Language of document : ECLI:EU:T:2018:962

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

13 décembre 2018 (*)

«  Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire no 2371591-0001 (Coussin de soutien) – Irrecevabilité du recours devant la chambre de recours – Envoi d’un document à l’EUIPO par le biais du formulaire de contact – Envoi d’un document à l’EUIPO par un moyen électronique et par télécopieur »

Dans l’affaire T‑30/18,

Yado s.r.o., établie à Handlová (Slovaquie), représentée par Me D. Futej, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme R. Cottrell et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Dvectis CZ s.r.o., établie à Brno (République tchèque), représentée par Me L. Litváková, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 14 novembre 2017 (affaire R 1017/2017-3), relative à une procédure de nullité entre Dvectis CZ et Yado,

LE TRIBUNAL (juge unique),

Juge : M. U. Öberg

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2018,

vu la décision du Tribunal, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à M. U. Öberg, siégeant en qualité de juge unique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 décembre 2013, la requérante, Yado s.r.o., a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») est reproduit ci-après :

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3        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré sous le numéro 2371591-0001. Son enregistrement a été publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 017/2014, du 28 janvier 2014.

4        Le 15 septembre 2016, l’intervenante, Dvectis CZ s.r.o., a introduit auprès de l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 52 du règlement no 6/2002. Le motif invoqué au soutien de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

5        Dans sa demande en nullité, l’intervenante a fait valoir, notamment, que le dessin ou modèle contesté ne présentait pas de caractère individuel et ne satisfaisait pas aux critères de nouveauté au sens des articles 4 à 7 du règlement no 6/2002, et s’est prévalue, à l’appui de ses déclarations, de plusieurs documents, à savoir, notamment, des impressions de plusieurs pages de sites web et de réseaux sociaux, censés établir la divulgation au public de dessins ou modèles antérieurs.

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6        Par décision du 16 mars 2017, la division d’annulation a déclaré nul le dessin ou modèle contesté en raison de son absence de nouveauté.

7        Le 15 mai 2017, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 14 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a déclaré le recours irrecevable. Tout d’abord, la chambre de recours a constaté que le délai pour soumettre le mémoire exposant les motifs du recours contre la décision de la division d’annulation (ci-après le « mémoire exposant les motifs du recours ») avait expiré le 17 juillet 2017. La chambre de recours a ensuite observé que le « rapport d’exécution des tâches » du télécopieur à partir duquel le mémoire exposant les motifs du recours aurait été envoyé le 17 juillet 2017 ne mentionnait que le nombre de pages transmises, en l’occurrence cinq pages, et n’identifiait d’aucune manière la nature et le contenu de ces pages. La chambre de recours a ajouté ne pas ignorer que le document reçu deux jours plus tard au numéro de télécopieur officiel de l’EUIPO était également composé de cinq pages, mais a considéré que l’envoi d’un document ne pouvait être établi sur de simples hypothèses, de sorte que la coïncidence du nombre de pages ne saurait être considérée comme preuve que les cinq pages envoyées le 17 juillet 2017 correspondaient bien au document reçu deux jours plus tard. La chambre de recours a dès lors conclu que le mémoire exposant les motifs du recours avait été reçu en dehors du délai imparti et que le recours était irrecevable.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable.

 En droit

 Sur la recevabilité

12      L’intervenante conclut à l’irrecevabilité du présent recours.

13      À cet égard, il convient de constater qu’il ressort du contenu du mémoire en réponse de l’intervenante que celle-ci a en réalité entendu conclure au rejet du recours comme étant non fondé.

14      Dès lors, il convient d’examiner le fond de la présente affaire.

 Sur le fond

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés respectivement, le premier, d’une violation de l’article 57 du règlement no 6/2002 et de l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 2245/2002 ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité, le deuxième, de la violation du droit fondamental d’être entendu et de la privation de la possibilité d’ester en justice et, le troisième, de la violation des principes fondamentaux tirés du règlement no 6/2002.

16      À l’appui du premier moyen, la requérante fait tout d’abord valoir que l’EUIPO aurait choisi le télécopieur comme forme de communication avec la requérante. Ainsi, la requérante aurait, le 14 juillet 2017, envoyé la version finale du mémoire exposant les motifs du recours par courrier recommandé et tenté de l’envoyer par télécopieur au numéro de télécopie mentionné sur la page Internet de l’EUIPO (ci-après le « numéro officiel »), sans succès. Le 16 juillet 2017, la requérante aurait à nouveau communiqué le document à l’EUIPO par courrier électronique par l’intermédiaire du formulaire de contact de la page Internet de l’EUIPO, pour ensuite l’envoyer le 17 juillet 2017 par télécopieur au numéro de télécopie utilisé pour la notification de la décision de la division d’annulation.

17      La requérante soutient qu’aucun acte juridique contraignant ne précise qu’un document n’est considéré comme communiqué qu’après son envoi au numéro officiel. De même, aucune disposition juridique ne préciserait le numéro officiel. Selon la requérante, l’envoi du mémoire exposant les motifs du recours à un numéro de télécopieur autre que le numéro officiel n’est pas en contradiction avec le règlement no 6/2002.

18      La requérante soutient en outre que la chambre de recours ne pouvait valablement remettre en cause le contenu du mémoire exposant les motifs du recours au seul motif que la requérante n’aurait pu démontrer que le document envoyé le 17 juillet 2017 était le même que celui envoyé après l’expiration du délai imparti.

19      Enfin, la requérante invoque l’arrêt du 8 juin 2016, Monster Energy/EUIPO (Représentation d’un symbole de paix) (T‑583/15, EU:T:2016:338), dont il ressortirait que, dans cette affaire, l’EUIPO aurait admis qu’un rapport de transmission d’un document suffit à démontrer la notification d’un document envoyé par l’EUIPO, de sorte qu’il devrait en être de même dans le cas où l’expéditeur est une autre personne que l’EUIPO, au risque de méconnaître les principes de sécurité juridique et de proportionnalité.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      À titre liminaire, il convient de constater que le délai pour déposer le mémoire exposant les motifs du recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation du 16 mars 2017 a expiré le 17 juillet 2017 à 23 h 59.

22      Il convient également de rappeler que, selon l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 2245/2002, toutes les demandes prévues par le règlement no 6/2002 et toutes les autres communications adressées à l’EUIPO peuvent être transmises par voie postale, par télécopieur ou par des moyens électroniques. Les parties disposent ainsi de plusieurs moyens de communication à leur disposition pour transmettre les documents à l’EUIPO dans les délais prévus.

23      Dès lors, comme le reconnaît d’ailleurs l’EUIPO, la requérante disposait du choix du mode de transmission du mémoire exposant les motifs du recours, de sorte qu’il lui appartenait de s’assurer que ledit mémoire soit déposé dans le délai prévu à l’article 57 du règlement no 6/2002, soit le 17 juillet 2017 au plus tard.

24      À cet égard, il ressort des éléments du dossier que, d’une part, la requérante a envoyé le mémoire exposant les motifs du recours le 16 juillet 2017 par voie électronique par l’intermédiaire du formulaire de contact de l’EUIPO, ce que l’EUIPO ne conteste d’ailleurs pas.

25      D’autre part, l’EUIPO ne conteste également pas avoir reçu, le 17 juillet 2017, un document de cinq pages au numéro de télécopieur utilisé pour la notification de la décision de la division d’annulation. Il se limite à affirmer que, dès lors que ce télécopieur ne dispose pas de mémoire permettant d’enregistrer son activité, il ne lui est pas possible d’obtenir un compte-rendu des documents reçus.

26      S’agissant de la transmission à l’EUIPO d’un document par des moyens électroniques, il convient de remarquer que l’article 67, paragraphe 2, du règlement no 2245/2002 précise que les conditions d’une telle transmission sont arrêtées par le président de l’EUIPO. Or, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le président de l’EUIPO a proscrit l’utilisation du formulaire électronique comme un moyen électronique de transmission des documents à l’EUIPO.

27      S’agissant de la transmission par télécopieur, il convient de rappeler que, afin qu’une instance de l’EUIPO telle que la chambre de recours en question puisse, dans le cadre d’une procédure instruite devant elle, ne pas prendre en considération une télécopie qui lui est parvenue directement et non pas au numéro spécifiquement désigné à cet effet, il faudrait qu’une telle règle fût expressément prévue [voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2013, Bopp/OHMI (Représentation d’un cadre octogonal vert), T‑263/11, non publié, EU:T:2013:61, point 42].

28      En l’espèce, l’absence de règle contraignante qui prévoirait, même implicitement, une irrecevabilité des pièces de procédure parvenues par télécopie à un autre numéro de télécopieur que celui spécifiquement désigné à cet effet a été reconnu par l’EUIPO dans son mémoire en réponse.

29      Partant, la requérante pouvait légitimement estimer qu’elle était en droit d’envoyer le mémoire exposant les motifs du recours par voie électronique par l’intermédiaire d’un formulaire de contact ainsi qu’au numéro de télécopieur utilisé pour la notification de la décision de la division d’annulation.

30      En outre, le Tribunal a déjà jugé que la production de rapports de transmission d’une télécopie comportant des éléments leur conférant un caractère probant suffisait à établir la réception de ladite télécopie par son destinataire. En effet, les télécopieurs sont conçus de telle sorte que tout problème de transmission mais également de réception est signalé par un message d’erreur, indiquant précisément à l’expéditeur le motif de non-réception, tel qu’il lui est communiqué par le télécopieur du destinataire, et que, en l’absence de communication d’un tel problème, un message de transmission effective est généré. Ainsi, en l’absence de message d’erreur et en présence d’un rapport de transmission comportant la mention « OK », il peut être considéré que la télécopie envoyée a été reçue par son destinataire [voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Renfe-Operadora/EUIPO (AVE), T‑367/15, non publié, EU:T:2017:255, point 47 et jurisprudence citée].

31      Il importe, toutefois, de souligner que la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus ne saurait être lue comme excluant la possibilité pour le destinataire d’établir, que, en dépit de la mention « OK » apparaissant sur les rapports de transmission d’un télécopieur dont il aurait été le destinataire, il n’a pas, en réalité, été mis en mesure d’en prendre connaissance [arrêt du 4 mai 2017, Kasztantowicz/EUIPO – Gbb Group (GEOTEK), T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 43].

32      En l’espèce, il ressort du « rapport d’exécution des tâches » daté du 17 juillet 2017, auquel la chambre de recours fait référence au point 13 de la décision attaquée, que, à ladite date, un document composé de cinq pages a été envoyé, avec succès, au numéro de télécopieur 0034965137707, numéro que l’EUIPO a admis avoir utilisé pour la notification de la décision de la division d’annulation. Ce nombre de pages correspond, ainsi que l’a reconnu la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, au nombre de pages du mémoire exposant les motifs du recours reçu deux jours plus tard au numéro officiel.

33      Or, il convient de remarquer que l’EUIPO n’invoque aucune circonstance susceptible de remettre en cause qu’il a été mis en mesure de prendre connaissance du mémoire exposant les motifs du recours. Tout au plus allègue-t-il que le télécopieur concerné ne disposait pas d’une mémoire permettant d’enregistrer son activité, de sorte qu’il ne lui est pas possible d’obtenir un compte-rendu des documents reçus. Or, une telle allégation ne saurait suffire à présumer que le mémoire exposant les motifs du recours adressé par la requérante au numéro rattaché à ce télécopieur n’aurait pas été reçu par l’EUIPO, de sorte qu’il incomberait à la requérante de rapporter une preuve supplémentaire de son envoi.

34      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le « rapport d’exécution des tâches » du 17 juillet 2017 démontre à suffisance de droit que la requérante a déposé le mémoire exposant les motifs du recours dans le délai imparti. La date de l’envoi dudit document est le 17 juillet 2017, le numéro de télécopie du destinataire a été utilisé pour la notification de la décision de la division d’annulation, le nombre de pages envoyées est de cinq, ce qui correspond au nombre de pages du mémoire exposant les motifs du recours, et le résultat de la transmission est indiqué comme étant « OK », sans qu’aucun message d’erreur n’ait été signalé.

35      Ainsi, si la charge légale de la preuve que l’EUIPO a été mis en mesure de prendre connaissance du document déposé les 16 et 17 juillet 2017 incombait, en l’espèce, à la requérante, les éléments factuels que cette dernière invoque sont de nature à obliger l’EUIPO à fournir une explication ou une justification de ce qu’il n’aurait pas reçu ledit document, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mai 2017, GEOTEK, T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 47 et jurisprudence citée).

36      Par conséquent, le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé dans le délai imparti, de sorte que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’irrecevabilité du recours.

37      Partant, il convient d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

39      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

40      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 novembre 2017 (affaire R 1017/2017-3) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Yado s.r.o.

3)      Dvectis CZ s.r.o. supportera ses propres dépens.


 

Öberg      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signature


*      Langue de procédure : le slovaque.