Language of document : ECLI:EU:T:2023:734

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

22 novembre 2023 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Résolution de Banco Popular Español – Décision du CRU refusant d’accorder un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution – Valorisation de la différence de traitement – Indépendance de l’évaluateur »

Dans l’affaire T‑304/20,

Laura Molina Fernández, demeurant à Madrid (Espagne), représentée par Mes S. Rodríguez Bajón, A. Gómez-Acebo Dennes et A. Ruiz Ojeda, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes M. Fernández Rupérez, A. Lapresta Bienz, MM. L. Forestier et J. Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, V. Del Pozo Espinosa de los Monteros et L. Hesse, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. M. van der Woude, président, G. De Baere (rapporteur), Mme G. Steinfatt, M. K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Laura Molina Fernández, demande l’annulation de la décision SRB/EES/2020/52 du Conseil de résolution unique (CRU), du 17 mars 2020, visant à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular Español, SA (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante était actionnaire de Banco Popular Español (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.

3        Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

4        Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, le 23 mai 2017, à la suite d’une procédure d’appel d’offres, le CRU a engagé le cabinet Deloitte Réviseurs d’Entreprises en tant qu’évaluateur (ci-après le « cabinet évaluateur ») dans le cadre de la préparation d’une éventuelle résolution de Banco Popular. Le cabinet évaluateur s’est vu attribuer un contrat spécifique à la suite d’une mise en concurrence dans le cadre d’un contrat-cadre multiple de services que le CRU avait signé avec six cabinets, dont le cabinet évaluateur. Conformément au contrat spécifique, la mission du cabinet évaluateur comprenait la réalisation d’une valorisation de Banco Popular préalablement à une éventuelle résolution ainsi que la valorisation de la différence de traitement prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement n° 806/2014, postérieurement à une résolution potentielle.

5        Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation, en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

6        Le 6 juin 2017, le cabinet évaluateur a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

7        Dans le dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution. Le CRU a décidé de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular en application de l’article 21 du règlement no 806/2014 et d’appliquer l’instrument de cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur.

8        Le CRU a décidé d’annuler 100 % des actions de Banco Popular, de convertir et de déprécier la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular en « nouvelles actions II ». Au terme d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), les « nouvelles actions II » ont été transférées à Banco Santander SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Par la suite, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular le 28 septembre 2018, dans le cadre d’une fusion par absorption.

9        Le 7 juin 2017, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p.15).

10      Le 14 juin 2018, le cabinet évaluateur a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, le cabinet évaluateur a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

11      Le cabinet évaluateur a estimé, dans la valorisation 3, le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où le dispositif de résolution a été adopté. Il a procédé à cette évaluation dans le cadre d’un scénario de liquidation en appliquant la Ley 22/2003, Concursal (loi 22/2003 sur la faillite), du 9 juillet 2003 (BOE no 164, du 10 juillet 2003, p. 26905).

12      Le cabinet évaluateur a indiqué que le scénario de liquidation hypothétique avait été préparé en s’appuyant sur les informations financières non auditées du 6 juin 2017 ou, si elles n’étaient pas disponibles, sur celles du 31 mai 2017. Il a estimé que l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité pour Banco Popular le 7 juin 2017 aurait abouti à une liquidation non planifiée. Afin d’apprécier les valeurs de réalisation des actifs, le cabinet évaluateur a pris en compte trois scénarios temporels de liquidation alternatifs, de 18 mois, de 3 ans et de 7 ans, comprenant chacun une meilleure et une pire hypothèse. Il a conclu que, dans chacune de ces hypothèses, pour les actionnaires affectés et les créanciers subordonnés, aucun recouvrement n’aurait été attendu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité et qu’il n’existait donc pas de différence de traitement par rapport à celui résultant de la mesure de résolution.

13      Le 6 août 2018, le CRU a publié, sur son site Internet, son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers qui ont fait l’objet des mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure du droit d’être entendu (SRB/EES/2018/132) (ci-après la « décision préliminaire »), ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).

14      Dans la décision préliminaire, le CRU a considéré qu’il ressortait de la valorisation 3 qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont avaient réellement fait l’objet les actionnaires et créanciers affectés du fait de la résolution de Banco Popular et celui dont ils auraient bénéficié si cette dernière avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Le CRU a décidé, à titre préliminaire, qu’il n’était pas tenu de verser un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

15      Pour lui permettre de prendre une décision finale sur la nécessité ou non d’accorder aux actionnaires et aux créanciers affectés un dédommagement, le CRU les a invités à lui faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au regard de la décision préliminaire, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

16      Le CRU a indiqué que la procédure relative au droit d’être entendu se déroulerait en deux phases.

17      Dans une première phase, la phase d’inscription, les actionnaires et créanciers affectés étaient invités à faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au moyen d’un formulaire d’inscription en ligne dédié ouvert jusqu’au 14 septembre 2018. Ensuite, le CRU devait vérifier si chaque partie ayant manifesté son intérêt avait le statut d’actionnaire ou de créancier affecté. Les actionnaires et créanciers affectés intéressés devaient apporter une preuve de leur identité et une preuve qu’ils détenaient, le 6 juin 2017, un ou des instruments de capital de Banco Popular qui ont été dépréciés ou convertis et transférés dans le cadre de la résolution.

18      Dans une seconde phase, la phase de consultation, les actionnaires et créanciers affectés qui avaient fait part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au cours de la première phase et dont le statut avait été vérifié par le CRU, pouvaient soumettre leurs commentaires sur la décision préliminaire à laquelle était annexée la valorisation 3.

19      Le 16 octobre 2018, le CRU a annoncé que les actionnaires et créanciers éligibles seraient invités à soumettre leurs commentaires écrits sur la décision préliminaire à partir du 6 novembre 2018. Le 6 novembre 2018, le CRU a envoyé aux actionnaires et aux créanciers éligibles un lien personnel unique donnant accès sur Internet à un formulaire leur permettant de présenter, jusqu’au 26 novembre 2018, des commentaires sur la décision préliminaire ainsi que sur la version non confidentielle de la valorisation 3.

20      À l’issue de la phase de consultation, le CRU a examiné les commentaires pertinents des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à la décision préliminaire. Il a demandé au cabinet évaluateur de lui fournir un document contenant son évaluation des commentaires pertinents relatifs à la valorisation 3 et d’examiner si la valorisation 3 restait valable à la lumière de ces commentaires.

21      Le 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur a fourni au CRU son évaluation intitulée « Document de clarification sur la valorisation de la différence de traitement » (ci-après le « document de clarification »). Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a confirmé que la stratégie et les différents scénarios de liquidation hypothétiques détaillés dans la valorisation 3 ainsi que les méthodologies suivies et les analyses menées restaient valables.

22      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision attaquée. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2).

23      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences prévues à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et au chapitre IV du règlement délégué (UE) 2016/1075 de la Commission, du 23 mars 2016, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l’autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l’indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l’avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution (JO 2016, L 184, p. 1).

24      Sous le titre 5 « valorisation 3 » de la décision attaquée, le CRU a résumé le contenu de la valorisation 3 et a estimé qu’elle était conforme au cadre légal applicable et était suffisamment motivée et complète pour constituer le fondement d’une décision prise au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014. Il a considéré que la valorisation 3 évaluait les éléments nécessaires prévus à l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014 et dans le règlement délégué (UE) 2018/344 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant les critères relatifs aux méthodes de valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la procédure de résolution (JO 2018, L 67, p. 3).

25      Sous le titre 6 de la décision attaquée, le CRU a présenté les « commentaires transmis par les actionnaires et créanciers affectés ainsi que leur évaluation ». Sous le titre 6.1 « évaluation de la pertinence » de la décision attaquée, le CRU a expliqué que certains de ces commentaires, qui n’étaient relatifs ni à sa décision préliminaire ni à la valorisation 3, n’étaient pas pertinents dans la mesure où ils ne relevaient pas de la procédure relative au droit d’être entendu. Sous le titre 6.2 de la décision attaquée, il a procédé à l’« examen des commentaires pertinents » transmis par les actionnaires et créanciers affectés, relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur et au contenu de la valorisation 3, regroupés par thème.

26      Le CRU a conclu qu’il ressortait de la valorisation 3, lue conjointement avec le document de clarification et les conclusions énoncées sous le titre 6.2 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés avaient réellement fait l’objet et celui dont ils auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution.

27      En conséquence, le CRU a décidé :

« Article 1

Valorisation

Dans le but de déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […], la valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la résolution, prévue à l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, est établie conformément à l’annexe I de la présente décision, en combinaison avec le document de clarification […] figurant en annexe II de la présente décision.

Article 2

Dédommagement

Les actionnaires et créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […] n’ont pas droit à un dédommagement du Fonds de résolution unique en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

Article 3

Destinataire de la décision

Cette décision est adressée au FROB, en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3), du règlement no 806/2014. »

 Conclusions des parties

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

29      Le CRU, soutenu par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

30      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Par un premier moyen, la requérante fait valoir que la valorisation 3 n’a pas été réalisée par un évaluateur indépendant, en violation de l’article 20 du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075. Par un deuxième moyen, la requérante fait valoir l’existence d’erreurs contenues dans la valorisation 3. Par un troisième moyen, la requérante soutient que la valorisation 3 s’appuie sur une base erronée concernant l’état financier de Banco Popular au moment de sa résolution.

31      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

32      D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche [voir arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 105 et jurisprudence citée].

33      D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente [voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 106 et jurisprudence citée].

34      Les décisions du CRU qui visent à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard d’une entité étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 32 et 33 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

35      Or, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées [voir arrêts du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 117 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 108 et jurisprudence citée].

36      À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cette décision [voir, par analogie, arrêts du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 72, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 109 et jurisprudence citée].

37      Par conséquent, un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêts du 27 septembre 2018, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE, T‑116/17, non publié, EU:T:2018:614, point 39 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 76 et jurisprudence citée).

38      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’erreurs contenues dans la valorisation 3

39      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le CRU, dans la décision attaquée, et le cabinet évaluateur, dans la valorisation 3, lorsqu’ils ont déterminé si les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité au moment où le dispositif de résolution a été adopté, ont commis une erreur en se fondant sur un scénario hypothétique selon lequel Banco Popular aurait été liquidée en tant qu’entreprise en cessation d’activité.

40      La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, le CRU s’est appuyé sur une prémisse erronée dans la mesure où l’article 20, paragraphe 18, du règlement no 806/2014 n’indique pas que le traitement des actionnaires et des créanciers affectés dans une hypothétique procédure d’insolvabilité doit être évalué au regard d’un critère selon lequel l’entité soumise à la résolution serait en cessation d’activité. Or, la valorisation serait différente selon que l’on se fonde sur un critère de liquidation, à savoir la cessation d’activité, ou sur un critère de continuité d’exploitation, à savoir la poursuite de l’activité.

41      Elle soutient que la référence à la procédure normale d’insolvabilité dans le règlement no 806/2014 doit être comprise comme visant la procédure réglementée par la législation espagnole, à savoir la loi 22/2003. Elle relève que, selon l’article 44, paragraphe 1, de la loi 22/2003, « la déclaration de faillite n’interrompt pas la poursuite de l’activité professionnelle ou commerciale exercée par le débiteur », ce qui signifierait que, en droit espagnol, le fait que le débiteur se trouve en situation d’insolvabilité déclarée ne conduit pas à la cessation d’activité ni à la liquidation de son patrimoine. De même, l’article 100, paragraphe 3, de la loi 22/2003 établirait une solution préservatrice et de poursuite de l’activité par le biais d’un concordat. Cette loi prévoirait la vente, en tout ou partie, de l’unité d’exploitation sous un régime de continuité, totale ou partielle, de l’exploitation, conformément à un critère d’entreprise en activité, et non de liquidation d’actifs non productifs, ce qui serait expressément exclu. La loi 22/2003 imposerait la poursuite de l’activité quelle que soit la phase de la procédure de faillite. Dans la décision attaquée, le CRU aurait commis une erreur d’appréciation et une interprétation erronée de la loi 22/2003 en considérant que la procédure d’insolvabilité prévue par cette loi aurait conduit à la liquidation de l’entité.

42      En outre, la requérante soutient que le critère de liquidation, utilisé par le cabinet évaluateur dans la valorisation 3 et approuvé par le CRU dans la décision attaquée, est incompatible avec la résolution telle que définie par le règlement no 806/2014, notamment avec son objectif visant à assurer la continuité des fonctions critiques de l’établissement, et avec l’instrument de résolution utilisé par le CRU, à savoir la vente de Banco Popular en tant qu’entreprise en continuité d’exploitation. Elle estime que la différence de traitement se fonde sur un exercice hypothétique de comparaison de deux procédures permettant le redressement des établissements de crédit. L’appréciation de la différence de traitement dans la valorisation 3 supposant de comparer des opérations équivalentes, il conviendrait, pour procéder à une valorisation appropriée dans un scénario d’insolvabilité, de s’appuyer sur une hypothèse semblable à celle retenue dans la résolution, à savoir la poursuite des activités de l’entité.

43      Dans la décision attaquée, le CRU a relevé que, selon l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, la valorisation 3 devait déterminer si les actionnaires et créanciers affectés avaient été moins bien traités dans le cadre de la résolution qu’ils ne l’auraient été si Banco Popular avait été « liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité ». Il a relevé, à l’instar du cabinet évaluateur dans le document de clarification (point 5.1.5), que la Ley 11/2015 de recuperación y resolución de entidades de crédito y empresas de servicios de inversión (loi 11/2015 de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises de services d’investissement), du 18 juin 2015 (BOE no 146, du 19 juin 2015, p. 50797), qui transpose la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), prévoit spécifiquement que la valorisation de la différence de traitement doit être effectuée en supposant que l’entité est entrée dans une procédure de liquidation.

44      En premier lieu, s’agissant des dispositions pertinentes du règlement no 806/2014, il convient de rappeler que la valorisation prévue à l’article 20, paragraphe 16, de ce règlement vise à déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité.

45      En application de l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014, la valorisation visée au paragraphe 16 de ce même article établit la différence de traitement entre le traitement réel dont les actionnaires et les créanciers ont fait l’objet dans le cadre de la résolution et le traitement dont ils auraient bénéficié si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise.

46      Cette valorisation vise à mettre en œuvre le principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, énoncé à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014 qui prévoit qu’« aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si une entité visée à l’article 2 avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité conformément aux mesures de sauvegarde prévues à l’article 29 ».

47      En application de ce principe, l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014 indique que le CRU peut recourir au Fonds de résolution unique (FRU) afin de « dédommager les actionnaires ou créanciers si, à la suite d’une valorisation réalisée en vertu de l’article 20, paragraphe 5, ils ont subi des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies, à la suite d’une valorisation effectuée en vertu de l’article 20, paragraphe 16, lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité ».

48      Ainsi, il ressort clairement des dispositions précitées du règlement no 806/2014 que, contrairement à ce que soutient la requérante, la référence, figurant à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, au traitement dont les actionnaires et créanciers de l’entité auraient bénéficié si celle-ci avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité renvoie à leur traitement hypothétique en cas de liquidation de l’entité.

49      En outre, selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/344, la méthode pour réaliser la valorisation du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers à l’égard desquels des mesures de résolution ont été exécutées, si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité à la date de la décision de résolution, consiste uniquement à déterminer le montant actualisé des flux de trésorerie attendus dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité. Les facteurs à prendre en considération pour évaluer ces flux de trésorerie, énoncés à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement délégué 2018/344, visent à déterminer la valeur des actifs, selon qu’ils sont négociés ou non sur un marché actif, dans le cadre d’une cession hypothétique. L’article 4, paragraphe 8, du règlement délégué 2018/344 prévoit également que le produit hypothétique résultant de la valorisation est réparti entre les actionnaires et les créanciers en fonction de leur rang de priorité en vertu du droit applicable en matière d’insolvabilité.

50      Il en ressort que la méthode de valorisation du traitement dont les actionnaires et créanciers auraient bénéficié dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité définie dans le règlement délégué 2018/344 correspond à la réalisation des actifs de l’établissement et donc à une liquidation telle qu’elle est définie à l’article 3, paragraphe 1, point 42, du règlement no 806/2014.

51      Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la différence de traitement soit appréciée en comparant le traitement réel dont les actionnaires et créanciers affectés ont fait l’objet du fait de la résolution avec un scénario hypothétique dans lequel l’entité ferait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité n’implique pas que ce scénario contrefactuel doive s’appuyer sur une hypothèse semblable à celle retenue dans la résolution, à savoir la poursuite des activités de l’entité.

52      Il y a lieu de relever que cet argument résulte d’une compréhension erronée du mécanisme de dédommagement des actionnaires et des créanciers d’une entité soumise à une mesure de résolution mis en place par le règlement no 806/2014.

53      À cet égard, le considérant 62 du règlement no 806/2014 indique :

« Les atteintes aux droits de propriété ne devraient pas être disproportionnées. Les actionnaires et les créanciers affectés ne devraient donc pas subir de pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies si l’entité avait été liquidée au moment où la résolution a été décidée. Si une partie des actifs d’un établissement soumis à une procédure de résolution est transférée à un acheteur privé ou à un établissement-relais, la partie restante de l’établissement soumis à une procédure de résolution devrait être liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité. Afin de protéger les actionnaires existants et les créanciers de l’entité lors de la procédure de liquidation, il convient de leur reconnaître le droit à un remboursement de leurs créances qui ne soit pas inférieur à ce qu’ils auraient recouvré si l’entité dans son ensemble avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité. »

54      Selon l’article 20, paragraphe 18, sous a) et b), du règlement no 806/2014, la valorisation de la différence de traitement prévue à l’article 20, paragraphe 16, du même règlement part de l’hypothèse qu’un établissement soumis à une procédure de résolution à l’égard duquel une ou plusieurs mesures de résolution ont été exécutées aurait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise ainsi que de l’hypothèse que la ou les mesures de résolution n’ont pas été exécutées.

55      Il convient également de rappeler que l’adoption d’une mesure de résolution à l’égard d’une entité suppose que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies, à savoir que l’entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible, qu’il n’existe pas d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles susceptibles d’empêcher sa défaillance dans un délai raisonnable et que la mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public. Selon l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution, alors qu’une liquidation de l’entité selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure. Ainsi que l’indique la requérante, l’adoption d’un mécanisme de résolution a notamment pour objectif, en application de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du même règlement, d’assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité.

56      Comme l’admet la requérante, une mesure de résolution constitue une alternative à la liquidation d’une entité lorsque l’intérêt public l’exige.

57      Aux termes de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, visant à mettre en œuvre le principe visé à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du même règlement, les actionnaires et les créanciers se voient reconnaître le droit, lors de la procédure de résolution, à un remboursement ou à une indemnisation de leurs créances qui ne soit pas inférieur à l’estimation de ce qu’ils auraient récupéré si l’ensemble de l’établissement ou de l’entreprise en cause avait été liquidé dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité [voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2022, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular), C‑410/20, EU:C:2022:351, point 48].

58      Il s’ensuit que, pour établir la différence de traitement, la comparaison porte sur le traitement réel dont les actionnaires et créanciers affectés ont fait l’objet du fait de la résolution et sur l’évaluation de leur situation dans l’hypothèse où la mesure de résolution n’aurait pas été adoptée, à savoir l’hypothèse où l’entité aurait été liquidée. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’appréciation de la différence de traitement ne suppose pas la comparaison de deux situations semblables, mais de deux alternatives. La requérante soutient donc également à tort que le scénario contrefactuel viserait, à l’instar de la résolution, une procédure permettant d’assurer la continuité des fonctions critiques des établissements de crédit et leur redressement et qu’il devrait s’appuyer sur la même hypothèse que celle retenue dans le dispositif de résolution.

59      En deuxième lieu, s’agissant de la législation nationale applicable, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la loi 22/2003, qui régit la procédure normale d’insolvabilité en Espagne, n’est pas le seul texte du droit espagnol applicable à la valorisation de la différence de traitement.

60      En effet, le Real Decreto 1012/2015 por el que se desarrolla la Ley 11/2015, y por el que se modifica el Real Decreto 2606/1996, de 20 de diciembre, sobre fondos de garantía de depósitos de entidades de crédito (décret royal 1012/2015 portant application de la loi 11/2015 et portant modification du décret royal 2606/1996, du 20 décembre 1996, relatif aux fonds de garantie de dépôts d’établissements de crédit), du 6 novembre 2015 (BOE no 267, du 7 novembre 2015, p. 105911), qui transpose la directive 2014/59, contient des dispositions spécifiques à l’évaluation de la différence de traitement.

61      Or, comme l’indique le Royaume d’Espagne, le législateur espagnol, lorsqu’il a réglementé l’évaluation de la différence de traitement, n’a pas envisagé d’autre hypothèse que celle de la liquidation selon la procédure normale d’insolvabilité.

62      En effet, l’article 10, paragraphe 2, du décret royal 1012/2015 prévoit que la valorisation doit déterminer le traitement que les actionnaires et créanciers auraient reçu si l’entité ayant fait l’objet d’une résolution avait été soumise à une procédure de liquidation au moment de l’adoption de la décision de résolution.

63      À cet égard, l’article 10, paragraphe 3, sous a), du décret royal 1012/2015 indique que l’évaluation part de l’hypothèse que l’entité à laquelle les mesures de résolution ont été appliquées aurait été liquidée dans le cadre de la procédure d’insolvabilité au moment où la décision de résolution a été prise.

64      Ainsi, dans le cadre de l’appréciation de la différence de traitement à la suite d’une résolution décidée par le FROB, le droit espagnol prévoit que le scénario contrefactuel est un scénario de liquidation de l’entité prenant en compte les dispositions de la loi 22/2003 relatives à la liquidation.

65      À cet égard, comme le relève le Royaume d’Espagne, la notion de « liquidation », visée aux articles 148 et 149 de la loi 22/2003, consiste en la réalisation des biens et des droits de l’entreprise faillie afin de satisfaire les créanciers avec ce qui a été obtenu et correspond à la définition figurant à l’article 3, paragraphe 1, point 42, du règlement no 806/2014.

66      En outre, comme l’indique le CRU, l’article 100 de la loi 22/2003 relatif au concordat, mentionné par la requérante, est inclus dans le titre V de cette loi intitulé « Des phases de liquidation ou de concordat ». Il en ressort que la loi 22/2003, qui est la loi générale sur la faillite, prévoit qu’un concordat avec les créanciers constitue une solution alternative à la liquidation à l’issue de la phase commune de la procédure de faillite.

67      Dès lors, le décret royal 1012/2015, en prévoyant expressément que la différence de traitement doit être appréciée en prenant en compte l’hypothèse selon laquelle l’entité est entrée en phase de liquidation, a exclu la possibilité de l’application de la solution alternative consistant dans un concordat avec les créanciers.

68      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de la législation espagnole applicables prévoient que la détermination de la différence de traitement doit s’appuyer sur un scénario de liquidation, ce qui exclut la possibilité d’un scénario reposant sur une continuité d’exploitation de l’entité et sur un concordat avec les créanciers.

69      En troisième lieu, en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, dans l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, l’alternative consistait en la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité [arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 421].

70      À cet égard, dans la décision attaquée, le CRU a relevé que, conformément à la valorisation 3, au regard des circonstances de l’espèce et, en particulier, de l’incapacité de Banco Popular de s’acquitter de ses dettes à l’échéance, l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution aurait conduit à une liquidation de Banco Popular, qui aurait impliqué une réalisation accélérée des actifs, sans prix minimum contraignant, et le paiement de la réalisation nette aux créanciers conformément à la hiérarchie établie par la loi 22/2003.

71      Il convient également de mentionner que l’argument de la requérante selon lequel le scénario contrefactuel à la mesure de résolution n’impliquait pas nécessairement l’hypothèse d’une liquidation de Banco Popular avait déjà été soulevé par certains actionnaires et créanciers affectés dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu.

72      Dans la décision attaquée, le CRU a relevé qu’ils avaient prétendu soit qu’une solution issue du secteur privé aurait pu être trouvée soit que le scénario contrefactuel aurait dû s’appuyer sur la vente de Banco Popular en tant qu’entreprise en activité, puisque celle-ci était toujours en activité sur le marché à la date de l’adoption du dispositif de résolution. En particulier, le CRU a indiqué que certains actionnaires et créanciers affectés soutenaient que les créanciers auraient pu conclure un accord (un concordat) qui aurait empêché la liquidation de Banco Popular. D’autres avaient noté que la procédure d’insolvabilité espagnole prévoyait la possibilité d’une insolvabilité préétablie, par laquelle les actifs viables de l’entité étaient séparés et vendus en tant qu’entreprise en activité. Ils ont affirmé que cette solution aurait dû être envisagée par le cabinet évaluateur, lors de la définition de la stratégie de liquidation, puisqu’elle aurait permis de mieux préserver la valeur de franchise de Banco Popular.

73      Le CRU a relevé que, sans préjudice des exigences prévues par le règlement no 806/2014 et par le droit national applicable, le cabinet évaluateur avait expliqué, dans le document de clarification, les raisons pour lesquelles il n’était pas possible, dans le cas de Banco Popular, de réaliser une vente en tant qu’entreprise en activité (par le biais d’une procédure d’insolvabilité préétablie ou autrement), ni d’organiser un concordat. À cet égard, d’une part, le cabinet évaluateur avait indiqué que, eu égard à la situation de liquidité de Banco Popular à la date de la résolution et à l’évaluation de la Banque centrale européenne (BCE) sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, cette dernière ne pourrait pas continuer à fonctionner pendant que des négociations seraient entreprises, entraînant une destruction de valeur significative. Le CRU a ajouté qu’une lettre du directeur général de Banco Popular, du 6 juin 2017, corroborait la conclusion selon laquelle la situation de liquidité de Banco Popular ne lui permettait pas de poursuivre ses activités. D’autre part, le cabinet évaluateur avait considéré que l’agrément bancaire de Banco Popular aurait été révoqué, dans la mesure où les conditions de son retrait prévues par la législation espagnole auraient été remplies. Il avait indiqué que l’agrément bancaire était nécessaire pour accepter les dépôts des clients, qui étaient essentiels à la poursuite des activités de Banco Popular ou à sa vente en tant qu’entreprise en activité.

74      Le CRU a ajouté que le cabinet évaluateur avait mentionné, dans le document de clarification, que la création d’une « bonne banque » et d’une « mauvaise banque » n’était pas prévue par la loi 22/2003 et que, en tout état de cause, sa mise en œuvre aurait nécessité du temps qui n’était alors pas disponible.

75      Le CRU a conclu que le cabinet évaluateur avait procédé à une évaluation appropriée concernant le scénario de liquidation utilisé dans la valorisation 3.

76      Il en ressort que, à la date de la résolution, Banco Popular n’était pas en mesure de poursuivre ses activités du fait de sa situation de liquidité, de sa situation de défaillance avérée ou prévisible et du possible retrait de son agrément bancaire, et que, pour ce motif, ni un concordat ni un scénario d’insolvabilité prenant l’hypothèse d’une entreprise en continuité d’exploitation n’étaient envisageables.

77      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, tant les dispositions juridiques applicables que la situation factuelle de Banco Popular à la date de la résolution excluaient l’application d’un scénario contrefactuel prenant en compte l’hypothèse d’une entreprise en continuité d’exploitation.

78      Il s’ensuit que n’est pas pertinent l’argument de la requérante relatif à la différence de valeur qui résulterait de l’application du critère de continuité d’exploitation plutôt que du critère de liquidation concernant la valorisation des actifs d’impôt différé non protégés de Banco Popular.

79      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que le CRU aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en approuvant l’appréciation du cabinet évaluateur selon laquelle l’évaluation du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés de Banco Popular dans l’hypothèse où celle-ci aurait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité devait être effectuée selon un scénario de liquidation d’une entreprise en cessation d’activité.

80      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 20 du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075, la valorisation 3 n’ayant pas été réalisée par un évaluateur indépendant

81      La requérante fait valoir que le cabinet évaluateur ne remplissait pas les conditions pour être considéré comme indépendant aux fins de l’établissement de la valorisation 3 et que sa désignation par le CRU viole les dispositions du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075 et l’article 20 du règlement no 806/2014.

82      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant, conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075. Il a relevé que le cabinet évaluateur avait été sélectionné dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, au terme de laquelle le CRU a estimé que celui-ci possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour réaliser la valorisation 3, sans dépendance excessive à l’égard d’une autorité publique concernée ou de Banco Popular, conformément aux exigences de l’article 38, point 1, et de l’article 39 du règlement délégué 2016/1075. Le CRU a estimé que le cabinet évaluateur, compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité de la valorisation à effectuer, disposait des ressources humaines et techniques appropriées pour mener à bien la valorisation 3, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

83      De plus, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était une entité juridique indépendante des autorités publiques et de Banco Popular et, à cet égard, qu’il était totalement indépendant du CRU et n’avait pas été engagé pour les travaux comptables annuels de Banco Popular.

84      Enfin, le CRU a relevé que, concernant l’absence d’intérêts communs ou contradictoires significatifs, actuels ou potentiels, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075, le cabinet évaluateur avait effectué une vérification interne au regard des standards professionnels applicables. Compte tenu du résultat de cette vérification, le cabinet évaluateur avait considéré qu’il ne présentait pas de conflit d’intérêts au regard de sa désignation comme évaluateur indépendant. À cet égard, le CRU a mentionné les différentes déclarations d’absence de conflit d’intérêts fournies par le cabinet évaluateur au cours de la procédure d’appel d’offres et après sa désignation, visant à garantir son indépendance et celle des membres de ses équipes, notamment celle chargée de réaliser la valorisation 3.

85      Compte tenu de ces déclarations et des assurances fournies par le cabinet évaluateur, le CRU a estimé que ce dernier présentait suffisamment de garanties pour éviter tout intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec Banco Popular. Le CRU a également renvoyé au point 6.2.1 de la décision attaquée, dans lequel il a répondu aux « commentaires relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur » présentés par les actionnaires et créanciers affectés lors de la procédure relative au droit d’être entendu. Dans ce titre, le CRU a expliqué que le cabinet évaluateur, au moment de sa désignation et durant la réalisation de la valorisation 3, n’avait pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

86      Le CRU a conclu que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 et des articles 39 à 41 du règlement délégué 2016/1075.

87      À cet égard, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante visée au paragraphe 1 de cet article, à savoir par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

88      Les règles en matière d’indépendance des évaluateurs sont précisées dans le chapitre IV du règlement délégué 2016/1075, dont l’article 38 dispose :

« Une personne physique ou morale peut être nommée en tant qu’évaluateur. L’évaluateur est réputé être indépendant de toute autorité publique pertinente et de l’entité pertinente dès lors que toutes les conditions suivantes sont remplies :

1)       l’évaluateur possède les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires et peut effectuer la valorisation efficacement sans dépendre de manière excessive d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente conformément à l’article 39 ;

2)       l’évaluateur est juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de l’entité pertinente conformément à l’article 40 :

3)       l’évaluateur n’a pas d’intérêt commun ou contradictoire significatif au sens de l’article 41. »

89      L’article 41 du règlement délégué 2016/1075, relatifs aux intérêts communs ou contradictoires significatifs, prévoit :

« 1. L’évaluateur indépendant n’a pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente.

2. Aux fins du paragraphe 1, un intérêt réel ou potentiel est réputé significatif lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné estime que cet intérêt peut influencer ou être raisonnablement perçu comme influençant le jugement de l’évaluateur indépendant dans le cadre de la valorisation.

3. Aux fins du paragraphe 1, sont pertinents les intérêts en commun ou en conflit avec au moins les parties suivantes :

a)       la direction générale et les membres de l’organe de direction de l’entité pertinente ;

b)       les personnes physiques ou morales qui contrôlent l’entité pertinente ou détiennent une participation qualifiée dans celle-ci ;

c)       les créanciers que l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné a répertoriés comme étant d’importance significative en se fondant sur les informations à sa disposition ;

d)       chaque entité du groupe.

4. Aux fins du paragraphe 1, sont pertinents au moins les éléments suivants :

a)       la fourniture de services, y compris dans le passé, par l’évaluateur indépendant à l’entité pertinente et aux personnes visées au paragraphe 3, et notamment le lien entre ces services et les éléments pertinents pour la valorisation ;

b)       les relations personnelles et financières entre l’évaluateur indépendant et l’entité pertinente ainsi que les personnes visées au paragraphe 3 ;

c)       les investissements ou autres intérêts financiers significatifs de l’évaluateur indépendant ;

d)       en ce qui concerne les personnes morales, toute séparation structurelle ou autre dispositif mis en place pour remédier aux risques menaçant l’indépendance, tels que les risques d’autorévision, d’intérêt personnel, de représentation, de familiarité, de confiance ou d’intimidation, y compris les dispositifs permettant de distinguer les membres du personnel susceptibles de participer à la valorisation des autres membres du personnel.

[…] »

90      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que les conditions prévues à l’article 38, points 1 et 2, du règlement délégué 2016/1075 étaient remplies par le cabinet évaluateur, à savoir qu’il possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour effectuer efficacement la valorisation 3 et qu’il était juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de Banco Popular.

91      Elle ne soutient pas non plus que le cabinet évaluateur avait un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec l’autorité publique pertinente, à savoir le CRU, ou avec l’entité pertinente, à savoir Banco Popular, au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement délégué 2016/1075.

92      La requérante fait valoir que le cabinet évaluateur ne remplissait pas les conditions pour être considéré comme indépendant, dans la mesure où il avait des intérêts réels ou potentiels significatifs pouvant influencer ou être raisonnablement perçus comme influençant son jugement lors de la réalisation de la valorisation 3, au sens de l’article 41, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

93      Elle soutient, en substance, que l’existence de tels intérêts ne doit pas être appréciée uniquement au regard des liens entre, d’une part, le cabinet évaluateur et, d’autre part, le CRU ou Banco Popular, mais également compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce. Ainsi, elle reproche au CRU de ne pas avoir tenu compte, premièrement, du fait que le cabinet évaluateur avait déjà réalisé la valorisation 2 et, deuxièmement, des liens entre ce dernier et Banco Santander.

 Sur la première branche, relative au fait que le cabinet évaluateur a réalisé les valorisations 2 et 3

94      La requérante fait valoir que, étant donné que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2, il n’était pas opportun, en vertu du respect du principe de diligence professionnelle et d’objectivité dans le choix de l’évaluateur indépendant, de lui confier la réalisation de la valorisation 3. Elle estime qu’il était soumis à une forte pression en vue de préserver sa réputation professionnelle, ce qui l’aurait incité à éviter toute rectification ou modification des conclusions de la valorisation 2.

95      La requérante rappelle que le CRU est soumis au respect du principe de bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, et à l’exigence d’impartialité, visant, en particulier, à éviter les situations de conflits d’intérêts. Or, le CRU se serait limité à constater la conformité formelle de la désignation de l’évaluateur aux exigences du règlement délégué 2016/1075, sans tenir compte de la position occupée par le cabinet évaluateur dans la procédure de résolution ni de son apparence d’impartialité. Il ne suffirait pas que les exigences relatives à la séparation structurelle et aux intérêts significatifs soient respectées, il faudrait également préserver la procédure de tout soupçon de partialité.

96      Dans la réplique, la requérante admet que, certes, comme le soutient le CRU, les dispositions applicables, notamment l’article 20 du règlement no 806/2014, ne s’opposent pas à ce que les valorisations 2 et 3 soient réalisées par le même évaluateur. Elle fait valoir que, néanmoins, le fait que le cabinet évaluateur ait réalisé la valorisation 2 constituait une circonstance empêchant qu’il puisse être considéré comme un évaluateur objectif et indépendant.

97      Par ses arguments, la requérante reproche en substance au CRU d’avoir désigné le cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant pour réaliser la valorisation 3 sans tenir compte du fait que, celui-ci ayant déjà réalisé la valorisation 2, il ne pouvait être considéré comme respectant l’exigence d’impartialité consacrée à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.

98      À cet égard, l’article 41, paragraphe 1, de la Charte énonce, notamment, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

99      Selon la jurisprudence, l’exigence d’impartialité, qui s’impose aux institutions, aux organes et aux organismes dans l’accomplissement de leurs missions, vise à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Cette exigence vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels en ce qui concerne les fonctionnaires et agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes. Compte tenu de l’importance fondamentale de la garantie d’indépendance et d’intégrité en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l’image extérieure des institutions, des organes et des organismes de l’Union, l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l’agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptible d’affecter son indépendance en la matière (voir arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 26 et jurisprudence citée).

100    Aussi, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 27 et jurisprudence citée).

101    Or, comme cela est indiqué au point 87 ci-dessus, il incombait au CRU, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, de veiller à l’indépendance du cabinet évaluateur au regard des circonstances de l’espèce.

102    Certes, en principe, il ne saurait être exclu que, aux yeux de tiers, le fait que le cabinet évaluateur ait déjà participé à la procédure de résolution de Banco Popular en réalisant la valorisation 2, préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, puisse apparaître comme une circonstance l’empêchant d’être objectif et impartial lors de la réalisation de la valorisation 3.

103    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, le CRU a indiqué que plusieurs actionnaires et créanciers affectés avaient présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur et avaient soutenu que ce dernier n’aurait pas dû réaliser la valorisation 3 dans la mesure où il avait déjà réalisé la valorisation 2. Certains de ces commentaires mentionnaient le fait que la valorisation 2 incluait une estimation ex ante du traitement que chaque catégorie d’actionnaires ou de créanciers aurait reçu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité et soutenaient que le cabinet évaluateur cherchait à confirmer les conclusions de l’analyse du principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, qu’il avait effectuée dans la valorisation 2.

104    Toutefois, il convient de relever que les circonstances de l’espèce, d’une part, n’établissent pas que le cabinet évaluateur, en réalisant la valorisation 3, ait été influencé par le fait qu’il avait réalisé la valorisation 2 et, d’autre part, viennent contredire l’argument de la requérante selon lequel il pouvait raisonnablement sembler manquer d’objectivité ou d’impartialité.

105    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la valorisation 2 se divise en deux parties, la première contenant la valorisation provisoire de Banco Popular aux fins de la résolution et la seconde consistant en une simulation de scénario de liquidation. La première partie contient une évaluation de l’actif et du passif de Banco Popular et vise à déterminer la valeur économique de celle-ci dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. Cette première partie a été prise en compte par le CRU aux fins de l’adoption du dispositif de résolution. La simulation d’un scénario de liquidation, contenue dans la seconde partie, a pour objet, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, d’estimer le traitement que chaque catégorie d’actionnaires et de créanciers aurait été susceptible de recevoir si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

106    Dans la valorisation 3, l’analyse de la différence de traitement s’appuie sur le traitement réel dont les actionnaires et créanciers affectés ont fait l’objet à l’issue de la résolution. L’évaluation de l’actif et du passif de Banco Popular aux fins de la résolution figurant dans la première partie de la valorisation 2 n’a pas été prise en compte dans la valorisation 3 et ne pouvait donc influencer le cabinet évaluateur lorsqu’il a réalisé cette dernière.

107    Ainsi, l’argument de la requérante ne concerne que la seconde partie de la valorisation 2, qui correspond à une simulation d’un scénario de liquidation.

108    À cet égard, dans la décision attaquée, le CRU a souligné que le cadre juridique applicable reconnaissait que l’estimation provisoire du traitement que les actionnaires et créanciers affectés auraient été susceptibles de recevoir si l’entité avait été liquidée dans le cadre de la valorisation 2 ne pouvait pas être aussi précise que celle figurant dans la valorisation 3 pour plusieurs raisons, à savoir, notamment, les contraintes de temps et le manque de données suffisamment proches de la date de la résolution dans le cadre de la valorisation 2. Ainsi, selon l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, la valorisation 2 inclurait une « estimation » de ce traitement, alors que l’article 20, paragraphe 17, du même règlement prévoirait que la valorisation 3 doit « établir » celui-ci. Le CRU a indiqué que le seul fait que l’estimation provisoire contenue dans la valorisation 2 et la valorisation 3 avaient des résultats similaires, mais étaient fondées sur des hypothèses différentes, ne pouvait pas être considéré en lui-même comme une preuve suffisante que la valorisation 3 n’aurait pas été effectuée conformément aux exigences légales.

109    Premièrement, il convient de relever que, dans la valorisation 2, le cabinet évaluateur a précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations et données nécessaires ni du temps suffisant pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade. Il a indiqué, à plusieurs reprises, que la simulation du scénario de liquidation reposait sur de nombreuses incertitudes et que, lorsque des informations plus précises seraient disponibles, il serait en mesure d’affiner ses hypothèses et de préparer un scénario de liquidation plus « robuste » et plus fiable.

110    Le cabinet évaluateur a notamment mentionné que, « [é]tant donné que la structure de l’entreprise ou les bilans des entités individuelles ne [lui avaient] pas été communiqués, [son] scénario de liquidation a[vait] été élaboré sur une base consolidée à titre indicatif » et que « [l]a liquidation effective au titre de la [loi 22/2003] concernerait les entités individuelles ». Il a ajouté que, « [d]ès réception de ces informations complémentaires, [il serait] en mesure de présenter une simulation de scénario de liquidation plus robuste sur une base individuelle ».

111    D’une part, il en découle que la valorisation 2 contenait de nombreuses réserves quant à la fiabilité de la simulation du scénario de liquidation. D’autre part, il ressort des points 105 et 106 ci-dessus qu’une évaluation de Banco Popular dans un scénario de liquidation dans la valorisation 3 différente de celle figurant dans la simulation contenue dans la valorisation 2 n’est pas susceptible de remettre en cause la validité de cette dernière.

112    Dès lors, la requérante ne saurait valablement soutenir que le cabinet évaluateur, dans le but de protéger sa réputation professionnelle, se serait estimé lié par les conclusions figurant dans la valorisation 2 lorsqu’il a réalisé la valorisation 3 ni qu’une différence entre ces deux valorisations serait de nature à entacher sa réputation professionnelle et donc à conduire à un manque d’objectivité de celui-ci.

113    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel le cabinet évaluateur aurait été incité à éviter toute rectification ou modification des conclusions contenues dans la valorisation 2 est contredit par les circonstances dans lesquelles les valorisations 2 et 3 ont été effectuées.

114    À cet égard, dans la décision attaquée, en réponse aux commentaires mentionnés au point 103 ci-dessus, le CRU a indiqué que, alors que l’estimation ex ante du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés dans une hypothétique procédure d’insolvabilité, incluse dans la valorisation 2, avait été réalisée dans un délai spécifique et s’appuyait sur les informations dont disposait le cabinet évaluateur avant la résolution, à savoir principalement celles disponibles au 31 mars 2017, la valorisation 3 s’appuyait sur des informations plus fines au 6 juin 2017, à la date de la clôture des activités, lorsqu’elles étaient disponibles. Le CRU a considéré que, compte tenu des différentes informations sur lesquelles s’appuyaient ces évaluations, ainsi que de leur finalité différente, le cabinet évaluateur aurait très bien pu parvenir à des conclusions différentes.

115    D’une part, il y a lieu de rappeler que la simulation du scénario de liquidation figurant dans la valorisation 2 s’appuyait nécessairement sur des données antérieures à l’adoption du dispositif de résolution tandis que la valorisation 3 devait prendre en compte les données disponibles à la date de la résolution. Il ne pouvait donc être présumé que, s’agissant de l’évaluation de Banco Popular dans un hypothétique scénario de liquidation effectuée dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur aboutirait au même résultat que dans la simulation figurant dans la valorisation 2.

116    D’autre part, la requérante admet que la valorisation 2 a dû être effectuée en urgence. Ainsi, comme le cabinet évaluateur l’a indiqué dans la valorisation 2, la simulation du scénario de liquidation s’appuyait sur des hypothèses non vérifiées et qui devaient être affinées.

117    Il en ressort que le CRU, dès la réception de la valorisation 2, était informé du fait que le cabinet évaluateur devrait s’appuyer sur de nouvelles données dans la valorisation 3 et donc modifier l’évaluation effectuée dans la simulation du scénario de liquidation. La requérante ne saurait donc valablement soutenir que le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 aurait dû conduire le CRU à douter de l’objectivité et de l’impartialité de celui-ci.

118    Troisièmement, la requérante ne conteste pas que les valorisations 2 et 3 ont été réalisées dans des buts différents et selon des approches différentes.

119    Lors de l’audience, la requérante a expliqué que le CRU aurait dû faire appel à un évaluateur différent pour procéder à une valorisation selon une méthode différente, alors que le cabinet évaluateur a utilisé la même méthodologie dans les valorisations 2 et 3, à savoir une évaluation selon un scénario de liquidation.

120    Or, dans la mesure où il ressort de l’analyse du deuxième moyen que l’évaluation du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés de Banco Popular dans l’hypothèse où celle-ci aurait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité devait être effectuée selon un scénario de liquidation, la requérante ne saurait utilement faire valoir que le choix de cette méthode était de nature à établir une apparence de manque d’objectivité de la part du cabinet évaluateur. Contrairement à ce qu’elle soutient, tout autre évaluateur qui aurait été désigné pour réaliser la valorisation 3 aurait dû s’appuyer sur un scénario hypothétique de liquidation de Banco Popular.

121    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur ne s’est pas contenté de confirmer le résultat de la simulation figurant dans la valorisation 2.

122    Ainsi, par exemple, dans la valorisation 2, le total de la réalisation des actifs de Banco Popular pour les créanciers, dans le cas d’un scénario de liquidation de trois ans, a été estimé entre 120,9 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 116,5 milliards d’euros pour la pire hypothèse. Dans la valorisation 3, pour le scénario de liquidation de trois ans, l’évaluation des actifs a conduit à un résultat différent, à savoir 101,546 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 97,593 milliards d’euros pour la pire hypothèse.

123    Le seul fait que le cabinet évaluateur soit arrivé à la même conclusion, à savoir que les actionnaires et créanciers affectés n’obtiendraient pas de recouvrement en cas de liquidation de Banco Popular ne saurait suffire à établir qu’il s’est estimé tenu par son évaluation réalisée dans la valorisation 2 lorsqu’il a effectué la valorisation 3.

124    Il ressort de ce qui précède que l’argument visant à établir une apparence de manque d’objectivité du cabinet évaluateur du fait qu’il avait réalisé la valorisation 2 ne s’appuie sur aucun élément concret et est contredit par le contenu même de la valorisation 3.

125    Partant, dans les circonstances de l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 ne permettait pas de remettre en cause son indépendance pour réaliser la valorisation 3 et sa désignation par le CRU comme évaluateur indépendant.

126    Il s’ensuit que la première branche doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, relative aux liens entre le cabinet évaluateur et Banco Santander

127    La requérante soutient que c’est à tort que le CRU, pour apprécier l’indépendance du cabinet évaluateur, n’a pas pris en compte les relations entre ce dernier et Banco Santander.

128    En premier lieu, elle fait valoir que, au regard des services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Santander avant et après la résolution de Banco Popular, le CRU aurait dû conclure que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour être considéré comme un évaluateur indépendant en ce qu’il avait des intérêts significatifs, réels ou potentiels, susceptibles d’influencer ou d’être raisonnablement perçus comme influençant son jugement dans le cadre de la valorisation 3, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

129    Premièrement, la requérante fait valoir que le CRU n’a pas pris en compte le fait que le cabinet évaluateur a été le réviseur des comptes de Banco Santander pendant 25 ans, jusqu’en 2016.

130    À cet égard, il convient de relever que, lors de la procédure relative au droit d’être entendu, certains actionnaires et créanciers affectés ont présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur, qui aurait été compromise par le fait que ce dernier avait fourni des services d’audit à Banco Santander dans le passé, avant l’adoption du dispositif de résolution.

131    Dans la décision attaquée, en réponse à ces commentaires, le CRU a considéré que les services d’audit fournis à Banco Santander par le cabinet évaluateur ne devaient pas être pris en compte dans l’appréciation de l’indépendance qu’il avait effectuée au moment de l’engagement de ce dernier le 23 mai 2017, dans la mesure où cette appréciation avait été effectuée à l’égard de Banco Popular. Le CRU a indiqué que, à cette date, l’appréciation de l’indépendance du cabinet évaluateur à l’égard des acquéreurs potentiels n’avait pas été effectuée dans la mesure où, d’une part, elle n’était pas envisagée par le cadre légal et, d’autre part, la procédure de valorisation était une procédure différente de la procédure de vente qui déterminait l’acquéreur. En particulier, le cabinet évaluateur n’avait pas eu accès aux informations relatives aux noms des acquéreurs potentiels ou à l’identité de l’acquéreur avant l’adoption du dispositif de résolution.

132    Le CRU a considéré que, compte tenu de la portée et du but de la valorisation 3, les services d’audit fournis par le passé à Banco Santander par le cabinet évaluateur n’interféraient pas avec l’indépendance de ce dernier s’agissant de la réalisation de la valorisation 3 et ne créaient pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. En particulier, il a relevé que la valorisation 3 concernait uniquement les actifs et les passifs de Banco Popular avant sa vente à Banco Santander et non ceux de Banco Santander.

133    Ainsi, il y a lieu de considérer que, à la date de la désignation du cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant, à savoir le 23 mai 2017, l’identité de l’acquéreur n’était pas connue et il n’était, dès lors, pas possible de prendre en compte les liens entre le cabinet évaluateur et Banco Santander. De plus, il convient de relever que, à la date de sa désignation comme évaluateur, le cabinet évaluateur ne fournissait plus de services d’audit à Banco Santander, ce que la requérante ne prétend d’ailleurs pas.

134    En outre, en application de l’article 41, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075, aux fins d’établir l’existence d’un d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit au sens du paragraphe 1 de cet article, est pertinente la fourniture de services, y compris dans le passé, par l’évaluateur indépendant à l’entité pertinente et aux personnes visées au paragraphe 3, et notamment le lien entre ces services et les éléments pertinents pour la valorisation.

135    Or, la requérante ne soulève aucun argument visant à établir l’existence d’un lien entre les services d’audit fournis à Banco Santander par le cabinet évaluateur et les éléments pertinents pour la valorisation 3, laquelle ne concernait que l’évaluation de Banco Popular et non celle de Banco Santander.

136    Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’engagement du cabinet évaluateur par Banco Santander en tant que conseiller pour les opérations qui ont abouti aux accords entre cette dernière et certains investisseurs de Banco Popular, qui avaient formé des recours par la voie judiciaire ou extrajudiciaire, établirait l’existence d’intérêts réels ou potentiels en commun entre l’évaluateur et l’entité concernée, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. Selon la requérante, une personne qui, immédiatement après la résolution, conseille l’acquéreur de l’entité soumise à la résolution, dans une matière directement liée aux litiges découlant de la résolution, ne saurait être considérée comme indépendante de la personne qui l’engage. En outre, le cabinet évaluateur aurait été engagé par Banco Santander en raison des informations dont il disposait sur Banco Popular du fait de sa participation à la valorisation 2.

137    Lors de la procédure relative au droit d’être entendu, certains actionnaires et créanciers affectés ont également présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur qui aurait été compromise par le fait que, postérieurement à la résolution de Banco Popular, ce dernier avait fourni à Banco Santander des services relatifs à l’intégration de Banco Popular ou à l’octroi d’une compensation partielle par Banco Santander à certains créanciers de Banco Popular.

138    Dans la décision attaquée, en réponse à ces commentaires, le CRU a considéré que ces services n’établissaient pas des intérêts communs ou contradictoires significatifs au sens de l’article 41, paragraphes 2 et 4, du règlement délégué 2016/1075, avec une personne pertinente au sens de l’article 41, paragraphe 3, du même règlement délégué.

139    Premièrement, le CRU a estimé que, compte tenu de la portée et de l’objectif de la valorisation 3, les services fournis par le cabinet évaluateur après la date de la résolution concernant une entreprise en continuité d’exploitation ne pourraient pas affecter la valorisation 3 et les éléments qu’elle contient. De plus, il a relevé que la valorisation 3 ne pourrait pas affecter la position de Banco Popular ou de Banco Santander, dans la mesure où elle déterminait uniquement si un dédommagement par le biais du FRU devrait être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés.

140    Deuxièmement, le CRU a considéré que, en tout état de cause, après l’adoption du dispositif de résolution, le cabinet évaluateur avait donné des assurances supplémentaires afin de garantir que les services fournis à Banco Santander ne pouvaient pas donner lieu à des intérêts communs ou contradictoires significatifs actuels ou potentiels. Le CRU a relevé que, dans sa déclaration du 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur avait confirmé qu’aucun service fourni à Banco Santander n’était lié à l’évaluation des actifs ou des passifs qui faisaient l’objet de la valorisation 3, ni à l’information financière les concernant. De plus, il a indiqué que le cabinet évaluateur avait confirmé qu’il n’y avait pas de flux d’informations entre le travail de valorisation effectué et d’autres projets, étant donné les mesures de protection mises en place et ses protocoles de confidentialité.

141    En particulier, s’agissant des services relatifs à l’intégration de Banco Popular, le CRU a indiqué que le cabinet évaluateur avait suffisamment précisé que, même s’il avait fourni des services de conseil à Banco Santander, ceux-ci n’étaient pas liés aux services fournis au CRU, ne concernaient aucune question en rapport avec les services de valorisation fournis au CRU et ne comprenaient pas non plus de services d’évaluation ou juridiques liés à Banco Popular.

142    S’agissant des services relatifs à l’octroi d’une compensation par Banco Santander à certains créanciers de Banco Popular, le CRU a relevé, au considérant 93 de la décision attaquée, que le cabinet évaluateur avait précisé que ces services n’étaient pas liés à des conseils juridiques ou à des services de conseil sur ces réclamations. En particulier, ce dernier avait été engagé pour concevoir et mettre en œuvre une solution de centre de coordination unique pour rassembler les informations relatives à la gestion des réclamations extrajudiciaires et judiciaires dans le but de gagner en efficacité et de réduire le temps de gestion. Plus précisément, les tâches du cabinet évaluateur consistaient en des services liés au suivi et à la documentation des informations administratives et à la préparation de rapports périodiques. De plus, celui-ci avait ajouté qu’il n’avait pas participé aux travaux de défense juridique, dans la mesure où Banco Santander avait fait appel à des cabinets d’avocats externes pour gérer ces réclamations, et qu’il n’avait pas non plus déterminé ni calculé le montant des compensations offertes par Banco Santander aux clients de Banco Popular.

143    Il convient de relever que, tout au long de la procédure relative à la résolution de Banco Popular, le CRU a veillé, ainsi qu’il était tenu de le faire, à ce que le cabinet évaluateur respecte les exigences d’indépendance et, en particulier, celles relatives à l’absence de conflit d’intérêts prévues à l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

144    Ainsi, au cours de la procédure d’appel d’offres ayant abouti à l’attribution au cabinet évaluateur du contrat spécifique, celui-ci a fourni au CRU, le 18 mai 2017, une déclaration d’absence de conflit d’intérêts avec Banco Popular. Le 23 mai 2017, à la date de sa désignation comme évaluateur, il a également produit une déclaration concernant son indépendance conformément au règlement délégué 2016/1075, dans laquelle il a notamment indiqué avoir connaissance des exigences légales et que les arrangements appropriés avaient été pris, quand ils étaient nécessaires, pour assurer que ni lui ni aucun membre de l’équipe proposée pour l’exécution du contrat spécifique n’avait d’intérêt significatif tel que défini à l’article 41 du règlement délégué 2016/1075. Il s’est engagé à mettre en place tous les arrangements nécessaires pour assurer que tout service futur fourni aux autres parties ne compromettrait pas son indépendance. Il a relevé que tout ajout de nouveaux membres à son équipe serait soumis au respect des exigences d’indépendance ainsi qu’à l’approbation du CRU.

145    Après sa désignation comme évaluateur, le 21 septembre 2017 et le 11 avril 2019, le cabinet évaluateur a fourni des déclarations additionnelles concernant son indépendance à la suite de l’ajout de nouveaux membres dans l’équipe travaillant sur la valorisation 3. De plus, le 18 décembre 2019, il a présenté une déclaration d’absence de conflit d’intérêts dans laquelle il a confirmé que, le 15 novembre 2019, compte tenu de ses systèmes et de ses contrôles, il était et avait été indépendant aux fins de la valorisation 3 et qu’il n’avait pas connaissance de conflits avec d’autres travaux qu’il avait effectués, ni de conflits individuels.

146    Il y a lieu de relever que, dans sa déclaration du 18 décembre 2019, effectuée à la demande du CRU à la suite des commentaires des actionnaires et des créanciers affectés dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu, le cabinet évaluateur a indiqué les services qu’il avait fournis à Banco Santander et précisé qu’il n’existait pas de lien entre les services qu’il fournissait à Banco Santander et ceux fournis au CRU pour la réalisation de la valorisation 3 ou du document de clarification. Il a ajouté qu’il n’avait pas fourni de services relatifs à l’évaluation ou à l’information financière des actifs et des passifs faisant l’objet de la valorisation 3.

147    Les explications du cabinet évaluateur ont été reprises par le CRU au considérant 93 de la décision attaquée, mentionné au point 142 ci-dessus. Le CRU a ainsi constaté que, dans la déclaration du 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur avait fourni des garanties supplémentaires afin de s’assurer que les services fournis à Banco Santander relatifs à l’octroi d’une compensation à certains créanciers de Banco Popular, postérieurement à la résolution, n’établissaient pas d’intérêt significatif actuel ou potentiel en commun ou en conflit, au sens de l’article 41, paragraphe 2, et paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075.

148    Or, la requérante n’explique pas de quelle manière ces services auraient été de nature à influencer le jugement du cabinet évaluateur dans la réalisation de la valorisation 3, au sens de l’article 41, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

149    Il en ressort que les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation du CRU selon laquelle les services fournis par le cabinet évaluateur à Banco Santander n’établissaient pas l’existence d’intérêts significatifs, réels ou potentiels, susceptibles d’influencer ou d’être raisonnablement perçus comme influençant le jugement du cabinet évaluateur, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

150    En second lieu, la requérante soutient que les liens entre le cabinet évaluateur et Banco Santander font peser un soupçon de partialité aux yeux des tiers, empêchant de le considérer comme un évaluateur indépendant. L’impartialité supposerait l’absence de préjugés ou de favoritisme. Or, elle estime que la valorisation 3 pourrait avoir des effets négatifs sur Banco Santander, nuire à sa position dans les litiges liés à la résolution de Banco Popular ou permettre des demandes indemnitaires des anciens actionnaires de Banco Popular.

151    Il convient de relever que, conformément à la jurisprudence citée aux points 99 et 100 ci-dessus, l’exigence d’impartialité, appliquée au cabinet évaluateur, couvre toutes les circonstances de nature à raisonnablement apparaître aux yeux des tiers comme susceptible d’affecter son indépendance. Pour établir une violation de cette exigence, les liens entre celui-ci et Banco Santander doivent constituer une circonstance susceptible de créer un doute légitime quant à un éventuel préjugé.

152    Ainsi, constater que le CRU aurait dû tenir compte d’une apparence de manque d’objectivité ou d’impartialité du cabinet évaluateur du fait de ses liens avec Banco Santander suppose d’établir que, lorsque le premier a estimé, dans la valorisation 3, que les actionnaires et créanciers affectés n’auraient pas bénéficié d’un meilleur traitement dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité que celui dont ils ont fait l’objet du fait de la résolution, il aurait entendu favoriser la seconde.

153    Or, dans la décision attaquée, le CRU a relevé que, au regard de l’objectif de la valorisation 3, qui est de déterminer si les actionnaires et créanciers affectés auraient reçu un meilleur traitement dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité, celle-ci ne pourrait pas avoir d’effet sur la vente de Banco Popular et ne pourrait pas affecter la position de Banco Santander. Le CRU a estimé que la valorisation 3 n’avait d’effet qu’à son égard, dans la mesure où il devrait payer un dédommagement, par le biais du FRU, en cas de différence de traitement.

154    À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a évalué la valeur des actifs et des passifs de Banco Popular dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité et a estimé que les actionnaires et créanciers affectés n’auraient pas obtenu de recouvrement dans l’hypothèse où Banco Popular aurait été liquidée à la date de la résolution. En comparant le résultat de cette évaluation avec la situation réelle des actionnaires et des créanciers affectés résultant de la résolution, le CRU a conclu qu’ils n’avaient droit à aucun dédommagement au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

155    Or, à supposer même que le cabinet évaluateur ait conclu, dans la valorisation 3, que les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié d’un meilleur traitement dans l’hypothèse d’une liquidation de Banco Popular que celui dont ils ont fait l’objet du fait de la résolution, le dédommagement qui pourrait en résulter serait versé par le FRU et non par Banco Santander.

156    Deuxièmement, il convient de noter que l’hypothèse dans laquelle une valorisation effectuée au titre de l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014 révèlerait que les actionnaires et créanciers d’une entité auraient bénéficié d’un meilleur traitement que celui résultant de la résolution de celle-ci fait partie intégrante du fonctionnement du mécanisme de résolution prévu par le règlement no 806/2014, en ce qu’il instaure un mécanisme de dédommagement sur le fondement du principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, consacré dans son article 15, paragraphe 1, sous g).

157    En outre, il importe de souligner que le fait que les actionnaires et créanciers affectés auraient pu obtenir le remboursement d’une partie de leurs créances dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité n’implique pas que la décision de soumettre la banque en cause à une procédure de résolution était erronée et que cette procédure n’était pas nécessaire et justifiée, l’objectif d’une résolution étant d’éviter qu’une banque d’importance systémique ne soit liquidée.

158    Ainsi, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, le résultat de la valorisation 3 est sans influence tant sur la légalité et la légitimité de la décision de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution que sur le résultat de cette résolution, à savoir sa vente à Banco Santander.

159    De plus, il convient de rappeler que la valorisation 2 avait un objet différent de celui de la valorisation 3, à savoir estimer la valeur de la totalité de Banco Popular pour un éventuel acquéreur dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. Ainsi, l’estimation de la valeur des actifs de Banco Popular dans le cadre d’une hypothétique procédure normale d’insolvabilité réalisée dans la valorisation 3 n’est pas susceptible de remettre en cause l’évaluation réalisée dans la valorisation 2 ni, partant, la vente de Banco Popular à Banco Santander pour un euro.

160    Par ailleurs, en application de l’article 85, paragraphe 4, dernier alinéa, de la directive 2014/59, l’éventuelle annulation de la décision de résolution ne peut conduire à une modification des conditions de la vente de Banco Popular à Banco Santander. Dès lors, quel que soit le résultat de la valorisation 3, la vente de Banco Popular à Banco Santander pour le prix d’un euro ne saurait être remise en cause.

161    Troisièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, l’évaluation effectuée dans la valorisation 3 ne peut avoir pour conséquence d’ouvrir un droit à une indemnisation des actionnaires et créanciers affectés de la part de Banco Santander.

162    À cet égard, il suffit de relever que la Cour a considéré que, tant l’action en responsabilité que l’action en nullité reviennent à exiger que l’établissement de crédit ou l’entreprise d’investissement soumis à la procédure de résolution, ou le successeur de ces entités, indemnise les actionnaires des pertes subies en conséquence de l’exercice, par une autorité de résolution, du pouvoir de dépréciation et de conversion à l’égard d’éléments de passif de cet établissement ou de cette entreprise, ou à exiger qu’il procède au remboursement total des sommes investies lors de la souscription d’actions qui ont été dépréciées du fait de cette procédure de résolution. De telles actions remettraient en cause toute la valorisation sur laquelle est fondée la décision de résolution puisque la composition du capital fait partie des données objectives de cette valorisation. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général Richard de la Tour aux points 82 et 95 de ses conclusions, la procédure même de résolution ainsi que les objectifs poursuivis par la directive 2014/59 seraient donc mis en échec [arrêt du 5 mai 2022, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular), C‑410/20, EU:C:2022:351, point 43].

163    Il ressort de ce qui précède que, dans la mesure où la valorisation 3, quel que soit son résultat, ne pouvait affecter la situation de Banco Santander, le cabinet évaluateur n’était pas en mesure de la favoriser. Dès lors, leurs liens ne sauraient faire naître un doute légitime quant à l’existence d’un éventuel préjugé ni conduire à un manque d’objectivité ou d’impartialité du cabinet évaluateur. Ces liens ne constituaient pas une circonstance de nature à remettre en cause son indépendance pour réaliser la valorisation 3 et sa désignation par le CRU comme évaluateur indépendant.

164    Il s’ensuit que la seconde branche doit être rejetée et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la valorisation 3 s’appuie sur une base erronée concernant l’état financier de Banco Popular au moment de sa résolution

165    Dans la requête, par le troisième moyen, la requérante demandait en substance au Tribunal d’ordonner, au moyen d’une mesure d’instruction, la production par le Juzgado Central de Instrucción no 4 de l’Audiencia Nacional (juge central d’instruction no 4 de la Cour centrale, Espagne) d’un rapport d’expertise de la Banque d’Espagne du 8 avril 2019, concernant Banco Popular.

166    Par acte déposé au Tribunal le 2 septembre 2022, la requérante a produit ce rapport en tant que nouvelle offre de preuve sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a indiqué que, de ce fait, elle renonçait à sa demande de mesure d’instruction.

167    Lors de l’audience, la requérante a soutenu que le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne présentait un état du patrimoine de Banco Popular immédiatement avant la résolution et qu’il permettait d’apprécier le potentiel de la banque à pouvoir gérer son actif et son passif dans le cadre de la poursuite de ses activités. Elle a expliqué que ce rapport était fondamental pour pouvoir appliquer le critère de l’entreprise en continuité d’exploitation et réaliser une valorisation différente de la valorisation 3 sur le fondement de ce critère.

168    Le CRU et le Royaume d’Espagne ont fait valoir que ce rapport n’était pas pertinent, étant donné qu’il concernait la valeur de Banco Popular en décembre 2016. Le CRU soutient, notamment, que ce rapport concerne des faits qui ne sont pas pertinents aux fins de l’évaluation du traitement contrefactuel ou de la comparaison effectuée dans la valorisation 3 et qui n’ont pas été appréciés dans la décision attaquée.

169    Comme l’a indiqué le Royaume d’Espagne, ce rapport d’expertise a été produit dans le cadre d’une procédure pénale concernant la responsabilité de Banco Popular et de ses dirigeants lors de l’augmentation de capital réalisée au cours de l’exercice 2016, laquelle se serait appuyée sur des informations relatives aux états comptables et financiers de la banque, communiquées aux investisseurs par le biais de prospectus d’émission ne reflétant pas la situation économique réelle de celle-ci.

170    Il y a lieu de relever que, dans le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne, les principales conclusions sont résumées comme suit : premièrement, trois épisodes de fuites des dépôts au cours du deuxième trimestre de 2017 ont été à l’origine de la résolution de Banco Popular, deuxièmement, les comptes annuels figurant dans le prospectus de l’augmentation de capital de 2016 ne respectaient pas certains aspects de la réglementation comptable, notamment la classification des opérations refinancées comme douteuses et, troisièmement, certaines hypothèses retenues pour parvenir aux estimations contenues dans le prospectus étaient trop optimistes.

171    Dans la requête, la requérante soutient que le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne indique que les pertes subies par les investisseurs n’étaient pas dues à une insuffisance du patrimoine de Banco Popular pour absorber les pertes, mais à l’impossibilité de répondre aux demandes élevées de retraits de dépôts. Ce rapport indiquerait que, selon les comptes annuels de 2016, Banco Popular aurait eu un actif net positif de 11,088 milliards d’euros et générait des bénéfices, que la résolution de Banco Popular aurait été due à un problème de sorties de dépôts, qu’une sortie de dépôts particulièrement importante aurait eu lieu le 23 mai 2017 à la suite d’une interview de la présidente du CRU sur la chaîne de télévision Bloomberg, que Banco Popular aurait bénéficié, le 5 juin 2017, d’un apport urgent de liquidités de 9,5 milliards d’euros par la Banque d’Espagne et que le conseil d’administration de Banco Popular aurait demandé à la BCE, par lettre du 6 juin 2017, de déclarer la banque comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, mais aurait également indiqué qu’il fallait poursuivre la recherche d’une solution privée. Il ressortirait de ce rapport que, si Banco Popular connaissait un grave problème de liquidité, ses fonds propres seraient demeurés positifs avant la résolution, même en prenant en compte les ajustements comptables qui restaient à effectuer et en dépit du possible non-respect des ratios de solvabilité réglementaires.

172    À cet égard, il suffit de rappeler que l’appréciation de la différence de traitement, effectuée dans la valorisation 3, consistait à comparer le traitement réel dont les actionnaires et les créanciers ont fait l’objet du fait de la résolution de Banco Popular et le traitement dont ils auraient bénéficié si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où le dispositif de résolution a été adopté. Or, le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne concerne des événements antérieurs à la résolution de Banco Popular, à savoir l’augmentation de capital de 2016 et la fuite des dépôts du premier trimestre de 2017, qui n’étaient pas pertinents pour réaliser la valorisation 3.

173    En outre, la requérante n’explique pas à quel titre les événements analysés dans le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne, se rapportant à la situation de Banco Popular antérieure à la résolution, auraient dû être pris en compte, dans la valorisation 3 ou dans la décision attaquée. Elle n’identifie pas non plus quel argument soulevé dans la requête ou la réplique ce rapport est censé soutenir.

174    Or, il y a lieu de relever que la requérante demandait la production de ce rapport aux fins de pouvoir procéder à sa propre valorisation. Lors de l’audience, la requérante a précisé que ce rapport était nécessaire pour procéder à une valorisation de Banco Popular en tant qu’entreprise en continuité d’exploitation.

175    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse du deuxième moyen que la valorisation 3 devait prendre en compte un scénario de liquidation. Ainsi, la valorisation que la requérante se propose d’effectuer sur le fondement du rapport d’expertise de la Banque d’Espagne serait en toute hypothèse sans pertinence et ne serait pas de nature à établir l’existence d’une erreur manifeste dans la valorisation 3.

176    Il y a donc lieu de considérer que la nouvelle offre de preuve de la requérante présentée le 2 septembre 2022, à savoir le rapport d’expertise de la Banque d’Espagne, n’est pas pertinente aux fins d’apprécier la légalité de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la requérante a justifié sa production tardive.

177    S’agissant des arguments soulevés dans la requête, à l’exception de la demande de production du rapport d’expertise de la Banque d’Espagne, la requérante se contente de faire valoir que la résolution de Banco Popular ayant été décidée en raison d’un manque de liquidité et non d’un déséquilibre patrimonial, il est frappant que la valorisation 3 ne fasse pas référence à la valeur de capitalisation boursière de Banco Popular au moment de la résolution, laquelle constituerait une valeur plancher pour la valorisation de toute société cotée. À la date de la résolution, la capitalisation boursière de Banco Popular aurait été de 1,33 milliard d’euros, avec un dernier cours de clôture de l’action de 0,317 euro.

178    Il suffit de constater que la requérante n’explique pas quelle serait l’utilité de la prise en compte de la valeur de capitalisation boursière de Banco Popular pour la détermination du traitement des actionnaires et des créanciers dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité lors de la réalisation d’une valorisation selon un scénario de liquidation. À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/344, la méthode pour réaliser cette valorisation consiste uniquement à déterminer le montant actualisé des flux de trésorerie attendus dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité.

179    Dès lors, cet argument doit être rejeté comme inopérant.

180    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

181    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.

182    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume d’Espagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Laura Molina Fernández est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique (CRU).

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

van der Woude

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.