Language of document : ECLI:EU:T:2021:707

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 octobre 2021 (*)

« Concours financier – Sixième programme-cadre de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (2002-2006) – Contrat concernant un concours financier de l’Union en faveur d’un projet dans le domaine de la collaboration médicale – Décision formant titre exécutoire – Compétence de la Commission – Conventions de subvention – Recouvrement d’une partie de la contribution financière versée – Clause compromissoire – Coûts éligibles – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑191/16,

Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me E. Tzannini, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Katsimerou, L. André et M. J. Estrada de Solà, en qualité d’agents, assistés de Me E. Roussou, avocate,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2016) 1080 final de la Commission, du 16 février 2016, relative au recouvrement d’un montant de 109 415,20 euros, majoré des intérêts, versé à la requérante dans le cadre d’un concours financier au soutien d’un projet de recherches médicales,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin et Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro AE, est une maternité spécialisée dans les domaines de l’obstétrique, de la gynécologie et de la chirurgie. La requérante est membre d’un consortium qui, le 19 décembre 2003, a conclu avec la Commission européenne un contrat concernant un projet de recherches médicales, dénommé Dicoems, aux termes duquel la Commission s’engageait à apporter sa contribution financière par le versement de plusieurs tranches (ci-après le « contrat »). Le projet en cause, qui s’inscrit dans le cadre du sixième programme-cadre de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (2002-2006) (ci-après le « programme FP6 »), a débuté le 1er janvier 2004 et s’est achevé le 30 juin 2006.

2        Selon l’article 12 du contrat, celui-ci est régi par le droit belge. Par ailleurs, en vertu de son article 13, le Tribunal, ou, selon les circonstances du cas spécifique, la Cour, est seul compétent pour trancher tout litige entre l’Union européenne et les membres du consortium relatif à la validité, à l’application ou à toute interprétation du contrat.

3        Dans le cadre de l’exécution du contrat, la requérante a perçu, au titre de la contribution de l’Union, un montant total de 117 306,85 euros versé en deux tranches. Une troisième tranche, initialement prévue, n’a pas été versée.

4        Par lettre du 29 avril 2009, la Commission a informé la requérante qu’elle ferait l’objet d’un contrôle, sous la forme d’un audit financier, en raison de sa participation au projet Dicoems. Il ressort de cette lettre que la requérante allait notamment devoir présenter, lors de ce contrôle, les fiches de présence du personnel affecté au projet. Lors de l’audit, qui a été effectué du 3 au 6 août 2009, il a été constaté que la requérante n’avait pas remis les fiches de présence consignant les heures de travail de son personnel dont elle demandait le remboursement.

5        En octobre 2009, la Commission a communiqué à la requérante le rapport d’audit provisoire faisant état de l’absence des fiches de présence et l’a invitée à présenter ses observations. Les observations transmises par la requérante par lettre du 5 novembre 2009 n’ayant pas convaincu la Commission, celle-ci a, par lettre du 23 décembre 2009, maintenu les conclusions qui avaient été formulées dans le rapport d’audit provisoire. De même, la Commission a communiqué à la requérante le rapport d’audit final.

6        Le 27 avril 2010, la Commission a adressé à la requérante une lettre d’information préalable à une procédure de recouvrement, l’invitant à lui rembourser la somme de 109 415,20 euros. Le 26 mai 2010, la requérante a demandé à la Commission que ses observations précédemment transmises soient à nouveau examinées et approuvées. La Commission a répondu à ladite demande le 13 juillet 2010.

7        Considérant toutefois que la réponse de la requérante n’avait apporté aucun élément nouveau, la Commission lui a adressé, le 22 juillet 2010, une note de débit dans laquelle il lui était demandé de payer la somme de 109 415,20 euros pour le 6 septembre 2010. Le 31 août 2010, la requérante a introduit un recours en annulation de cette note de débit, qui a été rejeté comme irrecevable par ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T‑353/10, EU:T:2011:589).

8        Par courriers des 20 septembre 2010, 19 décembre 2011 et 11 juillet 2013, la Commission a rappelé sa créance à la requérante, en l’invitant à s’acquitter du montant principal ainsi que des intérêts moratoires.

9        Le 16 février 2016, la Commission a adopté la décision C(2016) 1080 final, imposant à la requérante le paiement de la somme de 109 415,20 euros, majorée des intérêts (ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2016, la requérante a introduit le présent recours. La Commission a déposé son mémoire en défense le 3 août 2016.

11      La requérante a déposé sa réplique le 19 octobre 2016, tandis que la Commission a déposé sa duplique le 2 décembre 2016.

12      La procédure dans la présente affaire a été suspendue du 15 décembre 2017 au 16 juillet 2020 dans l’attente du prononcé de l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576). Interrogées sur les conséquences à tirer de cet arrêt pour la présente procédure, les parties ont soumis leurs observations le 27 août 2020, pour la Commission, et le 31 août 2020, pour la requérante.

13      Par des mesures d’organisation de la procédure des 26 janvier, 29 mars et 18 mai 2021, adoptées en vertu de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à répondre à plusieurs questions et à produire différents documents. Les parties y ont répondu, à chaque fois, dans les délais impartis.

14      En l’absence de demande d’audience de plaidoiries par les parties dans le délai prescrit, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé de statuer sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit au recours et annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que le temps de travail fourni par son personnel pour les travaux livrés est le temps indiqué dans les faits de la requête ;

–        prendre en considération ses arguments s’il devait estimer que les sommes telles qu’admises dans son « mémoire » du 5 novembre 2009 doivent être remboursées ;

–        annuler la décision attaquée également dans sa partie pour laquelle la troisième tranche n’a pas été versée ;

–        compenser les sommes éventuellement dues avec celles jamais versées de la troisième tranche ;

–        estimer que la requête interrompt la prescription relative à son droit au versement par la Commission de la troisième tranche ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les questions de recevabilité soulevées par la Commission

17      À titre liminaire, la Commission appelle l’attention sur certaines lacunes quant au respect du règlement de procédure par la requérante et invite le Tribunal à tirer les conséquences qui s’imposent. En particulier, premièrement, elle fait valoir que la requête est accompagnée d’annexes comprenant des milliers de pages, dont la plupart n’ont aucun rapport avec l’objet du litige. Le renvoi à ces annexes serait effectué sans mention de la page ou du paragraphe précis des annexes qui pourraient éventuellement étayer un argument précis. En particulier, elle soutient que le fait que la requérante procède à des références ou à des renvois même aux pièces de procédure déposés dans le cadre d’une autre affaire est particulièrement illustratif de son manque de diligence dans la rédaction de la requête. En conséquence, elle invoque l’article 76, sous d), du règlement de procédure et la jurisprudence ayant interprété cette disposition pour soutenir que les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de sa requête et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments.

18      Deuxièmement, la Commission fait valoir que plusieurs annexes sont difficilement lisibles (annexes A.12 à A.15 de la requête) en violation du point 101, sous e), des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal (ci-après les « dispositions pratiques ») dans leur version applicable au moment de l’introduction de la requête (JO 2015, L 152, p. 1).

19      Troisièmement, elle fait observer que « les points ne portent pas sur toutes les pages de la requête une numérotation continue et dans l’ordre croissant, contrairement à ce que prévoit le point 92 des dispositions pratiques » et, à cet égard, fait valoir qu’il semblerait que certains points seraient repris intégralement d’un autre acte d’une autre affaire devant le Tribunal sans que la requérante ait changé leur numérotation.

20      À cet égard, la requérante estime que sa requête respecte pleinement les dispositions du règlement de procédure et soutient avoir procédé à des modifications à la suite de la demande de régularisation du greffe du Tribunal du 13 mai 2016. Quant à l’allégation selon laquelle certains points de la requête porteraient une numérotation double, la requérante soutient que le premier numéro désigne la numérotation des points du mémoire en question, tandis que le second correspond à la numérotation de la lettre datée du 5 novembre 2009.

21      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir les moyens et les arguments invoqués. Il ressort d’une jurisprudence bien établie que l’exposé des moyens et des griefs doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu de la disposition rappelée ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 92 (non publié) et jurisprudence citée].

22      Il s’ensuit que, en l’espèce, les annexes de la requête ne seront prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de ses écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 63).

23      S’agissant, en particulier, des annexes A.16 à A.28 de la requête qui représentent un total de 1 034 pages, ainsi qu’il ressort du bordereau des annexes de la requête, la requérante invoque l’ensemble desdites annexes à l’appui du point 51 de la requête, dont il ressort qu’elle soutient avoir « livré dans les délais applicables et comme il se d[evait] tous les travaux qu[’elle] dev[ait] livrer conformément au contrat, alors même que la dernière tranche du programme n’a[vait] toujours pas été versée bien qu[’elle] l’a[it] achevé depuis longtemps et qu’il n’a[it] jamais été contesté qu[’elle] a[vait] légalement réalisé le programme, étant donné que tous [se]s rapports trimestriels [avaient] été acceptés ». Il peut en être déduit que l’ensemble des annexes en question sont censées démontrer que la requérante a bien livré tous les travaux conformément au contrat. Or, cet aspect n’a pas été contesté en l’espèce ni par les auditeurs ni par la Commission. Par ailleurs, il convient de constater que ce point de la requête ne fait pas référence auxdites annexes.

24      Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 21 et 22 ci-dessus, le Tribunal ne saurait tenir compte des annexes A.16 à A.28 de la requête qui doivent être écartées.

25      Quant à la référence aux annexes produites dans une autre affaire, en l’occurrence dans celle ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T‑353/10, EU:T:2011:589), il convient de rappeler que chaque affaire introduite devant le Tribunal dispose de son propre dossier, contenant notamment les pièces et actes de procédure produits par les parties dans l’affaire concernée, et que chacun de ces dossiers est entièrement autonome. Ainsi qu’il résulte du point 25 des dispositions pratiques, « [u]n acte de procédure et ses annexes produits dans une affaire, versés au dossier de cette dernière, ne peuvent pas être pris en compte pour les besoins de la mise en état d’une autre affaire » [arrêt du 6 décembre 2018, Deichmann/EUIPO – Vans (Représentation de lignes sur une chaussure), T‑638/16, non publié, EU:T:2018:883, point 48]. Par conséquent, toute référence aux annexes produites dans d’autres affaires introduites devant le Tribunal est irrecevable.

26      S’agissant des annexes illisibles, à savoir les annexes A.12 à A.15 de la requête, il est vrai que le point 101, sous e), des dispositions pratiques prévoit que les annexes doivent être facilement lisibles. Toutefois, il y a lieu de relever que l’inobservation de cette règle n’entraîne pas de conséquences en ce qui concerne la recevabilité du recours ou le retard de sa signification conformément aux annexes desdites dispositions pratiques étant donné que cette règle n’est mentionnée ni à l’annexe 1 ni à l’annexe 2 desdites dispositions pratiques. Il convient de rappeler, d’une part, qu’une requête doit être considérée comme étant introduite de manière irrecevable lorsque, conformément au point 110 des dispositions pratiques, elle fait l’objet d’une demande de régularisation en ce qu’elle n’est pas conforme aux conditions précisées à l’annexe 1 des dispositions pratiques d’exécution et que la partie requérante ne procède pas à la régularisation demandée. D’autre part, en application du point 111 des dispositions pratiques, une requête entachée d’irrégularités de forme visée par l’annexe 2 desdites dispositions ne peut entraîner qu’un retard dans la signification de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 33). En outre, il y a lieu de relever que, sur invitation du Tribunal, la requérante a produit une version lisible de l’annexe A.13 de la requête. En revanche, les annexes A.12, A.14 et A.15 de la requête n’étant pas lisibles, elles ne sauraient être prises en compte.

27      Quant aux points 5 à 12 de la requête, force est de constater que, certes, ces points comportent une numérotation double et qu’il s’agit de points que la requérante a développés dans sa requête introductive dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T‑353/10, EU:T:2011:589). Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de la requête notamment dans la mesure où ces huit points sont reproduits dans la requête et portent sur la lettre du 5 novembre 2009 qui fait partie du dossier de la présente affaire et est également annexée à la requête en tant qu’annexe A.4. En tout état de cause, force est de constater que l’inobservation de la règle contenue au point 92 des dispositions pratiques, selon laquelle « [c]haque paragraphe de l’acte de procédure est numéroté de manière continue et dans l’ordre croissant », ne peut entraîner qu’un retard de signification et une régularisation dudit acte, conformément au point 111 desdites dispositions pratiques.

28      En outre, la Commission a fait valoir que le Tribunal ne peut pas tenir compte du troisième chef de conclusions dans la mesure où il renvoie à un mémoire que la requérante a déposé dans le cadre d’une autre affaire qu’elle ne précise d’ailleurs pas (textuellement : « dans notre mémoire du 5 novembre 2009 »).

29      À cet égard, il suffit de constater que le troisième chef de conclusions, à savoir « prendre en considération [se]s arguments s[i le Tribunal] devait estimer que les sommes, telles que [la requérante] les adme[t] dans [son] mémoire du 5 novembre 2009, doivent être remboursées », porte en réalité sur la lettre, datée du 5 novembre 2009, qui a été envoyée, par courriel, à la Commission le 6 novembre 2009 et par laquelle la requérante a contesté les conclusions du rapport d’audit provisoire. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne s’agit pas d’un mémoire déposé dans une autre affaire, de sorte que ce document ne saurait être écarté en l’espèce.

30      En revanche, ce chef de conclusions par lequel la requérante demande de « prendre en compte ses arguments » ne contient pas de demande procédurale adressée au Tribunal et ne saurait être examiné par celui-ci en tant que chef de conclusions autonome.

 Sur la demande d’annulation

31      À titre liminaire, il y a lieu de constater que le présent recours a été introduit au titre de l’article 263 TFUE. Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen porte sur l’impossibilité pour la Commission d’adopter une décision formant titre exécutoire au sens de l’article 299 TFUE dans le cadre d’une relation contractuelle. Dans le cadre de ce moyen ainsi que par son quatrième moyen, la requérante invoque également une violation du principe de protection de la confiance légitime.

32      Par l’ensemble des autres moyens (deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens), la requérante remet en cause le montant et l’existence de la créance faisant objet de la décision attaquée.

33      À cet égard, la Cour a jugé que, lorsque le juge de l’Union était saisi, en application de l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation contre une décision de la Commission formant titre exécutoire formalisant une créance contractuelle, ce juge était compétent pour examiner ce recours eu égard à l’exercice de prérogatives de puissance publique qu’implique l’adoption d’une telle décision. Toutefois, dans le cadre de l’examen d’un tel recours, ledit juge est appelé à connaître non seulement des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des agissements de la Commission en tant qu’autorité administrative, mais également des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles liant la Commission à la partie requérante (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 88).

34      Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen du premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, il conviendra d’examiner l’ensemble des moyens soulevés par la requérante.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’incompétence de la Commission pour adopter une décision formant titre exécutoire au sens de l’article 299 TFUE aux fins du recouvrement d’une créance contractuelle

35      Par la première branche du présent moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, conformément à l’arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 20 et 21), la Commission ne peut pas, en vue d’obtenir des effets juridiques contraignants qui se situent dans le cadre d’une relation contractuelle, adopter un acte susceptible de recours en annulation, mais doit se limiter à utiliser uniquement les possibilités contractuelles pour revendiquer la bonne exécution du contrat. Selon elle, cela vaut même dans l’hypothèse où la Commission se serait réservé le droit de faire usage de prérogatives de puissance publique dans le cadre d’un contrat à travers une stipulation contractuelle.

36      Selon la requérante, la Commission ne saurait faire usage, à l’intérieur du cadre contractuel, de l’autorité publique dont elle est investie, ni par conséquent adopter un acte exécutoire au sens de l’article 299 TFUE aux fins du recouvrement d’une somme indûment versée sur le fondement d’une obligation contractuelle. La possibilité, pour la Commission, d’osciller entre les possibilités contractuelles et les prérogatives de puissance publique dont elle est investie constituerait une violation du principe de transparence auquel les institutions de l’Union seraient tenues dans la mesure où la Commission déterminerait unilatéralement la somme qui lui serait prétendument due par son contractant.

37      La requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel les effets juridiques de la décision attaquée iraient manifestement au-delà des limites de la relation contractuelle. Elle souligne, à cet égard, que la décision attaquée n’inflige pas une amende, ni ne prévoit une mesure de nature équivalente et ne fait que revendiquer une créance procédant d’une obligation contractuelle.

38      La Commission conteste les arguments de la requérante.

39      À titre liminaire, il convient de relever que la question de savoir si la Commission peut adopter une décision formant un titre exécutoire au titre de l’article 299 TFUE pour réclamer une créance née par l’inexécution d’un contrat a fait l’objet d’un examen dans l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576).

40      Ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 299, premier alinéa, TFUE, les actes du Conseil de l’Union européenne, de la Commission ou de la Banque centrale européenne (BCE) qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire.

41      La Cour a considéré que cette disposition ne contenait aucune restriction quant à la nature des actes établissant une obligation pécuniaire, si ce n’est qu’elle ne s’applique pas aux actes adressés aux États membres (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 51).

42      L’article 79, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1 ; ci-après le « règlement financier »), quant à lui, prévoit que l’institution peut formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États membres dans une décision qui forme titre exécutoire au sens de l’article 299 TFUE.

43      À cet égard, la Cour a tout d’abord estimé que l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier pouvait servir de base juridique à la Commission pour adopter des décisions formant titre exécutoire, au sens de l’article 299 TFUE, alors même que l’obligation pécuniaire en cause est de nature contractuelle (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 58).

44      Ensuite, la Cour a notamment mis en exergue que, lorsque la Commission adoptait un ordre de recouvrement formant titre exécutoire, au sens de l’article 299 TFUE, les effets et la force obligatoire d’une telle décision unilatérale ne pouvaient résulter des clauses contractuelles, mais émanaient de cet article du traité FUE et de l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 69).

45      Enfin, la Cour a jugé que le pouvoir de la Commission d’adopter des décisions formant titre exécutoire dans le cadre de relations contractuelles devait être limité aux contrats contenant une clause compromissoire attribuant compétence au juge de l’Union (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 73).

46      À cet égard, il suffit de constater, d’une part, que la décision attaquée est fondée à la fois sur l’article 299 TFUE et sur l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier et, d’autre part, que le contrat comporte, en son article 13, une clause compromissoire attribuant compétence au juge de l’Union (voir point 2 ci-dessus).

47      Il en résulte que la Commission a émis le titre exécutoire en cause dans le respect de l’objectif et des procédures prévus à cet égard par le traité FUE et par le règlement financier, de sorte que le grief tiré de son incompétence ne peut pas être accueilli.

48      Les arguments additionnels de la requérante ne sauraient remettre en cause cette constatation.

49      Dans ses observations sur l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576), la requérante se réfère notamment au point 67 dudit arrêt pour réitérer son argument selon lequel, dans le cadre contractuel, la Commission ne dispose pas du droit d’adopter des actes unilatéraux et qu’il ne lui appartient pas d’adresser un acte de nature décisionnelle au contractant concerné, aux fins de l’exécution par ce dernier de ses obligations contractuelles de nature financière, mais qu’il lui incombe, le cas échéant, de saisir le juge compétent d’une demande en paiement.

50      Force est de constater que la requérante fait une lecture partielle de l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576), dans la mesure où elle omet de citer le point 68 de cet arrêt dont il ressort que la Cour n’a pas remis en cause, dans le cadre des arrêts du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562), et du 28 février 2019, Alfamicro/Commission (C‑14/18 P, EU:C:2019:159), la pratique de la Commission consistant à adopter unilatéralement un ordre de recouvrement formant titre exécutoire dans le cadre de relations contractuelles. Elle a précisé que, dans cette jurisprudence, elle s’était limitée à analyser la nature juridique et le caractère attaquable des notes de débit envoyées dans le cadre contractuel concerné, sans toutefois aborder la question de savoir si la Commission pouvait, dans le cadre de relations contractuelles, se prévaloir de son pouvoir de formaliser la constatation de la créance par une décision formant titre exécutoire (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 68).

51      S’agissant du point 21 de l’arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562), invoqué par la requérante, le Tribunal a déjà jugé, sans être contredit par la Cour sur ce point, que c’était dans le contexte de l’examen de la nature juridique, contractuelle ou administrative d’une note de débit que la Cour a souligné que, dans l’hypothèse où une institution, et plus particulièrement la Commission, choisirait, pour allouer des contributions financières, la voie contractuelle dans le cadre de l’article 272 TFUE, elle était tenue de rester à l’intérieur de ce cadre et que, ainsi, il lui incombait, notamment, d’éviter l’utilisation, dans le cadre des relations avec les cocontractants concernés, de formulations ambiguës susceptibles d’être perçues par lesdits contractants comme relevant de pouvoirs de décision unilatéraux dépassant les stipulations contractuelles (arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 206). Or, en l’espèce, le recours n’est pas dirigé contre une note de débit, mais contre une décision formant titre exécutoire au sens de l’article 299 TFUE.

52      Il convient d’ajouter que, en présence d’un contrat liant la requérante à l’une des institutions de l’Union, le juge de l’Union ne peut être saisi d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques obligatoires qui se situent en dehors de la relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 65 et jurisprudence citée).

53      À cet égard, le Tribunal a déjà confirmé qu’un acte formant titre exécutoire, comme la décision attaquée en l’espèce, se situe en dehors de la relation contractuelle (arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, points 207 et 208). Cette conclusion a été validée par la Cour (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 70).

54      Il découle de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

 Sur la seconde branche du premier moyen et le quatrième moyen, tirés de la violation du principe de protection de la confiance légitime

55      La requérante invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime à deux égards.

56      Premièrement, elle estime que, même si la Commission était en droit de récupérer les sommes de financement versées en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique en adoptant un acte en vertu de l’article 288 TFUE, elle aurait violé le principe de protection de la confiance légitime. À cet égard, elle se réfère à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juillet 2013, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T‑552/11, non publié, EU:T:2013:349). Dans cette affaire, dont les circonstances seraient similaires, pour exiger le remboursement de sommes de financement indues, la Commission aurait introduit un recours au titre de l’article 272 TFUE au lieu d’adopter un acte en vertu de l’article 288 TFUE. Selon la requérante, l’exercice d’un recours devant le Tribunal et le prononcé dudit arrêt, à l’issue de ce recours, sur le fondement du cadre contractuel, ont fait naître dans son chef la conviction et la confiance que, dans un cas similaire, la Commission adopterait la même démarche. Le fait d’adopter des comportements différents dans des situations pourtant similaires affecterait le principe de protection de la confiance légitime.

57      Deuxièmement, la requérante fait valoir, dans le cadre de son quatrième moyen, que la Commission a méconnu le principe de protection de la confiance légitime et l’objectif des dispositions relatives au respect des procédures de gestion financière, dans la mesure où, cinq ans après la clôture du programme, elle anéantirait tout travail de recherche mené en la sanctionnant pour des écarts de forme par rapport à la procédure alléguée comme étant correcte et en réclamant la totalité des sommes versées. À cet égard, la requérante soutient avoir livré, dans les délais applicables, tous les travaux, conformément au contrat, alors que la troisième tranche du financement n’avait pas été versée et ajoute qu’il n’a jamais été contesté que le programme avait été réalisé légalement dans la mesure où ses rapports trimestriels ont été acceptés.

58      La Commission conteste les allégations de la requérante.

59      À cet égard, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence de ces assurances (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 75 et jurisprudence citée).

60      S’agissant de la première allégation, force est de constater, à l’instar de la Commission, que les circonstances invoquées par la requérante ne sauraient être considérées comme des assurances précises au sens de la jurisprudence précitée.

61      En particulier, le fait de procéder au recouvrement des créances contractuelles par l’introduction, auprès du Tribunal, d’une demande reconventionnelle dans le cadre d’un contrat de subvention ne saurait être considéré comme constituant une assurance précise, au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, que la Commission utilisera la même méthode en ce qui concerne une autre créance contractuelle, y compris lorsque ces deux créances concernent la même entité. En effet, il convient de souligner, comme le fait valoir à juste titre la Commission, que, en vertu de l’article 80, paragraphe 3, sous f), du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du [règlement financier] (JO 2012, L 362, p. 1), si, à l’issue des étapes décrites dans ledit paragraphe, sous a) à e), le recouvrement intégral n’a pu être obtenu, l’institution procède au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu soit conformément à l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier, soit par la voie contentieuse.

62      Par ailleurs, il y a lieu de constater que le point II.31, paragraphe 5, des conditions générales du contrat concernant le projet Dicoems (ci-après les « conditions générales ») fait référence au pouvoir de la Commission d’adopter une décision formant titre exécutoire en vertu de l’article 299 TFUE.

63      À cet égard, il convient d’ajouter qu’une clause contractuelle prévoyant l’adoption de décisions formant titre exécutoire, sans fonder le pouvoir de la Commission d’adopter de telles décisions, a pour fonction d’informer le cocontractant de la Commission de la possibilité de recouvrer unilatéralement des créances, afin que ce dernier puisse conclure le contrat en pleine connaissance de la situation juridique en cause (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2019:941, point 87).

64      De même, la Cour a déjà jugé que la circonstance qu’une créance visant le remboursement pour la période auditée ait fait l’objet d’une demande reconventionnelle de la Commission devant le Tribunal ne saurait conférer aucune garantie au justiciable quant au fait que les coûts déclarés pour les périodes non auditées ne pouvaient plus faire l’objet d’une demande de recouvrement soit par une demande reconventionnelle, soit par une décision formant titre exécutoire (arrêt du 17 septembre 2020, Alfamicro/Commission, C‑623/19 P, non publié, EU:C:2020:734, point 88).

65      Dès lors, le fait que la Commission ait utilisé une méthode de recouvrement des fonds ne pouvait faire naître l’assurance, chez la requérante, qu’elle utiliserait la même méthode dans un autre contexte, voire, comme l’illustre l’exemple de l’arrêt cité au point 64 ci-dessus, dans le cadre du même contrat.

66      S’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime, en ce que la Commission a réclamé la totalité des sommes versées cinq ans après la clôture du programme, alors qu’elle avait accepté les rapports trimestriels et que les travaux auraient été livrés dans les délais applicables, alléguée dans le cadre du quatrième moyen, force est de constater que la requérante n’est pas non plus en mesure d’invoquer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus. Le fait que la Commission n’ait pas contesté que le programme avait été réalisé légalement et que les rapports trimestriels avaient été acceptés ne pouvait pas constituer de telles assurances. Il y a également lieu de préciser, à l’instar de la Commission, que la réalisation du projet était totalement indépendante de l’obligation faite au bénéficiaire de prouver l’éligibilité des coûts.

67      De surcroît, la réalisation du projet était, en tout état de cause, sans préjudice de la possibilité de conduire un audit financier. Il convient de relever que, aux termes du point ΙΙ.29, paragraphe 1, des conditions générales, la Commission pouvait, « [à] tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, faire procéder à des audits, soit par des réviseurs ou auditeurs scientifiques ou technologiques externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’[Office européen de lutte antifraude ; c]es audits p[ouvaient] porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat[ ; c]es audits s’effectu[ai]ent sur une base confidentielle[ ; l]es montants qui [pouvaient être] dus à la Commission en raison des résultats de ces audits p[ouvaient] faire l’objet d’un recouvrement comme prévu au [point] II.31 [des conditions générales] ».

68      Il s’ensuit que la requérante était dûment informée de la possibilité pour la Commission de conduire un audit financier pour s’assurer de la bonne exécution des dispositions du contrat.

69      À cet égard, il convient d’ajouter que les audits poursuivent l’objectif de garantir que le bénéficiaire d’une subvention ne se voit rembourser que des coûts éligibles en vertu de la convention qui l’alloue, de manière à garantir une gestion et une utilisation responsables des fonds européens (arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 55).

70      Partant, il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen, conduisant à rejeter ce moyen dans son entièreté, ainsi que le quatrième moyen.

 Sur les deuxième et troisième moyens, relatifs au bien-fondé des créances de la Commission

71      Dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, la requérante reproche à la Commission de n’avoir pas tenu compte de certains moyens de preuve et arguments qu’elle avait présentés au cours de la procédure administrative.

72      Elle reconnaît qu’il existait une obligation d’établir des rapports périodiques d’une manière qui permettait de contrôler, d’un point de vue comptable, mais aussi procédural, la correspondance entre les frais déclarés comme étant des frais de fonctionnement et les rémunérations du personnel qui avait réellement fourni un travail dans le cadre du projet en cause. Toutefois, elle estime que la notion de « rapport périodique » était vague et qu’aucun texte législatif applicable au programme en cause, ni aucune jurisprudence ne définissaient le degré de détail du projet par unité de temps et par employé que devaient comporter les rapports périodiques en question. En particulier, elle soutient que le « règlement pertinent » prévoyait que le travail devait être prouvé « par tout moyen (registres de temps, etc.) », laissant ainsi le choix au contractant.

73      Plus particulièrement, premièrement, la requérante fait valoir que les fiches de présence extraites de ses fichiers électroniques et envoyées à la Commission le 5 novembre 2009 n’ont jamais été prises en considération par cette dernière étant donné que, par sa lettre du 13 juillet 2010, la Commission s’en est tenue aux conclusions de l’audit selon lesquelles elle « n’[av]ait pas [été] en mesure de produire la moindre preuve de réalisation des travaux relatifs au projet [Dicoems], par les personnes pour lesquelles des coûts [avaient] été réclamés ».

74      Deuxièmement, elle reproche à la Commission de n’avoir pas répondu à son argument, contenu dans la lettre du 5 novembre 2009, selon lequel elle n’avait pas fait figurer deux fois le montant de 1 934,47 euros de dépenses éligibles relatif aux frais de déplacement. Elle soutient que la différence en question, ayant coïncidé avec un déplacement, résultait d’une différence dans l’évaluation des heures au cours du premier semestre de 2004, sur la base d’un salaire horaire unique de 40 euros.

75      Troisièmement, s’agissant du taux horaire, elle soutient que le taux horaire de 40 euros avait été ramené à 37 euros en raison d’une participation moindre d’employés percevant un salaire élevé. Malgré cela, la Commission aurait réclamé, de manière abusive, le remboursement de la totalité des sommes.

76      Quatrièmement, la requérante estime que la Commission a rejeté de manière abusive ses arguments relatifs au calcul des coûts indirects et lui a imputé la totalité de leur montant. Elle soutient que, dans le rapport d’audit, il lui aurait été reproché l’utilisation du modèle des « coûts totaux – frais généraux forfaitaires » au lieu du modèle des « coûts complets ».

77      La Commission conteste les allégations de la requérante.

78      Il y a lieu de constater que, dans le cadre des deuxième et troisième moyens, la requérante, à titre principal, reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte les éléments de preuve qui lui étaient présentés ainsi que certains arguments avancés dans sa lettre du 5 novembre 2009. En outre, dans le cadre desdits moyens, elle tente de remettre en cause l’exclusion de certaines sommes du financement de l’Union, contestant ainsi, en réalité, le bien-fondé de la créance réclamée par la Commission. Elle soutient notamment que, « [d]e manière abusive, la décision attaquée a rejeté tous [se]s arguments et [lui] a imputé la totalité du montant des coûts indirects [et que,] pour cette raison, elle encourt l’annulation ».

79      D’emblée, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 317 TFUE, la Commission est tenue de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci. Il en est de même en matière contractuelle, dès lors que les subventions accordées par la Commission sont issues du budget de l’Union. Selon un principe fondamental régissant les aides accordées par l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (arrêts du 28 février 2013, Portugal/Commission, C‑246/11 P, non publié, EU:C:2013:118, point 102, et du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 65).

80      À cet égard, il importe de rappeler que le financement de l’Union ne constitue pas une rémunération du travail effectué, mais une subvention du projet en cause, dont le versement est soumis à des conditions précises, définies contractuellement. Le financement de l’Union a vocation à couvrir uniquement des coûts éligibles, tels que définis dans le contrat (arrêt du 19 février 2016, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission, T‑53/14, non publié, EU:T:2016:88, point 44).

81      En effet, il est constant que le versement des subventions, d’une part, est subordonné au respect des conditions fixées par les conventions de subvention, au nombre desquelles figure le fait que les coûts déclarés doivent être éligibles au titre de ces conventions, en ce sens qu’ils doivent être vérifiables et fiables, et, d’autre part, ne représente pas une rémunération pour la finalisation du projet (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 68, et du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 107).

82      Il s’ensuit que les bénéficiaires de subventions ont l’obligation de remettre à la Commission des relevés des coûts afin de lui permettre de vérifier si les fonds de l’Union ont été utilisés en conformité avec les stipulations du contrat (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 56 et jurisprudence citée).

83      Par conséquent, le bénéficiaire d’une subvention ou d’un concours financier n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si est rempli l’ensemble des conditions auxquelles est subordonné l’octroi de la subvention ou du concours financier, étant entendu qu’il ne suffit pas que les projets et l’action audités aient été bien exécutés sur le plan technique. Il faut également que l’intéressé ait bien exécuté les obligations financières qui lui incombaient et, notamment, que la Commission ait pu vérifier que les coûts déclarés étaient effectivement éligibles et justifiés (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 57 et jurisprudence citée).

84      En cas de non-respect des conditions fixées par une convention de subvention, la Commission est tenue de récupérer la subvention versée à concurrence des montants considérés comme non fiables ou non vérifiables, dès lors que, sur la base du fondement juridique que constitue cette convention de subvention, cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 102 et jurisprudence citée).

85      En l’espèce, le point II.19 des conditions générales stipule :

« 1.      Les coûts […] encourus pour la réalisation du projet, [pour être éligibles], doivent remplir toutes les conditions suivantes :

a)       ils doivent être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet, et

b)       ils doivent être déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant, et

c)       ils doivent être encourus pendant la durée du projet […], et

d)       ils doivent être enregistrés dans la comptabilité du contractant qui les a encourus […] Les procédures comptables employées pour enregistrer les coûts et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du contractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les coûts et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du contractant […]

[…] »

86      Le point II.20 des conditions générales, relatif aux coûts directs, stipule :

« 1.      Les coûts directs sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis [au point] II.19 ci-dessus, qui peuvent être identifiés par chaque contractant conformément à son système comptable et qui peuvent être attribués directement au projet.

2.      […] Les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet […]

[…] »

87      Le point II.21, paragraphe 1, des conditions générales, relatif aux coûts indirects, stipule :

« Les coûts indirects sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis au [point] II.19 qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet. »

88      Comme il est indiqué au point 67 ci-dessus, aux termes du point ΙΙ.29, paragraphe 1, des conditions générales, la Commission peut, « [à t]out moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, faire procéder à des audits, soit par des réviseurs ou auditeurs scientifiques ou technologiques externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’[Office européen de lutte antifraude ; c]es audits peuvent porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques ou autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat[ ; c]es audits s’effectuent sur une base confidentielle[ ; l]es montants qui seraient dus à la Commission en raison des résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement comme prévu au [point] II.31 [des conditions générales] ».

89      Par ailleurs, il est stipulé à la page 144 du guide pour les questions financières relatives aux actions indirectes au titre du programme FP6 (ci-après le « guide FP6 ») ce qui suit :

« Les coûts totaux de personnel pouvant être imputés au projet sont définis de la manière suivante : les coûts de rémunération du personnel doivent provenir de la comptabilité des salaires et représenter la rémunération brute totale (salaire) plus la part de charges sociales de l’employeur ([par exemple] congés payés, contributions au régime de retraite, cotisations d’assurance maladie et de sécurité sociale). Le temps de travail à facturer doit être enregistré tout au long du projet par tout moyen raisonnable, mais fiable (y compris fiches de présence). La personne en charge du travail désignée par le contractant doit certifier les registres. Une simple estimation des heures travaillées n’est pas suffisante. Un système permettant de suivre et de vérifier le temps de travail consacré par toute personne au projet doit être mis en place. »

90      S’agissant du guide FP6, il a été jugé que, bien qu’il n’eût pas une valeur contraignante, celui-ci relevait du cadre dans lequel la convention de subvention avait été conclue, dès lors qu’il était destiné à fournir, notamment, des exemples concrets ainsi que des suggestions relatives aux bonnes pratiques financières à appliquer lors de la mise en œuvre des projets financés dans le cadre du programme FP6. En vertu du principe d’exécution de bonne foi des contrats, les indications fournies dans le guide FP6 devaient ainsi être prises en compte. Or, il ressort notamment de celui-ci que les coûts directs éligibles sont des coûts qui peuvent être associés directement au projet (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 54 et jurisprudence citée).

91      De même, il importe de préciser les règles régissant l’exécution et l’interprétation des contrats en droit belge. Ainsi, l’article 1134 du code civil belge prévoit, en son premier alinéa, que « [l]es conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et, en son deuxième alinéa, qu’« [e]lles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ».

92      L’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge prévoit, en outre, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. L’article 1135 du même code précise que « [l]es conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Cet article exprime donc également le principe d’exécution de bonne foi des contrats.

93      L’article 1156 du code civil belge illustre l’application du principe d’exécution de bonne foi dans l’interprétation des contrats. Il dispose en effet que doit être recherchée, dans les conventions, « quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».

94      Ainsi qu’il a été déjà mentionné au point 4 ci-dessus, par lettre du 29 avril 2009, la Commission a informé la requérante qu’elle ferait l’objet d’un contrôle, sous la forme d’un audit financier. Il ressort de cette lettre que la requérante allait notamment devoir présenter, lors de ce contrôle, les fiches de présence du personnel occupé dans le cadre du projet Dicoems.

95      Cet audit a été effectué du 3 au 6 août 2009. Dans le rapport d’audit provisoire du 25 septembre 2009, les auditeurs ont rejeté l’intégralité des coûts de personnel, correspondant à un montant de 308 126,33 euros, au motif que la requérante ne tenait pas de relevés de temps de travail ou de documents équivalents pouvant prouver le temps consacré au projet Dicoems. En conséquence, les auditeurs ont également rejeté tous les coûts indirects déclarés pour un montant de 62 012,16 euros. Ils ont en outre rejeté un montant de 2 035,21 euros correspondant à des frais de déplacement, au motif qu’il s’agissait d’une double déclaration d’un montant de 1 934,47 euros déjà déclaré, plus 100,74 euros de taxe sur la valeur ajoutée ne constituant pas un coût éligible. Les auditeurs sont parvenus à la conclusion globale selon laquelle la gestion financière du projet n’avait pas été effectuée de manière satisfaisante et n’était pas conforme aux exigences du contrat.

96      Par lettre du 5 novembre 2009, la requérante a contesté les résultats du rapport d’audit et envoyé à la Commission des fiches de présence individuelles.

97      Dans sa lettre du 23 décembre 2009, la Commission a indiqué qu’elle avait examiné les arguments et les explications fournis par la requérante, contenus dans sa lettre du 5 novembre 2009. Toutefois, elle a estimé que les conclusions du projet d’audit devaient être maintenues et se référait, à cet égard, au raisonnement détaillé des auditeurs, développé dans le rapport d’audit final.

–       Sur l’éligibilité des coûts directs de personnel

98      S’agissant des coûts de personnel, il y a lieu de relever que les auditeurs ont notamment constaté, dans le rapport d’audit provisoire, ce qui suit :

« Puisque l[a requérante] n’a pas tenu d’enregistrement du temps ou de documents tels que des relevés du travail accompli par les personnes impliquées, rapports, procès-verbaux de réunions, échanges de courriels, etc., susceptibles de confirmer l’implication temporelle dans le projet, des entretiens avec le personnel ont été conduits. Le but de ces entretiens était de vérifier le temps de travail comptabilisé pour le personnel d’une autre manière que par des fiches de présence. Deux personnes étaient disponibles pour un entretien et toutes deux ont confirmé qu’aucune fiche de présence n’était tenue […] Les personnes concernées n’avaient aucun souvenir de leur implication réelle dans le projet en matière de temps de travail. Elles ne tenaient pas non plus d’autres relevés susceptibles de démontrer leur contribution au projet.

[…]

Nous avons été tout à fait incapables de vérifier avec facilité les heures de travail éligibles à être comptabilisées pour chacune des personnes impliquées dans le projet [Dicoems] et, partant, de calculer les coûts de personnel éligibles sur le fondement de coûts réels, ce qui nous oblige à refuser la totalité des coûts de personnel. »

99      Par conséquent, dans le cadre du résumé (« executive summary ») du rapport d’audit provisoire, il était constaté :

« Nous avons refusé de reconnaître la totalité des coûts de personnel, puisque l[a requérante] n’a pas tenu d’enregistrement du temps de travail ou d’autres documents susceptibles de démontrer le temps de travail déclaré au titre du projet [Dicoems]. »

100    Par sa lettre du 5 novembre 2009, la requérante a contesté les résultats du rapport d’audit provisoire et a envoyé à la Commission des fiches de présence individuelles en soutenant qu’elles avaient été tenues, mais que, en raison de sa fusion avec les entreprises du groupe A, il ne lui avait pas été possible de récupérer les fichiers électroniques demandés au moment de l’audit. Elle a également soumis des tableaux de calculs des coûts directs de personnel, fondés sur la base des fiches de présence annexées (voir point 10 de la requête, tableaux n°s 2 et 3). En outre, dans ladite lettre, la requérante a fait valoir que les auditeurs avaient été informés oralement de son impossibilité d’accéder aux archives de l’hôpital, mais qu’il était erronément indiqué, dans le rapport d’audit provisoire, que, lors des entretiens, il avait été reconnu que les fiches de présence n’avaient pas été tenues.

101    Dans le rapport final, communiqué à la requérante le 23 décembre 2009, les auditeurs ont pris position sur les éléments soumis par celle-ci et ont répondu aux arguments qu’elle avait soulevés, sans toutefois modifier leurs appréciations à cet égard (pages 25 et 26 du rapport d’audit final). En particulier, les auditeurs ont soutenu que les responsables de la requérante avaient reconnu ne pas tenir de fiches de présence et que c’est la raison pour laquelle ils avaient procédé aux entretiens individuels.

102    Pour rappel, la requérante soutient, en l’espèce, que les fiches de présence envoyées à la Commission le 5 novembre 2009 n’ont jamais été prises en considération par cette dernière étant donné qu’elle s’est tenue aux conclusions des auditeurs.

103    La Commission soutient que, dans la mesure où la requérante n’a disposé ni d’un système d’enregistrement du temps de travail, ni de fiches de présence de son personnel de nature à établir le temps effectivement consacré au projet, elle n’était pas en mesure de vérifier si les coûts déclarés pouvaient être imputés au projet Dicoems.

104    En particulier, elle explique que les fiches de présence sous format électronique, prétendument récupérées ex post par la requérante, ne répondaient pas aux exigences spécifiées dans les conditions générales, de sorte qu’elle ne pouvait pas en tenir compte. En particulier, l’existence de ces fichiers n’aurait été mentionnée à aucun moment au cours de l’audit, les employés de la requérante ayant même confirmé, dans le cadre des entretiens effectués lors de l’audit, que celle-ci ne tenait pas de fiches de présence, ni aucun autre système d’enregistrement du temps de travail, et les fiches présentées ex post n’étaient pas datées, ne mentionnaient pas le taux horaire de chaque employé, ni ne portaient la signature des chercheurs et du gestionnaire du projet.

105    Il convient d’emblée de considérer, au vu des appréciations contenues aux pages 25 et 26 du rapport d’audit final, que la requérante ne saurait valablement soutenir que les auditeurs n’ont pas tenu compte de ses arguments avancés dans la lettre du 5 novembre 2009.

106    S’agissant, premièrement, des fiches de présence que la requérante a communiquées par sa lettre du 5 novembre 2009, certes il ne ressort pas du rapport d’audit final que les auditeurs ont examiné les fiches de présence prétendument inaccessibles pendant l’audit.

107    En effet, il n’apparaît pas clairement, contrairement à l’argumentation de la Commission, que les auditeurs auraient considéré que ces fiches, présentées ex post, n’étaient pas datées, qu’il n’était pas possible de vérifier si elles avaient été établies au cours de l’exécution du projet Dicoems, qu’elles ne mentionnaient pas le taux horaire de chaque employé, ni ne portaient la signature des chercheurs et du gestionnaire du projet. À cet égard, il y a lieu de noter qu’il ne ressort notamment pas de la page 6 du rapport d’audit final, à laquelle se réfère la Commission, que ces constatations ou recommandations des auditeurs seraient faites en ce qui concerne les fiches de présence, annexées à la lettre du 5 novembre 2009.

108    Toutefois, il convient de relever, ainsi que le soutient la Commission, que les fiches de présence, annexées à la lettre du 5 novembre 2009, ne sont ni signées, ni datées, ni ne comportent un taux horaire pour chaque employé.

109    Or, en vertu du point II.20, paragraphe 2, des conditions générales, les coûts directs de personnel devaient être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet Dicoems (voir point 86 ci-dessus). De même, le guide FP6 prévoit que le temps de travail à facturer devait être enregistré tout au long du projet par tout moyen raisonnable, mais fiable (y compris par des fiches de présence), et la personne chargée du travail, désignée par le contractant, devait certifier les registres (voir point 89 ci-dessus).

110    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’exigence de produire ces relevés des coûts prétendument éligibles en bonne et due forme n’a d’autre objectif que de permettre à la Commission de disposer des données nécessaires afin de vérifier si les fonds de l’Union ont été utilisés en conformité avec les stipulations du contrat (voir arrêt du 27 avril 2016, ANKO/Commission, T‑155/14, non publié, EU:T:2016:245, point 66 et jurisprudence citée).

111    Il convient d’ajouter que la Commission, qui n’a pas été directement témoin de l’exécution des tâches de la requérante, ne dispose, pour contrôler l’exactitude des frais de personnel déclarés par celle-ci, pas d’autres moyens que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables (voir arrêt du 27 avril 2016, ANKO/Commission, T‑155/14, non publié, EU:T:2016:245, point 89 et jurisprudence citée).

112    Partant, il convient de considérer que les fiches de présence communiquées par la requérante ne remplissaient pas les exigences du point II.19, paragraphe 1, et du point II.20 des conditions générales du contrat, ainsi que celles du guide FP6, et étaient, par conséquent, insuffisantes pour attester la réalité des coûts de personnel encourus par la requérante dans la mesure où les informations qui y étaient contenues n’étaient pas vérifiables et fiables au sens de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus.

113    De surcroît, dans la mesure où les fiches de présence soumises par la requérante, en annexe à sa lettre du 5 novembre 2009, étaient insuffisantes pour attester la réalité des coûts de personnel, le tableau créé à partir des données contenues dans lesdites fiches l’était nécessairement aussi. Par conséquent, le tableau que la requérante a établi dans sa lettre du 5 novembre 2009 et reproduit au point 10 de la requête en tant que tableau no 3 ne pouvait constituer un élément de preuve fiable pour attester la réalité des coûts de personnel.

114    Par conséquent, étant donné que, ainsi qu’il a été relevé au point 112 ci-dessus, les fiches de présence soumises par la requérante sont insuffisantes pour attester la réalité des coûts du personnel, il n’y a plus lieu pour le Tribunal de vérifier l’exactitude des autres circonstances relevées par les auditeurs, à savoir, d’une part, que les employés de la requérante interrogés lors de l’audit avaient confirmé que le temps de travail n’était pas enregistré, et, d’autre part, que, lors de l’audit, la requérante n’avait pas évoqué de problème d’accès aux fiches de présence prétendument tenues sous forme électronique.

115    S’agissant, deuxièmement, des rapports périodiques trimestriels sur lesquels s’appuie la requérante en soutenant qu’ils auraient pu être considérés comme suffisants pour attester la réalité des coûts directs de personnel, il convient de relever que, dans lesdits rapports, produits en annexe A.11 de la requête, est mentionnée l’implication de chaque employé, au cours du trimestre pertinent, dans la section du projet (« Work package ») correspondante.

116    À cet égard, la Commission fait valoir, en l’espèce, que ces rapports ne contenaient qu’un relevé trimestriel total des heures comptabilisées par la requérante (« person-month units ») au titre de chaque section du projet (« Work Packages ») et non une ventilation mensuelle, par employé, des heures consacrées au projet. Les rapports trimestriels des heures de travail ne mentionnaient pas le taux horaire de chaque employé, ni n’étaient accompagnés de bulletins de rémunération. Elle précise que l’objectif des rapports trimestriels des heures de travail serait de présenter un aperçu des ressources humaines utilisées par chaque bénéficiaire par trimestre afin qu’elle puisse vérifier que ces ressources correspondaient à l’évolution du projet. Elle ajoute que l’annexe 1 du contrat contenait une estimation du nombre total des travailleurs (« person-months ») que devait employer chaque bénéficiaire, par période, pour la mise en œuvre de certaines parties du projet. Tout en se référant à la jurisprudence citée au point 59 de l’arrêt du 9 juillet 2013, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T‑552/11, non publié, EU:T:2013:349), la Commission estime que les rapports trimestriels ne correspondaient pas aux exigences formelles du point II.19, paragraphe 1, des conditions générales et ne pouvaient pas remplacer les fiches de présence d’un point de vue substantiel.

117    Il convient, à l’instar de la Commission, de constater que ces rapports trimestriels d’avancement ne mentionnaient pas le taux horaire de chaque employé, ni n’étaient accompagnés de bulletins de rémunération.

118    Même s’il y avait lieu d’admettre, comme le soutient, en substance, la requérante, que l’obligation pour les coûts d’être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet, figurant au point II.19, paragraphe 1, des conditions générales, était vague, les rapports trimestriels présentés par la requérante ne comportaient pas les informations indispensables pour attester la réalité des coûts de personnel, à savoir le nombre d’heures travaillées pour chaque employé ou son taux horaire.

119    Partant, il y a lieu de considérer que lesdits rapports n’étaient pas suffisants pour établir, à eux seuls, la réalité des coûts de personnel en respectant les obligations des conditions générales.

120    S’agissant, troisièmement, du grief de la requérante relatif à la non-prise en compte de ses arguments portant sur le taux horaire, il convient de relever ce qui suit. Ainsi qu’il ressort du rapport d’audit provisoire, les auditeurs ont considéré que les coûts de personnel dont le remboursement avait été demandé étaient les mêmes que dans le budget provisoire et que le taux horaire était le même pour tous les employés concernés. Par conséquent, ils ont estimé que les coûts dont le remboursement avait été demandé ne correspondaient pas aux coûts réels conformément au point II.19, paragraphe 1, des conditions générales. Les auditeurs ont ajouté que le nombre d’heures réclamées pour l’implication de certains employés administratifs avait été substantiel.

121    La requérante rappelle qu’elle a soutenu, dans la lettre du 5 novembre 2009, que le taux horaire moyen unique qu’elle avait utilisé pour le calcul des coûts directs avait été ramené à 37 euros au lieu de 40 euros initialement. Cette différence aurait résulté, notamment, d’une implication moindre de cadres percevant des salaires élevés dans la réalisation du projet.

122    Dans le rapport d’audit final, les auditeurs ont maintenu que la requérante n’avait soumis aucune preuve d’utilisation des heures productives, mais que leur existence était, en tout état de cause, dénuée de toute pertinence dans la mesure où l’ensemble des coûts de personnel avaient été rejetés.

123    À cet égard, la Commission soutient notamment que les auditeurs ont pris en considération les observations de la requérante, mais ont conclu qu’il n’y avait pas lieu de procéder à des vérifications supplémentaires de ces calculs, étant donné que les coûts directs de personnel étaient en tout état de cause inéligibles du fait que la requérante n’avait pas tenu de fiches de présence, ni fourni d’autres éléments de preuve équivalents pouvant attester l’éligibilité des coûts de personnel.

124    Il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que la question de la méthode de calcul des taux horaires est sans pertinence, en l’espèce, dans la mesure où les coûts de personnel ont été dans leur ensemble dûment rejetés par les auditeurs. Par conséquent, les arguments de la requérante sont, en tout état de cause, inopérants. Il convient néanmoins de relever que les auditeurs ont pris position, dans le rapport d’audit final, sur les arguments de la requérante concernant le calcul du taux horaire.

125    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’ensemble des coûts de personnel n’étaient pas éligibles au financement de l’Union.

–       Sur l’éligibilité des frais de déplacement

126    S’agissant des frais de déplacement, les auditeurs ont relevé notamment que le montant de 1 934,47 euros avait fait l’objet d’une double demande et, pour cette raison, ont proposé d’exclure ladite somme des dépenses éligibles.

127    Dans sa lettre du 5 novembre 2009, la requérante a fait valoir que c’était à tort que les auditeurs avaient estimé que ladite somme avait été prise en compte deux fois au titre des frais et a soutenu que cette somme portait sur les frais de personnel. Selon le tableau présenté par la requérante, tant dans ladite lettre qu’au point 7 de la requête, la somme de 1 934,47 euros se serait référée aux coûts de personnel et était due à une différence de calcul d’« heures » ouvrables pour l’année 2004. La requérante se réfère également aux « écritures comptables détaillées relatives aux frais de déplacement » constituant l’annexe A.13 de la requête. En outre, la requérante soutient que la Commission n’a jamais répondu aux explications données dans sa lettre du 5 novembre 2009.

128    À cet égard, d’une part, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que les auditeurs ont pris position sur les allégations de la requérante relatives aux frais de déplacement dans le rapport d’audit final. En particulier, ils ont expliqué que les frais de déplacement que la requérante avait déclarés comme éligibles s’élevaient à 5 012,68 euros pour la première période et à 3 828,11 euros pour la deuxième. L’éligibilité de ces sommes avait été vérifiée à partir d’informations fournies par la requérante elle-même aux auditeurs, et notamment du courrier électronique du 24 juillet 2009 de B. Toutefois, le montant de 1 934,47 euros n’aurait pas été lié à des coûts de personnel. Ce montant aurait correspondu à des frais encourus par C, D et E concernant leur participation à une réunion dans le cadre du projet, les 15 et 16 juillet 2004, à Londres (Royaume-Uni).

129    D’autre part, force est de constater qu’il ressort du document produit par la requérante à la suite de la demande du Tribunal de communiquer une version lisible de l’annexe A.13 de la requête que, au titre des frais de déplacement effectués dans le cadre du projet Dicoems pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2004, elle a fait valoir un montant de 5 012,68 euros. Toutefois, ce montant, qui correspond à celui réclamé pour la première période allant du 1er janvier au 30 juin 2004, incluait les 1 934,47 euros relatifs au déplacement à Londres les 15 et 16 juillet 2004, alors que ce déplacement se situait en dehors de ladite période. Ce dernier montant ne pouvait donc être réclamé au titre de la première période de référence.

130    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des décomptes établis par les auditeurs, produits par la Commission à la suite d’une question du Tribunal et sur lesquels la requérante a pu prendre position, de même que des explications fournies par la Commission, les frais relatifs au déplacement à Londres les 15 et 16 juillet 2004 ont été effectivement réclamés tant pour la première que pour la deuxième période.

131    Il s’ensuit que c’est à bon droit que les auditeurs ont exclu les 1 934,47 euros des frais de déplacement.

–       Sur l’éligibilité des coûts indirects

132    S’agissant des coûts indirects, il convient de relever qu’il ressort du rapport d’audit provisoire, que les auditeurs ont refusé l’ensemble des coûts indirects dans la mesure où la totalité des coûts de personnel étaient refusés. En outre, les auditeurs ont constaté que la requérante avait initialement opté, pour le calcul des coûts indirects, pour la méthode des « coûts complets », mais qu’elle a ensuite utilisé la méthode des « coûts totaux – frais généraux forfaitaires » dans la demande de remboursement. À leur avis, ce dernier modèle n’aurait pas été adapté à la situation de la requérante. De même, les auditeurs ont relevé que la requérante n’avait pas soumis d’éléments de preuve suffisants et adaptés pour corroborer la réalité des coûts indirects réclamés.

133    À cet égard, la requérante, dans la lettre du 5 novembre 2009, a fait valoir qu’elle avait utilisé, pour le calcul des coûts indirects, la méthode des « coûts complets » et que le taux de ces coûts, de 20 % en 2003, avait été projeté, par erreur, pour les années suivantes. En conséquence, elle a soumis (en tant que tableau no 4) un nouveau calcul des coûts indirects qu’elle estimait avoir supportés en suivant les directives des auditeurs.

134    Dans le rapport d’audit final, les auditeurs ont soutenu qu’il avait été demandé à la requérante de soumettre le calcul des coûts indirects tant avant que pendant l’audit. Par conséquent, ils ont estimé ne pas pouvoir apprécier la validité des nouveaux calculs soumis par la requérante. Toutefois, les auditeurs ont réitéré leur conclusion selon laquelle le calcul des coûts indirects était sans pertinence dans la mesure où l’ensemble des coûts de personnel avaient été rejetés.

135    En l’espèce, la requérante soutient que ses arguments selon lesquels elle n’aurait jamais utilisé une autre méthode que celle autorisée n’avaient jamais été pris en compte et que la Commission s’en serait tenue aux thèses de l’audit. Elle ajoute que, pour calculer les coûts indirects, elle avait utilisé la formule mathématique qui permettait de quantifier la notion des coûts indirects, telle que la Commission l’avait définie à la page 37 du guide FP6. Si la requérante admet que le nouveau calcul effectué dans sa lettre du 5 novembre 2009 présentait un écart de 11 856,67 euros par rapport aux calculs initiaux, elle soutient que, de manière abusive, la décision attaquée lui avait imputé la totalité du montant des coûts indirects.

136    À cet égard, dans la mesure où aucun coût direct déclaré par la requérante n’a été considéré comme éligible, aucun coût indirect ne peut être considéré comme tel, dans la mesure où, aux termes de l’article II.21 des conditions générales, les coûts indirects sont tous les coûts éligibles qui peuvent être identifiés et justifiés par le système comptable du bénéficiaire comme étant directement liés aux coûts directs éligibles (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 112).

137    Partant, il y a lieu de considérer, à l’instar des auditeurs, que la méthode de calcul des coûts de fonctionnement indirects, choisie par la requérante, est sans incidence dans la mesure où l’ensemble des coûts indirects ont été considérés, à juste titre, comme inéligibles en raison de l’inéligibilité des coûts directs de personnel, de sorte que les arguments de la requérante doivent être rejetés comme étant inopérants. C’est donc à bon droit que la Commission a écarté l’ensemble des coûts indirects.

138    Partant, au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième moyens.

 Sur le cinquième moyen, relatif au caractère abusif de l’obligation de prouver le travail effectué par le biais des fiches de présence

139    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, la disposition du contrat conclu entre elle et la Commission prévoyant que la seule manière de prouver le temps de travail fourni par le personnel ayant travaillé sur l’ensemble du programme consistait en la fourniture de fiches de présence était abusive. Elle reproche à la Commission d’avoir demandé le remboursement de l’intégralité du montant du financement correspondant au travail en raison du fait que les fiches de présence n’avaient pas été fournies dans les délais pendant l’audit inopiné, malgré le fait qu’elle avait réceptionné le résultat. Ainsi, le caractère abusif de cette disposition avait résulté du fait qu’elle avait prévu qu’il était possible de produire un résultat sans fournir de travail.

140    La Commission conteste les allégations de la requérante.

141    Dans un premier temps, il convient d’emblée de relever que les conditions générales ne mentionnent pas les fiches de présence et se limitent, en leur point II.20, paragraphe 2, à mentionner que les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet (voir point 86 ci-dessus).

142    De même, force est de constater que la proposition des auditeurs d’exclure, des frais éligibles, l’ensemble des frais de personnel était fondée sur la constatation que la requérante n’avait pas tenu de relevés du temps ou de documents équivalents de nature à confirmer le temps imputé au projet. S’agissant du système d’enregistrement du temps de travail, les auditeurs avaient notamment relevé que les fiches de présence n’étaient pas tenues et qu’aucune explication n’avait été donnée quant à la façon dont la requérante était parvenue au calcul des heures déclarées pour chaque employé.

143    Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement soutenir que les fiches de présence étaient le seul moyen admis par les auditeurs et la Commission pour démontrer la réalité des coûts de personnel.

144    De surcroît, ainsi qu’il ressort du rapport d’audit final et de la décision attaquée, ce n’est pas seulement l’absence de fiches de présence fiables qui a conduit à l’exclusion de l’ensemble des coûts de personnel des dépenses éligibles, mais l’incapacité de la requérante à démontrer la réalité des coûts de personnel encourus, et ce par tout moyen.

145    Dans un second temps, force est de constater que, par le présent moyen, la requérante conteste son obligation de rembourser les sommes versées pour des « raisons formalistes », alors que le travail avait été fourni et le projet réalisé, conformément au point II.20 des conditions générales. Or, l’obligation d’attester la réalité des coûts encourus ne saurait être considérée comme étant une « formalité », conformément à la jurisprudence citée aux points 79 à 84 ci-dessus.

146    À cet égard, il suffit de rappeler que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Il découle de ce principe qu’il ne suffit pas pour le bénéficiaire de l’aide de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Celui-ci doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (voir arrêts du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71 et jurisprudence citée, et du 10 octobre 2019, Help – Hilfe zur Selbsthilfe/Commission, T‑335/17, non publié, EU:T:2019:736, point 159 et jurisprudence citée).

147    Partant, il a été jugé que la réalisation du projet d’aide subventionné et même les bons résultats obtenus ne sauraient suffire à établir la réalité des coûts déclarés et à justifier, en fin de compte, le paiement de la subvention au bénéficiaire (voir arrêt du 10 octobre 2019, Help – Hilfe zur Selbsthilfe/Commission, T‑335/17, non publié, EU:T:2019:736, point 160 et jurisprudence citée).

148    De même, il a déjà été jugé que le non-respect de l’obligation de produire, lors de l’audit financier, des relevés de temps fiables pour justifier les coûts de personnel était un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces coûts (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 74 et jurisprudence citée).

149    Par ailleurs, la Cour a jugé que, dès lors qu’une partie de ces coûts a été jugée inéligible, le bénéficiaire n’ayant pas respecté son obligation contractuelle d’avoir à justifier l’utilisation des sommes qui lui ont été allouées, cette partie des coûts devait faire l’objet d’un recouvrement à due concurrence par la Commission, le fait que le bénéficiaire a entre-temps mené à bien le projet visé par la convention de subvention n’étant pas de nature à influer sur cette obligation (arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 68).

150    Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement soutenir que l’obligation d’attester la réalité des coûts serait une clause abusive, de sorte que le cinquième moyen ne peut qu’être rejeté.

 Sur le sixième moyen, relatif à la prescription de la créance

151    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante relève que, au point 17 de la décision attaquée, la Commission l’a notamment informée que la décision attaquée était un titre exécutoire et que son exécution forcée était régie par les règles de procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle avait lieu. En estimant que l’exécution forcée aurait lieu sur le territoire grec, la requérante fait valoir que les règles applicables sont les règles de procédure civile en vigueur en Grèce. Or, les articles 915 et 916 du Kodikas Politikis Dikonomias (code de procédure civile grec) prévoient que, pour obtenir l’exécution forcée d’une créance, celle-ci doit être certaine et liquide, ces caractéristiques étant appréciées sur la base du droit grec en tant que droit d’exécution. À cet égard, elle soutient que, en vertu de l’article 250 du code civil grec, les créances commerciales se prescriraient par cinq ans à compter de leur naissance. Ainsi, selon la requérante, cette créance, à supposer qu’elle existe, était prescrite au moment de l’adoption de la décision attaquée, indépendamment du fait qu’elle était née avec l’achèvement du projet en 2006 ou à la date à laquelle la Commission aurait eu connaissance des conclusions de l’audit, à savoir entre les 3 et 6 août 2009. Par ailleurs, la Commission n’aurait effectué aucune démarche pour interrompre le délai de prescription, car la notification de lettres ou de la note de débit, visée au point 7 ci-dessus, n’avait pas interrompu le délai de prescription de la créance.

152    La Commission conteste les allégations de la requérante.

153    Il suffit de relever, d’une part, que, en vertu de l’article 299, deuxième alinéa, TFUE, l’exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État sur le territoire duquel elle a lieu. La Cour a pu préciser que cette référence devait être entendue comme visant les règles nationales qui régissaient l’exécution forcée (arrêt du 9 novembre 2017, Dimos Zagoriou, C‑217/16, EU:C:2017:841, point 14). Ainsi, l’article 299, deuxième alinéa, TFUE ne fait pas, ainsi que le fait valoir également la Commission, de référence à l’ensemble de la législation dudit État, de sorte que l’article 250 du code civil grec invoquée par la requérante et prévoyant un délai de prescription de cinq ans ne saurait s’appliquer en l’espèce.

154    D’autre part, il a été déjà jugé que le délai de prescription, en vertu de l’article 2262 bis, paragraphe 1, premier alinéa, du code civil belge, applicable en l’espèce au contrat en vertu de son article 12, était de dix ans (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2013, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑552/11, non publié, EU:T:2013:349, point 80). Il s’ensuit que la créance en l’espèce n’était pas prescrite au moment de l’adoption de la décision attaquée.

155    Partant, le sixième moyen doit être rejeté.

156    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation introduite par la requérante.

 Sur les autres chefs de conclusions de la requérante

157    Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de « déclarer que le temps de travail fourni par son personnel pour les travaux livrés est le temps indiqué dans les faits de la requête ». Dans sa requête, en particulier dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, la requérante a soutenu que l’ensemble des coûts du personnel que la Commission a exclus du financement étaient éligibles. Il convient donc de considérer que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande que les coûts du personnel qu’elle a réclamés soient déclarés éligibles.

158    À cet égard, il suffit de constater que le deuxième chef de conclusions de la requérante repose sur les mêmes arguments que ceux développés dans le cadre des deuxième et troisième moyens venant à l’appui du premier chef de conclusions, qui vise à l’annulation de la décision attaquée. Or, tant lesdits moyens que le premier chef de conclusions ayant été rejetés en l’espèce, ce chef de conclusions ne peut que, en tout état de cause, être rejeté.

159    Quant aux quatrième à sixième chefs de conclusions, par lesquels la requérante demande, premièrement, d’annuler la décision attaquée également dans sa partie pour laquelle la troisième tranche n’a pas été versée, deuxièmement, de compenser les sommes éventuellement dues avec celles jamais versées de la troisième tranche et, troisièmement, d’estimer que la requête interrompt la prescription relative à son droit au versement par la Commission de la troisième tranche, ils impliquent que soit reconnu à la requérante le droit au versement de la troisième tranche du financement par la Commission.

160    Or, à cet égard, il y a lieu de constater que ces chefs de conclusions ne sont appuyés par aucune argumentation. En tout état de cause, ils ne présenteraient de pertinence qu’en cas d’annulation de la décision attaquée, demandée dans le cadre du premier chef de conclusions. Dans la mesure où la demande d’annulation de la décision attaquée est rejetée en l’espèce (voir point 156 ci-dessus), doivent, également et en tout état de cause, être rejetés les quatrième à sixième chefs de conclusions.

 Sur les dépens

161    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro AE est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.