Language of document : ECLI:EU:C:2012:666

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 octobre 2012 (*)

«Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 170 et 171 – Huitième directive TVA – Article 1er – Directive 2008/9/CE – Article 3, sous a) – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays – Assujetti établi dans un État membre et n’exerçant dans un autre État membre que des activités d’essais techniques ou de recherche»

Dans les affaires jointes C‑318/11 et C‑319/11,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Förvaltningsrätten i Falun (Suède), par décisions du 21 juin 2011, parvenues à la Cour le 27 juin 2011, dans les procédures

Daimler AG (C‑318/11),

Widex A/S (C‑319/11)

contre

Skatteverket,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), faisant fonction de président de la huitième chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour Daimler AG, par Me M. Punkki, advokat,

–        pour Widex A/S, par Mme M. Selin, jur. kand.,

–        pour le Skatteverket, par Mme K. Alvesson, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement suédois, par Mme C. Meyer-Seitz, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. J. Enegren, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO L 331, p. 11), telle que modifiée par la directive 2006/98/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 129, ci-après la «huitième directive»), ainsi que de l’article 3, sous a), de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre (JO L 44, p. 23).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, Daimler AG (ci-après «Daimler»), établie en Allemagne, et Widex A/S (ci-après «Widex»), établie au Danemark, au Skatteverket, autorité fiscale suédoise, au sujet de la légalité de décisions de celle-ci rejetant leurs demandes de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée en Suède à l’occasion d’acquisitions de biens ou de services.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 170 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2007/75/CE du Conseil, du 20 décembre 2007 (JO L 346, p. 13, ci-après la «directive TVA»), dispose:

«Tout assujetti qui, au sens de l’article 1er de la [huitième directive], [...] et de l’article 171 de la présente directive, n’est pas établi dans l’État membre dans lequel il effectue les achats de biens et services ou des importations de biens grevés de TVA a le droit d’obtenir le remboursement de cette taxe dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour [certaines opérations déterminées].»

4        L’article 171, paragraphe 1, de la directive TVA est rédigé dans les termes suivants:

«Le remboursement de la TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre dans lequel ils effectuent les achats de biens et services ou des importations de biens grevés de taxe mais qui sont établis dans un autre État membre est effectué selon les modalités d’application prévues par la [huitième directive].

[...]»

5        L’article 1er de la huitième directive prévoit:

«Pour l’application de la présente directive, est considéré comme un assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays l’assujetti [...] qui [...] n’a eu dans ce pays ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle, et qui [...] n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans ce pays [à l’exception de certaines prestations de transport et de certaines autres prestations de services].»

6        L’article 1er de la directive 2008/9 énonce:

«La présente directive définit les modalités du remboursement de la [TVA], prévu à l’article 170 de la [directive TVA] en faveur des assujettis non établis dans l’État membre du remboursement et qui remplissent les conditions prévues à l’article 3.»

7        L’article 3 de cette directive est rédigé dans les termes suivants:

«La présente directive est applicable à tout assujetti non établi dans l’État membre du remboursement qui remplit les conditions suivantes:

a)      [...] l’assujetti n’a eu dans l’État membre du remboursement ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle;

b)      [...] l’assujetti n’a effectué aucune livraison de biens ni prestation de services réputée avoir eu lieu dans l’État membre du remboursement, à l’exception [de certaines prestations de transport et de certaines autres prestations de services].»

8        L’article 28 de ladite directive précise:

«1.      La présente directive est applicable aux demandes de remboursement introduites après le 31 décembre 2009.

2.      La [huitième directive] est abrogée avec effet au 1er janvier 2010. Toutefois, ses dispositions demeurent applicables aux demandes de remboursement introduites avant le 1er janvier 2010.

Les références à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive, sauf en ce qui concerne les demandes de remboursement introduites avant le 1er janvier 2010.»

 Le droit suédois

9        Selon l’article 1er, premier alinéa, du chapitre 10 de la loi (1994:200), relative à la taxe sur la valeur ajoutée [mervärdesskattelagen (1994:200)], du 30 mars 1994 (SFS 1994, no 200), une entreprise étrangère a le droit d’obtenir, sur sa demande, le remboursement de la taxe payée en amont, si les conditions suivantes sont remplies:

1)      la taxe en amont a grevé des acquisitions ou des importations liées au chiffre d’affaires d’une activité exercée à l’étranger;

2)      le chiffre d’affaires, pour peu qu’il soit réalisé dans la Communauté européenne, donne lieu, dans l’État où il est produit, à une taxation, ou à un droit au remboursement correspondant à ce que prévoit le droit suédois, et

3)      le chiffre d’affaires aurait donné lieu à une taxation, ou à un droit au remboursement correspondant à ce que prévoit le droit suédois, s’il avait été réalisé en Suède.

10      L’article 15 du chapitre 1er de la même loi définit l’entreprise étrangère comme celle qui n’a ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable, ni sa résidence habituelle en Suède.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 Affaire C‑318/11

11      Daimler, dont le siège de l’activité économique est situé en Allemagne, teste des voitures en conditions hivernales dans des installations d’essais situées dans le nord de la Suède. Elle ne dispose pas de personnel propre stationné en Suède. Le personnel affecté aux essais arrive par avion lors des tests. Il en est de même de l’équipement technologique utilisé.

12      Daimler dispose en Suède d’une filiale à 100 % qui lui fournit des locaux, des pistes d’essais et des services accessoires aux tests. Le personnel de la filiale suédoise est constitué de quatre employés saisonniers et d’un directeur.

13      Daimler n’exerce aucune activité imposable au titre de la TVA dans les installations en Suède. Les opérations effectuées dans cet État membre consistent dans les essais nécessaires pour mener à bien l’activité de vente de voitures qu’elle exerce en Allemagne.

14      Dans le cadre des tests de voitures, Daimler a effectué des acquisitions qui n’ont servi à aucune activité taxable en Suède.

15      Sur le fondement des règles relatives au remboursement en faveur des entreprises étrangères, elle a demandé au Skatteverket le remboursement de la TVA acquittée en amont à l’occasion de ses acquisitions.

16      Ses demandes se rapportent aux périodes allant du 1er janvier au 31 décembre 2008 et du 1er octobre au 31 décembre 2009. Les montants revendiqués s’élèvent, au total, à 73 597 119 SEK. Les demandes de remboursement afférentes à la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008 ont été introduites auprès du Skatteverket avant le 1er janvier 2010, tandis que celles se rapportant à la période allant du 1er octobre au 31 décembre 2009 l’ont été après le 31 décembre 2009.

17      Le Skatteverket a décidé de ne pas accorder le remboursement sollicité au motif que Daimler disposerait d’un établissement stable en Suède. Il n’a pas invoqué l’existence de livraisons de biens ou de prestations de services réalisées par cette entreprise en Suède.

18      Daimler a formé un recours contre les décisions du Skatteverket devant le Förvaltningsrätten i Falun. Elle fait valoir qu’elle ne dispose pas d’établissement stable en Suède.

19      Le Skatteverket conclut au rejet du recours.

20      Dans ce contexte, le Förvaltningsrätten i Falun a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:

«1)      Comment la notion d’‘établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées’ doit-elle être interprétée dans le cadre d’un examen de l’affaire au regard des dispositions pertinentes du droit de l’Union?

2)      Un assujetti qui a le siège de son activité économique dans un autre État membre, dont l’activité consiste principalement dans la fabrication et la commercialisation de voitures et qui a effectué sur des modèles des tests en conditions hivernales dans des installations situées en Suède, doit-il être considéré comme ayant eu dans ce pays un établissement stable à partir duquel les opérations ont été effectuées dès lors qu’il a acquis des biens et des services qui ont été reçus et utilisés dans des installations d’essais en Suède sans avoir de personnel propre stationné de façon permanente dans ce pays, et dès lors que les tests sont nécessaires à l’exercice par lui de son activité économique dans un autre État membre?

3)      La circonstance que l’assujetti a en Suède une filiale à 100 % qui est presque exclusivement destinée à lui fournir divers services en rapport avec les tests en question influence-t-elle la réponse à apporter à la deuxième question?»

 Affaire C‑319/11

21      Widex, dont le siège de l’activité économique est situé au Danemark, dispose d’un département de recherche situé à Stockholm.

22      Elle effectue des acquisitions de biens et de services pour les besoins des travaux de recherche réalisés dans ce département.

23      Sur le fondement des règles relatives au remboursement en faveur des entreprises étrangères, elle a demandé au Skatteverket le remboursement de la TVA acquittée en amont lors desdites acquisitions. Sa demande, relative à la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008, a été présentée au Skatteverket le 9 juin 2009. Le montant réclamé s’élève à 109 023 SEK. Il correspond à la TVA acquittée à l’occasion, notamment, de dépenses de loyers, de formation et d’équipement technique.

24      Le Skatteverket a décidé de ne pas accorder le remboursement sollicité au motif que Widex disposerait d’un établissement stable en Suède. Il n’a pas invoqué l’existence de livraisons de biens ou de prestations de services réalisées par cette entreprise en Suède.

25      Widex a formé un recours contre la décision du Skatteverket devant le Förvaltningsrätten i Falun.

26      Au soutien de son recours, elle fait valoir, en substance, qu’elle fabrique des appareils de correction auditive et qu’elle dispose en Suède d’un centre qui a pour objet de faire de la recherche dans le domaine de l’audiologie. Ce centre constitue un département au sein de Widex. Les locaux de Stockholm ne servent ni à des opérations de vente ou de commercialisation ni à la fourniture de services et, dans ces locaux, il n’est procédé qu’à de la recherche pure. Les recettes du centre consistent dans les contributions financières qu’il reçoit du siège principal de Widex au Danemark. Widex fournit les fonds destinés aux salaires des quatre employés du département de recherche et les cotisations sociales sont versées directement par le siège principal au Danemark. En outre, Widex observe qu’elle est locataire des locaux de Stockholm et qu’elle dispose par ailleurs d’une filiale suédoise, établie à Malmö, qui vend et distribue ses produits en Suède. Cependant, le centre de recherche ne dépend pas de cette filiale.

27      Le Skatteverket conclut au rejet du recours.

28      Il considère que trois conditions doivent être remplies pour conclure à l’existence d’un établissement stable. Selon lui, il doit exister des moyens humains ainsi que des ressources techniques et l’établissement doit être assez permanent pour être en mesure de fournir ou de consommer des biens ou des services. Cependant, il ne serait pas requis que des biens ou des services soient effectivement fournis.

29      Le Skatteverket fait valoir que Widex a présenté une demande d’immatriculation en tant qu’employeur à partir du mois de septembre 2006, que l’activité est exercée dans des locaux situés à Stockholm et que les achats à cette fin semblent être effectués à partir de là, puisqu’une grande partie des factures mentionnent l’adresse de ces locaux. Il en déduit que Widex dispose d’un établissement stable à Stockholm, dès lors que l’activité a été exercée au même endroit pendant plusieurs années et qu’il existe dans lesdits locaux des moyens humains et des ressources techniques.

30      Dans ce contexte, le Förvaltningsrätten i Falun a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:

«1)      Comment la notion d’‘établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées’ doit-elle être interprétée dans le cadre d’un examen de l’affaire au regard des dispositions pertinentes du droit de l’Union?

2)      Un assujetti qui a le siège de son activité économique dans un autre État membre et dont l’activité consiste notamment dans la fabrication et la commercialisation d’appareils de correction auditive doit-il, par le fait qu’il exerce une activité de recherche en audiologie dans un département de recherche situé en Suède, être considéré comme ayant eu dans ce pays un établissement stable à partir duquel les opérations ont été effectuées dès lors qu’il a acquis des biens et des services qui ont été reçus et utilisés dans ledit département situé en Suède?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions dans les affaires C‑318/11 et C‑319/11

31      Par ses deux premières questions dans chacune des deux affaires C‑318/11 et C‑319/11, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un assujetti à la TVA établi dans un État membre et ne réalisant dans un autre État membre que des essais techniques ou des travaux de recherche, à l’exclusion d’opérations imposables, peut être considéré comme disposant, dans cet autre État membre, d’un «établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées», au sens de l’article 1er de la huitième directive et de l’article 3, sous a), de la directive 2008/9.

32      Un tel critère comporte deux conditions cumulatives, tirées, d’une part, de l’existence d’un «établissement stable» et, d’autre part, de la réalisation, à partir de celui-ci, d’«opérations».

33      Le Skatteverket estime que le droit à remboursement de la TVA est exclu lorsque le demandeur dispose dans l’État membre du remboursement d’un établissement stable présentant une certaine consistance. Il soutient, en substance, que l’article 1er de la huitième directive et l’article 3, sous a), de la directive 2008/9 n’exigent pas, en outre, la réalisation par cet établissement, en aval, d’opérations taxables dans l’État membre de remboursement, pour exclure un droit à remboursement de la TVA acquittée en amont, dans ledit État, au titre d’acquisitions de biens ou de services effectuées dans celui-ci.

34      Selon le Skatteverket, il résulterait de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, Rec. p. 2251; du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting Linien, C‑231/94, Rec. p. I‑2395; du 17 juillet 1997, ARO Lease, C‑190/95, Rec. p. I‑4383; du 20 février 1997, DFDS C‑260/95, Rec. p. I‑1005; du 7 mai 1998, Lease Plan, C‑390/96, Rec. p. I‑2553, et du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg, C‑73/06, Rec. p. I‑5655) que l’établissement stable est celui à ce point autonome que des biens ou des services pourraient être mis sur le marché au départ de celui-ci. Il ne serait pas requis, en revanche, que l’établissement stable fournisse effectivement des biens ou des services.

35      À cet égard, il doit être relevé que, dans l’ensemble des arrêts invoqués par le Skatteverket et visés au point précédent du présent arrêt, la Cour a interprété la notion d’«établissement stable» ou de «siège de l’activité économique» à propos d’opérations taxables effectivement réalisées, aux fins de la détermination du lieu d’imposition de celles-ci. Elle n’a, ce faisant, aucunement statué sur la question distincte de savoir si, aux fins d’une exclusion d’un droit à un remboursement de la TVA, des opérations taxables doivent avoir été effectivement réalisées dans l’État membre de remboursement ou bien si une simple aptitude à réaliser de telles opérations suffit.

36      S’agissant de cette dernière question, il y a lieu de rappeler, en revanche, que, dans son arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Italie (C‑244/08, points 31 et 32), la Cour a jugé que l’expression «établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées», contenue à l’article 1er de la huitième directive et, à présent, à l’article 3, sous a), de la directive 2008/9, doit être interprétée en considérant comme un assujetti non-résident une personne qui ne possède pas d’établissement stable réalisant des opérations taxables d’une manière générale. L’existence d’opérations actives dans l’État membre concerné constitue ainsi le facteur déterminant pour exclure le recours à la huitième directive. La Cour a de même jugé que le terme «opérations» employé dans l’incise «à partir duquel les opérations sont effectuées» ne peut concerner que des opérations en aval.

37      Il en résulte que, aux fins de l’exclusion d’un droit à remboursement, doit être constatée la réalisation effective d’opérations imposables par l’établissement stable dans l’État de présentation de la demande de remboursement, et non pas une simple aptitude dudit établissement à la réalisation de telles opérations.

38      Or, dans les litiges au principal, il n’est pas contesté que les entreprises concernées ne réalisent pas d’opérations imposables en aval dans l’État membre des demandes de remboursement par le biais de leurs services d’essais techniques et de recherche.

39      Dans de telles circonstances, un droit à remboursement de la TVA payée en amont doit donc être reconnu, sans qu’il y ait lieu d’examiner, par ailleurs, si les entreprises en cause disposent effectivement, chacune, d’un «établissement stable» au sens des dispositions à interpréter, dès lors que les deux conditions composant le critère d’«établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées» sont cumulatives.

40      Ainsi que le souligne la Commission, une telle interprétation correspond à la finalité des directives applicables, qui est de permettre à l’assujetti d’obtenir le remboursement de la TVA acquittée en amont, lorsque, en l’absence d’opérations imposables actives dans l’État membre du remboursement, il ne pourrait déduire cette TVA acquittée en amont d’une TVA due en aval.

41      En effet, le droit, pour un assujetti établi dans un État membre, d’obtenir le remboursement de la TVA acquittée dans un autre État membre, tel que régi par la huitième directive, est le pendant du droit, instauré en sa faveur par la directive TVA, de déduire la TVA payée en amont dans son propre État membre (arrêt Planzer Luxembourg, précité, point 35).

42      Il convient de relever, enfin, que l’article 1er de la huitième directive et l’article 3, sous b), de la directive 2008/9 subordonnent expressément un droit à remboursement de la TVA à l’absence de livraison de biens et de prestations de services réputées avoir eu lieu dans l’État membre de remboursement, lorsque l’assujetti n’a, dans cet État, ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle.

43      La réalisation effective d’opérations taxables dans l’État membre de remboursement est ainsi la condition commune d’une exclusion d’un droit à remboursement, que l’assujetti demandeur ait ou non un établissement stable dans cet État.

44      En conséquence, il convient de répondre aux deux premières questions, dans chacune des affaires, qu’un assujetti à la TVA établi dans un État membre et ne réalisant dans un autre État membre que des essais techniques ou des travaux de recherche, à l’exclusion d’opérations imposables, ne peut pas être considéré comme disposant, dans cet autre État membre, d’un «établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées», au sens de l’article 1er de la huitième directive et de l’article 3, sous a), de la directive 2008/9.

 Sur la troisième question dans l’affaire C‑318/11

45      Par sa troisième question dans l’affaire C‑318/11, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’interprétation donnée de la notion d’«établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées» est remise en cause, dans une situation telle que celle du litige au principal, par la circonstance que l’assujetti dispose, dans l’État membre de sa demande de remboursement, d’une filiale à 100 % presque exclusivement destinée à lui fournir divers services en rapport avec les essais techniques réalisés.

46      Le Skatteverket soutient que, dans le litige au principal, l’assujetti dispose, par le biais de sa filiale à 100 %, d’un établissement stable dans l’État membre de présentation de sa demande de remboursement.

47      Il fait valoir que la Cour a jugé, aux points 26 à 29 de son arrêt DFDS, précité, qu’une filiale disposant de moyens techniques et humains qui agit comme un simple auxiliaire de sa société mère constitue un établissement stable de celle-ci dans l’État membre de situation de cette filiale.

48      À cet égard, il suffit de constater qu’une filiale à 100 % telle que celle visée par la juridiction de renvoi est une personne morale assujettie de façon autonome et que les acquisitions de biens en cause au principal n’ont pas été effectuées par elle.

49      Par ailleurs, il convient de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt DFDS, précité, l’indépendance du statut de la filiale n’a été écartée au profit de la réalité commerciale qu’afin de déterminer qui de la société mère ou de la filiale avait effectivement réalisé les opérations imposables actives de fourniture de services concernées et, par suite, quel était l’État membre d’imposition de ces opérations.

50      Or, dans l’affaire C‑318/11, n’est pas remplie la condition même de l’existence d’opérations imposables actives réalisées en aval par le service d’essais techniques, condition cumulativement liée à la notion d’«établissement stable» et donc, à elle seule, nécessaire à l’exclusion d’un droit à remboursement.

51      En conséquence, il y a lieu de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑318/11 que l’interprétation donnée de la notion d’«établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées» n’est pas remise en cause, dans une situation telle que celle du litige au principal, par la circonstance que l’assujetti dispose, dans l’État membre de sa demande de remboursement, d’une filiale à 100 % presque exclusivement destinée à lui fournir divers services en rapport avec les essais techniques réalisés.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

1)      Un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi dans un État membre et ne réalisant dans un autre État membre que des essais techniques ou des travaux de recherche, à l’exclusion d’opérations imposables, ne peut pas être considéré comme disposant, dans cet autre État membre, d’un «établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées», au sens de l’article 1er de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays, telle que modifiée par la directive 2006/98/CE du Conseil, du 20 novembre 2006, et de l’article 3, sous a), de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre.

2)      Cette interprétation n’est pas remise en cause, dans une situation telle que celle du litige au principal dans l’affaire C‑318/11, par la circonstance que l’assujetti dispose, dans l’État membre de sa demande de remboursement, d’une filiale à 100 % presque exclusivement destinée à lui fournir divers services en rapport avec les essais techniques réalisés.

Signatures


* Langue de procédure: le suédois.