Language of document : ECLI:EU:T:2010:226

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 juin 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale RIOJAVINA – Marque communautaire collective figurative antérieure RIOJA – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑138/09,

Félix Muñoz Arraiza, demeurant à Logroño (Espagne), représenté par Mes J. Grimau Muñoz et J. Villamor Muguerza, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Consejo Regulador de la Denominación de Origen Calificada Rioja, établi à Logroño, représenté par MJ. I. Martínez De Torre, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 29 janvier 2009 (affaire R 721/2008-2), relative à une procédure d’opposition entre le Consejo Regulador de la Denominación de Origen Calificada Rioja et M. Félix Muñoz Arraiza,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure, 

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 novembre 2004, le requérant, M. Félix Muñoz Arraiza, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal RIOJAVINA.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 29, 30 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Conserves, huiles et graisses comestibles de la Rioja » ;

–        classe 30 : « Vinaigres, café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre à lever, sel, moutarde, vinaigre, sauces (y compris sauces pour salades), épices, glace à rafraîchir » ;

–        classe 35 : « Exclusivités commerciales, représentations, vente en gros et au détail, import-export ; le tout en rapport avec les conserves, huiles et graisses comestibles, vinaigres, café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre à lever, sel, moutarde, vinaigre, sauces (y compris sauces pour salades), épices, et glace à rafraîchir ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 44/2005, du 31 octobre 2005.

5        Le 9 novembre 2005, l’intervenant, le Consejo Regulador de la Denominación de Origen Calificada Rioja (ci-après le « CRD »), a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque communautaire collective n° 226118, reproduite ci-après :

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–        la marque internationale n° 655291, reproduite ci-après :

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–        les autres marques n°s 1310420, 1697823, 1697824, 1762252, 1762253, 1805183, 1927658, 2114068, 2114069, 2196310, 2261844, 188572, 6/1983, 92335, 470948, 177233, 655291 et 1511318.

7        L’opposition, fondée sur la totalité des produits et des services désignés par les enregistrements antérieurs et, plus particulièrement, pour ce qui concerne le présent recours, sur les vins, compris dans la classe 33, était dirigée contre tous les produits et services visés dans la demande de marque.

8        À l’appui de l’opposition, le CRD a, notamment, invoqué le motif relatif de refus visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

9        Le 19 mars 2008, la division d’opposition a, sur le fondement de cette disposition, partiellement fait droit à l’opposition, en ce qu’elle était dirigée contre les produits et services suivants visés dans la demande de marque :

–        vinaigres, compris dans la classe 30 ;

–        exclusivités commerciales, représentations, vente en gros et au détail, import-export, le tout en rapport avec les vinaigres, compris dans la classe 35.

10      La division d’opposition a rejeté l’opposition pour tous les autres produits et services visés dans la demande de marque, faute de similitude entre ces produits et ces services et les produits désignés par les marques antérieures.

11      Le 5 mai 2008, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition, en ce que cette décision accueillait partiellement l’opposition, s’agissant de certains produits et services.

12      Par décision du 29 janvier 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI, confirmant la position de la division d’opposition, a rejeté ce recours.

13      S’agissant de la comparaison des produits et des services, la chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’opposition, qu’il existait un faible degré de similitude entre les vinaigres et les vins. Elle a, en outre, considéré que les exclusivités commerciales, les représentations, la vente en gros et au détail et l’import-export, le tout en rapport avec les vinaigres, présentaient également un faible degré de similitude avec les vins, pour les raisons indiquées par la division d’opposition dans sa décision et non contestées devant la chambre de recours par le requérant.

14      S’agissant de la comparaison des signes, la chambre de recours, prenant en considération uniquement la marque communautaire collective antérieure n° 226118, au motif que cette marque désigne les mêmes produits et possède le même élément dominant « rioja » que la marque internationale antérieure n° 655291, a confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle les marques en conflit présentent un degré élevé de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

15      La chambre de recours a considéré que le faible degré de similitude entre les produits et services désignés était compensé par le degré élevé de similitude entre les marques en conflit, de sorte que le consommateur européen pourrait facilement être amené à croire que les vinaigres et les services concernés, commercialisés sous la marque RIOJAVINA, proviennent des mêmes entreprises propriétaires de caves productrices de vins commercialisés sous la marque antérieure n° 226118, risque d’autant plus accru que les vins de Rioja jouissent d’une renommée.

16      La chambre de recours a relevé que la circonstance que le requérant serait titulaire d’une marque espagnole antérieure RIOJAVINA pour désigner les vinaigres, identique à la marque communautaire demandée, n’empêcherait pas la marque antérieure n° 226118 du CRD de posséder ses qualification et efficacité juridiques en tant que marque antérieure à la marque communautaire demandée, ni le CRD d’invoquer cette marque antérieure aux fins de fonder l’opposition.

17      Quant au fait allégué que la marque espagnole RIOJAVINA du requérant aurait coexisté avec la marque antérieure n° 226118 du CRD, il ne signifierait pas qu’il n’y a pas eu de confusion en Espagne et, surtout, il n’attesterait pas qu’il ne puisse exister un risque de confusion dans les autres États membres de l’Union européenne.

 Conclusions des parties

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en acceptant l’enregistrement de la marque demandée au titre des classes 29, 30 et 35 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      L’OHMI et le CRD concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

20      Le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

21      À titre liminaire, il convient de relever que, du fait de l’accueil seulement partiel de l’opposition par l’OHMI et de la limitation des appréciations de la chambre de recours, pour des motifs d’économie de procédure, à la comparaison de la marque demandée avec la seule marque antérieure n° 226118, le présent recours porte uniquement sur l’existence d’un risque de confusion entre, d’une part, la marque verbale RIOJAVINA, demandée pour les « vinaigres », compris dans la classe 30, et les « exclusivités commerciales, représentations, vente en gros et au détail, import-export, le tout en rapport avec les vinaigres », compris dans la classe 35, et, d’autre part, la marque antérieure n° 226118 du CRD, enregistrée pour le vin, compris dans la classe 33.

22      La marque antérieure n° 226118 est une marque communautaire collective au sens de l’article 64 du règlement n° 40/94 (devenu article 66 du règlement n° 207/2009). Conformément aux dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 et de l’article 64, paragraphe 3, du même règlement (devenu article 66, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009), cette marque bénéficie, comme toute marque communautaire, de la protection contre toute atteinte qui résulterait de l’enregistrement d’une marque communautaire comportant un risque de confusion.

23      Le requérant fait toutefois valoir qu’il ne saurait, en l’espèce, être question d’un risque de confusion. En effet, premièrement, le CRD étant une entité administrative et, plus précisément, un organe déconcentré du ministère de l’Environnement, du Milieu rural et marin espagnol, chargé de veiller à la qualité des vins de Rioja, et non un producteur de vin de Rioja, il ne serait pas une entreprise que le requérant pourrait tenter de concurrencer. Deuxièmement, il serait difficilement concevable qu’un consommateur puisse croire que les produits du requérant proviennent d’une telle entité administrative.

24      S’agissant du premier point, il y a lieu de relever que, si le requérant estimait que la marque antérieure n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux par son titulaire ou, compte tenu de sa nature de marque collective, par toute personne habilitée à l’utiliser [voir article 65, paragraphe 2, et article 68 du règlement n° 40/94 (devenus, respectivement, article 67, paragraphe 2, et article 70 du règlement n° 207/2009)], il lui appartenait de présenter, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009), une requête de preuve de l’usage sérieux de cette marque. Une telle requête n’ayant pas été présentée, le requérant ne saurait contester que la marque antérieure n° 226118 est susceptible d’être utilisée pour désigner les produits pour lesquels elle a été enregistrée, à savoir les vins.

25      S’agissant du second point, il y a lieu de rappeler que constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 30, et la jurisprudence citée].

26      Il s’ensuit que l’origine commerciale exacte que le public pertinent attribuera aux produits ou aux services couverts par chacune des deux marques en conflit importe peu s’agissant de la question de savoir s’il existe un risque de confusion entre celles-ci. Ce qui importe est la question de savoir si cette origine commerciale pourrait être perçue par le public pertinent, dans les deux cas, comme étant la même.

27      En l’espèce, la marque antérieure n° 226118 constitue, pour le public pertinent, composé tant du grand public en général que du public spécialisé de l’Union, une indication de l’origine commerciale des vins sur lesquels elle est apposée. Quelle que soit l’origine commerciale exacte de ces produits, c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de déterminer si ce public pensera que les vins désignés par la marque antérieure proviennent du CRD ou d’une entreprise, il ne saurait, a priori, être exclu que, dans l’hypothèse de l’existence d’une identité ou d’une similitude entre les marques en conflit et entre les produits et services qu’elles désignent, cette même origine commerciale soit attribuée, par ce même public, aux produits et aux services couverts par la marque demandée, ce qui équivaudrait à l’existence d’un risque de confusion.

28      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend le requérant, la circonstance que le CRD n’exerce pas une activité de producteur de vin de Rioja n’entraîne nullement, en elle-même, qu’il ne pourrait être question de risque de confusion.

29      Il convient, donc, d’examiner si, comme le prétend le requérant, c’est à tort que la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’opposition relative à l’existence, en l’espèce, d’un risque de confusion.

30      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec cette marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

31      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 25 supra, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

32      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

33      Compte tenu de la nature des produits et des services en cause, le public pertinent est, ainsi qu’il est déjà indiqué au point 27 ci-dessus, tant le public en général que le public spécialisé de l’Union.

34      En ce qui concerne, en premier lieu, la comparaison des produits, il convient de considérer que la chambre de recours a conclu, à bon droit, à l’existence d’un faible degré de similitude entre le vinaigre et le vin.

35      En effet, même si le vinaigre n’est pas, contrairement au vin, une boisson, il n’en reste pas moins que ces produits peuvent, tous deux, être utilisés dans la préparation d’aliments. En outre, le vinaigre est communément issu de la fermentation acétique du vin.

36      S’agissant, à cet égard, de l’argument du requérant selon lequel il serait possible de produire du vinaigre à partir d’autres solutions hydro-alcooliques que le vin et d’obtenir ainsi diverses sortes de vinaigres (vinaigres de cidre, de fruits, d’alcool, de céréales, de malt, de miel, de lactosérum), il convient de relever que cet argument ne retire rien au fait que, comme la chambre de recours l’a constaté et sans que cela soit contesté devant le Tribunal, le vinaigre le plus couramment fabriqué et consommé est du vinaigre de vin. Le requérant a d’ailleurs expressément indiqué son intention de commercialiser, sous la marque demandée, du vinaigre de vin.

37      S’agissant des renvois opérés par le requérant aux règles d’élaboration (choix des variétés de raisin utilisées) et de vieillissement (stockage en fûts de chêne et durées minimales de vieillissement) propres aux vins de Rioja, il y a lieu de relever que ces renvois, éventuellement utiles pour distinguer les vins de Rioja d’autres vins, sont, en revanche, totalement dénués de pertinence pour la question, seule en cause en l’espèce, de savoir si le vinaigre et le vin sont des produits similaires.

38      Quant à la référence faite à l’arrêt du Tribunal du 15 février 2007, Bodegas Franco-Españolas/OHMI – Companhia Geral da Agricultura das Vinhas do Alto Douro (ROYAL) (T‑501/04, non publié au Recueil), elle correspond à une affaire tout à fait différente du présent cas d’espèce et ne remet pas en cause le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours.

39      En effet, le fait que, dans cette affaire, relative à un risque de confusion allégué entre une marque ROYAL, demandée pour du vin de Rioja, et une marque antérieure ROYAL FEITORIA, enregistrée pour du vin de Porto, le Tribunal ait considéré que les vins de Rioja et de Porto étaient, malgré leur nature commune de boissons alcooliques, seulement faiblement similaires en raison de leurs différences notoires bien connues du consommateur moyen (les premiers se boivent au cours des repas tandis que les seconds se boivent en apéritif ou en digestif), n’implique nullement que c’est à tort que l’OHMI a relevé, en l’espèce, s’agissant de vinaigre et de vin, des éléments suffisants pour conclure à une similitude, quoique faible, de ces derniers produits.

40      Il résulte des considérations qui précèdent que les arguments avancés par le requérant ne remettent pas en cause le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours quant à l’existence d’un faible degré de similitude entre le vinaigre et le vin.

41      S’agissant des services visés dans la demande de marque et pour lesquels l’opposition a été accueillie, à savoir les « exclusivités commerciales, représentations, vente en gros et au détail, import-export, le tout en rapport avec les vinaigres », compris dans la classe 35, la chambre de recours a confirmé les constatations faites par la division d’opposition, selon lesquelles lesdits services présentaient également un faible degré de similitude avec le vin, motif pris, en substance, du caractère complémentaire et accessoire des activités de commercialisation au sein des entreprises des secteurs du vinaigre et du vin.

42      Or, force est de constater, à l’instar de l’OHMI, que le requérant n’avance aucun argument critiquant cette appréciation de la chambre de recours relative aux services, le requérant se limitant exclusivement à contester les appréciations de la chambre de recours relatives aux produits (vinaigre et vin).

43      Au demeurant, le Tribunal relève que, compte tenu du lien étroit unissant tout produit à sa commercialisation, c’est à juste titre que la chambre de recours, après avoir correctement constaté l’existence d’une faible similitude entre le vinaigre et le vin, a également conclu à l’existence d’une similitude de même intensité entre, d’une part, les services de commercialisation expressément spécifiés comme étant « en rapport avec les vinaigres » – à savoir les « exclusivités commerciales, représentations, vente en gros et au détail, import-export, le tout en rapport avec les vinaigres », compris dans la classe 35 – et, d’autre part, le vin.

44      En conclusion, le requérant n’a pas établi que ce serait à tort que la chambre de recours a considéré que les produits et services visés dans la demande de marque et pour lesquels il avait été fait droit à l’opposition sont similaires, quoique faiblement, avec le produit visé par la marque antérieure.

45      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la comparaison des signes, il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

46      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 45 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

47      Dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est limitée, pour des motifs d’économie de procédure, à comparer la marque demandée avec la marque communautaire antérieure n° 226118. Dans le cadre de cette comparaison, elle a repris à son compte l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle ces marques présentent un degré élevé de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

48      À cet égard, le Tribunal estime que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « rioja », commun aux deux marques en conflit, constituait l’élément dominant de chacune de ces marques. En effet, cet élément attire l’attention du public pertinent tant par sa position au sein de ces marques (au début de la marque demandée et au centre de la marque antérieure) que par la renommée dont il jouit, comme en conviennent les parties, dans la majeure partie de l’Union en rapport avec les vins de Rioja.

49      S’agissant de la similitude visuelle, il convient de relever, à l’instar, en substance, de la chambre de recours, que la présence, dans les marques en conflit, de l’élément verbal « rioja » – cet élément figurant au début de la marque demandée et étant, s’agissant de la marque communautaire antérieure n° 226118, imprimé de biais et en grosses lettres au centre de cette marque – assure un degré sinon élevé, du moins significatif, de similitude visuelle, et ce en dépit de la présence d’autres éléments, moins importants, de différenciation entre les marques en conflit, à savoir l’élément verbal « vina » placé à la fin de la marque demandée et les différents éléments verbaux et figuratifs entourant, dans la marque antérieure n° 226118, l’élément central « rioja ».

50      Quant aux diverses références opérées par les parties à certaines modalités concrètes d’application des marques en conflit sur les produits en cause, le requérant se référant, pour sa part, à l’application de la marque antérieure sur des étiquettes de plus grandes dimensions ou sur la partie postérieure des bouteilles, et le CRD se prévalant, quant à lui, des graphismes concrètement utilisés par le requérant pour l’impression de la marque verbale demandée, ces diverses références sont dépourvues de pertinence pour l’appréciation de la similitude visuelle des marques en conflit, laquelle appréciation s’opère sur la base des signes tels qu’enregistrés ou demandés auprès de l’OHMI.

51      En ce qui concerne la similitude phonétique, il convient de relever, à l’instar, en substance, de la chambre de recours, qu’il existe un degré élevé de similitude phonétique entre les marques en conflit, en raison de l’élément verbal commun « rioja ». L’élément « vina » de la marque demandée, situé en fin de marque et, de ce fait, moins important phonétiquement, n’est pas de nature à atténuer sensiblement cette similitude phonétique. Quant aux quatre éléments « consejo », « regulador », « denominacion origen » et « calificada », placés sur les quatre côtés de la marque antérieure et, pour deux d’entre eux, verticalement, donc difficilement lisibles, ils sont clairement secondaires au sein de cette marque.

52      Quant à la similitude conceptuelle, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours relative, en substance, à l’existence d’un degré élevé de similitude conceptuelle. En effet, le terme « riojavina » de la marque demandée, tout comme le terme « rioja » figurant dans la marque antérieure, lui-même renforcé conceptuellement par la représentation d’une grappe de raisin et d’une feuille de vigne, renvoient directement, pour le public pertinent, aux produits de la vigne et, plus particulièrement, au vin de Rioja.

53      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit.

54      En ce qui concerne, en troisième lieu, l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de rappeler que cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

55      En l’espèce, le Tribunal considère, à l’instar de la chambre de recours, que le faible degré de similitude entre les produits et services concernés est compensé par le degré élevé de similitude des marques en conflit, de sorte que le public pertinent risque de croire que le vinaigre et les services de commercialisation du vinaigre proposés sous la marque RIOJAVINA ont la même origine commerciale que les vins commercialisés sous la marque communautaire antérieure n° 226118.

56      S’agissant de la circonstance selon laquelle le requérant serait titulaire d’une marque espagnole RIOJAVINA et aurait commercialisé, en Espagne, sous cette marque et depuis plus de 50 ans, des vinaigres, il convient de relever que cette circonstance, à la supposer avérée, ne prouve nullement l’absence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur espagnol sur l’origine commerciale du vinaigre commercialisé sous cette marque. En outre, et en tout état de cause, le public à l’égard duquel s’opère l’examen du risque de confusion n’est pas le public espagnol, mais, plus largement, le public de l’Union.

57      Quant à l’argument tiré de ce que le CRD ne saurait tenter de monopoliser l’usage du mot « rioja » dans un secteur, à savoir celui du vinaigre, où il ne pourrait développer aucune activité, il convient de rappeler que, selon l’article 12, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 12, sous b), du règlement n° 207/2009], « [l]e droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires [...] d’indications relatives à [...] la provenance géographique [...] du produit [...] pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ».

58      De même, l’article 64, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 66, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009), lequel dispose que, « [p]ar dérogation à l’article 7, paragraphe 1, [sous] c), peuvent constituer des marques communautaires collectives au sens du paragraphe 1 des signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services », prévoit qu’« [u]ne marque collective n’autorise pas le titulaire à interdire à un tiers d’utiliser dans le commerce ces signes ou indications, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale » et que, « en particulier, une telle marque ne peut être opposée à un tiers habilité à utiliser une dénomination géographique ».

59      Cependant, et contrairement à ce que semble suggérer le requérant, la procédure d’opposition introduite par le CRD ne vise nullement à monopoliser, en violation des dispositions susvisées, l’usage du mot « rioja », que ce soit pour le vinaigre ou pour tout autre produit.

60      Cette procédure introduite par le CRD vise uniquement à lui assurer, par la voie de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la protection des droits de propriété intellectuelle découlant de l’enregistrement de la marque communautaire antérieure n° 226118 contre toute atteinte qui résulterait de l’enregistrement d’une marque communautaire comportant un risque de confusion.

61      Quant à la circonstance alléguée que le CRD ne se serait pas opposé à l’enregistrement d’autres marques communautaires comportant le mot « rioja », dont l’une désignant des produits relevant de la classe 30 (vinaigres), elle est dénuée de pertinence pour l’appréciation de la question, seule en cause en l’espèce, de savoir si, comme l’a relevé l’OHMI dans le cadre de la procédure d’opposition introduite par le CRD à l’encontre de la marque demandée par le requérant, il existe un risque de confusion entre cette marque demandée et la marque antérieure n° 226118.

62      L’OHMI n’ayant, contrairement à ce que soutient le requérant, commis aucune erreur en constatant l’existence, en l’espèce, d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, le moyen unique soulevé par le requérant, tiré de la violation de cette disposition, doit être rejeté.

63      Il s’ensuit qu’il convient, sans qu’il soit besoin d’examiner la demande du requérant relative à « [l’acceptation de] l’enregistrement de la marque demandée au titre des classes 29, 30 et 35 », de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par le CRD, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Félix Muñoz Arraiza est condamné aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.