Language of document : ECLI:EU:T:2023:733

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

22 novembre 2023 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Résolution de Banco Popular Español – Décision du CRU refusant d’accorder un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution – Valorisation de la différence de traitement – Indépendance de l’évaluateur »

Dans l’affaire T‑330/20,

ACMO Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes T. Soames et I. Prodromou-Stamoudi, avocats, et M. R. East, solicitor,

parties requérantes,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes M. Fernández Rupérez, A. Lapresta Bienz, MM. L. Forestier et J. Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, V. Del Pozo Espinosa de los Monteros et L. Hesse, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. M. van der Woude, président, G. De Baere (rapporteur), Mme G. Steinfatt, M. K. Kecsmár, et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la lettre, déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2023, par laquelle PIMCO Dynamic Income Fund a informé le Tribunal de sa qualité d’ayant cause à titre universel de PIMCO Income Opportunity Fund et de PIMCO Dynamic Credit and Mortgage Income Fund,

vu la lettre, déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2023, par laquelle Bybrook Capital Badminton Fund LP a demandé à être substituée à Cairn Global Funds PLC et à Cairn Special Opportunities Credit Master Fund Limited en tant que partie requérante dans la présente affaire, les autres parties ayant été mises en mesure de présenter leurs observations,

vu la lettre, déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2023, par laquelle PIMCO Global Cross-asset Opportunities Master Fund LDC a demandé à être substituée à PHFS series SPC - PHSF VII SP en tant que partie requérante dans la présente affaire, les autres parties ayant été mises en mesure de présenter leurs observations,

à la suite de l’audience du 9 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, ACMO Sàrl et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision SRB/EES/2020/52 du Conseil de résolution unique (CRU), du 17 mars 2020, visant à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular Español, SA (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Les requérantes sont des fonds de placement, qui, avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular »), détenaient des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et des instruments de fonds propres de catégorie 2 de cette dernière, dont certaines par le biais de compartiments, à l’exception de l’une d’entre elles, qui vient aux droits d’une entité qui détenait des obligations de Banco Popular.

3        Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

4        Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, le 23 mai 2017, à la suite d’une procédure d’appel d’offres, le CRU a engagé le cabinet Deloitte Réviseurs d’Entreprises en tant qu’évaluateur (ci-après le « cabinet évaluateur ») dans le cadre de la préparation d’une éventuelle résolution de Banco Popular. Le cabinet évaluateur s’est vu attribuer un contrat spécifique à la suite d’une mise en concurrence dans le cadre d’un contrat-cadre multiple de services que le CRU avait signé avec six cabinets, dont le cabinet évaluateur. Conformément au contrat spécifique, la mission du cabinet évaluateur comprenait la réalisation d’une valorisation de Banco Popular préalablement à une éventuelle résolution ainsi que la valorisation de la différence de traitement prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement n° 806/2014, postérieurement à une résolution potentielle.

5        Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation, en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

6        Le 6 juin 2017, le cabinet évaluateur a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

7        Dans le dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution. Le CRU a décidé de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular en application de l’article 21 du règlement no 806/2014 et d’appliquer l’instrument de cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur.

8        Le CRU a décidé d’annuler 100 % des actions de Banco Popular, de convertir et de déprécier la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular en « nouvelles actions II ». Au terme d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), les « nouvelles actions II » ont été transférées à Banco Santander SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Par la suite, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular le 28 septembre 2018, dans le cadre d’une fusion par absorption.

9        Le 7 juin 2017, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p.15).

10      Le 14 juin 2018, le cabinet évaluateur a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, le cabinet évaluateur a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

11      Le cabinet évaluateur a estimé, dans la valorisation 3, le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où le dispositif de résolution a été adopté. Il a procédé à cette évaluation dans le cadre d’un scénario de liquidation en appliquant la Ley 22/2003, Concursal (loi 22/2003 sur la faillite), du 9 juillet 2003 (BOE no 164, du 10 juillet 2003, p. 26905).

12      Le cabinet évaluateur a indiqué que le scénario de liquidation hypothétique avait été préparé en s’appuyant sur les informations financières non auditées du 6 juin 2017 ou, si elles n’étaient pas disponibles, sur celles du 31 mai 2017. Il a estimé que l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité pour Banco Popular le 7 juin 2017 aurait abouti à une liquidation non planifiée. Afin d’apprécier les valeurs de réalisation des actifs, le cabinet évaluateur a pris en compte trois scénarios temporels de liquidation alternatifs, de 18 mois, de 3 ans et de 7 ans, comprenant chacun une meilleure et une pire hypothèse. Il a conclu que, dans chacune de ces hypothèses, pour les actionnaires affectés et les créanciers subordonnés, aucun recouvrement n’aurait été attendu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité et qu’il n’existait donc pas de différence de traitement par rapport à celui résultant de la mesure de résolution.

13      Le 6 août 2018, le CRU a publié, sur son site Internet, son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers qui ont fait l’objet des mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure du droit d’être entendu (SRB/EES/2018/132) (ci-après la « décision préliminaire »), ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).

14      Dans la décision préliminaire, le CRU a considéré qu’il ressortait de la valorisation 3 qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont avaient réellement fait l’objet les actionnaires et créanciers affectés du fait de la résolution de Banco Popular et celui dont ils auraient bénéficié si cette dernière avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Le CRU a décidé, à titre préliminaire, qu’il n’était pas tenu de verser un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

15      Pour lui permettre de prendre une décision finale sur la nécessité ou non d’accorder aux actionnaires et aux créanciers affectés un dédommagement, le CRU les a invités à lui faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au regard de la décision préliminaire, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

16      Le CRU a indiqué que la procédure relative au droit d’être entendu se déroulerait en deux phases.

17      Dans une première phase, la phase d’inscription, les actionnaires et créanciers affectés étaient invités à faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au moyen d’un formulaire d’inscription en ligne dédié ouvert jusqu’au 14 septembre 2018. Ensuite, le CRU devait vérifier si chaque partie ayant manifesté son intérêt avait le statut d’actionnaire ou de créancier affecté. Les actionnaires et créanciers affectés intéressés devaient apporter une preuve de leur identité et une preuve qu’ils détenaient, le 6 juin 2017, un ou des instruments de capital de Banco Popular qui ont été dépréciés ou convertis et transférés dans le cadre de la résolution.

18      Dans une seconde phase, la phase de consultation, les actionnaires et créanciers affectés qui avaient fait part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au cours de la première phase et dont le statut avait été vérifié par le CRU, pouvaient soumettre leurs commentaires sur la décision préliminaire à laquelle était annexée la valorisation 3.

19      Le 16 octobre 2018, le CRU a annoncé que les actionnaires et créanciers éligibles seraient invités à soumettre leurs commentaires écrits sur la décision préliminaire à partir du 6 novembre 2018. Le 6 novembre 2018, le CRU a envoyé aux actionnaires et aux créanciers éligibles un lien personnel unique donnant accès sur Internet à un formulaire leur permettant de présenter, jusqu’au 26 novembre 2018, des commentaires sur la décision préliminaire ainsi que sur la version non confidentielle de la valorisation 3.

20      À l’issue de la phase de consultation, le CRU a examiné les commentaires pertinents des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à la décision préliminaire. Il a demandé au cabinet évaluateur de lui fournir un document contenant son évaluation des commentaires pertinents relatifs à la valorisation 3 et d’examiner si la valorisation 3 restait valable à la lumière de ces commentaires.

21      Le 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur a fourni au CRU son évaluation intitulée « Document de clarification sur la valorisation de la différence de traitement » (ci-après le « document de clarification »). Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a confirmé que la stratégie et les différents scénarios de liquidation hypothétiques détaillés dans la valorisation 3 ainsi que les méthodologies suivies et les analyses menées restaient valables.

22      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision attaquée. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2).

23      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences prévues à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et au chapitre IV du règlement délégué (UE) 2016/1075 de la Commission, du 23 mars 2016, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l’autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l’indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l’avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution (JO 2016, L 184, p. 1).

24       Sous le titre 5 « valorisation 3 » de la décision attaquée, le CRU a résumé le contenu de la valorisation 3 et a estimé qu’elle était conforme au cadre légal applicable et était suffisamment motivée et complète pour constituer le fondement d’une décision prise au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014. Il a considéré que la valorisation 3 évaluait les éléments nécessaires prévus à l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014 et dans le règlement délégué (UE) 2018/344 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant les critères relatifs aux méthodes de valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la procédure de résolution (JO 2018, L 67, p. 3).

25      Sous le titre 6 de la décision attaquée, le CRU a présenté les « commentaires transmis par les actionnaires et créanciers affectés ainsi que leur évaluation ». Sous le titre 6.1 « évaluation de la pertinence » de la décision attaquée, le CRU a expliqué que certains de ces commentaires, qui n’étaient relatifs ni à sa décision préliminaire ni à la valorisation 3, n’étaient pas pertinents dans la mesure où ils ne relevaient pas de la procédure relative au droit d’être entendu. Sous le titre 6.2 de la décision attaquée, il a procédé à l’« examen des commentaires pertinents » transmis par les actionnaires et créanciers affectés, relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur et au contenu de la valorisation 3, regroupés par thème.

26      Le CRU a conclu qu’il ressortait de la valorisation 3, lue conjointement avec le document de clarification et les conclusions énoncées sous le titre 6.2 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés avaient réellement fait l’objet et celui dont ils auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution.

27      En conséquence, le CRU a décidé :

« Article 1

Valorisation

Dans le but de déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […], la valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la résolution, prévue à l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, est établie conformément à l’annexe I de la présente décision, en combinaison avec le document de clarification […] figurant en annexe II de la présente décision.

Article 2

Dédommagement

Les actionnaires et créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […] n’ont pas droit à un dédommagement du Fonds de résolution unique en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

Article 3

Destinataire de la décision

Cette décision est adressée au FROB, en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3), du règlement no 806/2014. »

II.    Conclusions des parties

28      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

29      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il est formé en qualité de représentant ou par des requérantes qui ne sont affectées que par des compartiments ;

–        à titre subsidiaire et pour les autres requérantes, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

30      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

31      Le CRU fait valoir que certaines requérantes n’ont pas démontré leur qualité pour agir. Il estime que le recours doit être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est formé, par certaines requérantes agissant en qualité de représentant, à savoir en tant que gestionnaire de fonds qui détenaient des obligations de Banco Popular, et par d’autres requérantes qui ne sont concernées que par l’intermédiaire de leurs compartiments, lesquels détenaient des instruments de fonds propres de Banco Popular.

32      Il y a lieu de constater que le CRU ne fait pas valoir l’irrecevabilité du recours en ce qui concerne l’ensemble des requérantes.

33      À cet égard, il ressort des documents formels annexés à la requête que plusieurs requérantes détenaient effectivement des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 ou des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular à la date de l’adoption du dispositif de résolution. Il y a également lieu de relever qu’elles ont en outre participé à la procédure relative au droit d’être entendu.

34      Il s’ensuit que ces requérantes font partie de la catégorie des actionnaires et des créanciers affectés par la résolution de Banco Popular. Elles sont donc directement et individuellement concernées par la décision attaquée et ont qualité pour agir en annulation de la décision attaquée, ce que le CRU ne conteste d’ailleurs pas.

35      Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’un seul et même recours, lorsque au moins une des parties requérantes a qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2019, EPSU et Goudriaan/Commission, T‑310/18, EU:T:2019:757, point 38 et jurisprudence citée).

36      Partant, il n’y a pas lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le CRU tirée de ce que les requérantes agissant en qualité de représentant ou pour leurs compartiments n’auraient pas la qualité pour agir.

B.      Sur le fond

37      À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent trois moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le CRU lorsqu’il a approuvé la valorisation 3, concernant l’évaluation de la durée de la période d’insolvabilité, des prêts performants, des prêts non performants, des actifs immobiliers et des risques juridiques de Banco Popular. Le deuxième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré de ce que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation en désignant le cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant. Le troisième moyen, soulevé également à titre subsidiaire, est tiré de ce que le CRU a indûment délégué au cabinet évaluateur les pouvoirs de décision que lui confère le règlement no 806/2014.

1.      Observations liminaires

a)      Sur l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal

38      Il y a lieu de relever que la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

39      D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche [voir arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 105 et jurisprudence citée].

40      D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente [voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 106 et jurisprudence citée].

41      Les décisions du CRU qui visent à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard d’une entité étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 39 et 40 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

42      Or, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées [voir arrêts 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 117 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 108 et jurisprudence citée].

43      À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cette décision [voir, par analogie, arrêts du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 72, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 105, point 109 et jurisprudence citée].

44      Par conséquent, le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêts du 27 septembre 2018, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE, T‑116/17, non publié, EU:T:2018:614, point 39 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 76 et jurisprudence citée).

45      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

b)      Sur la recevabilité des éléments de preuve produits en annexe de la réplique

46      Dans la duplique, le CRU fait valoir que les requérantes ont produit en annexe de la réplique un second témoignage de A et un addendum à leur rapport d’expertise qui visent à étayer des arguments déjà exposés dans la requête et qui auraient donc dû être joints à celle-ci. Les requérantes n’auraient pas justifié le retard dans la production de ces nouveaux éléments de preuve, en violation de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal et ceux-ci seraient donc irrecevables.

47      Aux termes de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires et les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

48      D’une part, il y a lieu de relever que les requérantes ont produit, en annexe de la requête, le témoignage d’un avocat spécialisé en droit espagnol de la faillite, A, daté du 28 mai 2020, concernant les questions pertinentes relevant du droit et des pratiques en matière d’insolvabilité. D’autre part, également en annexe de la requête, les requérantes ont produit un rapport d’expertise, daté du 28 mai 2020, qui visait initialement à examiner les hypothèses et la méthodologie utilisées dans la valorisation 3 à la suite du formulaire transmis par le CRU dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu et qui a été mis à jour à la suite de l’adoption de la décision attaquée et du document de clarification.

49      En annexe de la réplique, les requérantes ont produit un second témoignage de A, du 9 avril 2021, relatif à certains aspects du mémoire en défense concernant le droit espagnol de la faillite et un addendum à leur rapport d’expertise, daté du 13 avril 2021, préparé dans le but de répondre à certaines questions soulevées dans le mémoire en défense du CRU.

50      Il ressort de la jurisprudence que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les offres de preuve nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, du règlement de procédure, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées (voir arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 72, et du 5 mai 2021, ITD et Danske Fragtmænd/Commission, T‑561/18, EU:T:2021:240, point 102 et jurisprudence citée).

51      Dans la mesure où il ressort expressément de ces annexes qu’elles ont pour objet de soutenir des arguments visant à contester des appréciations figurant dans le mémoire en défense, il y a lieu de considérer qu’elles sont recevables.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’évaluation de la durée de la période d’insolvabilité, des prêts performants, des prêts non performants, des actifs immobiliers et des risques juridiques de Banco Popular

52      Par le premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation en approuvant la valorisation 3 et le document de clarification et que le cabinet évaluateur a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’application du scénario de liquidation, s’agissant de la durée de la procédure hypothétique de liquidation et de l’évaluation de certaines catégories d’actifs de Banco Popular. Ces erreurs auraient conduit à une sous-évaluation des recouvrements des requérantes dans le cadre d’une hypothétique procédure d’insolvabilité de Banco Popular et, partant, à une violation de leur droit de propriété.

53      Ce moyen se divise en cinq branches. Premièrement, les requérantes font valoir que le CRU et le cabinet évaluateur ont commis une erreur s’agissant de la durée du scénario de liquidation hypothétique. Deuxièmement, elles soutiennent que l’évaluation des prêts performants effectuée dans la valorisation 3 s’appuie sur des hypothèses déraisonnables. Troisièmement, elles contestent la stratégie de cession retenue par le cabinet évaluateur pour le portefeuille de prêts non performants de Banco Popular. Quatrièmement, elles soutiennent que l’estimation, dans la valorisation 3, du portefeuille immobilier de Banco Popular comporte des lacunes et des contradictions. Cinquièmement, elles contestent l’approche retenue par le cabinet évaluateur concernant les risques juridiques.

54      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, le CRU a indiqué que, selon l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, la valorisation 3 devait déterminer si les actionnaires et créanciers affectés avaient été moins bien traités dans le cadre de la résolution qu’ils ne l’auraient été si Banco Popular avait été « liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité ». Il a relevé, à l’instar du cabinet évaluateur dans le document de clarification (point 5.1.5), que la Ley 11/2005 de recuperación y resolución de entidades de crédito y empresas de servicios de inversión (loi 11/2015 de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises de services d’investissement), du 18 juin 2015 (BOE no 146, du 19 juin 2015, p. 50797), qui transpose la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), prévoit spécifiquement que la valorisation de la différence de traitement doit être effectuée en supposant que l’entité est entrée dans une procédure de liquidation.

55      À cet égard, le CRU a relevé que, conformément à la valorisation 3, au regard des circonstances de l’espèce et, en particulier, de l’incapacité de Banco Popular de s’acquitter de ses dettes à l’échéance, l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution aurait conduit à une liquidation de Banco Popular, qui aurait impliqué une réalisation accélérée des actifs, sans prix minimum contraignant, et le paiement de la réalisation nette aux créanciers conformément à la hiérarchie établie par la loi 22/2003.

56      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que la valorisation 3 était conforme au cadre légal applicable et qu’elle constituait une base appropriée et suffisante pour adopter la décision attaquée. Il a indiqué s’être fondé sur la valorisation 3 et sur le document de clarification, lesquels sont annexés à la décision attaquée et font partie intégrante de sa motivation.

57      Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a considéré que, étant donné que l’agrément bancaire de Banco Popular aurait été révoqué avec la déclaration d’insolvabilité, obligeant ainsi à une cessation immédiate des activités et empêchant une vente en tant qu’entreprise en activité, la liquidation aurait commencé immédiatement. Il a ajouté que, selon le dispositif de résolution, le 6 juin 2017, la Banque centrale européenne (BCE) avait conclu que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014. Le cabinet évaluateur a indiqué que, dans ce contexte, la liquidation était le seul scénario d’insolvabilité envisageable.

58      Le cabinet évaluateur a notamment indiqué ce qui suit :

« L’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité pour [Banco Popular] le 7 juin 2017 aurait entraîné une liquidation non planifiée. Celle-ci est par nature destructrice de valeur, pour des raisons telles que : la cessation brutale des activités ; l’attrition de la clientèle ; un processus inefficace de réalisation des actifs et des coûts et des réclamations additionnels (souvent importants). Dans le cas de [Banco Popular], la liquidation en faillite serait un événement sans précédent en Espagne, étant donné son statut de sixième plus grande banque et d’acteur majeur dans des secteurs clés tels que le financement hypothécaire et les prêts aux [petites et moyennes entreprises (PME)] et aux petites entreprises. »

59      Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a expliqué que la valorisation 3 était par nature un exercice hypothétique et prospectif, visant à estimer la valeur des recouvrements des créanciers de Banco Popular, pour lequel il était nécessaire d’adopter différents scénarios hypothétiques. Il a précisé avoir fondé ses hypothèses et ses estimations sur les informations fournies par Banco Popular, qui ont été analysées et vérifiées, ainsi que sur différentes informations publiques.

60      Conformément à la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, afin de démontrer que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les requérantes doivent apporter des éléments de preuve suffisants de nature à priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cette décision.

61      Ainsi, le contrôle du Tribunal se limite à vérifier si le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation en ce qu’il a approuvé la valorisation 3, ce qui implique de vérifier si le cabinet évaluateur a commis des erreurs manifestes dans la valorisation 3 en s’appuyant sur des hypothèses et des estimations qui n’étaient pas plausibles. En revanche, le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de l’évaluateur ayant réalisé la valorisation 3.

62      À cet égard, à plusieurs reprises, dans le premier moyen, les requérantes présentent l’analyse effectuée par leurs experts dans le rapport annexé à la requête à titre de comparaison avec la valorisation 3, dans le but de démontrer que l’évaluation des actifs de Banco Popular dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité effectuée dans ce rapport, fondée sur des hypothèses différentes de celles retenues dans la valorisation 3, aurait conduit à des recouvrements plus importants pour différentes catégories d’actifs.

63      Ainsi, dans le cadre de la deuxième branche, les requérantes mentionnent l’analyse concernant le recouvrement des prêts performants sur une période de sept ans, figurant dans leur rapport d’expertise, en indiquant que cette analyse s’appuie sur des hypothèses différentes de celles retenues dans la valorisation 3. Dans le cadre de la troisième branche, les requérantes présentent l’analyse concernant le recouvrement des prêts non performants figurant dans leur rapport d’expertise. Elles indiquent que, par rapport à la valorisation 3, leur analyse repose sur une période plus longue, sur une annulation du reclassement des prêts performants en prêts non performants et sur un taux de rendement interne (TRI) inférieur. Dans le cadre de la quatrième branche, les requérantes présentent l’analyse figurant dans leur rapport d’expertise concernant les recouvrements liés aux actifs immobiliers de Banco Popular incluant les actifs immobiliers indirectement détenus, dans des hypothèses de cession de trois et de sept ans.

64      Il y a lieu de relever que le rapport d’expertise annexé à la requête a été rédigé dans le but de répondre aux questions posées dans le formulaire transmis par le CRU dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu. Ce rapport ne se limite pas à une analyse critique de la valorisation 3, mais propose sa propre évaluation des actifs de Banco Popular dans un scénario de liquidation aux fins de comparaison avec celle effectuée par le cabinet évaluateur.

65      Or, l’analyse effectuée dans ce rapport est fondée sur des hypothèses différentes de celles retenues dans la valorisation 3 et s’appuie sur trois scénarios temporels de liquidation de cinq, sept et dix ans, ce dernier n’étant pas envisagé dans la valorisation 3. Dans ce rapport, les experts des requérantes présentent notamment le résultat de la comparaison entre leurs propres calculs et la valorisation effectuée par le cabinet évaluateur sur la base d’un scénario d’insolvabilité de sept ans. Ils indiquent également qu’ils n’avaient pas accès à toutes les informations dont disposait le cabinet évaluateur.

66      Il convient de rappeler que la valorisation 3 contient des appréciations économiques et techniques complexes. Par définition, l’évaluation des différentes catégories d’actifs de Banco Popular dans le cas d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité s’appuie sur des hypothèses et contient nécessairement des estimations fondées sur les informations disponibles à la date de la résolution.

67      En outre, la seule hypothèse dans laquelle les appréciations dont procède une décision prise sur la base de faits complexes sont susceptibles d’être examinées par le Tribunal est celle dans laquelle la partie requérante allègue que les appréciations factuelles en cause sont dépourvues de plausibilité (arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 77).

68      En application de la jurisprudence citée aux points 43 et 44 ci-dessus, les requérantes doivent établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée. Ainsi, elles doivent apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les estimations des différentes catégories d’actifs effectuées par le cabinet évaluateur dans la valorisation 3.

69      Or, la circonstance que le résultat de l’estimation de la valeur des actifs de Banco Popular dans le cas d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité figurant dans le rapport d’expertise des requérantes soit en désaccord avec les appréciations figurant dans la valorisation 3, en dehors de l’hypothèse où les requérantes allèguent que ces appréciations sont dépourvues de plausibilité, relève d’une contestation qui va au-delà du contrôle restreint du Tribunal prévu dans la jurisprudence mentionnée aux points 39 et 40 ci-dessus (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 78).

70      Partant, la présentation par les requérantes, dans les différentes branches du premier moyen, des estimations des différentes catégories d’actifs de Banco Popular effectuées dans leur rapport d’expertise n’est pas en elle-même de nature à priver de plausibilité la valorisation 3 ni, partant, à établir l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le CRU.

71      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen.

a)      Sur la première branche, relative à la durée du scénario de liquidation

72      Les requérantes soutiennent que les hypothèses retenues par le CRU et le cabinet évaluateur concernant la durée du scénario de liquidation de Banco Popular ont conduit à une sous-estimation des recouvrements et sont manifestement erronées. Par un premier grief, les requérantes soutiennent que ces hypothèses reposent sur une compréhension erronée des principes régissant la loi 22/2003. Par un second grief, en s’appuyant sur des exemples de faillites bancaires, elles reprochent au cabinet évaluateur de ne pas avoir envisagé une période de liquidation de plus de sept ans, qui aurait conduit à des recouvrements plus importants.

73      Dans la décision attaquée, le CRU a relevé ce qui suit :

« [Le cabinet évaluateur] a indiqué que l’objectif ultime du liquidateur aurait été de réaliser les actifs dans un délai raisonnable. À cet égard, [il] a examiné un certain nombre de scénarios alternatifs et de stratégies possibles qu’un liquidateur aurait pu appliquer pour maximiser les recouvrements pour les créanciers dans un délai raisonnable. En tenant compte du cadre réglementaire espagnol, visé dans la valorisation 3, qui prévoit une phase de liquidation de la procédure d’insolvabilité d’une durée d’un an, à l’issue de laquelle toute partie concernée peut demander le remplacement du liquidateur en cas de prolongation indue de cette phase, et de la complexité de la procédure de liquidation hypothétique de [Banco Popular], [le cabinet évaluateur ] a évalué trois scénarios temporels alternatifs, en supposant que des périodes plus longues auraient permis des recouvrements plus importants grâce à une cession et une liquidation plus ordonnée des actifs : (i) une période de liquidation de 18 mois, (ii) une période de liquidation de 3 ans et (iii) une période de liquidation de 7 ans. [Le cabinet évaluateur] a estimé que, en ce qui concerne la manière dont les différents créanciers appréciaient le plan de liquidation, la suspension du paiement des intérêts après l’ouverture de la liquidation pouvait être importante. Ceci s’appuyait sur le fait que les créanciers de rang supérieur pouvaient considérer qu’il était peu probable qu’ils soient indemnisés en cas de retard dans le remboursement des montants dus, tandis que la suspension du paiement des intérêts pourrait bénéficier aux créanciers qui occupent un rang inférieur dans la hiérarchie des créanciers. Dans ce contexte, [le cabinet évaluateur] a estimé qu’il serait déraisonnable d’exiger des créanciers qu’ils attendent plus de 7 ans la fin de la liquidation. »

74      Le CRU a également indiqué que les actionnaires et créanciers affectés avaient présenté des commentaires lors de la procédure relative au droit d’être entendu concernant la durée de la liquidation. Il a mentionné que, pour chaque scénario temporel alternatif, le cabinet évaluateur avait envisagé la stratégie optimale et la période de cession permettant de maximiser les réalisations pour les différentes catégories d’actifs, en fonction de leur nature et de leur liquidité. Le CRU a relevé que, à cet égard, selon le document de clarification, le point 2.2 de la valorisation 3 indiquait que, en application de la loi 22/2003, à la suite de la réforme de 2015, une période de 18 mois aurait été le maximum effectif pour la liquidation de Banco Popular. Néanmoins, compte tenu de la complexité de la procédure d’insolvabilité hypothétique de Banco Popular et du fait qu’un processus très rapide entraînerait des problèmes de capacité du marché, des prix en baisse et de faibles valeurs de réalisation, le cabinet évaluateur avait également envisagé deux scénarios de liquidation plus longs que celui de 18 mois établi par la loi 22/2003, à savoir des scénarios de 3 et 7 ans. Le cabinet évaluateur avait estimé que ces scénarios additionnels permettraient de liquider les actifs de Banco Popular de manière plus efficace et avec des taux de recouvrement plus élevés que dans le scénario de 18 mois, tout en respectant le principe de restitution de la valeur aux créanciers dans un délai raisonnable. Il avait considéré qu’une période de liquidation plus longue que le scénario de 7 ans entraînerait des coûts de liquidation plus élevés, des coûts de gestion et de maintenance plus importants et augmenterait l’incertitude quant aux niveaux de réalisation des actifs. En outre, le cabinet évaluateur avait estimé qu’une période de liquidation plus longue ne serait pas conforme à la logique de la loi 22/2003 et aux intérêts des créanciers chirographaires de rang supérieur. Le CRU a conclu que le cabinet évaluateur avait procédé à une évaluation correcte de la durée de la liquidation.

1)      Sur le premier grief, tiré d’une compréhension erronée de la loi 22/2003

75      Les requérantes font valoir, en substance, que les hypothèses concernant la durée des scénarios de liquidation retenues dans la valorisation 3 s’appuient sur trois erreurs d’interprétation de la loi 22/2003.

76      En premier lieu, elles soutiennent que, selon le témoignage d’A, avocat spécialisé en droit espagnol de la faillite, annexé à la requête, en application de la loi 22/2003, la durée appropriée de la période de liquidation dépend uniquement du critère de maximisation des recouvrements dans l’intérêt des créanciers et qu’il n’y a pas de limitation temporelle a priori de la durée de la procédure d’insolvabilité. Tout en admettant que l’objectif de la procédure d’insolvabilité serait de maximiser la valeur des actifs dans l’intérêt des créanciers, le CRU et le cabinet évaluateur auraient estimé à tort que ce principe du droit espagnol obligeait à vérifier le « caractère raisonnable » de la période de liquidation.

77      Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a relevé que, lors de la réalisation des actifs, la loi 22/2003 exigeait du liquidateur qu’il agisse de manière diligente pour obtenir la meilleure valeur compte tenu des circonstances, mais qu’il n’était pas tenu de spéculer sur des résultats incertains et qu’il devait tenir compte du souhait des créanciers de recevoir le remboursement des sommes dues dans un délai raisonnable.

78      Dans le document de clarification, en réponse aux commentaires des actionnaires et des créanciers affectés selon lesquels la durée des scénarios de liquidation envisagés dans la valorisation 3 était trop courte, le cabinet évaluateur a indiqué qu’une période de liquidation de plus de sept ans entraînerait inévitablement des coûts de liquidation, de gestion et de maintenance plus élevés et augmenterait l’incertitude pour le liquidateur en termes de niveaux de réalisation des actifs. Il a considéré qu’un liquidateur ne serait pas prêt à spéculer sur d’éventuels points positifs futurs qui seraient hautement incertains.

79      Le cabinet évaluateur a estimé que les objectifs de la loi 22/2003 et la pression des créanciers n’appuieraient pas un scénario plus long que celui de sept ans. Premièrement, il a relevé que la loi 22/2003 fixait les règles de liquidation des actifs de la banque insolvable avec l’objectif global d’obtenir la valeur de réalisation la plus élevée. Comme l’établissait cette loi, le liquidateur était tenu d’agir avec diligence pour obtenir la meilleure valeur de réalisation des actifs de l’entité dans les paramètres autorisés par le cadre juridique (y compris le temps imparti pour la liquidation), cependant, il n’était pas tenu de spéculer sur des résultats incertains. Deuxièmement, il a indiqué que la loi 22/2003 encourageait la vente en temps utile des actifs de l’entité en liquidation. Les modifications apportées en 2015 à la loi 22/2003 avaient été conçues pour accélérer les procédures de liquidation et éviter les prolongations indéfinies, qui étaient une préoccupation avant les réformes. À cet égard, il a constaté que, à la suite de cette réforme de 2015, la loi 22/2003 avait établi le droit pour les créanciers de demander à un tribunal le remplacement du liquidateur en cas de prolongation injustifiée de la phase de liquidation. Ce constat était particulièrement pertinent s’agissant d’un marché qui, au début de la liquidation, était vaste et liquide. Troisièmement, le cabinet évaluateur a indiqué que les créanciers exigeraient que leurs créances soient remboursées dans un délai raisonnable, en particulier ceux qui occupaient un rang supérieur dans la hiérarchie des créanciers. Ceci serait notamment le cas lorsque, compte tenu des dispositions de la loi 22/2003 relatives aux intérêts sur les créances non garanties (à savoir lorsque les intérêts postérieurs à la liquidation ne sont pas exigibles), les créanciers de rang supérieur (y compris le système de garantie des dépôts) auraient peu de chance d’être indemnisés en cas de retard dans le remboursement des montants dus et feraient donc pression pour une période de liquidation plus courte.

80      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, si la maximisation des recouvrements constitue l’objectif principal du liquidateur, il n’est pas le seul. En particulier, ainsi que le soulignent le CRU et le Royaume d’Espagne, le liquidateur doit également prendre en compte d’autres objectifs et mettre en balance divers intérêts.

81      Comme le relèvent le CRU et le Royaume d’Espagne, certains créanciers en fonction de leur rang dans la hiérarchie peuvent avoir un intérêt à une conclusion rapide de la procédure de liquidation. À cet égard, les requérantes ne contestent pas que cet intérêt résulte notamment de la loi 22/2003, en ce qu’elle prévoit une suspension des intérêts pour les créances chirographaires, ce qui implique, comme le relève le CRU, que les créanciers de rang supérieur ne sont pas indemnisés pour le retard dans le paiement des montants dus.

82      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait que le cabinet évaluateur, mettant en balance les intérêts des différentes catégories de créanciers, ait considéré qu’un scénario plus long que celui de sept ans n’était pas envisageable, visait non à favoriser certains groupes de créanciers, mais à maximiser les recouvrements pour l’ensemble de ceux-ci.

83      Ensuite, pour établir que la procédure de liquidation devait se dérouler dans un délai raisonnable, le CRU et le cabinet évaluateur ont pris en compte le fait que l’un des objectifs de la loi 22/2003 consistait à éviter une durée excessive des procédures de liquidation.

84      À cet égard, le considérant VII de la loi 22/2003 prévoit que « [l]a loi vise à éviter la prolongation excessive des opérations de liquidation, à cet effet, elle impose aux administrateurs l’obligation de faire un rapport trimestriel sur l’état d’avancement de ces opérations et fixe un délai d’un an pour les achever, avec comme sanctions en cas de manquement, la révocation des administrateurs et la perte du droit à rémunération ».

85      De plus, l’article 153 de la loi 22/2003 prévoit la possibilité pour toute partie intéressée de demander au juge de la faillite la révocation des administrateurs judiciaires et la nomination de nouveaux administrateurs lorsque la phase de liquidation n’est pas close un an après son ouverture.

86      En outre, comme le relève le Royaume d’Espagne, dans une ordonnance du 19 juin 2015, le Juzgado de lo Mercantil no 6 Madrid (tribunal de commerce no 6 de Madrid, Espagne) a considéré que la loi 22/2003 « ne détermin[ait] en aucun cas de manière impérative que la liquidation de l’insolvabilité d[eva]it avoir une durée maximale d’un an, puisqu’il ressort[ait] du libellé de l’exposé des motifs [Section VII] de la loi [22/2003] et de son article 153, qui octroie la faculté de demander la révocation des administrateurs négligents, que le souhait et l’aspiration du législateur étaient que les opérations de liquidation ne durent pas plus longtemps que nécessaire, la période d’un an étant initialement considérée comme raisonnable pour leur mise en œuvre et leur achèvement, y compris pour réaliser les paiements, la reddition des comptes et la conclusion de la procédure de faillite ».

87      L’objectif visant à ne pas prolonger indûment la procédure de liquidation a été confirmé par la modification de la loi 22/2003 prévue par la Ley 25/2015 de mecanismo de segunda oportunidad, reducción de la carga financiera y otras medidas de orden social (loi 25/2015 sur le mécanisme de seconde chance, la réduction de la charge financière et d’autres mesures sociales), du 28 juillet 2015 (BOE no 180, du 29 juillet 2015, p. 64479). La troisième disposition transitoire relative au tarif des droits des mandataires judiciaires de la loi 25/2015 prévoit :

« À partir du treizième mois suivant l’ouverture de la phase de liquidation, le mandataire judiciaire ne perçoit aucune rémunération, sauf si le juge décide, de manière motivée et après avoir entendu les parties, compte tenu des circonstances de l’espèce, de proroger ce délai. Les prorogations convenues sont trimestrielles et ne dépassent pas au total six mois. »

88      Dans un arrêt du 23 juin 2020, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a interprété la troisième disposition transitoire de la loi 25/2015, comme disposant, « de manière générale, que le droit à rémunération du liquidateur durant la phase de liquidation [était] limité aux douze premiers mois » et que « à compter du treizième mois, il n’[avait] pas le droit de percevoir des honoraires prélevés sur la masse, à moins que le juge ne l’autorise, de manière motivée et après audition des parties, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire ». Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a considéré que « cette disposition [faisait] partie des dispositions légales visant à assurer que la phase de liquidation ne dure pas trop longtemps (article 152 de la loi 22/2003) ».

89      Il en ressort que l’interprétation de la loi 22/2003 par les juridictions espagnoles soutient l’appréciation du cabinet évaluateur selon laquelle la procédure de liquidation doit être réalisée dans un délai raisonnable.

90      Par ailleurs, pour considérer que la procédure de liquidation ne pourrait durer au-delà de sept ans, le CRU et le cabinet évaluateur ont également tenu compte d’autres facteurs. Ils ont notamment relevé que, à partir d’une certaine durée, les coûts de la procédure et les incertitudes liées à la réalisation des actifs ne permettaient pas de garantir une maximisation des recouvrements. Comme le relève le CRU, les durées de liquidation plus longues entraînent un niveau accru d’incertitudes concernant les baisses potentielles de valeur et les risques macroéconomiques.

91      Comme le soulignent le CRU et le Royaume d’Espagne, les requérantes ne sauraient affirmer que la prise en compte d’une procédure de plus longue durée procure nécessairement des avantages et conduit nécessairement à une maximisation des recouvrements.

92      Il en ressort, d’une part, que les requérantes n’ont pas établi que l’objectif de la procédure de liquidation consistant à maximiser les recouvrements des créanciers s’opposait à l’appréciation du cabinet évaluateur selon laquelle cette procédure doit être réalisée dans un délai raisonnable. D’autre part, elles n’ont pas démontré que cette appréciation résultait d’une interprétation erronée de la législation espagnole.

93      En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le CRU et le cabinet évaluateur ont estimé à tort que l’article 153 de la loi 22/2003, tel que modifié en 2015, établissait une période d’un an pour le processus de liquidation. Elles reprochent au cabinet évaluateur d’avoir considéré que les dispositions de la loi 22/2003 relatives à la rémunération du liquidateur établissaient un délai « maximum effectif » de 18 mois pour la liquidation de Banco Popular.

94      Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué qu’il avait envisagé un scénario de liquidation de 18 mois, prenant en compte que, selon la loi 22/2003, le liquidateur serait rémunéré uniquement pendant 12 mois, avec une possible extension de 6 mois pour les procédures complexes. Il a néanmoins estimé que la taille de la banque et sa complexité rendrait extrêmement improbable un tel scénario.

95      Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a rappelé ce qu’il avait indiqué dans la valorisation 3, à savoir que la situation en vertu de la loi 22/2003, à la suite de la réforme de 2015, était qu’une période de 18 mois serait le maximum effectif pour la liquidation de Banco Popular. Il a relevé que l’objectif de ces modifications était d’éviter de prolonger indéfiniment la procédure de liquidation et que la loi 22/2003 telle que modifiée faisait de la prolongation injustifiée de la phase de liquidation un motif justifiant le remplacement du liquidateur. Le cabinet évaluateur a néanmoins rappelé que, compte tenu de la complexité de la procédure d’insolvabilité hypothétique de Banco Popular et du fait qu’une procédure trop rapide entraînerait des problèmes de capacité du marché, des prix en baisse et de faibles recouvrements, il avait envisagé deux scénarios de liquidation plus longs que celui de 18 mois prévu par la loi 22/2003. Il a ajouté que les scénarios additionnels de 3 et de 7 ans permettraient de liquider les actifs de Banco Popular de manière plus efficace et avec un meilleur taux de recouvrement que le scénario de 18 mois, tout en respectant le principe de restitution de la valeur aux créanciers dans un délai raisonnable.

96      Partant, le cabinet évaluateur ayant considéré le scénario de liquidation de 18 mois comme hautement improbable et ayant donc élaboré deux autres scénarios plus longs, les arguments des requérantes visant à reprocher au cabinet évaluateur d’avoir interprété erronément la loi 22/2003 comme établissant un délai « maximum effectif » de durée de liquidation de 18 mois sont inopérants. De même, les exemples cités dans le témoignage d’A, de procédures d’insolvabilité ayant débuté après 2015 et durant depuis plus de 3 ans, ne sont pas non plus pertinents.

97      En troisième lieu, les requérantes, en s’appuyant sur le témoignage d’A, contestent, d’une part, l’appréciation du cabinet évaluateur, figurant dans le document de clarification, selon laquelle certains créanciers de rang supérieur aux actionnaires et aux créanciers affectés pourraient demander la révocation du liquidateur en cas de prolongation indue de la période de liquidation au-delà d’un an et, d’autre part, l’hypothèse selon laquelle le liquidateur anticiperait de telles actions et accélérerait la procédure.

98      Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, s’appuyant sur le témoignage d’A, les explications fournies par le cabinet évaluateur dans le document de clarification ne visent pas à justifier un scénario de liquidation « accélérée », mais à justifier le motif pour lequel la procédure de liquidation ne durerait pas plus de sept ans.

99      D’une part, il ressort de la décision attaquée, citée au point 73 ci-dessus, que le CRU a indiqué que, concernant la manière dont les différents créanciers appréciaient le plan de liquidation, le cabinet évaluateur, dans la valorisation 3, avait pris en compte le fait que la suspension du paiement des intérêts postérieurs à la liquidation pouvait être importante, dans la mesure où les créanciers de rang supérieur estimeraient qu’il était peu probable qu’ils seraient indemnisés pour les retards dans le remboursement des montants dus.

100    Ainsi, les différents créanciers de Banco Popular, en fonction de leur rang dans la hiérarchie, pouvaient avoir des intérêts divergents quant à la durée de la procédure de liquidation et il ne saurait être reproché au cabinet évaluateur et au CRU d’avoir pris en considération l’ensemble de ces intérêts.

101    En outre, compte tenu de la teneur de la loi 22/2003, qui prévoit la possibilité de révoquer le liquidateur en cas de prolongation injustifiée de la liquidation et du fait que certains créanciers n’ont pas intérêt à ce que la procédure se prolonge, cette révocation constitue une éventualité que le cabinet évaluateur pouvait prendre en compte lorsqu’il a évalué la durée de la procédure de liquidation.

102    À cet égard, il convient de relever que dans le témoignage d’A, sur lequel s’appuient les requérantes, celui-ci a affirmé que « si certains groupes de créanciers devaient faire pression sur le liquidateur pour accélérer le processus de liquidation, d’autres groupes de créanciers, tels que les détenteurs de créances subordonnées, seraient en mesure de contrecarrer une telle stratégie » au moyen d’une action en responsabilité contre le liquidateur. Il a ajouté qu’il considérait donc « que [le cabinet évaluateur] part[ait] du principe que les intérêts et les actions hypothétiques des créanciers de rang supérieur auraient davantage influencé le liquidateur que les intérêts des créanciers de rang inférieur » et qu’il ne voyait « aucune raison de supposer qu’un liquidateur favoriserait simplement un groupe de créanciers spécifique dans l’élaboration du plan de liquidation par rapport à l’autre, en accélérant indûment la procédure d’insolvabilité et, par conséquent, en renonçant potentiellement aux recouvrements pour les détenteurs de créances subordonnées ».

103    Il suffit de relever que le témoignage d’A constitue une simple opinion qui n’est pas susceptible de remettre en cause l’éventualité prise en compte par le cabinet évaluateur selon laquelle certains créanciers pourraient estimer qu’une durée de la procédure de liquidation supérieure à sept ans serait injustifiée et pourraient, de ce fait, être incités à demander la révocation du liquidateur afin d’obtenir un remboursement de leurs créances dans un délai raisonnable.

104    D’autre part, les requérantes ne soulèvent aucun argument visant à remettre en cause les autres éléments pris en compte par le cabinet évaluateur dans la valorisation 3 et rappelés dans le document de clarification visant à justifier que la procédure de liquidation ne durerait pas plus de sept ans, tels que les coûts de liquidation, de gestion et de maintenance plus élevés, l’augmentation de l’incertitude pour le liquidateur en termes de niveaux de réalisation des actifs et le fait qu’un liquidateur ne serait pas prêt à spéculer sur d’éventuels points positifs futurs qui seraient hautement incertains.

105    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement soutenir que les hypothèses retenues par le CRU ou le cabinet évaluateur concernant la durée des scénarios de liquidation s’appuyaient sur une compréhension erronée de la loi 22/2003 et, partant, le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le second grief, tiré de la non-prise en compte d’une période de liquidation plus longue

106    Les requérantes soutiennent que, selon le témoignage d’A annexé à la requête et son addendum annexé à la réplique, une estimation raisonnable de la durée d’insolvabilité serait de dix ans ou plus et de sept ans minimum. Elles s’appuient également sur leurs rapports d’expertise, selon lesquels un scénario de liquidation de dix ans aurait conduit à des recouvrements plus élevés. Elles invoquent des exemples d’insolvabilités, mentionnés dans leurs rapports d’expertise et le témoignage d’A, dans lesquels la durée de liquidation du portefeuille d’actifs a dépassé la période de liquidation maximum de sept ans prise en compte par le cabinet évaluateur.

107    Il convient de relever que l’article 4, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/344 prévoit :

« Pour déterminer le montant actualisé des flux de trésorerie attendus dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, l’évaluateur prend en compte :

a)      le droit applicable et les pratiques en vigueur en matière d’insolvabilité dans la juridiction concernée, qui peuvent influer sur des facteurs tels que le délai de cession ou les taux de recouvrement ;

[…]

c)      les informations sur des cas antérieurs récents d’insolvabilité d’entités similaires, lorsque ces informations sont disponibles et pertinentes. »

108    Au considérant 121 de la décision attaquée, le CRU a relevé que certains actionnaires et créanciers affectés avaient fait référence à des cas d’insolvabilité antérieurs en Espagne et dans d’autres juridictions. Il a indiqué que, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur avait noté que, bien qu’il ait tenu compte, dans une certaine mesure, de la procédure d’insolvabilité de Banco de Madrid, les modifications importantes apportées ultérieurement au droit national en matière d’insolvabilité (par exemple, les modifications ayant une incidence sur la durée de ces procédures) ne permettaient pas une comparaison avec des affaires espagnoles antérieures. En outre, il a constaté que le cabinet évaluateur avait examiné si d’autres cas de liquidations en Europe pouvaient donner un aperçu du scénario hypothétique de liquidation. Toutefois, en raison de l’absence d’harmonisation des différentes législations européennes en matière d’insolvabilité, cette comparaison n’avait été considérée par le cabinet évaluateur que comme présentant une valeur limitée. De plus, le contexte macroéconomique, les opérations, les activités et les actifs de l’entité pouvaient varier considérablement d’un cas à l’autre et avoir une incidence sur le résultat de la valorisation dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité. Le CRU a considéré que le cabinet évaluateur, conformément à l’article 4, paragraphe 3, sous c), du règlement délégué 2018/344, avait pris en considération des informations sur des cas antérieurs récents d’insolvabilité d’entités similaires et avait fourni une motivation suffisante quant à leur pertinence.

109    À cet égard, il y a lieu de relever que les exemples mentionnés par les requérantes et cités dans leurs rapports d’expertises annexés à la requête et à la réplique ne constituent pas des points de comparaison pertinents s’agissant de l’appréciation de la durée du scénario de liquidation de Banco Popular.

110    S’agissant des cas d’AFINSA Bienes Tangibles SA, de Ploder Uicesa SA, d’Assignia Infraestructruras SA et d’Essentium Grupo SL, mentionnés dans le témoignage d’A et le rapport d’expertise annexés à la requête, dont les procédures d’insolvabilité auraient duré plus de 18 mois, il suffit de constater, à l’instar du CRU, que ces entreprises ne sont pas des établissements bancaires et qu’il ne s’agit donc pas d’exemples pertinents.

111    S’agissant des cas de Northern Rock, Bradford & Bingley, Dexia SA, Heta Asset Resolution AG, SNS Bank ou Banco Espírito Santo, il y a lieu de relever qu’ils ne concernent pas des banques espagnoles et que, partant, leur procédure d’insolvabilité était régie par des dispositions nationales différentes de celles applicables à la situation de Banco Popular.

112    De plus, les experts des requérantes ont indiqué, dans leur rapport annexé à la requête, qu’il n’existait pas de cas d’insolvabilité de banques comparables à Banco Popular en Espagne et que les exemples de la banque portugaise Banco Espírito Santo et de la banque néerlandaise SNS Bank s’appuyaient sur des rapports d’insolvabilité hypothétique. Ils ne sauraient donc servir d’exemples de la pratique en matière d’insolvabilité en Espagne.

113    En outre, le CRU a indiqué que les cas de la Sociedad de Gestión de Activos procedentes de la Reestructuración Bancaria (SAREB), de Heta Asset Resolution, de Northern Rock, de Bradford & Bingley et de Dexia ne concernaient pas des cas d’insolvabilité, ce qu’admettent les requérantes ainsi que leurs experts dans leur rapport annexé à la réplique.

114    À cet égard, s’agissant de la SAREB, seul exemple de banque espagnole mentionné par les requérantes, ces dernières n’ont pas contesté l’affirmation du CRU selon laquelle la durée de quinze ans prévue aux fins de la cession ordonnée des actifs correspondait à une période de restructuration établie dans le cadre d’un processus général de restructuration du secteur bancaire espagnol et non à une durée de liquidation.

115    Enfin, les requérantes n’expliquent pas dans quelle mesure la situation des différents exemples qu’elles ont mentionnés serait comparable à celle de Banco Popular en termes notamment de structure des portefeuilles d’actifs ou de contexte macroéconomique.

116    S’agissant du cas de Banco de Madrid, les requérantes soutiennent que l’insolvabilité de cette banque, qui est plus petite et moins complexe que Banco Popular, durerait depuis plus de six ans et montrerait qu’un scénario de dix ans serait approprié.

117    À cet égard, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué qu’il avait tenu compte du cas de Banco de Madrid, qui était alors la dernière procédure d’insolvabilité bancaire espagnole ouverte, tout en constatant qu’elle différait du cas de Banco Popular concernant son impact systémique. Il a également relevé que la liquidation de Banco de Madrid était antérieure à certaines modifications juridiques importantes de la loi 22/2003 qui auraient un impact sur le scénario appliqué à Banco Popular. Il a néanmoins indiqué que ce précédent était utile s’agissant de la confirmation de la révocation de l’agrément bancaire et pour la valorisation de certains actifs.

118    En effet, comme le cabinet évaluateur l’a également indiqué dans le document de clarification, la procédure d’insolvabilité de Banco de Madrid était antérieure à la modification de la loi 22/2003 qui avait potentiellement pour effet de limiter la procédure de liquidation à 18 mois. En effet, comme indiqué au point 87 ci-dessus, l’adoption de la loi 25/2015 visait à ne pas prolonger indûment la procédure de liquidation en prévoyant la possibilité de limiter la rémunération du liquidateur à 18 mois.

119    En outre, à la date d’adoption de la décision attaquée, la procédure de liquidation de Banco de Madrid, commencée en mars 2015, durait depuis 5 ans et ne contredisait donc pas l’hypothèse d’un scénario de liquidation maximum de sept ans. Enfin, les requérantes n’expliquent pas pour quel motif cet exemple établirait qu’un scénario de liquidation de Banco Popular de dix ans serait approprié.

120    Partant, les exemples cités par les requérantes ne sont pas de nature à établir que la prise en compte d’une durée maximale du scénario de liquidation de Banco Popular de sept ans était manifestement erronée.

121    Par ailleurs, il convient également de rappeler qu’il ressort des points 66 à 70 ci-dessus que le fait que les experts des requérantes aient procédé à leur propre évaluation de la procédure de liquidation de Banco Popular afin d’établir que les recouvrements auraient été plus importants sur une période de dix ans n’est pas de nature à priver de plausibilité les appréciations effectuées dans la valorisation 3.

122    En outre, l’affirmation d’A, selon laquelle « à [son] avis, une estimation raisonnable de la durée de l’insolvabilité serait de 10 ans ou plus et de 7 ans minimum », constitue une simple opinion qui n’est pas fondée sur une appréciation concrète de la situation de Banco Popular.

123    Il s’ensuit que le second grief doit être rejeté.

124    Il ressort de l’analyse de la première branche que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments de nature à priver de plausibilité les appréciations du cabinet évaluateur selon lesquelles la durée maximale de la procédure de liquidation de Banco Popular aurait été de sept ans, compte tenu notamment de l’objectif de réaliser une liquidation dans un délai raisonnable ainsi que des incertitudes induites par une durée de liquidation prolongée. Elles n’ont donc pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’appuyant sur ces appréciations dans la décision attaquée.

125    Partant, la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, relative à la valorisation des prêts performants

126    Les requérantes font valoir que les hypothèses retenues par le cabinet évaluateur et sur lesquelles le CRU s’est fondé dans la décision attaquée, concernant la valorisation du portefeuille de prêts performants de Banco Popular, sont manifestement erronées et ont entraîné une sous-évaluation substantielle de ce portefeuille.

127    Cette branche se divise en quatre griefs relatifs à l’analyse effectuée par le cabinet évaluateur concernant, premièrement, le reclassement des prêts performants en prêts non performants, deuxièmement, les hypothèses de remboursement anticipé des prêts performants, troisièmement, les nouveaux défauts de paiements des prêts performants restants et, quatrièmement, le taux d’actualisation sur la vente du reliquat du portefeuille de prêts performants.

1)      Sur le premier grief, relatif au reclassement des prêts performants en prêts non performants

128    Les requérantes considèrent que les motifs fournis par le cabinet évaluateur pour justifier le reclassement, dans la valorisation 3, de 1,1 milliard d’euros de prêts performants en prêts non performants sont manifestement erronés.

129    En premier lieu, elles soutiennent que l’utilisation de la norme IFRS 9 [International Financial Reporting Standard (norme internationale d’information financière)] et de la circular 4/2017 del Banco de España, a entidades de crédito, sobre normas de información financiera pública y reservada, y modelos de estados financieros [circulaire 4/2017 de la Banque d’Espagne, aux établissements de crédit, sur les règles d’information financière publique et réservée et les modèles de déclarations financières), du 27 novembre 2017 (BOE no 296, du 6 décembre 2017, p. 119454) est inappropriée dans le contexte d’une insolvabilité et que le cabinet évaluateur, pour procéder au reclassement de prêts performants en prêts non performants, a appliqué la norme IFRS 9 de manière trop restrictive. Les critères utilisés par le cabinet évaluateur ne correspondraient pas à ce que la norme IFRS 9 définit comme un prêt devant être classé en phase 3 et donc comme devant être « déprécié » et sorti du groupe des prêts performants.

130    À cet égard, dans la valorisation 3, s’agissant du reclassement des prêts performants en prêts non performants, le cabinet évaluateur a pris en considération les clients qui, dans les livres comptables de Banco Popular, étaient classés en phase 2 selon la norme IFRS 9, à savoir les clients présentant un risque élevé de défaut de paiement, et a ensuite appliqué des critères objectifs afin de déterminer quels étaient les contrats de prêts détenus par ces clients qui étaient susceptibles d’être reclassés en prêts non performants, en particulier en cas d’insolvabilité de la banque. Le cabinet évaluateur a ensuite considéré que devaient être reclassés en prêts non performants les prêts qui étaient déjà défaillants depuis plus de 30 jours et dont le montant restant dû était supérieur au niveau des garanties données ainsi que les prêts des clients ayant déjà un contrat de prêt en défaut lorsque soit les garanties données étaient insuffisantes, soit le contrat en défaut était important dans la relation globale avec la banque.

131    Ainsi, il en ressort que le cabinet évaluateur n’a pas considéré que certains prêts devaient être classés en phase 3 selon les critères prévus par la norme IFRS 9 et qu’il n’a pas procédé au reclassement de certains prêts performants en prêts non performants selon cette norme.

132    En outre, le fait que le cabinet évaluateur ait indiqué, dans la valorisation 3, que sa méthode était conforme à la circulaire 4/2017 de la Banque d’Espagne ne signifie pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qu’il l’a appliquée pour procéder au reclassement des prêts performants en prêts non performants.

133    Partant, l’argument des requérantes doit être rejeté en ce qu’il procède d’une lecture erronée de la valorisation 3.

134    En second lieu, les requérantes font valoir que, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur, pour justifier les difficultés d’un emprunteur à rembourser son prêt, s’est appuyé de manière erronée sur le gel des fonds de celui-ci, en ignorant, d’une part, le fait qu’un emprunteur pourrait avoir des comptes dans d’autres banques et, d’autre part, le fonctionnement du système espagnol de garantie des dépôts. La référence à des « demandes reconventionnelles » non spécifiées serait une pure conjecture. Elles soutiennent que ces affirmations sont vagues et non étayées et ne permettent pas de justifier le reclassement substantiel des prêts performants en prêts non performants effectué dans la valorisation 3.

135    Dans le document de clarification, en réponse à des commentaires des actionnaires et des créanciers affectés visant à obtenir des éclaircissements concernant le reclassement de certains prêts performants en prêts non performants effectué dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a fourni les explications suivantes :

« Comme indiqué dans [la valorisation 3], une insolvabilité de Banco Popular aurait des conséquences considérables, y compris pour les emprunteurs, et pourrait entraîner une augmentation du niveau des défauts de paiement (par exemple, les emprunteurs qui détiennent également des comptes courants auprès de Banco Popular pourraient voir ces comptes gelés et ne pourraient pas accéder à leurs fonds, d’autres pourraient introduire des demandes reconventionnelles pour ne pas effectuer ou retarder les remboursements prévus). Cette augmentation serait concentrée sur les parties du portefeuille et/ou sur les emprunteurs, déjà en difficulté, et serait exacerbée par les difficultés à maintenir une attitude proactive dans la gestion de ces prêts, compte tenu de la perturbation des opérations et du personnel de Banco Popular résultant de l’insolvabilité. Sur la base de [son] expérience et de [son] jugement d’expert, [il a estimé] que les emprunteurs identifiés comme étant en phase 2 [selon la norme IFRS 9] dans les données fournies présent[ai]ent un risque élevé de défaut de paiement. Cette classification combinée avec d’autres facteurs (par exemple, les sûretés associées) détermin[ai]ent l’estimation de l’augmentation du défaut et du reclassement. À cet égard, la situation [était] différente d’une analyse comptable en continuité d’exploitation. »

136    Il suffit de relever que les requérantes se limitent à soutenir que les exemples donnés par le cabinet évaluateur de comportements susceptibles d’être adoptés, en cas de liquidation de Banco Popular, par des emprunteurs, ne justifient pas l’ampleur du reclassement effectué dans la valorisation 3. Ces arguments doivent être rejetés comme inopérants.

137    En effet, les explications fournies dans la valorisation 3 et dans le document de clarification concernant le reclassement des prêts performants en prêts non performants ne s’appuient pas sur ces exemples. Les requérantes semblent ignorer le fait que le reclassement effectué dans la valorisation 3, mentionné au point 130 ci-dessus, ne concernait que certains prêts détenus par des emprunteurs qui présentaient déjà des risques de défaut de paiement. À cet égard, elles ne soulèvent pas d’arguments visant à contester les appréciations du cabinet évaluateur relatives aux conséquences d’une cessation brutale des activités de la banque, d’une part, sur l’aggravation de la situation des emprunteurs qui avaient déjà des difficultés à rembourser leurs prêts lorsque Banco Popular était en activité et, d’autre part, sur l’augmentation du risque de défaut de paiement de prêts qui, du fait de leurs caractéristiques telles que le faible niveau des suretés associées, présentaient déjà des risques de non-remboursement avant la liquidation.

138    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement soutenir que le CRU aurait dû considérer que le reclassement des prêts performants en prêts non performants effectué dans la valorisation 3 était manifestement erroné. Partant, le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, relatif aux hypothèses de remboursement anticipé des prêts performants

139    Les requérantes font valoir que la conclusion du cabinet évaluateur dans la valorisation 3 relative à la réduction de la taille du portefeuille de prêts performants de 59,5 milliards d’euros à 24,9 milliards d’euros en 18 mois s’appuie sur des hypothèses de remboursement anticipé irréalistes. Elles contestent ces hypothèses s’agissant, d’une part, des prêts performants aux entreprises et, d’autre part, des prêts performants hypothécaires.

140    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la comparaison opérée par les requérantes entre les niveaux de remboursement anticipé sur le marché espagnol en 2017 et les hypothèses retenues par le cabinet évaluateur n’est pas pertinente. En effet, dans la mesure où la valorisation 3 part de l’hypothèse que Banco Popular serait entrée en liquidation, les niveaux de remboursement anticipé pour des entreprises en continuité d’exploitation ne sont pas comparables.

i)      S’agissant des prêts performants aux entreprises

141    Les requérantes contestent l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur selon laquelle 80,23 % du portefeuille de prêts performants des entreprises clientes de Banco Popular seraient remboursés par anticipation dans un délai d’un an après l’insolvabilité de Banco Popular. Cette hypothèse s’appuierait sur la supposition illogique et contraire aux caractéristiques du marché espagnol selon laquelle les clients professionnels ayant besoin d’une banque qui assure des services bancaires commerciaux seraient obligés de refinancer leurs prêts auprès d’une nouvelle banque qui pourrait offrir ces services.

142    Premièrement, les requérantes font valoir qu’il n’existe pas de lien entre un prêt et un compte courant, qu’il est inexact qu’une entreprise emprunteuse n’a qu’une seule relation bancaire pour tous ses besoins et qu’il convient de reconnaître un immobilisme des emprunteurs face au changement de banque. Le cabinet évaluateur l’aurait admis dans le document de clarification et se serait fondé sur des déclarations générales relatives aux relations étroites des banques espagnoles avec leurs clients ou aux stratégies des banques concurrentes, sans identifier combien d’entreprises clientes de Banco Popular ayant obtenu des prêts bénéficiaient d’autres fonctions bancaires qu’elles auraient dû faire migrer.

143    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a estimé que les taux de remboursement anticipé étaient susceptibles d’être nettement plus élevés dans un scénario de liquidation que dans le cas d’une banque en activité, étant donné que les clients qui en avaient la capacité auraient tendance à migrer vers d’autres institutions financières et à rembourser leur dette envers la banque, et que les autres grandes banques espagnoles étaient également susceptibles d’essayer activement d’attirer les meilleurs clients de la banque en liquidation. Il a considéré que cette hypothèse était d’autant plus vraie pour les entreprises clientes qui, pour la gestion de leurs activités quotidiennes, devaient s’appuyer sur une banque pleinement opérationnelle, capable de proposer des produits et des services tels que des facilités de crédit renouvelables, d’autres prélèvements, une fonction de point de vente et bien d’autres services que Banco Popular ne serait pas en mesure de continuer à offrir après avoir été mise en liquidation.

144    Il a également indiqué qu’il avait supposé que toutes les entreprises clientes migreraient à l’exception des entreprises qui étaient sur la liste de vigilance, qui étaient peu susceptibles de se refinancer auprès d’une autre banque, et des sociétés de promotion immobilière pour lesquelles les banques concurrentes avaient peu d’intérêt à la date de la résolution.

145    Dans le document de clarification, à la suite de commentaires d’actionnaires et de créanciers affectés selon lesquels les hypothèses de remboursement anticipé pour les prêts performants semblaient trop élevées, le cabinet évaluateur a indiqué ce qui suit :

« En outre, nous avons constaté que le modèle économique espagnol de la banque de détail repose sur l’établissement de relations étroites avec les clients. Dans ce scénario de liquidation de Banco Popular, un grand nombre d’entreprises clientes mèneraient des discussions commerciales avec d’autres fournisseurs bancaires, au cours desquelles l’entité alternative serait bien placée pour capter les prêts des entreprises clientes ainsi que leurs activités bancaires transactionnelles. Pour éviter toute ambiguïté, nous ne supposons pas un lien opérationnel entre les deux produits. Toutefois, nous supposons que les discussions commerciales qui en résulteraient couvriraient l’ensemble des besoins bancaires du client (qu’il s’agisse de transactions commerciales ou de prêts) et que l’autre fournisseur voudrait saisir le plus grand nombre possible de nouvelles activités. Ces discussions peuvent être plus faciles lorsqu’une relation bancaire existe déjà (clients multibancaires). En particulier, les PME et les franchises bas de gamme de Banco Popular auraient revêtu, à notre avis, un intérêt stratégique pour d’autres banques espagnoles à l’époque, de sorte qu’une stratégie proactive visant à capter les clients de Banco Popular par un ou plusieurs concurrents aurait été le résultat probable d’un scénario de liquidation. À ce titre, nous estimons que les hypothèses qui sous-tendent l’augmentation du niveau des remboursements anticipés de prêts, telles qu’exposées dans [la valorisation 3], sont raisonnables. »

146    En outre, en réponse à des commentaires d’actionnaires et de créanciers affectés suggérant que l’inertie de l’emprunteur ferait baisser le niveau de migration et que le comportement des clients n’est pas toujours rationnel, le cabinet évaluateur a convenu que, s’il s’agissait d’un facteur dans une situation de continuité d’exploitation, la situation était très différente dans un scénario de liquidation. Il a rappelé que les clients qui dépendaient de Banco Popular pour des services bancaires transactionnels seraient contraints de changer de banque et, même s’il n’y avait pas de lien opérationnel, ils migreraient probablement leurs prêts en même temps pour maintenir les niveaux de service et pour des raisons de commodité administrative.

147    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait que le cabinet évaluateur ait admis l’absence de lien opérationnel entre un prêt et un compte courant ne remet pas en cause son appréciation selon laquelle les entreprises clientes doivent s’appuyer sur une banque susceptible de leur offrir une gamme complète de produits et de services. Le fait que Banco Popular, en raison de sa liquidation, ne serait plus en mesure de leur offrir ces services est un élément de nature à favoriser la migration de cette clientèle vers d’autres banques et donc un remboursement anticipé de leurs prêts.

148    De plus, il ne ressort pas de la valorisation 3 que le cabinet évaluateur serait parti de l’hypothèse qu’une entreprise n’a qu’une seule relation bancaire pour tous ses besoins. Ainsi, les requérantes ne sauraient soutenir que celui-ci aurait admis le caractère erroné de son hypothèse lorsqu’il a reconnu l’existence de relations multibancaires dans le document de clarification en réponse à certains commentaires. À cet égard, le cabinet évaluateur a considéré que le fait qu’un client de Banco Popular ait un compte dans une autre banque pourrait être un élément de nature à faciliter le rachat de leurs prêts par cet autre fournisseur et donc le remboursement anticipé des prêts performants.

149    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le cabinet évaluateur n’a pas admis dans le document de clarification l’immobilisme des emprunteurs face au changement de banque dans une hypothèse de liquidation de Banco Popular.

150    Enfin, dans la mesure où le cabinet évaluateur a clairement indiqué quelles étaient les catégories d’entreprises clientes qu’il avait exclues de son hypothèse comme n’étant pas en mesure de transférer leurs prêts, l’argument visant à lui reprocher de ne pas avoir identifié combien d’entreprises clientes ayant obtenu des prêts bénéficiaient d’autres fonctions bancaires n’est pas pertinent.

151    Par ailleurs, les requérantes font valoir, dans la réplique, que le cabinet évaluateur a placé les « relations bancaires étroites » comme facteur déterminant des remboursements anticipés au-dessus de toutes les autres considérations, y compris les coûts d’emprunts. Selon elles, les clients professionnels, notamment les PME, privilégieraient le coût de l’emprunt sur la nature de leurs relations bancaires.

152    Il suffit de constater que cet argument des requérantes ne prend pas en compte les conséquences d’une entrée en liquidation de Banco Popular, non seulement sur son incapacité à fournir l’intégralité des services bancaires, mais également sur l’attitude des banques concurrentes. En particulier, le cabinet évaluateur a indiqué, dans le document de clarification, qu’une partie des entreprises clientes de Banco Popular, notamment les PME, représenteraient un intérêt stratégique pour d’autres banques espagnoles qui pourraient mettre en place une stratégie visant à capter ces clients dans l’hypothèse d’une liquidation.

153    Partant, les requérantes ne soulèvent aucun argument de nature à établir que l’existence de relations étroites des clients professionnels espagnols avec leur banque ne constituait pas un élément pertinent qui pouvait être pris en compte par le cabinet évaluateur. Les arguments des requérantes ne privent pas de plausibilité l’hypothèse, prise en compte par le cabinet évaluateur, selon laquelle, à la suite de la liquidation de Banco Popular, les clients professionnels devant transférer leurs opérations commerciales vers une autre banque choisiraient de transférer également leurs prêts, afin de maintenir une relation couvrant l’ensemble des services bancaires.

154    Deuxièmement, les requérantes font valoir, en substance, un défaut de motivation en ce que le cabinet évaluateur n’a pas fourni de données chiffrées relatives aux taux d’intérêt relatifs et aux frais de résiliation qu’il a pris en compte.

155    Dans le document de clarification, en réponse à des commentaires sur les taux d’intérêt relatifs et les coûts de transfert, le cabinet évaluateur a indiqué avoir tenu compte, lors de la formulation de ses hypothèses de remboursement anticipé, de l’envie du client de migrer (par exemple, les taux d’intérêt relatifs appliqués entre Banco Popular et d’autres fournisseurs), des obstacles potentiels (par exemple, les coûts de transfert) et de l’attrait du client pour d’autres banques lors de l’examen d’un refinancement des prêts du client (en tenant compte du profil de risque de l’emprunteur, de l’historique du crédit, de la segmentation, de la situation financière, etc.). Il a indiqué avoir examiné les taux d’intérêt relatifs, en comparant le taux d’intérêt à payer sur l’encours des prêts (tel qu’indiqué dans les données fournies) avec les taux d’intérêt appliqués aux nouvelles transactions analogues à la date de résiliation, et les coûts de résiliation, y compris l’examen d’un échantillon de contrats, afin de comprendre les coûts de résiliation prévus pour chaque contrat standard, ainsi que la mesure de l’incidence de la résiliation de ce contrat.

156    Force est de constater que cette motivation est suffisante pour établir que le cabinet évaluateur a effectivement pris en compte, dans la valorisation 3, les taux d’intérêt appliqués par Banco Popular et les autres banques ainsi que les coûts de transfert d’un prêt. Cette explication est conforme aux exigences de l’article 6, sous b), du règlement délégué 2018/344, selon lequel la valorisation doit comporter une explication des principales méthodes et hypothèses retenues et une indication de la sensibilité de la valorisation à ces choix. Il n’appartenait pas au cabinet évaluateur de spécifier dans la valorisation 3 tous les éléments et données chiffrées sur lesquels il s’était fondé.

157    Il en ressort que les requérantes n’ont soulevé aucun argument de nature à priver de plausibilité l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur selon laquelle 80,23 % du portefeuille de prêts performants des entreprises clientes de Banco Popular feraient l’objet d’un remboursement anticipé.

ii)    S’agissant des prêts performants hypothécaires

158    Les requérantes soutiennent que l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur, selon laquelle 33,55 % du portefeuille de prêts performants hypothécaires de Banco Popular seraient remboursés par anticipation dans un délai de 18 mois, s’appuie sur des généralisations non étayées.

159    En premier lieu, les requérantes soutiennent que les taux hypothécaires sur le marché espagnol étaient sensiblement plus élevés que les taux de 1 et de 1,2 % appliqués par le cabinet évaluateur et s’appuient sur leur rapport d’expertise, qui renvoie aux données du Bulletin statistique de la Banque d’Espagne de juillet 2018 et à celles de la BCE publiées par Standard & Poor’s. Elles font valoir que les clients qui payaient un taux d’intérêt de 2 % ou moins sur leur prêt hypothécaire, correspondant au taux d’intérêt de ces prêts sur le marché espagnol en juin 2017, n’avaient aucun intérêt à changer de banque. Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur n’aurait pas contesté ces données ni leur pertinence, mais il aurait introduit une distinction non pertinente entre les taux d’intérêt sur le marché espagnol en juin 2017 et les taux d’intérêt en vigueur pendant toute la durée de l’hypothèque.

160    Les requérantes contestent l’utilisation des taux d’intérêt en vigueur pendant toute la durée de l’hypothèque, dans la mesure où les clients ne décideraient pas de souscrire un prêt hypothécaire sur la base d’un tel taux, mais uniquement sur la base du taux initial disponible sur le marché, et où les taux initiaux auraient tendance à être plus bas qu’un taux moyen sur la durée du prêt.

161    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a considéré que les clients dont le rapport entre le prêt et la valeur du bien acheté au moyen de ce prêt (ci-après le « ratio prêt/valeur ») est inférieur à 90 % et qui ne figuraient pas sur la liste de vigilance ou ceux dont la durée de maturité du prêt restait supérieure à 2 ans étaient plus susceptibles de vouloir migrer. Il a estimé que les clients ayant un ratio prêt/valeur inférieur à 80 % rembourseraient leur prêt par anticipation s’ils payaient un taux d’intérêt de 1 % ou plus et que les clients ayant un ratio prêt/valeur compris entre 80 % et 90 % rembourseraient leur prêt par anticipation s’ils payaient un taux d’intérêt de 1,2 % ou plus.

162    Il y a lieu de relever que les arguments des requérantes visant à contester la prise en compte des taux d’intérêt de 1 et de 1,2 % ont déjà été soulevés par certains actionnaires et créanciers affectés lors de la procédure relative au droit d’être entendu.

163    À cet égard, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a indiqué que les données résultant du Bulletin statistique de la Banque d’Espagne de juillet 2018 et celles de la BCE publiées par Standard & Poor’s, invoquées par les actionnaires et créanciers affectés, étaient différentes de celles utilisées dans la valorisation 3, dans la mesure où elles ne reflétaient que le taux initial de l’hypothèque.

164    Le cabinet évaluateur a expliqué que les taux hypothécaires utilisés dans la valorisation 3 avaient été calculés en comparant les taux (fixes et variables) du portefeuille de Banco Popular avec ceux proposés au 6 juin 2017 par les principaux fournisseurs de crédits hypothécaires sur le marché espagnol. En outre, il a indiqué avoir pris en considération les taux en vigueur pour toute la durée de vie du prêt hypothécaire (plutôt que pour la seule durée initiale), étant donné que les prêts hypothécaires en Espagne ont généralement un taux différent au début du prêt par rapport au reste de la durée de vie du contrat. Le cabinet évaluateur a relevé que ces taux avaient été calculés en faisant la moyenne du pourcentage des prêts hypothécaires tant variables que fixes sur le marché espagnol à l’époque et que ces pondérations avaient été multipliées respectivement par l’offre de taux moyen pour les nouveaux contrats de prêts hypothécaires à taux variable et à taux fixe.

165    Il en ressort que les requérantes ne sauraient soutenir que le cabinet évaluateur n’a pas contesté la pertinence de leurs données résultant du Bulletin statistique de la Banque d’Espagne de juillet 2018 et celles de la BCE publiées par Standard & Poor’s. Il a clairement indiqué que, dans la mesure où ces données ne reflétaient pas le taux d’intérêt de l’hypothèque sur toute la durée du prêt, elles n’avaient pas été prises en compte dans la valorisation 3.

166    En outre, l’affirmation des requérantes selon laquelle les clients prendraient en compte uniquement le taux d’intérêt initial du prêt et non celui applicable durant toute la durée du prêt hypothécaire ne s’appuie sur aucun élément concret. Comme le relève le CRU, cette affirmation est également contredite par l’argument des requérantes selon lequel les clients cherchent à « obtenir un taux moyen à long terme plus bas ».

167    De même, l’affirmation des requérantes selon laquelle les taux d’intérêt initiaux auraient tendance à être plus bas qu’un taux moyen sur la durée du prêt ne s’appuie sur aucun élément de preuve.

168    Il en ressort que les arguments des requérantes consistent uniquement à avancer leurs propres hypothèses afin de contredire celles utilisées dans la valorisation 3 et ne sauraient priver de plausibilité l’appréciation effectuée par le cabinet évaluateur. Par ailleurs, ces arguments ne prennent pas en considération les autres éléments, tels que le ratio prêt/valeur et la durée de maturité du prêt, pris en compte par le cabinet évaluateur pour établir quels étaient les prêts performants hypothécaires qui feraient l’objet d’un remboursement anticipé.

169    En second lieu, les requérantes contestent l’appréciation du cabinet évaluateur selon laquelle les frais de remboursement anticipé d’un prêt hypothécaire ne constituaient pas un facteur pertinent et elles considèrent qu’il a exclu à tort les coûts liés à la constitution d’un nouveau prêt hypothécaire.

170    Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a indiqué que, lors de l’élaboration des hypothèses de remboursement anticipé, il avait pris en considération tous les facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur le processus de migration des clients vers une autre entité, tant du point de vue de l’offre, tels que la qualité de crédit du client ou la disponibilité des garanties, que du point de vue de la demande, à savoir l’incidence des coûts d’annulation des prêts hypothécaires détenus auprès de Banco Popular ainsi que les coûts liés à la formalisation des nouveaux prêts hypothécaires auprès de l’autre fournisseur.

171    Il a rappelé son appréciation, figurant dans la valorisation 3, selon laquelle il n’existait aucun obstacle à ce qu’un client transfère son crédit hypothécaire à un autre prestataire malgré le fait que certains prêts donnent lieu à des frais de remboursement anticipé. Il a estimé que les clients détenant des dépôts auprès de Banco Popular devraient trouver un autre fournisseur pour ces dépôts et qu’il était probable que ces fournisseurs inciteraient et simplifieraient le processus de déplacement de leurs autres produits. Par conséquent, il n’a pas considéré que ces frais dissuadaient les clients de déplacer leur crédit hypothécaire. Il a également estimé que le liquidateur pourrait ne pas être en mesure de faire appliquer les frais de remboursement anticipé si les clients étaient considérés comme devant changer de fournisseur, en raison des difficultés opérationnelles rencontrées par Banco Popular à la suite de la liquidation. Enfin, il a évalué ces frais à environ 40 millions d’euros pour tous les clients quittant Banco Popular et n’a donc pas inclus les revenus qui y étaient afférents.

172    Sur ce dernier point, le cabinet évaluateur a également indiqué, dans le document de clarification, qu’il avait examiné un échantillon de transactions afin de comprendre les coûts d’annulation standard contractés par Banco Popular et qu’il en avait conclu qu’ils se situaient dans les fourchettes du marché.

173    Il en ressort que les requérantes ne sauraient valablement soutenir que le cabinet évaluateur n’a pas tenu compte, dans son appréciation des hypothèses de remboursement anticipé des prêts performants hypothécaires, des coûts liés à la migration de ces prêts vers une autre banque.

174    Par ailleurs, les requérantes se contentent de soutenir que les explications données par le cabinet évaluateur pour ignorer les frais de remboursement anticipé sont superficielles et qu’il n’a fourni aucune explication concernant l’exclusion des frais liés à la constitution d’un nouveau prêt. Elles considèrent que l’explication fondée sur les mesures incitatives des banques concurrentes est purement spéculative, que le liquidateur ne renoncerait pas aux recouvrements des frais de remboursement anticipé et que, si le montant de 40 millions d’euros n’était pas significatif à un niveau global, l’examen devait être effectué au niveau individuel.

175    Il suffit de constater que les explications du cabinet évaluateur visaient à établir non que les frais liés à la migration des prêts performants hypothécaires vers une autre banque ne devaient pas être pris en compte, mais qu’ils n’étaient pas dissuasifs. Les arguments des requérantes s’appuient sur de simples affirmations qui ne démontrent pas le caractère manifestement erroné des hypothèses prises en compte par le cabinet évaluateur.

176    Il s’ensuit que les requérantes n’ont soulevé aucun argument de nature à priver de plausibilité l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur selon laquelle 33,55 % du portefeuille de prêts performants hypothécaires de Banco Popular feraient l’objet d’un remboursement anticipé.

177    Il ressort de l’analyse du deuxième grief que les requérantes n’ont pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste en considérant, dans la décision attaquée, que le cabinet évaluateur « avait fourni des arguments appropriés sur les fondements de ses hypothèses concernant l’augmentation du niveau de remboursement anticipé » des prêts performants dans le document de clarification. Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, relatif aux nouveaux défauts de paiements des prêts performants restants

178    Les requérantes indiquent qu’elles ne contestent pas la méthode de calcul des recouvrements attendus de la liquidation des prêts performants restants, à savoir les prêts restants dans le portefeuille après déduction de ceux reclassés en prêts non performants et de ceux résultant des hypothèses de remboursement anticipé, et qu’elles approuvent le fait que certains de ces prêts deviendraient non performants au cours de leur durée de vie. Cependant, elles font valoir que le cabinet évaluateur n’a fourni aucun fondement à l’hypothèse, figurant dans la valorisation 3, selon laquelle il y aurait une « augmentation significative » des nouveaux défauts de paiements en cas d’insolvabilité.

179    Les requérantes font référence à un extrait d’un tableau, figurant dans la valorisation 3, contenant un résumé de la stratégie de réalisation des actifs de Banco Popular appliquée par le cabinet évaluateur selon lequel « [l]e portefeuille de prêts performants sera liquidé jusqu’à la fin de la période de liquidation, compte tenu de leur rendement, d’une augmentation significative du taux de remboursement anticipé et des nouvelles défaillances, suivis d’une vente finale du portefeuille restant ».

180    Il en ressort que le cabinet évaluateur a mentionné une augmentation significative du taux de remboursement anticipé des prêts performants et non des nouveaux défauts de paiement des prêts performants restants.

181    Dès lors, il suffit de relever, à l’instar du CRU, que cet argument des requérantes repose sur une lecture erronée de la valorisation 3.

182    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

4)      Sur le quatrième grief, relatif au taux d’actualisation sur la vente du reliquat du portefeuille de prêts performants

183    Les requérantes relèvent que, dans le cadre du scénario hypothétique de liquidation de sept ans, le cabinet évaluateur a appliqué un taux d’actualisation sur la vente du reliquat du portefeuille de prêts performants (le « rump ») compris entre 5,1 % pour la meilleure hypothèse et 6,1 % pour la pire hypothèse, sans expliquer cette différence de 1 %.

184    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué que le taux d’actualisation utilisé à la fin de la période de liquidation dans chaque scénario reflétait les taux de rendement requis sur le marché espagnol pour chaque catégorie d’actifs sur la base du profil de risque prévisionnel au moment de la liquidation, ce qui nécessitait de procéder à des ajustements. Le cabinet évaluateur a mentionné sur quels éléments il s’était fondé pour procéder à ces ajustements. Il a expliqué que les différents taux d’actualisation utilisés dans les différents scénarios de liquidation reflétaient l’évolution de la combinaison des différentes catégories d’actifs du portefeuille et de leurs taux d’actualisation respectifs supposés.

185    Or, il suffit de constater que ces explications, non contestées par les requérantes, sont suffisantes pour justifier la prise en compte d’un taux d’actualisation sur la vente du reliquat du portefeuille de prêts performants distinct pour la meilleure et la pire hypothèse dans chaque scénario temporel alternatif.

186    Par ailleurs, s’agissant du renvoi effectué par les requérantes à leur rapport d’expertise, prenant pour hypothèse un taux d’actualisation maximum de 5 %, il convient de rappeler qu’il ressort des points 66 à 70 ci-dessus qu’une comparaison avec l’analyse effectuée dans le rapport d’expertise des requérantes n’est pas pertinente s’agissant de déterminer si le cabinet évaluateur a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans la valorisation 3.

187    Il s’ensuit que le quatrième grief doit être rejeté.

188    Il ressort de l’analyse de la deuxième branche que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments de nature à priver de plausibilité les appréciations du cabinet évaluateur relatives à la valorisation du portefeuille de prêts performants de Banco Popular. Elles n’ont donc pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’appuyant sur ces appréciations dans la décision attaquée.

189    Partant, la deuxième branche doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, relative à la valorisation des prêts non performants

190    Les requérantes font valoir que l’estimation du recouvrement des prêts non performants dans la valorisation 3 s’appuie sur des hypothèses incohérentes et non fondées et est inconciliable avec les données de référence, ce qui a conduit à une sous-estimation de ce recouvrement.

191    En premier lieu, les requérantes contestent l’hypothèse retenue dans la valorisation 3 selon laquelle tous les prêts non performants seraient vendus dans un délai de 18 mois après la liquidation. Elles soutiennent que le portefeuille de prêts non performants garantis consiste principalement en des prêts garantis par des actifs immobiliers et que sa valeur est donc déterminée par la valeur de l’actif immobilier sous-jacent. Dans la valorisation 3, tout en admettant que le principal critère de valorisation des prêts non performants garantis est le recouvrement des montants provenant de la vente des actifs repris, le cabinet évaluateur aurait eu une approche incohérente en prenant pour hypothèse une période de cession optimale différente pour les prêts non performants et pour les actifs immobiliers.

192    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué que la stratégie de liquidation envisagée consistait à vendre le portefeuille de prêts non performants dans les meilleurs délais afin d’éviter une nouvelle détérioration de la situation de la banque et compte tenu de l’« appétit » du marché espagnol pour ces actifs et que cela concordait avec l’expérience acquise dans le cadre d’autres liquidations bancaires. Il a estimé que les prêts non performants seraient supposés être vendus en décembre 2018, soit environ 18 mois après la date de la résolution, dans les trois scénarios alternatifs, de 18 mois, de 3 ans et de 7 ans.

193    À la suite de commentaires des actionnaires et des créanciers affectés dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu, faisant valoir qu’un délai plus long de cession des prêts non performants permettrait d’obtenir un produit de vente plus élevé, le cabinet évaluateur a indiqué, dans le document de clarification, que l’hypothèse que Banco Popular conserve des prêts non performants pendant une période plus longue avait été prise en considération lors de l’élaboration de la valorisation 3. Toutefois, il a maintenu qu’un calendrier de cession du portefeuille des prêts non performants sur une période de 18 mois restait le plus approprié.

194    À cet égard, le cabinet évaluateur a considéré que, sur une période plus longue, des recouvrements plus importants seraient incertains, tandis que les coûts liés au maintien de l’équipe de liquidation (compte tenu du risque lié au départ du personnel clé, qui augmenterait le niveau d’inefficacité potentielle), ainsi que d’autres facteurs tels que la réticence des emprunteurs défaillants à engager des discussions avec une banque insolvable, étaient plus certains. En outre, le cabinet évaluateur a indiqué qu’un délai plus long augmentait également le risque macroéconomique, en particulier, du fait qu’il existait un marché actif pour les prêts non performants au second semestre de 2017 et il a estimé qu’il était peu probable qu’un liquidateur veuille spéculer sur des conditions favorables qui perdurent pendant une longue période (en particulier dans un contexte de dislocation macroéconomique potentiellement importante qui pourrait faire suite à la liquidation de Banco Popular). Il a donc conclu qu’une vente à relativement court terme était finalement plus avantageuse et n’entraînerait pas de problèmes de capacité de l’acheteur qui auraient une incidence sur le niveau des réalisations achevées.

195    Dans la décision attaquée, le CRU a mentionné ces explications du cabinet évaluateur et les a approuvées.

196    Par ailleurs, il convient de relever que, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a expliqué que, s’agissant de la méthodologie retenue dans la valorisation 3, il avait adopté un scénario dynamique, défini comme une méthode qui fixe différents moments de réalisation au cours de la liquidation et qui établit ensuite une valeur de l’actif en fonction, notamment, du moment de la réalisation. Ainsi, il a indiqué que, pour chacun des scénarios temporels alternatifs, il avait envisagé la stratégie et le délai de cession optimaux pour maximiser la réalisation des différentes catégories d’actifs, en fonction de leur nature sous-jacente et de leur liquidité.

197    Or, les requérantes ne soulèvent aucun argument de nature à remettre en cause cette méthodologie.

198    Ainsi, quand bien même 66,6 % du portefeuille de prêts non performants de Banco Popular étaient garantis par des actifs immobiliers, ces prêts et les actifs immobiliers n’appartiennent pas à la même catégorie d’actifs et leur cession dans le cadre d’une liquidation ne répond pas à la même stratégie.

199    Le fait que la valeur des prêts non performants garantis soit adossée à la valeur des sûretés immobilières constitue, certes, le principal facteur de leur valorisation. Toutefois, il n’est pas pertinent s’agissant de la question de savoir quel est le délai le plus approprié permettant de maximiser le recouvrement de ces prêts.

200    Dès lors, les requérantes ne sauraient faire valoir qu’il existe une incohérence dans le fait de tenir compte d’un délai de cession différent pour les prêts non performants et pour les actifs immobiliers.

201    Les requérantes ne soulèvent aucun argument de nature à remettre en cause les explications fournies dans le document de clarification, mentionnées au point 194 ci-dessus, indiquant les raisons pour lesquelles la maximisation du recouvrement de ces prêts impliquait de les céder rapidement après le début de la liquidation.

202    En effet, les requérantes, pour faire valoir qu’un délai de cession plus long aurait permis des recouvrements plus élevés, se contentent de relever de prétendues différences dans l’approche du cabinet évaluateur entre la cession du portefeuille de prêts non performants et celle des actifs immobiliers concernant les risques macroéconomiques ou d’indiquer que leurs experts ont une opinion différente sur les coûts de maintien du portefeuille de prêts non performants et sur la réticence des emprunteurs défaillants à négocier. Or, ni la comparaison avec la valorisation des actifs immobiliers ni celle avec les appréciations figurant dans leur rapport d’expertise ne sont de nature à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par le cabinet évaluateur concernant la prise en compte d’un délai de cession de 18 mois.

203    En second lieu, les requérantes soutiennent que l’estimation du recouvrement des prêts non performants ne concorde pas avec les données de référence. Elles font valoir que le taux de rendement interne (TRI) de 16 % retenu dans la valorisation 3 est indûment élevé, ce qui a eu pour conséquence de faire baisser le prix du portefeuille de prêts non performants.

204    Elles font valoir que le cabinet évaluateur aurait écarté les données réelles du marché concernant le TRI, en s’appuyant sur la « moindre qualité » de la procédure de cession et sur l’incapacité du liquidateur à « fournir des déclarations et des garanties ». Ces affirmations supposeraient que la liquidation serait mal gérée par le liquidateur en violation des exigences de la loi 22/2003. De plus, des études de marché effectuées par leurs experts montreraient que le manque de déclarations et de garanties aurait une incidence limitée sur le TRI.

205    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué ce qui suit :

« TRI : nous avons supposé que les investisseurs en difficulté intéressés par ce type de portefeuille [de prêts non performants garantis] exigeraient des TRI compris entre 16 % dans l’hypothèse élevée et 20 % dans l’hypothèse basse, qui sont supérieurs à ce que nous observons sur le marché en raison du fait qu’une vente d’un portefeuille de prêts non performants dans un scénario de liquidation devrait prendre en compte :

–        une qualité moindre attendue des processus et des informations fournis aux acheteurs potentiels ;

–        l’incapacité du vendeur (le liquidateur) à fournir des déclarations et des garanties dans le contrat d’achat et de vente. »

206    D’une part, il suffit de relever que le cabinet évaluateur n’a pas affirmé que le manque d’informations était imputable au liquidateur ou qu’il supposait la moindre faute de gestion de la part de ce dernier. D’autre part, les requérantes se contentent de reprendre une opinion de leurs experts à la suite de prétendues études de marché qu’ils auraient effectuées, sans qu’aucune précision quant à la nature de ces études ou à leur résultat ne soit mentionnée. Partant, ces arguments doivent être rejetés.

207    Par ailleurs, comme le relève le CRU, les données réelles du marché ne sauraient servir de données de référence dans le cadre d’une procédure hypothétique d’insolvabilité et nécessitent des ajustements afin de tenir compte des difficultés, notamment administratives, liées à la liquidation.

208    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi que le CRU et le cabinet évaluateur avaient commis une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de la valorisation des prêts non performants.

209    Il ressort de l’analyse de la troisième branche que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments de nature à priver de plausibilité les appréciations du cabinet évaluateur relatives à la valorisation du portefeuille de prêts non performants de Banco Popular. Elles n’ont donc pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’appuyant sur ces appréciations dans la décision attaquée.

210    Partant, la troisième branche doit être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, relative à la valorisation des actifs immobiliers

211    Les requérantes font valoir que la valorisation des actifs immobiliers indirectement détenus par Banco Popular effectuée par le cabinet évaluateur s’appuie sur des hypothèses incohérentes et que le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation qui ont conduit à une sous-estimation des recouvrements liés à ces actifs.

212    Elles soutiennent que l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur selon laquelle les actifs immobiliers indirectement détenus par Banco Popular, à savoir les filiales immobilières, seraient cédés dans un délai accéléré de 18 mois quel que soit le scénario de liquidation envisagé est en contradiction avec son évaluation concernant les actifs immobiliers directement détenus par Banco Popular, dont la cession serait échelonnée sur toute la durée de la période de liquidation afin de maximiser les recouvrements.

213    Elles soutiennent également que le cabinet évaluateur n’aurait pas quantifié, et le CRU n’aurait pas envisagé, les recouvrements réalisables sur une période de cession plus longue correspondant à celle prise en compte pour les actifs immobiliers directement détenus par Banco Popular. En s’appuyant sur leur rapport d’expertise, elles contestent les motifs avancés par le cabinet évaluateur, dans le document de clarification, pour lesquels il a considéré qu’une période de cession plus longue pour les filiales immobilières ne permettait pas de maximiser les recouvrements.

214    Dans la décision attaquée, le CRU a relevé que certains actionnaires et créanciers affectés avaient fait valoir, lors de la procédure relative au droit d’être entendu, que la stratégie de liquidation proposée par le cabinet évaluateur pour les filiales immobilières était inappropriée et incompatible avec les informations contenues dans la valorisation 3 relatives aux actifs immobiliers directement détenus par Banco Popular. Ils avaient affirmé que les réalisations seraient maximisées grâce à une cession ordonnée des actifs sur l’ensemble de la période de liquidation et que la période de 18 mois avait été inutilement accélérée, ce qui avait entraîné une sous-évaluation significative des recouvrements.

215    Le CRU a indiqué que, comme cela est expliqué dans le document de clarification, pour les filiales immobilières, le cabinet évaluateur avait considéré que les ventes en activité des filiales immobilières au cours des 18 premiers mois de la liquidation constituaient la stratégie de réalisation optimale. Le CRU a relevé que le fait de considérer les filiales immobilières comme des entreprises en activité et non comme de simples propriétaires de biens immobiliers permettait à ces filiales d’être réalisées, une fois vendues, d’une manière plus rapide et plus ordonnée, sans que les prix de l’immobilier soient en difficulté et sans une saturation de la capacité du marché. Il a ajouté que, bien que le cabinet évaluateur ait envisagé d’autres stratégies, y compris pour que Banco Popular conserve les entités et établisse elle-même la valeur des actifs ou pour qu’elle échelonne les cessions sur une période plus longue, ces stratégies auraient entraîné un processus plus complexe et à forte intensité de capital, ainsi que des coûts et des risques supplémentaires que le liquidateur serait réticent à accepter, sans la certitude d’obtenir des recouvrements plus élevés.

216    À cet égard, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a précisé les motifs pour lesquels il n’avait pas retenu, dans la valorisation 3, une stratégie de cession des filiales immobilières sur une plus longue période. Le cabinet évaluateur a indiqué ce qui suit :

« [L]ors de l’élaboration [de la valorisation 3], nous avons envisagé d’autres stratégies, y compris pour que Banco Popular conserve les entités et calcule elle-même les actifs sur une période plus longue ou pour échelonner les cessions sur une période plus longue ; toutefois, il s’agirait d’un processus potentiellement plus intensif en capital et plus complexe à gérer, en particulier compte tenu de la liquidation de Banco Popular. Plus précisément, dans l’attente de cessions d’actifs, les entités pourraient avoir besoin de financements, en outre, dans le contexte de la défaillance de Banco Popular et de l’impact macroéconomique potentiel sur la valeur des actifs, une telle stratégie exposerait le liquidateur à un risque supplémentaire (y compris d’un point de vue opérationnel) que, selon nous, le liquidateur serait réticent à accepter. De plus, compte tenu des coûts et des risques supplémentaires, nous avons estimé qu’un délai plus long pour la vente de ces entités pourrait avoir une incidence négative sur le montant réalisable, compte tenu de l’incidence potentielle d’un processus de liquidation de la société mère sur la gestion de ces entités. En outre, l’absence de vente des filiales immobilières jusqu’à la fin du calendrier de liquidation entraînerait des coûts de liquidation plus élevés, ainsi que des coûts de gestion et d’entretien plus élevés, et pas nécessairement des recouvrements plus élevés. »

217    Il en ressort que le cabinet évaluateur a expliqué que, dans la mesure où il avait envisagé la cession des filiales immobilières de Banco Popular en tant qu’entreprises en continuité d’exploitation et non en tant qu’actifs immobiliers indirectement détenus, une cession sur une période plus longue que 18 mois ne permettait pas une maximisation des recouvrements.

218    À cet égard, les requérantes affirment que les justifications avancées par le cabinet évaluateur s’appliquaient tant aux actifs immobiliers indirectement détenus par Banco Popular qu’à ceux directement détenus par celle-ci. Elles contestent que la gestion des actifs immobiliers indirectement détenus entraînerait des coûts supplémentaires, dans la mesure où, selon leurs experts, le liquidateur aurait bénéficié de l’expertise des filiales immobilières qui l’auraient aidé à gérer le risque lié aux actifs immobiliers. Elles indiquent ignorer quels seraient les besoins de financement spécifiques évoqués par le cabinet évaluateur.

219    Il y a lieu de relever que ces arguments ne sont pas suffisants pour remettre en cause les explications fournies par le CRU et le cabinet évaluateur selon lesquelles une cession, sur une période plus longue, des filiales immobilières en tant qu’actifs immobiliers indirectement détenus augmenterait les coûts, tant ceux liés au fonctionnement de ces filiales que ceux de la liquidation, ainsi que les risques, compte tenu notamment du risque de saturation du marché de l’immobilier, et ne permettait donc pas une maximisation des recouvrements.

220    En outre, les arguments des requérantes ne permettent pas d’établir que le cabinet évaluateur aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en envisageant la cession des filiales immobilières de Banco Popular comme des entreprises en activité. Le fait que, selon leur rapport d’expert, une autre stratégie était envisageable, à savoir la cession de ces filiales en tant qu’actifs immobiliers indirectement détenus, n’est pas suffisant pour priver de plausibilité l’hypothèse retenue par le cabinet évaluateur.

221    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme indiqué aux points 196 et 197 ci-dessus, les requérantes ne contestent pas la méthodologie de valorisation adoptée par le cabinet évaluateur, selon laquelle il a envisagé la stratégie et le délai de cession optimaux pour maximiser les réalisations des différentes catégories d’actifs, en fonction de leur nature sous-jacente et de leur liquidité.

222    Ainsi, les requérantes ne sauraient valablement soutenir que la prise en compte de durées de cessions différentes pour deux catégories d’actifs différentes, à savoir les filiales immobilières en tant qu’entreprises en continuité d’exploitation et les actifs immobiliers directement détenus par Banco Popular, serait contradictoire.

223    En outre, dans la mesure où le cabinet évaluateur a justifié les raisons pour lesquelles une cession des filiales immobilières en tant qu’actifs immobiliers indirectement détenus ne permettait pas d’obtenir des recouvrements plus élevés, c’est à tort que les requérantes lui reprochent de ne pas avoir quantifié les recouvrements résultant d’une telle hypothèse.

224    Enfin, il convient de relever que les arguments des requérantes ainsi que le rapport d’expertise sur lesquels ils s’appuient, visant à établir que le cabinet évaluateur aurait dû envisager une période de cession plus longue, reposent sur l’hypothèse d’une cession des filiales immobilières en tant qu’actifs immobiliers indirectement détenus par Banco Popular. Ces arguments ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation du cabinet évaluateur relative à la durée de cession des filiales immobilières en tant qu’entreprises en continuité d’exploitation.

225    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes ne soutiennent pas que, dans l’hypothèse d’une cession des filiales immobilières de Banco Popular en tant qu’entreprises en activité, la prise en compte d’une période de cession de 18 mois serait erronée.

226    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments de nature à priver de plausibilité les appréciations du cabinet évaluateur relatives à la valorisation des filiales immobilières de Banco Popular. Elles n’ont donc pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’appuyant sur ces appréciations dans la décision attaquée.

227    Partant, la quatrième branche doit être rejetée.

e)      Sur la cinquième branche, relative à la valorisation des risques juridiques

228    Les requérantes font valoir que l’estimation des risques juridiques, dans la valorisation 3, comprise dans une fourchette très large allant de 1,8 milliard d’euros dans la meilleure hypothèse à 3,5 milliards d’euros dans la pire hypothèse, résulte d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciations et a entraîné une surestimation arbitraire des provisions pour risques juridiques ainsi qu’une baisse du niveau des recouvrements.

229    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a exposé son approche générale concernant la valorisation des risques juridiques. Il a indiqué qu’il avait vérifié les états financiers de Banco Popular et examiné, avec l’équipe juridique interne de la banque, si les estimations devaient être révisées ou si des réclamations supplémentaires pouvaient naître en cas de liquidation de la banque. Il a expliqué avoir recalculé les risques juridiques figurant dans les états financiers en utilisant ses propres hypothèses sur la base des informations fournies par la banque et en tenant compte, le cas échéant, de la jurisprudence existante. Il a noté que la déclaration d’insolvabilité n’empêchait pas les parties de produire de nouvelles réclamations et que, en effet, son expérience d’autres situations montrait que des réclamations supplémentaires potentiellement importantes et jusqu’alors imprévues pouvaient survenir dans un scénario de liquidation, les clients, les créanciers ou les actionnaires cherchant à maximiser leurs perspectives de recouvrement. Il a également précisé que, comme pour toute procédure judiciaire, il n’était pas possible de prédire de quelle manière les juridictions considéreraient les réclamations reçues, en particulier celles qui étaient alors purement hypothétiques. Dans ces circonstances, il a considéré que son analyse pouvait constituer une évaluation prudente des aléas juridiques potentiels aux fins de la valorisation.

230    S’agissant de la méthodologie et des hypothèses utilisées, le cabinet évaluateur a expliqué qu’il avait supposé que les principaux aléas juridiques étaient inclus dans les états financiers de Banco Popular et qu’il avait examiné les hypothèses formulées par la banque et recalculé le montant potentiel qui pouvait être réclamé. Il a précisé avoir inclus dans son analyse le risque concernant les réclamations liées aux augmentations de capital dans un scénario de liquidation, sur la base de ses connaissances du secteur.

231    Le cabinet évaluateur a ensuite expliqué la méthode qu’il avait utilisée pour évaluer chaque catégorie de risques juridiques, à savoir les clauses planchers des prêts hypothécaires, les obligations obligatoirement convertibles, les frais liés aux prêts hypothécaires, les augmentations de capital de Banco Popular de 2012 et de 2016 et les garanties de développement immobilier.

232    En premier lieu, les requérantes font valoir que l’approche du cabinet évaluateur n’est pas conforme au droit espagnol. Elles soutiennent, en s’appuyant sur le témoignage d’A annexé à la requête, que, dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité en application du droit espagnol, le liquidateur ne constitue généralement pas de provisions pour les réclamations en cours ou les réclamations potentielles à l’encontre de l’entité en liquidation. Le droit espagnol éviterait au liquidateur de spéculer sur l’issue des réclamations qui ne sont pas concrétisées, pour ne pas porter préjudice aux créanciers existants. Le liquidateur pourrait, à titre exceptionnel, provisionner la valeur d’une réclamation pendante déjà enregistrée s’il considérait qu’il est très probable qu’elle aboutira, mais, conformément à son obligation de maximiser les recouvrements pour les créanciers existants, il n’évaluerait pas les réclamations qui ne sont pas encore enregistrées.

233    À cet égard, il suffit de constater que cet argument des requérantes repose sur de simples affirmations de leur témoin, A, qui ne mentionne explicitement aucune disposition de la législation espagnole.

234    En outre, comme le relève le CRU, l’article 87, paragraphe 4, de la loi 22/2003 dispose :

« Lorsque le juge de la faillite estime que la condition résolutoire ou la confirmation de la créance éventuelle est probable, il peut, à la demande d’une partie, prendre les mesures conservatoires de constitution de provisions sur la masse, de constitution de cautions par les parties et de toute autre mesure qu’il juge opportune dans chaque cas d’espèce. »

235    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la loi 22/2003 ne limite pas la possibilité pour le liquidateur de prendre en compte des réclamations au cas exceptionnel où il estimerait qu’il est « très probable » qu’elles aboutissent.

236    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le cabinet évaluateur a recalculé le montant des provisions pour risques juridiques déjà prévu dans les états financiers de Banco Popular sur la base non des réclamations déjà enregistrées, mais de son expérience ou de ses propres hypothèses. Il ne s’agirait pas d’une motivation suffisante pour écarter les états financiers de Banco Popular. Alors que le cabinet évaluateur aurait indiqué dans la valorisation 2 qu’un avis juridique était nécessaire pour apprécier les chances de succès des réclamations, rien n’indiquerait dans la valorisation 3 qu’il aurait obtenu un tel avis.

237    Premièrement, il y a lieu de relever, à l’instar du CRU dans la décision attaquée, que le cabinet évaluateur a indiqué, dans la valorisation 3 et dans le document de clarification, avoir consulté le service juridique de Banco Popular et examiné avec lui si les estimations contenues dans les états financiers de la banque devaient être révisées ou si des réclamations supplémentaires pouvaient naître en cas de liquidation.

238    De plus, il ressort de la valorisation 3 que le cabinet évaluateur s’est appuyé sur la législation espagnole applicable pour procéder à la valorisation. Or, les requérantes ne contestent pas que le cabinet évaluateur possédait les compétences requises pour effectuer efficacement la valorisation 3 au sens de l’article 38, point 1, du règlement délégué 2016/1075, ce qui inclut des compétences juridiques.

239    Dès lors, les requérantes ne sauraient soutenir qu’un avis juridique supplémentaire était nécessaire à la réalisation de la valorisation 3.

240    Deuxièmement, s’agissant du fait que les estimations du cabinet évaluateur s’écartaient du niveau des provisions figurant dans les états financiers de Banco Popular, le CRU a relevé, dans la décision attaquée, qu’il ressortait du document de clarification que les critères comptables appliqués par Banco Popular pour le calcul des provisions pour risques juridiques sur la base d’une continuité d’exploitation ne s’appliquaient pas dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

241    À cet égard, le cabinet évaluateur a expliqué, dans le document de clarification, que les critères comptables appliqués par Banco Popular pour le calcul des provisions pour risques juridiques, en dehors de la procédure d’insolvabilité, seraient différents de ceux appliqués pour le calcul à effectuer dans le cadre d’un scénario de liquidation et que les critères comptables ne s’appliquaient pas en cas d’insolvabilité. De plus, il a mentionné que la création d’une provision comptable n’entraînait pas de droits spécifiques au sein de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation et ne donnait pas de préférence à ces créanciers pour recouvrer un montant quelconque. Il a indiqué que, en conséquence, les niveaux des provisions calculés par Banco Popular dans ses états financiers seraient probablement différents, étant donné que les niveaux des provisions de Banco Popular ne reflétaient pas un scénario de liquidation.

242    En outre, le cabinet évaluateur a également indiqué que l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité pourrait conduire à des réclamations supplémentaires susceptibles d’être engagées par des créanciers souhaitant maximiser leurs recouvrements avant la fin de la liquidation.

243    Il en ressort que le cabinet évaluateur a suffisamment motivé la raison pour laquelle il s’était écarté des états financiers de Banco Popular et s’était appuyé sur ses propres estimations pour évaluer les risques juridiques dans le cadre d’un scénario de liquidation dans la valorisation 3.

244    Dans la réplique, les requérantes font valoir que le cabinet évaluateur n’a pas étayé son affirmation selon laquelle les estimations des risques juridiques seraient plus élevées dans le cas d’une insolvabilité que dans le cas d’une entreprise en activité. Selon leurs experts, il faudrait s’attendre à ce que l’estimation soit plus faible en cas d’insolvabilité.

245    Il suffit de constater que, en plus de l’explication mentionnée au point 242 ci-dessus, le cabinet évaluateur avait indiqué dans la valorisation 3 que les procédures de liquidation donnaient généralement lieu à d’importants litiges et réclamations fondés sur des hypothèses difficiles à anticiper. Comme indiqué au point 229 ci-dessus, il a expliqué que, selon son expérience, des réclamations supplémentaires potentiellement importantes et jusqu’alors imprévues, pouvaient survenir dans un scénario de liquidation, dans le but de maximiser les perspectives de recouvrement.

246    En outre, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a fourni des explications spécifiques concernant le risque d’augmentation des réclamations pour chaque catégorie de risques juridiques. Par exemple, concernant les clauses planchers des prêts hypothécaires, il a tenu compte de l’entrée en vigueur en 2018 d’une nouvelle législation en matière de protection des consommateurs.

247    Il en ressort que le cabinet évaluateur a suffisamment motivé la raison pour laquelle il avait estimé des provisions pour risques juridiques plus élevées dans la valorisation 3 que celles résultant des états financiers de Banco Popular.

248    En troisième lieu, les requérantes contestent les estimations des provisions pour risques juridiques relatives aux augmentations de capital de Banco Popular en 2012 et en 2016.

249    Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a rappelé que Banco Popular avait procédé à deux augmentations de capital, en novembre 2012 et en mai 2016, chacune pour 2,5 milliards d’euros. Il a relevé que l’affaire Bankia constituait un précédent pour ce qui était de la manière dont les actionnaires pourraient se pencher sur d’éventuelles erreurs ou omissions dans le prospectus initial de levée de capitaux comme fondement d’une réclamation qui, si elle était accueillie, permettrait à l’actionnaire d’obtenir des dommages et intérêts auprès de la banque. Pour estimer les réclamations potentielles, il a expliqué avoir notamment pris en considération, d’une part, le temps écoulé, en précisant que le délai de prescription concernant l’augmentation de capital de 2012 n’avait pas expiré et, d’autre part, le profil des investisseurs en s’appuyant sur les informations publiques disponibles et la structure de l’actionnariat fournie par Banco Popular.

250    Dans la décision attaquée, le CRU a relevé que certains actionnaires et créanciers affectés avaient formulé des commentaires, selon lesquels les réclamations relatives à l’augmentation de capital de 2012 étaient très peu probables compte tenu du temps écoulé. Il a indiqué que, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur avait considéré que, même si elles étaient potentiellement moins probables que les réclamations relatives à l’augmentation de capital de 2016, la possibilité de telles réclamations ne pouvait pas être totalement exclue. En particulier, selon le cabinet évaluateur, des réclamations concernant l’augmentation de capital de 2012 de Banco Popular pourraient être introduites en rapport avec d’éventuelles erreurs ou omissions dans le prospectus initial d’augmentation de capital et cette possibilité n’avait pas pu être exclue du fait que le délai de prescription n’était pas encore écoulé. Le CRU a indiqué que, par conséquent, le cabinet évaluateur avait conclu que, même si les réclamations relatives à l’augmentation de capital de 2012 étaient très peu probables compte tenu du temps écoulé, elles ne pouvaient pas être exclues.

251    Il y a lieu de relever que, dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a précisé qu’il avait supposé que ces réclamations seraient nulles lorsqu’il a établi la meilleure hypothèse concernant la valorisation des provisions pour risques juridiques.

252    Premièrement, s’agissant des risques juridiques liés à l’augmentation de capital de 2016, les requérantes indiquent que leurs experts ont évalué qu’une provision juste, prudente et raisonnable s’élevait à 1,1 milliard d’euros sur la base de l’estimation effectuée par Ernst & Young pour le compte de Bankia et de celle effectuée par Banco Santander.

253    Il suffit de constater que, en application des points 67 à 70 ci-dessus, cet argument par lequel les requérantes se contentent de renvoyer au calcul effectué dans leur rapport d’expertise n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la valorisation 3.

254    Deuxièmement, s’agissant des risques juridiques liés à l’augmentation de capital de 2012, les requérantes estiment que, dans la meilleure comme dans la pire hypothèse, leur montant devrait être nul étant donné que les réclamations étaient très peu probables compte tenu du temps écoulé et que, selon le témoignage d’A, un liquidateur ne serait pas autorisé à provisionner de telles créances.

255    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort des points 234 et 235 ci-dessus que le liquidateur a la possibilité de tenir compte des créances éventuelles et que cet argument a déjà été écarté.

256    Les requérantes ne soulèvent pas d’arguments susceptibles de remettre en cause les explications fournies par le cabinet évaluateur et approuvées par le CRU, citées au point 250 ci-dessus, justifiant que des réclamations relatives à l’augmentation de capital de 2012 pourraient encore survenir après la liquidation de Banco Popular.

257    À cet égard, le fait, relevé par les requérantes, que le cabinet évaluateur ait admis, dans le document de clarification, que la possibilité de réclamations liées à l’augmentation de capital de 2012 était moins probable que pour celle de 2016 n’est pas suffisant pour remettre en cause la plausibilité de l’hypothèse retenue par ce dernier selon laquelle des réclamations relatives à l’augmentation de capital de 2012 ne pouvaient être totalement exclues.

258    Par ailleurs, les requérantes ne sauraient soutenir que le montant de la provision pour risques juridiques relative à l’augmentation de capital de 2012, pris en compte dans la valorisation 3 dans la pire hypothèse, était substantiel et manifestement erroné, en comparant le montant total des provisions pour risques juridiques de la meilleure et de la pire hypothèse contenues dans la valorisation 3. En effet, ce montant total inclut l’évaluation de toutes les catégories de risques juridiques mentionnées au point 231 ci-dessus.

259    Partant, les requérantes n’ont soulevé aucun argument de nature à priver de plausibilité l’estimation du cabinet évaluateur selon laquelle le montant des provisions pour risques juridiques relatives à l’augmentation de capital de 2012 pouvait ne pas être nul dans la pire hypothèse.

260    En quatrième lieu, pour la première fois dans la réplique, les requérantes font valoir que, selon les états financiers de Banco Santander de 2020, la provision concernant les clauses planchers faite par Banco Popular dans ses états financiers était correcte et que l’augmentation de cette provision faite par le cabinet évaluateur n’était pas justifiée.

261    Il suffit de constater, à l’instar du CRU, que cet argument relatif aux clauses planchers a été soulevé pour la première fois au stade de la réplique et que, ne constituant pas une ampliation d’un moyen exposé dans la requête et les requérantes n’avançant aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé durant la procédure, il est irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. En toute hypothèse, cet argument fondé sur des éléments de faits qui se sont produits postérieurement à la décision attaquée ne saurait remettre en cause la plausibilité des hypothèses retenues par le cabinet évaluateur dans la valorisation 3.

262    Par ailleurs, les requérantes demandent au Tribunal d’adopter des mesures d’instruction pour exiger du CRU qu’il permette au Tribunal de vérifier le dossier et de mettre en place des garanties appropriées pour permettre à leur représentant de l’examiner.

263    Or, il importe de rappeler à cet égard que, pour permettre au Tribunal de juger de l’utilité de mesures d’organisation de la procédure, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir arrêts du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑474/09 P à C‑476/09 P, non publié, EU:C:2011:522, point 92 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑766/16, EU:T:2019:173, point 29 et jurisprudence citée).

264    Il suffit de relever que les requérantes ne précisent pas quelles sont les informations dont elles demandent la production ni quelle serait leur utilité. Il convient de considérer que la demande des requérantes n’est pas suffisamment précise et qu’il n’y a donc pas lieu d’y faire droit.

265    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments de nature à priver de plausibilité les appréciations du cabinet évaluateur relatives à la valorisation des risques juridiques. Elles n’ont donc pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’appuyant sur ces appréciations dans la décision attaquée.

266    Partant, la cinquième branche doit être rejetée.

267    En conclusion du premier moyen, les requérantes font valoir une violation de leur droit de propriété. Elles soutiennent qu’il ressort de leurs arguments exposés dans les cinq branches de ce moyen que la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle aucun dédommagement ne leur est dû, n’équivaut pas à un dédommagement équitable. Selon les preuves qu’elles auraient apportées, elles auraient reçu, dans une procédure normale d’insolvabilité, un recouvrement intégral, ou au moins une partie substantielle, du montant de leurs obligations.

268    Les cinq branches du premier moyen ayant été rejetées, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de ne pas leur accorder de dédommagement. Elles ne sauraient donc valablement soutenir que cette décision viole leur droit de propriété.

269    Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation en désignant le cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant

270    Les requérantes font valoir que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation ou une erreur de droit en désignant le cabinet évaluateur pour effectuer la valorisation 3 en violation de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014. Premièrement, elles soutiennent que le CRU n’aurait pas examiné l’indépendance du cabinet évaluateur. Deuxièmement, elles considèrent que, en tout état de cause, le cabinet évaluateur n’était pas un évaluateur indépendant au sens de l’article 38 du règlement délégué 2016/1075.

a)      Sur la première branche, tirée de ce que le CRU n’a pas examiné l’indépendance du cabinet évaluateur

271    Les requérantes font valoir que le CRU a délégué au cabinet évaluateur lui-même le devoir de vérifier si ce dernier était indépendant, en violation de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. Le CRU n’aurait pas donné de détails sur les vérifications de conflit interne qu’il avait demandées au cabinet évaluateur, ni sur les garanties suffisantes que le cabinet évaluateur aurait appliquées, ni sur les normes professionnelles que celui-ci aurait suivies, ni sur la surveillance qu’il aurait exercée pour s’assurer que ne survienne aucun intérêt matériel réel ou potentiel susceptible d’influencer ou d’être raisonnablement perçu comme influençant le jugement du cabinet évaluateur dans la procédure.

272    En application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante visée au paragraphe 1 de cet article, à savoir par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

273    Au cours de la procédure d’appel d’offres ayant abouti à l’attribution au cabinet évaluateur du contrat spécifique mentionné au point 4 ci-dessus, celui-ci a fourni au CRU, le 18 mai 2017, une déclaration d’absence de conflit d’intérêts avec Banco Popular. Le 22 mai 2017, le cabinet évaluateur a fourni une déclaration d’absence de conflit d’intérêts figurant dans sa « proposition de prestations de services de conseil et d’assistance concernant la valorisation économique et financière dans le cadre du lot 2 (SRB/OP/1/2015) » dans laquelle il mentionnait les services qu’il avait fourni à Banco Popular.

274    Le 23 mai 2017, à la date de sa désignation comme évaluateur, il a également produit une déclaration concernant son indépendance conformément au règlement délégué 2016/1075, dans laquelle il a notamment indiqué avoir connaissance des exigences légales et que les arrangements appropriés avaient été pris, quand ils étaient nécessaires, pour assurer que ni lui ni aucun membre de l’équipe proposée pour l’exécution du contrat spécifique n’avait d’intérêt significatif tel que défini à l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. Il s’est engagé à mettre en place tous les arrangements nécessaires pour assurer que tout service futur fourni aux autres parties ne compromettrait pas son indépendance. Il a relevé que tout ajout de nouveaux membres à son équipe serait soumis au respect des exigences d’indépendance ainsi qu’à l’approbation du CRU.

275    Après sa désignation comme évaluateur, le 21 septembre 2017 et le 11 avril 2019, le cabinet évaluateur a fourni des déclarations additionnelles concernant son indépendance à la suite de l’ajout de nouveaux membres dans l’équipe travaillant sur la valorisation 3.

276    De plus, le 18 décembre 2019, à la demande du CRU à la suite des commentaires des actionnaires et des créanciers affectés dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu, le cabinet évaluateur a produit une nouvelle déclaration d’absence de conflit d’intérêts. Il a confirmé que, le 15 novembre 2019, compte tenu de ses systèmes et de ses contrôles, il était et avait été indépendant aux fins de la valorisation 3 et qu’il n’avait pas connaissance de conflits avec d’autres travaux qu’il avait effectués, ni de conflits individuels. Il a notamment indiqué les services qu’il avait fournis à Banco Santander et précisé qu’il n’existait pas de lien entre ces services et ceux fournis au CRU pour la réalisation de la valorisation 3 ou du document de clarification. Il a ajouté qu’il n’avait pas fourni de services relatifs à l’évaluation ou à l’information financière des actifs et des passifs faisant l’objet de la valorisation 3.

277    Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant, conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075. Il a relevé que le cabinet évaluateur avait été sélectionné dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, au terme de laquelle le CRU a estimé que celui-ci possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour réaliser la valorisation 3, sans dépendance excessive à l’égard d’une autorité publique concernée ou de Banco Popular, conformément aux exigences de l’article 38, point 1, et de l’article 39 du règlement délégué 2016/1075. Le CRU a estimé que le cabinet évaluateur, compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité de la valorisation à effectuer, disposait des ressources humaines et techniques appropriées pour mener à bien la valorisation 3, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

278    De plus, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était une entité juridique indépendante des autorités publiques et de Banco Popular et, à cet égard, qu’il était totalement indépendant du CRU et n’avait pas été engagé pour les travaux comptables annuels de Banco Popular.

279    Enfin, le CRU a relevé que, concernant l’absence d’intérêts communs ou contradictoires significatifs, actuels ou potentiels, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075, le cabinet évaluateur avait effectué une vérification interne au regard des standards professionnels applicables. Compte tenu du résultat de cette vérification, le cabinet évaluateur avait considéré qu’il ne présentait pas de conflit d’intérêts au regard de sa désignation comme évaluateur indépendant. À cet égard, le CRU a mentionné les différentes déclarations d’absence de conflit d’intérêts fournies par le cabinet évaluateur au cours de la procédure d’appel d’offres et après sa désignation, visant à garantir son indépendance et celle des membres de ses équipes, notamment celle chargée de réaliser la valorisation 3.

280    Compte tenu de ces déclarations et des assurances fournies par le cabinet évaluateur, le CRU a estimé que ce dernier présentait suffisamment de garanties pour éviter tout intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec Banco Popular. Il a conclu que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 et des articles 39 à 41 du règlement délégué 2016/1075.

281    En outre, sous le titre 6.2.1 « commentaires relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur » de la décision attaquée, le CRU a spécifiquement répondu aux commentaires des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à l’absence d’indépendance du cabinet évaluateur à son égard, à l’égard de Banco Santander et de Banco Popular et au fait qu’il avait réalisé la valorisation 2. Ce titre de la décision attaquée contient le raisonnement détaillé du CRU expliquant que le cabinet évaluateur, au moment de sa désignation et pendant la réalisation de la valorisation 3, ne présentait pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

282    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que le CRU a examiné les différentes déclarations d’absence de conflit d’intérêts transmises par le cabinet évaluateur mentionnées aux points 273 à 276 ci-dessus, lesquelles contenaient notamment une description des services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Popular et à Banco Santander. De plus, il ressort de la déclaration d’absence de conflit d’intérêts du 18 décembre 2019, que celle-ci avait été produite par le cabinet évaluateur à la demande du CRU à la suite de certains commentaires des actionnaires et des créanciers affectés afin de fournir des informations complémentaires concernant l’existence d’un éventuel conflit d’intérêts au regard des services fournis à Banco Santander.

283    Il s’ensuit que, tout au long de la procédure relative à la résolution de Banco Popular, le CRU a veillé, ainsi qu’il était tenu de le faire, à ce que le cabinet évaluateur respecte les exigences d’indépendance et, en particulier, celles relatives à l’absence de conflit d’intérêts prévues à l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

284    Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision attaquée contenait suffisamment d’informations pour savoir selon quelles exigences et quelles modalités le CRU avait vérifié l’indépendance de l’évaluateur.

285    À cet égard, les requérantes demandent au Tribunal d’adopter une mesure d’instruction afin que le CRU ou le cabinet évaluateur fournissent des informations pour comprendre les relations du cabinet évaluateur avec Banco Popular et Banco Santander.

286    Il suffit de rappeler que, s’agissant de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi [voir arrêts du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU, C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 98 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 435 et jurisprudence citée].

287    Or, dans la mesure où le CRU a fourni en annexe du mémoire en défense les déclarations du cabinet évaluateur citées aux points 273 à 276 ci-dessus, dans lesquelles le cabinet évaluateur décrit les services qu’il a fournis à Banco Popular et à Banco Santander, la mesure d’instruction sollicitée par les requérantes n’est pas nécessaire.

288    Partant, la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, tirée de ce que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant au sens de l’article 38 du règlement délégué 2016/1075

289    Les requérantes soutiennent que, compte tenu des éléments figurant à l’article 41, paragraphe 4, sous a) et c), du règlement délégué 2016/1075, le cabinet évaluateur ne remplissait pas les conditions pour être considéré comme n’ayant pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente pour trois raisons tenant aux relations du cabinet évaluateur avec Banco Popular, aux services rendus à Banco Santander et au fait qu’il avait réalisé la valorisation 2.

290    À cet égard, il y a lieu de relever que les règles en matière d’indépendance des évaluateurs sont précisées dans le chapitre IV du règlement délégué 2016/1075, dont l’article 38 dispose :

« Une personne physique ou morale peut être nommée en tant qu’évaluateur. L’évaluateur est réputé être indépendant de toute autorité publique pertinente et de l’entité pertinente dès lors que toutes les conditions suivantes sont remplies :

1)       l’évaluateur possède les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires et peut effectuer la valorisation efficacement sans dépendre de manière excessive d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente conformément à l’article 39 ;

2)       l’évaluateur est juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de l’entité pertinente conformément à l’article 40 :

3)       l’évaluateur n’a pas d’intérêt commun ou contradictoire significatif au sens de l’article 41. »

291    L’article 41 du règlement délégué 2016/1075, relatifs aux intérêts communs ou contradictoires significatifs, prévoit :

« 1. L’évaluateur indépendant n’a pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente.

2. Aux fins du paragraphe 1, un intérêt réel ou potentiel est réputé significatif lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné estime que cet intérêt peut influencer ou être raisonnablement perçu comme influençant le jugement de l’évaluateur indépendant dans le cadre de la valorisation.

3. Aux fins du paragraphe 1, sont pertinents les intérêts en commun ou en conflit avec au moins les parties suivantes :

a)       la direction générale et les membres de l’organe de direction de l’entité pertinente ;

b)       les personnes physiques ou morales qui contrôlent l’entité pertinente ou détiennent une participation qualifiée dans celle-ci ;

c)       les créanciers que l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné a répertoriés comme étant d’importance significative en se fondant sur les informations à sa disposition ;

d)       chaque entité du groupe.

4. Aux fins du paragraphe 1, sont pertinents au moins les éléments suivants :

a)       la fourniture de services, y compris dans le passé, par l’évaluateur indépendant à l’entité pertinente et aux personnes visées au paragraphe 3, et notamment le lien entre ces services et les éléments pertinents pour la valorisation ;

b)       les relations personnelles et financières entre l’évaluateur indépendant et l’entité pertinente ainsi que les personnes visées au paragraphe 3 ;

c)       les investissements ou autres intérêts financiers significatifs de l’évaluateur indépendant ;

d)       en ce qui concerne les personnes morales, toute séparation structurelle ou autre dispositif mis en place pour remédier aux risques menaçant l’indépendance, tels que les risques d’autorévision, d’intérêt personnel, de représentation, de familiarité, de confiance ou d’intimidation, y compris les dispositifs permettant de distinguer les membres du personnel susceptibles de participer à la valorisation des autres membres du personnel.

[…] »

292    À titre liminaire, il convient de préciser que les requérantes ne contestent pas que les conditions prévues à l’article 38, points 1 et 2, du règlement délégué 2016/1075 étaient remplies par le cabinet évaluateur, à savoir qu’il possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour effectuer efficacement la valorisation 3 et qu’il était juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de Banco Popular.

293    Elles ne soutiennent pas non plus que le cabinet évaluateur avait un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec l’autorité publique pertinente, à savoir le CRU.

1)      Sur le premier grief, relatif aux liens entre le cabinet évaluateur et Banco Popular

294    Les requérantes soutiennent que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant de Banco Popular, en ce qu’il semble avoir fourni à celle-ci des services entre 2012 et 2016, y compris des services pertinents pour la valorisation 3. Le CRU n’aurait pas pris en compte l’existence de conflits d’intérêts importants entre le cabinet évaluateur et Banco Popular, en violation de l’article 41, paragraphe 4, du règlement délégué 2016/1075.

295    Premièrement, les requérantes font valoir que le cabinet évaluateur aurait été l’auditeur de Banco Popular en 2012.

296    À cet égard, d’une part, il suffit de constater qu’il ressort clairement des informations figurant sur le site Internet de la Comisión nacional del mercado de valores (CNMV, Commission nationale du marché des valeurs mobilières, Espagne), mentionnées par le CRU, que le cabinet évaluateur n’a pas été l’auditeur de Banco Popular entre 1991 et 2017.

297    D’autre part, l’argument des requérantes s’appuie sur une lecture erronée du document de la Banque d’Espagne du 28 septembre 2012 intitulé « Proceso de recapitalización y reestructuración bancaria » (processus de recapitalisation et de restructuration bancaires) qu’elles produisent en annexe de la requête.

298    En effet, le tableau extrait de ce document n’indique pas que le cabinet évaluateur était l’auditeur de Banco Popular en 2012, ce que les requérantes ont admis lors de l’audience. Il ressort de ce document que la Banque d’Espagne a confié au cabinet évaluateur des travaux relatifs à l’examen comptable du portefeuille de crédits et des actifs saisis ou reçus en paiement de dettes de Banco Popular et de trois autres banques, dans le cadre de l’évaluation indépendante du secteur bancaire espagnol réalisée en 2012.

299    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans sa déclaration d’absence de conflit d’intérêts du 22 mai 2017, mentionnée au point 273 ci-dessus, le cabinet évaluateur a spécifié qu’il n’était pas l’auditeur de Banco Popular.

300    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le cabinet évaluateur n’a pas fourni de services d’audit à Banco Popular.

301    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, en 2015, le cabinet évaluateur aurait conseillé Banco Popular sur la vente de Popular Banca Privada, SA (ci-après « Banca Privada »). Elles s’appuient sur un extrait du document d’enregistrement de Banco Popular de 2015, selon lequel « [e]n novembre 2015, [Banco] Popular avait chargé [le cabinet évaluateur] de vendre 40 % de sa filiale Banca Privada » et selon lequel « [à] la date de ce document, aucune vente n’a[vait] eu lieu et le pourcentage initial p[ouvai]t être différent ».

302    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa déclaration d’absence de conflit d’intérêts mentionnée au point 273 ci-dessus, le cabinet évaluateur a indiqué qu’il avait fourni un soutien en matière d’évaluation et de transaction à Banco Popular, mais que ces services ne constituaient pas un conflit d’intérêts dans la mesure où ils concernaient soit une assistance sur la vente d’actifs ou d’entreprises qui ne faisaient plus partie de la banque, soit un soutien à des opérations d’achat et de vente pour des transactions non significatives qui n’ont pas eu lieu ou qui n’avaient pas de valeur matérielle.

303    Il suffit de constater qu’il ressort de la valorisation 3 que, à la date de la résolution, Banca Privada était une filiale détenue par Banco Popular et que la transaction mentionnée par les requérantes n’avait pas eu lieu en 2015.

304    Troisièmement, les requérantes relèvent que, selon un article de presse, Banco Popular avait engagé le cabinet évaluateur en 2016 pour la conseiller sur la mise en œuvre de nouvelles normes réglementaires, à savoir la circulaire 4/2017 de la Banque d’Espagne et la norme IFRS 9, dont elles contestent l’utilisation dans la valorisation 3. De tels services seraient prévus au considérant 40 et à l’article 41, paragraphe 4, du règlement délégué 2016/1075.

305    Les requérantes s’appuient sur un article de El Mundo, du 13 février 2018, intitulé « [Le cabinet évaluateur] conseillait Angel Ron en 2016 sur la politique comptable de Banco Popular » ([le cabinet évaluateur] advised Angel Ron in 2016 on Banco Popular’s accounting policy), dont il ressort que le cabinet évaluateur avait été engagé en 2016 par Banco Popular pour des conseils techniques sur les conséquences de l’entrée en vigueur de la norme IFRS 9 sur les nouvelles dispositions réglementaires applicables à partir du 1er janvier 2018.

306    Il y a lieu de relever qu’il ressort de ce même article que le cabinet évaluateur a indiqué qu’à aucun moment il n’avait travaillé sur un quelconque aspect des provisions enregistrées par Banco Popular et qu’il s’agissait de conseils sur la manière dont la banque devait s’adapter à une nouvelle réglementation qui entrait en vigueur le 1er janvier 2018.

307    Les requérantes n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause ces affirmations du cabinet évaluateur concernant la nature des services fournis à Banco Popular dans le cadre de la mise en œuvre de la norme IFRS 9.

308    Partant, les requérantes n’ont pas établi que les services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Popular, tant dans le cadre du projet de vente de Banca Privada que dans celui de la mise en œuvre de la norme IFRS 9, avaient un lien avec les éléments pertinents aux fins de la valorisation 3, au sens de l’article 41, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075. Les requérantes n’expliquent pas dans quelle mesure ces services rendus par le cabinet évaluateur à Banco Popular par le passé seraient de nature à influencer le jugement de l’évaluateur dans la réalisation de la valorisation 3 et donc de nature à établir l’existence d’un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec Banco Popular, au sens de l’article 41, paragraphe 2, du même règlement délégué.

309    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, relatif aux liens entre le cabinet évaluateur et Banco Santander

310    Les requérantes font valoir que le cabinet évaluateur avait fourni des services de comptabilité à Banco Santander de 2002 à 2016 et était le principal auditeur du groupe Santander en 2015. Elles soutiennent que, contrairement à ce qu’a indiqué le CRU dans la décision attaquée, le fait que le cabinet évaluateur ait pu être indépendant le 23 mai 2017, date à laquelle le CRU lui a confié la mission d’évaluateur, n’est pas pertinent aux fins de la valorisation 3. Si le CRU ne pouvait pas prévoir la participation de Banco Santander à la procédure de résolution en mai 2017, il aurait dû prendre en considération ce facteur en juin 2017 lorsqu’il a chargé le cabinet évaluateur d’effectuer la valorisation 3. Le CRU aurait également dû tenir compte des services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Santander à la suite de la résolution de Banco Popular lors de l’intégration de celle-ci dans le groupe Santander.

311    Elles considèrent que les services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Santander sont pertinents au regard de l’article 41, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075, qui vise la fourniture de services préalables à une entité qui possède l’entité visée par la résolution.

312    À cet égard, il convient de relever que, lors de la procédure relative au droit d’être entendu, certains actionnaires et créanciers affectés ont présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur qui aurait été compromise par le fait que ce dernier avait fourni des services à Banco Santander avant et après la résolution de Banco Popular.

313    Premièrement, dans la décision attaquée, en réponse à ces commentaires, le CRU a considéré que les services d’audit fournis à Banco Santander par le cabinet évaluateur ne devaient pas être pris en compte dans l’appréciation de l’indépendance qu’il avait effectuée au moment de l’engagement de ce dernier le 23 mai 2017, dans la mesure où cette appréciation avait été effectuée à l’égard de Banco Popular. Le CRU a indiqué que, à cette date, l’appréciation de l’indépendance du cabinet évaluateur à l’égard des acquéreurs potentiels n’avait pas été effectuée dans la mesure où, d’une part, elle n’était pas envisagée par le cadre légal et, d’autre part, la procédure de valorisation était une procédure différente de la procédure de vente qui déterminait l’acquéreur. En particulier, le cabinet évaluateur n’avait pas eu accès aux informations relatives aux noms des acquéreurs potentiels ou à l’identité de l’acquéreur avant l’adoption du dispositif de résolution.

314    Le CRU a considéré que, compte tenu de la portée et du but de la valorisation 3, les services d’audit fournis par le passé à Banco Santander par le cabinet évaluateur n’interféraient pas avec l’indépendance de ce dernier s’agissant de la réalisation de la valorisation 3 et ne créaient pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. En particulier, il a relevé que la valorisation 3 concernait uniquement les actifs et les passifs de Banco Popular avant sa vente à Banco Santander et non ceux de Banco Santander.

315    Deuxièmement, le CRU a considéré que les services relatifs à l’intégration de Banco Popular fournis à Banco Santander par le cabinet évaluateur n’établissaient pas des intérêts communs ou contradictoires significatifs au sens de l’article 41, paragraphes 2 et 4, du règlement délégué 2016/1075, avec une personne pertinente au sens de l’article 41, paragraphe 3, du même règlement délégué.

316    D’une part, le CRU a estimé que, compte tenu de la portée et de l’objectif de la valorisation 3, les services fournis par le cabinet évaluateur après la date de la résolution concernant une entreprise en continuité d’exploitation ne pourraient pas affecter la valorisation 3 et les éléments qu’elle contient. De plus, il a relevé que la valorisation 3 ne pourrait pas affecter la position de Banco Popular ou de Banco Santander, dans la mesure où elle déterminait uniquement si un dédommagement par le biais du Fonds de résolution unique (FRU) devrait être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés.

317    D’autre part, le CRU a considéré que, en tout état de cause, après l’adoption du dispositif de résolution, le cabinet évaluateur avait donné des assurances supplémentaires afin de garantir que les services fournis à Banco Santander ne pouvaient pas donner lieu à des intérêts communs ou contradictoires significatifs actuels ou potentiels. Le CRU a relevé que, dans sa déclaration du 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur avait confirmé qu’aucun service fourni à Banco Santander n’était lié à l’évaluation des actifs ou des passifs qui faisaient l’objet de la valorisation 3, ni à l’information financière les concernant. De plus, il a indiqué que le cabinet évaluateur avait confirmé qu’il n’y avait pas de flux d’informations entre le travail de valorisation effectué et d’autres projets, étant donné les mesures de protection mises en place et ses protocoles de confidentialité.

318    En particulier, s’agissant des services relatifs à l’intégration de Banco Popular, le CRU a indiqué que le cabinet évaluateur avait suffisamment précisé que, même s’il avait fourni des services de conseil à Banco Santander, ceux-ci n’étaient pas liés aux services fournis au CRU, ne concernaient aucune question en rapport avec les services de valorisation fournis au CRU et ne comprenaient pas non plus de services d’évaluation ou juridiques liés à Banco Popular.

319    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa déclaration du 18 décembre 2019 d’absence de conflit d’intérêts, mentionnée au point 276 ci-dessus, le cabinet évaluateur a indiqué qu’il n’y avait pas de lien entre les services qu’il fournissait à Banco Santander et la valorisation 3 ou le document de clarification.

320    En application de l’article 41, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075, aux fins d’établir l’existence d’un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit au sens du paragraphe 1 de cet article, est pertinente la fourniture de services, y compris dans le passé, par l’évaluateur indépendant à l’entité pertinente et aux personnes visées au paragraphe 3, et notamment le lien entre ces services et les éléments pertinents pour la valorisation.

321    Or, il y a lieu de relever que les requérantes ne soulèvent aucun argument visant à remettre en cause les appréciations du CRU relatives à l’absence de lien entre, d’une part, les services d’audit et les services relatifs à l’intégration de Banco Popular fournis à Banco Santander par le cabinet évaluateur et, d’autre part, les éléments pertinents pour la valorisation 3, laquelle ne concernait que l’évaluation de Banco Popular et non celle de Banco Santander.

322    Les requérantes n’expliquent pas de quelle manière ces services auraient été de nature à influencer ou auraient pu être raisonnablement perçus comme influençant le jugement du cabinet évaluateur dans la réalisation de la valorisation 3, au sens de l’article 41, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

323    Par ailleurs, les requérantes soutiennent que le cabinet évaluateur aurait eu un intérêt financier significatif à ce que Banco Santander soit satisfait d’une valorisation négative de Banco Popular. Elles estiment que le fait que le dédommagement soit versé par le FRU et non par Banco Santander ne tiendrait pas compte du fait que, si les procédures pendantes devant le Tribunal visant à l’annulation du dispositif de résolution devaient aboutir, Banco Santander pourrait être contraint de payer un prix plus élevé pour Banco Popular. Il serait donc dans l’intérêt de Banco Santander que la valorisation 3 ne révèle pas une valeur des recouvrements de Banco Popular en cas d’insolvabilité plus élevée que celle figurant dans la valorisation 2.

324    Dans la décision attaquée, le CRU a relevé que, au regard de l’objectif de la valorisation 3, qui est de déterminer si les actionnaires et créanciers affectés auraient reçu un meilleur traitement dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité, celle-ci ne pourrait pas avoir d’effet sur la vente de Banco Popular et ne pourrait pas affecter la position de Banco Santander. Le CRU a estimé que la valorisation 3 n’avait d’effet qu’à son égard, dans la mesure où il devrait payer un dédommagement, par le biais du FRU, en cas de différence de traitement.

325    Il y a lieu de relever que les requérantes ne prétendent pas que le résultat de la valorisation 3 aurait une influence tant sur la légalité et la légitimité de la décision de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution que sur le résultat de cette résolution, à savoir sa vente à Banco Santander.

326    De plus, il convient de rappeler que la valorisation 2 avait un objet différent de celui de la valorisation 3, à savoir estimer la valeur de la totalité de Banco Popular pour un éventuel acquéreur dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. Ainsi, l’estimation de la valeur des actifs de Banco Popular dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité réalisée dans la valorisation 3 n’est pas susceptible de remettre en cause l’évaluation réalisée dans la valorisation 2.

327    Enfin, selon l’article 85, paragraphe 4, dernier alinéa, de la directive 2014/59, lorsqu’il est nécessaire de protéger les intérêts des tiers de bonne foi qui ont acquis des actions d’un établissement soumis à une procédure de résolution en vertu de l’utilisation d’instruments de résolution, l’annulation d’une décision d’une autorité de résolution n’affecte pas les actes administratifs adoptés ou les opérations conclues ultérieurement par l’autorité de résolution concernée sur la base de sa décision annulée.

328    Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’éventuelle annulation de la décision de résolution ne peut conduire à une modification des conditions de la vente de Banco Popular à Banco Santander. Dès lors, en toute hypothèse, la vente de Banco Popular à Banco Santander pour le prix d’un euro ne saurait être remise en cause et le résultat de la valorisation 3 est indifférent à cet égard.

329    Par ailleurs, lors de l’audience, les requérantes ont mentionné l’impact que l’annulation de la décision attaquée pourrait avoir sur des recours en matière pénale introduits devant les juridictions espagnoles.

330    À cet égard, il suffit de relever que la Cour a considéré que, tant l’action en responsabilité que l’action en nullité reviennent à exiger que l’établissement de crédit ou l’entreprise d’investissement soumis à la procédure de résolution, ou le successeur de ces entités, indemnise les actionnaires des pertes subies en conséquence de l’exercice, par une autorité de résolution, du pouvoir de dépréciation et de conversion à l’égard d’éléments de passif de cet établissement ou de cette entreprise, ou à exiger qu’il procède au remboursement total des sommes investies lors de la souscription d’actions qui ont été dépréciées du fait de cette procédure de résolution. De telles actions remettraient en cause toute la valorisation sur laquelle est fondée la décision de résolution puisque la composition du capital fait partie des données objectives de cette valorisation. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général Richard de la Tour aux points 82 et 95 de ses conclusions, la procédure même de résolution ainsi que les objectifs poursuivis par la directive 2014/59 seraient donc mis en échec [arrêt du 5 mai 2022, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular), C‑410/20, EU:C:2022:351, point 43].

331    Partant, dans la mesure où la valorisation 3, quel que soit son résultat, ne pouvait affecter la situation de Banco Santander, c’est à tort que les requérantes soutiennent que le cabinet évaluateur aurait eu un intérêt à la favoriser.

332    Il en ressort que les requérantes n’ont pas établi que le CRU avait commis une erreur manifeste en estimant que les services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Santander n’établissaient pas l’existence d’intérêts significatifs, réels ou potentiels, susceptibles d’influencer ou d’être raisonnablement perçus comme influençant son jugement, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

333    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, relatif au fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2

334    Les requérantes font valoir que la participation antérieure du cabinet évaluateur au processus de résolution a pu influencer son jugement. La valorisation 3 semblerait avoir été conçue pour parvenir à une conclusion conforme à l’évaluation de la différence de traitement figurant dans la valorisation 2. Elles considèrent que le CRU avait la possibilité de nommer un autre évaluateur.

335    Il convient de relever que ce grief concerne la seconde partie de la valorisation 2, qui contient une simulation d’un scénario de liquidation et a pour objet, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, d’estimer le traitement que chaque catégorie d’actionnaires et de créanciers aurait été susceptible de recevoir si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

336    Tout d’abord, il y a lieu de relever qu’aucune disposition du règlement no 806/2014 ni du règlement délégué 2016/1075 ne s’oppose explicitement à ce que les valorisations 2 et 3 soient réalisées par le même évaluateur.

337    Ensuite, il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure relative au droit d’être entendu, certains actionnaires et créanciers affectés ont présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur, laquelle aurait été compromise par le fait que ce dernier avait réalisé à la fois la valorisation 2 et la valorisation 3. Le CRU a relevé que certains d’entre eux soutenaient que le cabinet évaluateur cherchait à confirmer les conclusions de l’analyse du principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité, qu’il avait effectuée dans la valorisation 2.

338    Le CRU a indiqué que les valorisations 2 et 3 étaient réalisées dans des objectifs différents et utilisaient donc des approches différentes. La valorisation 2 visait, en application de l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, à éclairer la mesure de résolution en estimant la valeur économique de l’actif et du passif de Banco Popular à la date de la résolution, alors que la valorisation 3 visait à estimer le traitement des actionnaires et des créanciers affectés dans le cadre d’une hypothétique procédure d’insolvabilité, à savoir au regard d’une entreprise en cessation d’activité, conformément à l’article 20, paragraphe 18, sous a), du même règlement.

339    Le CRU a relevé que le cadre légal ne l’empêchait pas de désigner le même évaluateur pour réaliser différentes valorisations pour la même résolution et qu’une telle désignation ne portait pas atteinte en soi à l’indépendance de l’évaluateur.

340    Le CRU a indiqué que, alors que l’estimation ex ante du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés dans une hypothétique procédure d’insolvabilité, incluse dans la valorisation 2, avait été réalisée dans un délai spécifique et s’appuyait sur les informations dont disposait le cabinet évaluateur avant la résolution, à savoir principalement celles disponibles au 31 mars 2017, la valorisation 3 s’appuyait sur des informations plus fines au 6 juin 2017, à la date de la clôture des activités, lorsqu’elles étaient disponibles. Le CRU a considéré que, compte tenu des différentes informations sur lesquelles s’appuyaient ces évaluations, ainsi que de leur finalité différente, le cabinet évaluateur aurait très bien pu parvenir à des conclusions différentes.

341    Dans la décision attaquée, le CRU a également souligné que le cadre juridique applicable reconnaissait que l’estimation provisoire du traitement que les actionnaires et créanciers affectés auraient été susceptibles de recevoir si l’entité avait été liquidée dans le cadre de la valorisation 2 ne pouvait pas être aussi précise que celle figurant dans la valorisation 3 pour plusieurs raisons, à savoir, notamment, les contraintes de temps et le manque de données suffisamment proches de la date de la résolution dans le cadre de la valorisation 2. Ainsi, selon l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, la valorisation 2 inclurait une « estimation » de ce traitement, alors que, selon l’article 20, paragraphe 17, du même règlement, la valorisation 3 doit « établir » celui-ci. Le CRU a indiqué que le seul fait que l’estimation provisoire contenue dans la valorisation 2 et la valorisation 3 avaient des résultats similaires, mais étaient fondées sur des hypothèses différentes, ne pouvait pas être considéré en lui-même comme une preuve suffisante que la valorisation 3 n’aurait pas été effectuée conformément aux exigences légales.

342    En outre, d’une part, il y a lieu de relever que, dans la valorisation 2, le cabinet évaluateur a exprimé de nombreuses réserves quant à la fiabilité de la simulation du scénario de liquidation qu’elle contenait.

343    À cet égard, dans la valorisation 2, le cabinet évaluateur a précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations et données nécessaires ni du temps suffisant pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade. Il a indiqué, à plusieurs reprises, que la simulation du scénario de liquidation reposait sur de nombreuses incertitudes et que, lorsque des informations plus précises seraient disponibles, il serait en mesure d’affiner ses hypothèses et de préparer un scénario de liquidation plus « robuste » et plus fiable.

344    Les requérantes ne sauraient donc prétendre que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant au motif qu’il se serait estimé lié par les conclusions de la valorisation 2.

345    D’autre part, dans la valorisation 2, la simulation d’un scénario de liquidation de Banco Popular était fondée sur les données disponibles au 31 mars 2017 et prévoyait un scénario de trois ans. Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur s’est appuyé sur les informations financières non auditées au 6 juin 2017 ou, si elles n’étaient pas disponibles, sur celles du 31 mai 2017, pour établir trois scénarios temporels distincts de liquidation.

346    Ainsi, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur ne s’est pas contenté de confirmer le résultat de la simulation figurant dans la valorisation 2.

347    À cet égard, par exemple, dans la valorisation 2, le total de la réalisation des actifs de Banco Popular pour les créanciers, dans le cas d’un scénario de liquidation de trois ans, a été estimé entre 120,9 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 116,5 milliards d’euros pour la pire hypothèse. Dans la valorisation 3, pour le scénario de liquidation de trois ans, l’évaluation des actifs a conduit à un résultat différent, à savoir 101,546 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 97,593 milliards d’euros pour la pire hypothèse.

348    Le seul fait que le cabinet évaluateur soit arrivé à la même conclusion, à savoir que les actionnaires et créanciers affectés n’obtiendraient pas de recouvrement en cas de liquidation de Banco Popular, ne saurait suffire à établir qu’il s’est estimé tenu par son évaluation réalisée dans la valorisation 2 lorsqu’il a effectué la valorisation 3.

349    Il en ressort que l’argument des requérantes selon lequel le cabinet évaluateur aurait cherché dans la valorisation 3 à confirmer la valorisation 2 est contredit par le contenu de ces valorisations.

350    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi que le CRU avait estimé à tort que le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 ne permettait pas de remettre en cause son indépendance pour réaliser la valorisation 3 et sa désignation comme évaluateur indépendant. À cet égard, l’argument selon lequel le CRU aurait pu désigner un autre évaluateur est inopérant.

351    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

352    Il ressort de l’analyse de la seconde branche que les requérantes n’ont pas soulevé d’arguments susceptibles de remettre en cause la conclusion du CRU selon laquelle le cabinet évaluateur était indépendant au sens des articles 38 et 41 du règlement délégué 2016/1075.

353    Il s’ensuit que la seconde branche doit être rejetée, et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de ce que le CRU a indûment délégué au cabinet évaluateur les pouvoirs de décision que lui confère le règlement no 806/2014

354    Les requérantes font valoir que la décision attaquée, qui implique un large pouvoir discrétionnaire quant au dédommagement des actionnaires et des créanciers affectés par la décision de résolution, a été adoptée par le CRU sur la base de la valorisation 3 réalisée par une entité privée. Elles soutiennent que, dans la décision attaquée, le CRU se serait contenté de résumer la valorisation 3 et le document de clarification, à savoir les aspects essentiels de l’exercice du pouvoir de les dédommager ou non. La délégation au cabinet évaluateur de l’appréciation de toutes les questions relatives à la valorisation sans examen des données sous-jacentes ni des commentaires des actionnaires et des créanciers affectés et sans vérification des hypothèses manifestement incohérentes détaillées dans le premier moyen, serait contraire au principe posé par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

355    Les requérantes font valoir que le CRU n’a fourni aucune preuve qu’il avait effectué un examen plus que superficiel de la valorisation 3 et qu’il a examiné uniquement le document de clarification rédigé par le cabinet évaluateur et non les commentaires des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à la valorisation 3. Le CRU ne se serait pas écarté de la valorisation 3 et la décision de savoir si les actionnaires et créanciers affectés avaient droit à un dédommagement aurait été prise par le cabinet évaluateur, qui aurait exercé le pouvoir décisionnel du CRU. Elles considèrent que le principe posé par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), s’applique lorsque les pouvoirs du CRU, même s’il s’agit de pouvoirs d’exécution clairement définis, sont délégués au cabinet évaluateur sans une supervision appropriée du CRU.

356    À titre liminaire, il convient de relever que les traités ne comportent aucune disposition prévoyant l’octroi de compétences à un organe ou à une agence de l’Union. Ainsi, ni l’article 290 TFUE, qui prévoit la délégation de pouvoirs réglementaires à la Commission dans le cadre d’actes législatifs, ni l’article 291 TFUE, qui confère des compétences d’exécution aux États membres, à la Commission et, dans certaines circonstances précises, au Conseil, ne mentionnent les agences (conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2013:562, point 75).

357    C’est donc la jurisprudence et, notamment, l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), qui a posé les principes en matière de délégation de pouvoirs, puis l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), qui a appliqué ces principes au cas où des pouvoirs ont été conférés à une agence par le législateur de l’Union.

358    Au point 41 de l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18), la Cour a indiqué que, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), elle avait souligné, en substance, que les conséquences résultant d’une délégation de pouvoirs sont très différentes suivant que cette dernière visait, d’une part, des pouvoirs d’exécution nettement délimités et dont l’usage, de ce fait, était susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l’autorité délégante ou, d’autre part, un « pouvoir discrétionnaire, impliquant une large liberté d’appréciation, susceptible de traduire par l’usage qui en [était] fait une véritable politique économique ».

359    La Cour a ajouté avoir également indiqué, dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), qu’une délégation du premier type n’était pas susceptible de modifier sensiblement les conséquences qu’entraînait l’exercice des pouvoirs qu’elle affectait, alors qu’une délégation du second type, en substituant les choix de l’autorité délégataire à ceux de l’autorité délégante, opérait un « véritable déplacement de responsabilité ». Pour ce qui est de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), la Cour a alors jugé que la délégation de pouvoirs consentie par la Haute Autorité aux organismes en cause par sa décision no 14‑55, du 26 mars 1955, instituant un mécanisme financier permettant d’assurer l’approvisionnement régulier en ferraille du marché commun (JO 1955, 8, p. 685), leur conférait une « liberté d’appréciation qui impliquait un large pouvoir discrétionnaire » et ne saurait être tenue pour compatible avec les « exigences du traité » (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 42).

360    Il découle de cette jurisprudence que le règlement no 806/2014 peut conférer au CRU des pouvoirs d’exécution nettement délimités et dont l’usage, de ce fait, est susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs, mais qu’il ne saurait lui attribuer des compétences impliquant un pouvoir discrétionnaire, impliquant une large liberté d’appréciation.

361    Or, il y a lieu de relever que, en l’espèce, les requérantes ne soulèvent pas une exception d’illégalité du règlement no 806/2014. Elles ne soutiennent pas que le CRU, en tant qu’agence de l’Union, a exercé un pouvoir discrétionnaire qui aurait dû être exercé par une institution de l’Union. Les requérantes ne font pas non plus valoir que les compétences d’exécution du CRU ne sont pas clairement délimitées dans le règlement no 806/2014 ni que le CRU aurait violé le règlement no 806/2014 en ce qu’il aurait agi en dehors des pouvoirs qui lui sont conférés par ce règlement.

362    Il en ressort que les arguments des requérantes visant à reprocher au CRU d’avoir conféré un pouvoir décisionnel au cabinet évaluateur ne sauraient établir une violation des principes relatifs à la délégation de pouvoir posés dans l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

363    Par ailleurs, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le CRU aurait délégué au cabinet évaluateur son pouvoir décisionnel, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la décision de ne pas accorder de dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés a été adoptée par le CRU et non par le cabinet évaluateur.

364    Ensuite, l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014 prévoit expressément que le CRU, afin de décider si les actionnaires et créanciers affectés peuvent bénéficier d’un dédommagement, doit s’appuyer sur les résultats d’une valorisation indépendante prévue à l’article 20, paragraphe 16, du même règlement. En outre, le contenu de cette valorisation est encadré par l’article 20, paragraphes 17 et 18, du règlement no 806/2014 et les critères relatifs à la méthode de valorisation de la différence de traitement sont prévus par le règlement délégué 2018/344.

365    Ainsi, en application du règlement no 806/2014, les aspects économiques et techniques de l’évaluation du traitement dont les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité devaient être appréciés par un évaluateur indépendant et non par le CRU lui-même. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait, pour le CRU, d’avoir confié au cabinet évaluateur la réalisation de la valorisation 3 ne saurait être interprété comme une délégation de son pouvoir d’adopter la décision.

366    Enfin, le CRU, avant d’adopter une décision relative à un éventuel dédommagement des actionnaires et des créanciers affectés, doit vérifier que la valorisation effectuée par l’expert indépendant respecte les exigences du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2018/344 et, également, que cet expert répond aux exigences d’indépendance prévues par le règlement délégué 2016/1075.

367    À cet égard, d’une part, il convient de relever que le fait que le CRU ait approuvé les conclusions de la valorisation 3 ne saurait être interprété comme une absence de contrôle par celui-ci du respect des exigences auxquelles l’évaluateur indépendant doit se conformer lorsqu’il réalise sa valorisation.

368    D’autre part, l’argument des requérantes selon lequel le CRU se serait contenté de résumer la valorisation 3 et le document de clarification et selon lequel il n’aurait pas examiné les commentaires des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à la valorisation 3 est contredit par le contenu de la décision attaquée.

369    En effet, sous le titre 4 de la décision attaquée, le CRU a apprécié l’indépendance du cabinet évaluateur au regard des exigences de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075 et, sous le titre 6.2.1 de la décision attaquée, il a répondu aux « commentaires relatifs à l’indépendance de l’évaluateur ».

370    Sous le titre 5 « valorisation 3 » de la décision attaquée, le CRU, après avoir résumé le contenu de la valorisation 3, a considéré que celle-ci remplissait les exigences du cadre légal applicable, notamment celles prévues à l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014 et à l’article 3, à l’article 4, paragraphes 1 à 5, ainsi qu’à l’article 6, sous a) et b), du règlement délégué 2018/344, et qu’elle était suffisamment motivée et compréhensible pour constituer le fondement d’une décision au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

371    Sous le titre 6.2.2 de la décision attaquée, le CRU a répondu aux « commentaires relatifs au contenu de la valorisation 3 » et concernant, notamment, les informations et hypothèses utilisées dans la valorisation 3 ainsi que le scénario de liquidation et la méthodologie pris en compte par le cabinet évaluateur. S’agissant de l’évaluation des différentes catégories d’actifs effectuée dans la valorisation 3, le CRU a examiné si celle-ci demeurait valable au regard des commentaires des actionnaires et des créanciers affectés et du document de clarification.

372    Il ressort de ce qui précède que les requérantes soutiennent à tort que le CRU aurait indûment délégué au cabinet évaluateur les pouvoirs de décision que lui confère le règlement no 806/2014.

373    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

374    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.

375    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume d’Espagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Bybrook Capital Badminton Fund LP est autorisée à se substituer à Cairn Global Funds PLC et à Cairn Special Opportunities Credit Master Fund Limited, en tant que partie requérante.

2)      PIMCO Global Cross-asset Opportunities Master Fund LDC est autorisée à se substituer à PHFS series SPC - PHSF VII SP, en tant que partie requérante.

3)      Le recours est rejeté.

4)      ACMO Sàrl et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique (CRU).

5)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

van der Woude

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur le fond

1. Observations liminaires

a) Sur l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal

b) Sur la recevabilité des éléments de preuve produits en annexe de la réplique

2. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’évaluation de la durée de la période d’insolvabilité, des prêts performants, des prêts non performants, des actifs immobiliers et des risques juridiques de Banco Popular

a) Sur la première branche, relative à la durée du scénario de liquidation

1) Sur le premier grief, tiré d’une compréhension erronée de la loi 22/2003

2) Sur le second grief, tiré de la non-prise en compte d’une période de liquidation plus longue

b) Sur la deuxième branche, relative à la valorisation des prêts performants

1) Sur le premier grief, relatif au reclassement des prêts performants en prêts non performants

2) Sur le deuxième grief, relatif aux hypothèses de remboursement anticipé des prêts performants

i) S’agissant des prêts performants aux entreprises

ii) S’agissant des prêts performants hypothécaires

3) Sur le troisième grief, relatif aux nouveaux défauts de paiements des prêts performants restants

4) Sur le quatrième grief, relatif au taux d’actualisation sur la vente du reliquat du portefeuille de prêts performants

c) Sur la troisième branche, relative à la valorisation des prêts non performants

d) Sur la quatrième branche, relative à la valorisation des actifs immobiliers

e) Sur la cinquième branche, relative à la valorisation des risques juridiques

3. Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation en désignant le cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant

a) Sur la première branche, tirée de ce que le CRU n’a pas examiné l’indépendance du cabinet évaluateur

b) Sur la seconde branche, tirée de ce que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant au sens de l’article 38 du règlement délégué 2016/1075

1) Sur le premier grief, relatif aux liens entre le cabinet évaluateur et Banco Popular

2) Sur le deuxième grief, relatif aux liens entre le cabinet évaluateur et Banco Santander

3) Sur le troisième grief, relatif au fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2

4. Sur le troisième moyen, tiré de ce que le CRU a indûment délégué au cabinet évaluateur les pouvoirs de décision que lui confère le règlement no 806/2014

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.