en cause la surveillance du respect des engagements de la requérante, le règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

180    Ainsi que cela a déjà été souligné au point 89 ci-dessus, il ressort du considérant 22 du règlement attaqué, auquel le considérant 115 de ce même règlement renvoie, que les institutions étaient seulement en possession des rapports d’audit pour les années 2006 et 2007, lesquels mettaient en exergue des carences s’agissant de trois éléments : l’inventaire des stocks au 31 décembre 2006, le coût des ventes et les pertes nettes pour les années 2006 et 2007.

181    Or, d’une part, force est de constater que de telles carences, au-delà de leurs incidences sur le calcul de la valeur normale des produits de la requérante, sont de nature à faire naître une suspicion légitime quant à la fiabilité de la comptabilité de la requérante.

182    Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance, relevée par la requérante, qu’elle s’est vu accorder un traitement individuel, dès lors que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base n’inclut aucune condition relative à la comptabilité de l’entreprise concernée. Une telle circonstance est, dès lors, dénuée de pertinence.

183    D’autre part, c’est à juste titre que le Conseil fait valoir dans ses écritures que le risque de compensation croisée auquel l’engagement de la requérante était censé remédier rendait d’autant plus importante une surveillance par la Commission des registres comptables et des registres relatifs aux achats, à la production et aux stocks de la requérante. En effet, dans l’éventualité où la proposition d’engagement de la requérante aurait été acceptée, il aurait appartenu à la Commission de s’assurer que celle-ci, directement ou par l’intermédiaire d’une société du groupe auquel elle appartient, ne vende pas à un de ses clients dans l’Union un autre produit en minorant son prix, ce qui aurait pour effet d’annuler ou de limiter l’effet de l’augmentation sur le prix du produit de la requérante impliqué par son engagement. Force est de constater que la possibilité d’assurer une telle vérification est conditionnée par la fiabilité des registres de la requérante.

184    Au vu de ce qui précède, le considérant 115 du règlement attaqué n’apparaît être entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Dans la mesure où ce considérant est à même de justifier à suffisance de droit le refus des institutions d’accepter l’offre d’engagement de la requérante, il n’y a pas lieu d’examiner les critiques diligentées à l’encontre du considérant 114 de ce même règlement.

185    Il convient, partant, de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

186    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante se réfère à un articleparu dans le Sunday Times au Royaume-Uni le 12 octobre 2008 soulignant l’existence, d’une part, de contacts sociaux entre son propriétaire, M. D., et un ancien membre de la Commission responsable de la direction générale (DG) « Commerce » et, d’autre part, d’une enquête antidumping diligentée à son égard. En substance, elle estime qu’il ressort de cet article ainsi que d’autres articles subséquents des allégations de favoritisme, reprises dans une question parlementaire. Elle fait également observer que, dans une lettre en date du 16 octobre 2008, rendue publique le 19 octobre 2008, le directeur général de la DG « Commerce » a fait savoir que, si un dumping était établi s’agissant de la requérante, il était probable que des droits seraient recouvrés et que, « loin de recevoir un traitement favorable », la requérante pourrait, en définitive, se voir contrainte de verser des droits sur ses exportations.

187    En substance, la requérante reproche à la Commission de s’être publiquement appuyée sur la procédure en cours à son égard aux fins de se défendre des allégations de favoritisme présentées à son égard. Elle estime également qu’il est probable que la lettre du 16 octobre 2008 ait été comprise par le personnel de la Commission comme une incitation à conduire l’enquête de manière à obtenir un résultat défavorable à son égard, aux fins de démontrer son indépendance. Cela serait constitutif d’une violation du principe de « bonne administration », susceptible d’entraîner l’annulation du règlement attaqué.

188    Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet du présent moyen.

189    Il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission et le Conseil sont tenus de respecter les droits fondamentaux de l’Union au cours d’une procédure administrative en matière de défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45 et jurisprudence citée]. Selon la jurisprudence relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 10 octobre 2012, Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil, T‑150/09, non publié, EU:T:2012:529, point 77).

190    En l’espèce, force est de constater que la Commission n’a fait que rappeler des éléments revêtant un caractère public sans s’écarter de son devoir d’impartialité.

191    En premier lieu, pour autant que la requérante soutienne que la Commission est à l’origine des éléments mis en exergue dans l’article du Sunday Times, d’une part, il convient de relever que l’existence d’une enquête diligentée à l’encontre des importations de certaines feuilles d’aluminium originaires d’Arménie revêtait un caractère public, dès lors que ledit article est postérieur à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis d’ouverture de la procédure, le 12 juillet 2008. D’autre part, s’agissant de la circonstance que M. D. soit le propriétaire de la société faisant l’objet de ladite enquête, il suffit de souligner que cette information pouvait aisément être déduite d’éléments disposant d’un caractère notoire. En effet, il peut raisonnablement être considéré que tant la circonstance que la requérante constitue la seule productrice d’aluminium en Arménie que le fait que M. D. soit son propriétaire sont des éléments relevant du domaine public.

192    En second lieu, s’agissant du contenu de la lettre du 16 octobre 2008, force est de constater que celle-ci se borne à rappeler la logique du règlement de base, à savoir que des importations faisant l’objet d’un dumping et causant un préjudice à l’industrie de l’Union peuvent faire l’objet de droits antidumping.

193    Ne saurait, dès lors, être retenue une quelconque violation du principe de bonne administration.

194    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen et, partant, le recours dans son entièreté.

 Sur les dépens

195    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Dans la mesure où, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer également, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure de pourvoi.

196    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

197    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Le Parlement et la Commission supporteront, dès lors, leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rusal Armenal ZAO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne dans les procédures devant le Tribunal et la Cour.

3)      Le Parlement européen et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Prek

Labucka

Schwarcz

Tomljenović

 

      Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.