Language of document : ECLI:EU:T:2023:303

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 juin 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Listes des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑141/21,

Aleksandr Vasilevich Shakutin, demeurant à Minsk (Biélorussie), représenté par Me B. Evtimov, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Van Overmeire, T. Haas et M. B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen (rapporteur), Mmes N. Półtorak et M. Stancu, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Aleksandr Vasilevich Shakutin, demande l’annulation, premièrement, de la décision d’exécution (PESC) 2020/2130 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426I, p. 14), et du règlement d’exécution (UE) 2020/2129 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426I, p. 1, ci-après les « actes initiaux »), deuxièmement, de la décision (PESC) 2021/353 du Conseil, du 25 février 2021, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 189), et du règlement d’exécution (UE) 2021/339 du Conseil, du 25 février 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 29, ci-après les « premiers actes de maintien »), et, troisièmement, de la décision (PESC) 2022/307 du Conseil, du 24 février 2022, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 97), ainsi que du règlement d’exécution (UE) 2022/300 du Conseil, du 24 février 2022, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 3, ci-après les « deuxièmes actes de maintien » et, ensemble avec les actes initiaux et les premiers actes de maintien, les « actes attaqués »), en tant que ces actes le concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un homme d’affaires de nationalité biélorusse.

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées depuis 2004 en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Loukachenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1), dont l’intitulé a été remplacé, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) no 588/2011 du Conseil du 20 juin 2011 (JO 2011, L 161, p. 1), par l’intitulé « Règlement (CE) no 765/2006 du Conseil du 18 mai 2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ».

5        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

6        Selon l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphes 4 et 5, du règlement nº 765/2006, tel que modifié par le règlement (UE) nº 1014/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012 (JO 2012, L 307, p. 1), les dernières dispositions renvoyant aux premières, sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par, notamment, des personnes, des entités ou des organismes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ainsi que des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent.

7        En vertu de l’article premier de la décision (PESC) 2020/214 du Conseil du 17 février 2020 modifiant la décision 2012/642 (JO 2020, L 45, p. 3), l’application de la décision 2012/642 a été prorogée jusqu’au 28 février 2021.

8        Le 17 décembre 2020, le Conseil a adopté les actes initiaux.

9        Il ressort du considérant 2 des actes initiaux que, « [l]e 9 août 2020, la [République de] Biélorussie a organisé des élections présidentielles qui ont été jugées incompatibles avec les normes internationales et ternies par l’oppression visant les candidats indépendants et la répression exercée de manière brutale contre des manifestants pacifiques à la suite de ce scrutin », que « [l]e 11 août 2020, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a fait une déclaration au nom de l’Union, dans laquelle il était estimé que les élections n’avaient été ni libres ni régulières » et que « [i]l a également été précisé que des mesures pourraient être prises à l’encontre des responsables de la violence observée, des arrestations injustifiées et de la falsification des résultats de l’élection ».

10      Aux termes des considérants 5 et 6 des actes initiaux, « [l]e 19 novembre 2020, le Conseil est convenu de procéder à l’élaboration d’un nouveau cycle de sanctions, en réponse à la brutalité des autorités biélorusses et en soutien aux droits démocratiques de la population biélorusse » et « [c]ompte tenu des répressions en cours à l’encontre de membres de la société civile en Biélorussie, il convient d’inscrire 29 personnes et 7 entités sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2012/642/PESC ».

11      Par les actes initiaux, le nom du requérant a été inséré à la ligne 87 du tableau A de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 figurant à l’annexe de ladite décision et à la ligne 87 du tableau A de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 765/2006 figurant à l’annexe I dudit règlement (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses »).

12      Dans les actes initiaux, le Conseil a identifié le requérant comme étant un « [h]omme d’affaires, propriétaire de la holding Amhodor » et a justifié l’adoption des mesures restrictives à son égard par la mention des motifs suivants :

« Il est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment.

Il serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de L[o]uka[c]henko. Il est également membre du présidium de l’association publique pro-L[o]uka[c]henk[o] “Belaya Rus” ainsi que du Conseil de développement de l’entrepreneuriat de la République de Biélorussie.

À ce titre, il tire profit du régime de L[o]uka[c]henk[o] et le soutient.

En juillet 2020, il a fait des commentaires publics condamnant les manifestations de l’opposition en Biélorussie, contribuant ainsi à la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique. »

13      Le 18 décembre 2020, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues dans les actes initiaux (JO 2020, C 437, p. 15). Par cet avis, les personnes et entités concernées ont notamment été informées du fait qu’elles pouvaient soumettre au Conseil une demande de réexamen de l’inscription de leurs noms sur les listes litigieuses.

14      Par lettre du 23 décembre 2020, le requérant a contesté le bien-fondé de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et a demandé au Conseil de procéder à un réexamen. Il a également demandé à avoir accès aux informations et aux preuves étayant ladite inscription.

15      Par lettre du 5 février 2021, le Conseil a communiqué au requérant les documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 contenant les preuves utilisées pour prendre les actes initiaux.

16      Le 25 février 2021, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien par lesquels les mesures restrictives à l’égard du requérant ont été maintenues jusqu’au 28 février 2022. Les informations d’identification relatives au requérant selon lesquelles il était « propriétaire de la holding Amhodor » ont été remplacées pour indiquer qu’il était « propriétaire de Amkodor Holding ». Les motifs justifiant le maintien du nom du requérant n’ont pas été modifiés, à l’exception de celui selon lequel, « [à] ce titre, il tir[ait] profit du régime de L[o]uka[c]henk[o] et le soutient » qui a été remplacé par « [i]l tir[ait] donc profit du régime de Loukachenk[o] et le sout[enai]t ».

17      Par lettre du 26 février 2021, le Conseil a indiqué au requérant qu’aucune des observations contenues à la lettre du 23 décembre 2020 ne le conduisaient à douter qu’il y avait des raisons suffisantes pour maintenir l’inscription du nom de celui-ci sur les listes litigieuses et s’est référé, s’agissant de certains éléments, aux documents WK 13841/2020 INIT et WK 1772/2021 INIT joints à ladite lettre du 26 février 2021. Le requérant a reçu cette dernière lettre le 20 mars 2021.

18      Par lettre du 17 janvier 2022, le Conseil a signifié au requérant son intention de proroger les mesures restrictives à son égard sur la base d’un nouvel exposé des motifs et en s’appuyant sur les documents WK 15381 2021 REV 1, WK 15436 2021 EXT 5 et WK 15436 2021 ADD 1 joints à ladite lettre.

19      Par lettre du 25 janvier 2022, le requérant a répondu que les nouveaux motifs ainsi que les documents communiqués par le Conseil ne justifiaient pas le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

20      Le 24 février 2022, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien par lesquels il a maintenu les mesures restrictives à l’égard du requérant, en retenant les motifs suivants :

« Il est l’un des principaux hommes d’affaires exerçant des activités en Biélorussie, avec des intérêts commerciaux dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment.

Il serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenk[o]. Il est également un ancien membre du présidium de l’association publique pro-Loukachenk[o] “Belaya Rus” ainsi qu’un ancien membre du Conseil de développement de l’entrepreneuriat de la République de Biélorussie.

En juillet 2020, il a publiquement fait des déclarations condamnant les manifestations de l’opposition en Biélorussie, soutenant ainsi la politique de répression du régime [de] Loukachenk[o] à l’égard des manifestants pacifiques, de l’opposition démocratique et de la société civile.

Il entretient des intérêts commerciaux en Biélorussie. »

21      Par lettre du 25 février 2022, le Conseil a répondu à la lettre du 25 janvier 2022 et signifié au requérant sa décision de maintenir l’inscription du nom de celui-ci sur les listes litigieuses.

 Conclusions des parties

22      Dans la requête, introduite le 5 mars 2021, le requérant a demandé l’annulation des actes initiaux et des premiers actes de maintien en tant qu’ils le concernent. Par mémoire en adaptation, déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2022, le requérant a adapté ses conclusions pour viser également les deuxièmes actes de maintien en tant qu’ils le concernent.

23      Le requérant conclut, ainsi, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

24      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement infondé ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les mesures restrictives adoptées contre le requérant, ordonner que les effets de la décision 2022/307 soient maintenus en ce qui concerne le requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2022/300 prenne effet.

 En droit

 Observations liminaires sur les moyens invoqués par le requérant

25      Dans la requête, le requérant invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation et, le deuxième, d’erreurs d’appréciation commises par le Conseil.

26      Dans la réplique, le requérant soulève un troisième moyen, tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, subdivisé en deux branches prises, la première, de la communication tardive par le Conseil du document WK 1772/2021 INIT et, la seconde, de la communication tardive par le Conseil des critères justifiant les mesures prises à son égard.

27      Dans le mémoire en adaptation, le requérant adapte les premier et deuxième moyens pour viser également les deuxièmes actes de maintien et invoque un quatrième moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration.

28      À l’audience, le requérant fait valoir que le troisième moyen est dirigé non seulement contre les actes initiaux et les premiers actes de maintien, mais également contre les deuxièmes actes de maintien, et précise que le quatrième moyen est dirigé uniquement contre les deuxièmes actes de maintien.

29      Par ailleurs, le requérant se plaint d’une violation du droit d’être entendu avant l’adoption des premiers actes de maintien et demande que le Tribunal statue sur l’omission, dans les actes initiaux, de dispositions relatives à l’expiration et au réexamen de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

30      Le Conseil réfute les moyens soulevés par le requérant. Il conteste également la recevabilité des troisième et quatrième moyens ainsi que des griefs exposés au point 29 ci-dessus.

31      Il convient d’observer, d’une part, que le troisième moyen, en sa première branche, ainsi que les moyens soulevés à l’audience exposés au point 29 ci-dessus sont tirés, en substance, respectivement, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense et qu’il convient de les examiner conjointement. D’autre part, dans le cadre du premier moyen ainsi que de la seconde branche du troisième moyen, le requérant soutient, en substance, qu’il n’a pas été mis en mesure de comprendre si les mesures prises à son égard étaient fondées notamment sur l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642. Il y a donc lieu d’examiner ces arguments conjointement, en tant qu’ils forment un moyen unique tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

32      Pour les besoins de la présente affaire, il convient d’examiner, premièrement, les moyens tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense, deuxièmement, le moyen tiré d’erreurs d’appréciation du Conseil, troisièmement, le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation et, quatrièmement, le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration.

 Sur les moyens tirés dune violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense

33      La première branche du troisième moyen, soulevé dans la réplique, tirée d’une communication tardive par le Conseil du document WK 1772/2021 INIT, doit être examinée, d’abord, en tant qu’elle est dirigée contre les actes initiaux et les premiers actes de maintien et, ensuite, en tant qu’elle est dirigée contre les deuxièmes actes de maintien. Dans le cadre de l’examen relatif aux actes initiaux et aux premiers actes de maintien, il convient d’apprécier également les griefs pris, d’une part, d’une violation du droit d’être entendu et, d’autre part, de l’omission, dans les actes initiaux, de dispositions relatives à l’expiration et au réexamen de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses.

 S’agissant des actes initiaux et des premiers actes de maintien

34      Le requérant soutient que le Conseil a violé son droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Cela justifierait l’annulation des actes initiaux et des premiers actes de maintien.

35      Le requérant relève que le Conseil se réfère, dans le mémoire en défense, au document WK 1772/2021 INIT daté du 8 février 2021, qui lui a été transmis avec la lettre du Conseil du 26 février 2021, laquelle ne lui est parvenue que le 20 mars 2021. Il affirme ne pas avoir eu connaissance dudit document et ne pas avoir pu prendre position sur celui-ci au jour de l’introduction de son recours, le 5 mars 2021, alors même que le délai pour contester les actes initiaux et les premiers actes de maintien expirait le 15 mars 2021. Dans la réplique, qui n’aurait pas pour finalité de répondre pour la première fois à des allégations factuelles substantielles, il indique ne pas avoir pu développer autant que dans la requête son argumentation au sujet des nombreux éléments contenus dans ce même document et invoque le fait qu’il n’aura aucune possibilité de répondre par écrit à la duplique.

36      En outre, le requérant fait valoir, d’une part, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses par les actes initiaux et les premiers actes de maintien est fondée sur des motifs identiques et porte sur le même sujet. Un recours distinct contre les premiers actes de maintien aurait donc été considéré comme irrecevable, car contraire à la bonne administration de la justice. D’autre part, à supposer même qu’un tel recours distinct eût été recevable, le requérant estime que, dans le cadre de la présente affaire, le Conseil aurait dû s’abstenir de se fonder sur le document WK 1772/2021 INIT dans le mémoire en défense, dès lors qu’il n’y avait pas fait référence dans la requête et que le Conseil savait que ce document avait été reçu tardivement.

37      À l’audience, le requérant se prévaut de la période très courte séparant l’adoption des actes initiaux de l’adoption des premiers actes de maintien et soutient que ces derniers corrigeaient des erreurs et comblaient des omissions entachant lesdits actes initiaux pris dans l’urgence, notamment par l’ajout d’un délai d’expiration et d’une date de réexamen. Un tel corrigendum n’aurait donc pas pu être contesté par un recours distinct de celui introduit contre les actes initiaux.

38      Le requérant ajoute que l’effet de surprise ne serait pas nécessaire lors de l’adoption d’une décision de maintien d’un gel de fonds. Selon lui, le Conseil est dès lors tenu de communiquer les nouvelles preuves sur lesquelles celui-ci entend s’appuyer pour prendre une telle décision avant l’adoption de celle-ci. Invité par le Tribunal à préciser son argumentation, il fait valoir, d’une part, que le Conseil aurait dû l’entendre avant d’adopter les premiers actes de maintien et, d’autre part, que, compte tenu des circonstances de l’espèce, le document WK 1772/2021 INIT, dont le Conseil disposait dès le début du mois de février 2021, aurait dû lui être transmis avant l’introduction du présent recours.

39      Le Conseil conteste tant la recevabilité que le bien-fondé des arguments du requérant.

–       Sur la recevabilité des moyens

40      Aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, un moyen nouveau est irrecevable à moins qu’il ne se fonde sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure.

41      En premier lieu, dans la duplique, le Conseil se prévaut de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure pour soutenir que le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective est irrecevable, car soulevé tardivement au stade de la réplique.

42      À cet égard, le Conseil fait valoir, tout d’abord, que le requérant pouvait diriger le présent recours, introduit le 5 mars 2021, uniquement contre les actes initiaux, en s’appuyant sur les éléments de dossier dont il avait alors connaissance, et adapter par la suite la requête, au titre de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, afin de demander l’annulation des premiers actes de maintien. La stratégie contentieuse du requérant, consistant à attaquer les actes initiaux et les premiers actes de maintien par une même requête, ne devrait pas déterminer l’existence d’éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

43      Ensuite, un retard dans la notification d’une mesure de prorogation d’une inscription ne constituerait pas une violation des droits de la défense si les motifs justifiant l’inscription n’ont pas changé. En outre, en l’espèce, le Conseil n’aurait pas pu savoir que la lettre du 26 février 2021 ne parviendrait au requérant que le 20 mars 2021.

44      Enfin, au jour de l’introduction de la requête, les motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien auraient été connus du requérant et les éléments de preuve justifiant les actes initiaux auraient été à sa disposition.

45      À l’audience, le requérant soutient que le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective est recevable.

46      Il convient de relever que le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective a été soulevé pour la première fois dans la réplique. Il s’agit donc d’un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, ce que le requérant admet, puisqu’il l’identifie comme tel dans la réplique.

47      La recevabilité dudit moyen dépend donc du point de savoir s’il se fonde sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, afin qu’une donnée factuelle soit qualifiée d’élément de fait révélé pendant la procédure au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, il ne suffit pas que le requérant en ait pris connaissance pendant la procédure devant le Tribunal. Il faut encore que le requérant n’ait pas été en mesure d’avoir connaissance de cette donnée antérieurement [voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, points 162 à 169].

48      En l’espèce, il convient de relever que le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective se fonde sur la circonstance que le Conseil s’est appuyé sur le document WK 1772/2021 INIT dans le mémoire en défense, alors même que ledit document n’avait pas été communiqué au requérant avant l’introduction du présent recours. À cet égard, il est vrai que ce n’est qu’au jour de la signification du mémoire en défense, le 20 juillet 2021, donc pendant la procédure devant le Tribunal, que le requérant a découvert que le Conseil se fondait sur le document WK 1772/2021 INIT et il n’était pas en mesure d’en avoir connaissance antérieurement.

49      Par conséquent, le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective est recevable s’agissant des actes initiaux et des premiers actes de maintien.

50      En second lieu, le Conseil soutient que le moyen tiré d’une violation des droits de la défense est irrecevable, car soulevé tardivement lors de l’audience.

51      Le requérant fait valoir, en substance, que le grief pris de ce que le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption des premiers actes de maintien ne fait qu’amplifier le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

52      Il convient de relever que, durant la phase écrite de la procédure, le requérant n’a pas fait grief au Conseil de ne pas l’avoir entendu avant l’adoption des premiers actes de maintien. En particulier, dans le cadre de la première branche du troisième moyen soulevé dans la réplique, le requérant se prévaut uniquement d’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

53      Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation des droits de la défense, qui a été soulevé pour la première fois lors de l’audience, constitue un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

54      Toutefois, ledit moyen se fonde sur la circonstance que le Conseil a ajouté le document WK 1772/2021 INIT au dossier lors de l’adoption des premiers actes de maintien, laquelle constitue un élément de fait révélé pendant la procédure au sens de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus.

55      En effet, dans le mémoire en défense, le Conseil discute du bien-fondé des motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien au regard des documents WK 13841/2020 INIT, WK 14796/2020 EXT 3 et WK 1772/2021 INIT sans indiquer à quel moment ces différents documents ont été versés à son dossier. Ce n’est que dans la duplique que le Conseil a précisé s’être fondé sur les documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 pour prendre les actes initiaux et avoir ajouté le document WK 1772/2021 INIT au dossier lors de l’adoption des premiers actes de maintien. S’agissant du document WK 14796/2020 EXT 3, le Conseil a indiqué, lors de l’audience, qu’il a été établi le 17 décembre 2020 et que la date du 2 février 2021 figurant sur la première page du document adressé au requérant s’explique par le fait qu’il s’agit d’une extraction aux fins de répondre à la demande d’accès au dossier.

56      Or, le requérant n’était pas en mesure de savoir, antérieurement aux explications du Conseil figurant dans la duplique et lors de l’audience, à quel moment le document WK 1772/2021 INIT a été ajouté au dossier.

57      Il convient d’ajouter que, à la suite des explications en cause et alors que la phase écrite de la procédure était clôturée, le requérant a déposé une demande de tenue d’une audience dans laquelle il a indiqué vouloir se prononcer sur le point de la duplique indiquant que le document WK 1772/2021 INIT comporte de « nouvelles informations pertinentes ».

58      Dans ces circonstances, le requérant était recevable à soulever pour la première fois lors de l’audience un moyen tiré d’une violation des droits de la défense en ce que le Conseil ne l’avait pas entendu avant l’adoption des premiers actes de maintien.

59      Il ressort de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir invoquées par le Conseil en ce qui concerne les moyens tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense doivent être rejetées.

–       Sur le bien-fondé des moyens

60      À titre liminaire, il convient de relever, sans qu’il y ait lieu de se prononcer, à cet égard, sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil lors de l’audience, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers actes de maintien ne constituent pas un corrigendum des actes initiaux.

61      En effet, les actes initiaux se composent de la décision d’exécution 2020/2130 et du règlement d’exécution 2020/2129 qui ont modifié les listes litigieuses figurant dans la décision 2012/642 et le règlement no 765/2006 afin d’y ajouter, notamment, le nom du requérant.

62      L’échéance de l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes litigieuses et la date de son réexamen n’étaient donc pas indéterminées du fait d’une omission du Conseil, contrairement à ce que soutient le requérant, mais régies par les dispositions pertinentes de la décision 2012/642 ainsi que du règlement no 765/2006. À cet égard, ladite décision prévoyait qu’elle s’appliquait jusqu’au 28 février 2021, ainsi que cela ressortait de son article 8, paragraphe 1, tel que modifié par l’article premier de la décision 2020/214. Quant audit règlement, son article 8 bis, paragraphe 4, dispose que la liste de l’annexe I est examinée à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois.

63      Par la suite, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien. Ceux-ci sont formés de la décision 2021/353, dont l’article premier, sous a), avait modifié l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2012/642 afin de proroger l’application de celle-ci jusqu’au 28 février 2022, et du règlement d’exécution 2021/339 dont le deuxième considérant indiquait que, sur la base d’un réexamen de la décision 2012/642, il y avait lieu de proroger les mesures restrictives jusqu’au 28 février 2022.

64      Il s’ensuit que les actes initiaux sont des actes juridiques distincts des premiers actes de maintien. Par les actes initiaux, le Conseil a soumis le requérant à des mesures restrictives à compter de leur entrée en vigueur, le 17 décembre 2020, jusqu’au 28 février 2021, tandis que les premiers actes de maintien ont prorogé, à la suite d’un réexamen annuel, lesdites mesures restrictives jusqu’au 28 février 2022.

65      Ensuite, il y a lieu d’examiner séparément les présents moyens selon qu’ils sont dirigés contre les actes initiaux ou contre les premiers actes de maintien.

66      En premier lieu, s’agissant des actes initiaux, le requérant soutient que son droit à une protection juridictionnelle effective a été violé du fait que le Conseil s’est appuyé dans la défense sur le document WK 1772/2021 INIT, alors que celui-ci ne lui avait pas été communiqué avant l’introduction du présent recours.

67      À cet égard, il convient de rappeler que le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, tout d’abord, à la suite de l’adoption des actes initiaux, le requérant a pu préparer la requête à la lumière des documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 qui lui ont été communiqués par le Conseil le 5 février 2021 en réponse à sa demande d’accès au dossier.

69      Ensuite, il est vrai que, dans le mémoire en défense, le Conseil s’est fondé sur le document WK 1772/2021 INIT afin d’étayer un grand nombre de ses allégations. Néanmoins, il s’est également appuyé sur les documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3. En outre, le requérant a pu se prononcer sur la production du document WK 1772/2021 INIT dans la réplique, puis lors de l’audience.

70      Enfin, comme il ressort de l’examen du moyen tiré d’erreurs d’appréciation, effectué aux points 114 à 177 ci-après, l’analyse des motifs retenus contre le requérant dans les actes initiaux au regard des documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 suffit à constater leur bien-fondé.

71      Partant, la production, par le Conseil, du document WK 1772/2021 INIT au stade de la défense n’a, à l’égard des actes initiaux, ni privé le requérant de la possibilité de décider en pleine connaissance de cause s’il était utile de saisir le Tribunal, ni empêché ce dernier d’être pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité qui lui incombait.

72      Le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, en ce qu’il est invoqué à l’appui de la demande en annulation des actes initiaux, doit donc être rejeté.

73      En second lieu, s’agissant des premiers actes de maintien, il convient d’examiner le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu avant le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

74      Premièrement, selon la jurisprudence de la Cour, le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes qui maintiennent des mesures restrictives à l’égard de personnes déjà visées par ces mesures s’impose lorsque le Conseil a retenu de nouveaux éléments à l’encontre de ces personnes et non lorsque un tel maintien est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial imposant les mesures restrictives en question (arrêt du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 67).

75      Or, en l’espèce, les motifs des premiers actes de maintien sont, en substance, identiques à ceux des actes initiaux, de sorte que le Conseil n’avait pas l’obligation d’entendre le requérant avant l’adoption des premiers actes de maintien en vertu de la jurisprudence précitée.

76      Il est vrai qu’il ressort également de la jurisprudence que l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée). Ainsi, quand bien même le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, décidé dans la décision attaquée, est fondé, comme cela est le cas en l’espèce, sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial imposant les mesures restrictives en question, le Conseil est tenu, lors du réexamen périodique des mesures restrictives imposées au requérant, de lui communiquer, le cas échéant, les éléments nouveaux par lesquels il a réactualisé les informations concernant non seulement sa situation personnelle, mais également la situation dans le pays tiers en cause, et de recueillir ses observations sur ces éléments préalablement à l’adoption d’une décision de maintien (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 55 à 64).

77      Toutefois, en l’espèce, le document WK 1772/2021 INIT contient, d’une part, quinze documents publiés antérieurement à l’adoption des actes initiaux. D’autre part, y figurent deux captures d’écran de pages de sites Internet. Bien que celles-ci ont été consultées par le Conseil le 4 février 2021 et que leur date de publication n’est pas précisée, elles ne font état d’aucun élément factuel afférent aux motifs des actes initiaux survenu postérieurement à l’adoption de ceux-ci. Il ne s’agit donc pas d’éléments nouveaux par lesquels le Conseil a réactualisé les informations concernant la situation personnelle du requérant ou la situation en Biélorussie, au sens de la jurisprudence précitée, afin d’adopter les premiers actes de maintien.

78      Le Conseil n’était donc pas tenu, dans les circonstances de l’espèce, de communiquer le document WK 1772/2021 INIT au requérant et de recueillir ses observations préalablement à l’adoption des premiers actes de maintien.

79      Il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a pas enfreint le droit d’être entendu du requérant dans le cadre de l’adoption des premiers actes de maintien. Partant, le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu, invoqué à l’appui de la demande en annulation des premiers actes de maintien, doit être rejeté comme infondé.

80      Deuxièmement, le requérant reproche au Conseil de ne pas lui avoir communiqué le document WK 1772/2021 INIT avant l’introduction du recours, alors que le Conseil en disposait dès le début du mois de février 2021, et fait valoir que cela a porté atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective et à ses droits de la défense dans le cadre de la présente procédure à l’égard des premiers actes de maintien, car il a découvert ce document au cours de la procédure devant le Tribunal.

81      À cet égard, outre la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, il convient de rappeler que, à la suite de l’adoption d’une décision de maintien d’une personne sur une liste, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à la personne intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2021, Alkattan/Conseil, T‑218/20, non publié, EU:T:2021:765, point 75 et jurisprudence citée).

82      En l’espèce, les motifs du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses figuraient dans les premiers actes de maintien publiés au Journal officiel et le requérant déclare à l’audience avoir pris connaissance desdits actes le jour de leur publication, le 26 février 2021. Ainsi, des informations suffisamment précises, permettant au requérant de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, lui ont été communiquées.

83      En outre, le requérant a ainsi été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil dans les premiers actes de maintien. Dans ces conditions, il lui appartenait de demander au Conseil l’accès au dossier s’il voulait disposer des éléments de preuve, notamment le document WK 1772/2021 INIT, afin de préparer son recours contre lesdits actes.

84      C’est le requérant qui a choisi d’attaquer les premiers actes de maintien quelques jours seulement après leur adoption, dans le cadre du recours introduit le 5 mars 2021, sans exercer préalablement son droit d’accès au dossier ainsi qu’il l’a confirmé lors de l’audience.

85      À cet égard, c’est à tort que le requérant fait valoir que, une fois que les actes initiaux, contre lesquels il estimait devoir agir au plus tard le 15 mars 2021, étaient contestés devant le Tribunal dans le cadre du recours formé le 5 mars 2021, un nouveau recours introduit ultérieurement contre les premiers actes de maintien aurait été rejeté comme irrecevable.

86      En effet, à la suite de l’adoption, le 25 février 2021, des premiers actes de maintien qui constituaient des actes juridiques distincts des actes initiaux (voir point 64 ci-dessus), le requérant disposait du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE pour intenter un recours en annulation.

87      Ainsi, dans le délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le requérant pouvait demander l’accès au dossier sous-tendant les premiers actes de maintien.

88      Faute d’avoir effectué une telle demande, le requérant ne peut valablement pas se plaindre d’avoir découvert le document WK 1772/2021 INIT au cours de la procédure devant le Tribunal.

89      C’est également à tort que le requérant fait valoir que, dans la mesure où il n’a pas pu prendre position sur le document WK 1772/2021 INIT dans la requête, le Conseil a violé ses droits de la défense dans le cadre de la présente procédure en s’en prévalant dans le mémoire en défense.

90      En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, il était en mesure de défendre effectivement ses droits devant le Tribunal, puisqu’il pouvait, dans le cadre de la phase écrite de la présente procédure juridictionnelle, utiliser la réplique pour contredire les allégations factuelles figurant dans le mémoire en défense. Cela vaut a fortiori dans la mesure où le document WK 1772/2021 INIT, que le requérant présente comme « très volumineux et détaillé », était joint à la lettre du 26 février 2021 qu’il a reçue le 20 mars 2021. Aussi, le requérant avait-il connaissance de l’existence et du contenu dudit document quatre mois avant la signification du mémoire en défense, intervenue le 20 juillet 2021, et plus de cinq mois avant l’échéance du délai pour le dépôt de la réplique, qui a été fixé au 31 août 2021.

91      Partant, le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, en ce qu’il est invoqué à l’appui de la demande en annulation des premiers actes de maintien, doit être rejeté.

92      Il ressort de ce qui précède que, s’agissant des actes initiaux et des premiers actes de maintien, les moyens tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense doivent être rejetés dans leur ensemble.

 S’agissant des deuxièmes actes de maintien

93      Lors de l’audience, le requérant soutient avoir soulevé le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective dans l’adaptation de la requête afin de contester la légalité des deuxièmes actes de maintien.

94      Le Conseil fait valoir que l’adaptation de la requête ne contient aucune référence au moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

95      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau. En outre, l’article 86, paragraphe 4, sous b), dudit règlement dispose que le mémoire en adaptation contient, s’il y a lieu, les moyens et arguments adaptés.

96      Selon la jurisprudence, lorsqu’un acte ultérieur attaqué par la voie de l’adaptation de la requête est en substance le même qu’un acte initialement attaqué, ou qu’il ne diffère de celui-ci que par des différences purement formelles, il ne peut être exclu que, en n’assortissant pas sa demande d’adaptation de moyens et arguments eux-mêmes adaptés, le requérant ait entendu implicitement, mais nécessairement s’en rapporter aux moyens et arguments de sa requête introductive d’instance (arrêt du 24 janvier 2019, Haswani/Conseil, C‑313/17 P, EU:C:2019:57, point 37).

97      Il ressort également de la jurisprudence que les moyens et arguments invoqués à l’encontre de l’acte justifiant l’adaptation de la requête doivent être exposés au sein du mémoire en adaptation de manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur cette adaptation. Ainsi, la partie requérante doit, en principe, expliquer en quoi les moyens et arguments précédemment invoqués sont transposables à l’acte visé par son adaptation. En effet, en l’absence d’explications apportées par la partie requérante, les moyens que celle-ci a développés dans la requête ne sont recevables à l’égard de l’acte visé par son adaptation que dans la mesure où leur transposition au contexte propre à cet acte ne nécessite aucune explication (voir arrêt du 28 avril 2021, Sharif/Conseil, T‑540/19, non publié, EU:T:2021:220, points 185 et 186 et jurisprudence citée).

98      En l’espèce, le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective est tiré de ce que le requérant a découvert à la suite de la signification du mémoire en défense que le Conseil se fondait devant le Tribunal sur le document WK 1772/2021 INIT alors qu’il n’avait pas connaissance de celui-ci lorsqu’il a introduit son recours contre les actes initiaux et les premiers actes de maintien.

99      Toutefois, lorsque le requérant a déposé le mémoire en adaptation, pour contester également la légalité des deuxièmes actes de maintien, il savait, au vu du mémoire en défense et de la duplique, que le Conseil avait versé le document WK 1772/2021 INIT au dossier lors de l’adoption des premiers actes de maintien et s’en prévalait devant le Tribunal.

100    Partant, le requérant devait, s’il entendait invoquer le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective à l’appui de la demande en annulation des deuxièmes actes de maintien, expliquer, dans le mémoire en adaptation, en quoi son argumentation à cet égard pouvait être transposée au contexte propre à ces actes.

101    Or, dans le mémoire en adaptation, le requérant se borne à soutenir qu’il n’entend pas modifier de façon significative les moyens soulevés dans la requête et dans la réplique, et à adapter les premier et deuxième moyens soulevés dans la requête. Ce faisant, il n’a procédé à aucune adaptation du moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective soulevé dans la réplique permettant à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer au regard d’arguments clairs et précis valables dans le contexte propre aux deuxièmes actes de maintien.

102    En outre, interrogé à l’audience sur le point de savoir si l’adaptation de la requête inclut les moyens soulevés dans la réplique, le requérant a répondu par l’affirmative et a fait valoir que, par les deuxièmes actes de maintien, le Conseil avait maintenu son nom sur les listes litigieuses par des motifs ne présentant pas de différences substantielles par rapport aux motifs retenus contre lui dans les actes initiaux et les premiers actes de maintien, nonobstant les vices entachant ceux-ci. Cependant, ces éléments, qui sont sans rapport avec les droits de la défense devant le Tribunal, n’expliquent pas en quoi le moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective est transposable au contexte propre aux deuxièmes actes de maintien.

103    Il s’ensuit que, même à supposer que le requérant ait entendu implicitement, mais nécessairement s’en rapporter au moyen tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective dans le mémoire en adaptation en ce qui concerne les deuxièmes actes de maintien, un tel moyen est irrecevable en tant qu’il est soulevé à l’appui de la demande en annulation desdits actes.

104    Il ressort de tout ce qui précède que les moyens tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur le moyen tiré derreurs dappréciation

105    Dans le cadre du deuxième moyen soulevé dans la requête, le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués, en ce qu’ils le concernent, sont entachés d’erreurs d’appréciation.

106    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

107    Il convient de rappeler, premièrement, que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

108    Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

109    C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

110    Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

111    Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).

112    Deuxièmement, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé en cause est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).

113    C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner le bien-fondé, d’abord, des actes initiaux, ensuite, des premiers actes de maintien et, enfin, des deuxièmes actes de maintien.

 S’agissant des actes initiaux

114    Le Tribunal estime opportun de débuter l’examen par les motifs des actes initiaux, figurant dans les trois premiers paragraphes cités au point 12 ci-dessus, selon lesquels, premièrement, le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture notamment, deuxièmement, celui-ci serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et, troisièmement, celui-ci est membre du présidium de l’association publique pro-Loukachenk[o] Belaya Rus (ci-après l’« association Belaya Rus ») ainsi que du Conseil de développement de l’entrepreneuriat de la République de Biélorussie (ci-après le « CDE »), et que, à ce titre, il tire profit du régime de Loukachenko et le soutient.

115    Les motifs en cause sont fondés sur les critères consacrés à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, disposition à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006.

116    Il convient donc d’examiner si les éléments factuels fondant les motifs en cause sont établis et si le Conseil n’a pas commis d’erreur en retenant, sur les base desdits éléments, que, au moment de l’adoption desdits actes, le requérant tirait profit du régime de Loukachenko et soutenait celui-ci au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006. Cet examen est effectué au regard des documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 sur lesquels le Conseil déclare s’être appuyé au moment de l’adoption des actes initiaux.

–       Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment

117    En ce qui concerne la position du requérant dans la vie économique en Biélorussie et l’étendue de ses intérêts financiers, il convient de relever, premièrement, que, au jour du dépôt de la requête, le requérant reconnaissait détenir une participation, à hauteur de 62 % des parts, depuis 2018, dans la holding Amkodor, dont il était, en outre, président du conseil d’administration, ainsi qu’une participation dans la holding SALEO qu’il déclarait contrôler.

118    Deuxièmement, le requérant reconnaît que la holding Amkodor et la holding SALEO sont actives dans le secteur de la fabrication de machines.

119    Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur en considérant que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant avait « des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment », étant entendu que le terme « notamment » doit être compris en ce sens que le Conseil a énuméré de façon non exhaustive les secteurs économiques dans lesquels il estimait que le requérant avait des intérêts financiers.

120    En effet, l’existence de tels intérêts dans le secteur de la fabrication de machines étant établie, il n’est pas nécessaire d’analyser si des éléments factuels permettent d’établir que le requérant avait des intérêts financiers dans les autres secteurs économiques énumérés par le Conseil. Dès lors, les arguments par lesquels le requérant conteste avoir des intérêts financiers dans les secteurs de l’agriculture et de la construction ne sauraient prospérer.

121    Troisièmement, ainsi que le relève le Conseil, dans la lettre de 23 décembre 2020, au soutien de la demande de réexamen, le requérant déclare lui-même être « à la tête de la plus grande holding industrielle privée en Biélorussie ». Une telle déclaration spontanée a une importante valeur probante qui ne saurait être diminuée par la circonstance, invoquée dans la réplique, selon laquelle ladite lettre n’est pas signée par un représentant légal du requérant. Au demeurant, lors de l’audience, le requérant a confirmé qu’il était l’entrepreneur privé « le plus important dans le secteur de la construction de machines ».

122    Compte-tenu de ces éléments, c’est en vain que le requérant fait valoir qu’il ne fait pas partie des « hommes d’affaires biélorusses les plus importants ».

123    Certes, il allègue qu’il ne figure pas dans les classements publics des principales fortunes de Biélorussie et que la holding SALEO fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ayant eu des conséquences lourdes pour son patrimoine personnel. De même, selon lui, la valeur totale des entreprises en Biélorussie dans lesquelles il détient des participations ne représente qu’une part minime du produit intérieur brut du pays et les contributions fiscales de la holding Amkodor ne représentent qu’une fraction extrêmement faible des recettes de la République de Biélorussie. Enfin, dans la réplique, il se réfère également au nombre d’employés de la holding Amkodor, pour soutenir qu’il ne représente qu’une infime part de la « masse salariale » du pays, et au fait que d’autres entreprises biélorusses emploient plus de salariés.

124    Cependant, ces allégations ne remettent pas en cause les motifs retenus par le Conseil qui a considéré que le requérant était, au moment de l’adoption des actes initiaux, l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, sans se référer ni à la fortune personnelle du requérant, ni au nombre d’employés des entreprises qu’il contrôle ni à l’importance de la contribution fiscale de celles-ci, d’autant que le requérant lui-même a affirmé être à la tête de la plus grande holding industrielle privée en Biélorussie. Par ailleurs, s’agissant de la valeur totale d’Amkodor et de SALEO, le requérant se contente de la comparer au produit intérieur brut de la Biélorussie, ce qui ne constitue pas un élément à lui seul pertinent pour évaluer si le requérant est l’un de ces principaux hommes d’affaires.

125    Il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a pas commis d’erreur en considérant que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment.

–       Sur l’appréciation selon laquelle le requérant serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko

126    En ce qui concerne les privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko, il convient de relever d’emblée que le requérant ne conteste pas que la holding Amkodor a acquis certaines entreprises d’État à l’occasion de telles privatisations.

127    Le requérant évoque ainsi la prise de contrôle de « N. Gastello Experimental Plant JSC » en 2008, « Minsk Instrument [Plant] », « RUE Zavod EPOS » et « Dzerzhinsk plant Agromash » en 2011 ainsi que de « [Kochanowski] Excavator Plant » et « Dzerzhinsk Experimental Mechanical Plant » en 2014. Ces informations ressortent aussi du document annexé à la requête par le requérant s’agissant des engagements liés aux privatisations, qui mentionne également la prise de contrôle par la holding SALEO de « [Kobrin] Hydromash » et « [Gomel] Gidroprivod » en 2014.

128    Par ailleurs, le Conseil se fonde sur un article publié sur le site Internet « belmarket.by » le 28 octobre 2020, dont il ressort que le requérant fait partie du groupe restreint d’hommes d’affaires ayant le plus bénéficié de privatisations d’entreprises d’État, et qu’il était présent lors de la cérémonie d’investiture du président Loukachenko.

129    Plusieurs éléments démontrent que le contenu de cet article est sensé et fiable. Tout d’abord, le requérant confirme, dans la requête, qu’il était présent à la cérémonie d’investiture du président Loukachenko en 2020.

130    Ensuite, il ressort de l’article en cause que le requérant a investi dans la holding Amkodor et a acquis des entreprises d’État notamment dans le secteur de la construction de machines, ce qui ne saurait être contesté au vu des propres déclarations du requérant figurant dans la requête. Le même article contient aussi une liste des entreprises privatisées qui coïncide avec celle établie par le requérant (voir point 127 ci-dessus) s’agissant de « N. Gastello Experimental Plant », « Minsk Instrument Plant », « Dzerzhinsk Experimental Mechanical Plant » et « Dzerzhinsk plant Agromash » pour ce qui est des actifs acquis par la holding Amkodor et de « Kobrin Hydromash » et « Gomel Gidroprivod » s’agissant des entreprises détenues par la holding SALEO.

131    Enfin, d’une part, dans ses écritures, le requérant se réfère lui-même à l’article en cause pour affirmer qu’il n’a pas d’intérêts financiers actuels dans le secteur de l’agriculture, ce qui implique qu’il le considère comme contenant des informations fiables. D’autre part, interrogé à l’audience sur les informations contenues dans cet article, le requérant ne les a pas contestées.

132    Partant, le requérant ne démontre pas que le Conseil a commis une erreur en retenant qu’il serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko.

–       Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est membre du CDE

133    S’agissant du CDE, le Conseil fait valoir qu’il s’agit d’un organisme permanent auprès des autorités publiques biélorusses, dont les missions consultatives sont importantes et qui jouit d’une influence réelle sur la règlementation biélorusse.

134    À cet égard, premièrement, dans la requête, le requérant reconnaît être membre du CDE.

135    Certes, dans la réplique, il soutient ne plus être membre de cet organisme. Toutefois, cette circonstance, puisqu’elle témoigne manifestement d’un changement de la situation du requérant intervenu postérieurement à l’adoption des actes initiaux, ne saurait être retenue comme pertinente, la légalité d’un acte de l’Union devant être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).

136    Deuxièmement, le requérant soutient que le CDE n’est pas un organisme public, mais une organisation de défense des intérêts des entreprises et des employeurs exerçant des fonctions consultatives auprès du président de la République de Biélorussie et dont les avis sont régulièrement rejetés ou laissés sans suite.

137    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort d’un document intitulé « Informations générales » publié sur le site Internet du CDE et versé au dossier par le Conseil que le CDE est un organisme consultatif permanent auprès du Conseil des ministres, présidé par le premier Vice-Premier ministre de la République de Biélorussie et dont le règlement a été approuvé par décret du président de la République de Biélorussie.

138    Il ressort du document en cause que l’objectif du CDE est d’assurer une interaction efficace entre les milieux d’affaires et les agences et organes gouvernementaux ainsi que la participation de ses représentants à l’élaboration de mesures publiques, notamment règlementaires. Cela se traduit par le droit du CDE, dans son domaine de compétence, de communiquer des propositions relatives à la règlementation et de soumettre des projets d’actes juridiques aux autorités publiques, d’interagir avec celles-ci et d’impliquer leurs membres dans ses travaux.

139    S’agissant de l’influence du CDE sur la réglementation biélorusse, le Conseil produit une interview de la cheffe de la direction exécutive du CDE issue du site Internet de cet organisme et datée du 6 novembre 2019 dont il ressort que celui-ci a été directement impliqué dans un nombre significatif de réformes juridiques durant l’année 2019 en matière fiscale, pénale et de réglementation des activités économiques.

140    Troisièmement, comme le requérant l’indique lui-même dans ses écritures, le CDE est composé de 20 membres seulement, dont lui-même. Cela démontre que l’appartenance du requérant au CDE est une qualité réservée notamment à un groupe restreint d’hommes d’affaires.

141    Les éléments qui précèdent suffisent ainsi à établir que le Conseil n’a pas commis d’erreur en retenant la circonstance que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était membre du CDE. En outre, il en ressort que l’appartenance au CDE est une qualité réservée notamment à un groupe restreint d’hommes d’affaires et qu’elle implique des rapports étroits et constants avec les autorités du régime de Loukachenko, notamment des membres de haut niveau du gouvernement, dans le but de contribuer à la définition des politiques publiques et de la législation.

–       Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est membre du présidium de l’association Belaya Rus

142    En ce qui concerne l’association Belaya Rus, le Conseil indique dans les actes initiaux que le requérant « est […] membre du présidium de l’[association Belaya Rus] ». L’emploi du présent implique qu’il s’agit d’un fait considéré par le Conseil comme existant au jour où lesdits actes ont été pris.

143    À cet égard, le requérant soutient qu’il n’est plus membre du présidium ou d’autres organes élus de l’association Belaya Rus depuis 2018. Il produit devant le Tribunal une lettre du vice-président de ladite association datée du 2 février 2021 selon laquelle « à compter de 2018, [le requérant n’était plus] membre du Présidium ou d’autres organes élus de l’association ».

144    Il est vrai que le Conseil, pour contredire cette preuve, se prévaut de la biographie du requérant publiée sur le site Internet de la holding Amkodor qu’il a consultée le 28 octobre 2020 et qui évoque l’appartenance du requérant à l’association Belaya Rus. Cependant, il convient également d’observer que, dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil indique avoir tenu compte des informations portées à sa connaissance par le requérant durant la procédure juridictionnelle au sujet de son appartenance à cette association et avoir, en conséquence, modifié les motifs des deuxièmes actes de maintien pour indiquer qu’il est un ancien membre de ladite association.

145    Or, le Conseil, sur qui pèse la charge de la preuve, ne saurait, à la fois, contester et admettre la pertinence des éléments produits par le requérant devant le Tribunal.

146    Ne saurait non plus prospérer l’argumentation du Conseil qui consiste, en substance, à s’appuyer sur l’appartenance passée du requérant à l’association Belaya Rus pour justifier l’adoption des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les actes initiaux. En effet, dès lors que c’est erronément que ladite appartenance a été considérée comme un fait existant au jour où lesdits actes ont été pris, le Conseil, par une telle argumentation, invite le Tribunal à procéder à une substitution des motifs sur lesquels ces mêmes actes sont fondés, invitation à laquelle le Tribunal ne saurait souscrire (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 80).

147    Il s’ensuit que le Conseil a commis une erreur en considérant que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était membre du présidium de l’association Belaya Rus.

–       Sur le point de savoir si les faits établis par le Conseil démontrent que le requérant tire profit du régime de Loukachenko ou soutient celui-ci

148    Il ressort des considérations qui précèdent que, certes, le Conseil a commis une erreur en considérant que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était membre du présidium de l’association Belaya Rus.

149    Toutefois, ce constat ne suffit pas à conclure à l’annulation des actes initiaux puisque c’est à bon droit que le Conseil a retenu, par ailleurs, que, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, que celui-ci est l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et que celui-ci était membre du CDE.

150    Pour établir que ces éléments justifient l’adoption des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les actes initiaux, le Conseil se réfère au document WK 14796/2020 EXT 3 et fait valoir que, dans un pays comme la Biélorussie, le maintien dans la durée d’activités à l’échelle à laquelle le requérant les pratique n’est pas possible sans l’aval du régime.

151    À cet égard, il convient d’observer que, à la date d’adoption des actes initiaux, il ressortait de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006 qu’étaient visées, en substance, les personnes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent, ainsi que les personnes morales, les entités ou les organismes qu’elles détiennent ou contrôlent. Or, ladite décision et ledit règlement ne contenaient pas de définitions des notions de « profit » tiré du régime de Loukachenko ou de « soutien » apporté à ce régime. Ils ne contenaient pas non plus de précisions relatives aux modes de preuve de ces éléments. Partant, ni cette décision ni ce règlement n’avaient instauré de présomption de soutien au régime de Loukachenko à l’encontre des dirigeants des principales entreprises de Biélorussie. Par conséquent, il ne saurait être déduit de sa seule qualité d’être l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie que le requérant soutient le régime de Loukachenko ou qu’il tire profit de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, points 43 et 44).

152    Cependant, les pièces produites par le Conseil au sujet des conditions dans lesquelles des activités économiques sont exercées en Biélorussie peuvent être prises en compte dans le cadre de l’examen des éléments de preuve non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent, conformément à la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus.

153    À cet égard, parmi les pièces figurant dans le document WK 14796/2020 EXT 3, l’article publié sur le site Internet « cepa.org » daté du 30 juillet 2020, l’article publié sur le site Internet « naviny.belsat.eu » daté du 15 octobre 2015, l’article publié sur le site Internet « news.tut.by » daté du 13 décembre 2016, l’article publié sur le site Internet « en.belpan.by » daté du 9 juillet 2020 et l’article publié sur le site Internet « russian.rt.com » le 22 mars 2016 concordent sur le point que l’exercice d’activités économiques significatives par des hommes d’affaires en Biélorussie n’est possible qu’avec l’aval du régime de Loukachenko. Parmi ces articles, celui publié sur le site Internet « naviny.belsat.eu » et celui publié sur le site Internet « news.tut.by » mentionnent le requérant comme l’un des hommes d’affaires dont les activités bénéficient d’un tel aval.

154    Certes, le requérant critique les pièces figurant dans le document WK 14796/2020 EXT 3. Toutefois, il se limite à formuler des allégations non étayées selon lesquelles lesdites pièces seraient « générales, anecdotiques […] reposer[aient] sur des conjectures […] et [seraient] non réelles », sans plus de précisions, et à soutenir que les informations figurant dans l’article publié sur le site Internet « news.tut.by » susmentionné datent de l’année 2016 ou même avant, ne sont pas réelles, mais spéculatives et sont en tout cas dépassées par les événements des dernières années, sans toutefois avancer aucune explication concrète et circonstanciée.

155    Il s’ensuit que, à la lumière du contexte décrit au point 153 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur que le Conseil a estimé que la position du requérant dans la vie économique biélorusse, sa qualité de membre du CDE, sa qualité d’actionnaire principal et de président du conseil d’administration de la holding Amkodor ainsi que d’actionnaire de la holding SALEO, la circonstance que les actifs de ces holdings ont été accrus grâce à la privatisation d’entreprises d’État et le fait que le requérant appartienne à un groupe restreint d’hommes d’affaires biélorusses ayant le plus bénéficié de telles privatisations lors de la présidence de Loukachenko constituaient un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir qu’il tire profit du régime et soutient celui-ci.

156    Il convient également d’observer que les arguments du requérant ne suffisent pas à remettre en cause cette conclusion.

157    Premièrement, le requérant fait valoir que les privatisations évoquées par le Conseil ont eu lieu au cours de la période allant de 2007 à 2014, lors de laquelle il n’a pas eu d’influence déterminante sur la holding Amkodor. Selon lui, les fonctions de président du conseil d’administration de cette holding, qu’il exerce depuis 2005, seraient d’ordre organisationnel et non décisionnel et sa participation dans ladite holding, directe ou indirecte, aurait toujours été minoritaire entre 2007 et 2018. En tout état de cause, des privatisations d’entreprises d’État entre 2007 et 2014 constitueraient des faits anciens qui ne pourraient pas être pris en compte au jour de l’adoption des actes initiaux.

158    À cet égard, quant à savoir si le requérant est fondé à soutenir qu’il n’exerçait pas une influence déterminante sur les décisions de la holding Amkodor pendant la période allant de 2007 à 2014 durant laquelle ont été réalisées les privatisations de certaines entreprises d’État, il convient de relever que, selon les propres déclarations du requérant, celui-ci admet avoir exercé de manière continue, depuis 2005, les fonctions de président du conseil d’administration de ladite holding et détenir directement ou indirectement, depuis cette même date, une participation croissante, s’élevant à au moins 35 % du capital de cette holding en 2014. Or, il s’agit là d’éléments qui, pris ensemble, donnaient indubitablement au requérant un pouvoir d’influence sur les décisions de celle-ci, contrairement à ce qu’il soutient.

159    En outre, il est vrai que les motifs des actes initiaux évoquent des « privatisations réalisées lors de la présidence de [Loukachenko] », qui sont donc des faits passés.

160    Toutefois, s’agissant de la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur des faits passés pour motiver l’inscription d’une personne sur les listes litigieuses, c’est à tort que le requérant se réfère à la jurisprudence dont il ressort qu’une mesure de gel des fonds doit identifier les « raisons spécifiques et concrètes » pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure. En effet, ladite jurisprudence a trait aux qualités que la motivation, exigée par l’article 296, alinéa 2, TFUE, doit remplir afin de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 50 à 52).

161    En ce qui concerne l’examen au fond de la pertinence, notamment temporelle, des faits retenus par le Conseil pour justifier l’inscription du nom d’une personne sur les listes litigieuses, il convient de se référer aux critères pertinents établis à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 et à l’article 2, paragraphes 4 et 5, du règlement no 765/2006.

162    À cet égard, d’une part, il ne saurait être considéré que l’emploi, à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 et à l’article 2, paragraphes 4 et 5, du règlement no 765/2006, du participe présent dans la définition des critères d’inscription implique que les faits à l’origine de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes litigieuses doivent perdurer au moment où l’inscription ou le maintien de cette inscription sont décidés. En effet, il a été jugé que, en matière d’inscription sur une liste des noms de personnes et entités visées par des mesures restrictives, le participe présent renvoie au sens général propre aux définitions légales, et non à une période temporelle donnée (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 83 et jurisprudence citée).

163    D’autre part, la circonstance que les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse font référence à des faits qui se sont produits avant l’adoption de la décision attaquée et qui étaient terminés à cette date n’implique pas nécessairement l’obsolescence des mesures restrictives maintenues à son égard par cette décision. En effet, aux fins d’établir que le requérant profite du régime de Loukachenko ou soutient celui-ci, une telle référence ne saurait, par principe, être considérée comme dépourvue de pertinence au seul motif que certains agissements relèvent d’un passé plus ou moins éloigné (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 84 et jurisprudence citée).

164    Cette interprétation est corroborée par l’article 8 de la décision 2012/642, aux termes duquel celle-ci fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée ou modifiée, selon le cas, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints, et par l’article 8 bis, paragraphe 4, du règlement no 765/2006, dont il ressort que la liste figurant à l’annexe I dudit règlement est examinée à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois. Sous peine de priver ces dispositions de leur effet utile, il y a lieu de considérer qu’elles permettent le maintien sur les listes litigieuses des noms de personnes et d’entités n’ayant commis aucune acte témoignant de ce qu’elles profitent du régime de Loukachenko ou soutiennent celui-ci au cours de la période précédant le réexamen, si ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’ont pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 85 et jurisprudence citée).

165    Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, les faits qui se sont produits avant l’adoption des actes initiaux et qui étaient terminés à cette date ne peuvent pas être écartés par principe. Lesdits faits doivent être appréciés au cas par cas, dans le cadre de l’ensemble des circonstances pertinentes, afin de déterminer s’ils témoignent de ce que le requérant fait partie des personnes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent.

166    Compte-tenu de ce qui précède, il convient d’observer que, au jour du dépôt de la requête, le requérant reconnaissait détenir une participation, à hauteur de 62 % des parts, depuis 2018, dans la holding Amkodor, dont il était, en outre, président du conseil d’administration. De surcroit, le requérant ne soutient pas que les entreprises d’État ayant été privatisées lors de la présidence de Loukachenko ne comptent plus parmi les actifs de ladite holding.

167    Or, la circonstance que les actifs de la holding Amkodor que le requérant détenait au jour de l’adoption des actes initiaux ont été accrus grâce à la privatisation, lors de la présidence de Loukachenko, de certaines entreprises d’État est pertinente aux fins d’établir que le requérant fait partie des personnes qui tirent profit du régime de Loukachenko.

168    Quant à l’allégation du requérant selon laquelle la holding SALEO, qui a également été bénéficiaire de privatisations de certaines entreprises d’État lors de la présidence de Loukachenko, ferait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte en septembre 2020, au titre de laquelle ses biens personnels auraient été saisis ou mis en gage, elle n’est aucunement étayée, le requérant se contenant de faire valoir qu’il s’agit d’« une circonstance dont les médias se sont largement fait écho ». En tout état de cause, le fait que ladite holding, contrôlée par le requérant, ait pu acquérir des entreprises d’État à l’occasion de privatisations, à l’instar de la holding Amkodor, est pertinente aux fins d’établir que le requérant fait partie des personnes qui profitent du régime de Loukachenko.

169    Deuxièmement, le requérant fait valoir que les privatisations en cause ont été réalisées en pleine conformité avec la législation biélorusse, à la suite d’une mise en concurrence sur la base d’appels d’offres impliquant de lourds engagements en matière de protection de l’emploi, de développement et de modernisation des entités acquises, de sorte qu’elles ne peuvent pas être considérées comme un traitement préférentiel de la part du régime. Si des entreprises d’État ont pu être acquises, ce serait parce qu’elles étaient dans une situation difficile et que la holding Amkodor aurait été le seul investisseur à pouvoir apporter les ressources financières, techniques et matérielles pour les rendre compétitives.

170    À cet égard, ainsi que le relève le Conseil, le requérant se borne à évoquer la législation biélorusse selon lui pertinente, l’existence d’appels d’offres et le fait que la holding Amkodor était le seul investisseur à pouvoir acquérir les entreprises d’État privatisées, sans fournir la moindre preuve à cet égard. Il produit uniquement une série de photographies visant à démontrer que les locaux des entreprises d’État privatisées étaient initialement en très mauvais état et qu’ils ont fait depuis l’objet d’importantes rénovations. Cependant, cela ne démontre pas que lesdites entreprises rencontraient des difficultés telles que seule ladite holding pouvait s’en porter acquéreur à la suite d’une mise en concurrence sur la base d’appels d’offre.

171    Troisièmement, le requérant soutient que la holding Amkodor et ses actionnaires n’ont tiré aucun profit des privatisations de certaines entreprises d’État lors de la présidence de Loukachenko, parce que ces entreprises n’étaient pas rentables et qu’aucun dividende n’a été distribué. Cela vaudrait aussi pour la holding SALEO.

172    Il convient de relever que le Conseil n’a pas retenu dans les motifs des actes initiaux que le requérant a tiré du régime un profit de nature financière.

173    En outre, la prise de contrôle de certaines entreprises peut apparaître en soi comme un bénéfice, quand bien même elle n’impliquerait pas de profits financiers immédiats. À cet égard, il ressort notamment de la requête que « [c]e que [la holding Amkodor] trouvait particulièrement précieux dans ces entreprises [d’État dont elle a pris le contrôle], c’était l’expérience et le savoir-faire des employés des entités privatisées ».

174    Il ne saurait donc être soutenu que les holdings en cause et, par voie de conséquence, le requérant qui les dirige et détient des participations à leur capital n’ont tiré aucun profit des privatisations d’entreprises d’État.

175    Quatrièmement, c’est en vain que le requérant se prévaut d’un article publié sur le site Internet « Euroradio.fm » le 22 mars 2021 pour faire valoir qu’il contient des déclarations d’un membre de l’opposition biélorusse qui lui seraient favorables. En effet, en vertu de la jurisprudence citée au point 135 ci-dessus, cet élément factuel postérieur aux actes initiaux ne peut être pris en compte pour l’examen de la légalité de ceux-ci.

176    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, les motifs selon lesquels, au moment de l’adoption des actes initiaux, le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et était membre du CDE, et, à ce titre, tirait profit du régime de Loukachenko et le soutenait, sont étayés à suffisance de droit.

177    En vertu de la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, ce constat suffit à rejeter le moyen tiré d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne les actes initiaux, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant dirigés contre les autres motifs justifiant lesdits actes, puisque la circonstance que ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

 S’agissant des premiers actes de maintien

178    Il convient de relever que les premiers actes de maintien, à l’instar des actes initiaux, sont fondés sur les motifs selon lesquels le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et est membre du présidium de l’association Belaya Rus ainsi que du CDE, et, à ce titre, tire profit du régime de Loukachenko et le soutient.

179    En premier lieu, il convient d’observer que l’appréciation selon laquelle, au moment de l’adoption des premiers actes de maintien, le requérant était membre du présidium de l’association Belaya Rus est erronée pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 142 à 147 ci-dessus.

180    En outre, c’est en vain que le Conseil reproche au requérant de ne pas lui avoir transmis la lettre du vice-président de l’association Belaya Rus datée du 2 février 2021 avant l’adoption des premiers actes de maintien lors de la demande de réexamen du 23 décembre 2020.

181    En effet, le requérant peut présenter, à tout moment, des observations ou de nouveaux éléments de preuve, conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la décision 2012/642 et à l’article 8 bis, paragraphe 3, du règlement no 765/2006, tels que modifiés, mais il s’agit là d’une faculté qui lui appartient et qui ne peut pas exempter le Conseil de la charge de la preuve lui incombant devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 73). Partant, en l’espèce, la lettre datée du 2 février 2021 peut valablement être produite, pour la première fois, au soutien du présent recours, quand bien même elle n’avait pas été jointe à la demande de réexamen du 23 décembre 2020.

182    En second lieu, s’agissant des motifs fondant les premiers actes de maintien exposés au point 178 ci-dessus autres que ceux relatifs à l’appartenance du requérant au présidium de l’association Belaya Rus, il convient de relever que, au soutien desdits actes, le Conseil produit notamment les documents WK 13841/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 3 sur lesquels il s’était fondé au soutien des actes initiaux. En outre, il formule les mêmes arguments étayés par les mêmes preuves que ceux avancés au sujet de ces derniers actes. Le requérant, quant à lui, soulève des arguments et produit des éléments identiques contre les actes initiaux et les premiers actes de maintien.

183    Par conséquent, pour les mêmes considérations que celles énoncées aux points 117 à 141 et 148 à 176 ci-dessus, il y a lieu de conclure que les motifs des premiers actes de maintien selon lesquels, au moment de l’adoption desdits actes, le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et est membre du CDE, et, à ce titre, il tirait profit du régime de Loukachenko et le soutenait, sont étayés à suffisance de droit.

184    La conclusion qui précède est valable a fortiori dans la mesure où, au sujet des privatisations d’entreprises d’État dont a bénéficié le requérant, le faisceau d’indices visé au point 155 ci-dessus est renforcé par trois pièces figurant dans le document WK 1772/2021 INIT ajouté par le Conseil à son dossier lors de l’adoption des premiers actes de maintien :

–        un article publié sur le site Internet « gomel.today », daté du 9 janvier 2020, dont il ressort que l’entreprise Gidroprivod sise à Gomel a été acquise par la holding SALEO en vertu du décret présidentiel no 328 de 2014 et qu’« il n’y avait pas eu la mise en concurrence habituelle » ;

–        un article publié sur le site Internet « news.tut.by », daté du 30 juin 2011, selon lequel la holding Amkodor se voit allouer « hors concurrence » trois entreprises d’État, dont « Dzerzhinsky Plant Agromash » et « Minsk Instrument-Making Plant » ;

–        un article publié sur le site Internet « news.tut.by », daté du 26 août 2013, relatif à l’acquisition, notamment, de « Dzerzhinsk Experimental Mechanical Plant » contenant les déclarations du requérant selon lesquelles « [les autorités locales] nous ont approchés avec une offre [d’achat des usines] » et « [n]ous avons procédé à une évaluation et avons accepté. Un projet de décret a été préparé qui nous permettra de racheter les usines ».

185    Il ressort des pièces en cause que les entreprises contrôlées par le requérant ont acquis des entreprises d’État non à la suite d’appels d’offres ouverts à la concurrence, mais du fait d’un traitement dérogatoire ou de propositions faites directement par les pouvoirs publics, ce qui conforte l’existence d’une faveur du régime.

186    Interrogé sur les pièces en cause à l’audience, le requérant, pour expliquer l’absence de mise en concurrence lors de certaines privatisations d’entreprises d’État, s’est borné à réitérer l’argumentation selon laquelle il s’agissait d’entreprises connaissant d’importantes difficultés et que la holding Amkodor était le seul opérateur privé en Biélorussie en position de les acquérir. Or, une telle argumentation, non autrement étayée, ne peut suffire à contredire les éléments produits par le Conseil.

187    Au regard de ce qui précède, et en vertu de la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, le constat selon lequel les motifs exposés au point 178 ci-dessus sont étayés à suffisance de droit suffit à rejeter le moyen tiré d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne les premiers actes de maintien, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant dirigés contre les autres motifs justifiant lesdits actes, puisque la circonstance que ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

 S’agissant des deuxièmes actes de maintien

188    En premier lieu, il convient de relever que les deuxièmes actes de maintien, à l’instar des actes initiaux et des premiers actes de maintien, sont fondés sur les motifs selon lesquels le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires exerçant des activités en Biélorussie, avec des intérêts commerciaux dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, et serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko.

189    En revanche, à la différence des motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien, d’une part, les motifs des deuxièmes actes de maintien indiquent que le requérant est un « ancien » membre du présidium de l’association Belaya Rus ainsi que du CDE.

190    D’autre part, les motifs des deuxièmes actes de maintien ne précisent pas que, du fait des éléments mentionnés aux points 188 et 189 ci-dessus, le requérant tire profit du régime de Loukachenko et soutient celui-ci.

191    En premier lieu, il convient de préciser, s’agissant de l’absence de la mention selon laquelle le requérant tire profit du régime de Loukachenko et soutient celui-ci, que le Conseil, lors de l’audience, fait valoir qu’il s’agit d’une erreur de plume.

192    En l’espèce, il convient de constater que les deuxièmes actes de maintien se fondent, eux aussi, sur les critères consacrés à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, disposition à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, à savoir « les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui profitent du régime de Loukachenk[o] ou le soutiennent », ce que le requérant admet dans le mémoire en adaptation, puisqu’il conteste l’allégation selon laquelle il tire profit du régime de Loukachenko et soutient celui-ci.

193    En deuxième lieu, s’agissant des motifs visés au point 188 ci-dessus, il convient de relever que, au soutien des deuxièmes actes de maintien, le Conseil réitère les arguments avancés au sujet des actes initiaux et des premiers actes de maintien et soutient avoir prouvé leur bien-fondé. Il verse également au dossier le document WK 15381/2021 REV 1 qui contient un extrait du site Internet « amkodor.by » datant du 3 janvier 2022 indiquant que le requérant est toujours, à cet date, président du conseil d’administration de la holding Amkodor.

194    Le requérant, quant à lui, réitère les arguments et maintient les éléments déjà avancés contre les actes initiaux et les premiers actes de maintien. Il ne soutient pas que de nouveaux faits survenus depuis les premiers actes de maintien rendraient obsolètes les éléments retenus par le Conseil.

195    Certes, d’une part, dans le mémoire en adaptation, le requérant amplifie sa critique de la preuve de ses intérêts dans le secteur de l’agriculture en visant les documents joints à la lettre du Conseil du 17 janvier 2022. Or, pour les motifs exposés aux points 119 et 120 ci-dessus, cet argument ne saurait prospérer, l’existence d’intérêts du requérant dans le secteur de la construction de machines étant établie.

196    D’autre part, le requérant se prévaut également de l’article publié sur le site Internet « Euroradio.fm » le 22 mars 2021, visé au point 175 ci-dessus, qui peut être pris en compte s’agissant des deuxièmes actes de maintien, puisqu’il existait au jour où ceux-ci ont été pris.

197    Toutefois, l’article en cause se limite à faire état des déclarations d’un homme politique et économiste, présenté par le requérant comme un membre de l’opposition biélorusse. Selon ces déclarations, le requérant ne serait pas un homme d’affaires « qui exploit[e] les ressources de l’État, éliminant les concurrents » mais interviendrait « dans un domaine compétitif » et serait « sous la pression des ministères, des départements, du gouvernement ». Les résultats de ses entreprises démontreraient qu’il « ne joue pas du côté des autorités » et « le fait [qu’il] protège son entreprise, qu’il contacte le gouvernement ou Loukachenko n’est pas une raison pour être inclus dans [les listes litigieuses] ». Or, de telles déclarations ne font état d’aucun élément précis susceptible de contredire les éléments retenus par le Conseil pour justifier le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les deuxièmes actes de maintien.

198    Partant, pour les raisons déjà exposées aux points 117 à 132, 149 à 174 et 184 à 186 ci-dessus, le requérant n’établit pas que les motifs visés au point 188 ci-dessus sont entachés d’une erreur d’appréciation.

199    En troisième lieu, s’agissant des motifs selon lesquels le requérant est un ancien membre du présidium de l’association Belaya Rus et du CDE, le Conseil indique avoir tenu compte, à l’occasion du réexamen annuel des mesures restrictives, des déclarations faites dans la requête et dans la réplique dont il ressort que le requérant n’est plus membre de ces entités.

200    Dans le mémoire en adaptation, le requérant fait valoir que le Conseil, ce faisant, s’est appuyé sur des faits dépassés.

201    À cet égard, il convient de rappeler que les faits qui se sont produits avant l’adoption des deuxièmes actes de maintien et qui étaient terminés à cette date ne peuvent pas être écartés par principe. Lesdits faits doivent être appréciés au cas par cas, dans le cadre de l’ensemble des circonstances pertinentes, afin de déterminer s’ils témoignent de ce que le requérant fait partie des personnes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent (voir point 165 ci-dessus).

202    En l’espèce, tout d’abord, s’agissant de l’appartenance du requérant à l’association Belaya Rus, il convient d’observer que quatre années se sont écoulées entre la cessation des fonctions du requérant au sein de ladite association et l’adoption des deuxièmes actes de maintien, ce qui constitue un laps de temps important.

203    En outre, l’argument du Conseil selon lequel l’appartenance passée du requérant à l’association Belaya Rus demeurerait pertinente, car celui-ci continue à apporter son soutien au régime ne peut prospérer.

204    À cet égard, le Conseil s’appuie sur un article publié sur le site Internet « gomel.today », daté du 29 décembre 2020 dont il ressort que le requérant a déclaré qu’« [il] appréci[ait] vraiment ce que le président a[vait] fait pour le pays et pour l’industrie de la Biélorussie » que « [le président] a[vait] maintenu la production », qu’il fallait « [regarder] ce qui s’[était] passé en Allemagne, en Lituanie, en Lettonie et en Russie » et que « [c]’[était] formidable que nous ayons la possibilité de nous développer ! ». Or, d’une part, cette déclaration est sans rapport avec les activités du requérant au sein de l’association Belaya Rus. D’autre part, un commentaire laudatif de la politique économique du président Loukachenko ne saurait, à lui seul, constituer un soutien au régime au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642.

205    Il s’ensuit que, compte-tenu du caractère ancien de l’appartenance du requérant à l’association Belaya Rus, le Conseil a commis une erreur en retenant qu’elle pouvait justifier le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les deuxièmes actes de maintien.

206    S’agissant de la qualité d’ancien membre du CDE, d’une part, il convient de rappeler que, comme l’a établi le Conseil, cet élément peut être retenu comme pertinent dans la mesure où il s’agit d’une qualité réservée à un groupe restreint d’hommes d’affaires et qu’elle implique des rapports étroits et constants avec les autorités du régime de Loukachenko, notamment des membres de haut niveau du gouvernement, dans le but de contribuer à la définition des politiques publiques et de la législation dans l’intérêt du pays (voir points 141 et 155 ci-dessus).

207    D’autre part, quelques mois seulement se sont écoulés entre le moment où le requérant a cessé ses fonctions au sein du CDE et l’adoption des deuxièmes actes de maintien, de sorte que l’appartenance passée à cette entité ne constitue pas un fait suffisamment ancien pour être écarté. En outre, le requérant n’apporte aucun élément permettant d’expliquer en quoi la circonstance qu’il n’est plus membre du CDE au plus tard depuis le dépôt de la réplique le 30 août 2021 rendrait son ancienne appartenance à cette entité non pertinente.

208    Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que le Conseil a retenu la qualité d’ancien membre du CDE du requérant pour justifier le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les deuxièmes actes de maintien.

209    Au regard de ce qui précède, les motifs des deuxièmes actes de maintien selon lesquels, au moment de l’adoption desdits actes, le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment, serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko et était un ancien membre du CDE, et, à ce titre, tirait profit du régime de Loukachenko et soutenait celui-ci sont étayés à suffisance de droit.

210    En outre, en vertu de la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, le constat que ces motifs sont étayés à suffisance de droit suffit à rejeter le moyen tiré d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne les deuxièmes actes de maintien, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant dirigés contre les autres motifs justifiant lesdits actes, puisque la circonstance que ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

211    Compte-tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré dune violation de lobligation de motivation

212    Dans le cadre du premier moyen soulevé dans la requête et de la seconde branche du troisième moyen soulevé dans la réplique, le requérant relève que le critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 concerne, notamment, les personnes responsables de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie tandis que le critère consacré sous b) de ce paragraphe vise, notamment, les personnes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent.

213    En l’espèce, le document WK 13841/2020 INIT qui lui a été transmis par le Conseil ferait référence à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et les pièces y figurant seraient destinées à étayer une inscription sur ce fondement.

214    Cependant, seule la première partie des motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien, qui se termine par la conclusion que le requérant tire profit du régime de Loukachenko et le soutient, correspondrait au critère consacré à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642. En revanche, la dernière partie desdits motifs, selon laquelle, « [e]n juillet 2020, il a fait des commentaires publics condamnant les manifestations de l’opposition en Biélorussie, contribuant ainsi à la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique », pourrait laisser entendre que le critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ladite décision est également pertinent.

215    Partant, le requérant ne serait pas en mesure de comprendre s’il est inscrit sur les listes litigieuses uniquement au titre du critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, ou sur la base des deux critères prévus sous a) et sous b) de ce paragraphe.

216    Dans le mémoire en adaptation, le requérant ajoute que les motifs des deuxièmes actes de maintien ont été modifiés de façon à supprimer toute référence à sa responsabilité dans la répression de la société civile, ce qui démontrerait l’ambiguïté des motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien.

217    Le Conseil rétorque que le présent moyen, en tant qu’il figure dans la réplique, est un moyen nouveau irrecevable et que l’obligation de motivation a été respectée.

218    En premier lieu, il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 42 et jurisprudence citée).

219    Dans ces conditions, le Tribunal peut connaître du présent moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner si, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, ledit moyen, en tant qu’il figure dans la réplique, se fonde sur des « éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure ».

220    En second lieu, il convient de relever que l’argumentation du requérant est dirigée uniquement contre les dernières parties des motifs des actes attaqués, relatives aux commentaires publics qu’il aurait faits en juillet 2020, en ce que le Conseil aurait créé une ambigüité quant à savoir si elles se réfèrent ou non au critère prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642.

221    En revanche, le requérant ne conteste pas qu’il ressort clairement des trois premiers paragraphes des motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien ainsi que des deux premiers paragraphes des motifs des deuxièmes actes de maintien que, dans ces parties des motifs, le Conseil s’est fondé sur les critères prévus à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 pour justifier l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Or, d’une part, les considérations retenues dans ces parties des motifs dont le requérant ne conteste pas la clarté sont précises et concrètes. D’autre part, comme il ressort des points 177, 187 et 210 ci-dessus, lesdites considérations ne sont pas entachées d’erreurs d’appréciation et ce constat suffit à justifier les actes attaqués.

222    Par conséquent, en vertu de la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, le présent moyen doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le moyen tiré dune violation du principe de bonne administration

223    Dans le cadre du mémoire en adaptation, le requérant se fonde sur les modifications apportées aux motifs des deuxièmes actes de maintien par rapport aux motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien pour soulever un quatrième moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration. Il fait valoir que, du fait desdites modifications, le Conseil aurait reconnu avoir commis des erreurs dans la motivation modifiée et aurait dû retirer son nom des listes litigieuses. Selon lui, il s’agit d’une d’irrégularité de procédure substantielle, car les actes attaqués auraient pu être différents s’ils avaient d’emblée tenu compte du caractère ambigu de la base juridique justifiant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses ainsi que des erreurs d’appréciation commises par le Conseil.

224    Le Conseil conteste à la fois la recevabilité et le bien-fondé du présent moyen.

225    À titre liminaire, il convient de rappeler que le présent moyen est invoqué uniquement à l’appui de la demande en annulation des deuxièmes actes de maintien (voir point 28 ci-dessus).

226    Premièrement, s’agissant de l’argument du Conseil selon lequel le quatrième moyen serait irrecevable, il convient de rappeler que l’article 86, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement de procédure dispose que le mémoire en adaptation contient, s’il y a lieu, les moyens et arguments adaptés.

227    Il y a lieu de rappeler également qu’il serait injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et des moyens supplémentaires contre celui-ci (arrêt du 28 septembre 2022, LAICO/Conseil, T‑627/20, non publié, EU:T:2022:590, point 39).

228    Partant, en l’espèce, il était loisible au requérant de se fonder, comme il l’a fait, sur les modifications apportées aux motifs des deuxièmes actes de maintien par rapport aux motifs des actes initiaux et des premiers actes de maintien pour soulever, lors de l’adaptation de son recours, un moyen supplémentaire tiré d’une violation du principe de bonne administration.

229    Contrairement à ce que soutient le Conseil, le présent moyen est donc recevable.

230    Deuxièmement, sur le fond, il convient de relever que le présent moyen est fondé sur la prémisse selon laquelle les actes initiaux et les premiers actes de maintien sont entachés d’erreurs d’appréciation telles que le nom du requérant n’aurait jamais dû figurer sur les listes litigieuses.

231    Or, il ressort de l’examen du moyen tiré d’erreurs d’appréciation effectué aux points 105 à 211 ci-dessus que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’il a pris les actes initiaux et les premiers actes de maintien. La prémisse sur laquelle repose le présent moyen est donc infondée.

232    Partant, il convient de rejeter le présent moyen et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

233    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Aleksandr Vasilevich Shakutin est condamné aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

Conclusions des parties

En droit

Observations liminaires sur les moyens invoqués par le requérant

Sur les moyens tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une violation des droits de la défense

S’agissant des actes initiaux et des premiers actes de maintien

– Sur la recevabilité des moyens

– Sur le bien-fondé des moyens

S’agissant des deuxièmes actes de maintien

Sur le moyen tiré d’erreurs d’appréciation

S’agissant des actes initiaux

– Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs de la construction, de la fabrication de machines et de l’agriculture, notamment

– Sur l’appréciation selon laquelle le requérant serait l’une des personnes qui ont le plus tiré profit des privatisations réalisées lors de la présidence de Loukachenko

– Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est membre du CDE

– Sur l’appréciation selon laquelle le requérant est membre du présidium de l’association Belaya Rus

– Sur le point de savoir si les faits établis par le Conseil démontrent que le requérant tire profit du régime de Loukachenko ou soutient celui-ci

S’agissant des premiers actes de maintien

S’agissant des deuxièmes actes de maintien

Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.