Language of document : ECLI:EU:T:2018:842

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 novembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – SEAE – Affectation – Poste de chef de la délégation de l’Union européenne auprès de l’Éthiopie – Décision refusant de prolonger l’affectation – Intérêt du service – Obligation de motivation – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑315/17,

Chantal Hebberecht, fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Fourmies (France), représentée par Me B. Maréchal, avocat,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du SEAE communiquée à la requérante le 3 février 2017 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du SEAE de ne pas prolonger son affectation au poste de chef de la délégation de l’Union européenne en Éthiopie et, d’autre part, à la réparation d’un préjudice moral que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Chantal Hebberecht, est fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Le 1er septembre 2013, elle a été nommée chef de la délégation de l’Union européenne en Éthiopie, pour une durée de quatre ans.

2        Par note du SEAE du 22 mars 2016, les fonctionnaires du SEAE en poste dans les délégations concernés par l’exercice de rotation devant être mené en 2017 ou en 2018 ont été informés de la possibilité de présenter une demande pour une rotation anticipée ou une prolongation de leur affectation. Cette note indiquait que l’accord serait seulement donné dans des cas exceptionnels dûment motivés, en prenant en compte l’intérêt du service.

3        Le 15 avril 2016, la requérante a présenté une telle demande de prolongation, arguant qu’elle souhaitait valoriser son expérience en Éthiopie pour une cinquième année avant de prendre sa retraite le 1er septembre 2018.

4        Par décision du 30 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») du SEAE a rejeté cette demande, en indiquant que, « dans l’intérêt d’assurer une rotation régulière des chefs de délégation, une politique claire de mobilité après un maximum de quatre ans dans le poste a généralement été mise en œuvre ».

5        Par note du 29 septembre 2016, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit une réclamation dirigée contre la décision attaquée, laquelle réclamation a été enregistrée le 30 septembre 2016. À l’appui de cette réclamation, elle arguait que la décision attaquée irait juridiquement à l’encontre de l’intérêt du service, de la continuité du service, de la transparence, de l’égalité de traitement et du respect des mesures de discrimination positive à l’égard des femmes. Selon elle :

–        l’intérêt du service serait de maintenir une délégation bien gérée, sous la direction d’un chef de délégation expérimenté ; elle posséderait l’expérience et les relations nécessaires pour contribuer à sauvegarder la stabilité de l’Éthiopie et stopper le flux migratoire, et ce dans l’intérêt de l’Union ;

–        son départ créerait une discontinuité du service au niveau du management assuré par le SEAE ;

–        aucune explication ne lui aurait été donnée sur le refus de la prolongation ;

–        sa demande aurait été présentée dans le même esprit que d’autres qui, elles, auraient été accueillies ;

–        si une décision avait été prise en ce sens, sa prolongation au poste de chef de délégation, en tant que femme de grade AD 14, aurait constitué une mesure de discrimination positive exemplaire.

6        Par décision du 1er février 2017, communiquée à la requérante le 3 février 2017 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), le secrétaire général du SEAE a, en sa qualité d’AIPN, rejeté la réclamation. Selon l’AIPN :

–        l’administration dispose d’un large pouvoir pour apprécier les nécessités liées à l’intérêt du service ; ce dernier requerrait une mobilité régulière du personnel dans les délégations, en particulier en ce qui concerne les chefs de ces dernières ; sans prévisibilité et automaticité, l’effectivité de l’exercice de rotation serait compromise ; la situation en Éthiopie ne pourrait être qualifiée d’« exceptionnelle » ; les raisons personnelles ne constitueraient pas un motif valable pour accorder une dérogation ;

–        la continuité du service serait assurée par le SEAE en la présence du chef de délégation adjoint ;

–        la décision attaquée aurait été clairement, même succinctement, motivée par la politique du SEAE d’assurer une mobilité régulière du personnel ;

–        la requérante n’aurait pas établi l’existence d’une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif recherché ;

–        en l’absence d’obligation en ce sens, il ne saurait être tenu compte de sa qualité de femme pour envisager la prolongation sollicitée, celle-ci devant être motivée uniquement par l’intérêt du service.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

8        Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

9        Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 15 mai 2018.

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner le SEAE à lui verser, au titre de dédommagement du préjudice moral, une somme forfaitaire, à titre principal, de 250 000 euros, à titre subsidiaire, de 200 000 euros ou, à titre plus subsidiaire encore, de 150 000 euros, de 100 000 euros ou de 50 000 euros ;

–        condamner le SEAE aux dépens de l’instance.

Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’acte attaqué

11      Dans l’acte introductif d’instance, la requérante sollicite l’annulation de la « décision prise par l’ [AIPN] du [SEAE] [Ares(2017) 615970 – 03/02/2017] en ce qui concerne le rejet de la prolongation d’un an de [s]a mission […] en tant que Chef de Délégation de l’UE auprès de la République Fédérale Démocratique d’Éthiopie ».

12      À cet égard, il y a lieu de constater que l’acte ainsi identifié par la requérante au moyen du numéro qui lui est attribué dans la base de données Ares correspond à la décision de rejet de la réclamation.

13      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26).

14      En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme dirigées contre l’acte initial. Une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 18 et jurisprudence citée).

15      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, dès lors qu’elle ne modifie pas le dispositif de celle-ci ni ne contient de réexamen de la situation de la requérante en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation de la requérante ait été amenée, en réponse aux arguments avancés par la requérante dans la réclamation, à apporter des précisions concernant des motifs de la décision attaquée ne saurait justifier que le rejet de la réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief à la requérante (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 et 56, et du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41).

16      Dans ces conditions, la décision de rejet de la réclamation étant dépourvue de contenu autonome, les conclusions en annulation doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision attaquée, dont la légalité doit toutefois être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 21).

 Sur les conclusions en annulation

17      À l’appui des conclusions en annulation, la requérante présente trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’intérêt et de la continuité du service, le deuxième, de la violation de l’obligation de transparence et, le troisième, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’intérêt et de la continuité du service

18      Le premier moyen est divisé en deux branches concernant, respectivement, l’intérêt et la continuité du service.

–       Sur la première branche, concernant l’intérêt du service

19      Dans la première branche, la requérante soutient que la décision attaquée contredit l’intérêt du service qui, selon elle, requérait que lui soit accordée la prolongation qu’elle avait demandée.

20      Au soutien de sa position, elle avance quatre arguments.

21      Tout d’abord, elle fait valoir qu’il ne fallait pas perturber une délégation qui, placée sous sa direction, fonctionnait avec un haut degré de performance et de motivation.

22      Ensuite, elle soutient qu’il fallait maintenir en Éthiopie une délégation pleinement opérationnelle en raison des aides accordées par l’Union à ce pays et des risques que faisait courir, à l’Union, les possibilités d’une déstabilisation locale ou régionale pouvant causer une nouvelle crise migratoire.

23      De plus, la requérante estime qu’elle remplissait idéalement les exigences à satisfaire pour les besoins de la fonction : expérience acquise dans le domaine diplomatique, en particulier l’aide au développement ; connaissances acquises sur le pays et la région concernés ; relations de confiance et de respect nouées avec les autorités locales ; accès à des données privilégiées à la suite de son intégration dans des réseaux bien informés.

24      Enfin, elle souligne que ne pas accorder la prolongation demandée pourrait être compris comme un acte de mauvaise gestion des deniers publics et que cet argument pourrait être exploité dans plusieurs États membres par des partis d’extrême droite s’opposant à l’intégration européenne.

25      Ces arguments sont contestés par le SEAE.

26      À cet égard, il apparaît que, en l’espèce, la requérante met en cause une décision prise à son égard dans le cadre de la politique de mobilité mise en œuvre au SEAE et impliquant, en principe, une rotation, tous les quatre ans, pour chaque membre du personnel – cette politique étant fondée sur les actes suivants :

–        l’article 2 de l’annexe X du statut, selon lequel il est procédé périodiquement à la mobilité des fonctionnaires affectés dans un pays tiers suivant une procédure spécifique, dénommée « procédure de mobilité » ;

–        l’article 6, paragraphe 10, de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE (JO 2010, L 201, p. 30), d’après lequel « le haut représentant établit les règles relatives à la mobilité de telle sorte que le personnel du SEAE est soumis à un degré de mobilité élevé » ;

–        le « EU Delegations’ guide » (guide des délégations de l’Union), qui prévoit qu’une affectation dans une délégation dure normalement quatre ans et que le personnel a la possibilité de demander une prolongation ou un départ anticipé, étant entendu que de telles dérogations sont seulement accordées dans des cas exceptionnels, qui doivent être dûment motivés et prendre en compte l’intérêt du service.

27      Sur cette politique de rotation, il convient de noter que, selon la jurisprudence, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et respecte l’équivalence des emplois (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, EU:C:1998:165, point 6, et du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quiros/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 22).

28      Dans le contrôle qu’il exerce sur les décisions concernant l’organisation des services, le Tribunal, lorsqu’il est saisi d’un recours, doit vérifier si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53, et du 21 septembre 2004, Soubies/Commission, T‑325/02, EU:T:2004:271, point 50).

29      Pour établir l’existence d’une erreur manifeste, la requérante doit apporter des éléments de preuve privant de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2013, Demeneix/Commission, F‑96/12, EU:F:2013:52, point 45 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il apparaît que cette exigence n’a pas été satisfaite, la requérante ayant présenté sa vision de ce qu’impliquait selon elle l’intérêt du service sans mettre en cause de manière convaincante les appréciations effectuées par le SEAE, appréciations dont elle n’est pas parvenue à ébranler la crédibilité.

31      Ainsi, concernant le premier argument, le SEAE a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la délégation continuerait à fonctionner adéquatement en étant placée sous la direction d’un nouveau chef de délégation nommé, notamment, sur la base de ses qualités de management.

32      Concernant le deuxième argument, le SEAE a pu estimer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les difficultés rencontrées dans le pays ou la région concernés n’étaient pas différentes, dans leur nature, ou dans leur intensité, de celles rencontrées ailleurs sans que cela doive entraver l’exercice de rotation, étant entendu que ces difficultés pouvaient être traitées, de manière aussi efficace, par un autre diplomate, sélectionné sur la base de l’expérience et des connaissances nécessaires pour occuper ce type de fonction dans ce genre de délégation.

33      Concernant le troisième argument, le SEAE a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les qualités soulignées par la requérante devaient nécessairement être possédées par tout chef de délégation en poste depuis plusieurs années et qu’accorder sur cette base la prolongation demandée rendrait impossible, ou presque, l’exercice de rotation, à ce niveau de responsabilité.

34      Concernant le dernier argument, le SEAE a pu estimer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la mobilité régulière au sein de son organisation, notamment dans la délégation concernée, contribuait à une saine gestion des finances publiques et au renforcement de l’image de l’Union dès lors qu’elle s’alignait sur la pratique suivie en la matière dans les États membres.

35      À cet égard, il convient de rappeler que, comme le signale le SEAE, la mobilité est un principe constant dans l’organisation des services diplomatiques, l’objectif étant d’éviter une proximité excessive, pouvant découler d’une présence trop longue, entre les diplomates et les autorités, organismes et milieux influents des pays accréditaires.

36      Ces explications étant plausibles, il convient de considérer que, au regard des arguments présentés par la requérante dans la première branche de ce premier moyen, l’appréciation effectuée par le SEAE n’apparait pas entachée d’une erreur manifeste, avec pour conséquence que cette première branche doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche, concernant la continuité du service

37      Selon la requérante, la continuité du service requérait que lui soit accordée la prolongation demandée dans la mesure où le nombre de départs qui étaient annoncés dans la délégation était de nature à déstabiliser cette dernière en l’absence de l’ancrage fort qu’aurait constitué le maintien du chef de délégation.

38      Cette position est contestée par le SEAE.

39      À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt du service requiert qu’aucune rupture ne survienne dans sa continuité (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 100 et jurisprudence citée) avec cette conséquence que le contrôle doit porter, également, sur l’existence d’éventuelles erreurs manifestes privant de plausibilité les appréciations effectuées par l’AIPN (voir jurisprudence citée aux points 28 et 29 ci-dessus).

40      En l’espèce, la requérante souligne que, en plus de son départ, celui de cinq autres personnes occupant des postes importants était prévu pour l’exercice de rotation 2017, à savoir, d’une part, parmi le personnel du SEAE, son assistante, le chef d’administration et le chef de la section politique et, d’autre part, parmi le personnel de la direction générale de la coopération internationale et du développement, le chef de coopération et le chef de la section « développement rural et sécurité alimentaire ».

41      À cet égard, il importe de souligner que le renouvellement du personnel est inhérent à l’exercice de mobilité et ne met pas en cause par lui-même la continuité du service, cette continuité étant assurée par une concertation entre le personnel sortant, le personnel restant et le personnel arrivant, lequel est notamment sélectionné sur la base des connaissances et de l’expérience dont il peut se prévaloir pour le type de poste concerné.

42      L’argument soulevé par la requérante n’entame pas la crédibilité des appréciations effectuées par le SEAE, ce dernier ayant pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que, en l’espèce, la continuité serait assurée, dans le cadre de cette concertation, premièrement, par le maintien du chef de délégation adjoint qui était déjà en place depuis deux ans et devait encore rester deux années, deuxièmement, par l’arrivée d’un nouveau chef de section politique disposant d’une connaissance et d’une expérience appropriées et, troisièmement, par l’inscription du poste de chef de délégation dans la liste des postes devant être pourvus dans le cadre de l’exercice de rotation 2017 de sorte que ce poste ne reste à aucun moment inoccupé.

43      De la même manière, le SEAE a pu estimer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que, de manière à assurer la continuité à moyen terme, il convenait de nommer le nouveau chef de délégation en 2017 pour permettre à l’équipe d’analyser, sous cette nouvelle direction, les développements appelés à se produire dans le pays à la suite des élections qui devaient y intervenir.

44      Des éléments qui précèdent, il résulte que, aucune erreur manifeste d’appréciation n’ayant été établie, la branche concernant la continuité du service doit être rejetée de même que, les deux branches le constituant ayant été écartées, le premier moyen, considéré dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de transparence

45      La requérante affirme que les règles de transparence n’ont pas été respectées, aucune véritable explication ne lui ayant été donnée hormis l’affirmation communiquée verbalement selon laquelle la politique de mobilité ne connaissait aucune exception, affirmation qui, du reste, serait erronée au regard d’autres situations dans lesquelles des exceptions auraient été consenties.

46      À cet égard, il suffit de constater que, en application d’une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée du bien-fondé de cette motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêts du 1er mars 2017, Silvan/Commission, T‑698/15 P, non publié, EU:T:2017:131, point 17 et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 47 et jurisprudence citée).

47      Reprenant les termes formulés à l’article 296 TFUE, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 17).

48      En l’espèce, le SEAE a exposé, dans la décision attaquée, que le refus de la prolongation était fondé sur la nécessité d’assurer une rotation régulière des chefs de délégation, une politique claire de mobilité après un maximum de quatre ans dans le poste étant généralement suivie.

49      Cette motivation a été reprise, et détaillée, dans la décision de rejet de la réclamation, les arguments soulevés par la requérante ayant alors été analysés de manière circonstanciée ainsi qu’il résulte du point 6 ci-dessus.

50      Pour le surplus, l’argument tiré du caractère erroné de la motivation se confond avec le moyen concernant l’égalité de traitement, qui est traité ci-après.

51      De ce qui précède, il résulte que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, également, non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

52      Le troisième moyen est divisé en trois branches.

–       Sur la première branche, concernant une discrimination à caractère racial à l’encontre de la requérante

53      Dans la première branche, la requérante avance que le rejet de sa demande reposait sur une discrimination à caractère antisémite.

54      Indépendamment du caractère général de ces allégations, il convient de rappeler que l’article 91, paragraphe 2, du statut exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge l’ait été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 73 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, dans sa réclamation, la requérante n’a fait aucune mention de suspicions de motifs à caractère antisémite. Par ailleurs, elle n’a pas allégué que des circonstances apparues postérieurement à la réclamation pourraient donner lieu à des suspicions de discrimination à son égard.

56      Dès lors, la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

–       Sur la deuxième branche, concernant l’octroi d’une prolongation à d’autres chefs de délégation

57      Dans la deuxième branche, la requérante considère que le SEAE a violé le principe d’égalité de traitement en refusant sa prolongation, mais en l’accordant à d’autres chefs de délégation qui se trouvaient pourtant dans une situation comparable.

58      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation d’assurer une égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 54 et jurisprudence citée).

59      Selon la jurisprudence, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 55 et jurisprudence citée).

60      Le principe n’est pas enfreint par des différences justifiées sur la base d’un critère objectif et raisonnable lorsque ces différences sont proportionnées au but poursuivi par la différenciation en question (voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, EU:T:2004:77, point 65, et du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, EU:F:2007:14, point 91).

61      Dans son argumentation, le SEAE souligne que les décisions sur les prolongations sont fondées sur l’intérêt du service, le principe d’égalité leur étant difficilement applicable, car les comparaisons sont rendues complexes par les différences existant entre les pays.

62      À cet égard, il convient de relever que le principe dont il est question a une portée générale et s’applique aux actes adoptés par l’AIPN dans le cadre statutaire chaque fois qu’une comparaison est possible entre des situations (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2006, Buendia Sierra/Commission, T‑311/04,EU:T:2006:329, point 130).

63      Son application n’est pas, en soi, empêchée par le fait que les décisions concernant les demandes de prolongation soient fondées sur l’intérêt du service, cet intérêt figurant parmi les critères objectifs et raisonnables pouvant justifier une différence de traitement entre fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, EU:F:2006:105, point 76).

64      Des écrits soumis par les parties et des débats ayant eu lieu à l’audience, il ressort que, même si elle n’est pas aisée, une comparaison est possible entre les réponses données aux demandes de prolongation, puisque le SEAE se livre lui-même à une telle comparaison dans la décision de rejet de la réclamation en s’attachant à souligner en quoi les chefs de délégation mentionnés par la requérante se trouvaient dans des situations différentes de la sienne.

65      Ainsi, la décision de rejet de la réclamation analyse les arguments formulés par la requérante à propos de quatre demandes accueillies favorablement alors que les personnes concernées se seraient trouvées dans des situations comparables à la sienne au regard de l’âge de la retraite et de l’instabilité politique régnant dans le pays accréditaire.

66      Cet argument doit être examiné sur la base de la jurisprudence accordant à l’administration un large pouvoir d’appréciation pour décider des mesures à prendre dans l’intérêt du service, le juge de l’Union devant alors vérifier, dans son contrôle, si une différenciation arbitraire ou une erreur manifeste d’appréciation a été commise (arrêt du 25 février 2010, Pleijte/Commission, F‑91/08, EU:F:2010:13, point 58).

67      Des débats entre les parties, il apparaît que, parmi les dossiers invoqués par la requérante, deux demandes ont trait à l’exercice de rotation durant lequel la demande de prolongation a été formulée par la requérante, à savoir l’exercice 2017.

68      Dans un cas, la prolongation a été accordée, selon le SEAE, pour maintenir un diplomate en poste pendant la durée habituelle d’une affectation à l’étranger, à savoir quatre années, l’affectation ayant été accordée à l’origine pour une durée limitée à trois années, s’agissant d’une affectation dans un pays « difficile ». Dans cette affaire, le SEAE souhaitait aligner la durée de l’affectation pour cette personne sur la pratique suivie dans le service, à savoir une affectation de quatre années au maximum. Pour le SEAE, cette situation est différente de celle que connaissait la requérante, puisque cette dernière avait été affectée d’emblée pour une durée de quatre années dans son poste de chef de délégation.

69      Dans l’autre cas, la décision était motivée, selon le SEAE, par la nécessité de laisser en place le chef de délégation pour permettre à l’équipe de suivre sous sa direction les développements liés à la tenue d’élections dans le pays accréditaire.

70      La requérante soutient que des élections avaient lieu aussi dans le pays où elle était affectée avec pour conséquence que, par identité de motifs, sa demande aurait dû être acceptée.

71      Selon le SEAE, les deux situations ne peuvent cependant être comparées, car les élections prises en compte dans les décisions n’avaient pas lieu au même moment relativement au départ éventuel du chef de délégation. Dans le pays où la prolongation a été accordée, elles intervenaient avant l’exercice de rotation, ce qui rendait souhaitable le maintien en poste du chef de délégation pour analyser les développements s’ensuivant. Il en allait différemment dans le pays d’affectation de la requérante, où les élections suivaient le départ du chef de délégation, ce qui rendait préférable un changement immédiat, l’équipe pouvant alors suivre l’ensemble du processus en étant pilotée par une nouvelle direction.

72      Dans ses écrits, la requérante analyse encore deux autres cas où, selon elle, une prolongation a été accordée en violation de l’égalité de traitement.

73      À cet égard, il convient de relever que les cas en question concernaient des exercices de rotation antérieurs avec pour conséquence que, même si elles restent possibles, les comparaisons sont moins immédiates, car les priorités et les contraintes peuvent varier avec le temps.

74      Dans un cas, la prolongation a été accordée, selon le SEAE, au vu du fait, que, contrairement à celle dirigée par la requérante, la délégation ne comptait pas de chef de délégation adjoint. Dans l’autre, elle aurait été accordée pour éviter que le départ du chef de délégation ne coïncide avec celui du chef de la section politique, ce qui semblait non souhaitable, car la délégation était composée d’une équipe réduite où la continuité ne pouvait être assurée par les membres restants.

75      Dans aucun de ces deux dossiers, ni dans ceux examinés plus haut, la décision d’accorder la prolongation n’aurait été prise, en tout état de cause, pour permettre à la personne concernée de terminer sa carrière dans le poste où elle était affectée, la décision étant fondée, au contraire, sur une évaluation menée au regard de l’intérêt du service et portant sur l’apport que constituait le maintien de la personne concernée au regard de l’avantage qui pouvait être retiré de l’arrivée d’une nouvelle direction.

76      Selon le Tribunal, ces considérations formulées dans la décision de rejet de la réclamation pour expliquer la différenciation opérée entre les dossiers présentent un caractère plausible sans que la requérante ait formulé d’éléments donnant à penser qu’une discrimination arbitraire ou une erreur manifeste d’appréciation avait pu être commise.

77      Quant à la place pouvant être accordée aux considérations personnelles comme le souhait de terminer sa carrière dans un lieu déterminé, il convient de rappeler que les décisions doivent être fondées sur l’intérêt du service et que, même si l’autorité peut les prendre en compte, de telles considérations ne peuvent prévaloir sur d’autres éléments regardés comme plus importants au regard de cet intérêt.

78      Au vu de ces considérations, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, concernant les mesures à prendre à l’égard des femmes

79      Dans la troisième branche, la requérante estime que sa demande aurait dû être acceptée sur la base de l’article 1er quinquies, paragraphes 2 et 3, du statut, qui, selon elle, implique l’adoption de mesures compensant la sous-représentation des femmes aux fonctions de direction dans la fonction publique de l’Union.

80      Cette position est critiquée par le SEAE.

81      Selon l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du statut, une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle constitue un élément essentiel à prendre en considération dans la mise en œuvre de tous les aspects du statut.

82      Aux termes de la même disposition, le principe d’égalité de traitement n’empêche pas les institutions de l’Union de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

83      En vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 3, du statut, les AIPN des institutions définissent, d’un commun accord, après avis du comité du statut, les mesures et les actions destinées à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes dans les domaines couverts par le statut et prennent les dispositions appropriées, notamment en vue de remédier aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans les domaines couverts par le statut.

84      De ces dispositions, il résulte, premièrement, que l’égalité entre les hommes et les femmes est un élément « essentiel » pour la mise en œuvre du statut, deuxièmement, que cette dimension doit intervenir dans « tous » les aspects liés à cette mise en œuvre, troisièmement, que les institutions peuvent adopter des mesures visant à compenser la sous-représentation des femmes dans certaines fonctions et, quatrièmement, qu’elles doivent définir de commun accord des mesures pouvant remédier aux inégalités de fait affectant les chances des femmes.

85      Selon le SEAE, le genre ne peut être pris en compte dans les décisions en matière de prolongation dans une affectation à un poste de chef de délégation, de telles décisions devant être fondées, de manière exclusive, sur l’intérêt du service.

86      Cette position a été affirmée dans la décision de rejet de la réclamation, dans laquelle le SEAE a indiqué que, « la prolongation de l’affectation du personnel en Délégation étant uniquement motivée par l’intérêt du service, il ne saurait être tenu compte de sa qualité de femme pour envisager l’éventuelle prolongation de son affectation sur ce poste ».

87      Elle l’a été, également, dans la réponse fournie par le SEAE aux questions écrites posées par le Tribunal avant l’audience, celui-ci ayant alors souligné, d’une part, « qu’il n’y a[vait] pas de lien entre la politique d’égalité des chances et la politique de mobilité au sein du SEAE » et, d’autre part, que « le traitement d’une telle demande [de prolongation] s’inscri[vai]t dans le cadre de la politique de mobilité et non […] de la politique d’égalité des chances entre hommes et femmes ».

88      À l’audience, le représentant du SEAE a indiqué, dans le même sens, que « la politique de mobilité [était] une politique distincte de la politique d’égalité des chances ». En réponse à des questions posées à titre de mesures d’organisation de la procédure suivant l’audience, le SEAE a également précisé que « les demandes de prolongation [étaient] traitées en fonction de l’intérêt du service dans chaque cas individuel, indépendamment de la question de savoir si le demandeur [était] un homme ou une femme ».

89      À cet égard, il importe d’observer que, en adoptant les dispositions en cause, le législateur statutaire a manifesté sa volonté de conférer à l’égalité des genres, notamment à la représentation des femmes dans certaines fonctions, une place « essentielle » dans les délibérations mettant en œuvre « tous » les aspects du statut.

90      Cette volonté ne trouve pas d’écho dans les positions adoptées par le SEAE qui, par les déclarations qu’il a formulées durant les procédures administrative et juridictionnelle, a indiqué, au contraire, que, en ce qui le concernait, il voyait les considérations relatives au genre comme étant extérieures à l’intérêt du service.

91      Le SEAE soutient n’être tenu, en l’état, par aucune disposition lui imposant de compenser la sous-représentation des femmes dans certaines fonctions, de telles dispositions pouvant seulement être adoptées en application de l’article 1er quinquies, paragraphes 2 ou 3, du statut, qui n’aurait pas encore été mis en œuvre.

92      Dans ce contexte, la question est de déterminer si, dans l’attente des mesures devant ainsi être adoptées par les institutions, celles-ci, comme le soutient le SEAE, peuvent exclure des décisions mettant en œuvre des aspects du statut les considérations relatives au genre, notamment celles concernant la représentation des femmes dans certaines fonctions.

93      À cet égard, il importe de constater que, dans l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du statut, le législateur statutaire ne se contente pas d’annoncer l’adoption de mesures par les institutions. Il déclare, aussi, sans que cette déclaration soit assortie d’un quelconque délai ou d’une quelconque condition, et sans qu’elle soit subordonnée à l’adoption de certaines mesures, que l’égalité des genres constitue une dimension « essentielle » à prendre en compte dans « tous » les aspects mettant en œuvre le statut.

94      Il s’ensuit que, en écartant l’égalité des genres des considérations ayant entouré l’adoption de la décision portant sur la demande de prolongation introduite par la requérante, alors que cette dimension présente un caractère essentiel aux yeux du législateur statutaire, le SEAE a méconnu les dispositions statutaires citées par la requérante.

95      Cette erreur présente un caractère évident étant donné le contraste entre, d’une part, l’exclusion des considérations relatives au genre dans la décision de rejet de la réclamation et, d’autre part, le caractère essentiel prêté à ces considérations par le législateur statutaire.

96      Toutefois, selon la jurisprudence, l’annulation d’une décision administrative en raison d’une erreur n’est pas justifiée lorsque cette erreur n’a pas influencé de manière déterminante le contenu de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2015, Navarro/Commission, T‑556/14 P, EU:T:2015:368, point 26).

97      En l’espèce, le dispositif de la décision attaquée aurait pu être différent si l’égalité des genres n’avait pas été exclue d’emblée, par principe, de l’appréciation effectuée par le SEAE, alors que les décisions portant sur l’organisation de ses services doivent s’inscrire dans le cadre légal établi par le statut.

98      Pour cette raison, il convient d’accueillir la troisième branche du troisième moyen et d’annuler la décision attaquée.

 Sur la demande d’indemnisation

99      La requérante demande la condamnation du SEAE à lui verser au titre de dédommagement du préjudice moral une somme forfaitaire, à titre principal, de 250 000 euros, à titre subsidiaire, de 200 000 euros ou, à titre plus subsidiaire encore, de 150 000 euros, de 100 000 euros ou de 50 000 euros. 

100    En vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’agissant plus particulièrement d’une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union, une telle requête doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir ordonnance du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, EU:T:2004:9, point 120 et jurisprudence citée).

101    Or, force est de constater que la requête ne satisfait pas, en ce qui concerne l’identification du préjudice allégué ainsi que le lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et ce préjudice, aux conditions établies à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

102    En effet, la requérante n’avance aucun élément susceptible d’établir l’existence d’un préjudice, d’en mesurer l’étendue ou de démontrer la présence d’un lien de causalité.

103    Il convient dès lors de rejeter la présente demande d’indemnisation comme irrecevable.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

105    En l’espèce, le SEAE ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 30 juin 2016 portant rejet de la demande de Mme Chantal Hebberecht de prolonger d’un an son affectation en tant que chef de la délégation de l’Union européenne en Éthiopie est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le SEAE est condamné aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      I. Pelikánová


*      Langue de procédure : le français.