Language of document : ECLI:EU:T:2022:190

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale SO COUTURE – Marque de l’Union européenne verbale SO…? – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑30/21,

L’Oréal, établie à Clichy (France), représentée par Mes M. Treis et E.-M. Strobel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Debonair Trading Internacional Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes J. Quirin et J.-P. Jacquey, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 3 novembre 2020 (affaire R 158/2016-5), relative à une procédure d’opposition entre Debonair Trading Internacional et L’Oréal,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et Mme M. Brkan (rapporteure), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23  avril 2021,

à la suite de l’audience du 12 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 octobre 2013, la requérante, L’Oréal, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SO COUTURE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, à la description suivante : « Produits de maquillage ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 212/2013, du 7 novembre 2013.

5        Le 4 février 2014, l’intervenante, Debonair Trading Internacional Lda, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure SO...?, déposée le 7 mars 1997 et enregistrée le 26 février 2001 sous le numéro 485 078, désignant, notamment, les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Parfums ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement 2017/1001].

8        À la suite de la demande formulée par la requérante et conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. L’intervenante a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 14 décembre 2015, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement no 207/2009.

10      Le 25 janvier 2016, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 3 novembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En particulier, elle a considéré, tout d’abord, que l’usage sérieux de la marque antérieure SO…? avait été démontré pour des parfums. Ensuite, s’agissant de l’analyse du risque de confusion, elle a estimé que le public pertinent était constitué du grand public de l’Union européenne faisant preuve d’un niveau d’attention moyen et que les produits en cause étaient similaires à un degré moyen. Par ailleurs, elle a conclu que les marques en cause présentaient au moins un degré moyen de similitude visuelle ainsi que tout au plus un degré moyen de similitude phonétique. En outre, elle a constaté que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif accru en raison de la connaissance de cette dernière par le public pertinent et faisait partie d’une famille de marques. Au terme de son appréciation globale, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, au moins pour le public anglophone et francophone de l’Union. Partant, elle a rejeté l’enregistrement de la marque demandée.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et, le cas échéant, l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’intervenante demande au Tribunal, par son premier chef de conclusions, de confirmer la décision attaquée. Étant donné que confirmer la décision attaquée équivaut à rejeter le recours, il y a lieu de comprendre ce chef de conclusions comme visant, en substance, au rejet du recours [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Impera/EUIPO – Euro Games Technology (Flaming Forties), T‑874/19, non publié, EU:T:2020:563, point 15].

16      Par ailleurs, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 3 octobre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).  En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

17      Dès lors, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la requérante dans l’argumentation soulevée à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b) d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

 Sur la recevabilité

18      Sans soulever formellement une exception au sens de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante fait valoir que le recours est fondé sur l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, alors que le texte applicable est le règlement no 207/2009, et qu’il ne serait par conséquent pas recevable.

19      À cet égard, il convient de rappeler, conformément à la jurisprudence énoncée au point 16 ci-dessus, que le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 en vigueur depuis le 1er octobre 2017. La décision attaquée ayant été rendue le 3 novembre 2020, c’est sans commettre d’erreur que le recours devant le Tribunal a été introduit sur le fondement du règlement 2017/1001. Au demeurant, il y a lieu de relever que l’article 72, paragraphe 1 du règlement 2017/1001 est, en substance, identique à l’article 65, paragraphe 1 du règlement no 207/2009.

20      Par conséquent, il y a lieu de considérer que le recours de la requérante est recevable.

 Sur le fond

21      Dans la requête, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la perte des effets de la marque antérieure en vertu du règlement no 207/2009 et le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      À titre liminaire, il importe de noter que, lors de l’audience, la requérante a renoncé au premier moyen, dans le cadre duquel elle estimait que, depuis le retrait de l’Union du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, les éléments de preuve en lien avec ce dernier ne pouvaient plus étayer d’une part, le caractère distinctif accru de la marque antérieure, c’est-à-dire, en substance, son caractère distinctif élevé et, d’autre part, l’existence d’une famille de marques. Il a été pris acte de cette renonciation dans le procès-verbal de l’audience. Il s’ensuit que le Tribunal limitera son examen au seul moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

23      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [arrêts du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33, et du 28 avril 2021, Comercializadora Eloro/EUIPO – Zumex Group (JUMEX), T‑310/20, non publié, EU:T:2021:227, point 24].

25      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêts du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42, et du 28 avril 2021, JUMEX, T‑310/20, non publié, EU:T:2021:227, point 25].

26      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [arrêt du 13 mai 2020, Wonder Line/EUIPO – De Longhi Benelux (KENWELL), T‑284/19, non publié, EU:T:2020:192, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76].

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur le public pertinent et la comparaison des produits

28      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42, et du 13 mai 2020, KENWELL, T‑284/19, non publié, EU:T:2020:192, point 24].

29      Ainsi que l’a constaté la chambre de recours, sans être contredite par les parties, eu égard au fait que les produits visés, à savoir des « produits de maquillage » et des « parfums », sont des produits de consommation courante, ils s’adressent au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Par ailleurs, s’agissant du territoire pertinent, elle a établi que, la marque antérieure étant une marque de l’Union, il consistait en l’ensemble du territoire de cette dernière.

30      En second lieu, s’agissant de la comparaison des produits visés par les marques en conflit, la chambre de recours a relevé que les produits contestés sont des « produits de maquillage » similaires à un degré moyen aux « parfums » pour lesquels la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été apportée en raison des propriétés d’hygiène et de cosmétique qu’ils partagent. Cette constatation n’a pas été contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35, et du 24 septembre 2019, IAK – Forum International/EUIPO – Schwalb (IAK), T‑497/18, non publié, EU:T:2019:689, point 52].

32      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuels, phonétiques et conceptuels [arrêts du 12 juillet 2012, Vermop Salmon/OHMI – Leifheit (Clean Twist), T‑61/11, non publié, EU:T:2012:373, point 26, et du 8 juin 2017, Groupe Léa Nature/EUIPO – Debonair Trading Internacional (SO’BiO ētic), T‑341/13 RENV, non publié, EU:T:2017:381, point 37].

33      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant [arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 19 mai 2021, Puma/EUIPO – Gemma Group (Représentation d’un félin bondissant), T‑510/19, non publié, EU:T:2021:281, point 35]. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

34      S’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il y a lieu de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35, et du 19 septembre 2019, WhiteWave Services/EUIPO – Fernandes (VeGa one), T‑176/17, non publié, EU:T:2019:625, point 51].

35      Il convient également de relever que, selon la jurisprudence, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cette marque ou de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises [arrêt du 9 décembre 2020, Man and Machine/EUIPO – Bim Freelance (bim ready), T‑819/19, non publié, EU:T:2020:596, point 43].

36      Il est constant que la marque antérieure est une marque verbale se composant du terme « so », suivie de trois points de suspension et d’un point d’interrogation (ci-après « l’élément de ponctuation »). Quant à la marque verbale demandée, elle se compose de l’élément « so » suivi du mot « couture ».

37      Dans la décision attaquée, après avoir déterminé le caractère plus ou moins distinctif des éléments composant les deux signes en conflit, la chambre de recours a procédé à leur comparaison. Elle a conclu qu’ils présentaient au moins un degré moyen de similitude visuelle et tout au plus un degré moyen de similitude phonétique. Sur le plan conceptuel, elle a estimé que la marque antérieure ne véhiculait aucune signification spécifique par rapport aux produits en cause et que le terme « couture » faisait référence à la haute couture et au luxe.

38      Avant de traiter la question de la similitude des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation par la chambre de recours des différents éléments composant les signes en conflit.

–       Sur les éléments composant les signes en conflit

39      La chambre de recours a considéré que l’élément « so », bien qu’il s’agisse d’un mot anglais simple et courant pouvant avoir différentes significations, serait probablement perçu, sans autre contexte, comme une introduction, un début de phrase ou de question créant un certain suspense. Elle a estimé que, ce terme ne faisant pas allusion à la nature ou à la qualité des produits en cause, il n’avait aucun rapport avec ces derniers. Dès lors, elle a établi qu’il possédait intrinsèquement un caractère distinctif normal pour les cosmétiques et les parfums. Par ailleurs, elle a relevé que les signes de ponctuation n’étaient généralement pas distinctifs, qu’ils avaient été jugés négligeables dans une affaire fondée sur la même marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Groupe Léa Nature/EUIPO, C‑505/17 P, non publié, EU:C:2019:157, point 52) et que l’élément « so » était l’élément dominant et intrinsèquement distinctif de cette dernière.

40      En premier lieu, s’agissant du caractère distinctif de l’élément « so », la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il possède un caractère distinctif intrinsèque normal.

41      En l’espèce, il convient de relever que, comme le fait valoir l’EUIPO, l’élément « so » n’entretient aucun rapport avec les produits de maquillage ou les parfums. En outre, le fait qu’il soit fréquemment utilisé comme élément de substitution dans le langage courant, notamment pour débuter une phrase, ne permet pas de considérer que sa capacité à indiquer l’origine commerciale est faible à l’égard des produits en cause. Dès lors, comme la chambre de recours l’a retenu, il possède un caractère distinctif intrinsèque normal à l’égard de ceux-ci.

42      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le mot « so » ne dispose pas d’un caractère distinctif intrinsèque, car cela aboutirait à l’enregistrement de signes tels que SO SEDUCTIVE ou SO SENSUAL pour des parfums. En effet, il convient de relever que le caractère distinctif analysé en l’espèce ne concerne que l’élément « so », pris individuellement, et que rien n’empêchait la chambre de recours d’examiner cet élément séparément de l’élément de ponctuation. En tout état de cause, la présente affaire ne porte pas sur des demandes d’enregistrement de marques telles que SO SEDUCTIVE et SO SENSUAL.

43      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le terme « so », tout comme les adjectifs génériques et ordinaires tels que « very », « most » et « like », manquerait de caractère distinctif selon la pratique décisionnelle de l’EUIPO, il y a lieu de relever, au sujet de la référence faite à ladite pratique que, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

44      En deuxième lieu, s’agissant de la référence au caractère négligeable de l’élément de ponctuation dans la marque antérieure, la requérante estime que cette appréciation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 février 2019, Groupe Léa Nature/EUIPO (C‑505/17 P, non publié, EU:C:2019:157), ne concernait pas la marque antérieure, commune aux deux litiges, mais la marque demandée, qui n’est pas comparable au signe faisant l’objet du présent recours. De plus, il n’existerait pas de règle absolue selon laquelle les signes de ponctuation ne peuvent pas avoir de caractère distinctif, notamment lorsqu’ils sont associés à d’autres signes de ponctuation.

45      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il a déjà été jugé par le Tribunal que certains signes de ponctuation n’étaient pas distinctifs, dès lors qu’ils n’étaient pas perçus d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits et ne permettaient pas au consommateur de distinguer sans confusion possible les produits en cause de ceux qui ont une autre provenance [voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2009, JOOP!/OHMI (!), T‑75/08, non publié, EU:T:2009:374, points 27 et 29, et du 10 janvier 2019, achtung !/EUIPO (achtung !), T‑832/17, non publié, EU:T:2019:2, point 49], cette constatation n’exclut pas qu’un certain caractère distinctif puisse leur être reconnu eu égard aux particularités de chaque affaire.

46      Néanmoins, en l’espèce, il convient de souligner que la Cour a déjà établi dans un litige portant sur la même marque antérieure que, dans la mesure où le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, les points de suspension et le point d’interrogation en cause étaient considérés comme étant négligeables au regard du seul élément verbal « so » (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Groupe Léa Nature/EUIPO, C‑505/17 P, non publié, EU:C:2019:157, point 52).

47      Dès lors, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « so » était l’élément dominant et intrinsèquement distinctif de la marque antérieure et que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’élément de ponctuation est le plus frappant et distinctif ne peut pas être retenue. En effet, c’est ledit élément « so » qui donnera une indication de l’origine commerciale des produits et permettra au consommateur de distinguer sans confusion possible les produits en cause de ceux qui ont une autre provenance.

48      En troisième lieu, s’agissant de l’élément « couture » dans la marque demandée, la chambre de recours a conclu que ce terme serait compris par les consommateurs des pays anglophones et francophones de l’Union comme faisant référence à un « vêtement sur mesure » dont les producteurs sont aussi actifs sur le marché des produits de beauté et des cosmétiques ainsi que comme une évocation laudative du luxe et de la haute qualité. Partant, elle a considéré qu’il était laudatif et faible pour les produits en cause.

49      La requérante estime que la chambre de recours a traité à tort l’élément « couture » comme s’il était négligeable, alors que, outre le fait d’être plus long que l’élément « so », il serait aussi proéminent que celui-ci. De plus, le consommateur chercherait, après la lecture du mot « so », le second élément. Il serait donc incohérent de soutenir que le consommateur anticipera le second élément tout en le considérant comme négligeable.

50      À cet égard, il convient tout d’abord de souligner que la chambre de recours n’a pas affirmé que l’élément « couture » était négligeable, mais s’est contentée de le considérer comme laudatif et, en substance, faiblement distinctif à l’égard des produits concernés. Ensuite, la requérante ne conteste pas que l’association fréquente de cet élément avec l’adjectif français « haute », comme dans l’élément « haute couture », lui confère une certaine aura de luxe. Or, le terme « couture », pris isolément, est également susceptible de faire référence au secteur du luxe et de la mode au sein duquel le marché des cosmétiques et des parfums côtoie celui des vêtements. Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le mot « couture », bien qu’il ne soit pas un adjectif, peut également être compris par le public pertinent, notamment par les consommateurs anglophones et francophones de l’Union, comme renvoyant à un style synonyme de haut de gamme. Dès lors, il y a lieu de constater, s’agissant de cette partie du public pertinent, que le terme « couture » est laudatif et faiblement distinctif pour les produits en cause.

51      Cette constatation ne saurait être remise en cause par la référence de la requérante à une décision antérieure de l’EUIPO ayant conclu à l’existence d’un caractère distinctif intrinsèque de l’élément « couture » pour des produits relevant des classes 18 et 25, à savoir notamment des sacs et des vêtements. À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence invoquée au point 43 ci-dessus selon laquelle la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours. Au surplus, même si le mot « couture » était également en cause dans le cadre de la décision de la division d’opposition invoquée par la requérante, il y a lieu de souligner que les circonstances de l’espèce étaient différentes. En effet, la division d’opposition avait conclu dans cette affaire que la marque SEMI-COUTURE n’était porteuse d’aucune signification pour le public pertinent, alors que, dans les circonstances de la présente affaire, il ressort du point 50 ci-dessus que le terme « couture » revêt une signification pour une partie du public pertinent et sera perçu comme laudatif des produits en cause.

52      De même, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’association du terme « couture » avec le mot « so » entraînerait un contraste et n’aurait aucune signification au regard des produits concernés, il y a lieu de constater qu’une telle association est, au contraire, susceptible de signifier « si luxueux » ou « tellement luxueux ». En outre, ladite association n’entraîne pas un quelconque contraste au sein de la marque demandée qui pourrait contribuer à son caractère distinctif. Dès lors, il y a lieu de souligner que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le terme « couture » était laudatif et, en substance, faiblement distinctif pour les produits visés.

53      C’est en tenant compte de ces considérations qu’il y a lieu de comparer la marque antérieure et la marque demandée prises dans leur ensemble.

–       Sur la comparaison visuelle

54      La chambre de recours a souligné que le premier élément de la marque antérieure, le mot « so », était entièrement inclus dans le début de la marque demandée. En outre, elle a estimé que les éléments différents entre les marques, à savoir l’élément de ponctuation et le terme « couture », étaient, pour une partie pertinente des consommateurs, « faibles » et occupaient une position moins proéminente que le terme « so » dans les deux marques. Dès lors, elle a conclu que les marques en cause présentaient pour les consommateurs anglophones et francophones de l’Union au moins un degré moyen de similitude visuelle.

55      La requérante estime que la chambre de recours a qualifié, à tort, l’élément de ponctuation comme étant négligeable. En outre, elle rappelle que l’élément commun « so » présent dans les deux signes est extrêmement court, ce qui impliquerait que le public pertinent est plus susceptible de percevoir les éléments distincts. Dès lors, les signes en cause seraient visuellement différents ou similaires à un très faible degré.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

57      Il importe de souligner que, selon la jurisprudence, le fait que le premier élément de la marque antérieure soit entièrement inclus dans la marque demandée et qu’il figure également en première position dans celle-ci permet de ne pas écarter toute similitude entre les signes en conflit. À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la circonstance selon laquelle une marque est composée de la marque antérieure à laquelle un autre mot est accolé constitue une indication de la similitude entre ces deux marques et, d’autre part, que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2012, Sport Eybl & Sports Experts/OHMI – Seven (SEVEN SUMMITS), T‑179/11, non publié, EU:T:2012:254, points 26 et 36, et du 8 juin 2017, SO’BiO ētic, T‑341/13 RENV, non publié, EU:T:2017:381, point 44].

58      En l’espèce, en dépit de sa longueur limitée, il convient de constater que le premier élément « so » de la marque antérieure est entièrement inclus, également en tant que premier élément, dans la marque demandée et que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin. Par ailleurs, s’agissant des éléments différents entre les marques, le terme « couture » dans la marque demandée, sans être négligeable, n’est que faiblement distinctif. Enfin, ainsi qu’il ressort des points 46 et 47 ci-dessus, l’élément « so » étant l’élément intrinsèquement distinctif et dominant de la marque antérieure, cette considération tend à minimiser le rôle, au sein de cette dernière, de l’élément de ponctuation, qui a en outre été considéré par la Cour comme étant négligeable à l’égard du seul élément verbal « so » dans les circonstances de l’espèce.

59      Dès lors, à la lumière de ce qui précède et compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que, pour les consommateurs anglophones et francophones de l’Union, les marques en cause présentent au moins un degré moyen de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique

60      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé que le fait que la marque antérieure, composée d’une syllabe, était entièrement contenue dans la marque demandée entraînait un certain degré de similitude. En outre, elle a considéré que les points de suspension et le point d’interrogation n’affectaient pas la prononciation de la marque antérieure d’une manière telle qu’elle serait phonétiquement différente. En outre, elle a rappelé que le terme « couture » était le second élément de la marque demandée et qu’il était laudatif et faible pour une partie du public pertinent. Dès lors, elle a conclu que les marques en cause présentaient tout au plus un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

61      À cet égard, il y a lieu de relever que, si la marque antérieure comporte une syllabe, à savoir « so », alors que la marque demandée en comporte quatre, à savoir « so », « cou », « tu » et « re », de sorte que sa longueur est différente, les signes en conflits coïncident néanmoins phonétiquement par leur première syllabe, laquelle sera prononcée de manière identique par le public pertinent. En effet, les signes de ponctuation de la marque antérieure ne sauraient influencer la prononciation de cet élément, leur impact se limitant uniquement à l’intonation de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, SO’BiO ētic, T‑341/13 RENV, non publié, EU:T:2017:381, point 50).

62      Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires tout au plus à un degré moyen sur le plan phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle

63      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé que, si la marque antérieure pouvait être considérée comme une introduction à une question, elle ne véhiculait aucune signification spécifique par rapport aux produits en cause. S’agissant de l’élément « couture » de la marque demandée, elle a rappelé qu’il faisait référence, pour les consommateurs anglophones et francophones de l’Union, à la « haute couture » ou au « luxe ». Elle a conclu que l’impact de cette signification conceptuelle sur le signe demandé était réduit en raison de sa faiblesse par rapport aux produits.

64      À cet égard, il convient de constater que, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, l’EUIPO a reconnu, à l’instar de la requérante, que, en dépit de l’absence de conclusion explicite de la chambre de recours quant à la comparaison conceptuelle des signes, une différence conceptuelle devait être retenue.

 Sur le risque de confusion

65      Selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur de droit en ne jugeant pas l’affaire selon ses propres caractéristiques et selon tous les facteurs pertinents.

66      Il y a lieu de relever que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 29 avril 2020, Kerry Luxembourg/EUIPO – Döhler (TasteSense), T‑109/19, non publié, EU:T:2020:162, point 78].

67      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement no 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

68      L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque dans les milieux concernés, qu’une marque a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une marque et du caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé. Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [arrêt du 16 juin 2021, Chanel/EUIPO – Innovative Cosmetic Concepts (INCOCO), T‑196/20, non publié, EU:T:2021:365, point 80 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 34 et 35].

69      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion au moins pour les consommateurs de la partie anglophone et francophone de l’Union faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, compte tenu de la similitude à un degré moyen des produits en cause, de la similitude des marques en cause sur le plan visuel, mais également sur le plan phonétique, de l’absence de signification conceptuelle forte qui neutraliserait les similitudes mentionnées, du caractère distinctif élevé de la marque antérieure et du fait qu’il s’agissait de l’élément commun d’une famille de marques de l’intervenante. Enfin, elle a rappelé que les similitudes des marques en cause résultaient de leur partie initiale et que cet élément « so » commun était le plus distinctif.

70      En premier lieu et ainsi qu’il ressort du point 22 ci-dessus, il convient de relever que la requérante a renoncé à son premier moyen dans le cadre duquel elle estimait que, depuis le retrait de l’Union du Royaume-Uni, les éléments de preuve en lien avec ce dernier ne pouvaient plus étayer l’existence d’une famille de marques. Par conséquent, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste plus la validité des éléments susmentionnés produits par l’intervenante afin de se prévaloir de l’existence d’une famille de marques composées des marques SO…? DESIRABLE ; SO…? KISS ME ; SO…? SINFUL ; SO…? WILD et SO…? INSPIRED. Partant, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément susceptible de remettre en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle, avec l’élément « so » au début de la marque demandée, les consommateurs établiront aisément un lien avec la marque antérieure et ladite famille de marques.

71      En deuxième lieu et de manière analogue, il convient de souligner que, en renonçant au premier moyen, la requérante ne conteste plus la validité des éléments de preuve invoqués par l’intervenante afin de se prévaloir de l’existence du caractère distinctif élevé de la marque antérieure en raison de la connaissance qu’en a le public pertinent. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, l’argument par lequel la requérante postule l’exigence de la réunion d’un caractère distinctif élevé et d’une renommée afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion demeure pertinent et n’est pas affecté par la renonciation de la requérante au premier moyen.

72      À cet égard, il y a lieu de rappeler, conformément au point 68 ci-dessus, que l’existence d’un caractère distinctif élevé, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Dès lors, la question du caractère distinctif élevé et celle de la renommée constituent deux notions différentes ainsi qu’il a été à juste titre rappelé au point 84 de la décision attaquée. En outre, il ne ressort nullement de la jurisprudence citée par la requérante que le constat de l’existence d’un risque de confusion présuppose la réunion tant d’un caractère distinctif élevé que d’une renommée. Partant, il y a lieu de constater que la requérante n’apporte aucun élément susceptible remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure possède un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’a le public pertinent de cette dernière.

73      En troisième lieu, la requérante invoque, en substance, une erreur de droit de la chambre de recours en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte de la mesure dans laquelle les impressions visuelle, phonétique et conceptuelle auront principalement un effet sur le public pertinent pour apprécier le risque de confusion.

74      À cet égard, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, dans l’appréciation globale du risque de confusion, l’aspect visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’a pas toujours le même poids. Il importe d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Si, en revanche, le produit visé est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes [arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Lifestyle Equities (Royal County of Berkshire POLO CLUB), T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 80].

75      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours a tenu compte du fait que les produits en cause sont généralement achetés en libre-service et que le consommateur aura l’occasion d’inspecter visuellement le produit. Dès lors, c’est à juste titre qu’elle a relevé l’importance de la similitude visuelle constatée.

76      Il résulte des considérations figurant aux points 28 à 75 ci-dessus, tout d’abord, que le public pertinent est le grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen et que les produits en cause sont similaires à un degré moyen. Ensuite, en ce qui concerne les signes en conflit, ceux-ci présentent un degré de similitude au moins moyen sur le plan visuel, tout au plus moyen sur le plan phonétique et sont différents sur le plan conceptuel. Toutefois, cette différence conceptuelle est d’une incidence limitée étant donné qu’elle découle de l’élément faiblement distinctif « couture ». En outre, celle-ci est compensée par l’importance accordée à la similitude visuelle eu égard au fait que les produits en cause sont généralement vendus en libre-service. Par ailleurs, il convient de souligner que l’élément commun « so » est l’élément le plus distinctif des marques en conflit et apparaît au début de chacune de celles-ci, soit à la même place. Enfin, il y a lieu de rappeler le caractère distinctif élevé de la marque antérieure ainsi que son appartenance à une famille de marques.

77      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que le public pertinent pourrait être amené à penser que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement lorsqu’ils sont vendus sous les marques en conflit.

78      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être écarté et, partant, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Oréal est condamnée aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.