Language of document : ECLI:EU:C:2018:482

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 21 juin 2018(1)

Affaires jointes C61/17, C62/17 et C72/17

Miriam Bichat (C‑61/17),

Daniela Chlubna (C‑62/17),

Isabelle Walkner (C‑72/17)

contre

Aviation Passage Service Berlin GmbH & Co. KG

[demande de décision préjudicielle du Landesarbeitsgericht Berlin (tribunal supérieur du travail de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 2, paragraphe 4 – Notion d’“entreprise contrôlant l’employeur” – Procédures de consultation des travailleurs – Charge de la preuve »






1.        Par la présente demande de décision préjudicielle, la Cour est priée de fournir des orientations quant à l’interprétation de la directive 98/59/CE(2) concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs et, en particulier, en ce qui concerne le point de savoir si la notion d’« entreprise qui contrôle [l’]employeur » au sens de l’article 2, paragraphe 4, de cette directive, doit être interprétée sur la base d’une relation de droit (de jure) seule ou bien si une relation de fait (de facto) peut également suffire.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La Charte

2.        L’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3) prévoit :

« La liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. »

 La directive 98/59

3.        Aux termes des considérants 2 et 11 de la directive 98/59 :

« (2)      considérant qu’il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans [l’Union européenne] ;

[…]

(11)      considérant qu’il convient d’assurer que les obligations des employeurs en matière d’information, de consultation et de notification s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur. »

4.        La section II de la directive, intitulée « Information et consultation » contient un article unique, l’article 2 qui, pour ce qui nous intéresse ici, prévoit :

« 1.      Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.

2.      Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés.

[…]

3.      Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations :

a)      de leur fournir tous renseignements utiles et

b)      de leur communiquer, en tout cas, par écrit :

i)      les motifs du projet de licenciement ;

ii)      le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ;

iii)      le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ;

iv)      la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements ;

v)      les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur ;

vi)      la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement autre que celle découlant des législations et/ou pratiques nationales.

[…]

4.      Les obligations prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur.

En ce qui concerne les infractions alléguées aux obligations d’information, de consultation et de notification prévues par la présente directive, toute justification de l’employeur fondée sur le fait que l’entreprise qui a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui a pas fourni l’information nécessaire ne saurait être prise en compte. »

5.        Aux termes de l’article 6 de la directive 98/59 :

« Les États membres veillent à ce que les représentants des travailleurs et/ou les travailleurs disposent de procédures administratives et/ou juridictionnelles aux fins de faire respecter les obligations prévues par la présente directive. »

 Le droit allemand

6.        L’article 17 de la Kündigungsschutzgesetz (loi allemande sur la protection contre les licenciements abusifs ; ci-après, la « KSchG ») a été adopté afin de transposer la directive 98/59 en droit allemand. Pour ce qui nous intéresse ici, il dispose :

« […]

(2)      Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs qu’il est tenu de notifier [à l’agence fédérale de l’emploi] […], il est tenu de fournir les informations pertinentes aux représentants du personnel en temps utile et, en particulier, de leur communiquer par écrit :

1.      les motifs du projet de licenciement ;

2.      le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ;

3.      le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ;

4.      la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements ;

5.      les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier ;

6.      la méthode de calcul envisagée pour toutes indemnités éventuelles de licenciement.

Les consultations entre employeur et représentants du personnel portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences.

[…]

(3a)      Les obligations d’information, de consultation et de notification énoncées aux paragraphes 1 à 3 s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur. L’employeur ne peut pas exciper du fait que l’entreprise qui a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui a pas fourni les renseignements nécessaires.

[…] »

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

 Dans l’affaire C61/17

7.        Mme Miriam Bichat, partie requérante dans l’affaire C‑61/17, a travaillé pour la société Aviation Passage Service Berlin GmbH & Co. KG (ci-après « APSB »), partie défenderesse dans la procédure au principal, ainsi que pour les sociétés aux droits desquelles cette dernière est venue, à l’aéroport de Berlin‑Tegel (4).

8.        Le statut exact de l’actionnariat d’APSB n’est, en fait comme en droit, pas parfaitement clair. La juridiction de renvoi indique que cette entité est une entreprise qui est contrôlée, en droit, par une entreprise dénommée GlobalGround Berlin GmbH & Co. KG (ci-après « GGB »). Cette relation ne signifie toutefois pas que, du point de vue du droit national, GGB et APSB font partie du même groupe d’entreprises. La juridiction de renvoi indique également avoir établi à suffisance de droit qu’à la date des faits litigieux, GGB n’était pas en mesure de contrôler elle-même le processus de décision d’APSB.

9.        Les 9 et 22 septembre 2014, GGB a informé APSB qu’elle entendait réduire les opérations de cette dernière à l’aéroport de Berlin-Tegel et que cette partie de son activité serait transférée à une entreprise étrangère au groupe. De ce fait, les contrats conclus par APSB concernant ces opérations prendraient fin et l’entreprise étrangère au groupe ne reprendrait aucun membre du personnel d’APSB.

10.      Le 22 septembre 2014 également, s’est tenue une assemblée générale d’APSB au cours de laquelle GGB a, en sa qualité d’unique actionnaire possédant un droit de vote, décidé la cessation de toutes les activités d’APSB, notamment à l’aéroport de Berlin-Tegel, à compter du 31 mars 2015.

11.      Le 2 janvier 2015, APSB a informé l’organe de représentation du personnel de son intention de procéder à un licenciement collectif, en conséquence de la dénonciation par GGB de l’ensemble des contrats d’APSB au mois de septembre 2014. Elle ajoutait n’avoir pas été informée par GGB des raisons de cette dénonciation mais que tout semblait indiquer que la cause en était les pertes durablement élevées enregistrées qu’il s’était avéré impossible de réduire, et que ces pertes s’expliquaient en particulier par les coûts salariaux trop lourds, mais également par des accords en matière de déploiement du personnel restrictifs.

12.      Le 14 janvier 2015, la représentation du personnel a répondu, exprimant son mécontentement au motif que l’information fournie était trop vague, et a réclamé des éclaircissements.

13.      Le 20 janvier 2015, APSB a pris la décision opérationelle de mettre fin à ses activités et, le 28 janvier 2015, a notifié le licenciement collectif résultant de cette décision à l’Agentur für Arbeit (agence fédérale de l’emploi). Ces licenciements devaient intervenir au plus tard le 31 mars 2015.

14.      Le 20 janvier 2015 également, APSB a entendu les représentants du personnel auxquels elle a, pour justifier les licenciements, donné essentiellement les mêmes motifs que ceux déjà formulés le 2 janvier de la même année. Elle a indiqué en particulier que GGB ne l’avait pas informée des motifs précis pour lesquels elle avait décidé de dénoncer tous les contrats.

15.      Le 27 janvier 2015, la représentation du personnel a fait opposition à l’ensemble des préavis au motif que, selon elle, il s’agissait d’une situation déficitaire fictive et que les comptes de GGB et d’APSB avaient été manipulés.

16.      Plusieurs recours ont été engagés contre ce licenciement collectif devant l’Arbeitsgericht Berlin (tribunal du travail de Berlin), à chaque fois avec succès. De nouveaux préavis de licenciement ont alors été signifiés et les licenciements sont finalement intervenus le 31 janvier 2016.

17.      La partie requérante a alors formé un recours devant la même juridiction, faisant valoir notamment que son licenciement était intervenu en violation des dispositions de l’article 17 de la KSchG, car la partie défenderesse n’aurait pas indiqué les motifs véritables des licenciements. Par jugement du 12 janvier 2016, le tribunal du travail de Berlin a rejeté le recours introduit par Mme Bichat et considéré que les licenciements étaient valides. C’est contre ce jugement que la partie requérante a interjeté appel devant le Landesarbeitsgericht Berlin (tribunal régional supérieur du travail de Berlin, Allemagne).

18.      Estimant qu’une interprétation des dispositions de la directive 98/59 relative aux licenciements collectifs et, en particulier, de la notion d’« entreprise qui contrôle [l’] employeur » est nécessaire pour lui permettre de statuer au principal, la juridiction de renvoi a décidé de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une “entreprise qui contrôle [l’]employeur” au sens de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la [directive 98/59] est‑elle uniquement une entreprise dont l’influence est garantie par des participations et des droits de vote ou bien une influence garantie par contrat ou en fait (en raison, par exemple, des possibilités qu’ont des personnes physiques de donner des instructions) est-elle suffisante ?

2)      Dans l’hypothèse où la Cour répondrait à la première question en ce sens qu’une influence garantie par des participations et des droits de vote n’est pas requise :

Le fait que l’entreprise qui contrôle l’employeur fournisse à celui-ci des consignes qui rendent des licenciements collectifs économiquement inévitables est-il lui aussi une “décision concernant les licenciements collectifs” au sens de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la [directive 98/59] ?

3)      En cas de réponse affirmative à la deuxième question :

L’article 2, paragraphe 4, second alinéa, de la [directive 98/59], lu en combinaison avec son paragraphe 3, sous a) et b) i), et avec son paragraphe 1, impose-t-il l’obligation d’informer la représentation des travailleurs des motifs économiques ou autres pour lesquels l’entreprise qui contrôle l’employeur a adopté les décisions qui ont eu pour effet que l’employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs ?

4)      Est-il compatible avec l’article 2, paragraphe 4, de la [directive 98/59], lu en combinaison avec son paragraphe 3, sous a) et b) i), et avec son paragraphe 1, d’imposer à des travailleurs qui engagent une action en nullité contre le préavis qui leur a été adressé dans le cadre d’un licenciement collectif et qui font valoir devant la juridiction que l’employeur qui leur a délivré ce préavis n’a pas correctement suivi la procédure de consultation avec la représentation du personnel une obligation en matière de preuve exigeant d’eux qu’ils établissent davantage que des indices du contrôle exercé sur l’employeur ?

5)      En cas de réponse affirmative à la quatrième question :

Quelles autres obligations en matière de preuve les dispositions susmentionnées permettent-elles d’imposer aux travailleurs ? »

 Dans les affaires C62/17 et C72/17

19.      Les faits et les problèmes de droit en cause dans ces affaires, ainsi que les questions posées à la Cour sont, pour l’essentiel, identiques à ceux de l’affaire C‑61/17.

 Dans les affaires jointes C61/17, C62/17 et C72/17

20.      Par décision du président de la Cour du 9 mars 2017, les affaires C‑61/17, C‑62/17 et C‑72/17 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

21.      Mme Daniela Chlubna (partie requérante dans l’affaire C‑62/17) et Mme Isabelle Walkner (partie requérante dans l’affaire C‑72/17), APSB, le gouvernement allemand et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Les parties ont plaidé et répondu aux questions de la Cour lors de l’audience du 12 avril 2018.

 Appréciation

 Observations liminaires

 Le contexte dans lequel s’inscrivent les affaires au principal

22.      Les détails du contexte factuel précis dans lequel s’inscrivent ces affaires ne sont pas totalement clairs. Afin d’obtenir des précisions concernant certains des éléments dudit contexte, la Cour a adressé à la juridiction de renvoi une demande d’éclaircissements de certains points évoqués dans la décision de renvoi, demande à laquelle cette dernière a dûment répondu. Au point 8 des présentes conclusions, j’ai reproduit les informations que la Cour a reçues en ce qui concerne l’actionnariat et le contrôle d’APSB et qui semblent incontestées.

23.      Certains aspects de la procédure au principal font toutefois l’objet d’allégations formulées pour le compte des requérantes en ce qui concerne l’actionnariat et le contrôle d’APSB. Celles-ci sont suffisamment sérieuses pour que la juridiction de renvoi juge utile d’en saisir la Cour à titre préjudiciel. C’est le cas en particulier des questions relatives au contrôle de fait visé dans la première question. Un résumé de ces allégations figure aux points 24 à 28 des présentes conclusions ; je tiens néanmoins à souligner que les éléments qui y sont consignés ne représentent pas des faits établis (5).

24.      Les requérants soutiennent que GGB, qui a ou avait à l’époque des faits pertinents au principal le contrôle juridique d’APSB, a été acquise par un groupe de sociétés opérant sous le nom chapeau « WISAG » en 2008 (6). Les activités de ce groupe s’étendent à la fourniture de services aéroportuaires, y compris les services d’assistance en escale du type de ceux proposés par APSB.

25.      APSB n’exerçait que des activités commerciales, principalement en relation avec l’assistance aux passagers : en d’autres termes, elle n’intervenait pas au niveau administratif ou sur le marché, ce dernier aspect ayant été confié à GGB.

26.      Les parties s’opposent quant au point de savoir si, en 2013, c’est l’ensemble des activités de GGB qui a été transféré à la WISAG Contracting GMBH & Co. KG, ou si ce transfert n’a porté que sur un tiers de celles-ci, l’étendue exacte de ce transfert étant contestée. Quoi qu’il en soit, fin 2013, au plus tard, GGB n’employait en tout cas plus aucun travailleur. Dans le même temps, cette entreprise rencontrait des difficultés financières importantes, le solde négatif de GGB s’élevant à la fin de 2014 à 7,9 millions d’euros. Dans des circonstances normales, l’insolvabilité effective de GGB aurait conduit à la cessation de ses activités ; au lieu de cela, elle a été financée par une opération de centralisation de trésorerie réalisée par le groupe WISAG.

27.      À la date du licenciement des parties requérantes par APSB, cette entreprise appartenait, en fait mais non en droit, au groupe WISAG.

28.      Les parties requérantes soutiennent en outre que certains des contrats exécutés par APSB jusqu’à la cessation de ses activités commerciales ont été transférés à d’autres sociétés du groupe WISAG.

29.      Ce qui précède n’est qu’un résumé des allégations des parties requérantes relatives aux faits additionnels qui sous-tendent les affaires au principal. Je m’en suis tenue aux points essentiels. Ce qui ressort implicitement de ces allégations c’est qu’elles laissent entendre que la ou les décisions relatives à la dénonciation des contrats d’APSB et, par voie de conséquence, aux licenciements de ses employés, parmi lesquels figurent les parties requérantes, ont été prises par une entreprise située à un niveau supérieur au sein du groupe de sociétés WISAG. Il en découlerait que seule cette entreprise aurait connaissance des motifs justifiant la ou les décisions en question et qui devaient, selon l’interprétation que retiennent les parties requérantes de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, être fournis à APSB et communiqués également par cette dernière à son personnel afin de respecter les obligations de consultation prévues par cette directive.

 Sur la recevabilité

30.      Le gouvernement allemand considère que la première question préjudicielle est irrecevable, et cela pour deux raisons. La première est qu’il ressort clairement des faits de l’espèce que le contrôle au sens de la directive 98/59 est dévolu à GGB, puisque c’est l’unique actionnaire d’APSB et qu’elle dispose de l’influence et des droits de vote nécessaires. La première question préjudicielle serait donc inutile et hypothétique. La seconde raison invoquée par le gouverment allemand tient à ce que les faits de l’espèce sont présentés de manière insuffisamment claire pour permettre à la Cour de statuer. Rien n’indiquerait, en particulier, que WISAG aurait pris une décision susceptible d’avoir affecté, directement ou indirectement, les affaires d’APSB.

31.      Il résulte d’une jurisprudence de la Cour bien établie que « les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées » (7).

32.      À la lumière de cette jurisprudence, il m’apparaît que les observations du gouvernement allemand sont dénuées de pertinence. Il est vrai que l’exposé des faits contenu dans la décision de renvoi, même complété par la réponse donnée par la juridiction de renvoi à la demande de clarification que lui a adressée la Cour, n’est pas très clair. Néanmoins cela n’a empêché le gouvernement allemand ni la Commission de présenter des observations détaillées à la Cour, aussi ne saurait-on soutenir que l’exposé des faits est si insuffisant que la Cour ne serait pas en mesure de répondre utilement aux questions. En ce qui concerne la question de savoir si la participation en capital et/ou les droits de vote de GGB dans APSB étaient suffisants pour constituer un « contrôle » au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, ce problème est au cœur de la question posée par la juridiction de renvoi et rien ne permet d’affirmer qu’elle serait hypothétique. Il pourrait en être autrement si GGB avait fourni les informations appropriées à APSB en temps utile pour que les consultations puissent avoir lieu, mais il semble que cela n’a manifestement pas été le cas (8). En effet, si elle l’avait fait, il est probable qu’il n’y aurait pas eu de litige fondé sur la directive 98/59. Il convient donc de rejeter les observations du gouvernement allemand.

33.      Le gouvernement allemand estime également que la quatrième question préjudicielle est hypothétique et qu’il n’y a pas lieu d’y répondre. Selon lui en effet, l’application du droit allemand envisagée par la juridiction de renvoi n’est pas correcte, de sorte que les questions relatives à la charge de la preuve ne se poseraient pas en l’espèce.

34.      Ainsi que je l’ai indiqué dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Online Games e.a. (9), la Cour ne saurait adopter une interprétation du droit national présentée par le gouvernement d’un État membre de préférence à celle de la juridiction de renvoi pour ensuite déclarer une question préjudicielle irrecevable. Or il me semble que c’est pourtant précisément ce que la Cour est invitée à faire dans cette affaire. Si une juridiction d’un État membre nourrit des doutes quant à l’application qu’il convient de faire du droit de l’Union à une situation par ailleurs régie par des règles du droit national, ces doutes doivent bénéficier, pour toutes les raisons exposées dans la jurisprudence que j’ai citée précédemment (10), d’une présomption de pertinence. Force est par conséquent d’écarter les observations du gouverment allemand.

 Vue d’ensemble de la directive 98/59

35.      Selon une jurisprudence bien établie, « pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie » (11). Cette observation est particulièrement appropriée en l’espèce.

36.      Avant d’examiner en détail les questions posées par la juridiction de renvoi, c’est sous cet angle que je commencerai par aborder la directive 98/59.

37.      La disposition la plus essentielle de la directive figure à l’article 2, paragraphe 1. Cette disposition oblige l’employeur qui envisage d’effectuer des licenciements collectifs à procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. L’article 2, paragraphe 2, dispose que ces consultations portent sur les possibilités i) d’éviter ou de réduire, le cas échéant, les licenciements collectifs ainsi que ii) d’atténuer les conséquences des mesures à prendre. L’article 2, paragraphe 3, contient une définition pratique selon laquelle « afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives », l’employeur est tenu de leur fournir, en temps utile au cours des consultations tous renseignements pertinents et de leur communiquer par écrit les motifs du projet de licenciement.

38.      Ces dispositions ont d’abord été adoptées en droit de l’Union par la directive 75/129/CEE (12). Afin de combler ce qui a été décrit comme étant « une lacune de [la] réglementation antérieure et apporter une précision concernant les obligations des employeurs faisant partie d’un groupe d’entreprises » (13), la directive 92/56/CEE (14) a ajouté ce qui est maintenant l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59. Cette disposition énonce que les obligations prévues à l’article 2, paragraphe 1, s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur lui-même ou d’« une entreprise qui contrôle cet employeur ». C’est cette disposition en particulier qui fait l’objet de la présente demande de décision préjudicielle.

39.      La notion d’« entreprise qui contrôle l’employeur » peut à première vue évoquer des notions de droit des sociétés et celle de « groupe de sociétés » dans ce contexte. Il convient toutefois de noter un certain nombre de choses. Premièrement, la directive ne contient en fait pas le terme de « société », mais emploie au contraire celui d’« entreprise ». Or ce terme a un sens potentiellement bien plus large. Deuxièmement, il n’existe pas de définition commune au niveau de l’Union européenne de ce qu’il convient d’entendre par l’expression « groupe de sociétés » : c’est une question qui relève du droit national uniquement (15). Troisièmement, les circonstances dans lesquelles l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 est susceptible de s’appliquer sont nombreuses et variées. Il convient de replacer cela dans le cadre de ce que la Cour a décrit comme « un contexte économique marqué par l’existence d’un nombre croissant de groupes d’entreprises » (16). Dans le cas le plus simple, il s’agira d’une entreprise exerçant une activité dans un seul État membre et seule une entreprise également constituée ou exerçant une activité dans le même État membre pourrait être considérée, à quelque titre que ce soit, comme la « contrôlant ». L’entreprise qui exerce le contrôle peut toutefois être située dans un autre État membre ou même, en dehors de l’Union, de sorte qu’il n’est pas toujours possible de déterminer aisément l’entreprise qui exerce un « contrôle ».

40.      Il convient également de garder à l’esprit que la nature des relations au sein d’un « groupe » peut varier considérablement. Dans certains cas, le contrôle sera exercé exclusivement par l’entité de tête, les entreprises de niveau inférieur n’ayant que très peu, voire pas du tout, de marge d’appréciation. Dans d’autre cas, c’est la situation contraire qui pourra prévaloir, l’entité de tête jouant le rôle d’une holding « pure » et délégant les décisions de gestion plus en aval. Il se peut encore que ce soit une entreprise intermédiaire qui prenne ces décisions ; il n’est pas nécessaire que ce soit la même entreprise que celle qui emploie le personnel. La relation entre l’entreprise qui exerce le contrôle et l’employeur peut, dans certains cas, être fondée sur le dialogue et constructive, les décisions importantes n’étant prises qu’après une discussion approfondie et une explication des raisons sous‑jacentes. Dans d’autres cas, l’employeur peut être tenu d’agir selon les instructions données par l’entreprise qui exerce le contrôle et ne recevoir ni motifs ni explications des raisons pour lesquelles ces instructions pourraient lui être adressées. Même au sein d’une structure de groupe, la société qui prend la décision d’annoncer des licenciements collectifs ne doit pas nécessairement être la société holding, il peut s’agir du seul employeur. Le « contrôle », interprété techniquement dans un tel contexte, devient alors non pertinent. En résumé, on ne peut donc pas dire qu’il existe un seul type de participation de contrôle juridique (ou même financière) pouvant être considérée comme couvrant toutes les circonstances possibles dans lesquelles l’article 2, paragraphe 4, s’appliquera. Le « contrôle » peut prendre de nombreuses formes et il est implicite dans les questions de la juridiction de renvoi que le fait de s’appuyer uniquement sur les aspects de droit (de jure) de cette notion peut conduire à des manipulations, voire à des abus.

41.      Je dois par ailleurs ajouter que la directive ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par la notion d’« entreprise qui contrôle l’employeur ». Il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de ce droit qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (17). Si l’article 5 de la directive 98/59 permet notamment aux États membres d’introduire des dispositions nationales plus favorables aux travailleurs, ces États membres sont, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, néanmoins liés par l’interprétation autonome et uniforme donnée aux termes de droit de l’Union utilisés dans la directive (18).

 Sur la première question : la nature de la participation de contrôle requise aux fins de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59

42.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande essentiellement si la relation entre un employeur et l’entreprise qui le contrôle doit, aux fins de l’article 2, paragraphe 4, de la directive, être une relation de droit (de jure)ou si une influence de fait (de facto)suffit également.

43.      La procédure prévue par la directive concerne les consultations. Elle ne cherche en aucune façon à régir la manière dont un groupe d’entreprises est organisé, ni à restreindre la liberté d’un tel groupe d’organiser ses activités de la manière qui lui semble la mieux adaptée à ses besoins (19). L’objectif des consultations est, dans la mesure du possible, d’éviter la totalité des licenciements collectifs projetés. Lorsque cela n’est pas possible – et il faut supposer que, dans de nombreux cas, cela ne le sera pas – leur nombre devrait être réduit ou les conséquences de ceux-ci devraient être atténuées, dans toute la mesure du possible selon les circonstances. L’obligation de participer aux consultations incombe toujours à l’employeur, et non à l’entreprise qui contrôle cet employeur, même s’il est clair que l’obligation de procéder à des consultations peut apparaître dans des situations où la perspective de ces licenciements n’est pas directement le choix de l’employeur. À cette fin, l’employeur est tenu de procéder à des consultations, « en temps utile » et « en vue d’aboutir à un accord », et de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des « propositions constructives » (20).

44.      Le processus de consultation devrait, à tous égards, être utile et constructif. Il ne saurait s’agir d’un exercice purement symbolique. En effet, la notion de « consultation » signifie par essence que les deux parties pourront parvenir par la discussion et la négociation à un résultat positif qui n’aurait pu être atteint autrement. L’employeur doit donc s’assurer que les consultations en question poursuivent un objectif utile. C’est à lui qu’il incombe de procéder aux consultations, et il ne saurait se prévaloir de ce que l’entreprise décisionnaire ne lui a pas fourni les informations nécessaires, devant supporter lui-même les conséquences d’un tel manquement (21). Il est donc essentiel que ces informations arrivent à l’employeur par la bonne source.

45.      La directive 98/59 ne prévoit rien en ce qui concerne la question du « contrôle » au sens de l’article 2, paragraphe 4. La première question qui se pose dans ce contexte est celle de savoir si le contrôle doit porter sur une entreprise qui relève de la définition d’une société holding au sens du droit national. À l’audience, toutes les parties ont admis que cela pourrait être le cas. Il est permis, à cet égard, de faire une analogie avec la définition de la notion d’« entreprise qui exerce le contrôle » figurant à l’article 3 de la directive 2009/38. Le paragraphe 1 de cette disposition définit cette notion comme l’exercice d’une influence dominante sur une autre entreprise, du fait par exemple de la propriété, de la participation financière ou des règles qui régissent cette influence. Le paragraphe 2 prévoit certaines présomptions qui, bien qu’elles ne soient pas expressément formulées ainsi, reflètent essentiellement une relation de droit des sociétés entre une filiale et sa société mère (22).

46.      Je considère toutefois comme la Commission que cette définition est trop restrictive pour couvrir tous les cas de figure envisagés par la directive 98/59. Elle reflète en effet le contexte dans lequel la directive 2009/38 a été adoptée, à savoir la mise en place de comités d’entreprise dans les entreprises de taille plus importante (définies dans la directive comme les « entreprises de dimension communautaire » et les « groupes d’entreprises de dimension communautaire »), qui doivent être informés et consultés sur un large éventail de questions concernant les travailleurs en général (23). Le critère fondé sur le droit des sociétés énoncé à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/59 traduit le fait que l’entreprise qui exerce le contrôle dans ce contexte sera, dans la plupart des cas, la société holding de tête.

47.      Néanmoins, tel n’est pas le cas ici, ou il n’est pas nécessaire que ce le soit. La question du contrôle aux fins de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 ne consiste pas à se demander « quelle entreprise est la société holding de tête de l’employeur », mais « quelle entreprise peut fournir les informations nécessaires pour que les consultations puissent avoir lieu de la manière utile prévue par la directive ». Dans ce contexte, le critère fondé sur le droit des sociétés peut présenter l’avantage de la sécurité juridique. Il me semble qu’à tous autres égards il est trop restrictif et ne reflète pas le schéma général de la directive 98/59. Une telle approche ne pourrait en outre pas, par définition, tenir compte des divergences existant au niveau des États membres en matière de droit des sociétés ni de la nécessité de donner à l’expression « entreprise qui contrôle l’employeur » une interprétation autonome dans l’ensemble de l’Union (24).

48.      Il s’ensuit, à mon avis, que la relation de droit (de jure) n’est pas nécessairement déterminante, et que la relation de fait (de facto) peut également être pertinente.

49.      Quelle est donc la nature de cette relation ? Je tends à penser qu’il est nécessaire que l’entreprise qui exerce le contrôle ait une influence sur l’employeur en ce qui concerne la manière dont les licenciements collectifs envisagés doivent être effectués. Cette influence ne doit pas nécessairement être « dominante » au sens où l’entreprise qui contrôle l’employeur devrait se trouver dans la hiérarchie structurelle du groupe à un niveau plus élevé que l’employeur, puisque rien n’impose que les décisions pouvant conduire aux licenciements collectifs soient prises à un niveau organisationnel supérieur dans l’organisation. En d’autres termes, « contrôle » ne signifie pas nécessairement contrôle hiérarchique, mais sous-entend également que l’entreprise qui exerce le contrôle fournira à l’employeur les informations qui lui permettront de procéder aux consultations, faute de quoi en effet ce dernier se trouvera en contravention avec les obligations qui lui incombent en vertu de la directive.

50.      Pour résumer, je propose donc de considérer que l’entreprise qui « contrôle » l’employeur au sens des dispositions de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 est, pour reprendre la jurisprudence de la Cour dans l’arrêt Akavan, à première vue présumée être l’entreprise qui, dans les circonstances de l’affaire en question, adopte une décision stratégique ou commerciale contraignant l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs (25).

51.      Toutefois, ainsi que toutes les parties ont semblé en convenir à l’audience, il est nécessaire d’exclure les relations dans lesquelles les parties n’ont pas de lien de dépendance. Ainsi, la notion d’« entreprise qui contrôle l’employeur » ne peut inclure une entreprise n’ayant aucun lien de dépendance à l’égard de l’employeur, telle qu’un fournisseur ou un client dont le comportement est susceptible d’avoir une incidence économique sur l’activité de l’employeur et qui peut, dans des cas plus extrêmes, le contraindre à envisager et, si nécessaire, à mettre en œuvre des licenciements collectifs. Une telle entité n’aurait en effet aucun intérêt ni aucun motif à communiquer les informations nécessaires à l’employeur.

52.      En d’autres termes, il doit donc exister entre l’entreprise qui contrôle l’employeur et ce dernier une relation qui justifie que celle-ci lui fournisse les informations nécessaires aux fins des consultations.

53.      Je crois qu’il est nécessaire, à cet égard, de rejeter les arguments du gouvernement allemand selon lesquels le fondement essentiel d’une telle relation réside dans ce qu’il a appelé un « contrôle fondé sur la loi ». Je peux comprendre qu’un tel contrôle puisse exister en présence, par exemple, d’un engagement contractuel permettant à l’employeur d’exiger de l’entreprise qui le contrôle qu’elle lui fournisse les informations nécessaires. Une telle situation semble toutefois relativement improbable en pratique. D’après ce que j’ai compris des arguments du gouvernement allemand, un tel contrôle serait plutôt implicite en droit dans les relations entre les deux entités. Dans ce contexte, l’employeur aurait le pouvoir de contraindre l’entreprise qui le contrôle à lui fournir ces informations. Je ferai remarquer à cet égard que même dans le contexte d’une structure de contrôle basée sur le droit des sociétés, ce type de relation n’existe pas. Le « contrôle » s’exerce en effet du haut vers le bas dans le sens hiérarchique, la société holding ayant le pouvoir de donner à ses filiales des instructions sur la façon dont elles gèrent leurs affaires. L’inverse n’est en revanche pas vrai : la filiale peut certes réclamer à sa société mère, mais ne saurait la contraindre. Dans ces conditions, je ne retire aucune indication utile de l’argumentation développée par le gouvernement allemand.

54.      Il doit cependant exister une sorte de contrainte, sous la forme d’une incitation de l’entreprise qui contrôle l’employeur à fournir les informations permettant à ce dernier de procéder aux consultations appropriées. On pense évidemment à l’impact financier que le défaut de communication des informations nécessaires est susceptible d’avoir sur sa participation dans l’entité employeur. Tel pourrait être le cas, pour ne citer que quelques exemples, parce que les règles de droit national prévoient que tout licenciement collectif imposé sans les consultations requises est nul, ou parce que l’employeur sera passible d’une sanction financière au titre de ce manquement. Dans de pareilles circonstances, la perte financière susceptible d’en résulter se répercutera sur l’entreprise qui contrôle l’entité employeur du fait de la participation qu’elle détient dans ce dernier.

55.      Cela signifie, à mon sens, que les deux entités doivent partager les mêmes intérêts commerciaux, soit sous la forme d’une structure sociale (de jure), soit sous la forme d’un lien contractuel ou de fait (de facto), représenté par un intérêt patrimonial commun. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt se traduise par une propriété en droit. L’intérêt peut être direct ou indirect et ne doit pas nécessairement être exclusif, une participation partielle pouvant suffire. C’est à la juridiction nationale compétente pour examiner les éléments de preuve et se prononcer à leur égard qu’il appartiendra de trancher la question de savoir si, dans une situation donnée, cette participation équivaut à un contrôle au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59.

56.      Avant de conclure mon analyse de la première question préjudicielle, il me faut mentionner brièvement un argument avancé par ASPB. Celle-ci soutient en effet que toute relation autre qu’une relation fondée sur la notion de « participation de contrôle » en vertu du droit des sociétés de l’État membre concerné contreviendrait à l’article 16 de la Charte. Cet argument me paraît sans fondement. L’article 16 de la Charte reflète la jurisprudence de la Cour relative à la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale ainsi que l’article 119, paragraphes 1 et 3, TFUE qui reconnaît la concurrence libre (26). Cette liberté peut en tout état de cause être soumise aux limitations prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, qui permet de restreindre l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte sous réserve des conditions qu’elle prévoit, notamment que ces limitations soient prévues par la loi. Rien dans la présente affaire ne permet de penser que l’interprétation de la directive 98/59 que je propose porterait atteinte aux droits et libertés prévus à l’article 16 de la Charte, aussi n’examinerai-je pas l’argument plus avant.

57.      À la lumière des observations qui précèdent, je considère qu’il conviendrait de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que la notion d’« entreprise qui contrôle l’employeur » au sens de cette disposition doit être comprise par référence à l’entreprise (s’il en existe une) ayant pris une décision stratégique ou commerciale qui contraint l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs. Cette entreprise ne doit pas seulement être une entreprise qui contrôle l’employeur en droit (de jure), il peut également s’agir d’une entreprise qui le contrôle en fait (de facto), étant précisé toutefois qu’une entreprise de ce type ne saurait être sans lien de dépendance à l’égard de l’employeur, comme un fournisseur ou un client dont la conduite peut avoir une incidence sur l’activité de l’employeur. L’employeur et l’entreprise qui le contrôle de factodoivent au contraire partager les mêmes intérêts commerciaux sous la forme d’un lien contractuel ou factuel, représenté par un intérêt patrimonial commun. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt se traduise par une forme de propriété en droit. Il peut être direct ou indirect et ne doit pas nécessairement être exclusif, une participation partielle pouvant suffire. C’est à la juridiction nationale compétente pour examiner les éléments de preuve et se prononcer à leur égard qu’il appartiendra de trancher la question de savoir si, dans une situation donnée, cette participation équivaut à un contrôle au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59.

 Sur la deuxième question : la notion de « décision concernant les licenciements collectifs »

58.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui préciser la manière dont il convient de comprendre l’expression « décision concernant les licenciements collectifs » figurant à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59. D’après ce que je comprends, cette question revêt une importance essentielle dans l’affaire au principal, car elle concerne le moment où l’entreprise qui contrôle l’employeur doit communiquer à ce dernier les informations requises aux fins de cette disposition.

59.      La référence à la « décision concernant les licenciements collectifs » contenue à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 pourrait à première vue laisser penser que les exigences de cette disposition ne s’appliquent qu’une fois que la décision a effectivement été prise. À y regarder de plus près cependant, il est clair que cela ne saurait être la bonne interprétation. Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre, l’article 2, paragraphe 4, fait référence aux obligations prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 de ce même article. Le premier s’applique lorsqu’un employeur « envisage d’effectuer des licenciements collectifs », un stade auquel il est tenu de procéder à des consultations avec les représentants des travailleurs. En vertu du paragraphe 3, l’employeur est tenu, « en temps utile au cours des consultations », de leur fournir des informations permettant aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives. La jurisprudence de la Cour selon laquelle la procédure de consultation doit être accomplie avant qu’une décision relative à la résiliation des contrats des travailleurs soit prise confirme cette approche (27).

60.      En ce qui concerne le point de départ des consultations, la même jurisprudence souligne clairement qu’il ne dépend pas du fait que l’employeur soit déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements exigés à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59, ces renseignements pouvant être communiqués lors des consultations, et non nécessairement au moment de l’ouverture de celles-ci. De même, imposer à un employeur l’obligation d’entamer des négociations alors que la possibilité de licenciements collectifs n’est que théorique risquerait d’imposer une charge intolérable et même tout à fait irréaliste à celui-ci. La Cour a donc jugé que le délai ne commence à courir qu’à partir de l’adoption d’une décision stratégique ou de modifications d’activités qui contraignent l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs (28).

61.      C’est à l’employeur qu’il incombera de décider du moment auquel il convient d’entamer les consultations aux fins de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, et il devra prendre cette décision conformément aux principes énoncés ci-dessus. Lorsqu’il est sous le contrôle d’une autre entreprise au sens de l’article 2, paragraphe 4, il doit par conséquent tenir compte de toutes les informations et instructions qui lui sont fournies par l’entreprise qui le contrôle et qui peuvent avoir une incidence sur le fait que des licenciements collectifs sont envisagés ou non. De même, si elle n’est pas soumise à l’obligation légale de procéder à des consultations, l’entreprise qui contrôle l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires au plus tard au moment où ce dernier est tenu de s’acquitter de ses obligations à cet égard, faute de quoi la directive perd toute utilité. Si l’entreprise qui contrôle l’employeur lui impose des exigences le contraignant d’un point de vue économique à procéder à des licenciements collectifs, il me semble que l’employeur se verra dans tous les cas dans l’obligation d’entamer le processus de consultation.

62.      Je considère par conséquent qu’il conviendrait de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’employeur est tenu d’entamer des consultations en vertu de la directive 98/59 lorsqu’il a connaissance de l’adoption d’une décision stratégique ou d’une modification d’activités qui le contraignent à envisager ou à projeter des licenciements collectifs. Lorsque l’on est en présence d’une « entreprise qui contrôle l’employeur » au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, si cette dernière impose à l’employeur des exigences le contraignant d’un point de vue économique à procéder à des licenciements collectifs, l’employeur se verra dans tous les cas dans l’obligation d’entamer le processus de consultation s’il ne l’a pas encore fait.

 Sur la troisième question : l’étendue de l’obligation de communication

63.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour de lui préciser l’étendue de l’obligation de communiquer les informations prévues à l’article 2, paragraphe 3, de la directive 98/59.

64.      Encore une fois, il est important de rappeler le contexte dans lequel ces obligations prennent naissance. Premièrement (en vertu de l’article 2, paragraphe 1), lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder à des consultations « en vue d’aboutir à un accord ». Deuxièmement (comme le prévoit l’article 2, paragraphe 2), les consultations en question portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences (si, et dans la mesure où des licenciements doivent intervenir). Troisièmement, l’article 2, paragraphe 3, impose que les informations qu’il vise « permett[ent] aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives ». Lorsque, conformément à l’article 2, paragraphe 4, la décision concernant les licenciements collectifs émane d’une entreprise qui contrôle l’employeur, les informations doivent être communiquées à l’employeur en temps utile pour lui permettre de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la directive.

65.      L’étendue des obligations imposées est donc très large. Il est évident qu’il est nécessaire que l’employeur fasse preuve d’un degré élevé de bonne foi pour garantir leur mise en œuvre avec succès. Ces obligations exigent-elles que l’employeur, comme le demande la juridiction de renvoi, indique les motifs économiques ou autres pour lesquels l’entreprise qui contrôle cet employeur a pris les décisions qui ont conduit l’employeur à envisager des licenciements collectifs ?

66.      Il est probable que, dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans tous, la réponse sera positive. S’ils ignorent les raisons qui sous-tendent la décision stratégique ou la modification d’activités évoquées au point 60 des présentes conclusions, les représentants des travailleurs risquent de se trouver dans l’impossibilité matérielle de faire des propositions constructives lors des consultations.

67.      J’apporterai cependant une réserve à cette affirmation générale sur un point. L’obligation de communiquer les informations n’existe qu’à la seule fin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives. L’employeur n’est nullement tenu de communiquer des informations ne répondant pas à cette finalité. Dans la mesure où l’impact de cette qualification variera d’un cas à l’autre, je ne pense pas qu’il soit possible de donner des orientations générales à cet égard. C’est à la juridiction nationale compétente pour examiner les éléments de preuve et se prononcer à leur égard qu’il appartient de déterminer, dans chaque cas, l’application des principes pertinents à la procédure dont elle est saisie.

68.      Je considère par conséquent qu’il conviendrait de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 2, paragraphe 3, de la directive 98/59 doit être interprété comme imposant à l’employeur, dans un cas où, conformément à l’article 2, paragraphe 4, la décision concernant les licenciements collectifs émane d’une entreprise qui contrôle cet employeur, d’indiquer les motifs économiques ou autres pour lesquels l’entreprise qui contrôle cet employeur a pris les décisions qui ont conduit à ce que des licenciements collectifs soient envisagés. Cette obligation de révéler les motifs des licenciements ne s’applique toutefois pas lorsque les informations en question n’ont pas pour finalité de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives en relation avec les licenciements projetés. Il appartiendra à la juridiction nationale compétente d’établir les faits afin de décider de l’application des principes pertinents à une procédure donnée.

 Sur les quatrième et cinquième questions : la charge de la preuve

69.      Par ses quatrième et cinquième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande à la Cour de l’éclairer en ce qui concerne la charge de la preuve dans le cadre de demandes fondées sur l’article 2 de la directive 98/59.

70.      L’article 6 de la directive est rédigé en termes assez clairs. Il impose aux États membres de veiller à ce que les représentants des travailleurs et/ou les travailleurs disposent de procédures administratives et/ou juridictionnelles aux fins de faire respecter les obligations prévues par la directive. Contrairement à certains autres instruments législatifs du droit de l’Union, la directive 98/59 ne contient aucune disposition relative à la charge de la preuve (29). Or selon une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Ce principe s’applique également aux règles de preuve y compris (le cas échéant) aux règles relatives à la répartition de la charge de la preuve (30). Les États membres portent toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits. Cette règle se trouve au cœur des principes d’équivalence et d’effectivité, ainsi que de l’exigence de protection juridictionnelle de ces droits en vertu du droit de l’Union (31). Ces principes sont consacrés à l’article 6 de la directive 98/59. Les travailleurs et leurs représentants doivent être en mesure de faire valoir leurs droits en vertu de la directive de la même manière qu’ils pourraient faire valoir des droits équivalents en vertu du droit national, et les modalités procédurales applicables ne doivent ainsi pas être aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (32).

71.      Compte tenu de ces éléments, il est impossible à la Cour de donner quoi que ce soit d’autre que des orientations des plus générales. En effet, c’est à la juridiction nationale compétente qu’il appartient d’examiner les éléments de preuve et d’en tirer des conclusions afin de s’assurer que les principes mentionnés au point 70 des présentes conclusions sont bien respectés. Dans l’hypothèse où les règles applicables prévues par le droit interne ne refléteraient pas ces principes, elles devraient être écartées (33). Ce sera le cas lorsque, notamment, ces règles imposent aux représentants des travailleurs qui voudraient contester les licenciements collectifs de prouver des faits pour lesquels on ne saurait en pratique attendre d’eux qu’ils aient accès aux informations nécessaires pour ce faire.

72.      Je n’ai rien d’autre à ajouter en ce qui concerne la cinquième question.

73.      Je considère par conséquent qu’il conviendrait de répondre aux quatrième et cinquième questions que l’article 6 de la directive 98/59 doit être interprété au sens où les travailleurs et leurs représentants doivent être en mesure de faire valoir leurs droits en vertu de la directive de la même manière qu’ils pourraient faire valoir des droits équivalents en vertu du droit national. Les modalités procédurales applicables ne doivent ainsi pas être aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. C’est à la juridiction nationale compétente qu’il appartient d’examiner les éléments de preuve et d’en tirer des conclusions afin de s’assurer que les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que l’exigence, en vertu du droit de l’Union, d’une protection juridictionnelle effective de ces droits sont bien respectés. Dans l’hypothèse où les règles applicables prévues par le droit interne ne refléteraient pas ces principes, elles devraient être écartées. Ce sera le cas lorsque, notamment, ces règles imposent aux représentants des travailleurs qui voudraient contester les licenciements collectifs de prouver des faits pour lesquels on ne saurait en pratique attendre d’eux qu’ils aient accès aux informations nécessaires pour ce faire.

 Conclusion

74.      Pour toutes les raisons qui précèdent, je considère qu’il convient de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landesarbeitsgericht Berlin (tribunal supérieur du travail de Berlin, Allemagne) que :

1)      L’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprété en ce sens que la notion d’« entreprise qui contrôle l’employeur » au sens de cette disposition doit être comprise par référence à l’entreprise (s’il en existe une) ayant pris une décision stratégique ou commerciale qui contraint l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs. Cette entreprise ne doit pas seulement être une entreprise qui contrôle l’employeur en droit (de jure), il peut également s’agir d’une entreprise qui le contrôle en fait (de facto), étant précisé toutefois qu’une entreprise de ce type ne saurait être sans lien de dépendance à l’égard de l’employeur, comme un fournisseur ou un client dont la conduite peut avoir une incidence sur l’activité de l’employeur. L’employeur et l’entreprise qui le contrôle de factodoivent au contraire partager les mêmes intérêts commerciaux sous la forme d’un lien contractuel ou factuel, représenté par un intérêt patrimonial commun. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt se traduise par une forme de propriété en droit. Il peut être direct ou indirect et ne doit pas nécessairement être exclusif, une participation partielle pouvant suffire. C’est à la juridiction nationale compétente pour examiner les éléments de preuve et se prononcer à leur égard qu’il appartiendra de trancher la question de savoir si, dans une situation donnée, cette participation équivaut à un contrôle au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59.

2)      L’employeur est tenu d’entamer des consultations en vertu de la directive 98/59 lorsqu’il a connaissance de l’adoption d’une décision stratégique ou d’une modification d’activités qui le contraignent à envisager ou à projeter des licenciements collectifs. Lorsque l’on est en présence d’une « entreprise qui contrôle l’employeur » au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, si cette dernière impose à l’employeur des exigences le contraignant d’un point de vue économique à procéder à des licenciements collectifs, l’employeur se verra dans tous les cas dans l’obligation d’entamer le processus de consultation s’il ne l’a pas encore fait.

3)      L’article 2, paragraphe 3, de la directive 98/59 doit être interprété comme imposant à l’employeur, dans un cas où, conformément à l’article 2, paragraphe 4, la décision concernant les licenciements collectifs émane d’une entreprise qui contrôle cet employeur, d’indiquer les motifs économiques ou autres pour lesquels l’entreprise qui contrôle cet employeur a pris les décisions qui ont conduit à ce que des licenciements collectifs soient envisagés. Cette obligation de révéler les motifs des licenciements ne s’applique toutefois pas lorsque les informations en question n’ont pas pour finalité de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives en relation avec les licenciements projetés. Il appartiendra à la juridiction nationale compétente d’établir les faits afin de décider de l’application des principes pertinents à une procédure donnée.

4)      L’article 6 de la directive 98/59 doit être interprété au sens où les travailleurs et leurs représentants doivent être en mesure de faire valoir leurs droits en vertu de la directive de la même manière qu’ils pourraient faire valoir des droits équivalents en vertu du droit national. Les modalités procédurales applicables ne doivent ainsi pas être aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. C’est à la juridiction nationale compétente qu’il appartient d’examiner les éléments de preuve et d’en tirer des conclusions afin de s’assurer que les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que l’exigence, en vertu du droit de l’Union, d’une protection juridictionnelle effective de ces droits sont bien respectés. Dans l’hypothèse où les règles applicables prévues par le droit interne ne refléteraient pas ces principes, elles devraient être écartées. Ce sera le cas lorsque, notamment, ces règles imposent aux représentants des travailleurs qui voudraient contester les licenciements collectifs de prouver des faits pour lesquels on ne saurait en pratique attendre d’eux qu’ils aient accès aux informations nécessaires pour ce faire.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1998, L 225, p. 16).


3      JO 2010, C 83, p. 389 (ci-après la « Charte »).


4      L’exposé des faits contenu dans cette section des présentes conclusions est tiré de la décision de renvoi, et complété par la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements de la Cour. Voir, plus en détail, points 22 et suivants des présentes conclusions.


5      À plusieurs reprises, il s’est avéré difficile de faire la distinction entre les informations fournies par la juridiction de renvoi en tant qu’éléments de fait et les questions qui ne représentent que des arguments avancés par les requérants. J’ai opté pour la prudence à cet égard. Lorsque la catégorie dans laquelle un élément mérite d’être rangé n’est pas claire, j’indique qu’il ne s’agit que d’une allégation.


6      La juridiction de renvoi relève que le groupe comprend de nombreuses entreprises liées entre elles en droit ou en fait, mais qu’il s’est avéré impossible de clarifier pleinement leur statut dans la procédure au principal.


7      Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêt du 7 décembre 2017, López Pastuzano (C‑636/16, EU:C:2017:949, point 19 et jurisprudence citée).


8      Voir le point 11 des présentes conclusions.


9      Conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Online Games e.a. (C‑685/15, EU:C:2017:201, point 25).


10      Voir note 7 des présentes conclusions.


11      Voir, notamment, arrêt du 6 juillet 2017, Air Berlin (C‑290/16, EU:C:2017:523, point 25 et jurisprudence citée).


12      Directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1975, L 48, p. 29).


13      Arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, point 61).


14      Directive 92/56/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, modifiant la directive 75/129/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1992, L 245, p. 3).


15      Dans un rapport rédigé en octobre 2016 par le groupe d’experts informel sur le droit des sociétés, mis en place par la Commission européenne en mai 2014 afin de l’assister en lui fournissant des conseils d’experts en matière de droit des sociétés, le groupe de travail a relevé que « les États membres ont des approches différentes et même contradictoires en ce qui concerne la reconnaissance des intérêts du groupe » (section 1, p. 5). Voir http://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/34455/1/2016-10%20icleg_recommendations_interest_group_final_en.pdf


16      Arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, point 44).


17      Voir, notamment, arrêt du 17 juillet 2008, Kozłowski (C‑66/08, EU:C:2008:437, point 42 et jurisprudence citée).


18      Voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2005, Junk (C‑188/03, EU:C:2005:59, point 29).


19      Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, points 59 et 42).


20      Article 2, paragraphes 1 et 3, respectivement, de la directive 98/59.


21      Voir, à cet effet, arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, point 69). Il convient également de noter que l’entreprise qui contrôle l’employeur au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 ne doit pas nécessairement être constituée ou établie dans l’Union européenne et peut donc ne pas être soumise à la compétence des juridictions des États membres. Je renvoie, à cet égard, aux règles prévues à l’article 4 de la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (JO 2009, L 122, p. 28), qui prévoit des dispositions spécifiques couvrant cette éventualité, et également, dans le contexte de la législation qui a précédé cette directive, à l’arrêt du 15 juillet 2004, ADS Anker (C‑349/01, EU:C:2004:440, points 55 et suivants).


22      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/38, « [l]e fait de pouvoir exercer une influence dominante est présumé établi, sans préjudice de la preuve du contraire, lorsqu’une entreprise, directement ou indirectement, à l’égard d’une autre entreprise : a) détient la majorité du capital souscrit de l’entreprise ; b) dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l’entreprise ; ou c) peut nommer plus de la moitié des membres du conseil d’administration, de direction ou de surveillance de l’entreprise ».


23      Voir, à cet égard, l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/38. Voir également le considérant 17 de cette directive, aux termes duquel « [u]ne définition de l’entreprise qui exerce le contrôle, se rapportant exclusivement à la présente directive et ne préjugeant pas les définitions de groupe et de contrôle figurant dans d’autres textes, s’avère nécessaire. »


24      Voir points 39 et 41 des présentes conclusions.


25      Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, point 48).


26      Voir les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17).


27      Arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, point 70).


28      Arrêt du 10 septembre 2009, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a. (C‑44/08, EU:C:2009:533, points 55, 52 et 49, respectivement).


29      Voir, par exemple, l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).


30      Voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2008, Arcor (C‑55/06, EU:C:2008:244, point 189).


31      Voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Mono Car Styling (C‑12/08, EU:C:2009:466, points 48 et 49, ainsi que jurisprudence citée).


32      Voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834, point 32 et jurisprudence citée).


33      Voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands (C‑310/14, EU:C:2015:690, point 28).