Language of document : ECLI:EU:C:2008:697

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 9 décembre 2008 (1)

Affaire C‑572/07

RLRE Tellmer Property s.r.o.

contre

Finanční ředitelství v Ústí nad Labem

[demande de décision préjudicielle présentée par le Krajský soud v Ústí nad Labem (République tchèque)]

«Droit fiscal – Harmonisation – Taxe sur la valeur ajoutée –Interprétation des articles 6 et 13, B, sous b), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Neutralité de la taxe – Exonérations en vertu de la sixième directive – Exonération de la location de biens immeubles – Location d’une habitation ou d’un espace à usage autre que d’habitation – Nettoyage des espaces communs d’un immeuble en location lié à la location»





I –    Introduction

1.        En présentant sa demande de décision préjudicielle en application de l’article 234 CE, le Krajský soud v Ústí nad Labem (République tchèque, ci-après le «juge de renvoi») pose à la Cour deux questions portant sur l’interprétation des articles 6 et 13, B, sous b), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2) (ci-après la «sixième directive»).

2.        Cette demande a été formulée dans le cadre d’un litige entre la société RLRE Tellmer Property s.r.o. (ci-après la «requérante») à l’administration fiscale nationale (Finanční ředitelství, ci-après la «défenderesse»), qui porte sur le montant de l’exonération de TVA des revenus tirés de la location d’habitations. Les parties au litige au principal s’opposent en particulier sur la question de savoir si le nettoyage des espaces communs d’un immeuble en location, qui est lié à la location, est une activité économique soumise à la TVA.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

3.        En vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive, les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays sont en principe soumises à la TVA.

4.        L’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive précise:

«Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.

Cette opération peut consister entre autres:

–        en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre,

–        en une obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation,

–        en l’exécution d’un service en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi.»

5.        L’article 13, B, sous b), de la sixième directive réglemente comme suit l’exonération de TVA pour la location d’habitations:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

b)       l’affermage et la location de biens immeubles, à l’exception:

1.       des opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;

2.       des locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules;

3.       des locations d’outillages et de machines fixés à demeure;

4.       des locations de coffres-forts.

Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de cette exonération».

B –    Droit national

6.        L’application de la TVA en République tchèque est régie depuis l’adhésion à l’Union européenne par la loi n° 235/2004 relative à la TVA. L’article 56, paragraphe 4, de cette loi, qui est intitulé «Cession et location de terrains, d’immeubles, d’appartements et de locaux à usage autre que d’habitation, location d’autres installations», dispose ce qui suit quant à l’exonération de TVA applicable à la location de biens:

«La location de terrains, d’immeubles, d’appartements et de locaux à usage autre que d’habitation est exonérée de la taxe. L’exonération ne vise pas la location à court terme d’immeubles, la location de locaux et d’emplacements pour le stationnement des véhicules, la location de coffres-forts ou d’outillages et de machines fixés à demeure. On entend par location à court terme la location incluant l’équipement intérieur mobilier, le cas échéant la fourniture d’électricité, de chauffage, de gaz ou d’eau, pour une période maximale de 48 heures sans interruption.»

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

7.        La requérante est propriétaire d’immeubles comportant des habitations en location. En plus du loyer régulier, elle perçoit de ses locataires des sommes – faisant l’objet d’une facturation distincte – pour le nettoyage des espaces communs effectué par ses concierges.

8.        Après avoir constaté une déduction excessive de TVA, les autorités fiscales ont décidé de majorer la TVA due pour le mois de mai 2006 de 115 911 CZK au titre des recettes tirées des activités de nettoyage. Après que la direction fiscale de Ústí nad Labem eut confirmé, le 5 février 2007, la décision prise par le bureau des finances de Litvínov le 20 septembre 2006, la requérante a introduit un recours devant le juge de renvoi.

9.        La requérante fait valoir que cette activité économique est exonérée de TVA. Elle estime que la location et les services liés à l’utilisation de l’habitation constituent des prestations indissociables. Elle renvoie dans ce contexte au droit communautaire, en particulier à la jurisprudence de la Cour qui montre que des prestations indissociables sont soumises à un seul régime de TVA, en l’espèce celui de la location exonérée de TVA.

10.      Le juge de renvoi a des doutes sur l’interprétation des dispositions juridiques applicables, cette incertitude concernant non seulement le droit national, mais aussi le droit communautaire. Il a alors décidé de suspendre la procédure et de déférer les questions suivantes à titre préjudiciel à la Cour:

«1)      Les dispositions de l’article 6 (prestations de services) et de l’article 13 (exonérations) de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, peuvent-elles être interprétées en ce sens que la location d’un appartement (le cas échéant d’un local à usage autre que d’habitation), d’une part, et le nettoyage afférent des espaces communs, d’autre part, peuvent être considérés comme des prestations imposables, indépendantes et dissociables l’une de l’autre.

2)      En cas de réponse négative à la première question – ce que suppose le Krajský soud v Ústí nad Labem –, ce dernier juge utile de demander à la Cour si la disposition de l’article 13 de la directive précitée, à savoir le point B, sous 1), i) exige, ii) exclut l’application de la taxe sur la valeur ajoutée aux frais de nettoyage des espaces communs d’une maison d’habitation louée ou iii) laisse à l’État membre le soin d’en décider l’application.»

IV – Procédure devant la Cour

11.      L’ordonnance de renvoi, datée du 17 décembre 2007, est parvenue au greffe de la Cour le 24 décembre 2007.

12.      La défenderesse au principal, les gouvernements tchèque et hellénique, ainsi que la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice.

13.      À l’audience du 6 novembre 2008, les conseils de la requérante au principal, les gouvernements tchèque et hellénique ainsi que la Commission ont comparu pour présenter leurs observations.

V –    Principaux arguments des parties

14.      La requérante au principal a expliqué à l’audience la pratique actuelle en matière de déduction des prestations de nettoyage en République tchèque. Elle a par ailleurs fait valoir que la location de logements et le nettoyage d’espaces communs constituent une prestation unique qui n’est pas soumise à la TVA. Elle a par ailleurs souligné la nécessité d’une interprétation uniforme de la notion de «location de biens immeubles» par la Cour en vue d’éviter des interprétations divergentes dans les États membres.

15.      La défenderesse au principal a déclaré, en se référant aux dispositions légales du code civil de la République tchèque en matière de location, que, en tant qu’objet d’un contrat de location, une habitation se compose d’un ensemble de pièces qui remplissent toutes les conditions pour y loger en raison de leurs caractéristiques techniques et fonctionnelles et de leur aménagement. Elle prétend que les espaces communs ne pourraient pas être loués à une fin autre que l’habitation d’un point de vue juridique et pratique. Elle propose, dès lors, de répondre par l’affirmative à la première question.

16.      En ce qui concerne la seconde question, la défenderesse s’interroge sur la nécessité d’interpréter la sixième directive dans le cadre de la présente procédure, dans la mesure où la réglementation nationale élaborée en conformité avec le droit communautaire fournit une réponse claire quant à l’exonération de la location de biens immeubles et non de tous les services fournis en tant que services indépendants bien qu’ils aient un rapport avec la prestation exonérée en cause.

17.      Le gouvernement tchèque estime qu’il faut comprendre les questions préjudicielles du juge de renvoi en ce sens que ce dernier demande à la Cour d’apprécier si, dans une situation où le bailleur fournit au locataire, outre la location proprement dite, une prestation sous la forme de nettoyage d’espaces communs d’un immeuble en location, la prestation de nettoyage en cause et la location constituent ensemble une prestation complexe et si, en tant que telle, elle relève de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive.

18.      Le gouvernement tchèque rappelle, en outre, que la finalité principale de la notion de prestation complexe est d’éviter d’affecter inutilement le système de la TVA, ce qui pourrait résulter d’une dissociation artificielle d’une prestation homogène du point de vue économique. On ne tiendrait pas compte de cette finalité si l’on se fondait sur une telle prestation complexe dans l’affaire au principal.

19.      Le gouvernement tchèque propose, par conséquent, de répondre aux questions préjudicielles en ce sens qu’il incombe au juge national d’apprécier si une prestation qui consiste à fournir des travaux de nettoyage et une prestation consistant à louer des habitations remplissent globalement les conditions pour être qualifiées de prestation complexe au sens de la jurisprudence de la Cour. Compte tenu des circonstances concrètes, il considère qu’il n’est possible que de répondre par la négative à cette question dans l’affaire au principal.

20.      Si le juge national tirait une autre conclusion, le gouvernement tchèque est d’avis que la transposition de la notion de prestation complexe dans le cadre de la présente affaire serait en contradiction avec le principe de neutralité fiscale et avec le principe d’interprétation restrictive des exceptions figurant dans la sixième directive.

21.      La Commission déclare, d’une part, que les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont des notions autonomes de droit communautaire qui devraient être interprétées de façon autonome. De plus, ces exonérations ayant un caractère dérogatoire, elles doivent aussi être interprétées de façon restrictive. La Commission se demande, par ailleurs, au regard de l’arrêt Faaborg-Gelting Linien (3) si le nettoyage d’espaces communs d’une habitation ne pourrait pas être considéré comme une prestation accessoire par rapport à la prestation principale qu’est la location.

22.      La Commission propose par conséquent de répondre aux questions préjudicielles en ce sens que l’exonération de TVA pour la location d’habitations conformément à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive s’applique certes exclusivement à l’activité économique de la location, mais qu’une prestation consistant en le nettoyage d’espaces communs pourrait relever de cette exonération, pour autant qu’elle fasse partie du contrat de location en tant que prestation accessoire. Il appartient au juge national de déterminer si le nettoyage d’espaces communs est une composante de la location et il doit, dans ce cadre, apprécier à la fois le libellé du contrat de location et la pratique établie.

23.      Le gouvernement hellénique rejette toute interprétation large de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive. Il estime que, si l’on suivait la position juridique de la requérante, chaque dépense consacrée à l’amélioration des conditions d’utilisation du bien loué relèverait du champ d’application de la disposition précitée. Il propose par conséquent de répondre aux questions préjudicielles en ce sens que la location d’une habitation ou de locaux à usage autre que d’habitation doit être considérée comme un service distinct du nettoyage des espaces communs. Il s’agit de deux prestations distinctes, l’une – la location – étant exonérée de TVA, tandis que l’autre – le nettoyage d’espaces communs – est soumise à la taxe.

VI – Appréciation juridique

A –    Observation liminaire

24.      Les élargissements de l’Union européenne à dix nouveaux États membres le 1er mai 2004 et à deux autres le 1er janvier 2007 constituent des événements importants dans l’histoire de ce système d’intégration, qui ont de profondes conséquences géopolitiques. Outre l’obtention du statut d’État membre et des droits qui l’accompagnent, les élargissements se sont cependant traduits aussi pour les nouveaux États membres par l’obligation d’incorporer l’«acquis communautaire», y compris la réglementation en matière de TVA, dans leur propre ordre juridique national (4). L’adhésion à l’Union européenne a signifié ainsi l’adhésion au système commun de TVA, un système harmonisé de taxation du chiffre d’affaires, qui a pour l’essentiel un objectif à la fois fiscal et de politique économique.

25.      Alors que le premier aspect est lié à la dotation de la Communauté en ressources propres (5), l’objectif de politique économique de l’harmonisation est d’écarter les facteurs résultant des systèmes différents de TVA, qui sont susceptibles de fausser les conditions concurrentielles tant au niveau national qu’au niveau communautaire (6). Pour garantir l’efficacité de ce système commun de TVA, il est donc nécessaire de transposer et d’interpréter de façon uniforme les directives en matière de TVA, y compris les exonérations prévues par la sixième directive (7), qui sont concernées par la présente affaire.

26.      Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des dispositions de l’article 13, B, sous b), relatives aux exonérations de TVA pour la location de biens immeubles. La première question vise dans ce contexte pour l’essentiel à déterminer si le nettoyage des espaces communs dans un logement en location est visé par la notion de «location», de sorte que la rémunération qu’un bailleur reçoit du locataire pour la réalisation de cette activité doit être considérée comme étant exonérée de la TVA au même titre que le loyer. La seconde question est uniquement posée dans l’hypothèse où la Cour contesterait l’existence d’une telle relation conceptuelle entre les deux prestations et elle concerne le point de savoir si l’on peut déduire une obligation de taxation du droit communautaire ou du droit national.

B –    Sur la première question

1.      La notion de «location» au sens de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive

27.      Répondre à la question de savoir si le nettoyage d’espaces communs est couvert par la notion de «location» exige, tout d’abord, d’interpréter la sixième directive et, en particulier, son article 13, B, sous b), et il faut se reporter dans ce cadre non seulement aux méthodes d’interprétation habituelles de la jurisprudence des juridictions communautaires, mais aussi aux maximes d’interprétation caractéristiques pour le régime de TVA de la Communauté (8). La qualification exacte d’une opération taxable doit être réalisée en examinant l’ensemble des circonstances qui sont à la base de cette opération (9).

28.      Il ressort de l’économie générale de la sixième directive que le champ d’application de la TVA est très large, dans la mesure où, en son article 2, qui concerne les opérations taxables, elle vise, outre les importations de biens, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays et que, en son article 4, paragraphe 1, elle définit l’assujetti comme quiconque accomplit, d’une façon indépendante, une des activités, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité (10). La notion d’activité économique recouvre, d’après l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, toutes les activités de producteurs, de commerçants ou de prestataires de services.

29.      Par ailleurs, d’après une jurisprudence constante de la Cour, les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (11).

30.      De plus, la Cour a déclaré dans une jurisprudence constante à propos des exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive qu’elles constituent des notions autonomes du droit communautaire qui doivent dès lors recevoir une définition communautaire (12).

31.      L’article 13, B, sous b), de la sixième directive ne définit évidemment pas la notion de «location de biens immeubles» et ne renvoie pas non plus à sa définition dans les dispositions légales des États membres (13). La Cour a cependant défini cette notion dans de nombreux arrêts en tenant compte du contexte, des finalités et de l’économie de cette directive (14) en ce sens que «le propriétaire d’un immeuble cède au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d’occuper son bien et d’en exclure d’autres personnes» (15). La Cour a cependant rappelé par la même occasion que l’expression «location et affermage» de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive doit continuer à être entendue du point de vue du droit communautaire de la même façon que les notions correspondantes des différents ordres juridiques (16).

32.      Les prestations de nettoyage que la requérante fournit à ses locataires ne correspondent pas – au sens strict et en tenant compte des maximes d’interprétation précitées – à la définition de «location» évoquée ci-dessus de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive. L’activité de nettoyage des espaces communs fournie contre rémunération dépasse sans aucun doute la simple cession à titre onéreux d’espaces à des fins d’usage. Elle implique en effet une activité, en l’espèce du bailleur lui-même, qui se distingue en principe de l’activité de location de biens immeubles que la Cour a qualifiée d’activité «passive» dans ses arrêts «Goed Wonen» (17) et Temco Europe (18).

2.      Prestations liées d’après la jurisprudence

33.      Indépendamment de ce qui précède, on pourrait aussi envisager en principe du point de vue du droit communautaire de qualifier ces prestations de nettoyage de «location» au sens de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, pour autant qu’il s’agisse simplement d’une prestation accessoire dans le cadre d’une prestation globale composée de différents aspects, de sorte que l’opération découlant de ces activités devrait être considérée comme une opération unique.

34.      Comme la Cour l’a de nouveau expliqué, la question de savoir si une opération constituée de plusieurs prestations doit être considérée comme une opération unique ou comme plusieurs véritables prestations isolées et autonomes qui doivent être examinées séparément revêt une importance particulière, du point de vue de la TVA, tant pour l’application du taux de taxation que des dispositions relatives à l’exonération prévues par la sixième directive (19).

35.      La sixième directive ne comporte aucune disposition particulière qui précise dans quelles conditions plusieurs prestations liées doivent être traitées comme une prestation unique. Au contraire, les critères d’appréciation décisifs proviennent directement de la jurisprudence de la Cour.

36.      Deux objectifs opposés interviennent lorsqu’on se prononce sur la substance d’une prestation composée. D’une part, chacune des différentes prestations isolées doit être appréciée d’après sa nature. D’autre part, il ne faut pas mettre en péril le fonctionnement du système de TVA en dissociant artificiellement des prestations qui sont uniques du point de vue économique (20). Une dissociation trop marquée d’une prestation unique en plusieurs prestations distinctes devant être qualifiées de façon séparée complique en effet l’application des dispositions en matière de TVA (21). Il faut, en toute hypothèse, utiliser un critère objectif lors de cet examen, le point de vue subjectif du prestataire de services et/ou du client n’ayant aucune incidence.

37.      Il découle de l’article 2 de la sixième directive que chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante (22), mais, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, distributivement, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (23).

38.      Tel est le cas, par exemple, lorsque, au terme d’une analyse même simplement objective, il est constaté qu’une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (24). En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (25). On peut aussi considérer que l’on se trouve en présence d’une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (26).

39.      Si l’on considère la situation matérielle et juridique qui est à la base de la procédure au principal, peu d’éléments plaident selon nous en faveur d’une qualification de la prestation en cause comme étant une prestation accessoire.

40.      Il est certes vrai que le nettoyage d’espaces communs est généralement une condition essentielle d’une utilisation normale du bien loué. Toutefois, comme le gouvernement hellénique et la défenderesse l’ont souligné à juste titre, cette activité ne concerne pas les espaces qui sont spécifiquement affectés à des fins d’habitation, qui sont l’objet proprement dit d’un contrat de bail, mais uniquement les espaces communs de l’immeuble en location qui sont accessibles à toute personne et qui ne se prêtent pas au logement. Il en va de même de la location d’espaces à d’autres fins, comme des espaces de bureaux, qui ne permettent des activités de bureaux que dans les espaces prévus pour cet usage. On peut donc déjà ainsi constater une limitation de la prestation litigieuse en termes à la fois d’espace et d’usage.

41.      Indépendamment de cela, il n’y a pas de décomposition d’une unique prestation économique indissociable lorsqu’une distinction est faite entre l’activité économique de la location d’habitations et l’activité de nettoyage d’espaces communs. Les deux prestations ne sont pas si étroitement liées que leur décomposition revêtirait un caractère artificiel, et ce d’autant plus que la question de savoir qui doit se charger concrètement de cette activité est généralement laissée à l’autonomie contractuelle des parties. Comme l’indique la République tchèque en se référant à la pratique actuelle sur son territoire (27), le nettoyage d’espaces communs peut en principe être régi de trois façons différentes: 1) les locataires se chargent de cette activité eux-mêmes; 2) les prestations de nettoyage sont fournies par un tiers qui les facture en fin de compte aux locataires; 3) le nettoyage des espaces communs est assuré par le bailleur, soit au moyen de son propre personnel (le concierge par exemple), soit en recourant à une entreprise de nettoyage. La multiplicité des cas d’espèce montre que ni le droit d’usage ni la possibilité effective d’utiliser les habitations à des fins déterminées ne sont sérieusement mis en péril lorsque les prestations de nettoyage ne sont exceptionnellement pas assurées par le bailleur.

3.      Sur le principe de la neutralité de la TVA

42.      Cette multiplicité de variantes possibles est aussi pertinente du point de vue de la neutralité de la taxe et de l’application cohérente des dispositions de la sixième directive. Rappelons, dans ce contexte, que le respect du principe de la neutralité de la taxe joue notamment aussi un rôle essentiel dans l’application des exonérations prévues à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive (28).

43.      Le principe de la neutralité de la taxe qui est formulé à l’article 2 de la première directive (29) et qui est d’ailleurs la base du système commun de taxe, comme on peut le déduire aussi des quatrième et cinquième considérants de la sixième directive, veut que toutes les activités économiques soient traitées de la même manière (30). La Cour a précisé ce principe dans ses arrêts Cimber Air (31) et Jyske Finans (32) en ce sens qu’il s’oppose à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA.

44.      Si l’on se fonde sur le premier cas d’espèce évoqué au point 41 des présentes conclusions, on en arrive à la conclusion que le nettoyage d’espaces communs ne peut pas être soumis à la TVA, puisqu’il ne s’agit ni d’une livraison de biens ni d’une prestation de services au sens de l’article 2 de la sixième directive.

45.      En revanche, si l’on se fonde sur le deuxième cas d’espèce, force est de constater que cette activité économique est soumise à la TVA comme tout autre service. Elle n’a en tant que telle aucun lien avec la location et doit dans le cadre du principe précité, en vertu duquel chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante (33), être traitée différemment du point de vue fiscal, à savoir en ce sens que l’exonération de TVA au titre de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive ne peut pas lui être appliquée. C’est ce que font valoir à juste titre à la fois le juge de renvoi dans son ordonnance (34) et le gouvernement tchèque (35).

46.      Au terme d’une analyse objective, le troisième cas de figure qui fait l’objet de la procédure au principal ne se distingue de la deuxième variante que dans la mesure où la personne qui fournit la prestation de nettoyage est en même temps le bailleur. Il faut alors se demander s’il est justifié de partir a priori de l’idée qu’il existe une prestation accessoire non autonome au seul motif qu’il y a identité de personnes entre le bailleur et le fournisseur de la prestation. Comme l’a indiqué la Cour dans son arrêt Henriksen (36), cette circonstance peut dans certains cas être l’indice de l’existence d’une opération économique unique, mais elle n’est pas déterminante en soi. Le fait que la requérante au principal facture les prestations de nettoyage de façon séparée et non un prix unique comprenant aussi le loyer peut tout aussi bien être cité comme étant un indice de l’existence d’une prestation autonome. Comme la Cour l’a en effet constaté dans son arrêt CPP (37), le fait qu’un prestataire fournisse des prestations composées soit contre paiement d’un prix unique ou moyennant une facturation distincte est un indice. Par voie de conséquence, la facturation séparée des prestations de nettoyage dans l’affaire au principal plaide en défaveur de l’existence d’une prestation unique.

47.      Il faut suivre l’avis du gouvernement tchèque lorsqu’il prétend que cette troisième variante peut éventuellement être complétée d’autres éléments, de sorte qu’une décision au cas par cas devient plus difficile. On peut ainsi envisager une situation dans laquelle un bailleur fournit aussi des prestations de nettoyage dans d’autres immeubles en location qui ne sont pas loués par ses soins. Toutefois, la prestation que celui-ci fournit serait en substance la même que celle en cause dans l’affaire au principal. Dès lors, il serait selon nous contraire au principe de la neutralité fiscale (38) ainsi qu’à la cohérence du système commun de TVA que les variantes précitées soient traitées de façon différente, selon que le bailleur ou un tiers se charge des prestations de nettoyage en cause. L’incertitude liée à chaque cas d’espèce compliquerait inutilement (39) l’application des dispositions en matière de TVA et rendrait de la même façon les décisions des autorités fiscales nationales moins prévisibles pour le contribuable.

4.      Interprétation historique et téléologique de l’exonération de TVA

48.      Les considérations de politique sociale avancées par le juge de renvoi ne peuvent en soi pas affecter les conclusions qui précèdent. Elles ne peuvent pas être invoquées purement et simplement comme argument pour exonérer de TVA le nettoyage d’espaces communs. Il faut se ranger à l’avis du juge de renvoi lorsqu’il déclare que, sans appliquer la TVA au nettoyage d’espaces communs, un logement est moins cher. En effet, la disposition dérogatoire de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive semble notamment fondée aussi d’un point de vue historique sur des considérations de politique sociale. Ainsi, dans la plupart des États membres, la location de logements n’était en tout cas pas soumise à la TVA avant l’harmonisation opérée par la sixième directive (40). Il faudrait conserver ce principe dans la sixième directive afin d’éviter une augmentation des loyers d’habitation.

49.      Comme le montre, à elle seule, une interprétation des dispositions applicables de la sixième directive fondée sur leur libellé (41), leur économie générale (42) et qui tienne compte du principe de neutralité fiscale (43), le législateur communautaire a voulu limiter expressément l’exonération de TVA prévue à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive à la «location» au sens le plus strict du terme et l’étendre uniquement aux services qui, d’après un examen objectif, sont une partie d’une prestation globale qui doit encore être considérée comme une «location». Ces conditions ne sont cependant pas remplies dans tous les cas et, comme nous l’avons déjà vu, et elles ne le sont pas non plus en l’espèce.

50.      On ne peut cependant pas ignorer qu’il existe une autre raison pour exonérer la location de biens immeubles. Comme l’a expliqué l’avocat général Jacobs dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Blasi (44), un immeuble déjà utilisé n’est pas le résultat d’un processus de production. Après l’aménagement et la construction d’un bâtiment, un bien immeuble est plutôt utilisé de façon passive généralement sans qu’il y ait de valeur ajoutée. C’est la raison pour laquelle seules la première livraison d’un terrain à bâtir aménagé et la livraison d’un bâtiment avant sa première occupation sont soumises à la TVA, alors que d’autres cessions ultérieures d’un bâtiment déjà occupé précédemment et sa location ne sont pas soumises à la TVA. Cette justification de l’exonération ne peut cependant pas s’appliquer dans le cas d’une prestation active (45), comme le nettoyage d’espaces communs.

5.      Conclusion

51.      Au regard des considérations qui précèdent, nous estimons que l’opération que réalise un bailleur par le nettoyage d’espaces communs doit en principe être soustraite à l’exonération prévue à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive et être soumise à la TVA, mais nous souhaitons ne pas exclure a priori que l’aménagement du contrat de location, le règlement intérieur du bien loué ou la pratique juridique établie dans un État membre déterminé puissent donner lieu à une autre appréciation que celle avancée de façon abstraite dans les présentes conclusions. Il appartient au juge national qui doit appliquer les réponses au cas d’espèce qui lui est soumis d’examiner dans quelle mesure cette approche s’applique au cas d’espèce concret, éventuellement en tenant compte des considérations qui précèdent.

52.      Il y a dès lors lieu de répondre à la première question préjudicielle que les articles 6 et 13 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que la location d’une habitation (ou éventuellement d’un espace qui n’est pas utilisé à des fins de logement), d’une part, et le nettoyage d’espaces communs qui y est associé, d’autre part, doivent en principe être considérés comme des opérations autonomes et dissociables l’une de l’autre. Il appartient cependant au juge national de vérifier dans quelle mesure l’aménagement du contrat de location, le règlement intérieur du bien loué et la pratique juridique établie dans l’État membre en cause permettent exceptionnellement de porter une autre appréciation.

C –    Sur la seconde question

53.      Compte tenu de la réponse proposée à la première question, il n’y a lieu de répondre à la seconde que dans l’hypothèse où le juge de renvoi, après avoir apprécié toutes les circonstances du litige au principal, estimerait que la location d’habitations et le nettoyage d’espaces communs qui y est lié ne peuvent exceptionnellement ne pas être considérés comme des opérations autonomes, dissociables l’une de l’autre.

54.      Dans ce cas, il faudrait partir de l’idée qu’il existe une prestation globale qui correspondrait à la «location de biens immeubles» en vertu de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive. Cette disposition de la directive exclurait par conséquent l’application de la TVA à la rémunération payée pour le nettoyage d’espaces communs d’un immeuble d’habitation donné en location.

55.      Il faut donc répondre à la seconde question préjudicielle que, dans la mesure où le juge national part de l’idée que la location d’habitations et le nettoyage d’espaces communs qui y est associé peuvent exceptionnellement ne pas être considérés comme des opérations autonomes, dissociables l’une de l’autre, le nettoyage d’espaces communs doit être considéré comme une partie d’une «location de biens immeubles» au sens de l’article 13, sous b), de la sixième directive, de sorte que l’application de la TVA à la somme versée pour cette activité est exclue.

VII – Conclusion

56.      Au regard des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

«1)      Les articles 6 et 13 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sure le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens que la location d’une habitation (ou éventuellement d’un espace qui n’est pas utilisé à des fins de logement), d’une part, et le nettoyage d’espaces communs qui y est associé, d’autre part, doivent en principe être considérés comme des opérations autonomes et dissociables l’une de l’autre.

Il appartient cependant au juge national de vérifier dans quelle mesure l’aménagement du contrat de location, le règlement intérieur du bien loué et la pratique juridique établie dans l’État membre en cause permettent exceptionnellement de porter une autre appréciation.

2)      Dans la mesure où le juge national part de l’idée que la location d’habitation et le nettoyage d’espaces communs qui y est associé peuvent exceptionnellement ne pas être considérés comme des opérations autonomes, dissociables l’une de l’autre, le nettoyage d’espaces communs doit être considéré comme une partie d’une ‘location de biens immeubles’ au sens de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, de sorte que l’application de la TVA à la somme versée pour cette activité est exclue.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 145, p. 1.


3 – Arrêt du 2 mai 1996 (C-231/94, Rec. p. I-2395).


4 – Voir, à ce propos, Albert, J.-L., L’IVA nella prospettiva dell’ampliamento dell’Unione Europea, Fiscalità e globalizzazione, Turin, 2007, p. 53 et suiv., qui souligne les difficultés d’adaptation des États adhérents compte tenu de la multiplicité des anciennes dispositions nationales en matière de TVA, ce qui a nécessité l’introduction de régimes transitoires pour certains secteurs du marché des services.


5 – Terra, B., et Kajus, J., A guide to the European VAT Directives – Introduction to European VAT 2008, tome 1, chapitre 3, 3.1.1., p. 87, et Communier, J.-M., Droit fiscal communautaire, Bruxelles, 2001, p. 194 et suiv., voient la raison principale d’une poursuite de l’harmonisation en matière de TVA dans la décision 70/243/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés (JO L 94, p. 19). Cette décision prévoyait que, à compter du 1er janvier 1975, le budget de la Communauté est financé, outre par les recettes provenant des droits de douane et des prélèvements agricoles, par une partie de la TVA. La décision relative aux ressources propres arrête les dispositions fondamentales relatives au financement du budget des Communautés. La décision, en dernier lieu dans sa version résultant de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), est généralement adoptée à l’unanimité par le Conseil et ratifiée par tous les États membres. La décision 2007/436 précise dans son article 2, paragraphe 1, sous b), que parmi les ressources propres à affecter aux recettes du budget général de l’Union européenne figurent les recettes résultant de l’application d’un taux uniforme valable pour tous les États membres à l’assiette harmonisée de la TVA. L’assiette à prendre en compte à cet effet n’excède pas 50 % du revenu national brut de chaque État membre, tel qu’il est défini au paragraphe 7. À propos du fonctionnement du système des ressources propres, voir rapport présenté par la Commission – Le financement de l’Union européenne du 6 septembre 2004, COM(2004) 0505 final.


6 – Voir, en ce sens, Voß, R., «Steuerrecht», dans Dauses (éd.), Handbuch des EU-Wirtschaftsrechts, tome 2, section J, paragraphes 184 et 185; Communier, J.-M., op. cit. (note 5), p. 192; Pinheira, G., A fiscalidade directa na União Europeia, Coimbra, 1998, p. 22; ce dernier identifie l’objectif de politique économique de l’harmonisation, d’une part, dans la réalisation du marché intérieur par la suppression de discriminations et de distorsions de la concurrence résultant de l’application des systèmes fiscaux nationaux et, de l’autre, dans l’intégration en des économies nationales. Reich, M., et König, B., Europäisches Steuerrecht, Zurich, 2006, p. 16, souligne que la notion d’harmonisation figurant à l’article 93 CE vise principalement l’élimination des aspects des échanges de marchandises qui font obstacle à la concurrence.


7 – La Cour a souligné, à plusieurs reprises, la nécessité d’une application uniforme des exonérations en matière de TVA en renvoyant au onzième considérant de la sixième directive, dont il ressort «qu’il convient d’établir une liste commune d’exonérations en vue d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres». La Cour en a déduit que, même si l’article 13, B, de ladite directive renvoie aux conditions d’exonération fixées par les États membres, les exonérations prévues par cette disposition doivent correspondre à des notions autonomes de droit communautaire afin de pouvoir déterminer l’assiette de la TVA de manière uniforme et selon des règles communautaires (voir arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Irlande, C-358/97, Rec. p. I-6301, point 51 ; du 8 mars 2001, Försäkringaktiebolaget Skandia, C-240/99, Rec. p. I-1951, point 23  et du 4 octobre 2001, «Goed Wonen», C-326/99, Rec. p. I-6831, point 47). Cornia, C., «Le locazioni di immobili ai fini Iva tra interpretazione della norma e riqualificazione della fattispecie», Rassegna tributaria, 2005, n° 2, p. 647, souligne lui aussi la nécessité d’une application uniforme des exonérations en matière de TVA.


8 – Voir conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 4 mai 2004, dans l’affaire Temco Europe, (arrêt du 18 novembre 2004, C-284/03, Rec. p. I-11237), point 1, et de l’avocat général Kokott du 14 octobre 2004, dans l’affaire Fonden Marselisborg Lystbådehavn, (arrêt du 3 mars 2005, C-428/02, Rec. p. I-1527, point 16). Haunold, P., Mehrwertsteuer bei sonstigen Leistungen– Die Besteuerung grenzüberschreitender Dienstleistungen, Vienne, 1997, p. 47 et 49, souligne que, lorsqu’elle interprète le droit communautaire, la Cour utilise toutes les méthodes classiques d’interprétation (interprétation littérale, systématique, téléologique et historique). L’une des particularités de l’interprétation des directives en matière de TVA par la Cour réside dans le fait que les exceptions doivent en principe être interprétées de façon stricte, parce qu’elles constituent une dérogation à la taxation générale de la consommation et sont, de ce fait, susceptibles d’entraîner des distorsions de concurrence. Cette remarque s’applique en particulier lors de l’application des exonérations prévues par la sixième directive, mais aussi lors de l’interprétation d’autres dispositions en matière de TVA qui prévoient des exceptions à certains principes. D’après l’auteur, l’interprétation en principe stricte des dispositions dérogatoires n’est qu’une sous-catégorie de l’interprétation systématique et téléologique.


9 – Arrêts Faaborg-Gelting Linien, précité à la note 3, point 12; du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark (C-150/99, Rec. p. I-493, point 26), et du 12 juin 2003, Sinclair Collins (C-275/01, Rec. p. I-5965, point 26).


10 – Voir arrêts du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas (235/85, Rec. p. 1471, point 6); du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties (348/87, Rec. p. 1737, point 10); du 4 décembre 1990, van Tiem (C‑186/89, Rec. p. I-4363, point 17); Commission/Irlande (précité à la note 7, point 27), et du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a. (C‑288/07, non encore publié au Recueil, point 28). Dans les conclusions qu’il a présentées le 15 mars 1988 dans l’affaire Commission/Italie (arrêt du 24 mai 1988, 122/87, Rec. p. 2685), l’avocat général Vilaça a souligné le vaste champ d’application de la sixième directive. Comme il l’a expliqué à juste titre, les articles 2 et 4 de la sixième directive expriment les principes généraux qui dominent l’aménagement du droit de la Communauté en matière de TVA, qui est exposé dans les considérants des première et sixième directives. D’après le cinquième considérant de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, (JO 1967, 71, p. 1301), un système de TVA «atteint la plus grande simplicité et la plus grande neutralité lorsque la taxe est perçue d’une manière aussi générale que possible et que son champ d’application englobe tous les stades de la production et de la distribution ainsi que le domaine des prestations de services».


11 – Arrêts Stichting Uitvoering Financiële Acties (précité à la note 10, point 13); du 11 août 1995, Bulthuis-Griffioen (C-453/93, Rec. p. I-2341, point 19); du 5 juin 1997, SDC (C-2/95, Rec. p. I‑3017, point 20); du 7 septembre 1999, Gregg (C-216/97 Rec. p. I‑4947, point 12); Commission/Irlande (précité à la note 7, point 52); Stockholm Lindöpark (précité à la note 9, point 25); «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 46), et du 8 décembre 2005, Jyske Finans (C-280/04, Rec. p. I‑10683, point 21).


12 – Arrêts Stichting Uitvoering Financiële Acties (précité à la note 10, point 11); Bulthuis-Griffioen (précité à la note 11, point 18); SDC (précité à la note 11, point 21); Commission/Irlande (précité à la note 7, point 51); du 16 janvier 2003, Maierhofer (C-315/00, Rec. p. I‑563, point 25); Sinclair Collins (précité à la note 9, point 22); Temco Europe (précité à la note 8, point 16), Fonden Marselisborg Lystbådehavn (précité à la note 8, point 27).


13 – Arrêts «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 44), et Sinclair Collins (précité à la note 9, point 24).


14 – Voir, en ce sens, arrêts précités à la note 8, Temco Europe, point 18, et Fonden Marselisborg Lystbådehavn, point 28.


15 – Voir, en ce sens, arrêts Commission/Irlande (précité à la note 7, points 52 à 57); du 9 octobre 2001, Mirror Group (C-409/98, Rec. p. I-7175, point 31); «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 55); du 9 octobre 2001, Cantor Fitzgerald International (C-108/99, Rec. p. I-7257, point 21), et Temco Europe (précité à la note 8, point 19). L’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a résumé comme suit, aux points 20 et 21 des conclusions qu’il a présentées le 4 mai 2004 dans l’affaire Temco Europe, la jurisprudence de la Cour sur la détermination de la location de biens immeubles qui est exonérée de la TVA: «(1) la cession que le propriétaire d’un immeuble fait à une autre personne, (2) à l’exclusion de toute autre, (3) de l’usage et de la jouissance de ce bien (4) pour une durée convenue (5) et contre paiement d’un loyer. Pour déterminer si une convention particulière est conforme à cette définition, il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles l’opération se déroule, le contenu objectif du contrat ayant une valeur décisive, quelle que soit la qualification que les parties lui aient donnée».


16 – C’est la raison pour laquelle, dans son arrêt «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 59), la Cour a constaté que l’article 13, B, sous b), et C, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, aux fins de l’application de l’exonération de la TVA, permet d’assimiler à l’affermage et à la location de biens immeubles la constitution, pour une durée convenue et contre rémunération, d’un droit réel conférant à son titulaire un pouvoir d’utilisation sur un bien immeuble (dans l’affaire au principal, il s’agissait d’usufruit).


17 – Voir arrêt «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 52), dans lequel la Cour a déclaré que, bien que la location de biens immeubles relève en principe de la notion d’activité économique au sens de l’article 4 de la sixième directive, elle constitue normalement une activité relativement passive, ne générant pas une valeur ajoutée significative.


18 – Voir arrêt Temco Europe (précité à la note 8, point 27). Dans les conclusions qu’il a présentées le 25 septembre 1997 dans l’affaire Blasi (arrêt du 12 février 1998, C-346/95, Rec. p. I-481, point 15), l’avocat général Jacobs a aussi qualifié la location de biens immeubles d’activité «passive».


19 – Arrêts du 25 février 1999, CPP (C-349/96, Rec. p. I-973, point 27); du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank (C-41/04, Rec. p. I-9433, point 18), et du 21 février 2008 Part Service (C-425/06, Rec. p. I-897, point 49).


20 – Arrêt CPP (précité à la note 19, point 29).


21 – L’aspect relatif à la prévisibilité joue un rôle essentiel pour déterminer si, dans un cas d’espèce, on est en présence d’une prestation globale ou de prestations autonomes. Comme le précise à juste titre l’avocat général Kokott à la note 23 des conclusions qu’elle a présentées le 12 mai 2005 dans l’affaire Levob Verzekeringen et OV Bank, précitée à la note 19, dans certaines conclusions, on distingue même une tendance à donner au caractère pratique la priorité sur la précision. Voir conclusions de l’avocat général Cosmas du 1er février 1996 dans l’affaire Faaborg Gelting Linien (arrêt précité à la note 3), point 14; de l’avocat général Fennelly du 25 avril 1996 dans l’affaire Dudda (arrêt du 26 septembre 1996 (C‑327/04, Rec. p. I‑4595), point 35 ainsi que du 11 juin 1998 dans l’affaire CPP (précitée à la note 19), points 47 et suiv.


22 – Voir arrêts précités à la note 19, CPP, point 29, Levob Verzekeringen et OV Bank et Part Service, point 50.


23 – Arrêt Part Service, précité, point 51.


24 – Voir, en ce sens, arrêts CPP (précité à la note 19, point 30); du 15 mai 2001, Primback (C-34/99, Rec. p. I-3833, point 45); Levob Verzekeringen et OV Bank (précité à la note 19, point 21), et Part Service (précité à la note 19, point 52).


25 – Arrêts précité à la note 19 CPP, point 29, et Part Service.


26 – Voir, en ce sens, arrêts précités à la note 19 Levob Verzekeringen et OV Bank, point 22, et Part Service point 53.


27 – Voir p. 5 des observations du gouvernement tchèque.


28 – Voir arrêt «Goed Wonen» (précité à la note 7, point 56), dans lequel la Cour a fondé sa décision d’assimiler l’octroi d’un droit tel que le droit d’usufruit en cause au principal à la location et à l’affermage, aux fins de l’application de l’article 13, B, sous b), et C, sous a), de la sixième directive, sur «le respect du principe de neutralité de la TVA ainsi que l’exigence de l’application cohérente des dispositions de la sixième directive, notamment l’application correcte, simple et uniforme des exonérations prévues». Voir aussi arrêt du 11 juin 1998, Fischer (C‑283/95, Rec. p. I‑3369, point 28). Cornia, C., op. cit. (note 7), p. 647, estime que l’application uniforme du droit communautaire en matière d’exonérations de TVA résulte de la nécessité de garantir la neutralité de la taxe au niveau de la concurrence. La neutralité de la taxe exige que les opérations qui sont identiques du point de vue du consommateur final soient traitées de la même façon en matière de TVA. Birkenfeld, W., Mehrwertsteuer der EU, 4° édition, Bielefeld, 2001, p. 32 et 33, explique que, pour des raisons de neutralité de la taxe, la Cour interprète de façon large des notions au moyen desquelles les assiettes de la taxe sont déterminées (assujetti, activité économique, fournitures, contre-prestation). La Cour interprète, pour la même raison, de façon stricte les cas d’exonérations et de dérogations en ce qui concerne l’assiette de la taxe. Lohse, C., «Der Neutralitätsgrundsatz im Mehrwertsteuerrecht», EuGH-Rechtsprechung und Umsatzsteuerpraxis (éditeur Achat/Tumpel), Vienne, 2001, p. 58 et 59, explique que le principe de neutralité est susceptible de limiter le champ d’application des exonérations par une interprétation stricte de leurs conditions. À l’inverse, il déclare que les conditions qui fondent le champ d’application de la TVA doivent être interprétées de façon large.


29 – L’article 2, premier et deuxième alinéas, de ladite directive précise ce qui suit: «Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.


À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix».


30 – Voir arrêts du 20 juin 1996, Wellcome Trust (C‑155/94, Rec. p. I‑3013, point 38), et du 3 décembre 1998, Belgocodex (C‑381/97, Rec. p. I‑8153, point 18).


31 – Arrêt du 16 septembre 2004 (C-382/02, Rec. p. I‑8379, points 23 et 24).


32 – Arrêt précité à la note 11, point 39.


33 – Voir point 37 des présentes conclusions.


34 – Voir point 6 de l’ordonnance de renvoi.


35 – Voir point 13 des observations du gouvernement tchèque.


36 – Arrêt du 13 juillet 1989 (173/88, Rec. p. 2763, point 16). Il fallait déterminer dans cette affaire si la notion de «locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules» de l’article 13, sous b), de la sixième directive, qui introduit une exception à l’exonération prévue par ladite disposition en faveur de la location et de l’affermage de biens immeubles, vise les locations de toutes les surfaces destinées au stationnement des véhicules, y compris les garages fermés. La Cour a constaté que cette location ne saurait être exclue de l’exonération lorsqu’elle est liée étroitement à la location, elle-même exonérée, d’immeubles destinés à un autre usage. D’après elle, il existe une opération économique unique «si, d’une part, l’emplacement pour le stationnement des véhicules et l’immeuble destiné à un autre usage font partie d’un même ensemble immobilier et si, d’autre part, ces deux biens sont loués au même locataire par le même propriétaire».


37 – Arrêt précité à la note 19. Au point 31 de cet arrêt, la Cour a déclaré que le fait qu’un prix unique soit facturé n’a certes pas une importance décisive, mais que cela peut militer en faveur de l’existence d’une prestation unique lorsqu’un prestataire fournit à ses clients une prestation de services composée de plusieurs éléments contre paiement d’un prix unique. Dans le cas contraire, il faut nécessairement en déduire que la facturation séparée d’une partie d’une prestation composée plaide en défaveur de l’existence d’une prestation unique.


38 – Voir point 42 des présentes conclusions.


39 – Ibáñez García, I., «Las exenciones en el IVA: Pecado original del impuesto comunitario», Noticias de la Unión Europea, 2003, n° 226, p. 103 et suiv.; il est aussi l’auteur de «El IVA en la actividad inmobiliaria: cuestiones pendientes», Gaceta jurídica de la Unión Europea y de la competencia, 2008, n ° 4, p. 43 et suiv., où il critique l’insécurité juridique que suscite la liste des exceptions et des exonérations de TVA compte tenu de son application complexe. L’auteur y voit une restriction du principe de neutralité fiscale. Les considérations théoriques de Scholsem, J.-C., La TVA européenne face au phénomène immobilier, Liège 1976, point 55, p. 93 et 94, sont particulièrement intéressantes pour le cas qui est à la base de l’affaire au principal. L’auteur examine différents modèles hypothétiques de taxation des contrats de location. D’après un modèle, toutes les opérations liées à la location, y compris la location elle-même, pourraient être soumises à la TVA. D’après lui, cette solution répondrait au mieux au principe de la neutralité fiscale. Une autre solution, qui serait difficilement compatible avec celle de la sixième directive, exonère la location de biens immeubles de TVA pour des raisons de politique sociale, ce qui d’après lui est certes contraire à la neutralité fiscale, mais est néanmoins justifié. Toutefois, les «coûts d’entretien et de réparation» seraient soustraits de cette exonération, l’auteur invoquant le point de vue de la «simplicité administrative» pour motiver cette restriction.


40 – Voir proposition de sixième directive de la Commission (Bulletin des Communautés européennes, n° 11/73, p. 17). Voir, à ce propos, conclusions de l’avocat général Kokott présentées dans l’affaire Fonden Marselisborg Lystbådehavn (précitée à la note 8, point 46). Communier, J.-M., op. cit. (note 5), p. 230, souligne que les exonérations visées à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive s’expliquent par des considérations politiques générales qui sont communes aux États membres de la Communauté européenne. D’après Scholsem, J.-C., op. cit. (note 39), point 163, p. 264, l’article 13, B, sous b), reflète la législation qui était déjà applicable dans tous les États membres avant l’entrée en vigueur de la sixième directive.


41 – Voir point 32 des présentes conclusions.


42 – Voir points 28 et 29 des présentes conclusions.


43 – Voir points 42 à 47 des présentes conclusions.


44 – Conclusions précitées à la note 18, points 15 et 16.


45 – Voir point 32 des présentes conclusions.