Language of document : ECLI:EU:T:2022:722

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

23 novembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale EUPHYTOS – Marque de l’Union européenne figurative antérieure EuPhidra – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 56, paragraphe 2, et article 43, paragraphe 2, du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 64, paragraphe 2, et article 47, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Périodes pertinentes – Production de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Qualification de preuves nouvelles ou complémentaires – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 »

Dans l’affaire T‑515/21,

Zeta Farmaceutici SpA, établie à Vicence (Italie), représentée par Mes F. Celluprica, F. Fischetti et F. De Bono, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Scardocchia, MM. J. Crespo Carrillo et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Specchiasol Srl, établie à Bussolengo (Italie),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. G. De Baere, président, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Zeta Farmaceutici SpA, demande l’annulation et la réformation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 juin 2021 (affaire R 2094/2019-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 septembre 2007, Specchiasol Srl a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal EUPHYTOS. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits cosmétiques y compris : baumes et crèmes cosmétiques ; teintures pour cheveux ; shampooings et après‑shampooings ; masques et compresses pour les cheveux ; lotions capillaires également en fioles ; produits fixants pour les cheveux ; laques pour les cheveux ; gels pour les cheveux ; mousses pour les cheveux ; produits pour la décoloration des cheveux ; produits ondulants pour les cheveux ; huiles pour les cheveux ; produits de coloration capillaire ; décapants ; produits restructurants biphasiques ; produits thalasso à base de minéraux ; démêlants pour cheveux ; lustrants pour cheveux ; traitements pour permanente des cheveux et produits pour permanente ; cosmétiques à base d’eau oxygénée ; activateurs pour la coloration des cheveux ; bains moussants pour le corps ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 8/2008, du 18 février 2008, et le signe correspondant a été enregistré le 29 août 2008.

5        Le 19 septembre 2017, la requérante a introduit auprès de l’EUIPO une demande de nullité de la marque contestée pour l’ensemble des produits couverts par celle-ci.

6        La demande en nullité était fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a invoqué la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante, enregistrée le 26 septembre 2002 sous le numéro 2163582 :

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8        Cette marque antérieure désignait des produits relevant de la classe 3.

9        À la suite d’une demande formulée par Specchiasol le 22 février 2018, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de la demande en nullité. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

10      Le 29 juillet 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

11      Le 18 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, en considérant, comme l’avait fait la division d’annulation, que la documentation présentée par la requérante était insuffisante pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure, dès lors que cette documentation ne contenait aucune indication concernant l’usage de cette marque au cours de l’une des deux périodes pertinentes.

13      En particulier, la chambre de recours a relevé que, conformément à l’article 64, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il existait, en l’espèce, deux périodes pertinentes pour lesquelles l’usage sérieux de la marque antérieure devait être prouvé, à savoir :

–        premièrement, la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, comprise entre le 27 septembre 2002 et le 26 septembre 2007 inclus (ci-après la « première période pertinente »), dès lors que la marque antérieure avait été enregistrée le 26 septembre 2002, soit depuis cinq ans au moins au jour du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, intervenu le 27 septembre 2007 ;

–        deuxièmement, la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la demande en nullité, comprise entre le 19 septembre 2012 et le 18 septembre 2017 inclus (ci-après la « seconde période pertinente »), dès lors que la marque antérieure avait été enregistrée depuis cinq ans au moins au jour de la demande en nullité, intervenue le 19 septembre 2017.

14      Or, la chambre de recours a constaté qu’il n’existait aucune référence, dans le dossier soumis à la division d’annulation, à l’usage du signe antérieur au cours de la première période pertinente, et a relevé que l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure à l’égard de l’une seule des deux périodes prévues à l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 suffisait pour justifier le rejet de la demande en nullité.

15      En ce qui concerne la recevabilité des preuves relatives à l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente, présentées par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours, cette dernière a considéré que les conditions visées à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), n’étaient pas remplies, en l’espèce, pour qu’elle puisse exercer son pouvoir d’appréciation au bénéfice de la requérante, en admettant ces preuves tardives. En effet, selon la chambre de recours, ces preuves ne pouvaient être considérées comme complétant les preuves produites devant la division d’annulation, dès lors qu’elles se rapportaient à la première période pertinente à l’égard de laquelle aucune preuve n’avait été présentée. À cet égard, la chambre de recours a considéré que les deux périodes pertinentes devaient être traitées comme deux éléments distincts aux fins de l’appréciation de l’acceptation de preuves produites pour la première fois dans le cadre du recours.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, réformer la décision attaquée, constater et déclarer la nullité de la marque contestée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant la chambre de recours de l’EUIPO en lui enjoignant de se conformer à l’arrêt du Tribunal ;

–        condamner l’EUIPO et Specchiasol aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

18      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une appréciation erronée quant à la nécessité de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente et, le second, d’une appréciation erronée par la chambre de recours en ce qui concerne la recevabilité des preuves de l’usage de la marque antérieure durant la première période pertinente, produites pour la première fois au stade du recours.

19      Avant d’examiner les moyens, il convient de déterminer la réglementation applicable ratione temporis aux faits de l’espèce.

 Sur l’application temporelle des règlements sur la marque de l’Union européenne

20      Il convient de relever, pour ce qui concerne, d’abord, les règles de procédure applicables aux faits de l’espèce, que, selon une jurisprudence constante, ces règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

21      Compte tenu de la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 10 juin 2021, le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 17 mars 2021, Bende/EUIPO – Julius-K9 (K-9), T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 14 et jurisprudence citée].

22      En outre, étant donné que la demande de preuve de l’usage a été déposée après le 1er octobre 2017, l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625 est applicable.

23      Enfin, étant donné que le recours devant la chambre de recours a été introduit le 18 septembre 2019, soit après le 1er octobre 2017, les dispositions de procédure du titre V du règlement délégué 2018/625, notamment l’article 27, paragraphe 4, de ce règlement concernant les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours, s’appliquent à la procédure de recours devant la chambre de recours.

24      Il convient, ensuite, de déterminer le droit matériel applicable au litige. Par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé une question aux parties, afin de recueillir leurs observations sur cette question ainsi que sur l’incidence d’une éventuelle erreur commise par la chambre de recours à cet égard sur l’issue de la présente affaire.

25      Dans sa réponse, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en appliquant le règlement 2017/1001. En effet, conformément à la jurisprudence, le droit matériel applicable, en cas de demande en nullité d’une marque de l’Union européenne, serait déterminé par référence à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque dont la nullité est demandée, à savoir, en l’espèce, le 27 septembre 2007. Le droit matériel applicable au litige serait, par conséquent, le droit prévu dans le règlement no 40/94.

26      Selon la requérante, l’erreur commise par l’EUIPO quant au droit matériel applicable a une incidence sur l’issue de l’affaire, car tant la division d’annulation que la chambre de recours ont rejeté la demande en nullité au motif qu’il n’y avait pas de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour la première période concernée, qui a été identifiée de manière erronée.

27      En effet, l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 prévoirait une règle différente de celle prévue à l’article 64, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, qui a été appliqué par la chambre de recours dans la décision attaquée, s’agissant du calcul de la première période pertinente pour laquelle le titulaire de la marque antérieure est tenu de rapporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque.

28      Dans le règlement 2017/1001, la première période au titre de laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure doit être apportée serait calculée à partir de la date de dépôt de la demande de marque contestée.

29      En revanche, à l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, cette même période serait calculée non pas à partir de la date de dépôt de la demande de marque contestée, mais de la date de publication de cette demande.

30      Selon la requérante, une identification correcte du droit matériel applicable et, par conséquent, de la première période pertinente aurait permis à la chambre de recours de rendre une décision différente, en renvoyant la demande à la division d’annulation conformément à l’article 71 du règlement 2017/1001, afin de donner à l’auteur de la demande en nullité la possibilité de déposer des preuves de l’usage de la marque antérieure en référence à la première période pertinente correctement identifiée.

31      Dans sa réponse, l’EUIPO soutient que la chambre de recours a appliqué à bon droit les dispositions du règlement 2017/1001 dans la décision attaquée.

32      À l’appui de son argumentation, l’EUIPO invoque, en premier lieu, un document intitulé « EU TRADE MARK REFORM Comparative Document – Regulation (EC) 207/2009 (as amended) and Regulation EUTMR 2017/1001 », disponible sur son site Internet, dans lequel il serait indiqué, s’agissant de l’entrée en vigueur des modifications relatives au calcul de la première période pertinente pour la preuve de l’usage sérieux dans les procédures de nullité, que le remplacement de la « date de publication de la demande de marque contestée » par la « date de dépôt de la demande de marque contestée » est entré en vigueur le 23 mars 2016.

33      En second lieu, l’EUIPO invoque sa pratique, laquelle confirmerait que le règlement 2017/1001 est applicable au cas d’espèce. En effet, les directives de l’EUIPO prévoiraient expressément que, pour les demandes en nullité déposées à compter du 23 mars 2016, comme c’est le cas en l’espèce, l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 est applicable et la date de référence pour déterminer la première période pertinente au titre de laquelle le titulaire de la marque antérieure doit démontrer l’usage sérieux de sa marque est ainsi la date de dépôt de la demande de marque contestée, et non la date de publication de cette demande.

34      À l’appui de son argumentation, l’EUIPO fait encore valoir que l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625, relatif à la « [p]reuve de l’usage dans le cadre d’une demande en déchéance ou en nullité », s’applique en l’espèce dans la mesure où, selon l’article 82, paragraphe 2, sous i), du même règlement, l’article 19 s’applique lorsque la demande de preuve de l’usage a été déposée à partir du 1er octobre 2017, ce qui est le cas en l’espèce. Or, l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625 ferait expressément référence à l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, ce qui, selon l’EUIPO, laisserait transparaître la volonté du législateur de faire immédiatement entrer en vigueur ledit règlement dans les procédures d’invalidité, quelle que soit la date de dépôt ou d’enregistrement de la marque contestée.

35      À titre subsidiaire, l’EUIPO fait valoir que, même à supposer que le règlement 2017/1001 ne soit pas applicable ratione temporis aux faits du présent litige et que la chambre de recours ait ainsi commis une erreur en déterminant le règlement applicable, cette erreur n’aurait en tout état de cause aucune incidence sur l’issue de l’affaire, car quel que soit le règlement appliqué, cinq ans se sont en tout état de cause écoulés depuis la date d’enregistrement de la marque antérieure et les différentes dates de référence potentielles relatives à la marque contestée. Par conséquent, la preuve de l’usage pour la première période pertinente devait être apportée dans les deux hypothèses.

36      À cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, s’agissant des demandes de nullité de marques, la date de demande d’enregistrement de ces marques est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque dont la nullité est invoquée, à savoir le 27 septembre 2007, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94, comme le soutient à bon droit la requérante.

38      Il en découle que, en ce qui concerne les règles de fond, l’article 56, paragraphe 2, et l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 sont applicables aux faits de l’espèce.

39      En effet, ces dispositions doivent être considérées comme des règles de fond, dès lors qu’elles définissent la ou les périodes au titre desquelles le titulaire de la marque de l’Union européenne antérieure est tenu de rapporter la preuve de l’usage sérieux de celle-ci [arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 20].

40      L’argumentation présentée par l’EUIPO ne permet pas d’infimer cette conclusion.

41      En effet, s’agissant du premier document invoqué par l’EUIPO, mentionné au point 32 ci-dessus, il convient de relever qu’il s’agit d’un document rédigé par l’EUIPO, à vocation d’information uniquement, qui n’a aucun effet juridique, comme cela est rappelé à la première page dudit document.

42      En outre, et en tout état de cause, le document en cause ne fait qu’indiquer, en substance, que le remplacement de la « date de publication de la demande de marque contestée » par la « date de dépôt de la demande de marque contestée » au sein des dispositions en cause relatives aux périodes pour lesquelles la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure doit être apportée est issu du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement no 40/94, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), lequel est entré en vigueur le 23 mars 2016 s’agissant des dispositions concernées, conformément à son article 4. Or, ce constat est dénué de pertinence et ne saurait remettre en cause le fait que, pour identifier le droit matériel applicable, il convient de tenir compte de la date de demande d’enregistrement de la marque dont la nullité est invoquée.

43      Ensuite, s’agissant des directives de l’EUIPO, invoquées par cette partie à l’appui de son argumentation, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48, et du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471).

44      Enfin, en ce qui concerne l’argument de l’EUIPO tiré de l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625, il convient de relever que, pour soutenir une interprétation des dispositions du règlement 2017/1001 selon laquelle celles-ci seraient immédiatement entrées en vigueur dans les procédures d’invalidité quelle que soit la date de dépôt ou d’enregistrement de la marque contestée, l’EUIPO invoque la volonté du législateur de l’Union qu’il décèle dans le texte du règlement délégué 2018/625 dans la mesure où son article 19, paragraphe 2, renvoie expressément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

45      Or, cette circonstance n’est pas déterminante. En effet, il convient de relever que le considérant 3 du règlement délégué 2018/625 indique :

« Le règlement (CE) no 207/2009 a été codifié par le règlement (UE) 2017/1001. Par souci de clarté et de simplification, les renvois contenus dans un règlement délégué devraient refléter la renumérotation des articles résultant de la codification de l’acte de base concerné […] »

46      Ainsi, il résulte à suffisance de ce considérant que les renvois effectués dans le règlement délégué 2018/625, et notamment à son article 19, paragraphe 2, aux dispositions du règlement 2017/1001, par souci de clarté et de simplification, ne permettent aucunement de constater une volonté du législateur d’appliquer immédiatement le règlement 2017/1001 à toutes les procédures en nullité.

47      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la chambre de recours était tenue, en l’espèce, de déterminer les périodes au titre desquelles la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure devait être apportée au regard de l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94.

48      Or, en ce qui concerne la première période pertinente, ces dispositions prévoient que, « [s]ur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure […] apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire [contestée], la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée […] pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins ».

49      Une application conforme à l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 aurait dû amener la chambre de recours à calculer la première période pertinente, en prenant en compte la date de publication de la demande de marque de l’Union européenne contestée, à savoir le 18 février 2008. Ainsi, la première période pertinente aurait dû être comprise entre le 18 février 2003 et le 17 février 2008 inclus, et non entre le 27 septembre 2002 et le 26 septembre 2007 inclus comme l’a considéré la chambre de recours.

50      Conformément à la jurisprudence, si une erreur a été commise par la chambre de recours, comme c’est le cas en l’espèce, celle-ci ne peut entraîner l’annulation de la décision attaquée que dans l’hypothèse où cette erreur aurait une influence sur le résultat de l’affaire [voir arrêts du 25 avril 2018, Walfood/EUIPO – Romanov Holding (CHATKA), T‑312/16, non publié, EU:T:2018:221, point 40 et jurisprudence citée, et du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (Battistino), T‑220/18, non publié, EU:T:2019:383, point 45 et jurisprudence citée].

51      Or, en l’espèce, bien que la chambre de recours ait commis une erreur quant à la délimitation de la première période pertinente dans la décision attaquée, en la faisant démarrer un peu moins de cinq mois plus tôt que ce qui est requis par l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, l’erreur relative à la délimitation de la première période pertinente commise par la chambre de recours n’est pas susceptible, en elle-même, de remettre en cause la conclusion tirée dans la décision attaquée, selon laquelle la seule démonstration, par la requérante, de l’usage de la marque antérieure durant la seconde période pertinente est insuffisante.

52      En effet, l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure à l’égard d’une seule des deux périodes prévues à l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, suffit pour justifier le rejet de la demande en nullité [voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2018, Alcohol Countermeasure Systems (International)/EUIPO, C‑340/17 P, non publié, EU:C:2018:965, point 83, et du 6 juin 2019, Battistino, T‑220/18, non publié, EU:T:2019:383, point 34].

 Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée de la nécessité de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente

53      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient qu’elle n’était pas tenue d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la première période pertinente.

54      Selon la requérante, il existerait une période de tolérance de cinq ans à partir de la date d’enregistrement de la marque antérieure, durant laquelle le titulaire de cette marque ne saurait être tenu de prouver l’usage, ni même de faire usage de la marque. En conformité avec les règles de computation des délais prévues à l’article 67 du règlement délégué 2018/625 et à l’article 101 du règlement 2017/1001, cette période de tolérance de cinq ans aurait pris fin le 26 septembre 2007 et la preuve de l’usage de la marque antérieure ne devait donc être apportée qu’à partir du 27 septembre 2007. Or, cette date correspond, en l’espèce, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

55      La requérante en conclut qu’une période de cinq ans ne s’est pas écoulée entre la date de l’enregistrement de la marque antérieure, compte tenu de la période de tolérance, et celle de la demande d’enregistrement de la marque contestée, et que la requérante ne devait donc pas prouver l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente.

56      L’EUIPO conclut au rejet du premier moyen.

57      À cet égard, il convient de relever que, du neuvième considérant du règlement no 40/94, applicable aux faits du litige (voir points 37 et 47 ci-dessus), il résulte que le législateur de l’Union a estimé que la protection de la marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée [voir arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 24 et jurisprudence citée].

58      En conformité avec ce considérant, l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 40/94 prévoit que, « [s]ur requête du titulaire de la marque communautaire, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque communautaire antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. En outre, si la marque communautaire antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de publication de la demande de marque communautaire, le titulaire de la marque communautaire antérieure apporte également la preuve que les conditions énoncées à l’article 43 paragraphe 2 étaient remplies à cette date. À défaut d’une telle preuve, la demande en nullité est rejetée ».

59      L’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, auquel renvoie l’article 56, paragraphe 2, du même règlement, indique que, « [s]ur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire [contestée], la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée ».

60      Dans le cas où une telle requête est présentée, l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625 dispose que l’EUIPO invite le titulaire de la marque antérieure à fournir la preuve de l’usage de la marque ou de l’existence de justes motifs pour son non-usage dans le délai qu’il fixe. Si la preuve de l’usage de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’EUIPO, celui-ci rejette la demande en nullité dans la mesure où elle se fonde sur cette marque antérieure [voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2019, Prim/EUIPO – Primed Halberstadt Medizintechnik (PRIMED), T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 30].

61      L’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 prévoit donc deux périodes pour lesquelles le titulaire de la marque antérieure est tenu de prouver l’usage sérieux de cette marque, sur requête du titulaire de la marque de l’Union européenne contestée.

62      D’une part, il s’agit de la période de cinq années qui précède la date de la demande en nullité, lorsque, à cette date, la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins.

63      Cette période, identifiée au point 13 ci-dessus comme étant la seconde période pertinente ne fait l’objet d’aucune contestation dans le cadre du présent recours.

64      D’autre part, l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 prévoit une période supplémentaire pour laquelle le titulaire de la marque antérieure peut être tenu de prouver l’usage sérieux de cette marque.

65      Cette période, identifiée au point 13 ci-dessus comme étant la première période pertinente, correspond à la période de cinq années qui précède la publication de la demande de marque contestée, à savoir, en l’espèce, la période comprise entre le 18 février 2003 et le 17 février 2008 inclus, erronément identifiée par la chambre de recours et, avant elle, par la division d’annulation comme étant comprise entre le 27 septembre 2002 et le 26 septembre 2007 inclus (voir points 47 à 49 ci‑dessus).

66      C’est la prise en compte par la chambre de recours de cette première période pertinente qui est contestée dans le cadre du premier moyen.

67      Cependant, il ressort clairement du libellé de l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94 que la preuve de l’usage au cours de la première période pertinente doit être apportée si la marque antérieure a été enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de la publication de la demande de marque contestée, ce qui est le cas en l’espèce, dès lors que la marque antérieure a été enregistrée le 26 septembre 2002 et la demande de marque contestée a été publiée le 18 février 2008.

68      S’agissant de ce que la requérante désigne comme une période de tolérance de cinq ans à partir de la date d’enregistrement de la marque antérieure, durant laquelle le titulaire de cette marque ne saurait être tenu de prouver l’usage, ni même de faire usage de la marque, il convient de relever que, en vertu de l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, le titulaire de la marque antérieure ne doit certes pas apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque si celle-ci était enregistrée depuis moins de cinq ans à la date de publication de la demande de marque contestée.

69      Cependant, ce n’est pas le cas qui s’est présenté en l’espèce, la marque antérieure ayant été enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de publication de la demande de marque contestée (voir point 67 ci-dessus). Contrairement à ce que semble invoquer la requérante, les dispositions en cause ne prévoient pas que le titulaire d’une marque ne soit pas tenu de prouver l’usage de celle-ci dans les cinq années qui suivent la date d’enregistrement de la marque antérieure. Tel est le cas uniquement si ladite marque a été enregistrée au cours des cinq années qui précèdent la date de publication de la demande de marque contestée.

70      Ainsi, dès lors que la condition selon laquelle la marque antérieure a été enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de la publication de la demande de marque contestée est remplie, la requérante, en tant que titulaire de la marque antérieure, doit apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque contestée, cette marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage.

71      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une appréciation erronée de la recevabilité des preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours

72      Dans le cadre du second moyen, qui est soulevé à titre subsidiaire par rapport au premier moyen, la requérante soutient que les preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente, qu’elle a produites pour la première fois devant la chambre de recours, auraient dû être acceptées par cette dernière.

73      Dans ce cadre, premièrement, la requérante affirme que ces preuves auraient dû être admises en tant qu’éléments produits pour contester l’appréciation de la division d’annulation concernant l’existence d’une première période pertinente pour laquelle la requérante aurait été tenue de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure. Deuxièmement, ces preuves auraient dû être acceptées par la chambre de recours, dès lors que la requérante avait des raisons valables de les déposer, eu égard à la décision de la division d’annulation et, notamment, à la difficulté de collecter de telles preuves remontant à près de dix-sept ans.

74      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

75      Il fait valoir que la chambre de recours n’est pas obligée d’accepter les preuves apportées tardivement. Si elle y était obligée, la raison d’être du large pouvoir d’appréciation qui lui est conféré s’en trouverait dénaturée.

76      L’EUIPO soutient que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la chambre de recours doit notamment s’en tenir aux critères visés à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 dont le point b) prévoit que celle-ci peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables.

77      Or, selon l’EUIPO, la première justification invoquée par la requérante, liée à la présentation tardive des éléments de preuve en raison de la méthode de calcul différente qu’elle aurait appliquée s’agissant de la première période pertinente, laquelle l’avait conduite à la conclusion que, dans le cas d’espèce, il n’y avait pas lieu de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure pour la première période pertinente, ne saurait constituer une raison valable. Il en irait de même de la seconde justification avancée par la requérante tenant à la difficulté de rassembler les preuves de l’usage pour une période remontant à près de dix-sept ans.

78      À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO « peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile ».

79      Il découle du libellé de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du même règlement, et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 42 ; du 19 avril 2018, EUIPO/Group, C‑478/16 P, non publié, EU:C:2018:268, point 34, et du 2 juin 2021, Franz Schröder/EUIPO – RDS Design (MONTANA), T‑854/19, EU:T:2021:309, point 24].

80      En revanche, il ressort également du libellé de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 qu’une telle invocation ou production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération par l’EUIPO. En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit, en effet, celui-ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43 ; du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 23, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 78).

81      En l’espèce, la requérante a produit, pour la première fois durant la procédure de recours, les annexes 1 A à 1 F, 2 A à 2 B, 3 A à 3 F, 4 A à 4 Z ainsi que 87 autres annexes non numérotées, afin de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente.

82      Dès lors, l’éventuelle prise en considération de ces preuves relevait du pouvoir d’appréciation de la chambre de recours prévu à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

83      L’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 encadre le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours prévu à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les faits invoqués et les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours. C’est ainsi que cette disposition prévoit que, « [c]onformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes : a) ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et b) ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examiné[e]s d’office par la première instance dans la décision [faisant l’]objet du recours ».

84      Il convient d’examiner le respect, par la chambre de recours, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, des conditions cumulatives établies par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

85      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la condition prévue à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625 n’était pas remplie. Dès lors que les conditions prévues à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 sont cumulatives et que l’une d’entre elles n’était, selon la chambre de recours, pas satisfaite, cette dernière n’a pas examiné la première condition prévue à l’article 27, paragraphe 4, sous a), dudit règlement.

86      En ce qui concerne l’appréciation de la condition prévue à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625, liée à l’existence de raisons valables pour justifier la présentation tardive de preuves, la chambre de recours a indiqué, aux points 31 et 32 de la décision attaquée, que cette exigence était remplie lorsque les faits et les preuves étaient présentés à un stade ultérieur pour réfuter les appréciations faites en première instance par l’organe dont la décision faisait l’objet de recours, et qu’elle devait aussi examiner si les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle étaient complémentaires et visaient à renforcer ou à clarifier le contenu des éléments de preuve initiaux.

87      La chambre de recours a, toutefois, considéré, aux points 38 à 41 de la décision attaquée, que, en l’espèce, les preuves produites par la requérante pour la première fois devant elle ne pouvaient être considérées comme « complétant » les preuves produites devant la division d’annulation, dès lors qu’elles se rapportaient à l’ensemble d’une période, à savoir la première période pertinente, à l’égard de laquelle aucune preuve n’avait été présentée en première instance dans le délai imparti à cet effet.

88      La chambre de recours a considéré que les deux périodes pertinentes devaient être traitées comme deux éléments distincts aux fins de l’appréciation de l’acceptation de preuves produites pour la première fois devant elle.

89      Ainsi, selon la chambre de recours, pour que les preuves présentées pour la première fois devant elle soient acceptées, la requérante aurait dû avoir déjà présenté, devant la division d’annulation, dans le délai qui lui était imparti, des indications et des éléments de preuve concernant le lieu, la période, l’étendue et la nature de l’usage de la marque antérieure quant aux deux périodes pertinentes.

90      Il convient de déterminer si, ce faisant, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation quant à la satisfaction de la condition prévue à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625.

91      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu du règlement 2017/1001, lorsque aucune preuve de l’usage sérieux de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’EUIPO, l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure doit, en principe, être constatée d’office par ce dernier, alors qu’une telle conclusion ne s’impose pas, en revanche, lorsque des éléments de preuve de cet usage ont été produits dans ledit délai [voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 82 et jurisprudence citée].

92      Par ailleurs, il a été jugé que la présentation par le titulaire d’une marque contestée de preuves supplémentaires au-delà du délai imparti par l’unité de l’EUIPO intervenant en première instance était possible dès lors que ces preuves n’étaient pas les premières et uniques preuves de l’usage, mais qu’il s’agissait de preuves complémentaires à des éléments de preuves pertinents, déposés dans le délai imparti [voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, points 67 à 69].

93      Ainsi, la jurisprudence exige seulement que les preuves présentées au-delà du délai imparti par la division d’annulation ne soient pas les premières et uniques preuves concernant l’usage sérieux de la marque antérieure, ces preuves pouvant être qualifiées de preuves « complémentaires » ou « supplémentaires » venant s’ajouter à des éléments de preuve pertinents, déposés dans le délai imparti [voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 20, et du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 59].

94      Dans l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), le Tribunal a rejeté l’argumentation présentée par l’EUIPO dans cette affaire, selon laquelle les preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure relatives à l’une des périodes pertinentes déposées pour la première fois au stade du recours constituent des preuves nouvelles que la chambre de recours ne pourrait pas prendre en considération, dès lors qu’aucun élément de preuve se rapportant à cette période n’a été produit dans les délais impartis.

95      Le Tribunal a rappelé que, selon la jurisprudence, lorsque aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’était produite dans le délai imparti par l’EUIPO, la demande en nullité devait être rejetée d’office par ce dernier, mais le Tribunal a précisé qu’une telle conclusion ne s’imposait pas, en revanche, lorsque certains éléments destinés à démontrer cet usage avaient été produits dans ledit délai (arrêt du 20 mars 2019, PRIMED, T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 50).

96      Le Tribunal a relevé que cette jurisprudence n’opérait pas de distinction selon les périodes pertinentes auxquelles se rapportaient les éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Ainsi, dès lors que des preuves qui ne sont pas dépourvues de pertinence ont été produites dans les délais, la procédure peut suivre son cours et la chambre de recours dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la prise en considération ou non des éléments de preuve transmis tardivement (arrêt du 20 mars 2019, PRIMED, T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 55).

97      Le Tribunal a ajouté que la production de preuves afférentes à l’une ou à l’autre des périodes pertinentes s’inscrivait dans le cadre d’un même exercice, consistant à prouver que la marque antérieure qui fondait la demande en nullité avait été effectivement utilisée pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée et que, partant, elle devait être protégée. Dans le cadre de cet exercice, l’absence de production de telles preuves est sanctionnée par une conclusion unique, prévue à l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 40/94, à savoir le rejet de la demande en nullité. Ainsi, lorsque l’usage sérieux doit être établi au regard de deux périodes pertinentes, il convient de considérer que les preuves se rapportant à l’une des périodes pertinentes, même si elles sont produites tardivement, viennent s’ajouter aux preuves initiales, transmises dans les délais, se rapportant à l’autre période pertinente (arrêt du 20 mars 2019, PRIMED, T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 56).

98      Dans sa réponse à la question du Tribunal posée par le biais de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 24 ci-dessus au sujet de l’application, au cas d’espèce, des considérations issues de l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), et de l’influence d’une éventuelle erreur commise par la chambre de recours à cet égard sur le résultat de la présente affaire, l’EUIPO soutient que les différences entre les circonstances de l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), et celles de la présente affaire rendent inapplicables en l’espèce les considérations du Tribunal émises dans cet arrêt.

99      Premièrement, l’EUIPO fait valoir que la présente affaire ne soulève pas la question d’une atteinte aux droits de la défense de la requérante, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), dans lequel le Tribunal a constaté une violation, par la chambre de recours, de l’article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009, en ce que cette dernière avait déterminé les périodes pertinentes au titre desquelles le titulaire de la marque antérieure était tenu de démontrer l’usage sérieux de sa marque en corrigeant de sa propre initiative une erreur commise par la division d’annulation dans la détermination de l’une d’entre elles et qu’elle avait, ensuite, considéré que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve au titre de cette période correctement délimitée, sans laisser à aucun moment aux parties la possibilité de débattre de ces questions.

100    Deuxièmement, l’EUIPO fait valoir que, dans l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), la question de la recevabilité des preuves présentées tardivement n’est traitée qu’à titre incident, lorsque le Tribunal examine, à titre hypothétique, si la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent dans le cas où la chambre de recours n’aurait pas méconnu le droit d’être entendu. L’EUIPO relève que c’est dans ce seul cadre que le Tribunal examine si, dans l’hypothèse où la chambre de recours aurait informé la demanderesse en nullité, d’une part, de son intention de fonder sa décision sur une première période pertinente s’inscrivant à des dates différentes et, de l’autre, du fait qu’aucune preuve de l’usage versée au dossier ne se rapportait à ces dates différentes, la demanderesse en nullité aurait pu réagir et déposer, le cas échéant, d’autres éléments de preuve afférents à la première période pertinente ainsi recalculée.

101    À cet égard, il convient de constater que, en l’espèce, une violation des droits de la défense de la requérante qui aurait été commise par la chambre de recours n’est pas en cause.

102    En effet, contrairement aux faits concernés par l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), la chambre de recours n’a pas décelé, ni corrigé l’erreur commise par la division d’annulation dans la détermination de la première période pertinente et, partant, il ne peut lui être reproché d’avoir considéré que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve de la première période sans que les parties aient eu la possibilité de débattre de ces questions.

103    Aussi, le grief soulevé par la requérante pour la première fois dans sa réponse à la question du Tribunal, tiré d’une violation de ses droits de la défense en appliquant mutatis mutandis l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), au présent litige, à le supposer recevable, devrait en tout état de cause être rejeté.

104    Cela étant, il n’en reste pas moins que l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), est pertinent pour le cas d’espèce, dans la mesure où le Tribunal y a tranché la question, qui se pose en l’espèce, de savoir si des preuves relatives à l’une des deux périodes pour lesquelles l’usage sérieux de la marque antérieure doit être démontré conformément à l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 40/94 et pour laquelle aucune preuve n’avait été présentée en première instance, peuvent être admises pour la première fois au stade du recours devant l’EUIPO. À cette question, le Tribunal a répondu, comme l’admet l’EUIPO, qu’il serait incorrect de rejeter ces preuves pour la simple raison qu’elles sont « nouvelles » et non complémentaires, et ce dans la mesure où ces preuves prétendument tardives n’étaient pas les premières et uniques preuves versées au dossier concernant l’usage de la marque antérieure, dès lors que la demanderesse en nullité avait déjà produit des preuves de l’usage en première instance concernant l’autre période. Ainsi, il n’y a pas lieu de distinguer les deux périodes pertinentes, dans la mesure où la production de preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure pour ces deux périodes correspond à un seul exercice.

105    Il convient de relever que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, l’application de cette jurisprudence aux faits de l’espèce ne méconnaît pas le large pouvoir d’appréciation dont il dispose en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 afin de déterminer s’il convient de tenir compte de faits et de preuves tardivement invoqués ou produits (voir point 80 ci-dessus).

106    Comme cela est indiqué au point 83 ci-dessus, le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’EUIPO pour ce qui concerne les faits invoqués ou les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours est encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, qui indique les conditions dans lesquelles il peut être exercé.

107    L’EUIPO avance un dernier argument selon lequel ce n’est pas parce qu’elles ont été considérées comme « nouvelles » que les preuves déposées par la requérante pour la première fois au stade du recours ont été déclarées irrecevables par la chambre de recours, mais pour d’autres motifs, à savoir l’absence de « raisons valables » justifiant leur dépôt tardif. Les considérations de l’arrêt du 20 mars 2019, PRIMED (T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174), ne sauraient dès lors être appliquées en l’espèce.

108    À cet égard, il convient de relever que cette argumentation se fonde sur une lecture manifestement erronée de la décision attaquée.

109    En effet, aux points 38 à 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les preuves produites pour la première fois par la demanderesse dans le cadre du recours ne pouvaient pas être considérées comme « complétant » les preuves produites devant la division d’annulation et, dans ce cadre, la chambre de recours a conclu que la condition énoncée à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625 n’était pas remplie (voir points 87 à 89 ci-dessus).

110    C’est ainsi, parce que les preuves produites par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours ne pouvaient être considérées comme des preuves complétant des preuves déjà produites au sens de l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625, ce qui aurait constitué une raison valable pour que la chambre de recours puisse les accepter en vertu de cette disposition, que ces preuves ont été déclarées irrecevables.

111    Le fait que la chambre de recours ait examiné, aux points suivants de la décision attaquée, s’il existait d’autres raisons valables qui auraient pu la conduire à considérer que la condition énoncée à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625 était remplie est indifférent. En effet, ces considérations suivantes figurant dans la décision attaquée n’empêchent pas que la chambre de recours a commis une erreur en décidant que les preuves produites par la requérante pour la première fois devant elle ne pouvaient être considérées comme des preuves complémentaires au sens de la jurisprudence interprétant l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625.

112    Il découle des considérations qui précèdent que la chambre de recours ne pouvait pas considérer les éléments de preuve de l’usage sérieux afférents à la première période pertinente, produits par la requérante pour la première fois devant elle, comme des preuves nouvelles qu’elle ne pouvait pas prendre en considération en vertu de l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625.

113    S’agissant de la question de savoir si l’erreur commise par la chambre de recours a pu avoir une influence sur le résultat de la présente affaire, il convient de relever qu’il ne peut être exclu que, en l’absence de l’erreur constatée, la chambre de recours aurait exercé son pouvoir d’appréciation en admettant les preuves produites et que, partant, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent (arrêt du 20 mars 2019, PRIMED, T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 60).

114    Au vu de ce qui précède, il convient d’accueillir le second moyen et, partant, le second chef de conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les conclusions en réformation de la décision attaquée

115    Dans le premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de réformer la décision attaquée ainsi que de constater et de déclarer la nullité de la marque contestée.

116    À cet égard, il convient de rappeler que le pouvoir de réformation n’a pas pour effet de conférer au Tribunal le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, être en principe limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [voir arrêt du 25 mars 2015, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/OHMI – Carolus C. (English pink), T‑378/13, EU:T:2015:186, point 56 et jurisprudence citée].

117    En l’espèce, force est de constater que les conditions nécessaires pour que le Tribunal puisse exercer son pouvoir de réformation ne sont pas réunies. En effet, et comme l’a relevé l’EUIPO, la chambre de recours n’a pas procédé à l’examen de la cause de nullité relative invoquée, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, mais elle a rejeté la demande en nullité au motif de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure durant la première période pertinente. Partant, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer la décision que la chambre de recours était tenue de prendre et ne peut donc exercer son pouvoir de réformation.

118    En outre, il convient de relever que l’appréciation de la cause de nullité relative alléguée ne pourra intervenir que si la requérante a prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure durant les deux périodes pertinentes visées à l’article 56, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94, ce qu’il appartiendra à la chambre de recours d’apprécier, en exerçant son pouvoir d’appréciation conféré par l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, afin de déterminer si les preuves produites par la requérante pour la première fois devant elle relativement à la première période pertinente peuvent être admises, en tenant compte du fait que ces preuves doivent être qualifiées de preuves complétant celles déjà déposées par la requérante devant la division d’annulation concernant l’usage sérieux de la marque antérieure relativement à la seconde période pertinente (voir point 112 ci-dessus).

119    Il s’ensuit que le chef de conclusions tendant à la réformation de la décision attaquée doit être rejeté.

 Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

121    L’EUIPO ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés au cours de la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de la requérante, Specchiasol n’étant, quant à elle, pas partie à la présente procédure.

122    Par ailleurs, la requérante a conclu à ce que l’EUIPO et Specchiasol soient condamnés aux dépens exposés par elle durant la procédure devant la chambre de recours.

123    En vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

124    À cet égard, il appartiendra à la chambre de recours de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 juin 2021 (affaire R 2094/20191) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Zeta Farmaceutici SpA.

De Baere

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.