Language of document : ECLI:EU:C:2024:130

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 8 février 2024 (1)

Affaire C35/23 [Greislzel](i)

Père

contre

Mère,

en présence de

Enfant L,

Administratrice ad hoc de l’enfant

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort‑sur‑le‑Main, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 2201/2003 – Responsabilité parentale – Compétence judiciaire internationale en cas d’enlèvement d’enfant – Résidence habituelle de l’enfant avant le déplacement illicite dans un État membre – Déplacement illicite dans un État membre – Procédure de retour d’un État membre vers un État tiers (Suisse) – Convention de La Haye de 1980 »






1.        Par le règlement (CE) no 2201/2003 (2), le législateur de l’Union a précisé, entre autres, quelles sont les juridictions compétentes pour connaître des litiges concernant les enlèvements d’enfants au sein de l’Union européenne.

2.        Dans ce contexte, les dispositions du règlement no 2201/2003 visent, d’une part, à éviter les enlèvements (déplacement ou non‑retour illicites) d’enfants entre États membres et, d’autre part, à obtenir que, en cas d’enlèvement, le retour de l’enfant soit effectué sans délai (3).

3.        La Cour a interprété l’article 10, intitulé « Compétence en cas d’enlèvement d’enfant », du règlement no 2201/2003 en répondant à plusieurs demandes de décision préjudicielle (4). Aucune de celles-ci ne portait toutefois sur l’application de cet article lorsque, comme en l’espèce, il est demandé que l’enfant retourne dans un État tiers (la Suisse), dans lequel il n’avait en outre pas sa résidence habituelle avant le déplacement illicite.

4.        La Cour s’est également prononcée sur la relation entre le règlement no 2201/2003 et la convention de La Haye du 25 octobre 1980 (5). Jusqu’à présent, sauf erreur de ma part, elle n’a pas eu à préciser les effets qu’une demande de retour de l’enfant basée sur cette convention pourrait produire sur la détermination de la compétence aux fins de statuer sur une demande de garde introduite sur le fondement de l’article 10 du règlement no 2201/2003.

I.      Le cadre juridique

A.      La convention de La Haye de 1980

5.        Le préambule de la convention de la Haye de 1980 indique que cette convention a pour objectif de protéger l’enfant, sur le plan international, contre les effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non‑retour illicites et d’établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle.

6.        L’article 12, premier et deuxième alinéas, de ladite convention dispose :

« Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non‑retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu. »

B.      Le droit de l’Union : le règlement no 2201/2003

7.        Aux termes des considérants 12 et 17 du règlement no 2201/2003 :

« (12)      Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.

[...]

(17)       En cas de déplacement ou de non‑retour illicite d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye [de] 1980 devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. [...] »

8.        Conformément à l’article 8 (« Compétence générale ») de ce règlement :

« 1.      Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

2.      Le paragraphe 1 s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12. »

9.        L’article 10 (« Compétence en cas d’enlèvement d’enfant ») dudit règlement prévoit :

« En cas de déplacement ou de non‑retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre et que

a)      toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non‑retour

ou

b)      l’enfant a résidé dans cet autre État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, que l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement et que l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

i)      dans un délai d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, aucune demande de retour n’a été faite auprès des autorités compétentes de l’État membre où l’enfant a été déplacé ou est retenu ;

ii)      une demande de retour présentée par le titulaire d’un droit de garde a été retirée et aucune nouvelle demande n’a été présentée dans le délai fixé [sous] i) ;

iii)      une affaire portée devant une juridiction de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites a été close en application de l’article 11, paragraphe 7 ;

iv)      une décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant a été rendue par les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites. »

10.      L’article 11 (« Retour de l’enfant ») du règlement no 2201/2003 est libellé comme suit :

« 1.      Lorsqu’une personne, institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye [de] 1980 [...] en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d’application.

[...] »

II.    Les faits, le litige et les questions préjudicielles

11.      En mars 2013, les parents de L (le père est de nationalité allemande et la mère, polonaise) se sont mariés en Allemagne, pays dans lequel ils ont initialement vécu.

12.      En juin 2013, le père a déménagé en Suisse pour des raisons professionnelles. L est née le 12 novembre 2014 en Suisse et possède les nationalités allemande et polonaise.

13.      De janvier 2015 à début avril 2016, L a vécu avec sa mère en Allemagne. Le père rendait régulièrement visite à la mère et à leur fille commune en Allemagne ; ils passaient également des vacances ensemble.

14.      Le 9 avril 2016, la mère a déménagé en Pologne avec L. Dans un premier temps, le père rendait visite à L en Pologne.

15.      À partir du 17 avril 2017, la mère a refusé que le père ait des contacts avec L et a inscrit cette dernière, sans le consentement du père, dans un jardin d’enfants en Pologne.

16.      Fin mai 2017, la mère a informé le père qu’elle et L restaient vivre en Pologne.

17.      Le 7 juillet 2017, le père a demandé aux juridictions polonaises, par l’intermédiaire de l’autorité centrale suisse (Office fédéral de justice de Berne, Suisse), le retour de L en Suisse.

18.      Le 8 décembre 2017, le Sąd Rejonowy Krakowa-Nowej Huty (tribunal d’arrondissement de Cracovie – Nowa Huta, Pologne) a rejeté la demande de retour présentée par le père, au motif que celui-ci avait donné son consentement au déménagement de L avec sa mère en Pologne pour une durée indéterminée et qu’il existait en outre un risque grave pour le bien-être de L en cas de retour au sens de l’article 13, sous b), de la convention de La Haye de 1980.

19.      L’appel interjeté par le père contre cette décision a été rejeté par le Sąd Okręgowy Krakowa (tribunal régional de Cracovie, Pologne) le 17 avril 2018.

20.      La mère a engagé une procédure de divorce en Pologne par requête du 27 septembre 2017. Le 5 juin 2018, le Sąd Okręgowy Krakowa (tribunal régional de Cracovie) a confié provisoirement à la mère la garde de l’enfant commun et a fixé l’obligation de pension alimentaire du père.

21.      Le 29 juin 2018, le père a introduit une demande de retour de L auprès du Bundesamt für Justiz in Bonn (Office fédéral de la justice de Bonn, Allemagne) sur le fondement de la convention de La Haye de 1980, demande à laquelle il n’a pas donné suite.

22.      Le 13 juillet 2018, le père a saisi l’Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) du litige à l’origine de la demande de décision préjudicielle. Dans son recours devant cette juridiction, déposé le 13 juillet 2018, il a demandé :

–      à titre principal (point I de ses conclusions), la garde exclusive de L et, à titre subsidiaire, le droit de fixer la résidence de celle-ci ;

–      en outre (point II de ses conclusions), que la mère soit tenue de renvoyer L en Suisse à compter de l’entrée en vigueur de la décision.

23.      Dans le cadre du litige au principal :

–      le père a fait valoir que les parents étaient convenus, en 2015, qu’ils vivraient tous les deux à l’avenir avec L en Suisse. En avril 2016, la mère aurait décidé de déménager temporairement en Pologne. Le père aurait donné son consentement, mais en limitant expressément le temps de séjour en Pologne (6) ;

–      la mère a contesté ces affirmations. Elle a affirmé que le père avait consenti à ce que L se rende en Pologne, les deux parents n’ayant pas décidé que ce déplacement serait limité dans le temps. Ils ne seraient pas non plus convenus d’un (futur) déménagement en Suisse.

24.      Le 3 juin 2019, l’Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main) a rejeté la demande du père pour défaut de compétence judiciaire internationale. Selon cette juridiction, le père n’a pas prouvé l’existence d’un accord concret sur le caractère temporaire du séjour de L en Pologne. Les informations que le père a fournies lors de l’audience du 9 mai 2019 contredisent ce qu’il a affirmé dans son mémoire du 3 août 2018, dont il ressort que, en mai 2017, les parents négociaient encore la durée du séjour en Pologne.

25.      Le 8 juillet 2019, le père a interjeté appel du jugement de première instance devant l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne). Dans le cadre de cet appel, il a réitéré les arguments avancés en première instance et il a fait valoir que :

–      la compétence de la juridiction de première instance découle de l’article 11, paragraphe 6, lu en combinaison avec le paragraphe 7, ainsi que de l’article 10 du règlement no 2201/2003. Dans sa décision du 8 décembre 2017, le Sąd Rejonowy Krakowa-Nowej Huty (tribunal d’arrondissement de Cracovie, Nowa Huta) a indiqué que, avant son déplacement en Pologne, la résidence de L se trouvait non pas en Suisse, mais en Allemagne ;

–      dans un tel cas de figure, les principes qui gouvernent la procédure au titre de la convention de La Haye de 1980 s’appliquent. Conformément à ceux-ci, la personne qui s’oppose au retour de l’enfant doit prouver que le titulaire de la garde (conjointe) a consenti au déplacement ou au non‑retour de l’enfant ou les a autorisés a posteriori. La mère n’aurait pas apporté la preuve du consentement paternel pour un déménagement à durée indéterminée.

26.      Le père a, en outre, sollicité l’introduction d’une demande de décision préjudicielle ; l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main) a fait droit à cette requête et a saisi la Cour des questions suivantes :

« Dans quelle mesure le mécanisme réglementaire prévu aux articles 10 et 11 du règlement [no 2201/2003] est-il limité aux procédures entre États membres de l’Union ?

Plus précisément :

1)      L’article 10 du règlement [no 2201/2003] trouve-t-il à s’appliquer, avec pour conséquence un maintien de la compétence des juridictions de l’ancien État de résidence, lorsque l’enfant avait sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union (Allemagne) avant son déplacement et que la procédure de retour au titre de la convention de La Haye [de 1980] a été menée entre un État membre de l’Union (Pologne) et un État tiers (Suisse), le retour de l’enfant ayant été refusé dans le cadre de cette procédure ?

En cas de réponse affirmative à la première question :

2)      Dans le cadre de l’article 10, sous b) i), du règlement [no 2201/2003], quelles sont les exigences à remplir pour établir le maintien de la compétence [des juridictions de l’ancien État de résidence] ?

3)       L’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement [no 2201/2003] trouve-t-il à s’appliquer également lors de la mise en œuvre d’une procédure de retour en vertu de la convention de la Haye entre un État tiers et un État membre de l’Union en tant qu’État dans lequel l’enfant a été déplacé, dans la mesure où celui-ci avait sa résidence habituelle dans un autre État membre de l’Union avant son déplacement ? »

III. La procédure devant la Cour

27.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 25 janvier 2023.

28.      Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements allemand et polonais ainsi que par la Commission européenne. Ces mêmes parties ainsi que le père de l’enfant ont pris part à l’audience qui s’est tenue le 7 décembre 2023.

IV.    Analyse

29.      Conformément aux instructions de la Cour, je me concentrerai sur la deuxième question préjudicielle, relative aux conditions requises en vertu de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 afin de déterminer la juridiction compétente dans des circonstances telles que celles en cause en l’espèce (7).

30.      Mon exposé sera structuré comme suit :

–      dans une première section, j’aborderai sommairement les règles relatives à l’attribution de la compétence judiciaire en cas d’enlèvement d’enfants (articles 8 et 10 du règlement no 2201/2003) ;

–      je consacrerai une deuxième section à examiner les caractéristiques des demandes de retour de l’enfant enlevé, dans la mesure où elles constituent l’une des conditions au maintien de la compétence judiciaire, conformément à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 ;

–      je compléterai mes réflexions en exposant l’incidence que les considérations développées dans la deuxième section pourraient avoir sur le litige au principal ;

–      je conclurai en me penchant sur d’autres problèmes spécifiques soulevés par la juridiction de renvoi.

A.      Les règles d’attribution de la compétence judiciaire internationale en cas d’enlèvement d’enfant

31.      En vertu de la règle de « compétence générale » prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, « les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ».

32.      Cette attribution de compétence répond au principe de proximité (géographique), qui est central dans le système (8).

33.      Par exception à cette règle, il existe des cas dans lesquels l’enfant perd sa résidence habituelle dans un État membre et l’acquiert dans un autre État membre sans que la compétence judiciaire internationale soit attribuée aux juridictions de ce dernier. C’est notamment le cas lorsque des enfants ont été déplacés (ou retenus) de manière illicite.

34.      Conformément à l’article 10 du règlement no 2201/2003, en cas d’enlèvement d’enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement (ou son non‑retour) illicite conservent, en principe, la compétence judiciaire. Cela permet :

–      que le parent qui a enlevé l’enfant ne tire pas profit d’un acte illégal. Si ce parent pouvait introduire sa demande de garde de l’enfant devant les juridictions de l’État membre de la nouvelle résidence, il bénéficierait d’un avantage injustifié (9) ;

–      de décourager, en conséquence, la pratique de l’enlèvement international d’enfants, objectif fondamental du règlement no 2201/2003 (10).

35.      Cela étant, la compétence judiciaire internationale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement illicite n’est pas maintenue sans limites.

36.      Il est en effet possible que cette compétence soit transférée aux juridictions de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant, à partir d’un certain moment, si certaines conditions énoncées à l’article 10 du règlement no 2201/2003 sont réunies.

37.      Tel sera notamment le cas si le titulaire d’un droit de garde :

–      soit acquiesce au déplacement de l’enfant [article 10, sous a), du règlement no 2201/2003] ;

–      soit n’effectue pas certaines actions judiciaires pendant une période donnée (11), à l’issue de laquelle l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement [article 10, sous b), du règlement no 2201/2003] (12).  La passivité du titulaire d’un droit de garde de l’enfant déplacé illicitement peut donc avoir une incidence sur le transfert de compétence judiciaire d’un État membre à un autre (13).

B.      La demande de retour et l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003

38.      Comme je viens de l’indiquer, la demande de retour de l’enfant est l’une des conditions d’applicabilité de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

39.      Aux termes de cette disposition et pour autant que les autres circonstances qu’elle prévoit soient réunies, ne pas demander (auprès des autorités de l’État membre où l’enfant a été déplacé illicitement) le retour de l’enfant une fois que le lieu où il se trouve est (ou devrait être) connu est un facteur susceptible d’entraîner un changement de compétence judiciaire internationale.

40.      Le règlement no 2201/2003 ne définit toutefois pas ce qu’il convient d’entendre par « retour » et par « demande de retour ». La convention de La Haye de 1980, que le règlement no 2201/2003 complète (14), et la convention de La Haye de 1996 (15) ne le font pas non plus.

1.      La demande de retour de l’enfant vers un État membre autre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle avant l’enlèvement

41.      Au vu des circonstances de l’espèce, il convient de déterminer si une demande de retour au sens strict (16), mais visant à obtenir que l’enfant retourne dans un État autre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle avant le déplacement, peut être considérée comme relevant de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 (17).

42.      De prime abord, le libellé (18) de l’article 10, sous b) i), du règlement no 2201/2003 ne semblerait pas imposer qu’il soit demandé que l’enfant retourne précisément dans l’État membre dans lequel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement illicite.  

43.      Comme je l’ai indiqué précédemment, l’article 10 du règlement no 2201/2003 vise à dissuader les déplacements illicites d’enfants d’un État membre à un autre. À cette fin, il contient des règles qui, sous certaines conditions, refusent que la compétence judiciaire soit attribuée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a acquis, après son déplacement illicite, une nouvelle résidence habituelle.

44.      Dans le même objectif, la Cour a opté pour une interprétation restrictive des conditions du transfert de compétence (19). Suivant cette même logique, il semblerait que, plus l’interprétation des conditions pour le maintien de la compétence judiciaire dans l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant est flexible, mieux l’objectif énoncé peut être défendu (20).

45.      Il en résulterait qu’une demande visant au « retour » de l’enfant vers un État (membre, voire même, peut-être, un État tiers) distinct de celui de son ancienne résidence habituelle pourrait être considérée comme relevant de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

46.      J’estime toutefois qu’une telle interprétation ouverte de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, préconisée par la Commission et par le père de L, présente de sérieuses difficultés.

47.      La règle de compétence figurant à l’article 10 du règlement no 2201/2003 est spéciale par rapport à la règle générale énoncée à l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement. En tant que telle, « elle est d’interprétation stricte et ne permet donc pas une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées de manière explicite par le règlement [...] » (21).

48.      Dans le même ordre d’idées, je rappelle que l’article 10 du règlement no 2201/2003 prévoit non seulement une compétence d’exception, mais indique également les circonstances dans lesquelles cette compétence est maintenue ou, au contraire, transférée aux juridictions normalement compétentes, qui sont celles de l’État membre de la résidence habituelle actuelle de l’enfant.

49.      Bien que la nouvelle résidence habituelle résulte d’un déplacement illicite (22), les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant jouit déjà d’un certain ancrage se trouvent, en raison de leur proximité géographique avec l’environnement de celui-ci, les mieux placées pour apprécier les mesures favorables à ses intérêts (23).

50.      Selon la Cour, avec l’article 10 du règlement no 2201/2003, le législateur de l’Union « a voulu instaurer, en ce qui concerne [...] l’attribution de la compétence [...], un équilibre entre, d’une part, la nécessité d’empêcher l’auteur de l’enlèvement de tirer avantage de son acte illicite [...] et, d’autre part, l’opportunité de permettre à la juridiction qui est la plus proche de l’enfant de connaître des actions relatives à la responsabilité parentale » (24).

51.      La clé pour la compréhension correcte de l’article 10 du règlement no 2201/2003 et, partant, des conditions qu’il prévoit réside dans l’obtention de cet équilibre.

52.      Selon moi, une demande de retour de l’enfant vers l’État membre dans lequel il résidait immédiatement avant le déplacement illicite (en l’occurrence, l’Allemagne) préserve mieux cet équilibre que la demande de retour qui, si elle était accueillie (25), conduirait l’enfant dans un autre État (la Suisse), distinct du premier et également distinct de l’État (la Pologne) dans lequel il réside actuellement.

53.      L’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003 précise les démarches à accomplir par toute personne entendant éviter le changement de compétence judiciaire internationale :

–      en cas d’enlèvement, elle doit, dans un certain délai, demander le retour de l’enfant aux autorités de l’État dans lequel ce dernier se trouve (26) ;

–      en cas de décision de non‑retour prise sur la base de la convention de La Haye de 1980, elle doit présenter rapidement, auprès des autorités de l’État de la résidence antérieure de l’enfant, une demande concernant la garde de l’enfant (27) (s’il n’y a pas déjà une procédure en cours).

54.      J’estime que, en subordonnant le maintien de la compétence judiciaire à ces réactions juridiques précises, le règlement no 2201/2003 ne vise pas uniquement à canaliser le refus de l’enlèvement de l’enfant par l’un des titulaires du droit de garde.

55.      Dans l’intérêt de l’enfant, il encourage la mise en œuvre de mécanismes visant à mettre fin le plus rapidement possible à une situation provisoire (28), en cohérence avec la logique de la réglementation européenne en matière d’enlèvement international d’enfants (29). Le rétablissement du statu quo antérieur au déplacement illicite est la première étape, essentielle, pour régulariser la situation d’un enfant enlevé (30). Pour y parvenir, j’estime indispensable de réclamer son retour précisément vers l’État membre d’où il a été déplacé.

56.      Demander le retour de l’enfant vers un État autre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle avant le déplacement illicite est un moyen de s’opposer à ce déplacement, mais ne sert pas l’objectif que je viens de décrire. En revanche, cela restreint les cas dans lesquels les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle actuelle de l’enfant, c’est-à-dire celles qui sont les plus proches de celui-ci, sont compétentes.

57.      En somme, je suis opposé à ce qu’une demande tendant au retour de l’enfant dans un État autre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle au moment du déplacement illicite soit qualifiée de « demande de retour » au sens de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

2.      La demande de retour et la demande de garde

58.      Conformément à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 :

–      l’introduction d’une demande de retour est la condition expresse imposée à la personne demandant la garde, à partir du moment où elle sait (ou devrait savoir) où se trouve l’enfant, pour maintenir la compétence judiciaire internationale dans l’État de la résidence habituelle antérieure de l’enfant ;

–      il n’y a pas de place pour des demandes autres que celles du retour de l’enfant auprès des autorités de l’État membre dans lequel il a été déplacé.

59.      Comme je l’ai exposé, aux fins du maintien de la compétence de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant le déplacement illicite, l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 exige qu’une procédure visant au retour de l’enfant dans ce pays soit engagée.

60.      De ce point de vue, une demande de retour de l’enfant et une demande de garde tranchée dans un sens impliquant le retour de celui-ci pourraient sembler équivalentes.

61.      Toutefois, en matière d’enlèvement d’enfant, le facteur temps est déterminant (31). C’est pourquoi, aux fins de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, une demande dont l’unique objet est le retour rapide de l’enfant et qui, de ce fait, est traitée en urgence, et une demande de garde qui sera tranchée après un examen approfondi du fond du litige dans le cadre de la procédure prévue à cet effet ne sont pas interchangeables (32).

62.      Une interprétation systématique n’étaye pas non plus le remplacement de la demande de retour visée à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 par une demande de garde. La lettre i) et les lettres ii) et iii) (33) de l’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003 forment une séquence dans laquelle la demande de garde est conçue comme étant postérieure à la demande de retour. Considérées ensemble, ces subdivisions décrivent un enchaînement d’étapes à suivre, une fois le lieu où se trouve l’enfant connu, dans une situation « type » dans laquelle une demande de garde n’a pas encore été introduite.

63.      À compter de ce moment, le maintien de la compétence judiciaire dans l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle avant son enlèvement requiert : de demander son retour aux autorités du (nouvel) État membre dans lequel il a été déplacé [sous i)] ; de persister dans cette demande [sous ii)] et, en cas de rejet de la demande de retour (34), de présenter rapidement la demande de garde dans l’État membre dans lequel l’enfant se trouvait avant le déplacement [sous iii)].

64.      Je considère, en définitive, que, pour maintenir la compétence de l’État membre dans lequel l’enfant résidait et d’où il a été déplacé illicitement, la personne qui aspire à sa garde (et qui sait ou devrait savoir où se trouve l’enfant) doit en demander le retour immédiat. À partir du moment où elle sait où se trouve l’enfant (35), elle ne dispose pas d’un choix entre exercer l’action au fond ou demander le retour immédiat de l’enfant (36). Si elle ne présente pas la demande de retour ou qu’elle le fait hors délai, la compétence pour décider de la garde est transférée aux autorités de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle (37).

C.      L’application des critères susmentionnés au litige au principal

65.      La juridiction de renvoi pose sa deuxième question préjudicielle en se fondant sur deux prémisses :

–      d’une part, elle ne semble pas accorder d’importance, aux fins de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, au fait qu’il y ait eu une demande de retour introduite devant les juges polonais, traitée par les voies prévues par la convention de La Haye de 1980 ;

–      d’autre part, elle considère que la demande de garde de L présentée devant les juges allemands est une demande de retour au sens de ce même article.

66.      Afin de donner une réponse utile à la question préjudicielle, il convient d’apprécier l’exactitude de ces prémisses.

1.      Sur la demande de retour de L en Suisse

67.      Il ressort de la décision de renvoi que, pour la juridiction de renvoi, la demande de retour (38) de L en Suisse, présentée par son père le 7 juillet 2017 devant les juridictions polonaises, n’entre pas en ligne de compte aux fins du maintien de la compétence des juridictions allemandes, en application de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

68.      Dans ses observations, la Commission a exposé un point de vue différent : la demande de retour en Suisse serait pertinente ; le père de L « n’a pas laissé la situation en l’état », mais s’est efforcé d’obtenir le retour de l’enfant (39).

69.      Pour les raisons exposées aux points 41 et suivants des présentes conclusions, je considère que la position de la juridiction de renvoi est, quant à son résultat, substantiellement correcte. Dans les circonstances de l’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003, le maintien de la compétence des juridictions de l’Allemagne, en tant qu’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement, aurait nécessité la demande de retour dans ce pays.

2.      La demande de garde devant les juridictions allemandes

70.      Afin de vérifier si les juridictions de l’État membre (Allemagne) dans lequel L avait sa résidence habituelle avant son déplacement illicite sont (encore) compétentes, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la demande de garde que le père a présentée auprès de ces juridictions a été introduite dans le délai d’un an prévu à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

71.      Je déduis que la juridiction de renvoi considère la demande relative à la garde de L en tant que demande « de retour » au sens de l’article 10 du règlement no 2201/2003 susmentionné. Elle peut ainsi surmonter l’obstacle de l’absence de demande de retour, proprement dite, exigée par cet article pour maintenir la compétence dans l’État membre d’origine une fois la localisation de l’enfant dans l’État dans lequel il a été déplacé connue.

72.      Pour les raisons que j’ai exposées aux points 58 et suivants des présentes conclusions, je ne crois pas que cette prémisse soit correcte. Elle ne me semble pas non plus justifiée par une réponse affirmative à la première question préjudicielle, comme le laisse entendre implicitement la juridiction de renvoi.

73.      C’est une chose que l’application de l’article 10 du règlement no 2201/2003 (aux fins d’attribuer la compétence judiciaire internationale à certaines juridictions en cas de déplacement illicite d’un enfant) ne soit pas subordonnée à celle de l’article 11 de ce règlement (40), c’en est une autre que le recours à cette compétence d’exception soit possible à tout moment, indépendamment de toute tentative d’obtenir le retour de l’enfant.

D.      Autres exigences de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003

74.      La juridiction de renvoi soulève deux doutes qu’il conviendrait de clarifier s’il était admis, contrairement à ce que je soutiens, que la demande de garde présentée en Allemagne est assimilable à une demande de retour au sens de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

75.      Le premier doute porte sur le délai imposé au titulaire d’un droit de garde pour demander le retour immédiat de l’enfant à partir du moment où il sait (ou devrait savoir) où se trouve l’enfant.

76.      Le doute semble résulter de la divergence entre les faits exposés par le père de L lorsqu’il a demandé le retour de celle-ci par l’intermédiaire des autorités suisses et ceux qu’il a exposés en Allemagne pour soutenir que les juridictions de ce pays demeuraient compétentes en matière de garde :

–      dans le cadre de la procédure de retour, le père a fixé le déplacement illicite de L au 24 mai 2017, date à laquelle L a commencé à fréquenter un jardin d’enfants en Pologne ;

–      dans le cadre de la procédure de garde, le père a invoqué un accord avec la mère de L en vertu duquel l’enfant irait à la crèche en Suisse à partir du mois de novembre 2017.

77.      En fonction de la date retenue, le délai d’un an prévu à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 aurait expiré ou non lorsque le père de L a introduit sa demande de garde en Allemagne (13 juillet 2018). La juridiction de renvoi demande si les allégations du père dans le cadre de la procédure de garde, distinctes de celles faites dans le cadre de la procédure de retour au titre de la convention de La Haye de 1980, sont recevables.

78.      Le second doute porte sur la preuve des faits (concrètement, sur un éventuel accord des parents quant au fait que l’enfant reste en Pologne au-delà d’une certaine date) conditionnant la compétence judiciaire internationale. Pour le père, la preuve de ce point pèse sur la mère de L en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980 (41), qui serait également applicable dans le cadre de l’article 10 du règlement no 2201/2003.

79.      Selon moi, ces doutes de la juridiction de renvoi peuvent être résolus, eu égard au fait que, de par leur nature et leur objet, les procédures de retour et de garde relatives à un enfant déplacé illicitement, bien que liées, sont autonomes.

80.      Dans le règlement no 2201/2003, la relation entre les deux procédures est notamment prévue par deux dispositions : l’article 11, consacré au « retour de l’enfant », et l’article 42, qui figure dans la section relative à la « force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l’enfant ». Aucune de ces deux dispositions ne relie les procédures de la manière suggérée par la juridiction de renvoi.

81.      L’article 11 du règlement no 2201/2003 concerne le cas de figure d’une demande (présentée par une personne ayant le droit de garde) aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye de 1980 « en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites ».

82.      Or, l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 2201/2003 se contente de prévoir un mécanisme de communication entre juridictions, de sorte que celle qui a rendu une décision de nonretour en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980 en transmet une copie à la juridiction compétente (ou à l’autorité centrale) de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour illicites.

83.      Quant à l’article 42 du règlement no 2201/2003, le paragraphe 2, sous c), de cette disposition prévoit que, lorsque le retour d’un enfant est la conséquence d’une décision ordonnant le retour en vertu de l’article 11, paragraphe 8, certaines étapes et conditions doivent être respectées pour que cette décision bénéficie du régime d’exécution prévu au chapitre III, section 4, du règlement no 2201/2003.

84.      Rien dans le règlement no 2201/2003 n’indique que, aux fins d’engager une procédure en matière de responsabilité parentale, le titulaire d’un droit de garde ou la juridiction qu’il saisit seraient immanquablement tenus par l’exposé des faits effectué par le premier dans le cadre d’une demande préalable de retour de l’enfant (42).

85.      Le règlement no 2201/2003 n’exige pas non plus que les règles relatives à la preuve des facteurs déterminant la compétence judiciaire, conformément à son article 10, soient les mêmes que celles qui s’appliquent dans la convention de La Haye de 1980 pour décider du retour d’un enfant (43).

86.      La Cour a indiqué qu’une décision rendue à l’issue d’une procédure au titre de la convention de La Haye de 1980 n’affecte pas le fond du droit de garde ni, partant, la décision que la juridiction compétente en la matière pourrait rendre (44).

87.      La Cour a également rappelé que, en raison du caractère expéditif de la procédure de retour, la demande à cet effet « doit être fondée sur des éléments rapidement et facilement vérifiables » et a notamment indiqué que la date à partir de laquelle un déplacement est illicite est l’un des éléments dont la preuve peut s’avérer difficile, voire impossible (45).

88.      À la lumière de ces prémisses, j’estime, en définitive, que :

–      le règlement no 2201/2003 ne fournit pas à la juridiction nationale (qui doit décider si elle est compétente ou non pour connaître d’une demande de garde d’un enfant) des règles permettant de déterminer dans quelle mesure elle est liée par des affirmations préalables faites dans le cadre d’une autre procédure dans laquelle le retour de l’enfant a été demandé (46) ;

–      en l’absence de règles du droit de l’Union concernant la charge de la preuve des circonstances qui, en vertu de l’article 10 du règlement no 2201/2003, fondent la compétence judiciaire internationale des juridictions d’un État membre déterminé, c’est l’ordre juridique de chaque État membre qui définit ces règles, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que de l’effet utile du règlement no 2201/2003.

V.      Conclusion

89.      Je propose donc à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle de l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) comme suit :

L’article 10 du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000,

doit être interprété en ce sens que :

– une demande, introduite au titre de la convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants de 1980, tendant au retour de l’enfant dans un État qui n’est pas celui où l’enfant avait sa résidence habituelle avant le déplacement ne saurait être qualifiée de « demande de retour » au sens de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 ;

– une fois que le lieu où se trouve l’enfant est (ou devrait être) connu, la compétence internationale des juridictions de l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement illicite n’est pas maintenue si, pour autant qu’il soit satisfait aux autres conditions prévues à l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, le titulaire d’un droit de garde engage une procédure en matière de garde devant ces juridictions, mais non une demande de retour auprès des autorités de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ;

– les affirmations factuelles réalisées dans le cadre d’une procédure de retour de l’enfant introduite au titre de la convention de La Haye de 1980 ne lient pas nécessairement le juge appelé à statuer si la juridiction d’un État membre est compétente dans le cadre d’une procédure ultérieure de garde.

– la règle en matière de charge de la preuve prévue à l’article 13 de la convention de La Haye de 1980 ne s’applique pas aux faits invoqués en tant que fondement de la compétence judiciaire internationale pour une demande de garde.


1      Langue originale : l’espagnol.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


2      Règlement du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1). Il a été abrogé par le règlement (UE) 2019/1111 du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (JO 2019, L 178, p. 1), qui n’est pas applicable ratione temporis à la présente affaire.


3      Arrêt du 1er juillet 2010, Povse (C‑211/10 PPU, ci-après l’« arrêt Povse », EU:C:2010:400, point 43).


4      Arrêts du 13 juillet 2023, TT (Transfert illicite de l’enfant) (C‑87/22, ci-après l’« arrêt TT », EU:C:2023:571) ; du 24 mars 2021, MCP (C‑603/20 PPU, ci-après l’« arrêt MCP », EU:C:2021:231), et du 17 octobre 2018, UD (C‑393/18 PPU, EU:C:2018:835), ainsi qu’ordonnance du 10 avril 2018, CV (C‑85/18 PPU, EU:C:2018:220).


5      Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (ci-après la « convention de La Haye de 1980 »). Voir, récemment, arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour) (C‑638/22 PPU, EU:C:2023:103). Voir également, en tant qu’arrêts présentant un intérêt direct pour la présente affaire, arrêts du 22 décembre 2010, Mercredi (C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829) ; du 8 juin 2017, OL (C‑111/17 PPU, ci-après l’« arrêt OL », EU:C:2017:436), et du 19 septembre 2018, C.E. et N.E. (C‑325/18 PPU et C‑375/18 PPU, EU:C:2018:739).


6      Lors d’une audience qui s’est tenue le 9 mai 2019, à laquelle la mère n’a pas comparu bien qu’elle y ait été dûment convoquée, le père a déclaré que, au cours d’une conversation téléphonique qui a eu lieu le 29 janvier 2016, les parents étaient convenus que L resterait au maximum deux à trois ans en Pologne et irait en tout état de cause ensuite au jardin d’enfants en Suisse.


7      Je partirai de la prémisse que le père de L était titulaire d’un droit de garde sur elle et que le déplacement qu’il avait initialement accepté est devenu illicite par la suite. Si le déplacement n’était pas illicite, l’article 10 du règlement no 2201/2003 ne s’applique tout simplement pas. Il n’apparaît pas clairement si cette condition est remplie en l’espèce, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.


8      Considérant 12 du règlement nº 2201/2003. Voir, notamment, arrêts TT (point 33), et du 27 avril 2023, CM (Droit de visite d’un enfant ayant déménagé) (C‑372/22, EU:C:2023:364, points 21 et 22). Concernant la pertinence de la présence physique de l’enfant pour établir sa résidence habituelle et son lien intrinsèque avec le critère de proximité géographique, voir arrêt du 17 octobre 2018, UD (C‑393/18 PPU, EU:C:2018:835).


9      Il obtiendrait, à tout le moins, un avantage procédural et, éventuellement, matériel : par son acte illicite, l’auteur de l’enlèvement aurait réussi à créer le lien justifiant la compétence judiciaire internationale d’une juridiction éventuellement plus favorable à ses intérêts (sur le fond).


10      Voir, notamment, arrêt TT (point 36).


11      Des demandes de retour ou relatives à la responsabilité parentale : article 10, sous b), i) à iii), du règlement no 2201/2003. La lettre iv) de cette disposition prévoit, en sus des circonstances communes prévues sous b), le transfert de compétence judiciaire à la suite d’une décision relative à la garde.


12      L’enfant doit avoir résidé dans l’État membre de destination pendant une période d’au moins un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant. L’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003 présente l’intégration de l’enfant dans le nouvel État comme une condition séparée de la consolidation de la résidence habituelle dans celui-ci.


13      Arrêt MCP (point 54).


14      Considérant 17 du règlement no 2201/2003 et avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014 (EU:C:2014:2303, point 85). La relation entre les deux instruments est claire en ce qui concerne l’article 11 du règlement no 2201/2003 : dans l’arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour) (C‑638/22 PPU, EU:C:2023:103, point 62), la Cour a qualifié cette disposition et les articles 8 à 11 de la convention de La Haye de 1980 d’« ensemble normatif indivisible », comme elle l’avait fait précédemment dans l’avis 1/13 (point 78). L’article 10 ne présente pas ce lien si étroit : de ce point de vue, pour autant que l’on veille à la cohérence entre les instruments, on pourrait soutenir que cet article s’applique à des demandes de retour non couvertes par la convention de La Haye de 1980, mais non à d’autres demandes de retour qui sont couvertes par cette convention.


15      Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, conclue à La Haye le 19 octobre 1996 (ci-après la « convention de La Haye de 1996 »). Son article 7, équivalent fonctionnel de l’article 10 du règlement no 2201/2003, prévaut sur l’article 16 de la convention de La Haye de 1980 : voir rapport explicatif préparé par M. Paul Lagarde, publié dans : Actes et Documents de la Dix-huitième session de la Conférence de La Haye de droit international privé (1996), tome II, p. 532 et suiv. (ci-après le « rapport Lagarde », point 46). La version en langue espagnole du règlement no 2201/2003 emploie le terme « restitución », tandis que les deux versions en langue espagnole des conventions de La Haye utilisent le terme « retorno ». Les versions en langues anglaise et française des trois instruments (versions qui font foi s’agissant des conventions) emploient les termes « return » et « retour ». En principe, le sens est le même pour les trois : voir, toutefois, note en bas de page précédente.


16      J’entends par là une demande dont l’unique objet est le retour de l’enfant dans l’État d’origine dans les plus brefs délais, sans entrer dans les questions de fond relatives à la responsabilité parentale.


17       Les versions faisant foi du préambule de la convention de La Haye de 1980 se réfèrent au retour de l’enfant/des enfants « dans l’État de sa résidence habituelle »/« return to the State of their habitual residence ». En revanche, l’article 1er de cette convention ne contient pas cette précision.


18      S’appuyant sur les termes de l’article 10 du règlement no 2201/2003, la Cour a jugé, dans l’arrêt MCP (points 39 et 40), que « les critères retenus par cette disposition aux fins de l’attribution de la compétence en cas d’enlèvement d’enfant visent une situation qui se cantonne au territoire des États membres ». Elle a ajouté que « ce même article règle uniquement la compétence en cas d’enlèvements d’enfant entre les États membres ». Cette affaire portait sur l’interprétation de l’article 10 du règlement no 2201/2003 dans un cas dans lequel l’enfant, après un déplacement illicite dans un État tiers, y avait consolidé sa résidence habituelle. Au vu de la différence entre ces faits et ceux de la présente affaire, dans laquelle le retour en Suisse est demandé, mais le déplacement illicite a eu lieu de l’Allemagne vers la Pologne, on ne saurait considérer que les affirmations de la Cour dans l’arrêt MCP (et donc l’argument littéral) dissipent à elles seules les doutes soulevés en l’espèce.


19      Arrêt Povse (point 45). Cet arrêt portait sur l’article 10, sous b), iv), du règlement no 2201/2003 et la notion de « décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant ». La Cour a jugé que seule une décision définitive relevait de cette notion.


20      Je comprends que les partisans de cette thèse la fondent, comme l’a fait le représentant de la Commission lors de l’audience, sur l’ordonnance du 10 avril 2018, CV (C‑85/18 PPU, EU:C:2018:220, point 51). Dans cette ordonnance, la Cour a étendu ce qu’elle a établi dans l’arrêt Povse concernant l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 à l’article 10, sous a), et sous b), ii) à iv), de ce règlement.


21      Arrêt MCP (point 47).


22      Et, convient-il d’ajouter, malgré le caractère provisoire de la situation de l’enfant illicitement déplacé, auquel je me réfère dans la note en bas de page 28 des présentes conclusions.


23      Le fait que les juridictions de l’État membre de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant soient les plus appropriées ne semble pas controversé, même dans de tels cas : voir arrêt MCP (point 60). Ces juridictions sont également mieux placées pour connaître de l’affaire au sens de l’article 15 du règlement no 2201/2003 : arrêt TT (point 44).


24      Arrêt MCP (point 59). C’est (entre autres) la raison pour laquelle, dans cette affaire, la Cour a refusé d’étendre la compétence résultant de l’article 10 du règlement no 2201/2003 sans limite dans le temps lorsque l’enfant déplacé illicitement l’a été vers un État tiers dans lequel il a acquis sa résidence habituelle.


25      J’ajoute que, aux fins de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, ce qui importe est l’introduction de la demande et non son résultat. La compétence judiciaire internationale n’est pas automatiquement perdue si la décision tranchant la demande est une décision de non‑retour : dans ce cas, la situation devient celle prévue à l’article 10, sous b), iii), du règlement.


26      Article 10, sous b), i) et ii), du règlement no 2201/2003.


27      Article 10, sous b), iii), du règlement no 2201/2003. Cette disposition se limite au cas dans lequel le retour est demandé et refusé sur la base de la convention de La Haye de 1980. Entre États membres de l’Union, il s’agit du régime commun des demandes de retour d’enfants, qui n’en exclut pas d’autres pour autant qu’ils soient plus favorables au retour. Il serait raisonnable que la règle énoncée à l’article 10, sous b), iii), soit également étendue à ces derniers.


28      Provisoire du point de vue de la compétence judiciaire internationale, ainsi que l’a souhaité le législateur lui‑même, et provisoire également dans les faits, bien que l’enfant ait sa résidence habituelle dans l’État membre dans lequel il a été déplacé illicitement. Conformément à l’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003, lu a contrario, la compétence des juridictions de l’État membre d’origine est maintenue si, à l’issue d’une période d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, celui-ci ne s’est pas encore intégré dans le nouvel environnement, bien qu’il y ait acquis sa résidence habituelle. Je rappelle que, conformément à l’article 12, premier alinéa, de la convention de La Haye de 1980, si une période d’un an depuis l’enlèvement de l’enfant ne s’est pas écoulée au moment de l’introduction de la demande de retour, les autorités de l’État de destination doivent ordonner son retour. Mme Elisa Pérez Vera explique, au point 107 de son rapport explicatif joint à la convention, publié dans Actes et Documents de la Quatorzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé (1980), tome III, p. 426 et suiv. (ci-après le « rapport Pérez Vera »), la consécration de ce délai comme une tentative de traduire le critère de l’« intégration de l’enfant » sous forme d’une norme objective. Toutefois, l’article 12, deuxième alinéa, de la convention prévoit que le retour de l’enfant doit également être ordonné, même s’il est demandé plus tard, si l’intégration de l’enfant dans le nouveau milieu n’est pas démontrée.


29      La réglementation établie prévoit une configuration factuelle typique, dans laquelle les éléments centraux qui conduisaient à qualifier l’État de résidence antérieure de l’enfant comme son « environnement » sont conservés. Le rapport Pérez Vera décrit quant à lui, au point 110, une situation atypique, dans laquelle l’environnement de l’enfant est « fondamentalement familial » et celui qui demande le retour ne vit plus dans l’État de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement. Eu égard aux difficultés pratiques qui résulteraient du retour de l’enfant dans cet État, le rapport suggère que la convention de La Haye de 1980 autorise la remise de l’enfant dans un autre État. Lors de l’audience, l’avocat du père de L a évoqué ce point du rapport à l’appui d’une interprétation du règlement no 2201/2003 différente de celle à laquelle je souscris. Toutefois, même à supposer que les faits au principal correspondent à la situation décrite dans le rapport, il n’apparaît pas que le législateur de l’Union ait envisagé ce cas de figure atypique et ses implications sur la compétence judiciaire internationale.


30       Je rappelle que le règlement no 2201/2003 vise à dissuader l’enlèvement d’enfant entre États membres. S’il a néanmoins lieu, l’objectif est d’« obtenir que le retour de l’enfant soit effectué sans délai » (arrêt Povse, point 43). Le retour est à ce point important que, dans la logique de la convention de La Haye de 1980, il faut attendre que la demande de retour soit tranchée avant d’introduire la demande de garde. La convention de La Haye de 1996 suit la même ligne, bien qu’en étant un peu plus souple : voir note en bas de page 31 des présentes conclusions.


31      À tel point que la convention de La Haye de 1980 tente de subordonner la demande de garde à celle de retour : voir article 34 de cette convention et rapport Pérez Vera, point 40. Cette préoccupation existe également dans la convention de La Haye de 1996, qui n’admettrait une solution plus souple qu’exceptionnellement : rapport Lagarde, point 168.


32      Entre les États membres, le règlement no 2201/2003 facilite assurément la reconnaissance de la décision de garde, en atténuant la préoccupation quant au facteur temps, qui a eu un poids décisif dans d’autres contextes : voir note en bas de page 31 des présentes conclusions. Toutefois, la configuration et la durée de la procédure en matière de garde sont du ressort des États membres et il n’existe pas, à la différence de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 2201/2003, de règle établissant un délai pour se prononcer sur la demande de garde. Je rappelle qu’une telle règle existait dans la proposition de règlement de la Commission : voir article 21, paragraphe 2, sous b), ii), de la proposition de la Commission de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 et modifiant le règlement (CE) no 44/2001 en ce qui concerne les questions alimentaires [COM(2002) 222 final].


33      L’article 10, sous b), iv), du règlement no 2201/2003 présente une certaine autonomie dans ce cadre. Il porte sur les décisions de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant prononcées dans l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement. Il semble que toute décision de garde vaut aux fins de cette disposition : rien n’indique qu’il s’agit d’une conséquence de l’action visée sous iii).


34      Le règlement no 2201/2003 n’envisage pas le cas de figure de l’accueil de la demande de retour.


35      Avant ce moment, il est également possible de demander le retour, mais la réalisation matérielle de celui-ci n’est pas possible ; il n’apparaît dès lors pas raisonnable d’exiger une telle démarche en tant que condition pour maintenir la compétence judiciaire dans l’État membre de la résidence habituelle antérieure de l’enfant. En outre, des problèmes pratiques évidents se posent, comme celui de savoir quelles sont les autorités compétentes pour ordonner le retour, bien qu’il soit prévu que la demande puisse être redirigée : voir article 9 de la convention La Haye de 1980.


36      La Cour n’a pas émis de critiques à l’égard de situations dans lesquelles les procédures ont été engagées en parallèle : voir, notamment, arrêt TT, points 19 et 20.


37      Pour autant que les autres conditions visées à l’article 10, sous b), du règlement no 2201/2003 soient remplies.


38      J’utilise ce terme bien que, à la lumière de l’exposé des faits, il me semble contestable que cette demande soit une demande de retour au sens propre, et non de relocalisation de l’enfant, tentée par les voies prévues par la convention de La Haye de 1980.


39      Observations écrites de la Commission, point 43.


40      C’est-à-dire à l’instauration entre deux États membres de la procédure prévue par la convention de La Haye de 1980.


41      Il s’agirait du premier alinéa, sous a), de cette disposition, aux termes duquel « [...] l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit : a) que la personne [...] avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non‑retour ».


42      Lors de l’audience, les représentants du gouvernement allemand et du père de L ont expliqué que, en vertu du droit national, dans les affaires familiales, le juge procède, d’office, aux investigations nécessaires afin d’établir les faits pertinents pour la décision. On ne pourrait donc pas opposer une éventuelle « forclusion à un nouvel exposé des faits du père » dans le cadre d’une procédure (de garde) par rapport à une autre procédure (de retour), comme semble le suggérer la juridiction de renvoi.


43      Ni, en réalité, n’importe quelles autres règles. Le règlement no 2201/2003 se contente d’exiger la vérification de la compétence et, le cas échéant, la déclaration d’office de l’incompétence : voir son article 17.


44      Arrêts du 22 décembre 2010, Mercredi (C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, points 62 et suiv.), ainsi que OL (point 65).


45      Arrêt OL (point 58).


46      Dans une matière gouvernée par l’intérêt de l’enfant, les affirmations d’un parent quant à la date à laquelle le déplacement a été ou est devenu illicite (en tant que circonstance équivalente, le cas échéant, à la connaissance du lieu où se trouve l’enfant) ne devraient pas lier la juridiction appelée à appliquer l’article 10 du règlement no 2201/2003. À cet égard, le dies a quo doit être la date à partir de laquelle, à la lumière des indices, il n’existe objectivement aucun doute raisonnable que le retour de l’enfant dans l’État membre d’origine n’aura pas lieu.