Language of document : ECLI:EU:T:2020:166

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 avril 2020  (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative green cycles – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 – Article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Absence d’usage du signe en tant que logo d’entreprise »

Dans l’affaire T‑78/19,

Lidl Stiftung & Co. KG, établie à Neckarsulm (Allemagne), représentée par Mes A. Marx, K. Bonhagen et M. Wolter, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Scardocchia et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Plásticos Hidrosolubles, SL, établie à Rafelbuñol (Espagne), représentée par Me C. Sueiras Villalobos, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 29 novembre 2018 (affaire R 778/2018-5), relative à une procédure de déchéance entre Lidl Stiftung et Plásticos Hidrosolubles,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et T. Perišin, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 mai 2019,

à la suite de l’audience du 16 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 janvier 2010, l’intervenante, Plásticos Hidrosolubles, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 17, 20, 40 et 42, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 17 : « Matières plastiques sous forme extrudée destinées à la production ; produits en matières plastiques (semi-produits) ; produits en matières plastiques hydrosolubles, biodégradables et compostables (semi-produits) ; fibres en matières plastiques, films en matières plastiques, feuilles en matières plastiques, plaques en matières plastiques ; produits semi-finis en matières plastiques » ;

–        classe 20 : « Articles en matières plastiques ; produits en matières plastiques hydrosolubles, biodégradables et compostables » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux ; en particulier, traitement du plastique et décoration de surfaces en plastique » ;

–        classe 42 : « Services d’ingénierie pour l’industrie du traitement des matières plastiques, conception et développement de produits entièrement ou partiellement en matières plastiques ; services scientifiques et technologiques et travaux de recherche en matière de produits en matières plastiques ; services d’ingénierie, à savoir services de conseils en rapport avec la conception, le développement et la fabrication de parties de moulage par injection de matières plastiques ».

4        La demande a été publiée le 17 mai 2010 et la marque contestée a été enregistrée le 2 septembre 2010 sous le numéro 8807265 pour l’ensemble des produits et des services visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 3 septembre 2015, la requérante, Lidl Stiftung & Co. KG, a déposé, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne susmentionnée pour l’ensemble des produits et des services couverts par ladite marque.

6        Le 16 septembre 2016, l’intervenante a produit une série d’éléments de preuve afin d’établir l’usage sérieux de sa marque. Ces éléments de preuve ont été présentés dans le cadre de quatre documents, sous les intitulés « autopromotion » (document no 1), « publicité » (document no 2), « activité commerciale » (document no 3) et « gestion de la marque » (document no 4), lesquels figurent dans l’annexe au dossier de la procédure devant l’EUIPO.

7        Le 15 mars 2018, la division d’annulation de l’EUIPO a partiellement accueilli la demande en déchéance, dans la mesure où elle a déclaré la marque de l’intervenante déchue, avec effet à partir du 3 septembre 2015, pour certains services compris dans la classe 40, à savoir le « traitement de matériaux à l’exclusion des plastiques ».

8        Le 26 avril 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation, tendant à son annulation partielle dans la mesure où ladite décision permettait à la marque contestée de demeurer enregistrée pour les autres produits et services compris dans les classes 17, 20, 40 et 42.

9        Par décision du 29 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et a confirmé la décision de la division d’annulation. La chambre de recours a estimé que les preuves produites par l’intervenante, considérées dans leur ensemble, suffisaient à prouver l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente pour les classes 17, 20 et 42 et partiellement pour la classe 40, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et aux critères prévus par la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire [devenu article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement [2017/1001] et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)].

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure devant le Tribunal ;

–        condamner l’intervenante aux dépens exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a considéré que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré par l’intervenante pour l’ensemble des produits compris dans la classe 20 ;

–        rejeter le recours pour le surplus ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, lu en combinaison avec la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement nº 2868/95. Il convient de rappeler que, ainsi que la requérante l’a relevé au point 13 de la requête, la teneur de ces dispositions est identique à celle, respectivement, de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement 2018/625.

14      Ce moyen est divisé, en substance, en trois branches, tirées, la première, de l’existence d’erreurs lors de l’appréciation de l’usage de la marque contestée en lien avec l’ensemble des produits et des services désignés par celle-ci, la deuxième, de l’appréciation erronée quant à l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée et, la troisième, de l’appréciation erronée quant à l’usage de la marque contestée en tant que marque.

 Sur la première branche, tirée de l’existence d’erreurs lors de l’appréciation de l’usage de la marque contestée en lien avec l’ensemble des produits et des services désignés

15      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en concluant que l’intervenante avait démontré, lors de la procédure de déchéance, un usage sérieux de la marque contestée pour tous les produits et les services désignés par celle-ci. Selon elle, la chambre de recours a concentré son analyse sur les « ventes d’un ou deux produits », au lieu de faire une analyse de chaque catégorie de produits ou de services visés par ladite marque.

16      En particulier, la requérante fait valoir, tout d’abord, que les factures produites par l’intervenante ne portent que sur des sacs et des films plastiques, mais qu’elles ne concernent aucun autre produit ou service, en particulier, comme la chambre de recours l’aurait estimé, des balles de golf, des bouteilles en plastique ou des bourres pour cartouches. De même, contrairement à la chambre de recours, elle estime que ni le matériel publicitaire ni les éléments relatifs aux parrainages d’évènements produits par l’intervenante aux fins de démontrer l’usage de la marque contestée ne prouvent que les produits visés par celle-ci ont été mis sur le marché et vendus. À cet égard, elle ajoute que les éléments de preuve de l’usage qui proviennent de la sphère du titulaire de la marque ont, selon la jurisprudence, une valeur probante moindre que les éléments de preuve provenant d’un tiers. Sur cette base, elle allègue que la plupart des documents fournis par l’intervenante ne proviendraient pas d’une source indépendante susceptible d’étayer son authenticité.

17      Ensuite, s’agissant des produits visés par les classes 17 et 20, la requérante considère que la chambre de recours aurait dû, conformément à la jurisprudence, examiner plus en détail les différentes sous-catégories faisant partie de ces deux classes et ne pas constater l’usage de la marque contestée pour ces classes de produits d’une manière aussi large. Selon elle, il n’existe presque aucun article qui ne puisse pas être fabriqué à partir de plastique, de sorte que la chambre de recours aurait dû identifier, par rapport aux classes 17 et 20, des sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome dans le cadre de son examen.

18      Enfin, la requérante allègue que la chambre de recours a considéré à tort que la marque contestée avait été utilisée publiquement et vers l’extérieur, comme l’exigerait la jurisprudence constante. Plus particulièrement, elle estime que les documents fournis par l’intervenante n’ont jamais été utilisés publiquement dans le contexte d’une activité commerciale. Elle réitère qu’il n’y a pas de preuve d’un usage public et vers l’extérieur de la marque contestée pour des bouteilles, des balles de golf, des urnes et des bourres pour cartouches.

19      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante à l’exception de ceux formulés à l’égard de l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne les produits concernés par la classe 20. S’agissant desdits produits, l’EUIPO demande, conformément à son premier chef de conclusions, l’annulation partielle de la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours aurait dû ventiler les catégories de produits visés par la marque contestée en sous-catégories, et examiner en détail l’usage de ladite marque par rapport à chacune de ces sous-catégories.

20      L’intervenante, pour sa part, rejette tous les arguments de la requérante et estime avoir prouvé à suffisance de droit l’usage sérieux de la marque contestée par rapport à tous les produits et services visés par celle-ci. En ce qui concerne, en particulier, les produits concernés par la classe 20, l’intervenante estime avoir démontré un usage pour une si grande variété de catégories cohérentes de produits en plastique qu’il peut être considéré que la marque contestée a fait l’objet d’un usage pour cette catégorie entière.

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, « si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues à ce règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

22      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625, applicable aux procédures de déchéance en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

23      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée].

24      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].

25      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée]. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 30 et jurisprudence citée].

26      Enfin, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée [voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23].

27      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il y a lieu d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les éléments fournis par l’intervenante dans le cadre de la procédure en déchéance étaient susceptibles de prouver un usage sérieux de la marque contestée propre à assurer le maintien de ses droits.

28      En l’espèce, d’une part, il convient de relever qu’il est fait référence à la liste complète des éléments de preuve fournie par l’intervenante aux fins de prouver l’usage sérieux de la marque contestée au point 5 de la décision attaquée. Dans le présent arrêt, il y a lieu de limiter les références auxdits éléments dans la mesure où ils font l’objet d’une contestation concrète de la part de la requérante. D’autre part, il importe de constater que la requérante ne conteste les conclusions de la chambre de recours qu’en ce qui concerne les critères de l’importance et de la nature de l’usage de la marque contestée prévus à l’article 10, paragraphe 3, du règlement 2018/625. En revanche, elle ne formule aucun argument à l’encontre des conclusions de la chambre de recours, figurant aux points 25 à 31 de la décision attaquée, concernant la durée et le lieu dudit usage.

 Sur l’importance de l’usage

29      S’agissant de l’importance de l’usage, la chambre de recours a considéré, en substance, aux points 36 et 37 de la décision attaquée que la quantité des factures communiquées lors de la procédure de déchéance, adressées à des clients se trouvant notamment dans l’Union, indiquait un chiffre d’affaires qui montrait une utilisation effective et suffisante de la marque contestée sur le marché. De même, elle a estimé que les annonces publicitaires parues dans deux journaux espagnols, les devis, la publicité ou les parrainages de l’intervenante indiquaient, malgré l’absence d’information concernant le volume de ventes, au moins que les produits avaient été mis sur le marché et qu’ils avaient été vendus.

30      Selon une jurisprudence constante, lors de l’appréciation de l’importance de l’usage qui a été fait d’une marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [voir arrêt du 8 novembre 2007, Charlott/OHMI – Charlo (Charlott France Entre Luxe et Tradition), T‑169/06, non publié, EU:T:2007:337, point 36 et jurisprudence citée].

31      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal, d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 26 et jurisprudence citée].

32      En effet, dans l’interprétation de la notion de l’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 27 et jurisprudence citée).

33      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 28 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, la chambre de recours réitère, en substance, l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les éléments fournis par l’intervenante lors de la procédure de déchéance, à savoir les factures envoyées à des clients de l’Union et des pays tiers de l’intervenante, les annonces publicitaires parues dans deux journaux espagnols différents, la correspondance avec des clients à caractère promotionnel et commercial, les bons de commande, les devis, les brochures et les catalogues, suffisaient aux fins de démontrer l’importance de l’usage du signe.

35      Le Tribunal considère que cette appréciation est fondée.

36      Tout d’abord, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, outre les sacs et les films plastiques, il n’y aurait pas de preuve de ventes concernant l’utilisation de la marque contestée en lien avec d’autres produits ou services. En effet, comme la division d’annulation et la chambre de recours l’ont constaté, il ressort de l’annexe au dossier de la procédure devant l’EUIPO, en particulier du document no 3, que l’intervenante a produit des éléments de preuve démontrant l’importance des ventes de sacs, de sacs poubelles, de sacs à linge, d’urnes, de plombs, de films plastiques, de bourres pour cartouches, de tubes de films et de résines. Elle a également démontré l’importance de l’usage en ce qui concerne des services de conception, d’élaboration et d’essais.

37      La requérante fait valoir que les preuves déposées par l’intervenante, à l’exception des demandes concernant des commandes de sacs en matières plastiques ou de films en matières plastiques, ne proviennent pas d’une source indépendante, raison pour laquelle elles devraient être considérées comme des éléments dont la valeur probante est moindre. Cependant, force est de constater que l’intervenante a déposé lors de la procédure de déchéance des éléments de preuve objectifs, notamment des factures, figurant dans le document no 3 de l’annexe au dossier de la procédure devant l’EUIPO, qui montrent que les produits portant la marque contestée ont été vendus tant dans l’Union qu’à l’extérieur. Bien que les factures aient été émises par l’intervenante elle-même, comme la requérante l’allègue dans ses écritures, il s’agit de documents destinés à des tiers susceptibles de servir d’éléments de preuve en vue d’attester l’usage sérieux d’une marque sans besoin d’authentification.

38      Dans son argumentation, la requérante invoque également l’arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita) (T‑303/03, EU:T:2005:200), qui traite spécifiquement de la valeur probante réduite des déclarations émanant du titulaire de la marque. Toutefois, il y a lieu de relever qu’il ressort, en substance, du même arrêt que des éléments de preuve tels que des factures, des catalogues ou des annonces dans les journaux, à savoir les documents produits en l’espèce par l’intervenante, présentaient, contrairement aux déclarations faites par le titulaire de la marque, une valeur probante supérieure (voir les points 34 et 45 dudit arrêt). En l’espèce, de plus, aucune déclaration du type concerné par l’arrêt susmentionné n’a été présentée.

39      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel ni le matériel publicitaire ni les éléments relatifs aux parrainages d’évènements produits par l’intervenante aux fins de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée ne prouvent que les produits et les services visés par celle-ci ont été mis sur le marché et vendus, force est de constater que de tels éléments s’ajoutent aux nombreuses factures qui, comme indiqué au point 37 ci-dessus, démontrent la commercialisation effective et suffisante desdits produits.

40      De surcroît, il y a lieu de considérer que les preuves fournies dans le cadre d’une procédure de déchéance sont valables pour autant qu’elles permettent d’établir des déductions claires quant aux critères prévus par l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, dont l’importance de l’usage. En l’occurrence, les annonces apparues dans deux des journaux nationaux les plus diffusés en Espagne, à savoir El País et La Razón, suffisent en tant que telles à corroborer le fait que, comme la chambre de recours l’a constaté, en substance, au point 37 de la décision attaquée, les produits visés par la marque contestée ont été mis sur le marché et commercialisés à suffisance.

41      Enfin, pour autant que la requérante reproche à la chambre de recours de s’être concentrée uniquement sur les « ventes d’un ou deux produits » pour conclure à l’existence d’un niveau minimal d’importance pour tous les produits et les services désignés par la marque contestée, il y a lieu de constater que, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, l’analyse effectuée par la chambre de recours sur l’importance de l’usage sérieux de la marque contestée ne porte pas, de manière individuelle, sur chaque classe de produits et de services désignés par ladite marque.

42      Toutefois, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit en procédant de la sorte. En effet, il suffit de relever que, dans le cadre de son analyse, la chambre de recours était seulement tenue d’apprécier si la marque en cause avait été utilisée de manière « effective et suffisante » en lien avec les produits et services identifiés dans les éléments de preuve soumis par l’intervenante lors de la procédure administrative, mentionnés au point 34 ci-dessus. En revanche, il était loisible à la chambre de recours d’effectuer une appréciation sur la classification concrète de tels produits et services conformément à l’arrangement de Nice ainsi que sur sa correspondance avec les produits et les services visés par la marque contestée dans le cadre de l’analyse relative à la nature de l’usage.

43      Il s’ensuit qu’aucun des arguments de la requérante n’est susceptible de mettre en cause l’appréciation de la chambre de recours quant à l’importance de l’usage sérieux de la marque contestée.

 Sur la nature de l’usage

44      S’agissant de la nature de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours a estimé, tout comme la division d’annulation, aux points 54 à 61 de la décision attaquée, que l’usage de la marque contestée avait été démontré au cours de la période pertinente pour les classes 17, 20, 42 et partiellement pour la classe 40. Sous le titre « Appréciation globale des preuves de l’usage », au point 68 de la décision attaquée, elle a également considéré que ledit usage avait été effectué publiquement et vers l’extérieur. La requérante conteste ces deux appréciations.

45      Tout d’abord, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la marque contestée n’aurait pas été utilisée publiquement et vers l’extérieur au sens de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus. En effet, comme l’a relevé la chambre de recours au point 68 de la décision attaquée, les échantillons de factures fournis conjointement aux catalogues, aux événements promotionnels, aux actions publicitaires et à l’activité commerciale, démontrent à suffisance l’usage public et vers l’extérieur de ladite marque en vue de créer des marchés commerciaux dans l’Union. En particulier, le grand nombre de factures adressées par l’intervenante à différents clients montre que l’usage de la marque contestée s’est fait publiquement et vers l’extérieur. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’établissement d’une facture permet comme tel d’établir que l’usage de la marque s’est effectué de manière publique et vers l’extérieur, et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, MPM-Quality/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑75/18, non publié, EU:T:2019:413, point 75 et jurisprudence citée].

46      Ensuite, s’agissant de la preuve de l’usage en lien avec l’ensemble des produits et des services désignés, il convient de rappeler que l’EUIPO demande, dans le cadre de son premier chef de conclusions, l’annulation partielle de la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a constaté, au point 61 de ladite décision, l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 20.

47      À cet égard, il convient de rappeler que la jurisprudence constante prévoit que rien ne s’oppose à ce que l’EUIPO se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal. En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête [voir arrêt du 9 décembre 2014, Capella/OHMI – Oribay Mirror Buttons (ORIBAY), T‑307/13, EU:T:2014:1038, point 17 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, les conclusions de l’EUIPO visent, tout comme celles de la requérante, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a considéré que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré par l’intervenante pour l’ensemble des produits compris dans la classe 20. Force est de constater que ce point a également été soulevé par la requérante dans la requête. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que rien n’empêche que le chef de conclusions de l’EUIPO soit déclaré recevable et que les arguments formulés à son soutien soient pris en compte lors de l’examen du bien-fondé de la décision attaquée.

49      S’agissant, premièrement, des produits visés par la marque contestée et relevant de la classe 17, la chambre de recours a confirmé, aux points 54 à 56 de la décision attaquée, la conclusion de la division d’annulation selon laquelle l’intervenante avait produit des éléments de preuve tels que des brochures, des catalogues, des fiches produits, des cartes à puce, des fiches techniques et des informations sur le projet ainsi que des documents publicitaires et des factures attestant l’usage de la marque pour des « procédés d’extrusion et de moulage », pour « des films et des granulés qui sont des types de produits en matières plastiques mi-ouvrées » et pour des « types de semi-produits en matières plastiques, hydrosolubles, biodégradables et compostables, et [des] produits semi-finis ». Selon la chambre de recours, cette conclusion s’appliquait de même aux « feuilles en matières plastiques et plaques en matières plastiques », réputées « très similaires » aux « films en matières plastiques et produits semi-finis en matières plastiques », pour lesquels la preuve de l’usage avait été apportée. Sur cette base, la chambre de recours a conclu que l’intervenante avait apporté la preuve d’un usage pour l’ensemble des produits compris dans la classe 17.

50      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’arrangement de Nice, la classe 17 des produits comporte, notamment, les matières plastiques et résines sous forme extrudée utilisées au cours d’opérations de fabrication. Il convient de relever de même, à l’instar de l’EUIPO, que, selon les notes explicatives de ladite classification, les produits visés par la classe 17 incluent des produits mi‑ouvrés, susceptibles d’être transformés en d’autres produits qui relèvent, par la suite, d’autres classes en fonction de leur nature ou de leur destination. À titre d’illustration, les notes explicatives précisent que les « pellicules en matières plastiques autres que pour l’empaquetage et le conditionnement » relèvent de la classe 17. Une fois que le film plastique mi-ouvré est transformé en film d’empaquetage en tant que produit final, ce film relève alors de la classe 16.

51      Il s’ensuit que la classe 17 comporte une gamme de produits définis et identifiables en raison, d’une part, de leur matériel de base, notamment le plastique, et, d’autre part, de leur état de semi-transformation.

52      En l’occurrence, dès lors que les éléments de preuve fournis par l’intervenante démontrent, comme indiqué au point 49 ci-dessus, la commercialisation d’une large gamme de produits en plastique semi-transformés, tels que les films et les granulés, pouvant rentrer dans l’une des catégories désignées par la marque contestée relevant de la classe 17, à savoir, les « matières plastiques sous forme extrudée destinées à la production ; produits en matières plastiques (semi-produits) ; produits en matières plastiques hydrosolubles, biodégradables et compostables (semi-produits) ; fibres en matières plastiques [et] films en matières plastiques, […] ; produits semi-finis en matières plastiques », il y a lieu de considérer que la chambre de recours a conclu à bon droit que l’usage sérieux avait été dûment prouvé pour les produits relevant de ladite classe 17.

53      De surcroît, il n’y a pas lieu de remettre en cause la constatation de la chambre de recours, non contestée par la requérante et figurant au point 56 de la décision attaquée, selon laquelle l’usage pouvait, en particulier, être constaté par rapport aux « feuilles en matières plastiques et plaques en matières plastiques » en raison de leur similarité avec les « films en matières plastiques et produits semi-finis en matières plastiques », pour lesquels la preuve dudit usage avait été apportée.

54      S’agissant, deuxièmement, des produits relevant de la classe 20, la chambre de recours a également considéré que la preuve de l’usage avait été fournie par l’intervenante. En particulier, il ressort des points 5 (« document no 3 »), 54 et 55 de la décision attaquée que les éléments de preuve apportés par l’intervenante mettent en évidence un usage notamment pour des bouteilles, des films, des sacs, des balles de golf, des sacs poubelles, des sacs à linge, des granulés, des urnes, des plombs, des bourres pour cartouches, des tubes plastiques et des résines.

55      À cet égard, le Tribunal constate, d’une part, que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les produits pour lesquels l’usage de la marque avait été démontré relevaient de la classe 20 au sens de l’arrangement de Nice. En effet, comme l’EUIPO le relève lui-même, la note explicative relative à ladite classe « comprend essentiellement […] les produits en matières plastiques qui ne sont pas compris dans d’autres classes ». Sur cette base, force est de constater que la plupart des produits dont la commercialisation a été prouvée ne rentrent pas dans la classe 20. En particulier, les sacs poubelles relèvent de la classe 16, les balles de golf de la classe 18, les granulés de plusieurs classes, notamment des classes 1, 4, 13, 17 et 19, les films de la classe 16, les bourres pour cartouches de la classe 13 et les résines des classes 1 ou 2.

56      Par ailleurs, pour les produits en matières plastiques qui ne sont pas compris dans d’autres classes, comme c’est le cas des « urnes », la vente de ces produits par l’intervenante ne peut pas constituer la preuve d’un usage sérieux pour une catégorie aussi large que les « articles en matières plastiques » ou que les « produits en matières plastiques hydrosolubles, biodégradables et compostables ».

57      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN) (T‑126/03, EU:T:2005:288, point 42), l’exigence d’un usage sérieux de la marque contestée a pour objet de limiter le risque de conflits entre deux marques en ne protégeant que les marques qui ont fait l’objet d’une utilisation effective, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique à leur non-usage. Dans cette perspective, la preuve de l’usage sérieux vise à éviter qu’une marque utilisée de manière partielle jouisse d’une protection étendue au seul motif qu’elle a été enregistrée pour une large gamme de produits ou de services.

58      En l’espèce, puisque, comme le relève la requérante, il n’existe presque aucun article qui ne puisse pas être fabriqué à partir de plastique, la chambre de recours aurait dû ventiler en sous-catégories les produits relevant de la classe 20 désignés par la marque contestée et opérer une analyse autonome des éléments de preuve fournis par rapport à chacun d’eux.

59      Par conséquent, dès lors qu’une telle analyse n’a pas été effectuée, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’intervenante avait démontré, lors de la procédure de déchéance, un usage sérieux de la marque contestée concernant les produits relevant de la classe 20.

60      S’agissant, troisièmement, des services relevant des classes 40 et 42, outre une contestation générique de la part de la requérante, cette dernière ne formule aucun argument concret visant à mettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré pour les services relevant de la classe 40 à l’exception du « traitement de matériaux à l’exclusion des plastiques ». Il s’ensuit que ce grief n’est pas invoqué de manière suffisamment précise et intelligible pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle, de sorte qu’il doit être rejeté comme irrecevable, en vertu de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal [voir, en ce sens, ordonnance du 18 janvier 2018, W&O medical esthetics/EUIPO – Fidia farmaceutici (HYALSTYLE), T‑178/17, non publiée, EU:T:2018:18, point 27].

61      De surcroît, il ressort du dossier de l’EUIPO, dont les éléments de preuve produits par l’intervenante dans le cadre du document no 3 de l’annexe au dossier de la procédure devant l’EUIPO, que l’usage est attesté pour les services concernés relevant de la classe 42. En effet, d’une part, des factures contenues dans ledit document mentionnent, notamment, la facturation des services de conception, d’élaboration et d’essais avec une entreprise américaine pour une valeur supérieure à un million de dollars. D’autre part, comme le relève l’EUIPO, le type des services relevant de la classe 42 a été proposé à plusieurs reprises au cours de la période pertinente dans le cadre de projets menés avec différents partenaires commerciaux, de programmes de développement, de services de conception, de services de conseil et de projets individualisés pour le développement de produits en plastique.

62      Eu égard à ce qui précède, dans la mesure où la chambre de recours a commis une erreur s’agissant des produits relevant de la classe 20, ainsi que cela a été établi au point 59 ci-dessus, il y a lieu d’accueillir partiellement la première branche du moyen unique de la requérante.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’appréciation erronée quant à l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée

63      La requérante conteste l’usage sérieux de la marque contestée, car, selon elle, celle-ci n’a pas été utilisée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, en violation de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. En substance, elle affirme que l’inversion des couleurs utilisées pour représenter la marque contestée dans certains documents change le caractère distinctif de la marque en cause. La requérante renvoie à des documents montrant la marque telle qu’utilisée avec le terme « green » en bleu sur fond blanc plutôt qu’en blanc sur fond vert conformément à la forme enregistrée et avec le mot « cycles » en blanc sur fond bleu plutôt qu’en gris sans couleur de fond. La requérante soutient que le caractère distinctif est altéré en raison de la contradiction entre la signification du premier élément verbal « green » et sa coloration en bleu dans la version inversée de la marque.

64      L’EUIPO et l’intervenante réfutent ces arguments.

65      Conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, constitue un usage de la marque de l’Union européenne, un usage sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non également enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.

66      Selon la jurisprudence, l’objet de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 27 février 2014, Lidl Stiftung/OHMI – Lídl Music (LIDL), T‑226/12, non publié, EU:T:2014:98, point 49 et jurisprudence citée].

67      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 31 et jurisprudence citée].

68      En l’espèce, il y a lieu d’apprécier si le caractère distinctif de la marque contestée telle qu’elle a été enregistrée a été modifié par l’ajout d’éléments additionnels, tels que « solutions and products », « plasticos Hidrosolubles s.l. », parfois aussi précédés par la préposition « by », ainsi que l’inversion de couleurs de la marque figurative.

69      À cet égard, il y a lieu de constater que tel n’est pas le cas. En effet, d’une part, les éléments verbaux précités ne sont que des ajouts mineurs par rapport aux termes « green cycles », qui constituent l’élément dominant de la marque désignée et dont le caractère distinctif n’est aucunement affecté par ces ajouts mineurs. D’autre part, en ce qui concerne les variations telles que la taille de l’élément figuratif et l’inversion des couleurs de la marque contestée, il y a lieu de considérer, compte tenu de leur position dans la configuration des signes utilisés, qu’il ne s’agit que d’éléments de nature décorative. En particulier, il convient d’observer que les couleurs de la marque contestée, bleu, vert et gris, ne sont pas particulièrement originales ou inhabituelles dans chacune des deux formes de la marque contestée. Leur variation n’est donc pas de nature à affecter le caractère distinctif de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, EU:T:2005:419, point 35].

70      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la marque contestée a été utilisée dans une forme qui n’altère pas son caractère distinctif.

71      La deuxième branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’appréciation erronée quant à l’usage de la marque contestée à titre de marque

72      La requérante fait valoir que la marque contestée n’a pas été utilisée pour identifier les produits et services, mais plutôt comme un logo de l’entreprise. Elle estime que la marque contestée « n’apparaît pas comme identifiant l’origine des produits, mais seulement l’entreprise elle-même ». La requérante se fonde à cet égard sur le fait que la marque contestée ne figure pas sur les produits en question, mais sur le coin supérieur gauche des brochures, des catalogues, des fiches produites et des factures, notamment comme un logo de l’entreprise.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

74      Selon la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

75      Il s’ensuit que l’utilisation d’un signe comme dénomination sociale ne peut pas être considérée comme un usage à titre de marque [arrêt du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 44].

76      En l’espèce, il y a lieu de rejeter, tout comme la division d’annulation et la chambre de recours, les arguments de la requérante selon lesquels la marque contestée n’aurait été utilisée par l’intervenante qu’en tant que logo d’entreprise.

77      En effet, à cet égard, il suffit de relever que le signe contesté figure sur les brochures, le matériel publicitaire et les factures fournies par l’intervenante lors de la procédure de déchéance. De plus, même à supposer, comme la requérante le relève, que la marque ne figure pas sur les produits commercialisés sur le marché, il n’est pas nécessaire que la marque contestée soit apposée sur les produits pour que cette dernière fasse l’objet d’un usage sérieux par rapport à ces produits, mais il suffit que l’utilisation de la marque établisse un lien entre la marque et la commercialisation de ces produits (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 23).

78      En l’occurrence, la présence de la marque contestée dans les factures, articles et publicités concernant les produits de l’intervenante est susceptible d’établir ce lien. De surcroît, cette conclusion vaut également pour les services en cause. Même si, en principe, une marque ne peut pas être apposée sur des services, il ressort des preuves d’usage fournies par l’intervenante que les consommateurs pour les catégories des produits ou des services en cause peuvent aisément comprendre que la marque contestée indique l’origine des services fournis et facturés.

79      Enfin, pour autant que le grief de la requérante doive être interprété comme soulignant que la marque de l’intervenante aurait été utilisée, en réalité, sous forme de dénomination sociale, il y a également lieu de le rejeter. Sur cet aspect, il suffit de relever que la dénomination sociale de l’intervenante n’est pas « green cycles » ou le signe figuratif qui accompagne ces termes dans le cadre de la marque contestée. En effet, sa dénomination sociale est Plásticos Hidrosolubles, SL, de sorte que la marque contestée ne correspond ni à la dénomination sociale de l’intervenante ni à une partie de celle-ci.

80      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que les preuves de l’usage ne permettaient pas d’accueillir l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenante n’aurait pas utilisé la marque contestée comme une marque, mais comme une dénomination sociale.

81      La troisième branche du moyen unique doit être rejetée.

82      Il résulte de tout ce qui précède et, en particulier, de la constatation établie au point 62 ci‑dessus que la décision attaquée doit être partiellement annulée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

84      En l’espèce, la requérante et l’EUIPO, nonobstant la formulation des conclusions de celui-ci, ainsi que l’intervenante, ont, respectivement, partiellement succombé en leurs conclusions, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée.

85      Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

86      En outre, la requérante a également conclu à ce que l’intervenante soit condamnée à lui rembourser « les dépens exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO ».

87      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il en résulte que les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables [voir arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 193 et jurisprudence citée].

88      Dès lors, d’une part, les conclusions de la requérante doivent être rejetées en ce qu’elles tendent à la condamnation de l’intervenante aux dépens exposés devant la division d’annulation. D’autre part, en ce que la demande de la requérante concerne les dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à cette dernière de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Inditex/EUIPO – Ffauf Italia (ZARA), T‑269/18, non publié, EU:T:2019:306, point 88 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 novembre 2018 (affaire R 778/2018–5) est annulée en ce qu’elle a constaté l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 20.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Lidl Stiftung & Co. KG, l’EUIPO et Plásticos Hidrosolubles, SL, supporteront chacun leurs propres dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2020.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais