Language of document : ECLI:EU:T:2008:326

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 septembre 2008 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres communautaire – Prestation de services de développement, de maintenance et d’assistance des systèmes d’information financière de la direction générale ‘Agriculture’ – Critères de sélection et d’attribution – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Obligation de motivation – Absence d’erreur manifeste d’appréciation – Principes de diligence et de bonne administration »

Dans l’affaire T‑59/05,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par MN. Korogiannakis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme K. Banks et M. E. Manhaeve, puis par MM. Manhaeve et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 23 novembre 2004 de ne pas retenir l’offre soumise par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres relatif à la prestation de services de développement et de maintenance des systèmes d’information, ainsi que de services d’assistance connexes, destinés aux systèmes d’information financière de la direction générale « Agriculture », et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience publique du 16 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La passation des marchés de services de la Commission est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci‑après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci‑après les « modalités d’exécution »). Ces dispositions s’inspirent des directives communautaires en la matière, notamment, pour les marchés de services, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée.

2        L’article 89, paragraphe 1, du règlement financier dispose :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non‑discrimination. »

3        L’article 97 du règlement financier, dans sa version applicable au moment des faits de l’espèce, énonce :

« 1. Les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires et les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres sont préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence.

2. Le marché peut être attribué par adjudication ou par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. »

4        L’article 100 du règlement financier prévoit :

« 1. L’ordonnateur compétent désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à concurrence et des règles de passation des marchés.

2. Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles‑ci. »

5        L’article 130, paragraphe 3, des modalités d’exécution, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, dispose :

« Le cahier des charges précise au moins :

a)      les critères d’exclusion et de sélection applicables au marché […] ;

b)      les critères d’attribution du marché et leur pondération relative si elle ne  figure pas dans l’avis de marché ;

[…] »

6        L’article 135, paragraphe 1, des modalités d’exécution prévoit :

« Les pouvoirs adjudicateurs établissent des critères de sélection clairs et non discriminatoires. »

7        L’article 138 des modalités d’exécution, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, établit :

« 1. Deux modalités d’attribution d’un marché sont possibles :

a)       par adjudication, auquel cas le marché est attribué à l’offre présentant le prix  le plus bas parmi les offres régulières et conformes ;

b)       par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse.

2. L’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, compte tenu de critères justifiés par l’objet du marché tels que le prix proposé, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le délai d’exécution ou de livraison, le service après‑vente et l’assistance technique.

3. Le pouvoir adjudicateur précise la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges.

[…] »

8        L’article 148 des modalités d’exécution prévoit :

« 1. Les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires sont autorisés à titre exceptionnel pendant le déroulement d’une procédure de passation de marché dans les conditions prévues aux paragraphes 2 et 3.

2. Avant la date de clôture du dépôt des offres, pour les documents et renseignements complémentaires visés à l’article 141, le pouvoir adjudicateur peut :

a)      à l’initiative des soumissionnaires fournir des renseignements  supplémentaires ayant strictement pour but d’expliciter la nature du marché  qui sont communiqués à la même date à tous les soumissionnaires qui ont  demandé le cahier des charges ;

[…] »

9        L’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution dispose :

« Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours [de] calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. »

 Antécédents du litige

10      La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

11      Par un avis de marché du 24 mars 2004, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2004, S 59) sous la référence 2004/S 59‑050031, la Commission a lancé un appel d’offres portant sur les services de développement, de maintenance et d’assistance des systèmes d’information financière de la direction générale (DG) « Agriculture ». La procédure ainsi engagée devait aboutir à la conclusion d’un contrat-cadre d’une durée de trente-six mois, reconductible pour une période de douze mois.

12      Le point 7.4 du cahier des charges de l’appel d’offres en cause, relatif aux cas de sous‑traitance, est libellé en ces termes :

« Le contractant […] demeure néanmoins lié par ses obligations envers la Commission au titre du contrat […]

Lorsque l’offre du soumissionnaire comporte de la sous‑traitance, les informations requises ci‑dessous aux points 8.2.1 ‘Informations administratives’, 8.2.2 ‘Informations pour l’évaluation des critères d’exclusion’ et 8.2.3 ‘Informations pour l’évaluation des critères de sélection’ doivent être fournies pour l’ensemble des sous‑traitants proposés. »

13      Le point 8 du cahier des charges définit les éléments que l’offre des soumissionnaires doit contenir :

« 8.1. Présentation de l’offre

[…]

8.2. Dossier technique

8.2.1. Informations administratives

[…]

L’obligation de fournir ces informations s’applique à tous les membres d’un consortium, ainsi qu’à tout sous‑traitant éventuel mentionné dans l’offre ou qui pourrait être proposé au cours de la période couverte par le contrat en cause.

8.2.2. Informations pour l’évaluation des critères d’exclusion

[…]

L’obligation de fournir ces informations s’applique à tous les membres d’un consortium, ainsi qu’à tout sous‑traitant éventuel mentionné dans l’offre ou qui pourrait être proposé au cours de la période couverte par le contrat en cause.

8.2.3. Informations pour l’évaluation des critères de sélection

[…]

L’obligation de fournir ces informations s’applique à tous les membres d’un consortium, ainsi qu’à tout sous‑traitant éventuel mentionné dans l’offre ou qui pourrait être proposé au cours de la période couverte par le contrat en cause.

8.2.3.1. Situation économique et financière

[…]

8.2.3.2. Capacités techniques

[…]

8.2.4. Informations pour l’évaluation des critères d’attribution

[…]

8.3. Proposition financière – Bordereau de prix

[…] »

14      Le point 9 du cahier des charges, relatif à l’examen des offres et à l’attribution du contrat, est rédigé dans les termes suivants :

« 9.      Évaluation des offres et attribution du contrat

9.1.      Exclusion des parties soumissionnaires

Les parties soumissionnaires sont exclues de la participation lorsqu’elles :

[…]

Les parties soumissionnaires sont exclues de l’attribution du contrat lorsqu’elles :

[…]

En cas d’offre commune (consortium) ou de recours à des sous‑traitants, ces critères d’exclusion seront appliqués à chacune des organisations individuelles proposées par le soumissionnaire.

La décision d’exclusion sera prise sur la base des informations fournies par le soumissionnaire. Tous les soumissionnaires (qu’il s’agisse d’une seule entreprise, de toutes les parties ayant soumis une offre commune en tant que membres d’un consortium ou sous-traitants) doivent fournir les informations requises conformément aux conditions mentionnées au point 8.2.2. ci‑dessus, sur la base desquelles la décision d’exclusion sera prise.

9.2. Sélection des parties soumissionnaires – Critères de sélection

La capacité des parties soumissionnaires sera examinée à la lumière des critères mentionnés ci‑dessous.

9.2.1. Situation économique et financière

[Critère de sélection] Les parties soumissionnaires doivent démontrer leur bonne santé financière pendant les trois dernières années.

La décision de sélection sera prise sur la base des informations fournies par le soumissionnaire conformément aux conditions mentionnées au point 8.2.3.1 ci‑dessus et, si nécessaire, sur la base de toute autre information que la Commission considérera pertinente.

9.2.2. Capacité professionnelle et technique

[Critère de sélection 1] Les parties soumissionnaires doivent avoir, au moins, trois années d’expérience pertinente pour les activités concernées ou la prestation des services et des produits visés par l’appel d’offres.

[Critère de sélection 2] Les parties soumissionnaires doivent démontrer qu’elles disposent des compétences et des ressources humaines ainsi que de la capacité organisationnelle et technique requise pour la prestation des services et des produits visés.

[Critère de sélection 3] Les parties soumissionnaires doivent démontrer qu’elles disposent d’un niveau d’infrastructure adéquat requis pour mener à bien la prestation des services demandés.

[Critère de sélection 4] Lorsque les parties soumissionnaires ont recours aux capacités d’autres entités pour la prestation de services requis, elles doivent démontrer qu’elles ont les ressources nécessaires à leur disposition pour l’exécution du contrat. À cet effet, les entités dont les capacités seront utilisées pour l’exécution du contrat doivent s’engager par écrit à mettre à la disposition des parties soumissionnaires les ressources nécessaires.

La décision de sélection sera prise sur la base des informations fournies par le soumissionnaire conformément aux conditions mentionnées au point 8.2.3.2 ci‑dessus et, si nécessaire, sur la base de toute autre information que la Commission considérera pertinente.

9.3. Évaluation des offres – Critères d’attribution

La Commission attribuera le contrat après avoir comparé les offres à la lumière des critères suivants :

9.3.1. Critères d’attribution

–        Qualité de la proposition du soumissionnaire en termes d’exhaustivité, de clarté et de concision, de pertinence de l’information et de la documentation fournies, d’absence d’ambiguïté (20 %) ;

–        La méthodologie proposée et l’organisation des prestations en vue de répondre aux besoins de la Commission/DG [« Agriculture »] ;  en particulier, les mesures envisagées pour garantir la disponibilité en temps voulu de ressources suffisantes possédant les compétences proposées, ainsi qu’une gestion effective et efficace du projet et une communication avec la DG « Agriculture » (40 %) ;

–        Le contrôle de la qualité des prestations fournies et les garanties données sur le respect de la proposition (40 %).

Le résultat de l’évaluation de chaque critère de qualité individuellement considéré doit, à tout le moins, atteindre 50 % de la pondération maximale attribuée à chaque critère. Les offres n’atteignant pas cette pondération minimale seront rejetées.

Le résultat de l’évaluation globale (addition de la pondération reçue pour chaque critère) doit être, à tout le moins, de 65 points sur un total de 100. Les offres n’atteignant pas cette pondération totale minimale seront rejetées, même dans le cas où elles ont atteint la pondération minimale pour chaque critère de qualité.

[…]

9.3.2. Critère du prix

[…]

9.4. Attribution du contrat

Le contrat sera attribué au soumissionnaire dont l’offre présente le meilleur rapport qualité-prix (l’offre économiquement la plus avantageuse) […] »

15      Par ailleurs, il ressort du point 9.1.2 du projet de contrat-cadre que, en cas de sous‑traitance, le contractant demeure néanmoins lié par ses obligations vis‑à‑vis de la Commission au titre du contrat et assume à titre exclusif la responsabilité de la bonne exécution dudit contrat.

16      Le 25 mars 2004, la requérante a manifesté son intérêt à participer à l’appel d’offres en cause et a demandé que lui soient envoyés les documents d’appel à la concurrence. Lesdits documents lui ont été envoyés le 30 mars 2004.

17      Par lettre recommandée du 14 avril 2004, la requérante a présenté auprès de la Commission une première demande d’éclaircissements de certaines spécifications figurant au cahier des charges.

18      Le 16 avril 2004, la requérante a adressé à la Commission une deuxième et une troisième demande d’éclaircissements supplémentaires visant les critères de sélection et d’attribution définis dans le cahier des charges.

19      Par lettre du 20 avril 2004, la Commission a répondu auxdites demandes.

20      Le même jour, à la lumière des réponses de la Commission, la requérante a demandé des éclaircissements supplémentaires.

21      La Commission a répondu à cette demande par lettre du 21 avril 2004.

22      Ce même jour, la requérante lui a adressé une nouvelle demande d’éclaircissements.

23      La Commission a répondu à cette dernière demande de la requérante par courrier électronique du 22 avril 2004 en précisant qu’elle n’était pas à même de fournir une réponse aux questions qui lui avaient été posées dans la mesure où celles‑ci étaient parvenues au‑delà de la date fixée à cet effet au point 7.6 du cahier des charges, à savoir six jours avant la date de clôture de la soumission des offres.

24      Le 26 avril 2004, date limite fixée pour la réception des offres, la requérante, en consortium avec Software AG Belgium SA (ci‑après « Software »), a soumissionné à l’appel d’offres en cause.

25      Les douze offres reçues par la DG « Agriculture » ont été évaluées par un comité d’évaluation constitué à cet effet et composé de six fonctionnaires de quatre DG de la Commission. Le marché a été attribué selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse. Le comité d’évaluation, après avoir vérifié que les offres présentées remplissaient les critères d’exclusion et de sélection, a déclaré ces douze offres valables pour la phase d’attribution. Sur ces douze offres, seules deux, n’ayant pas obtenu la note totale minimale exigée par le cahier des charges de 65 points, ont été éliminées. Les résultats de l’évaluation concernant l’offre de la requérante et celle du soumissionnaire retenu, montrant les points attribués pour chaque critère de qualité, ainsi que les prix pondérés de chacune desdites offres, se lisent comme suit :

Soumissionnaires

Prix pondéré (€)

Points sur un total de 100

Points/prix (arrondi aux 4 décimales)

Classement

European Dynamics

381,40

74,33

0,1949

4

IBM

393,03

90,70

0,2308

1


26      Par lettre du 23 novembre, envoyée le 30 novembre 2004, la Commission a informé la requérante du résultat de l’évaluation de son offre et du fait que celle‑ci n’avait pas été retenue dans la mesure où elle « n’atteignait pas le rapport qualité‑prix le plus élevé sur la base duquel le marché a[vait] été attribué ».

27      Par télécopie et lettre recommandée du 2 décembre 2004, la requérante a demandé à la Commission de lui communiquer, dans les quinze jours de calendrier à compter de la réception de sa demande, les éléments suivants :

–        l’identité du soumissionnaire dont l’offre avait été retenue, ainsi que celle de son ou de ses éventuels associés ou sous-traitants et, le cas échéant, le pourcentage de marché à lui ou à leur attribuer ;

–        la note attribuée à chaque critère d’attribution en ce qui concerne tant son offre technique que celle du soumissionnaire retenu ;

–        le contenu du rapport du comité d’évaluation ;

–        des informations relatives aux aspects sur lesquels son offre et celle du soumissionnaire retenu sont comparables et, en particulier, les notes attribuées à son offre financière ainsi qu’à celle du soumissionnaire retenu.

28      La Commission a répondu par lettre du 10 décembre, envoyée le 13 décembre 2004. Elle a ainsi informé la requérante que le soumissionnaire retenu était IBM Belgium SA (ci‑après « IBM »), dont le sous‑traitant était ARHS Developments SA. La Commission a reproduit un passage du rapport du comité d’évaluation concernant l’offre de la requérante, ainsi que celle du soumissionnaire, tout en précisant que, pour des raisons de protection des intérêts commerciaux légitimes des autres soumissionnaires, il ne lui était pas possible de transmettre une copie complète dudit rapport contenant les informations relatives aux offres restantes soumises et non retenues. Le passage du rapport du comité d’évaluation repris indiquait les points obtenus par la requérante et le soumissionnaire retenu pour chacun des critères de qualité à la lumière desquels les offres avaient été évaluées. Y figuraient en outre les commentaires généraux du comité d’évaluation résultant de la comparaison de l’offre de la requérante avec celle du soumissionnaire retenu, rédigés dans les termes suivants :

« [L’offre de la requérante est une] bonne offre, mais plutôt générale, constituant davantage une collection de bonnes pratiques qu’une proposition adaptée aux aspects spécifiques de la DG [‘Agriculture’] sur lesquels portaient les spécifications du cahier des charges (en particulier, les garanties offertes pour traiter les aspects économiques des systèmes financiers). »

29      S’agissant de l’offre retenue, le comité d’évaluation a considéré qu’elle était une « très bonne offre, concise et claire » et qu’elle couvrait bien « tant les aspects techniques que financiers ». Il a ajouté :

« L’offre garantit que le soumissionnaire sera en mesure de relever de manière satisfaisante les défis propres au domaine des [systèmes informatiques] financiers de la DG [‘Agriculture’]. »

30      Le 29 décembre 2004, la requérante a, par télécopie et lettre recommandée, sollicité la Commission pour obtenir des informations plus précises quant au rejet de son offre et à l’attribution du marché à un autre soumissionnaire. Elle y formulait en outre certains commentaires et objections au sujet du processus d’évaluation de son offre, ainsi que de celle du soumissionnaire retenu, à la lumière des critères de qualité, et compte tenu des informations données par la Commission dans sa lettre du 10 décembre 2004.

31      Par télécopie et lettre recommandée du 30 décembre 2004, la requérante a communiqué à la Commission certaines données relatives à la situation financière de ARHS Developments ressortant d’une étude de marché effectuée entre-temps par elle. Elle demandait à la Commission d’ouvrir une enquête afin de vérifier et de confirmer les données en question et, le cas échéant, de les prendre en considération dans la procédure d’appel d’offres en cause.

32      Par lettre du 13 janvier 2005, la Commission a informé la requérante qu’elle avait accusé réception de ses lettres des 29 et 30 décembre 2004, en précisant que les questions soulevées requéraient un examen soigneux et qu’une réponse à celles‑ci lui serait fournie dans les six semaines suivantes.

33      Par lettre datée du 26 janvier, envoyée le 7 février 2005, la Commission a répondu auxdites lettres. La requérante en a accusé réception le 9 février 2005.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 février 2005, la requérante a introduit le présent recours.

35      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité la Commission à lui communiquer certaines informations et à produire certains documents, parmi lesquels, notamment, le rapport du comité d’évaluation et l’offre du soumissionnaire retenu. La Commission a partiellement déféré à cette demande, en précisant qu’elle n’était pas en mesure de produire une version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu dans le délai imparti.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 mai 2007. Le Tribunal a invité la Commission à produire la version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu dans un nouveau délai fixé au 28 mai 2007.

37      Par lettre du 25 mai 2007, la Commission a demandé une prorogation dudit délai. Le Tribunal a fait droit à cette demande en accordant une prorogation jusqu’au 12 juin 2007. Une version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu a été versée au dossier par la Commission le 12 juin 2007. La requérante a présenté ses commentaires écrits sur ce document le 2 juillet 2007. La Commission ayant pris position sur les commentaires de la requérante par écrit, la procédure orale a été close le 19 juillet 2007.

38      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission de ne pas retenir l’offre de la requérante et d’attribuer le contrat au soumissionnaire retenu (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        condamner la Commission aux dépens même en cas de rejet du recours.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

40      La requérante invoque quatre moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, ainsi que de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50. Le deuxième moyen est pris d’une erreur manifeste d’appréciation. Le troisième moyen est tiré de l’absence d’informations pertinentes et de la violation de l’obligation de motivation. Le quatrième moyen est fondé sur la violation des principes de diligence et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier et de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50

 Arguments des parties

41      La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier et l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50 en ce qu’elle aurait utilisé des critères de sélection qui n’étaient pas correctement spécifiés ni clairement formulés dans l’appel d’offres en cause.

42      Elle critique, en outre, le caractère vague des trois critères d’attribution de nature qualitative définis au point 9.3.1 du cahier des charges (voir point 14 ci-dessus). L’imprécision et l’absence de clarté desdits critères auraient induit les soumissionnaires en erreur et obligé le comité d’évaluation à prendre une décision subjective lors de l’évaluation des offres soumises.

43      Plusieurs exemples de documents d’appels à la concurrence, envoyés aux soumissionnaires dans le cadre d’autres procédures d’appel d’offres lancées par la Commission, dans lesquels les spécifications techniques auraient été définies de façon claire et complète et les tâches demandées effectivement détaillées, démontrent, selon la requérante, que le cahier des charges en l’espèce est l’un des cahier des charges parmi les moins complets et les plus vagues qu’elle ait jamais vus.

44      La Commission conteste les arguments de la requérante en faisant valoir, pour ce qui est, premièrement, des critères de sélection, que cette dernière n’a aucun intérêt à contester leur caractère prétendument vague, car elle a été admise à soumettre une offre dans la mesure où elle satisfaisait auxdits critères.

45      S’agissant, deuxièmement, des critères d’attribution, la Commission rappelle, d’emblée, que le pouvoir adjudicateur peut choisir librement ces critères. Elle fait valoir, ensuite, que les critères d’attribution, en l’occurrence, ont été préalablement définis et précisés d’une manière suffisamment claire et objective dans le cahier des charges.

 Appréciation du Tribunal

46      Il convient d’observer, à titre liminaire, que la requérante invoque la violation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50. Or, en vertu de l’article 105 du règlement financier, à partir du 1er janvier 2003, cette directive, portant coordination des marchés publics des services, ne s’applique aux marchés publics passés par les institutions communautaires pour leur propre compte que pour les seules questions relatives aux seuils qui déterminent les modalités de publication, le choix des procédures et les délais correspondants.

47      Il s’ensuit qu’en l’espèce, s’agissant d’un marché public de services passé par la Commission, le respect de l’obligation du pouvoir adjudicateur de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des soumissionnaires, ainsi que les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu de leurs offres, doit être examiné à la lumière des dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution.

48      En effet, l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur l’obligation de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères de sélection, comme les critères d’attribution. De plus, cette obligation consistant à assurer un niveau de publicité adéquat aux critères et aux conditions qui régissent chaque marché est précisée davantage dans les articles 135 à 137 des modalités d’exécution, pour ce qui est des critères de sélection, et dans l’article 138 des modalités d’exécution, pour ce qui est des critères d’attribution.

49      Il y a lieu de rappeler que ces dispositions visent à garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, consacrés à l’article 89 du règlement financier, à tous les stades de la procédure d’attribution d’un marché public, notamment celui de la sélection des soumissionnaires et celui de la sélection des offres en vue de l’attribution du marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, points 21 et 22, et du 12 décembre 2002, Universale‑Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, points 90 à 92).

50      Le but de ces dispositions n’est autre que celui de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter tant les critères de sélection que les critères d’attribution de la même manière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 42) et de disposer, par conséquent, des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs demandes de participation ou de leurs offres (voir, en ce sens, s’agissant du stade de la sélection des candidats, arrêt Universale‑Bau e.a., point 49 supra, point 93, et, s’agissant du stade de la comparaison des offres, arrêt de la Cour du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C‑87/94, Rec. p. I‑2043, point 54).

51      Par ailleurs, il convient de relever que, s’il ne peut pas être exclu que l’opération de vérification de l’aptitude des opérateurs économiques à fournir les services qui font l’objet du marché public à adjuger (sélection des soumissionnaires) et celle de l’attribution du marché (sélection des offres) puissent avoir lieu simultanément, il n’en demeure pas moins que ces deux opérations sont régies par des règles différentes (voir, par analogie, arrêts de la Cour Beentjes, point 49 supra, points 15 et 16, et du 19 juin 2003, GAT, C‑315/01, Rec. p. I‑6351, points 59 et 60).

52      Il convient d’examiner, à la lumière de ce qui précède, le grief tiré du caractère prétendument vague des spécifications relatives à la sélection des soumissionnaires, d’une part, et celui tiré du caractère prétendument vague et subjectif des critères d’attribution, d’autre part.

–       Sur le caractère vague des spécifications contenues dans le cahier des charges relatives à la sélection des soumissionnaires

53      Il y a lieu de constater, d’emblée, que, tel qu’il ressort du dossier et ainsi que le relève la Commission, sans être contredite par la requérante, cette dernière a franchi l’étape de sélection des soumissionnaires, en ce qu’elle a été admise à déposer une offre.

54      Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, même à supposer que le grief concernant le caractère vague des spécifications relatives à la phase de sélection des soumissionnaires soit fondé, la requérante ne justifie d’aucun intérêt à contester lesdites spécifications, ainsi que le relève à bon droit la Commission, dès lors qu’elle a franchi cette étape.

55      Partant, il convient de rejeter ce grief comme étant inopérant.

–       Sur le caractère vague et subjectif des critères d’attribution

56      Il convient de relever que, conformément à l’article 97, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 138, paragraphe 1, des modalités d’exécution, l’attribution du marché se faisait, en l’espèce, à l’offre économiquement la plus avantageuse (point 9.4 du cahier des charges, voir point 14 ci-dessus).

57      Il y a lieu, ensuite, de rappeler que, aux fins d’assurer le respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination au stade de la sélection des offres en vue de l’attribution d’un marché, l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur, lorsque l’attribution du marché se fait par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse, l’obligation de définir et de préciser dans le cahier des charges les critères d’attribution permettant l’évaluation du contenu des offres. Ces critères doivent, conformément à l’article 138, paragraphe 2, des modalités d’exécution, être justifiés par l’objet du marché. Selon le paragraphe 3 de cette même disposition, le pouvoir adjudicateur doit aussi préciser, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

58      Ces dispositions laissent, néanmoins, au pouvoir adjudicateur le choix des critères d’attribution à la lumière desquels les offres seront évaluées. Or, les critères d’attribution que le pouvoir adjudicateur entend retenir doivent, dans tous les cas, viser à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Renco/Conseil, T‑4/01, Rec. p. II‑171, point 65, et Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, points 73 et 74).

59      En outre, les critères retenus par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse ne doivent pas être nécessairement de nature quantitative ou orientés exclusivement vers les prix. Même si des critères d’attribution qui ne sont pas exprimés en des termes quantitatifs sont inclus dans le cahier des charges, ils peuvent être appliqués de manière objective et uniforme afin de comparer les offres et sont clairement pertinents pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens, arrêt Renco/Conseil, point 58 supra, points 67 et 68).

60      En l’espèce, force est de constater que la Commission a mentionné au point 9.3 du cahier des charges les critères d’attribution qu’elle entendait retenir en vue de l’attribution du marché à l’offre économiquement la plus avantageuse, à savoir, d’une part, trois critères qualitatifs (point 9.3.1 du cahier des charges, voir point 14 ci-dessus) avec la pondération relative qu’elle entendait conférer à chacun desdits critères et, d’autre part, un critère quantitatif consistant, en substance, à déterminer le montant total de l’offre sur la base de l’addition de plusieurs prix unitaires pondérés (point 9.3.2 du cahier des charges, voir point 14 ci-dessus).

61      Il convient de rappeler, à ce stade, que les trois critères de qualité contestés par la requérante, et leur pondération, étaient libellés en ces termes :

–        la « qualité de la proposition du soumissionnaire en termes d’exhaustivité, de clarté et de concision, de pertinence de l’information et de la documentation fournies, d’absence d’ambiguïté (20 %) » ;

–        la « méthodologie proposée et l’organisation des prestations en vue de répondre aux besoins de la Commission/DG [« Agriculture »] ;  en particulier, les mesures envisagées pour garantir la disponibilité en temps voulu de ressources suffisantes possédant les compétences proposées, ainsi qu’une gestion effective et efficace du projet et une communication avec la DG « Agriculture » (40 %) » ;

–        le « contrôle de la qualité des prestations fournies et les garanties données sur le respect de la proposition (40 %) ».

62      Or, il convient de relever que la requérante se limite à arguer du caractère vague desdits critères, s’interrogeant sur la manière dont la Commission pouvait évaluer d’une manière objective la qualité des offres à l’égard de chacun de ceux‑ci. Elle n’avance aucun élément probant à l’appui de son allégation permettant de constater que, lors de la définition de ces critères, la Commission a méconnu l’obligation de respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination qui lui incombe.

63      Le Tribunal estime qu’aucun élément dans le dossier ne permet de reprocher à la Commission d’avoir dépassé les limites qui découlent des dispositions réglementaires susmentionnées, telles qu’elles ont été interprétées par la jurisprudence citée (voir points 58 et 59 ci-dessus), lors du choix et de la définition des critères d’attribution visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse.

64      À cet égard, il convient de relever que les critères de qualité en cause sont des critères pertinents pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, étant donné que les divers facteurs pris en considération par la Commission lors de leur définition, tels que l’organisation et la méthodologie envisagées pour la prestation des services, ainsi que la disponibilité des compétences et des ressources matérielles et personnelles en temps, peuvent, sans contredit, conditionner la bonne prestation des services visés par le marché à adjuger et, donc, la valeur de l’offre en elle‑même.

65      En outre, il apparaît que la fonction principale des trois critères d’attribution de nature qualitative contestés par la requérante consiste à vérifier que l’offre de chaque soumissionnaire est en mesure de garantir, d’une part, une prestation de qualité des services précis requis et adaptée aux besoins et à la structure de la DG « Agriculture » en termes de ressources humaines, matérielles et temporelles et, d’autre part, l’existence de mécanismes appropriés pour contrôler la prestation effective desdits services, parmi lesquels, une équipe de gestion de projet capable d’assurer la communication avec le bénéficiaire de la prestation. Le Tribunal considère que ces critères d’attribution, bien qu’ils ne soient pas de nature quantitative, contrairement à celui relatif au montant total de l’offre figurant au point 9.3.2 du cahier des charges, ne sont pas vagues et subjectifs dans la mesure où ils sont susceptibles d’être appliqués d’une manière objective, concrète et uniforme par le pouvoir adjudicateur.

66      De plus, la Commission a indiqué, conformément aux dispositions applicables, la pondération relative attribuée à chacun des critères de qualité par le biais de pourcentages, informant ainsi les soumissionnaires de l’importance qu’elle entendait conférer à chaque critère lors de l’évaluation comparative des offres.

67      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que la Commission avait manqué à son obligation de définir et de préciser dans le cahier des charges les critères d’attribution dans le respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

68      Partant, le grief tiré du caractère vague et subjectif des critères d’attribution doit être rejeté comme étant non fondé.

69      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation de la requérante relative aux termes dans lesquels la Commission a rédigé les documents d’appel à la concurrence dans le cadre d’autres procédures de passation de marchés publics.

70      À cet égard, il convient de rappeler que le législateur a octroyé à la Commission la faculté de choisir librement les critères d’attribution du marché qu’elle entend retenir, cette faculté n’étant, toutefois, pas une faculté absolue. En effet, conformément aux dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution, les critères d’attribution choisis par la Commission doivent être préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence, viser à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et être justifiés par l’objet du marché. De plus, dans l’exercice de cette faculté, la Commission doit respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement et de non-discrimination.

71      En octroyant cette faculté de choisir librement les critères d’attribution du marché, il y a lieu de considérer que le législateur a cherché à permettre à la Commission de prendre en considération la nature, l’objet et les spécificités propres à chaque marché dans le cadre du choix et de la formulation des critères d’attribution. Partant, la formulation des critères d’attribution choisie par la Commission dans le cadre d’autres procédures de passation des marchés ne saurait être invoquée par la requérante pour démontrer le caractère vague et subjectif des critères d’attribution de l’espèce. La référence aux documents d’appel d’offres d’autres procédures de passation des marchés ne constitue un élément de preuve ni pertinent ni suffisant à cette fin.

72      À la lumière de tout ce qui précède, le moyen tiré de la violation de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

73      La requérante fait valoir que la Commission, en ayant retenu l’offre présentée conjointement par IBM et ARHS Developments, a commis une erreur manifeste d’appréciation. Elle conteste les commentaires généraux formulés par le comité d’évaluation dans son rapport et considère que son offre n’a pas été correctement ni objectivement évaluée lors de sa comparaison avec celle du soumissionnaire retenu.

74      Premièrement, la requérante fait observer que le consortium formé par IBM et ARHS Developments, dont l’offre a été retenue, ne satisfaisait pas au critère de sélection lié à la capacité économique et financière, car cette dernière société, ayant encouru des pertes au cours des exercices fiscaux 2003 et 2004, présentait une situation financière globale négative. Le critère exigeant une capacité financière solide pendant les trois dernières années figurant au point 9.2.1 du cahier des charges, dont le respect s’impose à chaque membre d’un consortium ainsi qu’à chaque sous‑traitant éventuel, n’aurait pas, par conséquent, été respecté.

75      Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir exigé, dans ces circonstances, la constitution d’une garantie de la part de IBM en faveur de ARHS Developments, ainsi qu’elle l’avait fait dans le cadre d’une procédure de passation des marchés lancée par la DG « Fiscalité et union douanière » à laquelle cette dernière société avait également soumissionné en consortium avec IBM. À cet égard, elle souligne que, contrairement au cas d’espèce, le cahier des charges de la procédure lancée par la DG « Fiscalité et union douanière » n’exigeait pas que les critères d’exclusion et les critères de sélection soient satisfaits par l’ensemble des membres d’un consortium ou par les sous-traitants.

76      Deuxièmement, la requérante s’étonne du choix de la Commission de retenir l’offre du consortium formé par ARHS Developments et IBM. En effet, cette dernière, tout en profitant d’une renommée internationale, n’aurait qu’une expérience réduite dans le domaine de la prestation de services au bénéfice de la Commission. Il en irait de même pour ce qui est de son partenaire, ARHS Developments, qui n’aurait presque pas d’expérience dans ce domaine, outre le fait qu’elle disposerait d’un nombre réduit de préposés. La requérante et Software, avec laquelle elle a soumissionné en tant que consortium, seraient, en revanche, toutes les deux des prestataires assidus des services informatiques auprès des institutions européennes. Software posséderait, en outre, un effectif de 3 000 préposés.

77      En outre, la requérante fait valoir que les rapports professionnels entretenus dans le passé par le fondateur de ARHS Developments avec la DG « Agriculture » dans le domaine de la prestation de services informatiques ne sauraient constituer un critère pouvant être pris en considération par le comité d’évaluation.

78      Troisièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir utilisé de méthodologie précise et connue des soumissionnaires lors de l’évaluation des offres. Quatrièmement, elle lui reproche de ne pas avoir pris en compte le fait que son offre était plus avantageuse d’un point de vue financier que celle du soumissionnaire retenu.

79      La Commission rejette les arguments de la requérante, en faisant appel à son large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres.

80      Elle fait observer que, contrairement à ce que la requérante affirme, ARHS Developments est un sous‑traitant et non un membre d’un consortium. Or, en cas de sous‑traitance, il ressortirait des points 7.4 et 9.1.2 du cahier des charges que le contractant demeure le seul et entier responsable de l’exécution du marché adjugé. C’est pourquoi, contrairement à ce qu’elle aurait décidé dans la procédure de passation de marché au bénéfice de la DG « Fiscalité et union douanière », dans le cadre de laquelle IBM et ARHS Developments étaient toutes les deux membres d’un consortium et, par conséquent, coresponsables en cas d’adjudication du marché, la Commission n’aurait pas considéré qu’il était nécessaire, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en cause, que la société soumissionnaire IBM constitue une garantie en faveur de la société sous‑traitante ARHS Developments.

81      La Commission renvoie au libellé du point 9.2 du cahier des charges pour faire observer que la satisfaction du critère de la bonne santé financière ne doit pas être démontrée par chacun des membres d’un consortium ou des sous‑traitants proposés par le soumissionnaire. Selon elle, il suffit de prouver que les membres d’un consortium ou le soumissionnaire avec son ou ses sous‑traitants présentent conjointement une capacité financière suffisante. Ainsi, une offre ne saurait être rejetée eu égard à la situation financière d’un seul membre du consortium ou d’un des sous‑traitants que lorsque cette dernière est telle qu’elle serait susceptible d’affecter la capacité financière des autres membres du consortium ou du partenaire principal (en cas de sous‑traitance) dans l’exécution du marché.

 Appréciation du Tribunal

82      Il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi qu’à l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20 ; arrêts du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 147, et du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 47).

83      Il importe donc de vérifier si, en l’espèce, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’attribution du marché en sélectionnant une offre autre que celle du consortium dont fait partie la requérante, tout en prenant en considération le large pouvoir d’appréciation qui lui appartient lors de la passation d’un marché sur appel d’offres.

–        Sur le critère de sélection relatif à la capacité économique et financière du soumissionnaire retenu

84      Il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel la Commission, en considérant que le consortium formé par IBM et ARHS Developments satisfaisait au critère de sélection relatif à la capacité économique et financière, alors que ARHS Developments présentait une situation économique globalement négative, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

85      La question se pose de savoir, en substance, si, comme le fait valoir la requérante, le cahier des charges exigeait en l’espèce le respect du critère de sélection relatif à la capacité économique et financière par chacune des parties ayant soumis une offre commune en tant que membres d’un consortium ou sous‑traitants. Il convient de déterminer, en outre, si la réponse à cette question doit être différente à la lumière de la nature juridique des liens existant entre les parties ayant décidé de présenter conjointement leur offre, qu’il s’agisse de liens propres aux membres d’un consortium ou de liens caractérisant la sous‑traitance.

86      Tout d’abord, il convient de rappeler le contenu des dispositions du cahier des charges relatives aux informations qui doivent être présentées au pouvoir adjudicateur lors de la soumission d’une offre et permettant d’examiner le respect des critères d’exclusion et de sélection, à savoir les points 8.2.2 et 8.2.3 du cahier des charges (voir point 13 ci-dessus). Ces informations doivent être présentées par chacun des membres d’un consortium, lorsque l’offre est soumise par un consortium, ou par chacun des sous‑traitants proposés au moment de la soumission de l’offre ou dans le futur, lorsque le soumissionnaire envisage d’avoir recours à la sous‑traitance.

87      De plus, pour ce qui est des informations concernant le critère de sélection relatif à la capacité économique et financière, le point 8.2.3.1 du cahier des charges précise que, dans le cas où une société est opérationnelle depuis moins de trois ans, la preuve de sa situation financière adéquate doit être fournie.

88      Ensuite, quant aux dispositions concernant l’opération d’évaluation du respect des critères d’exclusion, force est de constater que, au point 9.1 du cahier des charges, il est prescrit que, « [e]n cas d’offre commune (consortium) ou de recours à des sous‑traitants, ces critères d’exclusion seront appliqués à chacune des organisations individuelles proposées par le soumissionnaire », et que la décision d’exclure un soumissionnaire sera prise sur la base des informations que tous les soumissionnaires, qu’il s’agisse d’une seule entreprise, de toutes les parties ayant soumis une offre commune en tant que membres d’un consortium ou sous‑traitants, doivent fournir conformément aux conditions mentionnées au point 8.2.2 du cahier des charges.

89      Enfin, pour ce qui est des dispositions du cahier des charges concernant l’opération d’évaluation du respect des critères de sélection, à savoir le point 9.2.1 relatif à l’examen de la situation économique et financière, ainsi que le point 9.2.2 correspondant à la capacité professionnelle et technique, il y a lieu de constater qu’elles se limitent à indiquer que la décision relative à la sélection des soumissionnaires sera prise sur la base des informations fournies par ceux-ci conformément aux conditions mentionnées aux points 8.2.3.1 et 8.2.3.2 du cahier des charges et, si nécessaire, sur la base d’autres informations que la Commission estimera pertinentes. Or, il importe de relever que ces dispositions ne précisent pas, contrairement à celles relatives aux critères d’exclusion, que, en cas d’offre commune (consortium) ou de recours à la sous‑traitance, ces critères de sélection s’appliquent à chacune des organisations proposées par le soumissionnaire.

90      C’est donc à tort que la requérante invoque les dispositions précitées pour faire valoir que, en l’occurrence, tant IBM que ARHS Developments, ayant soumis conjointement l’offre retenue, devaient individuellement faire preuve d’une capacité économique et financière solide pendant les trois dernières années, indépendamment, en outre, de la nature juridique des liens existant entre elles.

91      Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, en vertu du point 8.2.3 du cahier des charges, les informations relatives à la capacité économique et financière qui y sont référencées doivent être fournies par chacune des parties ayant soumis l’offre commune. À cet égard, il y a lieu de constater qu’aucune disposition dans le cahier des charges ne précise de quelle manière ces informations doivent être utilisées par le pouvoir adjudicateur lors de l’évaluation du respect des critères de sélection, dont notamment celui concernant la capacité économique et financière du soumissionnaire.

92      Il s’ensuit que, en l’espèce, rien n’empêchait la Commission, en raison de son large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération lors de la passation d’un marché public, d’apprécier globalement les informations présentées par chacune des deux sociétés ayant soumis conjointement l’offre retenue pour conclure que, prises ensemble et en tenant compte d’une certaine interdépendance entre elles, ces sociétés disposaient conjointement de la capacité économique et financière nécessaire pour satisfaire au critère de sélection qui y était relatif. Contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition du cahier des charges en l’espèce ne permet de constater que la Commission était tenue d’examiner séparément la capacité économique et financière de chacune des deux sociétés ayant soumis conjointement leur offre et de conclure que ces deux sociétés satisfaisaient individuellement au critère de sélection correspondant.

93      En tout état de cause, au vu de la nature juridique des liens existant entre IBM et ARHS Developments, la Commission était en droit de s’abstenir de démontrer le respect du critère de sélection relatif à la capacité économique et financière de ARHS Developments. En effet, tel qu’il ressort de la version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu versée au dossier par la Commission (pages 18, 29 et 35), la situation juridique de cette société est, dans le cadre de l’appel d’offres litigieux, celle d’un sous‑traitant, et non celle d’un membre d’un consortium ainsi que le prétend la requérante.

94      Or, comme le fait observer à juste titre la Commission, il convient de relever que les liens juridiques propres à un rapport de sous‑traitance diffèrent de ceux qui caractérisent les rapports existant entre les membres d’un consortium en ce que, en cas de sous‑traitance, le seul responsable de la bonne exécution du marché est le soumissionnaire auquel le marché a été attribué et non le sous‑traitant. Le Tribunal constate que, en l’espèce, il a été prévu aux points 7.3 et 7.4 du cahier des charges, ainsi qu’à l’article 9.1.2 du projet de contrat-cadre, que, en cas de sous‑traitance, le contractant demeure le seul responsable de la bonne exécution du marché. IBM demeurait, ainsi, l’ultime et seule responsable de la bonne exécution du marché.

95      Par ailleurs, ARHS Developments, étant opérationnelle sur le marché depuis moins de trois ans, était uniquement obligée, conformément au point 8.2.3.1 du cahier des charges, de démontrer qu’elle disposait, au moment du dépôt de son offre et en vue de l’exécution du marché, d’une situation financière adéquate. Or, il ressort de la version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu (pages 57 et 58) que ARHS Developments, opérationnelle sur le marché dès l’année 2003, a présenté les informations requises pour l’appréciation du critère de sélection lié à la capacité économique et financière de manière détaillée et objective, ces informations n’ayant d’ailleurs pas été contestées directement par la requérante.

96      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait raisonnablement estimer, sans dépasser les limites qui s’imposent à l’exercice de son large pouvoir d’appréciation lors de la passation d’un marché, que l’examen de la capacité économique et financière des deux sociétés ayant soumis conjointement l’offre retenue était suffisant pour considérer que le critère de sélection relatif à la capacité économique et financière était satisfait. De plus, compte tenu du rôle réservé dans l’offre à IBM et de sa solidité financière, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante, la Commission était également fondée à considérer que la situation économique globalement négative de ARHS Developments n’était pas de nature à mettre en cause la capacité économique et financière requise par le cahier des charges.

97      Par ailleurs, et dans la mesure où il apparaît que ARHS Developments était un sous‑traitant de IBM, l’argument de la requérante tendant à faire constater que la Commission a traité deux situations similaires de manière différente et, de ce fait, enfreint le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, dès lors que, en l’occurrence, et contrairement à ce qu’elle avait fait dans le cadre d’un marché passé par la DG « Fiscalité et union douanière », elle n’a pas exigé la constitution d’une garantie en faveur de ARHS Developments, ne saurait être accueilli.

98      En effet, il convient de relever que, tel que la requérante l’admet à juste titre, dans la procédure de passation de marché susmentionnée, IBM et ARHS Developments avaient soumis leur offre conjointement sous la forme d’un consortium. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, dans la présente affaire, il a été établi que ARHS Developments était le sous‑traitant de la société soumissionnaire IBM, cette dernière étant, selon les dispositions du cahier des charges et le projet de contrat‑cadre, la seule responsable de l’exécution du contrat. Or, s’agissant d’un consortium, il y a lieu d’observer que, en règle générale, tous ses membres sont tenus pour responsables in solidum de la bonne exécution du marché, ce qui explique la demande de la part de la DG « Fiscalité et union douanière » d’une garantie par IBM compte tenu de la situation économique globalement négative de l’autre membre du consortium soumissionnaire, ARHS Developments. Il en découle que, contrairement à ce que prétend la requérante, les situations n’étant pas semblables, la Commission était en droit de les traiter différemment sans que, de ce fait, aucune violation du principe d’égalité de traitement puisse être constatée.

99      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que, en considérant que le soumissionnaire retenu satisfaisait au critère de sélection relatif à la capacité économique et financière malgré la situation économique globalement négative de la société sous‑traitante ARHS Developments, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur l’évaluation de l’offre de la requérante ainsi que la comparaison de celle‑ci avec celle du soumissionnaire retenu

100    Il convient de relever que la requérante ne saurait non plus se prévaloir de son expérience plus solide dans le domaine de la prestation de services informatiques au profit des institutions européennes, ni d’un plus grand nombre de préposés, pour faire constater que la Commission n’a pas correctement évalué son offre en la comparant avec celle qui a été retenue, commettant, ainsi, une erreur manifeste d’appréciation.

101    En effet, selon une jurisprudence constante, la qualité des offres est à évaluer sur la base des offres elles‑mêmes et non à partir de l’expérience acquise par les soumissionnaires avec le pouvoir adjudicateur lors de précédents contrats ou sur la base des critères de sélection, comme la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires, qui ont déjà été vérifiés lors de la phase de sélection et qui ne peuvent être de nouveau pris en compte aux fins de la comparaison des offres (arrêts du Tribunal du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, point 158, et TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, point 82 supra, point 86 ; voir également, en ce sens, arrêt Beentjes, point 49 supra, point 15).

102    En l’espèce, il ressort du point 9.3.1 du cahier des charges que les critères d’attribution sont au nombre de trois (voir point 14 ci-dessus), l’expérience passée des soumissionnaires dans le domaine de la prestation de services informatiques au bénéfice de la Commission n’y étant pas incluse. L’expérience de la requérante ne saurait, dès lors, faire obstacle à ce que l’offre du soumissionnaire retenu se présente comme une offre capable d’assurer une qualité de services supérieure à la sienne et qui répond d’une manière adéquate aux critères d’attribution en cause.

103    Il en va de même pour ce qui est de l’allégation de la requérante concernant le nombre de préposés dont elle disposait. En effet, rien ne s’oppose à ce que la Commission puisse estimer qu’un nombre moins important de préposés soit suffisant, voire justifié, et cela sans porter préjudice à la qualité attendue des prestations (voir, en ce sens, arrêt TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, point 82 supra, point 89). Par ailleurs, la requérante n’a nullement démontré que le nombre inférieur de préposés mis à disposition par le soumissionnaire retenu pouvait affecter la qualité de la prestation en question.

104    En outre, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que le fait d’avoir acquis une expérience considérable dans le domaine de la prestation de services informatiques auprès des institutions européennes et, plus précisément, auprès de la Commission, ne saurait en aucun cas être pris en considération par le pouvoir adjudicateur lors de la sélection des offres sous peine d’enfreindre les principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination.

105    Il s’ensuit que le pouvoir adjudicateur, en s’abstenant de prendre en considération, en l’espèce, l’expérience acquise par la requérante dans le passé auprès de la Commission en matière de prestation de services informatiques, loin d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, a agi dans le respect des limites que ces principes généraux de droit lui imposent dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation et conformément aux dispositions pertinentes du cahier des charges.

106    Quant à l’allégation de la requérante concernant le fait que la Commission a pris en compte l’expérience acquise dans le passé par le fondateur de ARHS Developments auprès de la DG « Agriculture », le Tribunal considère que cet argument doit être écarté. En effet, d’une part, la requérante n’avance aucun élément permettant de conforter son allégation. D’autre part, il ressort du rapport établi par le comité d’évaluation que ce dernier s’est fondé sur les trois critères d’attribution objectifs de nature qualitative précisés au point 9.3.1 du cahier des charges, aucune remarque sous les commentaires généraux n’étant relative à la prétendue expérience antérieure du fondateur de ARHS Developments auprès de la DG « Agriculture ».

107    Partant, le Tribunal estime que la Commission a mené la procédure de passation de marché public en cause avec l’impartialité et l’objectivité requises, lesquelles étant garanties, de plus, par la composition du comité d’évaluation dont les membres provenaient de quatre services différents de la Commission. L’allégation de la requérante visant à faire constater que la Commission n’a pas évalué correctement ni objectivement son offre doit, dès lors, être rejetée, à défaut d’éléments probants suffisants à cet égard.

–       Sur l’évaluation financière de l’offre de la requérante ainsi que la méthodologie utilisée lors de l’évaluation des offres

108    S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle son offre était d’un point de vue financier moins-disante que celle présentée par le soumissionnaire retenu, il y a lieu de constater que cette circonstance est dépourvue de pertinence, car l’attribution du marché devait se faire, en l’occurrence, conformément au cahier des charges, sur la base du critère du meilleur rapport qualité‑prix, et non seulement sur la base du critère relatif au prix.

109    De plus, s’il est vrai que l’offre financière du consortium auquel appartenait la requérante était moins-disante que celle du soumissionnaire retenu, il n’en demeure pas moins que, tel qu’il ressort des résultats de l’évaluation des offres figurant dans le rapport du comité d’évaluation (point 5.5), l’offre de la requérante, du point de vue financier, n’était pas, en tout état de cause, la moins-disante des offres présentées, ayant été classée seulement en quatrième position du point de vue du prix.

110    Il s’ensuit que la requérante n’est pas en droit de se prévaloir du fait que son offre était, d’un point de vue financier, moins-disante que celle du soumissionnaire retenu afin de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

111    Il en va de même pour ce qui est de l’allégation de la requérante concernant la méthodologie utilisée par la Commission lors de l’évaluation des offres. À cet égard, le Tribunal observe, outre le caractère non étayé de cette allégation, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthodologie employée par la Commission lors du classement final des offres a été prédéterminée et précisée au point 9.3 du cahier des charges (voir point 14 ci-dessus) dans lequel, de manière suffisamment détaillée, le pouvoir adjudicateur a énoncé les critères au regard desquels la sélection des offres devait être effectuée, ainsi que la pondération à attribuer à chacun desdits critères.

–       Sur la discordance entre les critères d’attribution mentionnés dans le rapport du comité d’évaluation

112    S’agissant, enfin, de la discordance, relevée par la requérante lors de l’audience, entre les critères d’attribution énoncés au point 5.2 de la version non confidentielle du rapport du comité d’évaluation et ceux mentionnés au point 5.4 du même rapport, il convient de relever que cette erreur typographique, reconnue d’ailleurs par la Commission, bien qu’elle soit regrettable, est sans pertinence, puisque, tel qu’il ressort des résultats de l’évaluation des offres, le comité d’évaluation a appliqué les trois critères d’attribution de nature qualitative préalablement déterminés et précisés dans le cahier des charges conformément aux prescriptions réglementaires.

113    Par conséquent, à la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, la requérante n’ayant pas réussi à démontrer à suffisance de droit que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation, le présent moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence d’informations pertinentes

 Arguments des parties

114    La requérante fait valoir que la décision attaquée est viciée par l’absence d’une motivation adéquate.

115    En premier lieu, elle reproche à la Commission de l’avoir privée de la possibilité d’apprécier la légalité de ses actes en s’abstenant de répondre aux questions qu’elle lui a posées dans les délais et de fournir les éclaircissements réclamés à maintes reprises par écrit.

116    En second lieu, elle fait valoir que la Commission ne lui a pas fourni toutes les informations demandées quant aux motifs du rejet de son offre. Elle rappelle, à ce titre, que, conformément à l’article 253 CE et à l’article 8 de la directive 92/50, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de motiver de façon suffisante sa décision de rejeter l’offre d’un soumissionnaire lorsque celui‑ci lui demande les motifs d’un tel rejet, et ce dans les quinze jours suivant cette demande.

117    Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas exposé clairement les raisons pour lesquelles elle a rejeté l’offre de la requérante et aurait omis d’indiquer toute référence aux caractéristiques et aux avantages comparatifs de l’offre retenue, privant de ce fait la requérante de la possibilité de formuler des commentaires significatifs quant au choix effectué et de le contester, ainsi que de la possibilité éventuelle d’obtenir une réparation juridique.

118    La Commission estime qu’elle s’est pleinement conformée aux exigences de motivation qui découlent de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. Elle conteste, ainsi, les arguments de la requérante visant à démontrer le contraire.

 Appréciation du Tribunal

119    À titre liminaire, il convient de souligner que le grief avancé par la requérante, dénonçant le fait que la Commission s’est abstenue de répondre aux demandes qu’elle lui a adressées dans les délais et de fournir les éclaircissements qu’elle a réclamés à maintes reprises par écrit, ne relève pas de l’analyse de l’obligation de motivation qui est imposée à la Commission, mais de celle de la violation des principes de diligence et de bonne administration que la requérante fait valoir au titre de son quatrième et dernier moyen. Partant, ce grief ne sera examiné que dans le cadre dudit moyen (voir points 142 à 150 ci‑après).

120    S’agissant de la violation de l’obligation de motivation proprement dite alléguée par la requérante, en ce que la Commission s’est abstenue de lui communiquer toutes les informations demandées quant aux motifs du rejet de son offre, il y a lieu d’indiquer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’obligation de motivation du rejet de l’offre d’un soumissionnaire qui incombe au pouvoir adjudicateur ne relève pas, en l’espèce, de la directive 92/50. Ainsi que cela a été rappelé aux points 47 et 48 ci-dessus, le règlement financier et les modalités d’exécution sont les dispositions pertinentes applicables en l’espèce et, plus précisément, l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149 des modalités d’exécution, qui régissent l’obligation de motivation qui incombe à l’institution compétente dans le cadre d’une procédure de passation des marchés publics.

121    Or, il résulte de ces dispositions, ainsi que d’une jurisprudence constante, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, d’informer immédiatement les soumissionnaires écartés du rejet de leur offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires qui en font la demande expresse, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 31, et Strabag Benelux/Conseil, point 58 supra, point 54).

122    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt Adia Interim, point 121 supra, point 32, et la jurisprudence citée ; arrêt Strabag Benelux/Conseil, point 58 supra, point 55, et Renco/Conseil, point 58 supra, point 93).

123    Par conséquent, pour déterminer si, en l’espèce, la Commission a rempli son obligation de motivation, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner la décision attaquée, puis la lettre du 10 décembre 2004, envoyée à la requérante en réponse à sa demande expresse du 2 décembre 2004 visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision d’attribution du marché en cause et sur le rejet de son offre.

–       Sur la motivation contenue dans la décision attaquée et dans la lettre du 10 décembre 2004

124    Dans la décision attaquée, la Commission s’est limitée, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, à signaler les motifs pour lesquels l’offre de la requérante avait été rejetée, à savoir le fait que ladite offre n’atteignait pas le meilleur rapport qualité‑prix sur la base duquel le marché avait été attribué. Elle informait aussi la requérante de la possibilité de demander des renseignements additionnels sur les motifs du rejet de son offre.

125    S’agissant de la lettre du 10 décembre 2004 (voir point 28 ci-dessus), il importe de relever, d’emblée, que la Commission a répondu à la demande écrite de la requérante du 2 décembre 2004 dans le respect du délai maximal de quinze jours de calendrier, à compter de la réception de ladite demande, tel que prévu à l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution.

126    La lettre du 10 décembre 2004, qui contenait plusieurs informations en réponse aux précisions sollicitées par la requérante, était rédigée dans les termes suivants :

« 1)      Le soumissionnaire retenu est IBM […] avec le sous‑traitant ARHS Developments […]

L’indication du pourcentage du marché à allouer aux sous‑traitants n’était pas requise par le cahier des charges.

2)      [Points attribués pour chacun des trois critères qualitatifs à l’offre retenue et à celle de la requérante :]

Soumissionnaire

QC 1 sur un total de 20

QC 2 sur un total de 40

QC 3 sur un total de 40

Total sur un total de 100

European Dynamics

14,51

30,08

29,75

74,33

IBM

18,20

36,33

36,17

90,70


3)      Pour les raisons mentionnées dans la lettre d’introduction [la protection des intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires], il n’est pas possible de vous transmettre une copie du rapport du comité d’évaluation. Il est possible, toutefois, de vous transmettre un extrait du compte rendu du rapport du comité d’évaluation concernant la comparaison de votre offre [l’offre de la requérante] avec celle qui a été retenue :

European Dynamics

Une bonne offre, mais plutôt générale, constituant davantage une collection de bonnes pratiques qu’une proposition adaptée aux aspects spécifiques de la DG [‘Agriculture’] sur lesquels portaient les spécifications du cahier des charges (en particulier, les garanties offertes pour traiter les aspects économiques des systèmes financiers)

IBM

Très bonne offre, concise et claire. Elle couvre bien tant les aspects techniques que financiers. L’offre garantit que le soumissionnaire sera en mesure de relever de manière satisfaisante les défis propres au domaine des [systèmes informatiques] financiers de la DG [‘Agriculture’].


4)      Tel qu’il est expliqué dans le cahier des charges, il n’y a pas de note attribuée aux offres financières. L’attribution a été faite en utilisant le meilleur rapport qualité-prix.

Soumissionnaires

Prix pondéré (€)

Points sur un total de 100

Points/prix (arrondi aux 4 décimales)

Classement

European Dynamics

381,40

74,33

0,1949

4

IBM

393,03

90,70

0,2308

1. »


127    Force est de constater que, dans cette lettre, la Commission a motivé à suffisance de droit les raisons du rejet de l’offre de la requérante, en précisant le nom de l’attributaire et celui de son sous‑traitant, ainsi que les avantages de l’offre retenue par rapport à celle de la requérante au regard des trois critères d’attribution qualitatifs déterminés par le cahier des charges. En effet, le deuxième tableau permettait à la requérante de comparer directement, pour chaque critère de qualité, les points qui lui avaient été attribués avec ceux obtenus par le soumissionnaire retenu. De plus, le dernier tableau montrait le résultat du calcul du rapport qualité-prix, pour l’offre de la requérante ainsi que pour celle retenue, permettant à la requérante d’identifier immédiatement les raisons pour lesquelles son offre n’avait pas été choisie, à savoir le fait qu’elle était économiquement moins avantageuse que celle du soumissionnaire retenu, puisque cette dernière présentait un meilleur rapport qualité-prix (voir, en ce sens, arrêts Esedra/Commission, point 101 supra, point 192 ; Strabag Benelux/Conseil, point 58 supra, point 57, et Renco/Conseil, point 58 supra, point 95).

128    En outre, la lettre du 10 décembre 2004 faisait également ressortir que l’offre de la requérante n’avait pas été classée, pour aucun des trois critères de qualité précisés par le cahier des charges, en meilleure position que l’offre retenue. De plus, dans le dernier tableau, il y était indiqué que, dans le classement final, l’offre de la requérante était placée en quatrième position.

129    Par ailleurs, les commentaires généraux concernant la comparaison de l’offre de la requérante avec celle du soumissionnaire retenu donnaient des précisions sur les éléments de son offre que la Commission a considérés comme étant non satisfaisants.

130    Au vu de toutes ces informations, il y a lieu de conclure que la Commission s’est correctement acquittée de son obligation de motivation, telle qu’interprétée par la jurisprudence, dans la mesure où sa lettre du 10 décembre 2004 satisfait aux exigences prescrites par l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution.

–       Sur le caractère sommaire du rapport du comité d’évaluation

131    Il convient de considérer, en outre, que l’allégation de la requérante relative au caractère relativement sommaire du rapport établi par le comité d’évaluation ne saurait infirmer la constatation du caractère suffisant de la motivation.

132    À cet égard, il y a lieu de constater que, s’il est vrai que le rapport du comité d’évaluation présente un caractère succinct, il n’en reste pas moins que les informations qu’il contient étaient suffisantes pour satisfaire à l’obligation de motivation dans les termes prescrits par le législateur et la jurisprudence, dès lors qu’elles ont permis à la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle. En effet, la requérante, dans ses écritures, s’est fondée sur les informations tirées des extraits du rapport du comité d’évaluation qui lui avaient été communiquées dans la lettre du 10 décembre 2004.

133    Il s’ensuit que le caractère succinct du rapport du comité d’évaluation, bien qu’il soit regrettable, ne saurait, toutefois, remettre en cause la conclusion selon laquelle la Commission a satisfait, à suffisance de droit, à l’obligation de motivation qui lui incombait.

134    Il y a lieu de relever, néanmoins, que le principe de transparence qui imprègne toute la procédure de passation de marchés publics imposerait qu’un soin particulier soit apporté, dans le cas du rejet de l’offre d’un soumissionnaire, à la motivation, et cela, en raison du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions lors de la passation d’un marché public. Il serait souhaitable, dès lors, que le pouvoir adjudicateur veille à ce que tout rapport du comité d’évaluation rendu dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres soit le plus étayé possible, faisant état de manière détaillée du raisonnement l’ayant amené à suggérer d’attribuer le marché à une offre précise et de rejeter, en conséquence, les offres des soumissionnaires restants. Le fait que, tel que l’a relevé la Commission lors de l’audience, « beaucoup de travail est fait dans les coulisses » ne saurait faire obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur, dans le respect du principe de transparence et des garanties qui limitent le large pouvoir d’appréciation dont il jouit, veille soigneusement à refléter tous les éléments sur lesquels il a fondé sa décision.

135    Pour ces mêmes raisons, le Tribunal estime qu’il serait également souhaitable que l’institution concernée transmette systématiquement aux soumissionnaires qui ont fait une demande écrite, au sens de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, une copie du rapport du comité d’évaluation expurgé, si nécessaire, des informations revêtant un caractère confidentiel.

–       Sur la lettre de la Commission du 26 janvier 2005 envoyée le 7 février 2005

136    Le caractère suffisant de la motivation n’est pas remis en cause, enfin, par le fait que la Commission a fourni, par la lettre du 26 janvier 2005 envoyée le 7 février 2005, sur demande expresse de la requérante, une explication encore plus détaillée concernant l’évaluation de l’offre de celle‑ci ainsi que les motifs de son rejet (voir, en ce sens, arrêt Strabag Benelux/Conseil, point 58 supra, point 57). Au demeurant, la Commission ayant motivé à suffisance de droit, et conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, sa décision de rejeter l’offre de la requérante et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu, elle n’était pas tenue par une obligation de réponse aux demandes de la requérante des 29 et 30 décembre 2004. Cette lettre ayant été envoyée à la requérante postérieurement à la date à laquelle celle-ci a introduit le présent recours ne saurait être prise en considération lors de l’examen du présent moyen relatif à la violation de l’obligation de motivation. Le Tribunal estime, en revanche, qu’elle doit être analysée dans le cadre du quatrième moyen, tiré de la violation des principes de diligence et de bonne administration (voir points 151 à 159 ci‑après).

137    Au vu de tout ce qui précède, le troisième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme étant non fondé, dès lors que la requérante, à la lumière des informations relatives aux motifs de rejet de son offre qui lui ont été communiquées par la Commission, a été en mesure de faire valoir ses droits devant le Tribunal et que ce dernier a pu exercer son contrôle de légalité à l’égard de la décision attaquée.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de diligence et de bonne administration

 Arguments des parties

138    En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a violé les principes de bonne administration et de diligence, en agissant avec un retard significatif et en ne donnant pas de réponses adéquates aux demandes qu’elle lui a adressées afin d’obtenir des éclaircissements sur certaines spécifications du cahier des charges avant le dépôt de son offre. De ce fait, la Commission l’aurait empêchée de présenter une offre plus spécifique, à supposer, quod non, que l’offre qu’elle avait présentée ne l’était pas.

139    En second lieu, elle réitère son reproche selon lequel la Commission s’est abstenue de répondre aux questions qu’elle lui a adressées dans les délais et de fournir les clarifications qu’elle a réclamées à maintes reprises par écrit. Elle soutient que la Commission, tout en ayant accusé réception, le 13 janvier 2005, de sa lettre du 30 décembre 2004, n’y a apporté une réponse que le 7 février 2005, à savoir après l’écoulement du délai d’introduction du présent recours, le 2 février 2005.

140    La Commission conteste les arguments de la requérante en soutenant qu’elle a répondu promptement et de manière exhaustive à chacune de ses demandes de renseignements.

141    S’agissant de la lettre envoyée le 7 février 2005, la Commission considère que celle‑ci n’était pas indispensable pour que la requérante ait connaissance des motifs du rejet de son offre. Elle conteste, en outre, que cette lettre ait été envoyée après la date d’écoulement du délai d’introduction du présent recours. Au contraire, la décision attaquée, datée du 23 novembre 2004, aurait été remise contre accusé de réception le 1er décembre 2004. Ainsi, le délai de recours de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, aurait expiré le 11 février 2005. Or, la lettre envoyée le 7 février 2005 aurait été reçue par la requérante avant cette date, à savoir le 9 février 2005.

 Appréciation du Tribunal

142    Le présent moyen se subdivise en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante estime que la Commission s’est abstenue de lui communiquer les informations relatives à certaines spécifications contenues dans le cahier des charges qu’elle lui a demandées avant le dépôt de son offre. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante fait valoir que la Commission n’a répondu à ses demandes des 29 et 30 décembre 2004, suivant le rejet de son offre, que par la lettre du 26 janvier 2005 envoyée le 7 février 2005 et, donc, après l’écoulement du délai pour l’introduction du présent recours, la privant ainsi de la possibilité d’apprécier la légalité de ses actes.

–       Sur la première branche du quatrième moyen

143    En ce qui concerne les demandes d’informations adressées par la requérante à la Commission avant le dépôt de son offre, il convient de rappeler que, conformément à l’article 148, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), des modalités d’exécution, les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires sont autorisés à titre exceptionnel pendant le déroulement d’une procédure de passation de marché. Ainsi, avant la date de clôture du dépôt des offres, le pouvoir adjudicateur peut, à l’initiative des soumissionnaires, fournir des renseignements supplémentaires ayant strictement pour but d’expliciter la nature du marché, qui sont communiqués à la même date à tous les soumissionnaires qui ont demandé le cahier des charges.

144    Il résulte des termes mêmes de l’article 148, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), des modalités d’exécution que les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires avant le dépôt des offres peuvent avoir lieu seulement à titre exceptionnel.

145    En outre, il convient de relever que cette disposition confère au pouvoir adjudicateur la faculté de répondre aux demandes sollicitant des renseignements complémentaires qui lui sont adressées par les soumissionnaires. Ainsi, contrairement à ce que la requérante semble soutenir, elle ne saurait être interprétée comme imposant au pouvoir adjudicateur une obligation de répondre auxdites demandes.

146    Partant, il y a lieu de considérer que la Commission n’était pas tenue de répondre aux demandes de renseignements complémentaires adressées par la requérante préalablement au dépôt de son offre.

147    Or, il ressort du dossier que la Commission a fourni les renseignements sollicités à maintes reprises par la requérante et, à chaque fois, dans un délai raisonnable.

148    À cet égard, il convient d’observer, d’abord, que la requérante a adressé à la Commission quatre demandes de renseignements complémentaires successives les 14, 16, 20 et 21 avril 2004. Chacune de ces demandes portait sur le contenu du cahier des charges afin d’obtenir des éclaircissements sur de nombreuses et différentes spécifications y figurant. Plus précisément, ces quatre demandes comprenaient un total de quarante‑six questions.

149    Il importe de constater, ensuite, que la Commission a répondu promptement à chacune de ces demandes. Ainsi, s’agissant des demandes de la requérante des 14 et 16 avril 2004, la Commission a répondu à certaines questions y figurant dans les quatre jours ouvrables, à savoir le 20 avril 2004. Le 21 avril 2004, la Commission a répondu aussi promptement à la demande de la requérante du 20 avril 2004. Il en va de même pour ce qui est de la demande de renseignements datant du 21 avril 2004, à laquelle la Commission a répondu par lettre du 22 avril 2004, en informant, à juste titre, la requérante de l’impossibilité de donner une réponse aux renseignements supplémentaires sollicités en raison de la tardiveté de sa demande. En effet, la demande de la requérante du 21 avril 2004 dépassait la date prévue à cet effet dans le cahier des charges, à savoir au moins six jours avant la date de clôture de la soumission des offres, laquelle avait été fixée au 26 avril 2004.

150    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas répondu promptement, ni d’une manière adéquate, à ses demandes de renseignements supplémentaires manque en fait et en droit. En effet, le Tribunal considère que la Commission, s’attachant à répondre rapidement aux sollicitations de la requérante, a fait preuve d’un niveau de diligence propre à une bonne administration, d’autant plus que, tel qu’il a été constaté ci‑dessus, aucune obligation de réponse ne lui est imposée par le législateur. Dès lors, la violation des principes de diligence et de bonne administration alléguée par la requérante n’est pas établie.

–       Sur la seconde branche du quatrième moyen

151    Il y a lieu de relever que la violation des principes de diligence et de bonne administration arguée par la requérante se rapporte en réalité au fait que la Commission, n’ayant pas répondu à ses demandes des 29 et 30 décembre 2004 dans un délai raisonnable, a contribué à la naissance du présent litige et a ainsi contraint la requérante à introduire le présent recours.

152    Il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives est, en effet, une composante du principe général de droit communautaire de bonne administration qui incombe à toute institution communautaire au cours de ces procédures (arrêt du Tribunal du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, non encore publié au Recueil, point 162).

153    Le caractère raisonnable d’un délai doit s’apprécier, en outre, en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celles-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l’affaire (arrêt du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 114 ; voir également, s’agissant de l’examen d’une plainte en matière d’aides d’État, arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Air One/Commission, T‑395/04, Rec. p. II‑1343, point 61, et la jurisprudence citée).

154    C’est dans cette perspective qu’il convient d’apprécier le caractère raisonnable du délai d’environ un mois et une semaine qui s’est écoulé entre les demandes de la requérante des 29 et 30 décembre 2004 et l’envoi de la réponse de la Commission le 7 février 2005.

155    À cet égard, il importe de relever que les informations sollicitées par la requérante dans lesdites demandes avaient trait, en substance, aux commentaires généraux figurant dans le rapport du comité d’évaluation, ainsi qu’aux résultats de la comparaison de son offre avec celle du soumissionnaire retenu. Or, à la date des demandes de la requérante des 29 et 30 décembre 2004, la phase d’évaluation des offres était déjà clôturée, la décision d’attribution du marché à un soumissionnaire autre que la requérante ayant, également, été adoptée. Dans ce contexte, force est de constater que la Commission était en possession des informations réclamées par la requérante, relatives à la phase d’évaluation des offres, au moment où lesdites demandes lui ont été adressées, voire avant, à savoir à la date à laquelle elle a communiqué à la requérante, par lettre du 10 décembre 2004, les motifs du rejet de son offre.

156    Cela étant, il y a lieu de relever que rien n’empêchait la Commission de transmettre lesdites informations lors de l’envoi de la lettre du 10 décembre 2004, ou à tout le moins dans un délai plus bref que celui d’un mois et une semaine, car aucune démarche particulière ne devait être entreprise pour répondre aux demandes de la requérante. Il y a, en outre, lieu de constater que la lettre en question, bien qu’elle porte la date du 26 janvier 2005, n’a été envoyée que le 7 février 2005. La Commission a donc laissé s’écouler encore douze jours avant de l’envoyer à la requérante, tout en sachant que le délai de recours était très proche de son expiration. Partant, il convient de conclure que, la période de presque un mois et une semaine écoulée entre ces demandes et la réponse de la Commission par la lettre envoyée le 7 février 2005 n’étant pas justifiée par les circonstances de l’espèce, la Commission a manqué à son devoir de diligence et de bonne administration.

157    Toutefois, la constatation d’une telle violation ne suffit pas, en l’occurrence, à rendre illégale la décision attaquée, ni à conclure à son annulation, dans la mesure où le retard avec lequel la Commission a répondu aux demandes de la requérante n’a pas affecté, contrairement à ce que soutient cette dernière, ses droits de la défense à l’égard de la décision attaquée.

158    En effet, tel qu’il a été constaté aux points 127 à 130 ci-dessus, la lettre du 10 décembre 2004 contenait toutes les informations nécessaires afin de permettre à la requérante de faire valoir convenablement ses droits devant le Tribunal et à celui‑ci d’exercer son contrôle de légalité. Les explications plus détaillées qui lui ont été fournies par la lettre envoyée le 7 février 2005 ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

159    Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que la circonstance, aussi regrettable qu’elle soit, que la Commission a répondu aux demandes de la requérante des 29 et 30 décembre 2004 avec un retard significatif, mais en tout état de cause avant l’expiration du délai de recours prévu à l’article 230 CE, n’a pas restreint la possibilité de la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal dans le cadre du présent recours et n’est pas de nature, dès lors, à entraîner l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les dépens

160    La requérante demande que la Commission soit condamnée au paiement des entiers dépens, même si le recours est rejeté.

161    Elle fait valoir que la Commission, en s’abstenant de fournir une motivation suffisante en temps utile, ne lui a pas permis d’apprécier ses chances d’attaquer ladite décision et l’a donc contrainte à introduire le présent recours pour préserver ses droits. Elle critique le fait que les informations contenues dans la lettre envoyée le 7 février 2005, étant extrêmement importantes quant aux raisons exactes pour lesquelles son offre a été rejetée, ne lui sont parvenues qu’après l’expiration du délai pour introduire le présent recours.

162    La Commission considère que les allégations de la requérante ne sont pas fondées. La lettre envoyée le 7 février 2005 serait parvenue à la requérante avant la date limite pour l’introduction du présent recours. Elle conteste le caractère indispensable des informations contenues dans cette dernière lettre pour connaître les motifs ayant conduit au rejet de l’offre de la requérante, étant donné que ces motifs avaient été exposés auparavant dans la décision attaquée et dans la lettre du 10 décembre 2004.

163    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, selon l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

164    En l’espèce, il convient d’observer que la requérante a succombé en ses conclusions en annulation. Or, l’examen mené par le Tribunal a permis de constater que la Commission avait violé son devoir de diligence et le principe de bonne administration en répondant avec un retard significatif aux demandes de la requérante des 29 et 30 décembre 2004 et, de ce fait, qu’elle avait pu contribuer à la naissance du présent litige.

165    Dans ces circonstances, le Tribunal considère qu’il est fait une juste appréciation de la cause en décidant que la Commission, outre ses propres dépens, supportera un cinquième des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme étant non fondé.

2)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi qu’un cinquième de ceux exposés par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE.

3)      Evropaïki Dynamiki supportera quatre cinquièmes de ses dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2008.

E. Coulon

 

       M. Jaeger

Table des matières

Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier et de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur le caractère vague des spécifications contenues dans le cahier des charges relatives à la sélection des soumissionnaires

– Sur le caractère vague et subjectif des critères d’attribution

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur le critère de sélection relatif à la capacité économique et financière du soumissionnaire retenu

– Sur l’évaluation de l’offre de la requérante ainsi que la comparaison de celle‑ci avec celle du soumissionnaire retenu

– Sur l’évaluation financière de l’offre de la requérante ainsi que la méthodologie utilisée lors de l’évaluation des offres

– Sur la discordance entre les critères d’attribution mentionnés dans le rapport du comité d’évaluation

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence d’informations pertinentes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la motivation contenue dans la décision attaquée et dans la lettre du 10 décembre 2004

– Sur le caractère sommaire du rapport du comité d’évaluation

– Sur la lettre de la Commission du 26 janvier 2005 envoyée le 7 février 2005

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de diligence et de bonne administration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la première branche du quatrième moyen

– Sur la seconde branche du quatrième moyen

Sur les dépens


** Langue de procédure : l’anglais.