Language of document : ECLI:EU:T:2022:390

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

22 juin 2022 (*)

« Aides d’État – Marché finlandais du transport aérien – Aide accordée par la Finlande à Finnair dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Recapitalisation d’une compagnie aérienne effectuée par ses propriétaires publics et privés au prorata de la structure de propriété préexistante – Décision de ne pas soulever d’objections – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Mesure destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre – Dérogation à certaines exigences de l’encadrement temporaire – Absence de mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée – Égalité de traitement – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑657/20,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes F.-C. Laprévote, V. Blanc, E. Vahida, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, S. Noë et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par MM. T. Stéhelin et P. Dodeller, en qualité d’agents,

et par

République de Finlande, représentée par Mmes H. Leppo et A. Laine, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg, Mme K. Kowalik‑Bańczyk, MM. G. Hesse (rapporteur) et D. Petrlík, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2020) 3970 final de la Commission européenne, du 9 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.57410 (2020/N) – Finlande COVID-19 : Recapitalisation de Finnair (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 juin 2020, la République de Finlande a notifié à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’une recapitalisation (émission de droits) d’un montant qui, en fonction des conditions définitives de la délivrance des droits, pouvait aller de 499 à 512 millions d’euros (ci-après la « mesure en cause »). Les nouvelles actions étaient offertes à tous les actionnaires de la bénéficiaire, Finnair, Plc (ci-après la « bénéficiaire » ou « Finnair »), au prorata de leurs parts existantes dans son capital.

3        La mesure en cause est fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Elle fait suite à l’octroi d’une garantie de l’État en faveur de Finnair que la Commission a déclarée, dans sa décision C(2020) 3387 final, du 18 mai 2020, relative à l’aide d’État SA.56809 (2020/N) – Finlande COVID‑19 : Garantie de l’État accordée à Finnair (ci-après la « décision sur la garantie de l’État »), compatible avec le marché intérieur, au regard des points 3.2 et 3.4 de la communication de la Commission du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1) et modifiée les 3 avril et 8 mai 2020 (ci-après l’« encadrement temporaire »). Cette garantie de l’État couvrait 90 % d’un prêt de 600 millions d’euros obtenu par Finnair auprès d’un fonds de pension.

4        Le 9 juin 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. La Commission a apprécié la compatibilité de chaque mesure faisant partie de l’opération globale, à savoir la garantie de l’État et la recapitalisation. En particulier, elle a examiné s’il existait des effets découlant de la présence cumulée des deux mesures et a vérifié si ces éventuels effets cumulatifs étaient compatibles avec le marché intérieur.

 Conclusions des parties

5        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

6        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

7        La République française et la République de Finlande concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

8        À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, le deuxième, de la violation des principes de non-discrimination, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, le troisième, de la violation de ses droits procéduraux et, le quatrième, d’un défaut de motivation.

 Sur la recevabilité

9        La Commission, soutenue par la République française, conteste la recevabilité des trois premiers moyens. La Commission fait valoir que la requérante n’est pas recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée étant donné qu’elle n’a pas établi que sa position concurrentielle sur le marché du transport aérien finlandais était affectée de manière substantielle. La requérante se serait contentée d’indiquer qu’elle assurait des services sur la liaison Helsinki (Finlande)‑Vienne (Autriche) durant l’été de 2020, mais aurait déclaré y avoir mis fin. La Commission doute donc également que la requérante ait établi qu’elle était une partie intéressée, dans la mesure où elle n’aurait fourni aucun élément de nature à démontrer qu’elle se trouvait en concurrence avec la bénéficiaire de l’aide.

10      La requérante conteste ces fins de non-recevoir.

11      Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), comme en l’espèce, non seulement elle déclare les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

12      En l’espèce, la Commission a décidé, à l’issue d’un examen préliminaire, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dans la mesure où la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, ont été dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui viserait à l’annulation de la décision attaquée serait recevable dès lors que l’auteur de ce recours tendrait à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

13      Au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente de la bénéficiaire d’une mesure d’aide figure incontestablement parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

14      Contrairement à ce que soutiennent la Commission et la République française, la requérante a démontré, à suffisance de droit, qu’elle était une concurrente de Finnair. En effet, elle a expliqué qu’elle fournissait des services de transport aérien de passagers au départ et à destination de la Finlande depuis plus de 17 ans. Il est également constant que la requérante détenait, avant le début de la pandémie de COVID-19, une part de marché de ces services, quand bien même celle-ci était faible. La requérante a aussi indiqué que, en 2019, elle avait transporté plus de 100 000 passagers au départ et à destination de la Finlande et que son programme initial, avant le début de la pandémie de COVID‑19, pour la saison d’été de l’année 2020 comprenait six lignes au départ de trois aéroports finlandais. La requérante a aussi expliqué, sans que cela soit contesté, que ses activités en Finlande avaient davantage été touchées par la pandémie que celles de la bénéficiaire.

15      Contrairement à ce que fait valoir la Commission, cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la requérante aurait cessé de fournir ses services en Finlande en raison de la pandémie de COVID-19. En effet, compte tenu des faits exposés au point 14 ci-dessus et des circonstances ayant causé cette cessation de services, il y a lieu de constater que celle-ci était vraisemblablement temporaire et que la relation concurrentielle entre la requérante et la bénéficiaire n’avait pas cessé au moment du dépôt de la requête (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, NeXovation/Commission, C‑665/19 P, EU:C:2021:667, point 63). La requérante a d’ailleurs indiqué à l’audience qu’elle assurait de nouveau des vols au départ et à destination de la Finlande.

16      Il s’ensuit que la requérante, concurrente de la bénéficiaire, a démontré qu’elle était une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, ayant un intérêt à assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tirait de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

17      Dans le cas présent, il ressort des points 33 à 39 de la requête que, par son recours, la requérante entend seulement obtenir le respect des droits procéduraux dont elle dispose en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et ce quand bien même le troisième moyen est le seul à viser explicitement la sauvegarde de ses droits. Il y a donc lieu d’admettre la recevabilité du recours en tant que la requérante invoque la violation de ses droits procéduraux. Il importe, par voie de conséquence, de déterminer quels sont les moyens du recours susceptibles d’être recevables en ce qu’ils visent à établir ladite violation.

18      Le troisième moyen, visant à obtenir le respect des droits procéduraux de la requérante, est recevable. En outre, il convient de rappeler que celle-ci est en droit, pour démontrer la violation de ses droits procéduraux, d’invoquer des arguments tendant à démontrer que le constat de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur auquel la Commission était parvenue était erroné, ce qui, a fortiori, est de nature à établir que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. Partant, en l’espèce, le Tribunal est habilité à examiner les arguments de fond présentés par la requérante dans le cadre des deux premiers moyens auxquels celle-ci renvoie dans le cadre de son troisième moyen, afin de vérifier s’ils sont de nature à conforter le moyen expressément formé par elle concernant l’existence de doutes justifiant l’ouverture de la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, points 57 à 60, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 77).

19      S’agissant du quatrième moyen, tiré du défaut de motivation entachant la décision attaquée, il convient de souligner que la méconnaissance de l’obligation de motivation relève de la violation des formes substantielles et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union et ne se rapporte pas à la légalité au fond de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 67 à 72).

 Sur le fond

20      À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 80, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 38).

21      La légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer (arrêts du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 41, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 42).

22      La preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40).

23      En l’espèce, au titre du contrôle de légalité de la décision attaquée, il incombe au Tribunal d’examiner les arguments avancés par la requérante tendant à établir que, après un examen préliminaire, la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante

24      Le troisième moyen, dans le cadre duquel la requérante renvoie également à ses premier et deuxième moyens, se divise en six branches, tirées de différents indices démontrant que la Commission aurait dû éprouver des doutes au sens donné à cette notion par l’article 4 du règlement 2015/1589.

–       Sur l’indice relatif à une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, en ce que la mesure en cause ne remédierait pas à une perturbation grave de l’économie de la Finlande

25      En substance, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir établi que la mesure en cause était destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie finlandaise.

26      La Commission, soutenue par la République française et par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

27      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur.

28      L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est donc d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée). L’article 107, paragraphe 1, TFUE précise que les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sont incompatibles avec le marché intérieur « sous quelque forme que ce soit ». Dès lors, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE s’applique aux aides individuelles [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 32].

29      Selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs visés, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, la mesure en cause ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur si elle apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre le but prévu par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise [voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, EU:T:2009:2, point 65 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 33].

30      En premier lieu, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. En effet, une fois que la Commission constate la réalité d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre, ce dernier peut être autorisé, si les autres conditions prévues par cet article sont par ailleurs satisfaites, à octroyer des aides d’État, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, qui contribuent à remédier à ladite perturbation grave. Il pourrait ainsi s’agir de plusieurs mesures d’aide qui, chacune pour leur part, contribuent à cette fin. Dès lors, il ne saurait être exigé qu’une mesure d’aide, pour qu’elle soit valablement fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, remédie en elle-même à une perturbation grave de l’économie d’un État membre [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 41].

31      Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir déclaré que la mesure en cause remplissait les conditions prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au seul motif que cette mesure ne pourrait pas remédier, à elle seule, à la perturbation grave de l’économie de la Finlande occasionnée par la flambée de COVID-19.

32      En second lieu, dans la mesure où la requérante soutient que la mesure en cause ne remédie pas à la perturbation grave de l’économie finlandaise, mais, au contraire, l’aggrave en ne profitant qu’à Finnair, il y a lieu de vérifier si la Commission a déclaré à juste titre que cette mesure contribuait à la réalisation de cet objectif visé à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, conformément à la jurisprudence exposée au point 29 ci-dessus.

33      En l’espèce, la requérante ne conteste pas que la pandémie de COVID-19 a entraîné une perturbation grave de l’économie finlandaise ni que le secteur du transport aérien dans son ensemble a été particulièrement touché par la crise causée par cette pandémie.

34      La requérante ne conteste pas non plus la conclusion selon laquelle la garantie de l’État et la mesure en cause sont si étroitement liées qu’elles doivent être considérées comme une seule intervention.

35      L’objet de ces deux mesures est, en substance, de fournir à Finnair suffisamment de liquidités pour maintenir sa viabilité et ses services de transport aérien pendant la période où la pandémie de COVID-19 perturbe gravement l’ensemble de l’économie finlandaise et d’éviter qu’une éventuelle faillite de Finnair ne perturbe davantage l’économie de l’État membre concerné (paragraphe 41 de la décision attaquée).

36      À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la faillite ou la défaillance de Finnair risquaient de perturber gravement l’économie finlandaise en raison du rôle majeur de cette dernière pour la connectivité nationale et internationale du pays ainsi que de son poids économique et social pour de nombreux fournisseurs et travailleurs en Finlande et a dès lors conclu que les mesures dont bénéficiaient Finnair contribuaient à la réalisation de l’un des objectifs cités à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, à savoir remédier à une perturbation grave de l’économie de ce pays (paragraphes 84 à 86 de la décision attaquée).

37      Sur ce point, d’une part, il y a lieu de constater que Finnair exploitait un réseau intérieur et international qui assurait la connectivité de la Finlande. En effet, Finnair était le principal transporteur aérien en Finlande en 2019 avec près de quinze millions de passagers transportés, soit 67 % de l’ensemble des passagers transportés vers, depuis et au sein de la Finlande cette année-là. Finnair desservait la majorité des aéroports régionaux finlandais et disposait d’un vaste réseau international, de plus de 100 liaisons, reliant la Finlande aux principaux centres d’affaires d’Europe et d’autres régions du monde [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, points 45 et 57].

38      En outre, Finnair était le principal opérateur de fret aérien en Finlande et disposait d’un réseau asiatique étendu. Si ce réseau était essentiel pour le commerce entre les entreprises finlandaises et asiatiques, il était d’autant plus important dans le cadre de la crise causée par la pandémie de COVID-19. En effet, Finnair exploitait quotidiennement des routes de fret vers la Corée du Sud, vers la Chine et vers le Japon afin de répondre à la demande finlandaise de produits pharmaceutiques et d’équipements médicaux nécessaires pour faire face au virus [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 47].

39      D’autre part, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission dans la décision attaquée, que Finnair avait un poids économique et social important en Finlande. En effet, Finnair était, en 2017, la seizième société la plus importante en Finlande au titre de sa contribution au produit intérieur brut (PIB) de ce pays, avec une valeur ajoutée s’élevant à 600 millions d’euros, et elle comptait, en 2019, environ 6 800 employés.

40      La requérante soutient que ces chiffres sont insuffisants, comparés au PIB de la Finlande (environ 241 milliards d’euros en 2019) ou au nombre total de personnes ayant un emploi (2,5 millions de personnes), pour justifier la mesure en cause. Toutefois, quand bien même la valeur ajoutée de Finnair ne constituerait qu’une partie du PIB finlandais et les employés de Finnair ne représenteraient qu’une fraction du nombre de personnes employées en Finlande, cela ne saurait remettre en cause l’importance de Finnair pour cette économie. En effet, il suffit de rappeler que Finnair transportait, à elle seule, 67 % de l’ensemble des passagers voyageant vers, depuis et au sein de la Finlande et qu’elle était la seule compagnie aérienne disposant de services, à intervalles réguliers, à destination de la plupart des aéroports régionaux finlandais tout au long de l’année. Un volume de 50 % des passagers transportés par Finnair sur ces vols intérieurs voyageait pour des raisons professionnelles. Finnair assure donc un rôle majeur dans le transport aérien de passagers dans un pays où, du fait du climat et de la géographie, les autres modes de transport ne sont pas toujours une alternative satisfaisante à l’aviation. De plus, pendant la pandémie, Finnair coopérait avec l’Huoltovarmuuskeskus (agence nationale d’approvisionnement d’urgence, Finlande) et utilisait son réseau international afin de répondre à la demande finlandaise d’équipements nécessaires pour faire face à la pandémie de COVID-19. Or, la sécurité de l’approvisionnement des produits pharmaceutiques et médicaux en question est stratégique tant pour protéger la santé des personnes résidant en Finlande que pour limiter les mesures de confinement et relancer rapidement l’économie finlandaise. De nombreuses entreprises finlandaises comptaient sur les services de fret fournis par Finnair et certaines comptaient aussi sur les achats de Finnair. En effet, les achats de Finnair auprès de ses fournisseurs s’élevaient à 1,9 milliard d’euros en 2019, dont 40 % provenaient d’entreprises finlandaises [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, points 44 à 53].

41      Au vu de ces éléments, la Commission a considéré à juste titre que, du fait du rôle majeur de Finnair pour la connectivité nationale et internationale de la Finlande et de son poids économique et social pour de nombreux fournisseurs et travailleurs finlandais, la mesure en cause contribuait à la réalisation d’un objectif cité à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à la perturbation grave de l’économie de ce pays et n’aggravait en aucun cas la perturbation de l’économie finlandaise, contrairement à ce que prétend la requérante.

42      Les autres arguments avancés par la requérante à cet égard ne sont pas de nature à modifier cette conclusion.

43      Premièrement, s’agissant des précédentes décisions de la Commission prises au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, la requérante fait valoir que celles qui visaient des entreprises, prises individuellement, concernaient des banques et un gestionnaire du réseau de chemins de fer d’un État membre. Elle soutient que si une banque peut avoir une importance systémique pour une économie et qu’un réseau ferroviaire peut jouer un rôle majeur pour l’économie et la population d’un pays, tel n’est pas le cas de Finnair.

44      Or, il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée). En tout état de cause, le seul fait que Finnair n’est ni une banque ni un gestionnaire de réseau de chemins de fer ne permet pas de considérer qu’elle n’est pas importante pour l’économie finlandaise. Ce seul fait n’est pas non plus susceptible d’établir que la mesure en cause ne contribuait pas à la réalisation d’un objectif visé à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur.

45      Deuxièmement, s’agissant des prétendues difficultés financières de Finnair avant la pandémie de COVID-19, d’une part, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas que cette compagnie aérienne n’était pas, avant la pandémie de COVID-19, une entreprise en difficulté au sens de l’article 2, point 18, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1).

46      D’autre part, le document intitulé « Informations financières 2019, Finnair », produit en annexe à la requête, invoqué par la requérante à l’appui de son argument ne révèle pas l’existence de difficultés touchant Finnair avant le début de la pandémie de COVID-19 qui auraient pu faire douter de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Au contraire, quand bien même les bénéfices de Finnair auraient diminué de 25 % en 2019 par rapport à ceux de 2018, ce document confirme que, en dépit de cette diminution, Finnair demeurait une entreprise rentable avant la pandémie de COVID-19.

47      Troisièmement, s’agissant de l’importance de Finnair pour la connectivité de la Finlande, la requérante fait valoir que la décision attaquée exagère cette importance, dans la mesure où deux tiers des billets vendus par cette compagnie aérienne seraient des billets destinés à assurer des correspondances. À cet égard, il suffit de rappeler que le nombre de passagers hors correspondance transportés par Finnair n’est pas le seul facteur qui a été pris en compte par la Commission pour conclure que la mesure en cause contribuait à la réalisation de l’un des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En effet, ainsi qu’il ressort des paragraphes 84 à 86 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte, certes, du transport de passagers, mais également du transport de fret, des emplois, des achats auprès de fournisseurs finlandais et de la contribution au PIB. Même en admettant que deux tiers des billets vendus par Finnair étaient des billets destinés à assurer des correspondances, il n’en reste pas moins que, avant la pandémie de COVID-19, Finnair jouait un rôle important dans la connectivité du pays (voir points 37 à 40 ci-dessus). Dans ces circonstances, l’argument de la requérante n’est pas susceptible d’établir que la mesure en cause ne contribuait pas à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise et que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de l’appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur.

48      Quatrièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas établi que la faillite de Finnair mettrait nécessairement en danger l’économie et la connectivité finlandaises, la requérante reproche plus particulièrement à la Commission de ne pas avoir démontré, d’une part, que Finnair aurait nécessairement fait faillite sans la mesure en cause et que toutes ses activités auraient alors cessé et, d’autre part, qu’aucune autre compagnie aérienne n’aurait été en mesure de s’adapter et d’exploiter les liaisons desservies précédemment par Finnair. La requérante estime que les faillites des compagnies aériennes Malev et Spanair montrent, à cet égard, que la faillite d’une compagnie nationale peut augmenter la connectivité d’un pays et faire prospérer son principal aéroport.

49      À cet égard, bien que la Commission ait considéré, dans la décision attaquée, que la faillite ou la défaillance de Finnair était susceptible de provoquer une perturbation grave de l’économie finlandaise, l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause ne nécessitait pas d’elle qu’elle s’assure que, en l’absence d’une intervention de l’État, Finnair aurait nécessairement cessé l’ensemble de ses activités. Il lui suffisait de constater que la mesure en cause était nécessaire au vu des graves difficultés que Finnair éprouvait pour maintenir ses activités du fait des risques qui pesaient sur sa solvabilité.

50      Sur ce point, il y a lieu de relever que la demande pour les vols tant intérieurs qu’internationaux souffrait gravement de la propagation de la COVID-19 et des restrictions de vols qui en résultaient. Il est constant que l’effondrement de la demande a eu un effet négatif immédiat et dramatique sur le flux de liquidités de Finnair. Au printemps de 2020, cette dernière avait annulé une grande partie de ses vols et avait dû, par la suite, rembourser les passagers (paragraphe 81 de la décision attaquée). Finnair avait alors tenté d’obtenir un financement sur les marchés du crédit, mais, en raison de la situation et des perspectives incertaines, elle n’avait pas pu couvrir tous ses besoins de liquidités. Au moment de l’adoption de la décision sur la garantie de l’État, elle avait réussi à obtenir une facilité de crédit et avait négocié une facilité de vente et de cession-bail de ses avions non grevés, afin d’obtenir des fonds supplémentaires. Finnair avait également mis en place d’importantes mesures transversales de réduction des coûts afin de préserver sa trésorerie.

51      Malgré ces mesures, sur la base des projections financières de Finnair pour les années 2020 à 2022, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que les fonds propres de l’entreprise diminueraient considérablement en comparaison avec la situation qui prévalait avant la pandémie de COVID-19. Compte tenu de ces projections, la Commission a estimé que, malgré le prêt garanti par l’État obtenu par Finnair, l’absence d’une augmentation de capital et l’impossibilité d’emprunter sur les marchés dans une mesure suffisante pour couvrir tous ses besoins de liquidités auraient pu exposer Finnair à une crise de liquidités et, par conséquent, au risque de ne pas pouvoir honorer ses obligations de paiement et de devoir se soumettre à une procédure d’insolvabilité (paragraphes 4, 80 et 81 de la décision attaquée).

52      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait qu’une autre compagnie aérienne ait éventuellement trouvé « d’autres solutions de marché » grâce à une opération de vente et de cession-bail ou à la réduction de ses effectifs n’est pas susceptible de remettre en cause ce qui précède.

53      En effet, force est de constater que Finnair a cherché d’autres solutions de financement, semblables à celles que la requérante mentionne dans ses écritures, avant d’adresser à la République de Finlande une demande écrite de recapitalisation, mais n’a pas réussi à obtenir sur les marchés un financement lui permettant de couvrir tous ses besoins de liquidités. En outre, la Commission a relevé que la recapitalisation en cause avait deux conséquences principales pour Finnair. D’une part, elle permettait d’augmenter les fonds propres de Finnair et donc d’améliorer son ratio d’endettement ainsi que ses perspectives de regagner l’accès aux marchés financiers à des conditions abordables. D’autre part, elle permettait d’injecter des liquidités dans Finnair. C’est pourquoi les autorités finlandaises et la Commission ont estimé que les liquidités obtenues grâce à la recapitalisation n’auraient pas pu l’être par d’autres moyens (paragraphe 42 de la décision attaquée). À l’inverse, aucun élément du dossier, notamment aucun élément fourni par la requérante, ne permet de conclure que d’« autres solutions de financement » auraient permis d’atteindre l’objectif visé par la mesure en cause tout en assurant que le résultat recherché soit obtenu dans ses deux composantes.

54      Dès lors, eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission a établi que la mesure en cause était nécessaire au vu des graves difficultés que Finnair éprouvait pour maintenir ses activités du fait des risques qui pesaient sur sa solvabilité.

55      Au demeurant, quand bien même les exemples de Malev et de Spanair, invoqués par la requérante, montreraient que la faillite d’une compagnie aérienne n’entraînerait pas nécessairement une perte de connectivité pour l’État membre concerné, il suffit de rappeler que l’importance de Finnair pour la connectivité du pays n’était pas le seul élément pris en considération pour juger de l’importance de celle-ci pour l’économie finlandaise (voir point 47 ci-dessus). La requérante ne présente en outre aucun élément susceptible d’éclairer le Tribunal sur les conséquences de ces deux faillites sur l’emploi, les fournisseurs et, in fine, la valeur ajoutée créée dans l’économie des deux États membres concernés. Dans ces conditions, l’analogie faite par la requérante entre ces faillites et le cas d’espèce ne saurait avoir d’incidence sur la constatation selon laquelle la mesure en cause remédiait à une perturbation grave de l’économie finlandaise.

56      De même, l’argument de la requérante selon lequel elle dispose d’une grande flotte d’aéronefs qui auraient pu rapidement être relocalisés pour remplacer Finnair en cas de cessation d’activités se concentre sur la connectivité de la Finlande et ignore les autres facteurs pris en compte, tels que l’emploi local, les fournisseurs locaux et la valeur ajoutée créée par cette dernière dans l’économie finlandaise.

57      Il résulte de tout ce qui précède que, si la mesure en cause entraîne, certes, une amélioration de la situation financière de Finnair, elle est toutefois nécessaire pour atteindre l’un des buts prévus par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise, et ce conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus. Par conséquent, il y a lieu de conclure que, dans le cadre de la première branche du troisième moyen, la requérante n’a présenté aucun indice probant de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

58      La présente branche doit donc être écartée.

–       Sur l’indice relatif à une violation du point 3.11 de l’encadrement temporaire

59      En substance, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû éprouver des doutes dès lors que la mesure en cause s’écartait de certaines exigences prévues au point 3.11 de l’encadrement temporaire.

60      La Commission, soutenue par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

61      Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la Commission bénéficie d’un pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 38 et jurisprudence citée). Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des règles de conduite afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne peut, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 69 et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 39 et 40).

62      Si, dans le domaine des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements qu’elle adopte, l’adoption de tels encadrements ne l’affranchit toutefois pas de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, points 70 à 72, et du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 41).

63      En l’espèce, les autorités finlandaises ont notifié la mesure en cause au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dans la décision attaquée, la Commission a examiné la mesure en cause à la lumière du point 3.11 de l’encadrement temporaire. Cependant, elle a renoncé à appliquer certaines exigences de cet encadrement afin de tenir compte des spécificités de cette mesure, à savoir la participation d’investisseurs privés et le fait que l’État en tant qu’actionnaire historique n’augmentait pas sa participation dans le capital de la bénéficiaire par rapport à celle qui était la sienne avant la pandémie. La Commission a précisé qu’elle appliquerait à l’avenir la même approche aux situations comparables présentant les mêmes caractéristiques et qu’elle engagerait la procédure de modification de l’encadrement temporaire afin d’y intégrer cette approche.

64      Le désaccord des parties porte ainsi sur les exigences prévues au point 3.11 de l’encadrement temporaire que la Commission n’a pas appliquées. Il s’agit, d’abord, de l’exigence selon laquelle les mesures individuelles de recapitalisation adoptées dans le contexte de la COVID‑19 comportent un mécanisme de hausse de la rémunération, qui augmente la rémunération de l’État, afin d’inciter la bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État, ensuite, de l’interdiction pour les bénéficiaires d’acquérir une participation supérieure à 10 % dans des entreprises concurrentes tant que 75 % au moins de ces mesures n’ont pas été remboursées et, enfin, de l’interdiction pour les bénéficiaires de distribuer des dividendes tant que lesdites mesures n’ont pas été remboursées intégralement. La requérante fait valoir que, ce faisant, la Commission a créé artificiellement une exception à l’encadrement temporaire et a violé les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. La Commission et la République de Finlande soutiennent, au contraire, qu’il existait des circonstances spécifiques qui, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, justifiaient l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE aux faits de l’espèce et, partant, l’inapplication des exigences susmentionnées.

65      À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que la mesure en cause, d’une part, s’inscrivait dans un cadre réglementaire marqué par des circonstances exceptionnelles provoquées par la pandémie de COVID-19 et, d’autre part, se caractérisait par des spécificités très particulières qui lui étaient propres.

66      En ce qui concerne le cadre réglementaire dans lequel s’inscrivait la mesure en cause, il y a lieu de relever que la pandémie de COVID-19 a entraîné des circonstances exceptionnelles. Les diverses mesures de confinement adoptées par les États membres, comme les mesures de distanciation sociale, les restrictions de déplacement, les mises en quarantaine et les mesures d’isolement, ont eu pour conséquence l’effondrement de la demande de transport aérien et ont directement et gravement frappé les entreprises actives dans ce secteur.

67      Les répercussions économiques de ces circonstances exceptionnelles exigeaient une action immédiate tant au niveau des États membres qu’au niveau de l’Union. À cette fin, la Commission a adopté l’encadrement temporaire le 19 mars 2020, soit quelques jours après que les premières mesures de confinement avaient été adoptées par les États membres, afin de permettre à ceux-ci d’agir avec l’urgence que requerrait la situation. Dans cette perspective, la Commission a indiqué, dans l’encadrement temporaire, les conditions que les mesures d’aide d’État temporaires devaient remplir pour qu’elles soient considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et soient autorisées très rapidement après leur notification par l’État membre concerné. Cet encadrement, au regard des circonstances d’extrême urgence prévalant lors de son adoption, ne pouvait envisager toutes les mesures que les États membres étaient susceptibles d’adopter en faveur des opérateurs économiques touchés par la crise causée par la pandémie de COVID-19. Pour tenir compte de l’évolution de la situation et des différents types de mesures que les États membres envisageaient d’employer pour faire face aux conséquences néfastes de cette pandémie, la Commission a procédé à la modification de l’encadrement temporaire à plusieurs reprises. Ainsi, notamment au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission s’apprêtait à engager la procédure pour modifier l’encadrement temporaire une nouvelle fois, afin qu’il tienne compte du type de mesures d’aide temporaires telles que celle en cause. Cette modification a finalement eu lieu le 29 juin 2020, soit une vingtaine de jours après l’adoption de la décision attaquée.

68      En ce qui concerne les spécificités de la mesure en cause, il y a lieu de constater que cette mesure présentait des caractéristiques très particulières que la Commission n’avait pas envisagées au moment de l’adoption de l’encadrement temporaire. En effet, d’une part, cette mesure n’avait pas pour objet d’augmenter la part de l’État, actionnaire historique, étant donné que celui-ci ne souscrivait les nouvelles actions qu’au prorata de sa participation antérieure. D’autre part, la mesure en cause prévoyait une importante participation privée. En effet, la participation des investisseurs privés à la recapitalisation de Finnair représentait au moins 30 % des nouveaux fonds propres injectés, des banques privées s’étant engagées à souscrire les nouvelles actions que les investisseurs privés actuels ou potentiels n’achèteraient pas. Ainsi que la République de Finlande l’a précisé, cet engagement des banques privées garantissait que la part de l’État n’augmenterait pas. Le mode de recapitalisation avait ainsi pour conséquence que le montant de l’aide d’État était bien inférieur à celui qui aurait été nécessaire sans cette participation privée. En somme, la recapitalisation de Finnair impliquait la participation simultanée et dans les mêmes conditions de capitaux tant publics que privés, étant précisé que le ratio entre les actions détenues par les actionnaires publics et celles détenues par les actionnaires privés demeurait inchangé.

69      C’est à la lumière de ces circonstances exceptionnelles et des caractéristiques très particulières de la mesure en cause qu’il convient de vérifier si les éléments avancés par la requérante devant le Tribunal étaient de nature à susciter des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

70      En premier lieu, s’agissant du mécanisme de hausse de la rémunération devant inciter la bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État, la requérante fait valoir que, en vertu du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, « toute » mesure de recapitalisation – sans exception – doit inclure un tel mécanisme. La Commission aurait dispensé à tort la République de Finlande de fournir une stratégie de revente par l’État de sa part de capital de Finnair résultant de la mesure en cause, alors qu’une telle stratégie serait pourtant requise par le point 3.11.7 de l’encadrement temporaire, intitulé « Stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation et obligations en matière d’information ». À cet égard, d’une part, la requérante soutient qu’il n’est pas justifié de traiter différemment les entreprises dans lesquelles l’État était actionnaire avant la pandémie de COVID-19 de celles dans lesquelles il ne l’était pas. Les traiter différemment, comme le ferait la Commission, dérogerait à la règle qui vise à réduire les distorsions de concurrence et violerait le principe de neutralité entre propriété publique et propriété privée énoncé à l’article 345 TFUE. D’autre part, la requérante fait valoir qu’il serait erroné de considérer, comme le ferait la Commission dans la décision attaquée, que le niveau relativement élevé de dilution des actionnaires existants justifierait de renoncer à l’exigence d’un mécanisme de hausse de la rémunération.

71      Sur ce point, comme le souligne certes la requérante, le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire prévoit que « [t]oute mesure de recapitalisation inclut un mécanisme de hausse de la rémunération (step up), qui augmente la rémunération de l’État, afin d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État ». Toutefois, ni le libellé du paragraphe 61, ni le contenu du point 3.11.7 de cet encadrement, également invoqué par la requérante, n’affranchit la Commission de son obligation de vérifier si un tel mécanisme de hausse de la rémunération est adapté au cas d’espèce, compte tenu des caractéristiques très particulières de la mesure en cause, et, si tel n’est pas le cas, d’appliquer directement l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

72      À cet égard, au paragraphe 74 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les incitations, prévues dans l’encadrement temporaire, à ce que l’État vende la part des fonds propres acquise à titre d’aide pour répondre à la pandémie de COVID-19 étaient inadaptées aux recapitalisations des entreprises déjà détenues en partie par l’État et dans lesquelles ce dernier et les investisseurs privés souscrivaient au prorata de leur participation antérieure. Ensuite, aux paragraphes 92 et 93 de cette décision, la Commission a indiqué que, si l’encadrement temporaire prévoyait un mécanisme de hausse de la rémunération de l’État en deux temps, la mesure en cause indiquait que les nouvelles actions, souscrites notamment par l’État, étaient offertes à un prix inférieur d’au moins 20 % à celui du cours des actions de Finnair au cours des quinze jours précédant la demande de recapitalisation. Dans ces conditions, la Commission a estimé que cette décote était suffisante pour que la République de Finlande soit suffisamment rémunérée et a conclu que d’autres hausses de la rémunération de l’État n’étaient pas nécessaires, au regard des paragraphes 60 à 62 de l’encadrement temporaire. Enfin, au paragraphe 111 de ladite décision, la Commission a considéré que, en raison de l’absence d’augmentation de la part détenue par l’État dans le capital de Finnair après la recapitalisation, une stratégie de sortie, telle que celle prévue au point 3.11.7 de l’encadrement temporaire, n’était pas requise.

73      La requérante ne remet pas en cause les appréciations de la Commission selon lesquelles, les nouvelles actions souscrites par l’État ayant un prix inférieur d’au moins 20 % à celui du cours des actions de Finnair, cette décote était suffisante pour que la République de Finlande soit suffisamment rémunérée. Elle reproche, en revanche, à la Commission d’avoir considéré que l’incitation à la revente par l’État de la part de capital acquise au titre de la mesure en cause, résultant des mécanismes de hausse de la rémunération prévus par l’encadrement temporaire, n’était pas appropriée dans le cas présent.

74      À cet égard, il y a lieu de relever que l’objectif des mécanismes de hausse de la rémunération prévus aux paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire est le rétablissement du statu quo ante.

75      Or, dans un cas comme celui de l’espèce où l’État achète de nouvelles actions au prorata de sa participation antérieure, appliquer les paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire et exiger de cet État qu’il vende la part de capital qu’il a acquise au titre de la mesure en cause l’obligerait en réalité à réduire sa part à un niveau inférieur à celui existant avant la mise en œuvre de la mesure en cause, ce qui aurait pour conséquence une modification de la structure du capital de la bénéficiaire. Dans un tel scénario, il ne serait pas exclu que l’État soit contraint de perdre la position d’actionnaire majoritaire qu’il détenait avant la recapitalisation. De telles conséquences iraient au-delà de l’objectif des mécanismes de hausse de la rémunération prévus aux paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire, tel qu’il est exposé au point 74 ci-dessus.

76      Dès lors, compte tenu des caractéristiques très particulières de la mesure en cause, il y a lieu de conclure que l’exigence d’un mécanisme de hausse de la rémunération, qui incite la bénéficiaire à racheter la part de capital acquise par l’État, prévue aux paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire, était, comme l’a constaté à juste titre la Commission, inappropriée.

77      Les autres arguments présentés par la requérante ne remettent pas en cause cette conclusion.

78      En effet, d’abord, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la pratique de la Commission invoquée à cet égard ne démontre pas qu’une réduction de la part de l’État dans le capital de Finnair par rapport à celle qu’il détenait avant la pandémie de COVID-19 aurait dû être exigée. Les exemples mentionnés par la requérante, à savoir deux précédentes décisions de la Commission concernant le Crédit Lyonnais et Alstom, concernaient, respectivement, une situation dans laquelle l’objectif de la privatisation était clairement assigné à la banque concernée et une situation dans laquelle l’État entrait au capital de l’entreprise en question. Or, ces situations se distinguent de celle mentionnée au point 75 ci-dessus. Au demeurant, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 44 ci-dessus, c’est dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure.

79      Ensuite, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait créé une différence de traitement entre les entreprises déjà détenues en partie par l’État et celles qui n’étaient pas déjà détenues en partie par l’État ne saurait prospérer. En effet, une mesure qui augmenterait la participation globale de l’État dans une entreprise qu’il détenait en partie avant la pandémie de COVID-19 et qui comporterait une aide d’État n’est pas comparable à la mesure en cause, compte tenu des caractéristiques particulières de celle-ci, et il ne saurait, dès lors, y avoir de différence de traitement entre les entreprises bénéficiant de ces deux catégories de mesures.

80      De même, l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé l’article 345 TFUE, qui pose le principe de neutralité des traités à l’égard du régime de propriété dans les États membres, ne peut prospérer. En effet, la mesure en cause ne concerne pas le régime de propriété dans les États membres en tant que tel.

81      Enfin, en ce qui concerne l’éventuelle interaction entre le niveau de dilution des actionnaires existants et l’exigence d’un mécanisme de hausse de la rémunération visée par l’argumentation de la requérante (voir point 70 ci-dessus), il suffit de relever que, en toute hypothèse, pour les raisons déjà exposées aux points 73 à 76 ci-dessus, un mécanisme de hausse de la rémunération n’était pas approprié dans les circonstances spécifiques caractérisant la mesure en cause.

82      Par conséquent, dans le cas particulier de Finnair – dans lequel la mesure d’aide est neutre pour la structure du capital de celle-ci, la participation concomitante du secteur privé est importante, la rémunération de l’État est suffisante et, partant, le risque de distorsion de concurrence est moindre –, il y a lieu de considérer que la Commission a établi à suffisance de droit, dans la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, que le cas d’espèce se distinguait des situations visées par l’encadrement temporaire. Dès lors, la circonstance selon laquelle la mesure en cause n’inclut pas une stratégie de sortie de l’État, notamment un mécanisme de hausse de la rémunération qui incite la bénéficiaire a' racheter la participation souscrite par l’État, ne constitue pas un indice de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

83      En deuxième lieu, s’agissant de l’interdiction d’acquisition, par la bénéficiaire, d’une participation supérieure à 10 % dans des entreprises concurrentes ou de la même ligne d’activité, prévue au paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, la requérante fait valoir que la Commission a illégalement autorisé la République de Finlande à appliquer cette interdiction pendant une durée de trois ans. La Commission aurait en effet considéré à tort qu’une telle exigence, prévue au paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, visait à inciter les investisseurs privés à acheter les actions acquises par l’État dans les entreprises privées aidées pendant la pandémie de COVID-19 et qu’elle n’était donc pas adaptée aux situations dans lesquelles l’État était un actionnaire historique. Selon la requérante, cette exigence visait en réalité à remédier aux distorsions de concurrence.

84      Il y a lieu de rappeler que, aux termes du paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, « [t]ant qu’au moins 75 % des mesures de recapitalisation COVID-19 n’ont pas été remboursées, les bénéficiaires autres que les PME ne peuvent pas acquérir une participation supérieure à 10 % dans des concurrents ou d’autres acteurs de la même ligne d’activité, ce qui inclut les activités en amont et en aval ».

85      À cet égard, il y a lieu de relever que cette interdiction d’acquisition poursuit un double objectif. D’une part, elle limite les distorsions indues de la concurrence en ce qu’elle empêche les bénéficiaires d’utiliser des ressources publiques pour financer des activités qui sont susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché, comme l’acquisition de participations dans des entreprises concurrentes ou de la même ligne d’activité. D’autre part, en ce que le paragraphe 74 de l’encadrement temporaire lie la levée de l’interdiction au remboursement d’au moins 75 % de la mesure d’aide, ladite interdiction incite la bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État au plus tôt.

86      Cependant, en l’espèce, comme cela a été exposé aux points 73 à 76 ci-dessus et ainsi que la Commission l’a expliqué au paragraphe 104 de sa décision, une telle exigence, liée au remboursement de 75 % de la mesure en cause, n’est pas appropriée, dans la mesure où un tel remboursement aurait pour conséquence d’obliger l’État membre concerné à réduire sa part dans le capital de la bénéficiaire à un niveau inférieur à celui qu’il détenait avant la pandémie de COVID-19. Dans ces conditions, la Commission pouvait conclure à bon droit que l’interdiction d’acquisition prévue au paragraphe 74 de l’encadrement temporaire ne pouvait être appliquée en l’espèce.

87      À la place, la République de Finlande a imposé à Finnair une interdiction de procéder à des acquisitions pour une durée de trois ans à compter de la date de l’apport en capital (paragraphe 25 de la décision attaquée). La Commission a considéré que cette durée était appropriée et proportionnelle à la nécessité de limiter toute distorsion indue de la concurrence (paragraphe 105 de la décision attaquée).

88      La requérante ne conteste pas, en tant que telle, la durée de l’interdiction proposée par la République de Finlande et acceptée par la Commission. Elle se contente de reprocher à la Commission d’avoir autorisé cet État membre à déroger à l’interdiction d’acquisition prévue au paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, au motif que les distorsions de concurrence seraient plus limitées lorsque la bénéficiaire de l’aide était une entreprise publique.

89      Toutefois, force est de constater que la Commission ne s’est pas fondée sur la nature publique ou privée de la bénéficiaire. En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 105 de la décision attaquée, afin de justifier la dérogation à l’interdiction d’acquisition prévue au paragraphe 74 de l’encadrement temporaire par les circonstances très spécifiques de l’espèce, la Commission s’est seulement fondée sur le fait que l’État n’augmentait pas le niveau de sa participation dans l’entreprise concernée, ce qui impliquait que cette exigence ne pouvait pas être appliquée en tant que telle, sans conduire à une modification importante dans la structure du capital de la bénéficiaire.

90      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission a établi à suffisance de droit, dans la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, que le cas d’espèce se distinguait des situations visées par le paragraphe 74 de l’encadrement temporaire. Dès lors, la circonstance que la Commission ait accepté une interdiction d’acquisition d’une durée de trois ans, au lieu de lier cette interdiction au remboursement de 75 % des fonds propres injectés par l’État, ne constitue pas un indice de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

91      En troisième lieu, s’agissant de l’interdiction de verser des dividendes, la requérante fait valoir que la Commission a renoncé à cette interdiction parce qu’elle réduisait l’intérêt des investisseurs privés à participer à la recapitalisation de Finnair, en ignorant que ce constat valait également pour les entreprises privées dans lesquelles l’État injectait pour la première fois des fonds propres au moyen d’une mesure d’aide. L’interdiction de verser des dividendes devrait garantir que la recapitalisation d’une entreprise par l’État n’est pas utilisée pour enrichir ses actionnaires. En levant l’interdiction de verser des dividendes, la Commission aurait créé une discrimination fondée sur la structure de l’actionnariat de l’entreprise concernée.

92      À cet égard, il convient de rappeler que l’encadrement temporaire prévoit, à son paragraphe 77, que la bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation ne peut pas distribuer des dividendes tant que ladite mesure n’a pas été remboursée intégralement.

93      Sur ce point, il y a lieu de préciser que l’interdiction de verser des dividendes vise à garantir le caractère temporaire de l’intervention de l’État – en incitant la bénéficiaire à racheter la part de l’État acquise au titre de la mesure d’aide – et à renforcer les fonds propres de la bénéficiaire.

94      En l’espèce, d’une part, comme il a été précisé aux points 73 à 76 ci-dessus, la Commission a considéré, à juste titre, qu’inciter la bénéficiaire à racheter la part de l’État acquise en application de la mesure en cause n’était pas approprié, compte tenu des caractéristiques particulières de la mesure en cause.

95      D’autre part, s’il est vrai que, comme le soutient la requérante, la perspective de ne pas recevoir un dividende réduit, en toute hypothèse, l’intérêt d’un investisseur privé à participer à une recapitalisation, il importe de relever que, comme le rappellent les paragraphes 73 et 94 de la décision attaquée, la mesure en cause repose sur une participation significative du secteur privé de manière à ce que la part de l’État dans le capital de Finnair demeure inchangée.

96      Compte tenu de cette caractéristique spécifique à la mesure en cause, il était important dans le cas d’espèce de permettre le versement de dividendes dès lors que cela constituait une incitation pour les actionnaires privés et les investisseurs privés à souscrire de nouvelles actions et à fournir ainsi à Finnair de nouveaux capitaux privés. En effet, la mesure en cause étant conçue de manière à réduire le plus possible le montant de l’aide, il était cohérent que, afin d’assurer que la contribution des investisseurs privés fût significative, ces derniers se voient assurés de percevoir des dividendes sur les nouvelles actions qu’ils souscrivaient.

97      Il en est d’autant plus ainsi que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19 ont eu pour conséquence inéluctable la détérioration du climat des investissements dans le secteur aérien. Ainsi, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la détérioration de ce climat était telle qu’elle avait conduit, comme le rappelle le paragraphe 43 de la décision attaquée, la République de Finlande à accorder une garantie de l’État à Finnair afin d’augmenter les chances que les secteurs publics et privés participent concomitamment à la recapitalisation de Finnair. La République de Finlande ne pouvait donc s’attendre à une importante participation des actionnaires privés et des investisseurs privés sans mettre en place des incitations.

98      Force est donc de constater que l’absence d’interdiction de versement de dividendes trouve sa justification dans le fait que l’État n’augmente pas sa participation par rapport à celle qui était la sienne avant la crise causée par la pandémie de COVID-19 du fait de la participation concomitante d’actionnaires et d’investisseurs privés à la recapitalisation de Finnair, ce qui réduisait le montant de l’aide. Ainsi, les dividendes versés aux actionnaires privés et aux investisseurs privés ne sont que la rémunération de leur investissement important dans Finnair, dans des circonstances de crise et un climat d’investissement morose.

99      Au demeurant, la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que la situation dans laquelle l’État entre dans le capital d’une entreprise privée au moyen d’une mesure d’aide, augmentant par principe la part de l’État dans le capital de celle-ci, est comparable à celle de la présente espèce, caractérisée par une participation de capitaux tant publics que privés, dans les mêmes conditions et au prorata de leur participation antérieure. Bien plus, pour les raisons exposées au point 95 ci-dessus, il y a lieu de considérer que ces situations sont différentes et que la décision attaquée n’a pas introduit de discrimination. Par conséquent, cet argument ne peut prospérer.

100    Eu égard à ce qui précède, la décision attaquée établit à suffisance de droit, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, que le cas d’espèce se distingue des situations visées par l’encadrement temporaire. Dès lors, le fait que la Commission a levé l’interdiction de verser des dividendes ne constitue pas un indice de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

101    Dans ces conditions, le seul fait que la Commission ait dérogé à l’application de certaines exigences de l’encadrement temporaire pour tenir compte des circonstances spécifiques, au sens de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, de la mesure en cause, à savoir que l’État était l’actionnaire historique majoritaire de la bénéficiaire et qu’il ne souscrivait les nouvelles actions qu’au prorata de sa participation antérieure, ne saurait suffire à démontrer qu’elle aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, qui auraient dû entraîner l’adoption d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

102    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas non plus violé les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

103    Il s’ensuit que, dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, la requérante n’a présenté aucun indice probant de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589. Cette branche doit donc être écartée.

–       Sur l’indice relatif à la méconnaissance de la prétendue obligation de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée

104    En substance, la requérante fait valoir que, lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide, elle est tenue de mettre en balance les effets positifs escomptés pour ce qui est de la réalisation des objectifs énoncés à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE avec les effets négatifs quant aux distorsions de la concurrence et à l’incidence de l’aide sur les échanges entre États membres. L’encadrement temporaire, notamment le point 1.2, obligerait d’ailleurs la Commission à effectuer une telle mise en balance. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que l’encadrement temporaire dispense la Commission de procéder ainsi, elle entend soulever une exception d’illégalité de l’encadrement temporaire, en vertu de l’article 277 TFUE, en ce que celui-ci violerait l’obligation de procéder à une mise en balance.

105    La Commission, soutenue par la République française et par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

106    Aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, « [p]euvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur [...] les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Il résulte du libellé de cette disposition que ses auteurs ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’Union tout entière que l’un ou l’autre de ses États membres fût en mesure de surmonter une crise majeure, voire existentielle, qui ne pouvait qu’avoir des conséquences graves sur l’économie de tout ou partie des autres États membres, et donc sur l’Union en tant que telle. Cette interprétation textuelle de la lettre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est confirmée par sa comparaison avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui concerne « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun », dans la mesure où le libellé de cette dernière disposition comporte une condition, relative à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui ne figure pas dans l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39).

107    Ainsi, pour autant que les conditions posées par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soient remplies, à savoir, en l’espèce, que l’État membre concerné soit bel et bien face à une perturbation grave de son économie et que les mesures d’aide adoptées pour remédier à cette perturbation soient, d’une part, nécessaires à cette fin et, d’autre part, appropriées et proportionnées, lesdites mesures sont présumées être adoptées dans l’intérêt de l’Union, de sorte qu’il n’est pas requis par cette disposition que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En d’autres termes, une telle mise en balance n’aurait pas de raison d’être dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, son résultat étant présumé positif. Qu’un État membre parvienne à remédier à une perturbation grave de son économie ne peut en effet que profiter à l’Union en général et au marché intérieur en particulier (arrêt du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T‑238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 68).

108    Il convient par conséquent de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’obligation de mise en balance résulterait du caractère exceptionnel des aides compatibles, y compris celles déclarées compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Pour les mêmes raisons, elle n’est pas fondée à se prévaloir des arrêts du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130), et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T‑68/15, EU:T:2018:563, points 210 à 214) [voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T‑238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 69, et du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, points 70 et 71].

109    La requérante ne saurait non plus convaincre lorsqu’elle affirme que le caractère obligatoire d’une mise en balance découlerait de l’encadrement temporaire dès lors qu’une telle obligation ne figure pas dans celui-ci. En particulier, le point 1.2 de cet encadrement auquel elle se réfère, relatif à la « nécessité d’une étroite coordination européenne des mesures d’aide nationales », est composé d’un seul point, le point 10, qui ne contient aucune prescription à cet égard.

110    Il s’ensuit que la Commission n’avait pas l’obligation de procéder, dans la décision attaquée, à la mise en balance exigée par la requérante. Si la requérante excipe de l’illégalité de l’encadrement temporaire, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas, ainsi qu’il résulte du point 107 ci-dessus, que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. Dès lors, l’encadrement temporaire, lequel ne prévoit pas une telle mise en balance, ne saurait méconnaître cette disposition.

111    À l’issue de l’examen des arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen, il y a lieu de constater que celle-ci n’a présenté aucun indice probant de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589. Par conséquent, il convient d’écarter cette branche.

–       Sur l’indice relatif à une erreur d’appréciation du caractère significatif du pouvoir de marché de Finnair

112    En substance, la requérante soutient que la Commission a violé l’encadrement temporaire, en ce qu’elle aurait uniquement examiné le marché des services aéroportuaires lors de l’appréciation du caractère significatif du pouvoir de marché de Finnair. Pour déterminer ce caractère significatif, il y aurait lieu d’utiliser l’« approche O & D », à savoir examiner les marchés de services de transport aérien de passagers définis par paires de villes entre un point d’origine et un point de destination (ci-après les « marchés O & D »). La requérante invoque à cet égard la pratique de la Commission en matière de droit des concentrations. Pour attester du pouvoir de marché significatif de Finnair sur les marchés O & D, la requérante invoque la part globale de cette compagnie aérienne dans le transport de passagers au départ et à destination de l’aéroport d’Helsinki qui était de 68,4 % en 2019. La requérante prétend également que la Commission a omis d’examiner les barrières à l’entrée autres que la congestion des aéroports.

113    La Commission, soutenue par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

114    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, si la bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation prise dans le contexte de la COVID-19 d’un montant supérieur à 250 000 000 euros est une entreprise ayant un pouvoir de marché significatif sur au moins l’un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. La notion de « pouvoir de marché significatif » n’est pas définie par l’encadrement temporaire et celui-ci ne donne pas non plus d’indications quant à l’approche à suivre pour définir les marchés concernés.

115    En l’espèce, il importe de rappeler que la mesure en cause entend remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise causée par la pandémie de COVID-19 et que, à cette fin, elle entend principalement permettre à Finnair de maintenir sa viabilité et ses services de transport aérien.

116    Cependant, comme la Commission l’a relevé au paragraphe 98 de la décision attaquée, en maintenant la viabilité de Finnair, la mesure en cause lui permet aussi de conserver des créneaux horaires et d’autres actifs qu’elle n’aurait pas nécessairement pu conserver sans ce soutien. Ces créneaux horaires et ces autres actifs peuvent être utilisés sur toutes les liaisons à destination et en provenance d’un aéroport desservi par Finnair en fonction, par exemple, de la demande, mais aussi des diverses mesures de confinement adoptées par les États.

117    À cet égard, dès lors que la mesure en cause visait à maintenir dans la mesure du possible l’ensemble des activités de Finnair et qu’elle ne ciblait pas des liaisons particulières, il y a lieu de constater qu’elle était susceptible de produire les mêmes effets sur toutes les combinaisons de liaisons que Finnair pouvait effectuer grâce aux créneaux horaires et aux autres actifs qu’elle parvenait à conserver. La Commission a donc constaté à bon droit, au paragraphe 99 de la décision attaquée, que, pour déterminer le pouvoir de marché de Finnair, elle pouvait examiner la présence ou, à l’inverse, l’absence de contrainte concurrentielle exercée sur cette compagnie aérienne dans les aéroports où elle détenait des créneaux horaires. La Commission a effectué cette appréciation sur la base, notamment, du niveau de congestion de l’aéroport concerné et de la part des créneaux détenus par Finnair dans cet aéroport.

118    Au paragraphe 100 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Finnair effectuait essentiellement des prestations de services de transport aérien de passagers à l’arrivée et au départ de sa principale base et plateforme (hub), à savoir l’aéroport d’Helsinki.

119    La requérante n’identifie pas d’aéroports autres que celui d’Helsinki que la Commission aurait dû examiner.

120    Dans cet aéroport, la part de créneaux horaires détenus par Finnair par rapport à la totalité des créneaux horaires dans cet aéroport était inférieure à 25 % en 2019 (paragraphe 100 de la décision attaquée). En outre, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, cet aéroport n’est pas congestionné, même aux heures de pointe, ce que la requérante ne conteste pas et ce que la République de Finlande a confirmé dans son mémoire en intervention. Des créneaux horaires sont disponibles, à n’importe quelle heure de la journée, pour les nouveaux entrants, y compris ceux voulant concurrencer Finnair, sur une liaison ou une autre.

121    Pour ces raisons, la Commission a considéré que Finnair ne disposait pas d’un pouvoir de marché significatif à l’aéroport d’Helsinki (paragraphe 101 de la décision attaquée).

122    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante fondé sur le fait que Finnair a transporté, au total, 68,4 % de tous les passagers au départ et à destination de l’aéroport d’Helsinki en 2019. En effet, cet argument présenté par la requérante ne suffit pas pour établir que Finnair détenait un pouvoir de marché significatif dans cet aéroport, étant donné que celui-ci n’était pas congestionné et que des créneaux horaires y étaient largement disponibles pour les concurrents existants et les nouveaux entrants, à toute heure de la journée, y compris aux heures de pointe, de sorte qu’ils pouvaient exercer une pression concurrentielle effective sur Finnair pour n’importe laquelle des liaisons au départ et à destination de cet aéroport.

123    Afin de contester cette conclusion, la requérante se contente de soutenir que le niveau de congestion de l’aéroport d’Helsinki et le nombre de créneaux horaires détenus par Finnair ne disent rien de l’existence d’un éventuel pouvoir de marché significatif de cette compagnie aérienne sur les différentes paires de villes qu’elle dessert.

124    Toutefois, au regard des éléments exposés au point 120 ci-dessus, il y a lieu de constater que la part des créneaux horaires détenus par Finnair ne lui permet pas de perturber les différents marchés O & D au départ ou à destination de l’aéroport d’Helsinki, dans la mesure où un grand nombre de créneaux horaires demeure disponible. Au demeurant, la requérante ne présente aucun élément concret de nature à établir l’absence d’une contrainte concurrentielle exercée sur les différentes liaisons desservies par Finnair.

125    En outre, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Commission devait examiner l’existence éventuelle d’un pouvoir de marché significatif de Finnair également sur chacune des liaisons desservies par elle, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’il est fait grief à la Commission de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen, il appartient à la partie requérante de démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont disposait ou pouvait disposer la Commission à la date où elle a adopté la décision qui est attaquée aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 20 à 22 ci-dessus. En l’espèce, cela signifie que la requérante devait, à tout le moins, identifier les marchés O&D concernés et décrire la situation concurrentielle sur ces marchés à la date où la Commission a adopté la décision attaquée.

126    Or, la requérante ne présente aucun élément concret de nature à éclairer le Tribunal sur l’éventuelle existence d’un pouvoir significatif de marché de Finnair sur un quelconque marché O&D sur lequel cette dernière exerce ses activités.

127    Les seules barrières susceptibles de dissuader un entrant de venir concurrencer la bénéficiaire dont fait état la requérante sont le contrôle de l’État sur Finnair et sur Finavia (gestionnaire de l’aéroport d’Helsinki), la capacité de Finnair de vendre à perte et le contexte de la pandémie de COVID-19. Cependant, aucun de ces arguments n’est suffisamment étayé pour prospérer.

128    En effet, à l’appui du premier argument, la requérante fait valoir que le contrôle de l’État sur Finavia a découragé cette dernière de coopérer avec des compagnies aériennes à bas coûts pour le développement des aéroports régionaux. La requérante allègue également que Finnair a été favorisée à l’aéroport d’Helsinki, en ce que ses redevances aéroportuaires seraient moindres que celles des autres compagnies aériennes. Pour étayer cet argument, la requérante mentionne la décision de la Commission du 25 juillet 2012 concernant la mesure SA.23324 – C 25/07 (ex NN 26/07) – Finlande Finavia, Airpro et Ryanair – Aéroport de Tampere-Pirkkala (JO 2013, L 309, p. 27), sans toutefois indiquer les raisons pour lesquelles cette décision, qui ne concerne pas l’aéroport d’Helsinki, est susceptible de corroborer cet argument. En toute hypothèse, l’argument de la requérante concerne le comportement du gestionnaire de l’aéroport d’Helsinki, Finavia, et non celui de la bénéficiaire. À supposer même que les allégations de la requérante soient fondées, les mesures correctives qui devraient être éventuellement prises concerneraient Finavia et non Finnair, de sorte que ces allégations vont au-delà de l’objet du présent litige.

129    À l’appui du deuxième argument, la requérante se réfère à un document, intitulé « Ryanair Holdings PLC – COVID-19 Mise à jour sur le marché », annexé à la requête, datant du 1er mai 2020, et dont elle est l’auteur. Or, ce document ne contient aucun élément de nature à démontrer que Finnair vendrait à perte du fait de la mesure en cause.

130    À l’appui du troisième argument, la requérante se contente de faire valoir que le contexte de la pandémie de COVID-19 rend très improbable toute nouvelle entrée sur le marché finlandais du transport aérien ou une expansion de ce marché. Toutefois, comme le fait remarquer la Commission, la requérante ne précise pas la manière dont les répercussions de la pandémie auraient pu être prises en compte en tant que barrières à l’entrée. Cet argument entre également en contradiction avec l’affirmation faite par la requérante, au point 7 de ses observations sur le mémoire en intervention de la République de Finlande, selon laquelle sa récente expansion en Finlande démontre la capacité d’autres compagnies aériennes que Finnair à opérer et à se développer en Finlande pendant la crise causée par la COVID-19. Eu égard à ce qui précède, cet argument doit être écarté.

131    Eu égard à l’ensemble de ces considérations et au vu de l’absence de preuves ou d’offres de preuve de nature à appuyer ses allégations, il y a lieu de conclure que, dans le cadre de la quatrième branche du troisième moyen, la requérante n’a présenté aucun indice probant de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589. Cette branche doit donc être écartée.

–       Sur l’indice relatif à la violation du principe de non-discrimination

132    Afin de démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, la requérante soutient que ladite mesure viole le principe de non-discrimination. En particulier, la requérante fait valoir que la décision attaquée a traité différemment la situation comparable des compagnies aériennes exploitant des lignes au départ et à destination de la Finlande en favorisant Finnair sans aucune justification objective. La Commission n’aurait établi ni la nécessité d’octroyer l’aide uniquement à Finnair ni la proportionnalité de la différence de traitement entre Finnair et les autres compagnies aériennes. Elle ajoute que si l’aide était allouée à toutes les compagnies aériennes opérant en Finlande, en fonction de leur part de marché, l’objectif de la mesure serait atteint sans discrimination. La requérante en déduit que la mesure en cause est un « instrument de nationalisme économique évident », ainsi que le communiqué de presse du gouvernement finlandais le confirmerait.

133    La Commission, soutenue par la République française et par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

134    Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).

135    Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).

136    Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

137    Il est, certes, vrai que les autres compagnies aériennes contribuent dans une certaine mesure à la connectivité de la Finlande et qu’elles sont tout autant que Finnair affectées par la pandémie de COVID-19 et les restrictions de voyage qui en ont découlé. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir la Commission, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier à la perturbation grave d’une économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 54]. En outre, comme il a été précisé aux points 30 et 31 ci-dessus, une aide peut être destinée à remédier à la perturbation grave de l’économie d’un État membre, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas, à elle seule, à une telle perturbation. Dès lors, la République de Finlande ne saurait être tenue d’accorder une aide à toutes les entreprises qui contribuent, dans une mesure ou une autre, à la connectivité de son territoire.

138    Par ailleurs, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que la mesure en cause, ne profite, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 81].

139    En tout état de cause, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne profite qu’à Finnair, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre. De même, pour autant que la requérante fait référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne profite qu’à Finnair, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 82].

140    S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, il est constant que la pandémie de COVID-19 a gravement perturbé l’économie finlandaise et qu’elle a eu des effets négatifs majeurs sur le marché finlandais du transport aérien. Dans ce contexte, pour les raisons exposées aux points 39 à 41 ci-dessus, l’objectif de la mesure en cause, à savoir maintenir la viabilité et les services de transport aérien de Finnair, était de nature à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise.

141    S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause, comme la Commission l’a relevé aux paragraphes 84 et 85 de la décision attaquée et ainsi qu’il ressort des points 37 à 41 ci-dessus, Finnair contribuait de manière significative au développement économique et au commerce extérieur de la Finlande tant par son rôle majeur pour la connectivité nationale et internationale du pays que par son poids économique et social pour de nombreux fournisseurs et travailleurs finlandais.

142    Selon la requérante, ces circonstances ne permettent pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. La mesure en cause ne serait pas proportionnée en ce qu’elle accorderait à Finnair l’intégralité de l’aide alors que la part de cette dernière dans la connectivité de la Finlande se situerait entre 45 et 67 %.

143    Toutefois, compte tenu de son rôle majeur en matière de connectivité nationale et internationale ainsi que de son poids économique et social en Finlande, tels qu’ils ont déjà été établis dans le cadre de la première branche du troisième moyen, il y a lieu de constater qu’assurer la continuité des activités économiques de Finnair était davantage susceptible de contribuer à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise que maintenir les activités des autres compagnies aériennes qui opéraient – dans une moindre mesure que Finnair – en Finlande. En particulier, il ne ressort d’aucune pièce du dossier dont dispose le Tribunal que la requérante ou une autre compagnie aérienne, de par leur rôle dans la connectivité nationale et internationale de la Finlande ainsi que leur poids économique et social pour ce pays, avait une importance comparable à celle de Finnair pour l’économie finlandaise et sa reprise.

144    S’agissant de la question de savoir si la mesure en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, la Commission a relevé, au paragraphe 89 de la décision attaquée, que l’augmentation de capital prévue, notamment la participation de l’État, était inférieure aux pertes prévues. Elle en a conclu que la mesure en cause n’allait pas au-delà du rétablissement de la structure capitalistique de Finnair telle qu’elle existait au 31 décembre 2019, soit avant la pandémie de COVID-19.

145    La requérante ne conteste pas ces faits. Elle se contente de faire valoir que la mesure en cause est disproportionnée en ce qu’elle vise uniquement Finnair et de soutenir qu’il s’agirait d’une mesure de « nationalisme économique évident ».

146    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune obligation, pour la Commission, d’examiner si, outre le maintien de Finnair, la République de Finlande devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide dès lors que la décision sur la garantie de l’État ainsi que la décision attaquée établissent à suffisance de droit la nécessité de préserver la contribution de Finnair à l’économie finlandaise.

147    D’autre part, il importe de rappeler qu’une aide qui remplit les conditions prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, comme c’est le cas en l’espèce, peut être accordée à une entreprise détenue, majoritairement, par l’État membre concerné. Dès lors, quand bien même le communiqué de presse du gouvernement finlandais invoqué par la requérante et produit en annexe à la requête soulignerait que la République de Finlande agirait comme une « propriétaire responsable », cela ne suffirait pas à établir que la mesure en cause serait une mesure de « nationalisme économique ». Par ailleurs, force est de constater que ledit communiqué de presse évoque l’importance des liaisons assurées par Finnair pour la sécurité de l’approvisionnement de la Finlande, pour le transport de marchandises et pour le transport de passagers ainsi que l’influence de cette entreprise sur l’économie nationale. Il tend donc à confirmer les appréciations de la Commission quant à l’importance de Finnair pour remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise.

148    Il s’ensuit que, en toute hypothèse et pour autant que la différence de traitement instituée par la mesure en cause puisse être assimilée à une discrimination, il était justifié d’accorder le bénéfice de la mesure en cause uniquement à Finnair.

149    Par conséquent, il n’est pas établi que la Commission aurait dû éprouver des doutes, au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, lors de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. La simple évocation par la requérante de la prétendue pratique de la Commission au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE n’est pas de nature à modifier cette conclusion.

–       Sur l’indice relatif à la violation de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement

150    En substance, la requérante fait valoir que, en ce qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif déclaré de l’aide, la mesure en cause restreint de manière injustifiée la libre prestation des services et la liberté d’établissement, ce qui susciterait des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. À cet égard, la requérante soutient qu’accorder l’aide en cause uniquement à Finnair entraîne une fragmentation du marché intérieur et, dans le cas des compagnies aériennes, restreint leurs droits de fournir librement des services de transport aérien au sein du marché intérieur tels qu’ils leur sont accordés par le régime des licences européennes d’exploitation prévu par le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3).

151    La Commission, soutenue par la République française et la République de Finlande, conteste cette argumentation.

152    Il convient de rappeler que la libre prestation des services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation des services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C‑382/08, EU:C:2011:27, point 22).

153    C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transports aériens peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 38). Le législateur de l’Union a d’ailleurs adopté le règlement no 1008/2008 sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 24).

154    En l’espèce, il convient de relever que la requérante fait valoir, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, en ce qu’elle profite uniquement à Finnair.

155    Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne profite qu’à Finnair, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à dissuader des transporteurs aériens de s’établir en Finlande ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, ainsi qu’il a été jugé aux points 139 à 148 ci-dessus, ces effets sont nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

156    Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services ni a fortiori à alléguer que la Commission aurait dû éprouver des doutes à cet égard.

157    Il résulte de tout ce qui précède que, dans le cadre du troisième moyen du recours, la requérante n’a pas rapporté la preuve de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589. Il convient donc d’écarter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation

158    La requérante fait valoir que la Commission a omis d’apprécier un certain nombre d’éléments essentiels pour déterminer la compatibilité de l’aide avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et l’encadrement temporaire. Premièrement, la Commission aurait omis de déterminer comment une mesure ciblant Finnair pourrait, à elle seule, remédier à une perturbation grave de l’économie finlandaise. Deuxièmement, la Commission aurait omis de donner les raisons pour lesquelles Finnair n’avait aucun moyen de recapitalisation à sa disposition autre que la mesure en cause. Troisièmement, la Commission aurait omis d’expliquer comment un niveau de dilution plus élevé des actionnaires existants pouvait se substituer à l’incitation au rachat de la participation de l’État par Finnair. Quatrièmement, la Commission aurait omis de procéder, même de manière succincte, à un test de mise en balance des effets positifs et des effets négatifs de la mesure en cause. Cinquièmement, la Commission aurait omis de donner les raisons pour lesquelles le pouvoir de marché de Finnair devait être évalué exclusivement au regard du niveau de congestion de l’aéroport d’Helsinki ainsi que celles pour lesquelles elle ne disposait pas d’un tel pouvoir. Sixièmement, la Commission aurait omis d’apprécier si la mesure en cause était non discriminatoire et si elle respectait les principes de libre prestation des services et de libre établissement.

159    La Commission, soutenue par la République de Finlande, conteste cette argumentation.

160    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par ledit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79, et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 125).

161    En premier lieu, s’agissant de la motivation en ce qui concerne la capacité de la mesure en cause à remédier à elle seule à la perturbation grave de l’économie finlandaise, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. Partant, la Commission n’avait pas à présenter de motifs à cet égard.

162    En deuxième lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne les autres moyens pour Finnair d’augmenter ses fonds propres, la Commission a expliqué de façon suffisamment claire et précise, ainsi qu’il résulte des points 49, 51 et 53 ci-dessus, les raisons pour lesquelles elle a considéré que les autorités finlandaises avaient établi qu’il n’y avait pas d’autres moyens de trouver des fonds propres à court terme.

163    En troisième lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’éventuelle interaction entre le niveau de dilution des actionnaires existants et le rachat de la participation de l’État par Finnair, force est de constater que, en tout état de cause, ainsi qu’il résulte du point 72 ci-dessus, la Commission a indiqué à suffisance de droit, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles la mesure en cause remplissait les conditions prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, quand bien même elle ne comporterait pas de mécanisme de hausse de la rémunération.

164    En quatrième lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la mise en balance des effets positifs et négatifs de la mesure en cause, il suffit de relever que, comme il ressort des points 106 à 110 ci-dessus, cette mise en balance n’est pas requise par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ni par l’encadrement temporaire. Partant, la Commission n’avait pas à présenter de motifs à cet égard.

165    En cinquième lieu, s’agissant de la motivation relative au pouvoir de marché significatif de Finnair, la lecture des paragraphes 98 à 102 de la décision attaquée permet de constater que la Commission a suffisamment présenté son approche quant à cette question, les raisons pour lesquelles elle avait choisi cette approche et les motifs sous-tendant la conclusion selon laquelle cette compagnie aérienne ne disposait pas d’un tel pouvoir.

166    En sixième lieu, s’agissant de la motivation au regard des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de libre établissement, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient les éléments, mentionnés au point 36 ci-dessus, permettant de comprendre l’importance particulière de Finnair pour la connectivité et l’économie de la Finlande ainsi que les raisons pour lesquelles la République de Finlande a choisi cette compagnie comme seule bénéficiaire de la mesure en cause.

167    Il s’ensuit que la décision attaquée est suffisamment motivée et qu’il convient, en conséquence, d’écarter le quatrième moyen.

168    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

169    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

170    Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République française et la République de Finlande supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair DAC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République française et la République de Finlande supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Hesse

 

      Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.