Language of document : ECLI:EU:T:2013:585

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 octobre 2013 (*)

« Obtentions végétales – Demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété SOUTHERN SPLENDOUR – Objections – Rejet de la demande par la chambre de recours de l’OCVV – Compétence de l’OCVV – Administration des preuves – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑367/11,

Lyder Enterprises Ltd, établie à Auckland (Nouvelle-Zélande), représentée par M. G. J. Pickering, solicitor,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OCVV, intervenant devant le Tribunal, étant,

Liner Plants (1993) Ltd, établie à Waitakere (Nouvelle-Zélande), représentée par Me P. S. Jonker, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la chambre de recours de l’OCVV du 4 mai 2011 (affaire A 7/2010), concernant une demande de protection communautaire des obtentions végétales accordée à la variété SOUTHERN SPLENDOUR,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2011,

vu les documents déposés par la requérante au greffe du Tribunal le 9 septembre 2011 et le 22 septembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OCVV déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2011,

vu le mémoire en réplique déposé par la requérante au greffe du Tribunal le 23 janvier 2012,

vu le mémoire en duplique déposé par l’OCVV au greffe du Tribunal le 30 avril 2012,

vu le mémoire en duplique déposé par l’intervenante au greffe du Tribunal le 27 avril 2012,

vu la demande de fixation d’une audience déposée par l’OCVV au greffe du Tribunal le 24 mai 2012,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et antécédents du litige

1        Le 27 septembre 2006, Plant Marketing International Ltd (ci-après « PMI ») a présenté une demande de protection communautaire des obtentions végétales à l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), en vertu du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1), tel que modifié. La protection communautaire a été demandée pour la variété SOUTHERN SPLENDOUR, appartenant à l’espèce Cordyline Comm. ex R. Br.

2        Par lettre du 18 octobre 2006, à la suite d’une demande de clarification de la part de l’OCVV concernant, notamment, le fait que le formulaire de demande de protection communautaire des obtentions végétales mentionnait PMI comme demanderesse et la requérante, Lyder Enterprises Ltd, comme obtenteur, PMI a précisé que la requérante était le propriétaire de la variété végétale en cause, que la requérante devait être considérée comme demanderesse de la protection communautaire des obtentions végétales et qu’elle-même était son mandataire.

3        Le 11 janvier 2008, l’intervenante, Liner Plants (1993) Ltd, a adressé à l’OCVV une objection écrite à l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété SOUTHERN SPLENDOUR, conformément à l’article 59 du règlement n° 2100/94.

4        Les droits du premier obtenteur de la variété végétale à l’origine de la demande de protection en cause ont été transmis à une société néo-zélandaise, Duncan and Davies Contracting Ltd (ci-après « DDC »), devenue Totaranui Management Ltd.

5        Afin de prouver que la requérante était propriétaire de la variété SOUTHERN SPLENDOUR, PMI a déposé devant l’OCVV un document, intitulé « acte de cession et d’acceptation de l’accord micro-propagation et production de plants sevrés » du 10 octobre 2002 (ci-après l’« acte de cession »), conclu entre DDC et la requérante, portant sur un accord daté du 23 mai 2000 concernant la micro-propagation et la production de plants sevrés entre DDC et Torbay Palm Farm International Ltd.

6        L’intervenante a fait valoir devant l’OCVV, notamment, que l’acte de cession ne transférait pas la propriété de la variété SOUTHERN SPLENDOUR et qu’elle était l’ayant droit du premier obtenteur.

7        Par décision R 972 du 7 décembre 2009 (ci-après la « décision de rejet »), l’OCVV a accueilli les objections soulevées par l’intervenante et rejeté la demande de protection communautaire des obtentions végétales présentée pour la variété SOUTHERN SPLENDOUR, au double motif de l’absence de preuve que la requérante avait la qualité d’obtenteur au sens de l’article 11 du règlement n° 2100/94 et de l’absence de nouveauté de cette variété au sens de l’article 10 du même règlement.

8        Le 21 janvier 2010, la requérante a formé un recours devant la chambre de recours de l’OCVV contre la décision de rejet, enregistré sous la référence A 7/2010.

9        Par décision du 18 février 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et confirmé la décision de rejet en tant qu’elle était fondée sur l’absence de preuve que la requérante avait la qualité d’obtenteur de la variété SOUTHERN SPLENDOUR au sens de l’article 11 du règlement n° 2100/94, mais sans se prononcer sur la nouveauté de cette variété.

10      Le même jour, la chambre de recours a également adopté une autre décision, concernant d’autres variétés de l’espèce Cordyline Comm. ex R. Br. (ci-après l’« autre décision du 18 février 2011 »), qui rejettait conjointement les recours intentés par la requérante à l’encontre des décisions R 969, R 970 et R 971 de l’OCVV, enregistrés sous les références A 1/2010, A 5/2010 et A 6/2010. Dans ces dernières décisions, l’OCVV avait accueilli les objections soulevées par l’intervenante et rejeté les demandes d’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales concernant les variétés CORAL, CANDY CANE et SUNRISE de l’espèce Cordyline Comm. ex R. Br.

11      Postérieurement à la décision attaquée, la requérante a introduit deux recours en jugement déclaratoire devant la High Court of New Zealand (Haute Cour de Nouvelle-Zélande), afin que cette juridiction détermine si, par l’acte de cession, DDC avait transféré les droits de propriété sur la variété SOUTHERN SPLENDOUR à la requérante. Le premier recours portait la référence CIV-2011-404-2969 (ci-après le « premier recours en jugement déclaratoire »). Le 11 août 2011, la High Court of New Zealand a rendu un jugement déclaratoire relatif au premier recours en jugement déclaratoire. Le second recours portait la référence CIV-2012-404-0226 (ci-après le « second recours en jugement déclaratoire »).

 Conclusions des parties

12      Dans la requête, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et annuler la décision attaquée ;

–        suspendre la procédure jusqu’au prononcé, par la High Court of New Zealand, de son jugement sur le premier recours en jugement déclaratoire.

13      Dans les documents déposés par elle au greffe du Tribunal le 9 septembre 2011 et dans le mémoire en réplique, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        suspendre la procédure jusqu’au prononcé, par la High Court of New Zealand, de son jugement sur le second recours en jugement déclaratoire ;

–        à défaut, annuler la décision attaquée et l’autre décision du 18 février 2011 et les « reconsidérer » après que la High Court of New Zealand se sera prononcée sur le second recours en jugement déclaratoire ;

–        faire droit au recours et renvoyer l’affaire devant l’OCVV, pour réexamen après que la High Court of New Zealand se sera prononcée sur le second recours en jugement déclaratoire.

14      L’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      Aux termes de l’article 111 de son règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

17      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience [voir, en ce sens , ordonnance du Tribunal du 13 septembre 2011, ara/OHMI – Allrounder (A), T‑397/10, non publiée au Recueil, point 18].

 Sur la recevabilité de la conclusion ampliative présentée par la requérante dans les documents déposés au greffe du Tribunal le 9 septembre 2011 et dans la réplique, tendant à l’annulation de l’autre décision du 18 février 2011

18      Il ressort des prescriptions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, que la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige dans la requête, qui est l’acte introductif d’instance (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Commission/France, C‑256/98, Rec. p. I‑2487, point 31).

19      Par ailleurs, aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la partie requérante est tenue d’indiquer ses conclusions dans la requête. Ainsi, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec. p. 773, point 2) et le bien-fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 25 septembre 1979, Commission/France, 232/78, Rec. p. 2729, point 3).

20      En outre, l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure permet la production de moyens nouveaux à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il ressort de la jurisprudence que cette condition régit, a fortiori, toute modification des conclusions et que, à défaut d’éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite, seules les conclusions de la requête peuvent être prises en considération (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec. p. II‑5253, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt Krawczynski/Commission, point 18 supra, point 2).

21      Si, certes, la jurisprudence a considéré que, lorsque l’acte attaqué initialement était, en cours de procédure, remplacé par un autre acte ayant le même objet, ce dernier devait être considéré comme un élément nouveau permettant à la partie requérante d’adapter ses conclusions et moyens (arrêt de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, point 8, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 28), à défaut d’un tel remplacement de l’acte initialement attaqué, une modification des conclusions initiales du recours en cours d’instance ne saurait être admise.

22      En l’espèce, comme le font valoir à juste titre l’OCVV et l’intervenante, il ressort indubitablement de la lecture de la première page de la requête que celle-ci ne vise que l’annulation de la décision attaquée. Le fait que la requérante a annexé à la requête, outre une copie de la décision attaquée, une copie de l’autre décision du 18 février 2011, n’affecte pas cette conclusion, car il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les conclusions qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale [voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2010, Strålfors/OHMI (IDENTIFICATION SOLUTIONS), T‑212/10, non publiée au Recueil, point 7].

23      L’autre décision du 18 février 2011, qui a été adoptée le même jour que la décision attaquée, est indépendante de cette dernière et ne la remplace pas. Au demeurant, comme le fait valoir l’OCVV sans être contredit par la requérante, l’autre décision du 18 février 2011 a été notifiée à la requérante avant l’introduction du recours, le 4 mai 2011. Dans ces conditions, la conclusion ampliative, en ce qu’elle tend à l’annulation de l’autre décision du 18 février 2011, modifie l’objet du litige ainsi que les conclusions initiales du recours. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 18 à 21 ci-dessus, cette conclusion doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée et à la suspension de la procédure

24      Même si aucun moyen n’est formellement identifié dans la requête, il y a lieu de considérer que la requérante y invoque, en substance, un moyen unique, tiré d’erreurs de droit commises par la chambre de recours en écartant les éléments de preuve contenus dans des lettres déposées par elle devant l’OCVV (ci-après les « éléments de preuve contestés ») au motif qu’ils n’étaient pas rédigés sous la forme d’une déclaration écrite faite sous la foi du serment.

25      Par ailleurs, dans les documents déposés par elle au greffe du Tribunal le 9 septembre 2011 et dans la réplique, la requérante invoque, en substance, un moyen tiré de l’incompétence de l’OCVV et, en particulier, de la chambre de recours, pour examiner la question de l’identification de l’obtenteur de la variété SOUTHERN SPLENDOUR. Il y a lieu d’examiner ce moyen avant le moyen soulevé dans la requête.

26      Enfin, également dans la requête, la requérante développe la thèse selon laquelle il découle de la décision attaquée que, s’il pouvait être conclu postérieurement à celle-ci que l’acte de cession était un contrat valable et contraignant et qu’il visait la cession de la variété SOUTHERN SPLENDOUR, sa demande de protection communautaire devrait être accueillie, ce qui l’a incitée à soumettre les documents déposés par elle au greffe du Tribunal les 9 et 22 septembre 2011 et à développer certains arguments supplémentaires dans la réplique. Il convient d’examiner ces arguments ensemble avec l’argumentation développée dans la requête. Par ailleurs, c’est dans ce contexte qu’elle a formulé, sous la forme de conclusions, des demandes de suspension de la présente procédure, ainsi qu’il ressort des points 12 et 13 ci-dessus.

 Sur le moyen tiré de l’incompétence de la chambre de recours pour examiner la question de l’identification de l’obtenteur de la variété SOUTHERN SPLENDOUR

27      La requérante fait valoir, en substance, que l’OCVV et, en particulier, la chambre de recours, ne sont pas compétents pour déterminer si la requérante est l’obtenteur de la variété SOUTHERN SPLENDOUR au motif que, selon la loi sur les sociétés néozélandaise, la seule juridiction compétente à l’égard des sociétés établies en Nouvelle-Zélande est la High Court of New Zealand. Selon la requérante, la chambre de recours a donc outrepassé ses compétences lorsqu’elle s’est prononcée sur l’interprétation d’un contrat conclu entre deux sociétés établies en Nouvelle-Zélande.

28      À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, même si ce moyen n’a pas été soulevé dans la requête, l’incompétence de l’OCVV et, en particulier, de la chambre de recours, devrait, le cas échéant et en tout état de cause, être relevée d’office par le juge alors même qu’aucune des parties ne lui aurait demandé de le faire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, UK Coal/Commission, T‑12/99 et T‑63/99, Rec. p. II‑2153, point 71, et la jurisprudence citée).

29      Ensuite, il doit être rappelé qu’il ressort de l’article 12 du règlement n° 2100/94 que les personnes physiques et morales, de même que les organismes assimilés à des personnes morales en vertu de la législation dont ils relèvent, sont habilités à déposer une demande de protection communautaire des obtentions végétales.

30      C’est en vertu de cette disposition que la requérante, dont il n’est pas contesté qu’elle est, selon le droit néozélandais applicable, une personne morale, a saisi l’OCVV de la demande protection communautaire des obtentions végétales en cause en l’espèce et que, à la suite de la décision de rejet, elle a introduit un recours auprès de la chambre de recours, conformément à l’article 68 du règlement n° 2100/94.

31      Dans le cadre de cette saisine, l’OCVV est tenu par les dispositions suivantes.

32      L’article 11 du règlement n° 2100/94 prévoit, en son premier paragraphe, ce qui suit :

« La personne qui a créé ou qui a découvert et développé la variété, ou son ayant droit ou ayant cause, ci-après dénommés l’un et l’autre ‘obtenteur’, ont droit tous deux, tant la personne que son ayant droit ou ayant cause, à la protection communautaire des obtentions végétales. »

33      Il résulte de l’article 50 du règlement n° 2100/94 qu’une des conditions à laquelle doit satisfaire la demande de protection communautaire des obtentions végétales est l’indication du nom de l’obtenteur et l’assurance qu’aucune autre personne n’a, à la connaissance du demandeur, participé à la sélection ou à la découverte et au développement de la variété. Il est également précisé dans cet article que, si le demandeur n’est pas l’obtenteur ou s’il n’est pas le seul obtenteur, il fournit les preuves documentaires pertinentes indiquant à quel titre il a acquis le droit à la protection communautaire des obtentions végétales.

34      En outre, l’article 53 du règlement n° 2100/94 prévoit, s’agissant de l’examen de la demande sur la forme, que l’OCVV examine si la demande remplit les conditions énoncées à l’article 50 dudit règlement.

35      S’agissant de l’examen de la demande sur le fond, l’article 54, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 prévoit que l’OCVV examine, notamment, si le demandeur est habilité à déposer une demande conformément à l’article 12 du même règlement. L’article 54, paragraphe 2, de ce règlement précise que le premier demandeur est considéré comme ayant droit à la protection communautaire des obtentions végétales conformément à l’article 11 dudit règlement, sauf si, avant qu’il ait été statué sur la demande, il est porté à la connaissance de l’OCVV, ou s’il est démontré par une décision judiciaire passée en force de chose jugée concernant une revendication du droit, que le droit en cause ne revient pas, ou ne revient pas uniquement, au premier demandeur.

36      Dans le cadre de l’examen sur le fond, l’OCVV procède, conformément à l’article 76 du règlement n° 2100/94, à l’instruction d’office des faits, en écartant ceux qui n’ont pas été invoqués devant lui ou les preuves qui n’ont pas été produites dans le délai fixé par lui.

37      Il résulte, ainsi, des dispositions mentionnées aux points 32 à 36 ci-dessus que, lorsque le demandeur n’est pas l’obtenteur, le règlement n° 2100/94 fait peser sur lui la charge de présenter à l’OCVV les preuves documentaires pertinentes indiquant à quel titre il a acquis le droit à la protection des obtentions végétales, y compris, le cas échéant, les éléments établissant le contenu de la législation nationale pertinente. Dans un tel cas, il incombe, en premier lieu, aux instances compétentes de l’OCVV d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur à cet égard, le Tribunal étant compétent, en cas de recours devant lui, pour exercer, en second lieu, un plein contrôle de légalité sur l’appréciation portée par l’OCVV sur les éléments en question (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, Rec. p. I‑5853, points 50 à 52).

38      Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’OCVV était compétent pour statuer sur des questions de fait relatives à la détermination du statut du demandeur de la protection des obtentions végétales, ce qui incluait notamment l’interprétation d’un contrat de transfert de propriété entre deux sociétés néozélandaises tel que l’acte de cession. Cela était d’autant plus le cas en l’espèce que cet acte avait été fourni à l’OCVV par la requérante elle-même et que l’intervenante avait contesté, conformément à l’article 59 du règlement n° 2100/94, que les conditions prévues à l’article 11 dudit règlement fussent remplies en l’espèce, en soumettant d’autres preuves.

39      Il s’ensuit que l’OCVV et, en particulier, la chambre de recours, étaient compétents pour déterminer si la requérante était l’obtenteur de la variété SOUTHERN SPLENDOUR ainsi que, à cet égard, pour interpréter l’acte de cession. Le moyen doit donc être rejeté comme étant manifestement dénué de tout fondement en droit.

 Sur le moyen unique de la requête, tiré, en substance, d’erreurs de droit commises par la chambre de recours en écartant les éléments de preuve contestés

40      La requérante fait valoir plusieurs griefs au soutien de sa thèse selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur de droit en écartant comme irrecevables les éléments de preuve contestés et en ne les prenant pas en considération dans la décision attaquée au motif qu’ils n’étaient pas rédigés sous la forme d’une déclaration sous serment tandis que, au cours de la procédure devant l’OCVV, elle aurait été informée qu’il s’agissait d’éléments de preuve recevables et suffisants et que la chambre de recours les aurait également jugés recevables à l’audience.

41      Premièrement, au vu de ces circonstances, la décision attaquée porterait atteinte au principe du contradictoire. Deuxièmement, en versant les éléments de preuve contestés au dossier et en avisant les parties durant l’audience qu’elles constituaient des éléments de preuve recevables, mais en les rejetant ensuite dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait excédé ses pouvoirs et aurait fait preuve d’un « manque total de compréhension des règles fondamentales de l’équité ». Troisièmement, la chambre de recours aurait violé les formes substantielles en n’indiquant pas qu’elle n’accepterait les éléments de preuve que sous la forme de déclarations sous serment. Quatrièmement, la chambre de recours aurait violé le principe d’égalité de traitement.

42      L’OCVV et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      Ces griefs concernent, en substance, l’analyse de la chambre de recours, présentée à la page 13 de la décision attaquée dans sa version en anglais. Après avoir examiné les éléments de preuve soumis par l’intervenante s’agissant du prétendu transfert de propriété à son profit de la variété SOUTHERN SPLENDOUR, la chambre de recours y a énoncé ce qui suit concernant les éléments de preuve contestés :

« Quant aux [éléments de preuve contestés], ils consistent uniquement en des lettres écrites […].

Ces lettres ne contiennent aucun élément indiquant qu’il s’agit de ‘déclarations écrites faites sur la foi du serment’ au sens de l’article 78, point g), du [règlement n° 2100/94]. En effet, ces lettres sont considérées comme de simples ‘déclarations hors serment’ étant donné qu’aucun élément n’indique qu’elles aient été faites sous serment.

Bien qu’une déclaration hors serment puisse être invoquée comme preuve des faits allégués, si celle-ci n’est pas étayée par d’autres éléments de preuve provenant de sources indépendantes et extérieures, sa valeur probante reste limitée. En l’espèce, toutes les ‘déclarations hors serment’ indiquent que l’[acte de cession] a transféré la propriété des variétés à Lyder. Cependant, comme susmentionné, l’[acte de cession] lui-même contredit cette affirmation et ces allégations ne sont étayées par aucun autre élément de preuve de source indépendante.

Afin d’être considérée comme un élément de preuve concluant, une déclaration sous serment délivrée par des dirigeants ou des employés de sociétés liées à la requérante ou par des garants au bénéfice de la requérante […] devait être corroborée par d’autres éléments de preuve écrits provenant de sources indépendantes n’ayant aucun lien avec la partie intéressée [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, non publié au Recueil, points 38 et 39]. En l’espèce, la requérante n’a produit aucune autre preuve corroborant les déclarations sous serment.

En conclusion, [les éléments de preuve contestés], [examinés] tant individuellement que conjointement, ne sont pas de nature à prouver que la propriété des variétés a été transférée à [la requérante].»

44      Force est de constater que les griefs de la requérante reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il résulte de la citation de la partie pertinente de la décision attaquée au point 43 ci-dessus, la chambre de recours a pris en considération les éléments de preuve contestés fournis par la requérante.

45      La chambre de recours a d’abord constaté qu’il s’agissait de déclarations n’ayant pas été faites sous la foi du serment (unsworn), ce que la requérante ne conteste pas. Elle a toutefois pris en compte ces éléments comme preuves, tout en considérant que leur valeur probante était limitée en l’absence d’autres preuves issues de sources externes indépendantes pour les étayer.

46      Par ailleurs, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, cette approche de la chambre de recours n’est pas erronée en droit.

47      Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, conformément à l’article 76 du règlement n° 2100/94, l’OCVV procède d’office à l’instruction des faits au cours de la procédure engagée devant lui, dans la mesure où ceux-ci font l’objet de l’examen sur le fond de la demande.

48      S’agissant des déclarations écrites faites sous la foi du serment, le règlement n° 2100/94 y fait référence en son article 78, paragraphe 1, sous g), comme étant l’une des mesures d’instruction pouvant être prises dans toute procédure engagée devant l’OCVV.

49      La jurisprudence précise que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 42, et du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié au Recueil, point 43]. En outre, même lorsqu’une déclaration a été établie conformément à l’article 78, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 2100/94, elle ne saurait se voir attribuer une valeur probante, lorsqu’elle est établie par des personnes liées à la requérante, que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêts Salvita, précité, point 43, et jello SCHUHPARK, point 43 supra, point 39).

50      En l’espèce, outre le fait que les éléments de preuve contestés concernent des déclarations qui n’ont pas été faites sous la foi du serment, la requérante ne conteste pas l’analyse de la chambre de recours, selon laquelle lesdits documents ne sont pas issus de sources indépendantes.

51      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir tenu compte du fait que l’acte de cession contredisait l’affirmation contenue dans les éléments de preuve contestés, selon laquelle ledit acte avait transféré la propriété de la variété SOUTHERN SPLENDOUR à la requérante, et d’avoir conclu que, dès lors, les éléments de preuve en cause, examinés tant individuellement que conjointement, n’étaient pas de nature à prouver que la propriété de la variété végétale en cause avait été transférée à la requérante.

52      Il en découle non seulement qu’il n’est pas établi que la chambre de recours aurait commis une erreur en examinant les preuves fournies par la requérante et l’intervenante dans leur ensemble, mais surtout qu’aucun des autres griefs de la requérante mentionnés au point 41 ci-dessus ne saurait prospérer. En effet, outre le fait que ces griefs se limitent à de simples énoncés de principe sans aucune argumentation présentée à leur appui, de sorte qu’ils sont irrecevables en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, ces griefs doivent, en tout état de cause, être rejetés comme étant manifestement dénués de tout fondement en droit, dès lors qu’ils se basent sur la prémisse que la chambre de recours a déclaré les éléments de preuve contestés irrecevables et les a écartés de son analyse, alors qu’il résulte de l’examen de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte de ces éléments dans son examen d’ensemble des éléments de preuve à sa disposition.

53      Il en résulte que le moyen doit être rejeté comme étant manifestement dénué de tout fondement en droit.

54      Enfin, s’agissant des arguments repris dans la réplique et tirés de prétendues erreurs commises par la chambre de recours s’agissant de l’analyse des preuves soumises par l’intervenante pour établir le transfert de propriété à son profit de la variété SOUTHERN SPLENDOUR par DDC, il s’agit d’un moyen nouveau, manifestement irrecevable en application la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus.

 Sur les documents visant à établir les droits de la requérante postérieurement à la décision attaquée et sur les arguments et les demandes qui y sont afférents

55      Ainsi qu’il a été indiqué au point 26 ci-dessus, la requérante semble considérer qu’il découle de la décision attaquée que, s’il pouvait être conclu postérieurement à celle-ci que l’acte de cession était un contrat valable et contraignant et qu’il visait la cession de la variété SOUTHERN SPLENDOUR à son profit, sa demande de protection communautaire devrait être accueillie. Conformément à cette thèse, elle a formulé les demandes de suspension de la procédure mentionnées aux points 12 et 13 ci-dessus et a déposé au greffe du Tribunal des documents les 9 et 22 septembre 2011. Ces documents incluent, outre le jugement de la High Court of New Zealand du 11 août 2011 relatif au premier recours en jugement déclaratoire, différentes déclarations faites sous la foi du serment par plusieurs personnes à une date postérieure à celle de la décision attaquée et attestant du transfert de propriété de la variété SOUTHERN SPLENDOUR à la requérante. Ils concernent également une déclaration sous la foi du serment établie par M. K., scientifique, confirmant, outre les droits de propriété de la requérante sur la variété SOUTHERN SPLENDOUR, la nouveauté de ladite variété.

56      Force est de constater que l’analyse de la requérante découle, outre d’une lecture erronée de la décision attaquée, d’une méconnaissance de la procédure de traitement des demandes de protection communautaire des obtentions végétales telle que prévue par le règlement n° 2100/94.

57      Il ressort de l’article 73 du règlement n° 2100/94 que les recours devant le Tribunal à l’encontre des décisions de la chambre de recours sont ouverts pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du règlement n° 2100/94 ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

58      Il découle notamment de cette disposition que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision faisant l’objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée de l’un de ces motifs d’annulation ou de réformation. En revanche, il ne saurait annuler ou réformer ladite décision pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 53, et la jurisprudence citée).

59      Par ailleurs, à cet égard, la jurisprudence a précisé que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OCVV ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal. Ce dernier est en effet appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union européenne effectuée par celle-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, mais il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (voir arrêt de la Cour du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, Rec. p. I‑3209, point 76, et la jurisprudence citée).

60      Dès lors, contrairement à ce que semble considérer la requérante, il n’appartient pas au Tribunal d’apprécier une nouvelle fois si sa demande de protection communautaire des obtentions végétales remplissait les conditions prévues à l’article 11 du règlement n° 2100/94 sur la base d’éléments de preuve qui n’ont pas été soumis à la chambre de recours. Il en résulte que tous les éléments de preuve dont il est fait état au point 55 ci-dessus et l’argumentation qui y est afférente doivent être rejetés comme étant manifestement irrecevables et que, par suite, il n’y pas lieu de faire droit aux demandes de suspension de la procédure présentées par la requérante.

61      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme dénué de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’OCVV et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lyder Enterprises Ltd est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 21 octobre 2013.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : l’anglais.