Language of document : ECLI:EU:T:1999:158

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 juillet 1999 (1)

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Récupération des montants indûment versés — Article 23 de l'annexe X du statut»

Dans l'affaire T-20/98,

Q, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, représentée par Mes Jean-Noël Louis, Ariane Tornel et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue Cessange,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne , représenté par M. Martin Bauer, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions du Conseil des 12 mars et 13 juin 1997, ordonnant la récupération des sommes indûment versées à la

requérante au titre du remboursement des frais de logement auquel a droit le personnel affecté dans un pays tiers,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 mai 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 71 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») prévoit, notamment, que, dans les conditions fixées à l'annexe VII du statut, le fonctionnaire «a droit au remboursement des frais qu'il a exposés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions».

2.
    Selon l'article 14, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut, si la nature des tâches confiées à certains fonctionnaires appelle ceux-ci à engager régulièrement des frais de représentation, une indemnité forfaitaire de fonctions peut être accordée par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»). Dans des cas particuliers, l'AIPN peut, en outre, décider de mettre à la charge de l'institution concernée une partie des frais de logement des intéressés. De surcroît, aux termes de l'article 14 bis de l'annexe VII, «[le] fonctionnaire affecté dans un lieu où les conditions de logement sont reconnues particulièrement difficiles peut bénéficier d'une indemnité de logement. La liste des lieux pour lesquels cette indemnité peut être accordée, le montant maximal de cette indemnité et les modalités d'attribution sont arrêtés par le Conseil selon la procédure mentionnée à l'article 65, paragraphe 3, du statut».

3.
    L'article 101 bis du statut dispose que, «[s]ans préjudice des autres dispositions du statut, l'annexe X détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers». Cette annexe X a été

ajouté au statut par le règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers (JO L 286, p. 3, ci-après «règlement n° 3019/87»).

4.
    Selon l'article 5 de l'annexe X, «lorsque l'institution met à la disposition du fonctionnaire un logement correspondant à la composition de sa famille vivant à sa charge, il est tenu d'y résider».

5.
    L'article 18, premier alinéa, de l'annexe X dispose: «Le fonctionnaire qui, au lieu d'affectation, est logé à l'hôtel alors que le logement prévu à l'article 5 n'a pas pu encore lui être attribué ou n'est plus mis à sa disposition ou qui n'a pas pu prendre possession de son logement pour des raisons indépendantes de sa volonté perçoit pour lui et sa famille, sur présentation des notes d'hôtel, le remboursement des frais d'hôtel préalablement approuvé par l'AIPN.» Conformément au dernier alinéa du même article, «[d]ans le cas où le logement ne peut être assuré dans un établissement hôtelier, l'agent a droit, après accord préalable de l'AIPN, au remboursement des frais réels de location d'un logement provisoire».

6.
    L'article 22 de l'annexe X prévoit, en son premier alinéa, que «[l']indemnité de logement provisoire et les frais de transport des effets personnels du conjoint et des personnes à charge sont avancés par l'institution au fonctionnaire stagiaire».

7.
    Aux termes de l'article 23 de l'annexe X, «[l]orsque le fonctionnaire ne bénéficie pas d'un logement mis à sa disposition par l'institution, il est remboursé du montant du loyer qui lui incombe, à condition que ce logement corresponde au niveau des fonctions exercées par lui et à la composition de sa famille à charge».

8.
    Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté des dispositions générales d'exécution de l'annexe X du statut (ci-après «DGE»), afin de tenir compte de la situation particulière du secrétariat général du Conseil qui ne comportait à l'époque qu'un seul lieu d'affectation dans un pays tiers, en l'occurrence Genève (Suisse).

9.
    Aux termes de l'article 1er des DGE, l'affectation d'un fonctionnaire dans un pays tiers est décidée pour une durée maximale de quatre années, renouvelée en principe une fois, après avis du comité de mobilité et dans l'intérêt du service.

10.
    Selon l'article 2 des DGE, lorsque le fonctionnaire est amené à louer un logement pour son compte au lieu de son affectation, il doit au préalable obtenir l'accord de l'AIPN. L'article 3 des DGE prévoit que «le loyer correspondant à ce logement, à l'exclusion des autres dépenses visées au troisième alinéa, est intégralement remboursé au fonctionnaire sur une base mensuelle» et qu'«aucun remboursement n'est fait au fonctionnaire occupant un logement qui est sa propriété ou celle de son conjoint». Enfin, selon l'article 5 des DGE, avant la signature du bail ou d'un

engagement quelconque à l'égard d'un propriétaire, le fonctionnaire doit obtenir l'accord de l'AIPN.

Faits à l'origine du litige

11.
         La requérante a été titularisée en tant que fonctionnaire au Conseil le 1er janvier 1972, puis affectée au bureau de liaison du Conseil à Genève avec effet au 1er septembre 1976.

12.
    Par note du 12 septembre 1988, le Conseil a informé la requérante que, compte tenu de l'adoption du règlement n° 3019/87, entré en vigueur le 10 octobre 1987, le problème du logement couvert jusqu'à cette date par les dispositions de l'article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'annexe VII du statut, était, à partir de cette date, définitivement réglé par l'annexe X du statut, et notamment par son article 23.

13.
    Par note du 21 juin 1989, le directeur du personnel et de l'administration du Conseil, se référant aux dispositions de l'annexe X du statut et aux DGE, a informé la requérante que son affectation à Genève était modifiée, avec effet au 1er janvier 1989, en ce sens qu'elle était fixée à quatre ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1992, et qu'elle ne pourrait être renouvelée que pour une période de quatre ans.

14.
    En mars 1992, la requérante a, conformément à l'article 5 des DGE, soumis au Conseil pour approbation un contrat de bail pour la location d'un appartement à Genève, dont le loyer mensuel s'élevait à 4 450 SFR, majoré de 200 SFR pour la location d'un parking. Ce contrat fut approuvé par note du directeur du personnel et de l'administration du Conseil du 18 mars 1992.

15.
    Par note du 14 janvier 1993, la requérante a été informée du renouvellement de son affectation à Genève pour une période de quatre ans, à savoir jusqu'au 31 décembre 1996. Par note du 31 juillet 1996, le directeur du personnel et de l'administration, faisant droit à une demande de la requérante, a de nouveau renouvelé pour une période supplémentaire de quatre ans, à savoir jusqu'au 31 décembre 2000, son affectation à Genève.

16.
    A la suite de vérifications effectuées par le Conseil en janvier 1997, il est apparu que la requérante était devenue, à partir du mois d'avril 1992, propriétaire de l'appartement qu'elle déclarait louer. La requérante a, par la suite, reconnu le caractère frauduleux de ses déclarations.

17.
    Par note du 12 mars 1997, le directeur général de la direction générale Administration — Protocole du Conseil a demandé à la requérante, en application de l'article 85 du statut, de rembourser les sommes qu'elle avait indûment perçues entre le 1er avril 1992 et le 28 février 1997 (274 350 SFR).

18.
    Le 13 juin 1997, après avoir constaté que la requérante n'avait pas procédé au remboursement des sommes indûment perçues, ni manifesté son intention d'opter pour un remboursement échelonné dans le temps, le même directeur général a informé la requérante de sa décision de procéder à une retenue mensuelle de 4 650 SFR sur sa rémunération, et ce pendant 59 mois à compter de juin 1997.

19.
    Le 13 juin 1997, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre les décisions susmentionnées des 12 mars et 13 juin 1997. Cette réclamation a fait l'objet d'un rejet explicite le 9 octobre 1997.

Procédure

20.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 1998, la requérante a introduit le présent recours.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 5 mai 1999.

22.
    Au cours de la procédure orale, la requérante a déclaré qu'elle renonçait à invoquer une violation de l'article 1er des DGE, de sorte qu'il n'y a plus lieu pour le Tribunal de statuer à cet égard.

23.
    Par décision du Tribunal, la procédure orale a, par la suite, été suspendue jusqu'au 1er juin 1999, pour permettre aux parties de parvenir à un règlement à l'amiable du litige. Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 4 et 10 juin 1999, le Conseil et la requérante ont respectivement informé le Tribunal qu'aucun accord à l'amiable n'avait pu être conclu et que, par conséquent, l'affaire pouvait être délibérée.

Conclusions des parties

24.
    La requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    constater que l'article 3 des DGE est illégal;

—    annuler la décision du Conseil du 12 mars 1997 lui ordonnant de rembourser la somme de 274 350 SFR, ainsi que la décision du 13 juin 1997 lui annonçant le prélèvement, pendant 59 mois, d'un montant de 4 650 SFR sur sa rémunération;

—    condamner le Conseil aux dépens.

25.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé;

—    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

26.
    Le Conseil soutient que le présent recours est irrecevable. Il expose à cet égard que, si la requérante considérait que l'annexe X du statut obligeait l'administration à lui fournir un logement gratuit à Genève, elle aurait dû présenter une demande en ce sens dès le moment où les dispositions de ladite annexe lui ont été appliquées et, le cas échéant, avoir recours aux articles 90 et 91 du statut. En effet, par note du 12 septembre 1988, la requérante avait été dûment informée que, à la suite de l'entrée en vigueur, le 10 octobre 1987, du règlement n° 3019/87, la question de son logement, qui jusqu'à cette date était couverte par les dispositions de l'article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'annexe VII du statut, était régie par la nouvelle annexe X du statut, et notamment par son article 23. Or, loin de solliciter un logement gratuit ou de contester l'application de l'annexe X du statut, la requérante a soumis au Conseil une copie d'un contrat de bail en vigueur signé le 10 octobre 1987, en vue d'obtenir le remboursement du montant de son loyer mensuel à partir de cette date.

27.
    De même, si la requérante estimait qu'elle avait droit au remboursement de ses frais de logement lorsqu'elle est devenue, en avril 1992, propriétaire de son appartement, il lui appartenait de faire une demande en ce sens, dès cette date, et, en cas de réponse négative, d'introduire une réclamation en invoquant, le cas échéant, l'illégalité des mesures prises par l'administration pour mettre en oeuvre l'article 71 du statut et ses annexes VII et X. A cet égard, le Conseil rappelle que l'article 3, deuxième alinéa, des DGE, selon lequel aucun remboursement n'est fait au fonctionnaire occupant un logement qui est sa propriété, était applicable depuis le 10 octobre 1987, et donc en vigueur lorsque la requérante a acquis son appartement. Or, au lieu de mettre en cause ce système de remboursement, la requérante a demandé qu'il lui soit appliqué, sur la base de déclarations frauduleuses.

28.
    Selon le Conseil, la requérante ne saurait déroger aux délais impératifs des articles 90 et 91 du statut en attaquant une décision ordonnant le remboursement des frais de logement indûment perçus, alors que cette décision n'est que la conséquence logique de la prétendue absence de mise à disposition d'un logement en application de l'annexe X du statut, qu'elle a omis de contester dans les délais.

Appréciation du Tribunal

29.
    Il convient, à titre liminaire, de relever que le Conseil ne conteste pas que les décisions attaquées constituent des actes faisant grief à la requérante ni que cette dernière a respecté la procédure précontentieuse prévue aux articles 90 et 91 du statut. Dès lors, contrairement à ce que conclut le Conseil, le recours est recevable.

30.
    Par ses arguments, le Conseil conteste, en réalité, la recevabilité des griefs soulevés par la requérante dans le cadre de son moyen unique, de sorte que le Tribunal les analysera dans le cadre de l'examen de celui-ci.

Sur le fond

31.
    La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation des dispositions de l'annexe X du statut, de l'illégalité de l'article 3, deuxième alinéa, des DGE et de la violation du principe général d'égalité de traitement et de non-discrimination entre fonctionnaires.

Sur la violation des dispositions de l'annexe X du statut et l'illégalité de l'article 3 des DGE

Argumentation des parties

32.
    La requérante soutient que les articles 5 et 18 de l'annexe X du statut imposent à l'institution qui affecte un fonctionnaire dans un pays tiers de mettre à sa disposition un logement correspondant à la composition de sa famille vivant à sa charge. En particulier, ce n'est que dans les trois cas limitativement énumérés à l'article 18, première alinéa, de l'annexe X du statut, que l'institution concernée serait autorisée à loger ses fonctionnaires affectés dans un pays tiers (ci-après «FAPT»). Le législateur communautaire aurait même précisé, au quatrième alinéa de l'article 18, que le remboursement des frais réels de location d'un «logement provisoire» ne peut intervenir que dans l'hypothèse où le logement n'a pu être assuré dans un établissement hôtelier.

33.
    La requérante ajoute que le Conseil ne saurait se prévaloir de l'article 23 de l'annexe X du statut, relatif au remboursement des loyers d'un FAPT ne disposant pas d'un logement mis à sa disposition, pour s'exonérer de sa responsabilité de mettre un logement à sa disposition, car cet article ne concerne que la question de l'indemnité de logement provisoire auquel il est expressément fait référence à l'article 22 de l'annexe X du statut.

34.
    La requérante soutient, ensuite, que, selon l'arrêt du Tribunal du 15 décembre 1992, Scaramuzza/Commission (T-75/91, Rec. p. II-2557), un FAPT ne doit exposer aucune dépense de logement sur son lieu d'affectation, de sorte que le Conseil a violé ce principe en refusant, sur la base des DGE, de lui rembourser ses frais de

logement au motif qu'elle en était la propriétaire. En l'absence d'une base statutaire permettant de lui refuser le remboursement de ses frais de logement, le Conseil bénéficierait, en outre, d'un enrichissement sans cause.

35.
    Enfin, la requérante soutient que l'attitude du Conseil a pour conséquence de priver le fonctionnaire de son droit d'acquérir son propre logement ou, à tout le moins, d'y résider, sous peine d'être sanctionné par le refus de rembourser les frais de logement qu'il expose en occupant son propre bien.

36.
    Le Conseil soutient qu'aucune disposition statutaire ne prévoit que l'institution qui affecte l'un de ses fonctionnaires dans un pays tiers doit nécessairement mettre à sa disposition un logement.

37.
    En effet, il résulterait des articles 5 et 23 de l'annexe X du statut que, lorsque l'institution affecte l'un de ses fonctionnaires en dehors de la Communauté, elle a le choix, soit de lui fournir un logement, soit de lui rembourser le montant du loyer qui lui incombe. Contrairement à ce que soutient la requérante, le remboursement du montant du loyer prévu à l'article 23 de l'annexe X du statut ne s'appliquerait pas à la seule hypothèse du «logement provisoire» mentionné aux articles 18, quatrième alinéa, et 22 de ladite annexe. En premier lieu, l'article 18 viserait l'hypothèse selon laquelle un FAPT est contraint de loger temporairement dans un hôtel sur son lieu d'affectation, parce que soit l'institution concernée n'a pas encore pu lui attribuer le logement qu'elle avait l'intention de mettre à sa disposition ou n'a pas pu, pour une raison ou une autre, continuer à mettre à sa disposition le logement qu'elle lui avait initialement attribué, soit parce que, dans l'hypothèse où l'institution n'a pas mis à sa disposition un logement, le FAPT n'a pas pu prendre possession de son logement pour des raisons indépendantes de sa volonté. Ainsi, le FAPT qui se trouve dans l'une de ces situations, et doit, par conséquent, louer un logement provisoire, a droit au remboursement de ces frais. L'article 18, quatrième alinéa, aurait, ainsi, une portée différente de celle de l'article 23 de l'annexe X du statut.

38.
    Quant à l'article 22 de l'annexe X du statut, il viserait la situation particulière d'un fonctionnaire stagiaire qui, lorsqu'il est affecté dans un pays tiers, n'a droit généralement, compte tenu de la précarité de sa situation, qu'à un logement provisoire.

39.
    Selon le Conseil, s'il est vrai que, dans son arrêt Scaramuzza/Commission, précité, le Tribunal a dit pour droit que les FAPT ne peuvent supporter aucune dépense de logement, ceci ne signifie pas que l'institution concernée a l'obligation de leur fournir «physiquement» un logement gratuit, alors que le même résultat peut être atteint en remboursant aux FAPT le loyer payé.

40.
    Le Conseil fait également valoir que l'allégation de la requérante, selon laquelle l'institution bénéficierait d'un enrichissement sans cause, en refusant tout

remboursement aux FAPT qui sont propriétaires du logement qu'ils occupent, n'est pas fondée, car la base juridique de ce refus se trouve dans le statut lui-même.

41.
    Le Conseil admet que le système de remboursement des frais de logement aux FAPT n'incite pas ceux-ci à acquérir leur propre logement au lieu de leur affectation. Il souligne toutefois, que l'indemnité ainsi versée aux FAPT n'est pas un supplément de rémunération, mais vise à couvrir les frais supplémentaires auxquels ceux-ci sont exposés en raison de la spécificité de leur situation. En effet, ce système reposerait sur le fait que l'affectation d'un fonctionnaire dans un pays tiers n'est pas permanente, mais décidée pour une durée limitée, de sorte que celui-ci n'acquiert normalement pas de logement. Si l'affectation était permanente, il n'y aurait, selon le Conseil, aucune raison de prévoir un régime spécial pour ces fonctionnaires.

Appréciation du Tribunal

42.
    La requérante demande l'annulation des décisions attaquées en ce qu'elles exigent le remboursement des frais de logement qui ne sauraient en aucun cas être exposés par un FAPT. En effet, selon l'interprétation des dispositions statutaires avancée par la requérante, le Conseil aurait dû mettre à sa disposition un logement gratuit. A supposer que ce ne soit pas le cas, la requérante soutient que les décisions attaquées reposent sur des DGE qui sont illégales, en ce qu'elles excluent le remboursement des frais de logement exposés par des fonctionnaires qui sont propriétaires de leur logement, ce qui équivaut à soulever une exception d'illégalité, au sens de l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE).

43.
    Il convient, tout d'abord, d'examiner la recevabilité de cette branche du moyen, pour autant qu'elle se fonde sur la violation par le Conseil de son obligation alléguée de mettre à la disposition de la requérante un logement gratuit.

44.
    A cet égard, si la requérante estimait que le Conseil, en acceptant de lui rembourser les frais liés à la location d'un logement, violait les dispositions du statut, l'obligeant à mettre à sa disposition un logement gratuit, il lui appartenait d'attaquer ce refus implicite ou la violation alléguée dans les délais impératifs des articles 90 et 91 du statut. Ainsi, la requérante aurait dû, dans un premier temps, contester la décision que le Conseil avait implicitement prise, lorsqu'il l'a informée, par note du 12 septembre 1988, que la question de son logement, jusqu'alors couverte par les dispositions de l'article 14 de l'annexe VII du statut, était, depuis le 10 octobre 1987, régie par l'annexe X du statut. En effet, par cette note le Conseil a, de façon implicite, interprété les dispositions de la nouvelle annexe X du statut comme signifiant que la requérante n'avait toujours pas droit à un logement gratuit, mais pouvait continuer à bénéficier du remboursement de son loyer mensuel.

45.
    A supposer même que la note du Conseil du 12 septembre 1988 ne puisse être interprétée comme une décision implicite de refus de mettre à la disposition de la requérante un logement gratuit, il n'en reste pas moins que celle-ci n'a contesté ni la décision du Conseil du 9 janvier 1989, par laquelle il a accepté de lui rembourser le montant mensuel de son loyer, à une époque où elle louait effectivement un appartement à Genève (annexe 17 au mémoire en défense), ni la décision du Conseil du 18 mars 1992, approuvant son nouveau contrat de bail, dont elle a admis le caractère frauduleux. En effet, et indépendamment du fait que c'est la requérante elle-même qui a induit le Conseil en erreur, en lui demandant de lui rembourser un loyer fictif (voir, à cet égard, arrêt de la Cour du 27 septembre 1984, Mulligan/Commission, 235/83, p. 3379), rien ne l'empêchait de demander au Conseil de lui appliquer les dispositions de l'annexe X du statut relatives à la mise à sa disposition d'un appartement gratuit.

46.
    La requérante n'ayant pas agi de la sorte ni, le cas échéant, suivi la procédure précontentieuse des articles 90 et 91 et respecté les délais impératifs qui y sontprévus, il s'ensuit que le grief tiré d'une violation par le Conseil de sa prétendue obligation de mettre à sa disposition un logement gratuit, est irrecevable.

47.
    S'agissant de l'exception d'illégalité de l'article 3, deuxième alinéa, des DGE, soulevée par la requérante, il y a lieu de rappeler que l'article 184 du traité est l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision lui faisant grief, la validité des actes antérieurs constituant la base juridique de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. II-723, point 41). Or, force est de constater que la requérante demande l'annulation des décision attaquées qui, se fondant, notamment, sur l'article 3, deuxième alinéa, des DGE, selon lequel elle n'a, en tant que propriétaire de son propre logement, aucun droit au remboursement des frais de logement, lui imposent le remboursement des sommes indûment perçues. Dès lors, contrairement à ce que soutient le Conseil, l'exception d'illégalité soulevée est recevable.

Sur l'illégalité alléguée de l'article 3, deuxième alinéa, des DGE

48.
    La requérante fait valoir que les décisions attaquées sont illégales en ce qu'elles exigent le remboursement des frais de logement, alors que, selon l'arrêt Scaramuzza/Commission, précité, les FAPT ne peuvent supporter aucune dépense de logement sur leur lieu d'affectation.

49.
    A cet égard, il convient, tout d'abord, de relever que la requérante ne met pas en cause les dispositions pertinentes de l'annexe X du statut et, en particulier, la légalité de son article 23, selon lequel «lorsque le fonctionnaire ne bénéficie pas d'un logement mis à sa disposition par l'institution, il est remboursé du montant du loyer qui lui incombe, à condition que ce logement corresponde au niveau des fonctions exercées par lui et à la composition de sa famille à charge».

50.
    Or, il résulte clairement de cette disposition que celle-ci n'impose à l'institution concernée le remboursement à un FAPT des frais de logement que dans l'hypothèse d'une location de celui-ci. Dans ces conditions, l'article 3, deuxième alinéa, des DGE, qui précise qu'«aucun remboursement n'est fait au fonctionnaire occupant un logement qui est sa propriété ou celle de son conjoint» n'est contraire ni à l'article 23 de l'annexe X du statut ni aux articles 5 et 18 de ce dernier.

51.
    Cette constatation n'est pas infirmée par l'arrêt Scaramuzza/Commission, précité, celui-ci étant dépourvu de pertinence dans le cadre du présent litige. En effet, force est de constater que l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Scaramuzza/Commission (confirmé par arrêt de la Cour du 20 octobre 1994, Scaramuzza/Commission, C-76/93 P, Rec. p. I-5173) posait uniquement la question de savoir si la Commission pouvait raisonnablement limiter à 80 % la partie de la rémunération des FAPT censée être dépensée au lieu de leur affectation et qui devait ainsi être payée en monnaie locale, affectée du coefficient correcteur du lieu d'affectation, sans enfreindre le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires.

52.
    S'il est vrai que, dans cet arrêt, le Tribunal a conclu que les FAPT ne peuvent supporter aucune dépense de logement sur leur lieu d'affectation, cette conclusion visait, néanmoins, l'hypothèse selon laquelle les institutions communautaires ont mis à la disposition d'un FAPT un logement correspondant à la composition de sa famille et, à défaut, lui ont remboursé soit les frais d'hôtel, soit le loyer qui lui incombe (voir point 46 de l'arrêt du 20 octobre 1994, Scaramuzza/Commission, précité). Or, un FAPT se trouvant dans l'une de ces situations n'encourt, par définition, aucune dépense ou frais de logement.

53.
    Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n'a, dans son arrêt du 15 décembre 1992, Scaramuzza/Commission, précité, pas interprété l'article 23 du statut comme signifiant qu'un FAPT, qui occupe le logement dont il est propriétaire, doit, lui-aussi, être remboursé de ses «frais de logement».

54.
    Le fait que, ainsi que la requérante l'a soutenu lors de l'audience, la Commission ait accepté de prendre en charge les frais de logement d'un fonctionnaire affecté à l'une de ses deux délégations aux États-Unis d'Amérique, et occupant son propre logement, sur la base d'un prêt immobilier échelonné sur une période de 20 ans, n'affecte en rien la légalité des DGE, la pratique prétendument suivie en la matière par d'autres institutions communautaires étant sans influence sur la légalité des DGE adoptées par le Conseil et la pratique suivie par celui-ci.

55.
    L'article 3, deuxième alinéa, des DGE n'étant, dès lors, entaché d'aucune illégalité, les arguments soulevés par la requérante doivent être rejetés comme non fondés. Les décisions attaquées étant fondées sur une disposition des DGE qui est légale, l'argument tiré de l'enrichissement sans cause du Conseil doit, par conséquent, également être rejeté.

Sur la violation du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires

Argumentation des parties

56.
    La requérante soutient que les décisions attaquées violent le principe général d'égalité de traitement des fonctionnaires, en ce qu'elles se fondent sur des DGE qui, dans le cas d'un fonctionnaire propriétaire du logement qu'il occupe, ne prennent pas en considération le facteur du logement dans la fixation du coefficient correcteur qui lui est applicable.

57.
    En effet, si les FAPT doivent assumer leurs dépenses de logement, cet élément devrait être pris en compte pour le calcul du coefficient correcteur et être appliqué à la totalité de leur rémunération. Selon la requérante, le Conseil ne saurait lui opposer qu'elle n'avait pas introduit une demande de dépassement de la limitation de 80 % du paiement de sa rémunération nette dans la monnaie du pays d'affectation, car une telle demande n'aurait pas pu aboutir, le Conseil lui ayant remboursé les frais de logement qu'elle avait exposés.

58.
    Le Conseil souligne que, si la requérante souhaitait obtenir le paiement de la totalité de sa rémunération en francs suisses, elle aurait dû, conformément à l'article 12, paragraphe 1, de l'annexe X du statut et à l'article 10, troisième alinéa, des DGE, faire une demande en ce sens, ce qu'elle n'a cependant pas fait.

Appréciation du Tribunal

59.
    Il y a lieu de relever que, ainsi que le Conseil l'a, par ailleurs, souligné, s'il est vrai que seuls 80 % de la rémunération de la requérante étaient payés dans la monnaie du lieu de son affectation et affectés du coefficient correcteur de celui-ci, ceci s'explique par le fait que c'est la requérante elle-même qui avait déclaré être locataire de son logement, de sorte qu'elle ne devait pas assumer de frais de logement dans le pays de son affectation, estimés, en général, à 20 % de la rémunération, ces frais étant pris en charge par le Conseil lui-même (arrêt du 15 décembre 1992, Scaramuzza/Commission, précité, point 46). Le fait que la requérante était, en réalité, la propriétaire de son logement et n'aurait pas dû bénéficier du remboursement de ces prétendus frais de location, avec pour conséquence que le coefficient correcteur pouvait s'appliquer à la totalité de sa rémunération nette, est dépourvu de pertinence en l'espèce. En effet, rien n'empêchait la requérante, en tant que propriétaire de son propre logement, de demander, conformément à l'article 12 de l'annexe X du statut, que plus de 80 % de sa rémunération nette soit payée dans la monnaie du pays de son affectation et d'introduire, le cas échéant, une réclamation puis un recours, sur le fondement des articles 90 et 91 du statut, contre la décision de rejet éventuelle de cette demande.

60.
    La requérante n'ayant pas demandé au Conseil l'application de l'article 12 de l'annexe X du statut, elle ne saurait, dans le cadre du présent recours, faire valoir

pour la première fois devant le juge communautaire que les décisions attaquées méconnaissent le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires.

61.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

62.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Dès lors, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juillet 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.