Language of document : ECLI:EU:C:2017:803

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 octobre 2017 (*)

« Recours en annulation – Conclusions du Conseil de l’Union européenne concernant la conférence mondiale des radiocommunications de 2015 de l’Union internationale des télécommunications – Article 218, paragraphe 9, TFUE – Dérogation à la forme juridique prévue – Absence d’indication de la base juridique »

Dans l’affaire C‑687/15,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 17 décembre 2015,

Commission européenne, représentée par Mme L. Nicolae et M. F. Erlbacher, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme I. Šulce ainsi que par MM. J.-P. Hix et O. Segnana, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme M. Hedvábná, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze et Mme K. Stranz, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. F. Fize, G. de Bergues, B. Fodda et D. Colas, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme C. Brodie ainsi que par MM. M. Holt et D. Robertson, en qualité d’agents, assistés de M. J. Holmes, barrister,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, MM. L. Bay Larsen, J. L. da Cruz Vilaça, J. Malenovský, E. Levits et C. Vajda, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mmes C. Toader, A. Prechal (rapporteur), MM.  S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2017,

rend le présent


Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande l’annulation des conclusions du Conseil de l’Union européenne, adoptées le 26 octobre 2015, lors de sa 3419e session à Luxembourg, sur la conférence mondiale des radiocommunications de 2015 (CMR-15) de l’Union internationale des télécommunications (UIT) (ci-après l’« acte attaqué »).

 Le cadre juridique

 Le droit international

2        L’UIT est une institution spécialisée des Nations unies chargée des technologies de l’information et de la communication. Ainsi qu’il ressort, notamment, de l’article 1er de sa constitution, c’est dans le cadre de l’UIT que le spectre radioélectrique et les orbites des satellites sont attribués à l’échelle mondiale et que des normes techniques sont élaborées afin d’assurer l’interconnexion des réseaux et des technologies.

3        Conformément à l’article 2 de la constitution de l’UIT, celle-ci est composée d’États membres et de membres des secteurs. Actuellement, 193 États sont membres de l’UIT, dont l’ensemble des États membres de l’Union qui, elle-même, est un « membre de secteur ».

4        L’article 3 de la constitution de l’UIT, intitulé « Droits et obligations des États Membres et des Membres des Secteurs », prévoit :

« 1.      Les États Membres et les Membres des Secteurs ont les droits et sont soumis aux obligations prévus dans la présente [c]onstitution et dans la [c]onvention.

[...]

3.      En ce qui concerne leur participation aux activités de l’[UIT], les Membres des Secteurs sont autorisés à participer pleinement aux activités du Secteur dont ils sont membres, sous réserve des dispositions pertinentes de la présente [c]onstitution et de la [c]onvention :

[...]

b)      ils sont autorisés, sous réserve des dispositions pertinentes de la [c]onvention et des décisions pertinentes adoptées à cet égard par la Conférence de plénipotentiaires, à participer à l’adoption des Questions et des Recommandations ainsi que des décisions relatives aux méthodes de travail et aux procédures du Secteur concerné. »

5        L’article 4 de la constitution de l’UIT, intitulé « Instruments de l’[UIT] », est libellé comme suit :

« 1.      Les instruments de l’[UIT] sont :

–        la présente [c]onstitution de l’[UIT],

–        la [c]onvention de l’[UIT], et

–        les [r]èglements administratifs.

[...]

3.      Les dispositions de la présente [c]onstitution et de la [c]onvention sont de plus complétées par celles des [r]èglements administratifs énumérés ci-après, qui réglementent l’utilisation des télécommunications et lient tous les États Membres :

[...]

–        le [r]èglement des radiocommunications.

[...] »

6        L’article 13 de la constitution de l’UIT, intitulé « Conférences des radiocommunications et assemblées des radiocommunications », dispose :

« 1.      Une conférence mondiale des radiocommunications peut procéder à une révision partielle ou, exceptionnellement, totale du [r]èglement des radiocommunications et traiter de toute autre question de caractère mondial relevant de sa compétence et se rapportant à son ordre du jour. Les autres fonctions de cette conférence sont énoncées dans la [c]onvention.

2.      Les conférences mondiales des radiocommunications sont convoquées normalement tous les trois à quatre ans ; cependant, conformément aux dispositions pertinentes de la [c]onvention, une telle conférence peut ne pas être convoquée ou une conférence additionnelle peut être convoquée.

[...] »

 Le droit de l’Union

7        La directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive “cadre” »), a été adoptée sur la base de l’article 95 CE.

8        L’article 8 bis de la directive « cadre », intitulé « Planification stratégique et coordination des politiques en matière de spectre radioélectrique », énonce, à son paragraphe 4 :

« Lorsque cela s’avère nécessaire pour assurer la coordination effective des intérêts de la Communauté européenne au sein des organisations internationales compétentes en matière de spectre radioélectrique, la Commission, tenant dûment compte de l’avis du [groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique (GPSR)], peut proposer des objectifs généraux communs au Parlement européen et au Conseil. »

9        L’article 9 de cette directive, intitulé « Gestion des radiofréquences pour les réseaux de communications électroniques », dispose, à son paragraphe 1, second alinéa :

« Lors de l’application du présent article, les États membres respectent les accords internationaux applicables, y compris le [règlement des radiocommunications], et peuvent tenir compte de considérations d’intérêt public. »

10      La décision n° 676/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière de spectre radioélectrique dans la Communauté européenne (décision « spectre radioélectrique ») (JO 2002, L 108, p. 1), a également été adoptée sur la base de l’article 95 CE. L’article 1er, paragraphe 1, de cette décision dispose :

« L’objectif de la présente décision est d’établir un cadre d’orientation et un cadre juridique dans la Communauté afin d’assurer une coordination des politiques et, le cas échéant, l’harmonisation des conditions relatives à la disponibilité et à l’utilisation efficace du spectre radioélectrique nécessaire pour l’instauration et le fonctionnement du marché intérieur dans des domaines de la politique communautaire tels que les communications électroniques, les transports et la recherche et le développement (R & D). »

11      La décision n° 243/2012/UE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2012,établissant un programme pluriannuel en matière de politique du spectre radioélectrique (JO 2012, L 81, p. 7), a été adoptée sur la base de l’article 114 TFUE. L’article 1er de cette décision, intitulé « Objectif et champd’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente décision établit un programme pluriannuel en matière de politique du spectre radioélectrique relatif à la planification stratégique et à l’harmonisation de l’utilisation du spectre, afin d’assurer le fonctionnement du marché intérieur pour tous les domaines d’action de l’Union qui font appel à l’utilisation du spectre, tels que les politiques en matière de communications électroniques, de recherche, de développement technologique, d’espace, de transports, d’énergie et d’audiovisuel. »

12      L’article 10 de la décision n° 243/2012, intitulé « Négociationsinternationales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Dans le cadre des négociations internationales relatives au spectre, les principes suivants s’appliquent :

a)      si le sujet faisant l’objet des négociations internationales relève du domaine de compétence de l’Union, la position de l’Union est arrêtée conformément au droit de l’Union ;

b)      si le sujet faisant l’objet des négociations internationales relève en partie du domaine de compétence de l’Union et en partie de celui des États membres, l’Union et les États membres s’emploient à arrêter une position commune conformément aux exigences du principe de coopération loyale.

Aux fins de l’application du premier alinéa, point b), l’Union et les États membres coopèrent conformément au principe d’unité de la représentation internationale de l’Union et de ses États membres. »

 Les antécédents du litige et l’acte attaqué

13      La CMR-15 s’est déroulée à Genève (Suisse) du 2 au 27 novembre 2015. Il y a été convenu de réviser le règlement des radiocommunications.

14      Le 29 mai 2015, la Commission a présenté au Conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l’article 114 et de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, une proposition de décision du Conseil concernant la position à adopter, au nom de l’Union européenne, lors de la CMR-15 [COM(2015) 234 final], prévoyant, à son article 1er :

« Les États membres, agissant conjointement dans l’intérêt de l’Union, participent aux négociations de la [CMR-15], destinée à réviser le [r]èglement des radiocommunications.

Les positions à adopter au nom de l’Union lors des négociations et de l’adoption des révisions du [r]èglement des radiocommunications figurent à l’annexe de la présente décision.

Si de nouvelles propositions sont soumises, au cours de la [CMR-15], sur des points ne faisant pas encore l’objet d’une position de l’Union, la position de l’Union est établie grâce à une coordination sur place avant que la [CMR-15] ne soit appelée à adopter des révisions du [r]èglement des radiocommunications. Dans ces cas, la position de l’Union doit être compatible avec les principes énoncés à l’annexe de la présente décision. »

15      L’annexe de ladite proposition de décision du Conseil est libellée comme suit :

« Les positions à adopter au nom de l’Union lors des négociations et de l’adoption des révisions du [r]èglement des radiocommunications de l’UIT pendant la CMR-15 sont les suivantes :

1.      Point 1.1 de l’ordre du jour :

•      identifier la bande 1 452-1 492 MHz, ainsi que les bandes adjacentes 1 427-1 452 MHz et 1 492-1 518 MHz, pour les télécommunications mobiles internationales (IMT), tout en protégeant les services passifs en dessous de 1 427 MHz ;

•      attribuer la bande 3 400-3 800 MHz aux services mobiles à titre co-primaire et identifier cette bande pour les télécommunications mobiles internationales ;

•      refuser l’attribution à titre co-primaire de la bande 470-694 MHz aux services mobiles en Europe ;

•      ne pas ajouter l’attribution à titre co-primaire des bandes 5 350-5 470 MHz et 5 725-5 850 MHz aux services mobiles et ne pas identifier ces bandes, ni la bande 5 850-5 925 MHz, pour les IMT. Ces bandes doivent faire l’objet d’études plus approfondies portant sur leur éventuelle utilisation pour les réseaux locaux radioélectriques, et leur utilisation primaire doit être protégée dans tous les cas.

2.      Point 1.2 de l’ordre du jour :

•      fixer des niveaux de protection pour le service de radiodiffusion au-dessous de 694 MHz, qui soient conformes aux études réalisées par la [c]onférence [e]uropéenne des [p]ostes et [t]élécommunications et fixer le bord inférieur de la bande à 694 MHz ;

•      ne pas ajouter de contraintes supplémentaires pour la protection de la radiodiffusion dans la bande 694-790 MHz, en permettant cependant l’adoption de mesures visant à garantir une coexistence équilibrée entre le haut débit sans fil et les systèmes de radionavigation aéronautique existant, aux frontières orientales de l’[Union] dans la bande 694-790 MHz.

3.      Point 1.18 de l’ordre du jour : attribuer la bande 77,5-78 GHz au service de radiolocalisation et protéger l’utilisation de cette bande pour les systèmes radar pour automobile sans introduire de restrictions excessives, mais en reconnaissant que les stations de radioastronomie doivent continuer à bénéficier d’une protection.

4.      Point 10 de l’ordre du jour : il convient de soutenir l’inscription à l’ordre du jour de la [conférence mondiale des radiocommunications de 2019 (CMR-19)] d’un point relatif aux besoins en radiofréquences des systèmes mobiles 5G, en s’intéressant en particulier aux fréquences supérieures à 6 GHz pour les nouvelles attributions et à une approche commune pour le lancement d’études de compatibilité dans ce domaine avant la CMR-19.

5.      Lors des négociations portant sur d’éventuelles modifications du [r]èglement des radiocommunications de l’UIT à la CMR-15, il convient de veiller à ce que la législation de l’Union, et notamment les principes exposés à l’article 9 de la [directive “cadre”] et dans la [décision n° 243/2012], soient respectés et que leur évolution prévisible ne soit pas compromise. »

16      À la suite de discussions au sein du Conseil, celui-ci a adopté l’acte attaqué, qui prévoit ce qui suit :

« LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

1.      RAPPELANT

a)      la [décision n° 676/2002] ;

b)      les dispositions de la [directive “cadre”], et en particulier son article 8 bis, paragraphe 4 ;

c)      la [décision n° 243/2012] ;

d)      les conclusions du Conseil sur les positions européennes pour les conférences mondiales des radiocommunications de 1992, 1997, 2000, 2003, 2007 et 2012 ;

e)      l’importance des technologies sans fil utilisant le spectre radioélectrique pour la réalisation des objectifs stratégiques de l’[Union] énoncés dans l’initiative phare “Stratégie numérique pour l’Europe” de la stratégie Europe 2020, qui vise à garantir la disponibilité de l’internet rapide à haut débit et à ce que les avantages sociaux et économiques durables du marché unique numérique deviennent réalité ;

f)      les conclusions du Conseil du 31 mai 2010 sur la stratégie numérique pour l’Europe ;

2.      PRENANT ACTE

•      de l’avis du [GPSR] de février 2015 sur les “objectifs politiques communs pour la CMR-15” ;

3.      APPROUVE LARGEMENT les objectifs ci-après, à atteindre lors de la CMR-15 en vue d’une mise en œuvre réussie des politiques concernées de l’Union :

a)      Point 1.1 de l’ordre du jour :

i.      identifier la bande 1 452-1 492 MHz, ainsi que les bandes adjacentes 1 427-1 452 MHz et 1 492-1 518 MHz, pour les [IMT], tout en protégeant les services passifs en dessous de 1 427 MHz. Cette identification ne fait pas obstacle à l’utilisation de ces bandes par d’éventuelles applications, y compris en matière de défense, des services auxquels ces bandes sont attribuées, et n’instaure pas non plus de priorités dans le [r]èglement des radiocommunications ;

ii.      attribuer la bande 3400-3800 MHz aux services mobiles à titre co-primaire et identifier cette bande pour les télécommunications mobiles internationales, en tenant compte du fait qu’elle joue un rôle important pour les communications par satellites ;

iii.      plaider contre toute modification des attributions dans la bande 470-694 MHz en Europe ;

iv.      ne pas ajouter l’attribution à titre co-primaire des bandes 5 350-5 470 MHz et 5 725-5 850 MHz aux services mobiles et ne pas identifier ces bandes, ni la bande 5 850-5 925 MHz, pour les télécommunications mobiles internationales. Ces bandes doivent faire l’objet d’études plus approfondies portant sur leur éventuelle utilisation pour les réseaux locaux radioélectriques, et leur utilisation primaire doit être protégée dans tous les cas.

b)      Point 1.2 de l’ordre du jour :

i.      fixer le bord inférieur de la bande à 694 MHz et soutenir des recommandations UIT-R concernant des niveaux de protection pour le service de radiodiffusion au-dessous de 694 MHz, qui soient conformes aux résultats des études réalisées par la [c]onférence européenne des postes et télécommunications ;

ii.      garantir une coexistence équilibrée entre le haut débit sans fil et la radiodiffusion, et ne pas ajouter de contraintes supplémentaires allant au-delà de l’accord GE-06 pour la protection de la radiodiffusion dans la bande 694-790 MHz ;

iii.      garantir un accès équilibré entre les services mobiles et les services de radionavigation aéronautique (ARNS) aux frontières des États membres d’Europe orientale, de façon à faciliter le déploiement des services mobiles dans tous les pays de l’[Union] grâce à des dispositions appropriées du [r]èglement des radiocommunications, tout en favorisant des distances de séparation effectives aussi faibles que possible entre les services de radionavigation aéronautique et les télécommunications mobiles internationales et en soutenant les droits des États membres d’Europe orientale à cet égard.

c)      Point 1.18 de l’ordre du jour : attribuer la bande 77,5-78 GHz au service de radiolocalisation afin de faciliter le déploiement de systèmes radar pour automobile sans introduire de restrictions excessives, et reconnaître que les stations de radioastronomie doivent continuer à bénéficier d’une protection ;

d)      Point 10 de l’ordre du jour : soutenir l’inscription à l’ordre du jour de la CMR-19 d’un point relatif aux besoins en radiofréquences des systèmes mobiles 5G, en s’intéressant en particulier aux fréquences supérieures à 6 GHz pour les nouvelles attributions et à une approche commune pour le lancement d’études de compatibilité dans ce domaine avant la CMR-19 ;

4.      INVITE LES ÉTATS MEMBRES :

•      à poursuivre les objectifs énoncés au point 3 et à respecter les principes exposés dans la [décision n° 243/2012] lors des négociations portant sur d’éventuelles modifications du [r]èglement des radiocommunications de l’UIT à la CMR-15.

5.      INVITE LA COMMISSION :

•      à présenter rapidement un rapport au Parlement européen et au Conseil sur les résultats de la CMR-15 ainsi que sur les moyens de faire en sorte que les préparatifs engagés au niveau européen en vue de la prochaine conférence prévue en 2019 (CMR-19) concourent pleinement à la réalisation des politiques et des principes de l’Union. »

17      À l’occasion de l’adoption de l’acte attaqué, la Commission a fait la déclaration suivante, inscrite au procès-verbal de la session du Conseil :

« La Commission regrette que le Conseil ait adopté des conclusions en prévision de la [CMR-15], plutôt qu’une décision au titre de l’article 218, paragraphe 9, [...] TFUE. De l’avis de la Commission, cette position est contraire au traité et à la jurisprudence de la Cour [...]. La Commission se réserve la faculté de faire valoir tous ses droits à cet égard. »

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

18      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’acte attaqué et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

19      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le recours dans son intégralité et

–        de condamner la Commission aux dépens.

20      La République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 Sur le recours

 Sur la recevabilité des moyens des États membres intervenants

21      À l’appui de son recours, la Commission soulève un moyen unique tiré de ce que, en adoptant l’acte attaqué, au lieu d’une décision comme proposé par la Commission, le Conseil a violé l’article 218, paragraphe 9, TFUE.

22      Dans leurs mémoires en intervention, la République tchèque, la République fédérale d’Allemagne et la République française contestent l’applicabilité de l’article 218, paragraphe 9, TFUE dans le cas d’espèce, en faisant valoir, notamment, que l’Union ne possédait pas la compétence externe nécessaire pour que le Conseil établisse, conformément à ladite disposition, des positions à prendre au nom de l’Union sur les points de l’ordre du jour de la CMR‑15 visés par l’acte attaqué.

23      Toutefois, une partie qui, au titre de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est admise à intervenir à un litige soumis à cette dernière ne peut pas modifier l’objet du litige tel que circonscrit par les conclusions et les moyens des parties principales. Il s’ensuit que seuls les arguments d’un intervenant qui s’inscrivent dans le cadre défini par ces conclusions et moyens sont recevables (voir, notamment, arrêt du 7 octobre 2014, Allemagne/Conseil, C‑399/12, EU:C:2014:2258, point 27).

24      Or, il est constant entre les parties principales que l’article 218, paragraphe 9, TFUE est applicable au cas d’espèce. L’objet du litige, tel que circonscrit par les conclusions et les moyens de ces parties principales, concerne uniquement la question de savoir si l’adoption de l’acte attaqué s’est faite en conformité avec les exigences de forme et de procédure prévues par cette disposition. Partant, les moyens des États membres intervenants visés au point 22 du présent arrêt doivent d’emblée être rejetés comme irrecevables.

 Sur le moyen unique

 Argumentation des parties

25      Selon la Commission, en adoptant des conclusions au lieu d’une décision, le Conseil a violé l’article 218, paragraphe 9, TFUE.

26      À cet égard, la Commission rappelle que, lorsqu’il adopte une décision au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, le Conseil agit à la majorité qualifiée. Les règles de vote qui s’appliquent à l’adoption d’un acte tel que des conclusions du Conseil seraient, en revanche, marquées, dans la pratique, par des divergences de vues entre les institutions de l’Union. Le Conseil aurait, à plusieurs reprises, considéré que de tels actes sont adoptés par consensus, impliquant que ceux-ci ne peuvent être adoptés si un État membre s’y oppose. La Commission estime que ces règles de vote ne sont pas en conformité avec les traités. Selon elle, il découle en effet de l’article 16, paragraphe 3, TUE, qui prévoit que « [l]e Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement », que ces actes doivent être adoptés à la majorité qualifiée. La présente affaire démontrerait que la recherche du consensus, au lieu de la majorité qualifiée, est susceptible d’aboutir à un résultat différent, affectant négativement la politique de l’Union.

27      En effet, la Commission fait valoir, à cet égard, que les dispositions de l’acte attaqué s’écartent de sa proposition du 29 mai 2015. La plupart des modifications auraient été effectuées précisément pour que le contenu de l’acte attaqué corresponde à la forme que le Conseil a décidé de choisir. Ainsi, premièrement, l’acte attaqué ne contiendrait aucune indication concernant sa base juridique. Or, contrairement à ce que soutient le Conseil, la Commission estime que cette omission ne constitue pas un vice purement formel. Deuxièmement, au lieu de recourir à des considérants détaillés pour expliquer les raisons justifiant l’acte à adopter, le Conseil se serait limité à « rappeler » une liste d’actes de l’Union adoptés dans le domaine d’action concerné. Troisièmement, la Commission fait valoir que, au lieu de décider que les États membres, agissant conjointement dans l’intérêt de l’Union, « adoptent » certaines positions lors de la CMR-15, il ressort de l’acte attaqué que le Conseil « approuve largement » les objectifs à atteindre dans le cadre des négociations à la CMR-15 et « invite les États membres » à poursuivre certains objectifs au cours de ces négociations.

28      En procédant de la sorte, le Conseil n’est, selon la Commission, pas parvenu à établir des positions claires et contraignantes que les États membres devaient respecter lors de leur participation à la CMR-15, en agissant conjointement dans l’intérêt de l’Union, mais il a plutôt établi des obligations de faire de son mieux. De telles obligations ne seraient toutefois pas propres à garantir une représentation externe forte et unifiée de l’Union sur la scène internationale et, par conséquent, ne permettraient pas d’atteindre les objectifs fixés par les traités.

29      Le Conseil fait valoir que, statuant sur une proposition de la Commission fondée sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE, il a établi une position contraignante de l’Union en vue de la CMR-15, conformément à cette disposition.

30      En effet, d’une part, l’acte attaqué identifierait clairement les priorités de l’Union pour chacun des points de l’ordre du jour de la CMR-15 qui sont énumérés dans l’annexe de la proposition de la Commission du 29 mai 2015. D’autre part, les positions définies dans l’acte attaqué présenteraient un caractère contraignant.

31      En ce qui concerne le prétendu défaut de base juridique, le Conseil estime qu’une telle omission constitue tout au plus un vice purement formel qui ne saurait entraîner l’annulation de l’acte attaqué et note à cet égard que la Commission ne conteste pas que la base juridique procédurale applicable est l’article 218, paragraphe 9, TFUE, ni que la base juridique matérielle est l’article 114 TFUE.

32      S’agissant des modalités de vote, le Conseil fait valoir que, bien que la majorité qualifiée fût en principe applicable à l’adoption de l’acte attaqué, le fait qu’il a été possible d’obtenir l’unanimité au sein du Conseil pour l’adoption de cet acte ne saurait impliquer que le Conseil a agi en dehors de la procédure prévue à l’article 218, paragraphe 9, TFUE. Cette institution ajoute que, la Commission n’ayant pas modifié sa proposition du 29 mai 2015 au cours des débats qui ont conduit à l’adoption de la position de l’Union pour prendre en compte les modifications sur lesquelles un accord était sur le point d’intervenir au sein du Conseil, il découle de l’article 293, paragraphe 1, TFUE que le Conseil devait statuer à l’unanimité.

33      Le Conseil souligne qu’il adopte parfois, sous la forme de conclusions, certains actes produisant ou destinés à produire un effet juridique, tout en précisant que, en pareil cas, il doit respecter les exigences procédurales prévues par les traités, conformément à la base juridique applicable.

34      Selon cette institution, contrairement à ce qu’allègue la Commission, le fait quel’acte attaqué s’écarte de la proposition présentée par celle-ci le 29 mai 2015 ne démontre en aucun casque la recherche du consensus, au lieu de la majorité qualifiée, est susceptible d’aboutir à un résultat différent, affectant négativement la politique de l’Union.

35      En outre, le Conseil relève que le grief invoqué par la Commission concernant la forme de l’acte attaqué est en contradiction avec sa pratique constante quant à l’élaboration de la position de l’Union en vue des conférences mondiales des radiocommunications précédentes. Cette institution estime qu’une lecture des traités telle que préconisée par la Commission compliquerait sensiblement la défense des intérêts de l’Union sur la scène internationale et bouleverserait l’équilibre institutionnel prévu par les traités.

 Appréciation de la Cour

36      Par son moyen unique, la Commission fait valoir, en substance, que, en adoptant des conclusions sur la CMR-15, au lieu d’une décision conformément à sa proposition du 29 mai 2015, le Conseil a violé l’article 218, paragraphe 9, TFUE. Elle reproche également au Conseil de ne pas avoir indiqué la base juridique de l’acte attaqué.

37      Aux termes de cette disposition, « [l]e Conseil, sur proposition de la Commission [...], adopte une décision [...] établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques, à l’exception des actes complétant ou modifiant le cadre institutionnel de l’accord ».

38      En adoptant l’acte attaqué sous la forme de conclusions, le Conseil a donc recouru à une forme d’acte autre que celle prévue par ladite disposition.

39      Le Conseil fait toutefois valoir que le traité lui laisse le choix de la forme d’une décision au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE. En l’espèce, il aurait, sous la forme de conclusions, matériellement adopté une décision. Il considère, par ailleurs, que l’absence de mention de la base juridique de l’acte attaqué ne constitue pas un vice substantiel.

40      S’agissant, en premier lieu, de la forme de l’acte attaqué, il convient de rappeler que les traités ont mis en place un système de répartition des compétences entre les différentes institutions de l’Union, qui attribue à chacune de celles-ci sa propre mission dans la structure institutionnelle de l’Union et dans la réalisation des tâches confiées à celle-ci. Ainsi, l’article 13, paragraphe 2, TUE dispose que chaque institution de l’Union agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, aux conditions et aux fins prévues par ceux-ci. Cette disposition traduit le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, lequel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres (arrêt du 28 juillet 2016, Conseil/Commission, C‑660/13, EU:C:2016:616, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

41      Partant, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, dans la mesure où les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes, seuls les traités peuvent, dans des cas particuliers, habiliter une institution à modifier une procédure décisionnelle qu’ils établissent (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 149).

42      En l’espèce, il y a lieu, premièrement, de souligner que, contrairement à ce que suggère le Conseil, la pratique des institutions, et notamment, en ce qui concerne la présente affaire, une prétendue pratique constante quant à l’élaboration de la position de l’Union en vue des conférences mondiales des radiocommunications par voie de conclusions, avec laquelle la position défendue par la Commission dans le cadre du présent recours serait en contradiction, ne saurait modifier les règles des traités que les institutions sont tenues de respecter. En effet, conformément à une jurisprudence constante, une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et elle ne peut, par conséquent, créer un précédent liant les institutions de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, point 60 et jurisprudence citée, ainsi que avis 1/08 (Accords modifiant les listes d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009, EU:C:2009:739, point 172 et jurisprudence citée].

43      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation du Conseil basée sur le point 9 de l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264), selon lequel la forme dans laquelle des actes ou des décisions sont pris est, en principe, indifférente pour déterminer s’ils sont destinés à produire des effets juridiques, il convient de relever que la jurisprudence découlant de cet arrêt est pertinente pour déterminer si un acte peut faire l’objet d’un recours en annulation. En revanche, il ne peut aucunement être déduit de celle-ci que les institutions de l’Union sont libres de déroger à la forme de l’acte prévue par la disposition pertinente du traité.

44      Le fait pour une institution de l’Union de déroger à la forme juridique prévue par les traités constitue une violation des formes substantielles de nature à entraîner l’annulation de l’acte en cause, dès lors que cette dérogation risque de créer des incertitudes quant à la nature de cet acte ou à la procédure à suivre pour son adoption, compromettant ainsi la sécurité juridique.

45      En l’occurrence, l’adoption de l’acte attaqué sous la forme de conclusions donne lieu à une incertitude quant à la nature et à la portée juridiques de cet acte. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé aux points 69 à 72 de ses conclusions, tandis que le Conseil soutient que ledit acte constitue « en substance » une décision de sa part, établissant la position à prendre au nom de l’Union lors de la CMR-15, la République tchèque et la République française qualifient celui-ci de position commune de l’Union et des États membres, et la République fédérale d’Allemagne le considère comme une position coordonnée entre tous les États membres sous la forme de conclusions du Conseil. En outre, le Conseil soutient que l’acte attaqué présente un caractère contraignant, tandis que la République tchèque est d’avis que cet acte est juridiquement contraignant uniquement pour certaines parties, couvrant des aspects qui relèvent, selon cet État membre, de la compétence de l’Union, et que la République fédérale d’Allemagne considère que ledit acte constitue des conclusions non contraignantes. Quant à la Commission, elle fait valoir que, en adoptant l’acte attaqué sous la forme de conclusions, le Conseil a opté pour une forme juridique qui est généralement réservée aux actes de nature non contraignante.

46      Les termes employés dans l’acte attaqué contribuent, par ailleurs, à cette incertitude. En effet, alors que la proposition de la Commission du 29 mai 2015 portait sur une « décision du Conseil » concernant la position « à adopter, au nom de l’Union », lors de la CMR-15, l’acte attaqué consiste pour le Conseil, aux termes de son point 3, à « approuve[r] largement » une série d’objectifs à atteindre lors de la CMR-15 en vue d’une mise en œuvre réussie des politiques concernées de l’Union et, selon son point 4, à « invite[r] les États membres » à poursuivre ces objectifs et à respecter les principes exposés dans la décision n° 243/2012 lors des négociations portant sur d’éventuelles modifications du règlement des radiocommunications de l’UIT à la CMR-15. Ainsi que l’a souligné la Commission, le recours à ces termes n’est pas compatible avec la force obligatoire qui doit s’attacher à une décision d’une institution de l’Union en vertu de l’article 288 TFUE. En outre, aucun élément de l’acte attaqué ne fait ressortir que les États membres seraient tenus de prendre position « au nom de l’Union » lors de la CMR-15, contrairement à ce que prévoit l’article 218, paragraphe 9, TFUE.

47      Dans ces conditions, force est de constater que, en adoptant les conclusions sur la CMR-15, au lieu d’une décision, telle que prévue à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, le Conseil a violé les formes substantielles exigées par cette disposition.

48      S’agissant, en second lieu, du fait que l’acte attaqué ne mentionne pas la base juridique sur laquelle il est fondé, il convient de relever, tout d’abord, que l’indication de la base juridique s’impose au regard du principe des compétences d’attribution consacré à l’article 5, paragraphe 2, TUE, selon lequel l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent tant pour l’action interne que pour l’action internationale de l’Union [voir, en ce sens, avis 2/94 (Adhésion de la Communauté à la CEDH), du 28 mars 1996, EU:C:1996:140, point 24, et arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 46].

49      En effet, le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature constitutionnelle dès lors que, ne disposant que de compétences d’attribution, l’Union doit rattacher les actes qu’elle adopte aux dispositions du traité FUE qui l’habilitent effectivement à cette fin [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 71].

50      Ensuite, l’indication de la base juridique revêt une importance particulière afin de préserver les prérogatives des institutions de l’Union concernées par la procédure d’adoption d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 48).

51      Ainsi, dans la présente affaire, une telle indication est susceptible d’avoir une incidence sur les compétences de la Commission et du Conseil ainsi que sur leurs rôles respectifs dans la procédure d’adoption de l’acte attaqué. De même, l’indication de la base juridique est nécessaire pour déterminer les modalités de vote au sein du Conseil (voir, par analogie, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 48). En particulier, l’acte attaqué ne répondant à aucun des cas de figure mentionnés à l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE, c’est, en principe, conformément aux dispositions combinées de l’article 218, paragraphe 8, premier alinéa, et paragraphe 9, TFUE, en statuant à la majorité qualifiée que le Conseil devait adopter cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Royaume-Uni/Conseil, C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 66).

52      En outre, il convient de rappeler que l’indication de la base juridique s’impose au regard de l’obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE. Cette obligation, qui est justifiée notamment par le contrôle juridictionnel qui doit pouvoir être exercé par la Cour, doit s’appliquer, en principe, à tout acte de l’Union produisant des effets juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, points 42 et 45).

53      Enfin, l’impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit de l’Union qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu (arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 47).

54      En l’espèce, l’acte attaqué est un acte de l’Union, étant donné qu’il a été adopté par le Conseil, et il produit des effets juridiques, en ce qu’il fixe les objectifs qu’il invite les États membres à poursuivre lors de la CMR-15. Il s’ensuit que le Conseil se devait d’indiquer, dans l’acte attaqué, la base juridique matérielle et procédurale sur laquelle celui-ci est fondé.

55      Par ailleurs, s’il est vrai que l’omission de la référence à une disposition précise du traité peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci, comme le soutient le Conseil, une telle référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la Cour sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (voir, notamment, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 48).

56      Or, en l’occurrence, au lieu d’indiquer la base juridique de l’acte attaqué, le Conseil s’est borné, au point 1 de cet acte, à rappeler le cadre juridique pertinent et la pratique institutionnelle du Conseil, et, au point 2 dudit acte, à prendre acte de l’avis du GPSR du mois de février 2015 sur les objectifs politiques communs pour la CMR-15. Il découle de cette constatation, combinée à celles opérées au point 46 du présent arrêt, qu’aucun élément de l’acte attaqué ne permet de déterminer sa base juridique matérielle et procédurale.

57      Il s’ensuit que la base juridique de l’acte attaqué ne peut être clairement déterminée. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le Conseil, l’absence de mention, dans l’acte attaqué, de toute base juridique ne saurait être considérée comme un vice purement formel (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, points 60 et 61).

58      Ainsi, la dérogation à la forme juridique prévue à l’article 218, paragraphe 9, TFUE et l’omission de l’indication de la base juridique engendrent une confusion quant à la nature et à la portée juridique de l’acte attaqué ainsi qu’à la procédure qu’il fallait suivre pour son adoption, confusion qui était propre à affaiblir l’Union dans la défense de sa position lors de la CMR-15 (voir, par analogie, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 49).

59      Il résulte des considérations qui précèdent que l’acte attaqué doit être annulé.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Conseil aux dépens et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.

61      Conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, la République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      Les conclusions du Conseil de l’Union européenne, adoptées le 26 octobre 2015, lors de sa 3419e session à Luxembourg, sur la conférence mondiale des radiocommunications de 2015 (CMR-15) de l’Union internationale des télécommunications (UIT) sont annulées.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

3)      La République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.