Language of document : ECLI:EU:T:2019:831

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 décembre 2019 (*)

« Dumping – Importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de Chine et de Taïwan – Droit antidumping définitif – Règlement d’exécution (UE) 2015/1429 – Article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement (CE) no 1225/2009 [devenu article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement (UE) 2016/1036] – Article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1225/2009 [devenu article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement 2016/1036] – Calcul de la valeur normale – Calcul du coût de production – Ventes du produit similaire destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur »

Dans l’affaire T‑607/15,

Yieh United Steel Corp., établie à Kaohsiung City (Taïwan), représentée par Me D. Luff, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland et Mme A. Demeneix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes J. Killick, G. Forwood et C. Van Haute, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2015/1429 de la Commission, du 26 août 2015, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 224, p. 10),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. E. Buttigieg (rapporteur), faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Yieh United Steel Corp., est une société établie à Taïwan, active, notamment, dans la fabrication et la distribution de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables (ci‑après le « produit concerné »).  

2        Aux fins de la fabrication du produit concerné, la requérante utilise comme matière première des rouleaux laminés à chaud qui sont soit produits directement par elle, soit achetés à Lianzhong Stainless Steel Co. Ltd (ci‑après « LISCO »), société liée productrice de rouleaux laminés à chaud, établie en Chine. Le produit concerné est vendu par la requérante à des clients de l’Union européenne et à des clients sur son marché intérieur, lesquels comprennent des producteurs et des distributeurs en aval indépendants du produit concerné et son producteur en aval lié, la société Yieh Mau.

3        À la suite d’une plainte déposée le 13 mai 2014 par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL (ci‑après « Eurofer »), la Commission européenne a publié le 26 juin 2014 un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2014, C 196, p. 9) conformément au règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne [(JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22), remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), ci‑après le « règlement de base »].

4        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 (ci‑après la « période d’enquête »). L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013.  

5        Le 22 septembre 2014, la requérante et ses sociétés liées ont déposé leurs réponses au questionnaire antidumping de la Commission. Du 17 au 20 novembre 2014, une visite de vérification a eu lieu dans les locaux de la requérante à Taïwan.  

6        Le 24 mars 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/501, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 79, p. 23, ci‑après le « règlement provisoire »). Le règlement provisoire a institué un droit antidumping provisoire de 10,9 % sur le produit concerné de la requérante.

7        Par lettre du 25 mars 2015, la Commission a communiqué à la requérante ses conclusions provisoires exposant les considérations et les faits essentiels sur la base desquels il avait été décidé d’instituer un droit antidumping provisoire (ci‑après les « conclusions provisoires »).  

8        Dans les conclusions provisoires, la Commission a abordé, notamment, la question de son refus de déduire la valeur de la ferraille recyclée du coût de production du produit concerné et la question de son refus de prendre en considération, aux fins de la détermination de la valeur normale, certaines ventes de la requérante dans le pays exportateur.

9        Le 20 avril 2015, la requérante a présenté ses observations sur les conclusions provisoires.

10      Le 23 juin 2015, la Commission a envoyé à la requérante ses conclusions définitives. Le 3 juillet 2015, la requérante a présenté ses observations sur ces conclusions.

11      Le 26 août 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/1429 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de produits plats laminés à froid en aciers inoxydables originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2015, L 224, p. 10, ci‑après le « règlement attaqué »), qui a modifié le règlement provisoire et a institué un droit antidumping de 6,8 % sur les importations dans l’Union du produit concerné fabriqué, notamment, par la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 octobre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par décision du 23 décembre 2015, l’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2016, Eurofer a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2016, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la requête, le mémoire en défense et la réplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard d’Eurofer si celle-ci était admise à intervenir. Elle a joint une version non confidentielle desdits mémoires à sa demande.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 mai 2016, la Commission a demandé que certaines informations contenues dans la duplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel et elle a joint une version non confidentielle de la duplique à sa demande.

17      Par ordonnance du 20 juillet 2016, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention d’Eurofer. Dès lors que, conformément à l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante et la Commission ont demandé le traitement confidentiel de certaines informations contenues dans les mémoires mentionnés aux points 15 et 16 ci-dessus, ladite ordonnance a provisoirement limité la communication desdits mémoires à l’intervenante aux versions non confidentielles de la requérante et de la Commission, en attendant les éventuelles observations de l’intervenante sur la demande de traitement confidentiel.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 août 2016, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la duplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante et elle a joint une version non confidentielle consolidée de la duplique à sa demande.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 septembre 2016, l’intervenante a contesté partiellement la demande de traitement confidentiel de la requête, du mémoire en défense et de la réplique.

20      Par décision du 6 octobre 2016, l’affaire a été attribuée à la deuxième chambre du Tribunal en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 janvier 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans ses observations sur le mémoire en intervention fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante et elle a joint une version non confidentielle desdites observations à sa demande.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er avril 2017, l’intervenante a contesté partiellement la demande de traitement confidentiel des observations de la requérante sur le mémoire en intervention.

23      Par ordonnance du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission (T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698), le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait partiellement droit aux demandes de traitement confidentiel présentées par la requérante et par la Commission.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2018, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans ses observations sur le mémoire en intervention supplémentaire fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante et elle a joint une version non confidentielle desdites observations à sa demande.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2018, la requérante a demandé à être entendue en ses observations orales.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 du règlement attaqué pour autant qu’ils la concernent ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement 2016/1036) et d’une violation de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement 2016/1036).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement de base et d’un détournement de pouvoir

29      La requérante fait valoir que, en refusant d’accepter sa demande de déduction de la valeur de la ferraille recyclée du coût de production du produit concerné, la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits. La Commission aurait indûment refusé d’examiner ses registres comptables ainsi que sa méthode de répartition des frais et l’erreur de calcul qu’elle aurait commise ne serait pas couverte par le pouvoir d’appréciation dont elle disposerait. Ce refus aurait eu pour conséquence d’augmenter ses coûts de production ainsi que la part des types de produits pour lesquels la valeur normale aurait été construite en raison des ventes réalisées à des prix inférieurs aux coûts de fabrication, aboutissant ainsi à une valeur normale globalement plus élevée.

30      En premier lieu, la Commission aurait violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base par son refus de prendre en considération les registres comptables de la requérante ainsi que la méthode de répartition des coûts qu’elle aurait appliquée aux pertes des rouleaux laminés à chaud constatées lors de la production du produit concerné.

31      La requérante soutient à cet égard que, contrairement aux affirmations de la Commission, elle a inclus la perte de production dans le calcul du coût de production du produit concerné présenté à la Commission.  La requérante relève qu’elle a exposé, dans ses observations sur les conclusions provisoires du 20 avril 2015, sur la base des registres comptables présentés dans sa réponse au questionnaire, qu’elle avait inclus, de façon adéquate, dans son tableau des coûts de production toutes les pertes de production à tous les stades de la production s’agissant tant des rouleaux produits par elle-même que ceux achetés à son fournisseur lié, LISCO. La méthode appliquée consisterait à identifier une « perte de production unitaire », sous la forme d’un ratio, pour les matières premières utilisées à tous les stades de production, attribuée non pas au coût des matières, mais aux coûts de production du stade de production suivant, ce qui s’appellerait le « coût de conversion ». La perte de production serait ainsi comptabilisée non pas comme un coût des matières, mais comme un coût de conversion. Cette méthode de répartition des coûts de production, appelée « système de coûts de revient en production uniforme », serait une technique comptable bien connue et amplement acceptée dans le monde et à Taïwan au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, que la requérante aurait expliquée à la Commission tant lors de la visite de vérification que dans ses observations sur les conclusions provisoires.

32      En ignorant les données vérifiées et la méthode de répartition des coûts de la requérante et en refusant de prendre en considération la façon dont la requérante aurait comptabilisé la perte de production dans ses coûts de production, la Commission serait parvenue à une conclusion manifestement erronée concernant la perte de production.  

33      La requérante fait valoir qu’un équilibre doit être respecté entre l’obligation de la Commission de mener une enquête en temps utile et les droits légitimes des opérateurs économiques à ce que leurs données réelles soient prises en considération au cours d’une enquête neutre et objective et que l’autorité chargée de l’enquête doit utiliser le système de comptabilisation des coûts du producteur en cause lorsqu’il reflète « convenablement et suffisamment » les frais engagés pour la production du produit considéré.

34      Or, la Commission ne contesterait pas que les documents comptables invoqués par la requérante auraient fait l’objet d’un audit et que celle-ci utiliserait habituellement la méthode de répartition des coûts appelée « Système de coûts de revient en production uniforme ». La Commission ne démontrerait pas en quoi les frais liés à la production et à la vente du produit concerné ne seraient pas raisonnablement reflétés dans les registres comptables, mais se bornerait à exprimer des doutes sur le fait que cette méthode ne refléterait peut-être pas en l’espèce la véritable valeur de chaque élément de coût. Or, ces doutes découleraient d’une formule de calcul inadéquate et de l’utilisation contradictoire des registres comptables de la requérante par la Commission, sans que celle‑ci ne démontre en quoi la méthode alternative qu’elle utiliserait serait plus fiable et refléterait mieux la véritable valeur de chaque élément de coût, méconnaissant ainsi l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

35      La requérante fait valoir plus précisément que, dans ses conclusions provisoires et ses conclusions définitives ainsi que dans le règlement attaqué, la Commission a invoqué le fait que la requérante n’avait pas comptabilisé la perte de production des rouleaux laminés à chaud achetés à LISCO dans le coût de production du produit concerné, conclusion qui constitue déjà en soi une erreur manifeste dans l’appréciation des faits. En outre, les explications apportées par la Commission dans ses conclusions provisoires, ses conclusions définitives et le règlement attaqué seraient également manifestement biaisées et erronées.  

36      À cet égard, la requérante observe d’abord que la formule de calcul utilisée par la Commission dans ses conclusions provisoires pour calculer le volume des rouleaux laminés à chaud consommés pour la production du produit concerné, selon laquelle ce volume est égal au coût total des matières premières par rouleau laminé à chaud acheté rapporté au coût d’achat de rouleaux laminés à chaud, n’est pas adéquate compte tenu de sa méthode de comptabilisation des coûts. Cette constatation invaliderait la conclusion erronée de la Commission selon laquelle le volume des rouleaux laminés à chaud consommés serait égal au volume de production du produit concerné alors que le volume des matières premières consommées devrait être plus élevé que celui du produit concerné si la perte de production avait été comptabilisée correctement.  

37      Ensuite, les motifs avancés par la Commission dans les conclusions définitives seraient également erronés. Premièrement, aucune des informations apportées par la requérante lors de l’exposition de sa méthode de comptabilisation n’aurait été nouvelle pour la Commission lors de la communication des conclusions provisoires, car toutes les répartitions des coûts, y compris celles liées à la perte de production, se seraient dégagées clairement du tableau des coûts de production que la requérante avait fourni dès sa réponse au questionnaire antidumping, à savoir le tableau de la pièce 54 jointe à ce questionnaire. Dans sa réponse aux conclusions provisoires, la requérante aurait également apporté une nouvelle feuille de travail qui ventilerait les coûts de conversion afin de faire apparaître la perte de production, feuille qui aurait été élaborée exclusivement à partir des données figurant dans les conclusions provisoires.  

38      Deuxièmement, la perte de production unitaire dont elle se servirait pour comptabiliser le coût de conversion aurait été appliquée en termes de valeur à tous les éléments du coût de conversion, y compris aux frais généraux, s’assurant ainsi de façon appropriée que tous les coûts liés à la perte de production, y compris la perte entraînée par les frais généraux employés pour produire la matière « perdue », seraient correctement repris dans son système de comptabilisation des coûts.

39      Troisièmement, contrairement à ce que prétendrait la Commission, le coût des matières premières inclus dans la perte de production ne serait pas inférieur au montant revendiqué de la déduction de la ferraille, ce qui ressortirait de la feuille de calcul explicative de la requérante mentionnée au point 37 ci-dessus. La Commission aurait ainsi manifestement omis de prendre en considération les données réelles et la méthode de comptabilisation des coûts de la requérante concernant la perte de production. À cela s’ajouterait le fait que, si la Commission avait correctement pris en considération les données fournies et si elle avait suivi la méthode qu’elle avait elle-même utilisée dans ses conclusions provisoires pour identifier la consommation de matières premières, elle aurait été en mesure de déterminer la « quantité » réelle de matières premières consommées pour la production du produit concerné.  

40      Enfin, dans le règlement attaqué, la Commission aurait pu aisément calculer la « quantité » réelle de rouleaux laminés à chaud consommés pour la production du produit concerné sur la base des données disponibles en utilisant la méthode qu’elle avait elle‑même appliquée au stade provisoire, contrairement à ce que la Commission affirme au considérant 61 du règlement attaqué.  

41      La requérante rejette également le reproche formulé par la Commission selon lequel elle aurait fourni des informations « fragmentaires et fluctuantes » relatives aux coûts de production au cours de la période d’enquête et après la visite de vérification. La requérante observe à cet égard qu’elle a répondu à tous les points dans sa réponse au questionnaire, qu’elle s’est ensuite conformée, dans les délais, à toutes les demandes de la Commission, avant, pendant et après la vérification sur place, qu’elle a expliqué pourquoi les coûts de production avaient été modifiés lorsqu’elle a transmis, à la demande de la Commission, le second tableau des coûts de production, qu’elle a répondu à la totalité du questionnaire supplémentaire de la Commission, transmis le 9 février 2015, après la visite de vérification et qu’elle a expliqué une nouvelle fois sa méthode de répartition des coûts dans ses observations sur les conclusions provisoires qui, pour la première fois, mentionnaient le refus d’accepter la déduction de la ferraille. Une telle méthode rendrait inutile toute information relative aux quantités des rouleaux laminés à chaud. Cette information aurait toutefois été à la disposition de la Commission.

42      En outre, l’allégation de la Commission, selon laquelle elle ne disposait pas de données suffisantes sur les « quantités » de rouleaux laminés à chaud consommés pour la fabrication du produit concerné, « qui sont nécessaires afin de vérifier l’exactitude de[s] dires [de la requérante] », serait dès lors également erronée.  

43      Premièrement, les informations relatives aux quantités de rouleaux « noirs », à savoir ceux achetés et utilisés pour la production du produit concerné, auraient été fournies dans la pièce 56 jointe à la réponse au questionnaire, alors qu’elle aurait indiqué dans le tableau de la pièce 6 intitulé « Réconciliation des ventes » (feuille intitulée « Reconnaissance par type de produit ») issue de la vérification, la quantité de rouleaux « noirs » vendus, tous produits en interne, de sorte que la Commission aurait pu obtenir la quantité de rouleaux « noirs » achetés et consommés pour la fabrication du produit concerné en procédant à un calcul assez simple et que, partant, les informations requises en volume auraient été fournies au cours de la procédure administrative. Elle aurait également distingué clairement les rouleaux « noirs » des rouleaux « blancs » (ou « no 1 ») achetés et vendus. Deuxièmement, la requérante aurait toujours répondu aux questions de la Commission au cours de l’enquête et des informations spécifiques relatives aux quantités de rouleaux laminés à chaud achetées et consommées pour la production du produit concerné n’auraient pas été demandées dans la réponse au questionnaire, bien que la pièce 56 jointe à la réponse au questionnaire fournisse des informations sur la quantité de rouleaux « noirs ». Au cours de la vérification, la requérante aurait également fourni des informations sur la quantité de rouleaux « noirs » vendus après traitement complémentaire (tableau de la pièce 6 « Réconciliation des ventes »), ce qui aurait permis de déterminer la quantité de rouleaux « noirs » utilisés pour la production en aval. Après la vérification, la Commission aurait transmis un questionnaire complémentaire dans lequel elle ne demandait pas d’informations supplémentaires sur les quantités de rouleaux laminés à chaud achetées ou consommées. Troisièmement, les informations sur les volumes de rouleaux laminés à chaud achetés n’étaient pas pertinentes en l’espèce, puisque la Commission avait de toute façon décidé de ne pas tenir compte du coût de ces achats et de le remplacer par le coût des rouleaux laminés à chaud produits en interne.  

44      La requérante ajoute que toutes les informations et tous les documents qu’elle a fournis à la Commission après la vérification sur place, lesquels l’ont été à la demande de celle-ci, ainsi que dans ses observations sur les conclusions de cette dernière, se fondaient sur des données et des tableaux que la Commission avait reçus avant la visite de vérification sur place ou qu’elle avait elle-même produits et ne nécessitaient pas une réelle vérification.

45      La Commission serait incapable de montrer un document attestant qu’elle aurait clairement demandé à la requérante de lui fournir les données prétendument manquantes relatives aux volumes des rouleaux laminés à chaud achetés et consommés et que la requérante aurait refusé de les transmettre, cette dernière ayant, en réalité, appris pour la première fois dans le document présentant les conclusions définitives que la Commission considérait comme problématique la quantité réelle de matière première consommée pour fabriquer le produit concerné.  

46      De manière plus générale, la requérante observe que la Commission n’a jamais demandé formellement des informations relatives aux quantités, que cette question ne figurait ni dans le questionnaire standard ni dans le questionnaire supplémentaire, que la Commission ne l’a demandé qu’une seule fois pendant la vérification, que la requérante a fourni les informations concernant les quantités auxquelles la pièce 56 jointe au questionnaire fait référence, que la Commission n’est cependant jamais revenue sur cette question lorsque, au cours de la vérification, elle a émis l’idée, qu’elle a finalement retenue, de remplacer le coût des rouleaux laminés à chaud achetés par celui des rouleaux laminés à chaud produits en interne et que, après la vérification, la Commission a seulement demandé de lui fournir un nouveau tableau des coûts de production où le coût des rouleaux achetés serait remplacé par celui des rouleaux produits en interne.

47      En conclusion, les allégations de la Commission selon lesquelles la requérante n’aurait pas fourni suffisamment de données ou aurait manqué à son devoir de coopération ne seraient pas fondées et ne sauraient justifier son refus d’accepter ses documents comptables et la méthode habituelle de répartition des coûts appliquée par elle, qui viole clairement l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.  

48      En deuxième lieu, en raison de ladite violation, la Commission serait parvenue à la conclusion manifestement erronée que la requérante n’aurait pas pleinement intégré la perte de production des rouleaux laminés à chaud achetés dans le coût de production du produit concerné, de sorte que ce serait également à tort que la Commission aurait en conséquence refusé la déduction de la ferraille recyclée du coût de production du produit concerné, ce qui aurait artificiellement gonflé la valeur normale en violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.  

49      À cet égard la requérante observe que si, comme le soutient la Commission, la situation sous examen relève de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), lequel donne des explications sur le paragraphe 3 de cet article, ce dernier paragraphe est nécessairement pertinent. De plus, ce paragraphe, en ce qu’il mettrait l’accent sur les prix qui sont « artificiellement bas », viserait clairement les prétendues ventes effectuées à perte. Enfin, seul l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base prévoirait le calcul de la valeur normale et l’erreur de calcul de la Commission, qui augmenterait artificiellement la valeur normale, violerait donc cet article.

50      En troisième lieu, par le refus d’accepter la déduction de la ferraille recyclée, la Commission aurait également commis un détournement de pouvoir dans la mesure où elle aurait utilisé la réglementation antidumping pour protéger l’industrie de l’Union au‑delà de l’équilibre négocié auquel serait parvenue l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour le produit concerné.  

51      La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

52      À titre liminaire, il convient de rappeler que, comme la Cour l’a souligné, la détermination de la valeur normale d’un produit constitue l’une des étapes essentielles devant permettre d’établir l’existence d’un dumping éventuel. Il ressort à cet égard tant du libellé que de l’économie de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2016/1036) que, lors de la détermination de la valeur normale, c’est le prix réellement payé ou à payer au cours d’opérations commerciales normales qu’il faut prendre en considération, en principe, en priorité. En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement 2016/1036), il ne peut être dérogé à ce principe que lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’« opérations commerciales normales » ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable. Ces dérogations à la méthode de fixation de la valeur normale en fonction de prix réels ont un caractère exhaustif (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, points 20 et 21 et jurisprudence citée).

53      La Cour a également relevé que l’objectif de la notion d’opération commerciale normale est d’assurer que la valeur normale d’un produit correspond le plus possible au prix normal du produit similaire sur le marché intérieur de l’exportateur. Si une vente est conclue selon des termes et des conditions qui ne correspondent pas à la pratique commerciale concernant les ventes du produit similaire dans ce marché au moment pertinent pour la détermination de l’existence ou non d’un dumping, elle ne constitue pas une base appropriée pour déterminer la valeur normale du produit similaire dans ledit marché (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 28).

54      Toutefois, ni l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping ») figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), ni le règlement de base ne contiennent une définition de la notion d’« opérations commerciales normales ». Certes, le règlement de base prévoit explicitement, à son article 2, deux hypothèses de ventes qui, sous certaines conditions, ne peuvent pas constituer de telles opérations. En premier lieu, l’article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement 2016/1036) précise que les prix pratiqués entre des parties, paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation, ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi, par exception, que ces prix ne sont pas affectés par cette relation (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 23 et jurisprudence citée). En second lieu, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement 2016/1036), les ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur ou les ventes à destination d’un pays tiers à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires ne peuvent être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales que s’il est déterminé qu’elles sont effectuées sur une période étendue en quantités substantielles et à des prix qui ne permettent pas de couvrir tous les frais dans un délai raisonnable (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, points 23 et 24 et jurisprudence citée).

55      L’article 2 du règlement de base ne donne pas pour autant une liste exhaustive des méthodes permettant de déterminer si les prix étaient pratiqués au cours d’opérations commerciales normales. À cet égard, la Cour a précisé que la notion d’opérations commerciales normales concerne le caractère des ventes considérées en elles‑mêmes. Elle vise à exclure, pour la détermination de la valeur normale, les situations dans lesquelles les ventes sur le marché intérieur ne sont pas conclues à des conditions commerciales normales, notamment lorsqu’un produit est vendu à un prix inférieur aux coûts de production ou lorsque des transactions ont lieu entre des partenaires qui sont associés ou qui ont conclu un arrangement de compensation (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 25 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il est constant que, afin de comparer la valeur normale du produit concerné avec les prix à l’exportation de ce produit, 784 types du produit concerné fabriqué par la requérante, identifiés par des numéros de contrôle des produits, ont été utilisés par la Commission dans le cadre de l’enquête. Cette dernière a révélé que, pour 21 types de produits, le volume des ventes sur le marché intérieur était inférieur à 5 % des volumes exportés vers l’Union, de sorte que les ventes intérieures en cause n’étaient pas représentatives au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base. En outre, la conclusion selon laquelle, pour une minorité de ventes intérieures de la requérante, la Commission a considéré que, contrairement aux allégations de la requérante, le prix de vente était inférieur aux coûts de production au sens de l’article 2, paragraphe 4, du même règlement, est le résultat du rejet par la Commission de la demande de déduction de la ferraille recyclée des coûts de production concernés qui avait été sollicitée par la requérante dans le tableau de la pièce 54 jointe à la réponse au questionnaire antidumping.

57      Ainsi qu’il résulte des points 30, 48, et 50 ci‑dessus, la requérante fait valoir au soutien du présent moyen que, par son refus de déduire la valeur de la ferraille recyclée du coût de production du produit concerné, la Commission a violé l’article 2, paragraphes 3 et 5, du règlement de base et commis un détournement de pouvoir. 

58      S’agissant, en premier lieu, de la violation alléguée de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, il convient de rappeler que, conformément à cette disposition, lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Cette même disposition précise qu’il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux (arrêt du 15 septembre 2016, PT Musim Mas/Conseil, T‑80/14, non publié, EU:T:2016:504, point 64).

59      Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé aux points 52 à 55 ci-dessus, la notion d’opérations commerciales normales visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base a pour but d’exclure, aux fins de la détermination de la valeur normale, les situations dans lesquelles les ventes sur le marché intérieur ne sont pas conclues à des conditions commerciales normales, notamment lorsqu’un produit est vendu à un prix inférieur aux coûts de production au sens de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

60      La circonstance que la valeur normale a en l’espèce été construite pour un certain nombre d’opérations commerciales déclarées par la requérante ne procède pas de la constatation d’une « situation particulière du marché pour le produit concerné » au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, mais elle est la conséquence directe de la conclusion de la Commission, selon laquelle le produit concerné a été vendu à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables), majorés des frais de vente, des dépenses administratives et autres frais généraux au sens de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de base, à la suite du rejet par la Commission de la demande de déduction de la ferraille présentée par la requérante.

61      Partant, une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, en ce qu’il énumère les différentes situations déterminant l’obligation, pour l’autorité chargée de l’enquête, de construire la valeur normale du produit concerné du producteur-exportateur, ne saurait, en tout état de cause, être établie aux fins de l’annulation du règlement attaqué indépendamment de la constatation d’une méconnaissance de l’article 2, paragraphe 4, du même règlement. En effet, ainsi qu’il a été relevé, notamment, au point 60 ci-dessus, le règlement attaqué exclut certaines ventes intérieures de la détermination de la valeur normale au motif de ne pas avoir été bénéficiaires au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base, alors que, pour le surplus, la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, la méthode suivie par la Commission pour la construction de la valeur normale, telle qu’elle est indiquée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.

62      S’agissant, en deuxième lieu, de la violation alléguée de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, il y a lieu de rappeler que la constatation selon laquelle les ventes du produit en cause n’étaient pas bénéficiaires au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base était la conséquence du refus de la Commission d’accepter, en l’absence de preuves suffisantes, la demande de déduction du coût de production du produit concerné de la valeur de la ferraille recyclée à partir de la perte de rouleaux laminés à chaud qui se produit au moment de la production du produit concerné. Selon la requérante, ledit refus viole, outre l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, l’article 2, paragraphe 5, de ce règlement, en ce que la Commission a refusé à tort de prendre en considération ses registres comptables et sa méthode de répartition des coûts appliquée aux pertes de production.

63      Il ressort de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement 2016/1036) que les coûts de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré.

64      En application de l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement 2016/1036), si les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris sur la base d’informations émanant d’autres marchés représentatifs.

65      L’article 2, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement 2016/1036) ajoute qu’il est tenu compte d’éléments de preuve soumis concernant la juste répartition des frais, à condition qu’il soit démontré que ce type de répartition a été utilisé de manière constante dans le passé.

66      Il résulte ainsi du libellé de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit concerné et que l’utilisation des données figurant dans lesdits registres constitue le principe et leur adaptation ou leur remplacement par une autre base raisonnable représente l’exception. Compte tenu du principe selon lequel une dérogation ou une exception à une règle générale doit être interprétée restrictivement, il y a lieu de considérer que le régime d’exception qui découle de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété de façon restrictive (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, PT Musim Mas/Conseil, T‑80/14, non publié, EU:T:2016:504, points 68, 69 et 83).

67      En outre, s’agissant de la charge de la preuve de l’existence d’éléments justifiant l’application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir écarter les coûts de production contenus dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête pour les remplacer par un autre prix estimé raisonnable, sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré (arrêt du 15 septembre 2016, PT Musim Mas/Conseil, T‑80/14, non publié, EU:T:2016:504, point 82).

68      Enfin, il convient de rappeler également que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 23 septembre 2009, Dongguan Nanzha Leco Stationery/Conseil, T‑296/06, non publié, EU:T:2009:347, point 40 et jurisprudence citée). Dès lors, le contrôle des appréciations des institutions par le juge de l’Union est limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêts du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, points 48 et 49 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, EU:T:2006:289, point 28 et jurisprudence citée). Ce contrôle juridictionnel limité s’étend, en particulier, au choix entre différentes méthodes de calcul de la marge de dumping et à l’appréciation de la valeur normale d’un produit (voir arrêt du 23 septembre 2009, Dongguan Nanzha Leco Stationery/Conseil, T‑296/06, non publié, EU:T:2009:347, point 41 et jurisprudence citée).

69      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si le refus de la Commission d’accepter la déduction de la ferraille recyclée, telle que revendiquée par la requérante, du coût de production du produit concerné méconnaît l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

70      D’abord, il est manifeste que, comme il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 66 et 67 ci‑dessus, l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base n’obligeait pas la Commission à accepter inconditionnellement et sans procéder aux vérifications nécessaires les informations relatives aux coûts de production et à la déduction de la ferraille contenues dans les registres comptables de la requérante. 

71      Cette conclusion est confirmée par l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036) qui énonce que, sauf dans les circonstances prévues à l’article 18 du règlement de base (devenu article 18 du règlement 2016/1036), l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible (voir, par analogie, arrêt du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 32), et cela nonobstant l’allégation de la requérante selon laquelle, d’une part, la méthode de répartition des coûts, appelée « Système de coûts de revient en production uniforme », qu’elle aurait utilisée aux fins du calcul du coût de production du produit concerné serait bien connue et acceptée et, d’autre part, les documents comptables auraient été tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés à Taïwan. Pareillement, l’article 6.6 de l’accord antidumping prévoit que, sauf dans les circonstances prévues à l’article 6.8, les autorités s’assureront au cours de l’enquête de « l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées sur lesquels leurs constatations sont fondées ». Cette obligation de vérification est l’expression, dans le contexte de l’imposition de mesures antidumping, d’un principe plus général qui impose à toute instance, nonobstant son large pouvoir d’appréciation, d’effectuer un examen précis et de fonder son appréciation sur des preuves d’une qualité suffisante [voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 101 (non publié)].

72      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler notamment qu’il découle de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 2, du règlement 2016/1036) qu’un questionnaire est préparé et transmis aux parties intéressées par les services de la Commission, aux fins d’obtenir les renseignements nécessaires à l’enquête antidumping et que lesdites parties sont tenues de fournir à ces services les informations qui lui permettront de mener à bien l’enquête antidumping [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 50 et 51].

73      Cette conclusion est encore confirmée par l’article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement de base (devenu article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement 2016/1036), selon lequel, d’une part, la Commission est autorisée à effectuer des visites afin, notamment, de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice et, d’autre part, les entreprises concernées sont informées de la nature des renseignements à vérifier et de tous les autres renseignements à fournir au cours de ces visites, ce qui n’empêche pas de demander sur place d’autres précisions compte tenu des renseignements obtenus. Il en résulte en particulier que les informations figurant dans les registres de l’entreprise concernée doivent pouvoir faire l’objet de vérifications croisées. 

74      En effet, l’un des instruments dont dispose l’autorité chargée de l’enquête pour s’acquitter de son obligation en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base est la visite de vérification sur place en application de l’article 16 du même règlement si ladite autorité le juge opportun. L’article 6.7 de l’accord antidumping prévoit que, « [p]our vérifier les renseignements fournis ou pour obtenir plus de détails, les autorités pourront, selon qu’il sera nécessaire, procéder à des enquêtes sur le territoire d’autres [États] membres, à condition d’obtenir l’accord des entreprises concernées et d’en aviser les représentants du gouvernement d[e l’État] Membre en question, et sous réserve que ce[t État] ne s’y oppose pas ».

75      Ainsi que le Tribunal l’a jugé, les réponses des parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping (voir arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29 et jurisprudence citée).

76      Il y a lieu de rappeler également que, conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 3, du règlement 2016/1036), « [l]orsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités ». En outre, il découle de l’article 18, paragraphes 3 et 6, du règlement de base (devenu article 18, paragraphes 3 et 6, du règlement 2016/1036) que les renseignements que les parties intéressées sont tenues de fournir à la Commission doivent être utilisés par les institutions de l’Union aux fins de l’établissement des conclusions de l’enquête antidumping et que ces mêmes parties ne doivent pas omettre des renseignements pertinents. Le caractère nécessaire d’un élément d’information donné s’apprécie au cas par cas [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 52].

77      En outre, ainsi que le juge de l’Union l’a relevé, il incombe certes à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Toutefois, dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires (voir, par analogie, arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29).

78      Il résulte des considérations qui précèdent que la vérification a vocation à permettre à la Commission d’accomplir sa mission et, notamment, de comprendre et de vérifier les modalités d’élaboration des données et, de manière plus générale, de s’assurer de l’« exactitude » des renseignements fournis par l’entreprise soumise à vérification, qui doit répondre au mieux de ses possibilités et de manière exhaustive aux questions posées par la Commission et ne doit pas omettre de fournir toutes les données et les explications utiles afin que celle-ci puisse procéder aux recoupements nécessaires pour vérifier l’exactitude des données fournies et parvenir à des conclusions raisonnablement correctes en temps utile et en tout cas avant la fin de la vérification, sous peine de ne plus pouvoir être prises en compte. Ainsi que l’intervenante l’a relevé à juste titre, il en est ainsi en particulier lorsque, comme en l’espèce, il s’agit de données chiffrées qui sont susceptibles d’être compilées sur la base de différentes hypothèses et dont la vérification est essentielle pour assurer l’intégrité du processus, alors notamment qu’il est constant par ailleurs que la requérante avait déclaré un faible bénéfice de [confidentiel] (1) sur les ventes intérieures du produit concerné.

79      À ce dernier égard, il importe de rappeler plus particulièrement que, comme il a été relevé notamment aux points 54 et 55 ci-dessus, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de base, les ventes du produit concerné sur le marché intérieur du pays exportateur à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables), majorés des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, peuvent, sous certaines conditions, être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales. La notion d’opérations commerciales normales vise à exclure, pour la détermination de la valeur normale, les situations dans lesquelles les ventes sur le marché intérieur ne sont pas conclues à des conditions commerciales normales, notamment lorsqu’un produit est vendu à un prix inférieur aux coûts de production (voir arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 25 et jurisprudence citée).

80      La vérification de la rentabilité des ventes sur le marché intérieur constitue ainsi un élément clé de l’enquête antidumping. À cette fin, notamment, le questionnaire antidumping prévoit en particulier deux sections, intitulées respectivement « Coût de production » (section F) et « Rentabilité » (section G). La vérification sur place permet à la Commission de procéder à d’autres contrôles à la suite des réponses reçues entre-temps de l’entreprise qui fait l’objet du contrôle.

81      Or, selon la Commission, l’enquête avait révélé que la technique comptable utilisée par la requérante pour inscrire la déduction de la ferraille en cause lui avait permis de déduire, dans un premier temps, les pertes matérielles subies au cours du processus de production et, dans un second temps, les pertes matérielles parmi celles‑ci qui avaient été transformées en ferraille, ce qui avait conduit en définitive à une double déduction de ces dernières du coût de production. Bien que la requérante ait tenté d’expliquer son système de comptabilisation des coûts lors de la visite de vérification sur place, ce serait seulement après l’adoption du règlement provisoire, dans ses observations sur les conclusions provisoires du 20 avril 2015, qu’elle aurait expliqué que, dans son système de comptabilité analytique, les pertes matérielles de ferraille feraient en réalité partie des frais généraux de production, de sorte qu’elles ne figuraient pas dans le coût de production.

82      La Commission fait valoir à cet égard que la méthode de répartition des coûts très particulière utilisée par la requérante, qui est fondée « sur les coûts de revient », en ce qu’elle affecte, selon les explications mêmes de la requérante, la perte de production unitaire aux différents éléments du coût de conversion, tels que les coûts de main-d’œuvre, les amortissements, les coûts d’électricité ou d’autres coûts de conversion, a pour conséquence de mélanger des données sur les coûts de production bien définis et des données générales relatives aux frais généraux, avec le risque de double déduction de la perte de production et de réduction artificielle des coûts que cela comporte, et ne permet pas de vérifier avec précision si les frais liés à la production et à la vente sont raisonnablement reflétés dans les registres comptables.

83      Par ailleurs, la Commission relève que, aux fins de la vérification de la véracité de l’affirmation de la requérante selon laquelle le coût de production devait être revu à la baisse en raison de la déduction de la ferraille revendiquée, elle a été confrontée à d’autres problèmes. D’une part, comme il est également énoncé au considérant 76 du règlement provisoire dont les conclusions sont confirmées au considérant 62 du règlement attaqué, la Commission rappelle qu’elle n’a pas pu prendre en considération les données relatives au prix d’achat du volume significatif de rouleaux laminés à chaud achetés par la requérante à son fournisseur lié LISCO, en ce que ces prix n’avaient pas été établis selon le principe de pleine concurrence, conclusion qui n’est pas contestée par la requérante. D’autre part et surtout, comme il est indiqué au considérant 61 du règlement attaqué, la requérante n’aurait, à aucun moment au cours de la procédure administrative, fourni des informations fiables et précises sur les quantités réelles de rouleaux laminés à chaud achetés qui auraient été spécifiquement consommés dans le processus de fabrication du produit concerné, mais elle se serait référée à ses méthodes comptables, alors qu’il serait constant qu’elle vend également des rouleaux laminés à chaud, lesquels ne seraient dès lors pas tous utilisés dans ledit processus.

84      À cet égard, la Commission affirme, premièrement, que le tableau sur les coûts de production, faisant l’objet de la pièce 54 fournie par la requérante en réponse au questionnaire antidumping, n’indique pas la « quantité » totale des rouleaux laminés à chaud qui ont été « achetés et consommés » dans le processus de fabrication du produit concerné, alors que celle-ci vend également des rouleaux laminés à chaud.

85      La Commission affirme, deuxièmement, que le tableau révisé sur les coûts de production du produit concerné, que la requérante a fourni au terme de la visite de vérification sur place, le 17 novembre 2014, en réponse à une demande, formulée au début de ladite visite de fournir des informations sur la quantité de rouleaux laminés à chaud achetés à LISCO, dans la mesure notamment où, d’une part, le tableau initial sur les coûts de production du produit concerné ne faisait pas de distinction entre le coût de production du produit fabriqué à partir de rouleaux achetés à LISCO et le coût de production du produit fabriqué à partir de rouleaux produits en interne et où, d’autre part, la requérante n’avait pas déclaré séparément le coût de production des rouleaux laminés à chaud et le coût de production du produit concerné fabriqué à partir de ceux-ci, visait seulement la « valeur d’acquisition » des rouleaux achetés et non pas leur quantité comme cela avait été demandé.

86      La Commission affirme, troisièmement, que, dans le second tableau révisé sur les coûts de production fourni par la requérante après la visite de vérification sur place, le 21 novembre 2014, au cours de laquelle la Commission avait demandé à la requérante de lui indiquer, dans le tableau de la pièce 54 communiqué dans la réponse au questionnaire antidumping, l’endroit où figuraient les informations sur le volume réel des rouleaux laminés à chaud « achetés et consommés dans la fabrication du produit concerné », en expliquant qu’elle devait remplacer les données relatives à l’achat de rouleaux par celles relatives à la production interne, les coûts unitaires de production étaient inférieurs à ceux fournis dans le questionnaire antidumping et vérifiés sur place et, partant, n’ont pas pu être utilisés dans la mesure où ils n’ont plus pu être vérifiés.

87      Il convient de constater à cet égard que la requérante ne conteste pas le fait qu’elle n’a à aucun moment indiqué la quantité exacte de rouleaux laminés à chaud achetés à son fournisseur lié, LISCO, qui ont été utilisés spécifiquement dans la fabrication du produit concerné.

88      Or, ainsi qu’il a été relevé au point 78 ci-dessus et à supposer même que la requérante ait fourni, en temps utile, toutes les explications nécessaires sur la méthode de répartition des coûts qu’elle a utilisée et que ladite méthode puisse être considérée comme largement acceptée et connue, la Commission était, en tout état de cause, en droit de demander à la requérante de lui fournir l’ensemble des informations essentielles qu’elle jugeait nécessaires en vue de comprendre les modalités d’élaboration des données en cause et de vérifier l’exactitude de la déduction de la ferraille demandée, et plus particulièrement les informations relatives à toutes les quantités de rouleaux laminés à chaud qui avaient été utilisées spécifiquement pour la fabrication du produit concerné et qui constituaient le principal facteur intervenant dans le coût de production du produit concerné, sans lesquelles les informations exprimées en valeur ne pouvaient être vérifiées par recoupement et il était impossible de procéder à une réconciliation correcte des ventes. En effet, ainsi que la Commission et l’intervenante le soutiennent à bon droit, et comme il ressort du considérant 61 du règlement attaqué, les informations exprimées en valeur présentées dans les comptes doivent pouvoir être vérifiées dans la mesure du possible à l’aide de données quantitatives fiables pour assurer que les comptes présentent une image fidèle de la situation de l’entreprise et pour être en mesure de vérifier en l’espèce la validité de la méthode de répartition des coûts appliquée par la requérante.

89      Les arguments mis en avant par la requérante pour justifier l’absence de fourniture de l’information sur le volume exact d’achat de rouleaux laminés à chaud utilisés spécifiquement pour la production du produit concerné ne sauraient être retenus.

90      D’abord, contrairement à l’affirmation de la requérante, il était bien demandé à la section F, intitulée « Coûts de production », point 2, intitulé « Processus de production et coût de production du produit faisant l’objet de l’enquête », paragraphe 6, du questionnaire antidumping de fournir l’information relative au volume des « achats totaux de matières premières utilisées dans la fabrication du produit faisant l’objet de l’enquête » alors que, comme il ressort du point 102 ci-après, la requérante a fourni à ce titre la pièce 56 relative à la consommation en volume des rouleaux laminés à chaud au regard de tous les produits fabriqués à partir de ces rouleaux, sans la limiter aux rouleaux consommés pour la fabrication du seul produit concerné.

91      Par ailleurs, dans la mesure notamment où, comme il a été relevé au point 85 ci-dessus, la requérante avait regroupé dans le même tableau de la pièce 54, fournie en réponse au questionnaire antidumping, le coût de production du produit concerné qu’elle fabriquait à partir de rouleaux laminés à chaud produits « en interne » et le coût de production du produit concerné qu’elle fabriquait à partir de rouleaux laminés à chaud « achetés » et où elle n’avait pas déclaré séparément le coût de production des rouleaux laminés à chaud et le coût de production du produit concerné fabriqué à partir de ceux-ci, la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste, qu’elle était dans l’impossibilité de vérifier que tous les coûts étaient fidèlement reflétés dans le coût de production déclaré et qu’une attention particulière devait être accordée à la répartition exacte des coûts en ayant recours aux informations relatives aux volumes consommés. 

92      Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance énoncée dans les conclusions provisoires et au considérant 76 du règlement provisoire, selon laquelle, au regard des liens existant entre la requérante et son fournisseur LISCO, la Commission a dû remplacer, aux fins de la détermination du coût de production du produit concerné, le coût d’achat des rouleaux laminés à chaud achetés à LISCO par le coût de production des rouleaux laminés à chaud fabriqués en interne, n’a aucunement eu pour conséquence de dispenser la requérante de fournir toutes les informations nécessaires et fiables, à la demande expresse de la Commission, sur le volume de rouleaux laminés à chaud achetés et consommés dans la fabrication du produit concerné.

93      En effet, en l’absence de ladite information, la Commission a dû se fier à un ratio de quantités de rouleaux laminés à chaud quel que soit leur usage pour apprécier la déduction de la ferraille revendiquée et remplacer les quantités inconnues d’achat auprès de LISCO destinées spécifiquement à la fabrication du produit concerné. Par ailleurs, le remplacement du coût des achats de rouleaux laminés à chaud auprès de LISCO exigeait de connaître le volume exact des rouleaux en question dans la mesure où le coût de production en interne était appliqué à ce volume. Enfin, ainsi que la Commission l’a encore relevé à juste titre, dans la mesure où le processus de production d’un produit plat laminé à froid à partir de rouleaux laminés à chaud est le même, que ces derniers soient achetés ou produits en interne, et où, partant, le ratio coûts/ferraille devrait être également identique dans les deux cas, il est essentiel de disposer des données sur le volume des rouleaux achetés pour vérifier que les deux processus de production aboutissent au même résultat et confirmer ainsi la validité des données relatives au volume des rouleaux laminés à chaud produits en interne.

94      En outre, l’argument soulevé par la requérante en réponse à une question écrite du Tribunal et au cours de l’audience, selon lequel la recherche des informations concernant le volume exact des rouleaux laminés à chaud achetés pour fabriquer précisément le produit concerné aurait impliqué une charge de travail disproportionnée en l’absence d’insistance de la part de la Commission et selon lequel elle pouvait légitimement considérer que ces informations n’étaient plus nécessaires, doit être rejeté également, ne serait-ce que dans la mesure où, d’une part, à aucun moment, la Commission n’a exprimé une quelconque intention de renoncer à obtenir ladite information et où, d’autre part, la requérante n’a pas eu la diligence de s’enquérir auprès de ladite institution si la renonciation présumée à l’information demandée était avérée. Ainsi que la Commission l’a encore relevé à juste titre, elle n’est pas revenue sur ladite demande d’information dans son questionnaire complémentaire établi après la visite de vérification le 9 février 2015 pour la seule raison que ce dernier ne concernait que les ventes à l’exportation et n’avait aucune incidence sur la demande en cause.

95      La Commission fait valoir que, n’ayant dès lors pas été en mesure de vérifier l’exactitude de la déduction de la ferraille revendiquée en l’absence d’informations complètes et fiables relatives aux volumes qu’elle avait demandées, elle a, afin d’accomplir correctement sa mission de vérifier l’exactitude des données fournies par la requérante conformément aux exigences découlant, notamment, de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base, calculé plus particulièrement, sur la base des données et des explications fournies par la requérante, la quantité de ferraille recyclable engendrée lors de la fabrication du produit concerné en calculant d’abord le montant total du produit concerné fabriqué à partir de rouleaux laminés à chaud achetés ou produits en interne pour trois catégories du produit concerné représentant ensemble 87,5 % de la production totale en volume. Il ressort des explications de la Commission que le volume des rouleaux laminés à chaud effectivement consommés dans le processus de fabrication du produit concerné a été calculé en divisant la valeur totale des rouleaux laminés à chaud achetés et consommés dans le processus de fabrication du produit concerné, tel qu’indiqué par la requérante elle‑même dans la pièce 54 jointe à la réponse au questionnaire antidumping, par leur prix moyen pondéré au cours de la période d’enquête. Or, la comparaison entre les deux chiffres montrait, selon la Commission, que le volume de rouleaux laminés à chaud consommés était presque équivalent au volume du produit concerné fabriqué, conclusion qui s’appliquait tant en ce qui concernait les rouleaux achetés que ceux fabriqués en interne. La conclusion selon laquelle, au vu des données fournies, la déduction de la ferraille demandée avait dès lors déjà été opérée et qu’elle ne pouvait ainsi pas être acceptée une seconde fois sous peine d’aboutir à une double déduction du montant en cause des coûts de production des différents types du produit concerné a été expliquée au considérant 77 du règlement provisoire et dans l’annexe 2 des conclusions provisoires. 

96      Dans ses observations sur les conclusions provisoires, la requérante a contesté ces dernières conclusions en expliquant, pour la première fois, que les pertes pour ferraille, à savoir la valeur des rouleaux laminés à chaud transformés en ferraille, avaient été comptabilisées comme faisant partie des frais généraux de production et en fournissant une troisième version du tableau sur les coûts de production faisant apparaître les pertes pour ferraille dans une colonne distincte en transférant certains frais généraux dans cette nouvelle colonne. Ainsi, comme il ressort du considérant 60 du règlement attaqué, selon les explications de la requérante, la perte de production équivaut au total du coût des matières premières non converties en produit final plus les frais généraux de production attribués à la perte de production.

97      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que ces explications sur la méthode de répartition des coûts de production de la requérante ont été fournies pour la première fois seulement dans la réponse aux conclusions provisoires, indépendamment même du fait de savoir si ladite méthode est, comme le soutient la requérante, « bien connue et amplement acceptée » et si les documents comptables en cause sont tenus « conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné » au sens de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement 2016/1036). Or, il incombait à la requérante de fournir à la Commission, dès le début de la procédure et en agissant au mieux de ses possibilités, toutes les informations utiles à la bonne compréhension de ladite méthode afin de ne pas risquer d’entraver la bonne conduite de la procédure antidumping et en vue de permettre à la Commission d’opérer les vérifications nécessaires en temps utile.

98      D’autre part, la Commission a relevé, en analysant les données fournies à la suite des conclusions provisoires, que, outre le fait que le montant déclaré des réductions des frais généraux de production dans le nouveau tableau équivalait au montant total des pertes déclarées, la valeur de la ferraille déclarée en vue d’une déduction des coûts, à savoir un montant de [confidentiel] nouveaux dollars de Taïwan (TWD), était en réalité plus élevée que la valeur des matières premières comprise dans les pertes de production, c’est-à-dire les pertes pour ferraille, d’un montant de [confidentiel] TWD.

99      Il convient de considérer que, eu égard aux données et aux explications dont la Commission disposait, il n’apparaît pas que les appréciations de celle-ci résumées aux points 95 à 98 ci-dessus soient entachées d’erreur manifeste, de sorte que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste, considérer que les informations fournies dans les observations sur les conclusions provisoires étaient à la fois tardives et non fiables.

100    En outre et en tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé notamment aux points 83 à 87 ci-dessus, ni dans les observations sur les conclusions provisoires ni dans les observations sur les conclusions définitives, la requérante n’a fourni directement l’information exacte demandée sur les quantités réelles de rouleaux laminés à chaud achetés et utilisés pour la fabrication du produit concerné, malgré la demande expresse en ce sens formulée par la Commission dès le début de la visite de vérification et nonobstant le fait que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission l’avait avertie, le premier jour de la visite de vérification, des conséquences de l’absence de ces informations. 

101    L’argument de la requérante, selon lequel elle a fourni tous les éléments nécessaires afin que la Commission puisse déterminer elle‑même avec suffisamment de précision la quantité de rouleaux laminés à chaud achetés et utilisés spécifiquement dans la fabrication du produit concerné, doit être rejeté également.

102    En effet, contrairement aux affirmations formulées dans la réplique, ni la pièce 56 jointe à la réponse au questionnaire, qui fournit des informations sur le volume total de rouleaux laminés à chaud achetés, ni le tableau de la pièce 6, intitulé « Réconciliation des ventes » et issu de la vérification, ne contiennent des informations sur le volume des rouleaux laminés à chaud qui sont « consommés dans la fabrication du produit concerné », alors, notamment, qu’il est constant que la requérante fabrique également d’autres produits que le produit concerné et, en particulier, des rouleaux laminés à chaud (19 000 tonnes sur son marché intérieur) et utilise des rouleaux « noirs » laminés à chaud pour fabriquer des rouleaux « blancs » laminés à chaud, à savoir des rouleaux « noirs » qui ont été recuits et décapés. À cet égard, l’intervenante observe à juste titre qu’il ressort des informations fournies par la requérante, notamment de la pièce 10 issue de la vérification, que la requérante a fabriqué au cours de la période d’enquête 200 000 tonnes de rouleaux « blancs » laminés à chaud, volume significatif par rapport aux quantités de rouleaux laminés à froid en acier inoxydable produites (550 000 tonnes) ou vendues. 

103    L’explication fournie pour la première fois dans la réplique, selon laquelle les rouleaux laminés à chaud achetés auprès de LISCO sont des « rouleaux noirs », comme indiqué dans la pièce 56 jointe à la réponse au questionnaire antidumping, à savoir des produits semi‑finis, dont les quelques produits qui ont été vendus et non pas consommés lors de la fabrication du produit concerné sont répertoriés dans le tableau de la pièce 6 intitulé « Réconciliation des ventes » et issue de la vérification, de sorte que tous les autres « rouleaux noirs » sont consommés pour la fabrication du produit concerné, doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant tardive, la Commission n’étant plus en mesure de vérifier l’exactitude des données qui y figurent, alors que rien n’empêchait la requérante d’apporter ces précisions, notamment, en réponse aux conclusions provisoires ou aux conclusions définitives et aux demandes réitérées de la Commission de disposer d’informations précises sur les différents rouleaux laminés à chaud consommés lors de la fabrication du produit concerné. À cela, la Commission ajoute que les tableaux de la pièce 56 jointe à la réponse au questionnaire antidumping ne font pas état de ventes de « rouleaux noirs », les lignes « Ventes » affichant le chiffre 0 pour les quatre trimestres de l’année 2013, conclusion que la seule remise du tableau de la pièce 6 susmentionné lors de la vérification ne saurait modifier, et que, en rapprochant les données relatives à la consommation totale de rouleaux laminés à chaud par la requérante au cours de la période d’enquête figurant dans les tableaux de la pièce 56 mentionnée ci-dessus ([confidentiel] TWD) et celles relatives à la consommation de rouleaux laminés à chaud déclarée dans la pièce 54 susmentionnée ([confidentiel] TWD), la consommation indiquée dans le premier est nettement supérieure à celle figurant dans la seconde, ce qui indique que la consommation de rouleaux laminés à chaud ne concernait pas uniquement la fabrication du produit concerné et justifiait d’autant plus que la Commission demandât des informations sur les volumes consommés pour vérifier l’exactitude des informations fournies par la requérante.

104    Il y a lieu de constater qu’il n’apparaît pas que la Commission, en formulant ces appréciations à la lumière des explications dont elle disposait, ait commis une erreur manifeste.

105    Il résulte en tout état de cause des considérations qui précèdent que, si la requérante a bien fourni des informations supplémentaires, même après la visite de vérification sur place, et d’autres informations supplémentaires après l’adoption du règlement provisoire, elle n’a fourni à aucun moment la quantité exacte des rouleaux laminés à chaud consommés pour la fabrication du produit concerné que la Commission pouvait considérer comme indispensable aux fins de l’accomplissement de sa mission de vérification dans la mesure notamment où la question de la déduction de la ferraille demandée est liée au volume de rouleaux laminés à chaud consommés dans la fabrication du produit concerné. Pour refuser de fournir les informations en cause, la requérante se borne à affirmer que, outre que celles-ci n’étaient pas nécessaires, la Commission aurait pu calculer elle-même ladite quantité sur la base des données disponibles.

106    Or, l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ne saurait être interprété en ce sens qu’il permettrait aux parties intéressées de ne pas indiquer tout de suite dans leurs réponses aux questionnaires antidumping toutes les informations accompagnées de toutes les explications nécessaires pour permettre à la Commission d’accomplir sa mission consistant à vérifier l’exactitude des données fournies tant en ce qui concerne les volumes des produits consommés que les méthodes de répartition des coûts en valeurs utilisées et de ne dévoiler ces informations ou ces explications indispensables qu’au vu de l’évolution de l’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 61).  

107    S’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 77 ci-dessus que, dans le cadre du règlement de base, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, de déterminer si le produit visé par la procédure antidumping fait l’objet d’un dumping et cause un préjudice lorsqu’il est mis en libre pratique dans l’Union et qu’il n’appartient donc pas à cette institution, dans ce cadre, de se décharger sur une partie de la charge de la preuve qui lui incombe à cet égard, il n’en demeure pas moins que le règlement de base ne confère à la Commission aucun pouvoir d’enquête lui permettant de contraindre les producteurs ou exportateurs visés par une plainte à produire des renseignements. Dans ces conditions, la Commission dépend de la coopération volontaire des parties pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis. Dans ce contexte, les réponses de ces parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping. Le risque que, en cas de défaut de coopération des entreprises visées par l’enquête, les institutions prennent en compte des données autres que celles fournies en réponse au questionnaire est inhérent à la procédure antidumping et vise à encourager la coopération loyale et diligente de ces entreprises (arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil,T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29).

108    Certes, il appartient au juge de l’Union de s’assurer que les institutions ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale a été déterminée d’une manière raisonnable (voir arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 41 et jurisprudence citée).

109    Toutefois, en l’occurrence, la Commission n’a pas fait application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2016/1036), mais s’est limitée à rejeter les parties de la réponse de la requérante au questionnaire antidumping dont elle ne pouvait pas vérifier l’exactitude en temps utile à la lumière des explications fournies par la requérante. Dans ces conditions, la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que les données en cause présentaient des contradictions et des lacunes et que, malgré toute la diligence dont elle avait fait preuve dans l’examen de ces données, un doute subsistait sur leur fiabilité, de sorte que, dans les circonstances de l’espèce, elle pouvait valablement refuser d’accepter la demande de déduction de la ferraille du coût de production du produit concerné.

110    Enfin, il y a lieu d’ajouter que, comme il ressort des considérations qui précèdent, la requérante est restée en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement attaqué concernant le refus de déduire la valeur de la ferraille du coût de fabrication du produit concerné. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62).

111    Dans ces conditions, il convient de conclure que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, ni d’erreur dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, rejeter la demande de déduction de la ferraille recyclée du coût de production du produit concerné à défaut d’avoir pu vérifier avec précision si les frais liés à la production et à la vente du produit considéré étaient raisonnablement reflétés dans les registres comptables. Pour autant que la requérante soutient que la violation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base entraîne une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, ce grief doit, partant, être rejeté également.

112    S’agissant, en troisième lieu, du reproche de la requérante, selon lequel la Commission aurait commis un détournement de pouvoir en refusant d’accepter la déduction de la valeur de la ferraille recyclée du coût de fabrication du produit concerné, il convient de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du 14 juillet 2006, Endesa/Commission, T‑417/05, EU:T:2006:219, point 258). Or, non seulement il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit, ni d’appréciation manifeste des faits par son refus d’accepter la déduction demandée, mais encore la requérante est restée en défaut d’expliciter son allégation relative à un prétendu détournement de pouvoir et de l’étayer par un quelconque élément de preuve spécifique.

113    À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement de base

114    La requérante fait valoir que ses ventes du produit concerné à son client indépendant, [confidentiel], également distributeur du produit concerné, à hauteur de 120 000 tonnes au cours de la période d’enquête, qu’elle ne destinait pas à l’exportation et dont elle ignorait la destination finale, étaient des ventes intérieures dont la Commission aurait dû tenir compte pour établir la valeur normale conformément à l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement de base.

115    Selon la requérante, la Commission a violé l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base en refusant sans justification adéquate de prendre en considération, aux fins de la détermination de la valeur normale, les ventes du produit concerné à son client indépendant à Taïwan effectuées au cours d’opérations commerciales normales.

116    La Commission aurait en outre violé l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte des termes de cette disposition en rejetant les ventes en cause au seul motif qu’elles auraient été exportées par le client indépendant après la vente. En effet, à supposer que le considérant 59 du règlement attaqué puisse être compris en ce sens que le refus de prise en compte de ces ventes à son client intérieur indépendant se fonde sur la seule constatation de l’exportation ultérieure des produits en cause, un tel critère serait contraire à l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base selon lequel la Commission aurait dû démontrer que la requérante avait l’« intention » de ne pas destiner les ventes à la consommation intérieure. Selon la requérante, les ventes en cause étaient destinées à être utilisées par un négociant intérieur indépendant et elle n’avait aucun moyen de vérifier si ces ventes seraient exportées ultérieurement.

117    La requérante soutient à cet égard que le terme « intended » figurant dans la version anglaise de l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base fait référence à l’intention du vendeur au moment où il conclut la vente et où il négocie et détermine le prix de vente en fonction de la destination du produit. Selon la requérante, l’intention de destiner la vente à la consommation sur le marché intérieur peut être supposée lorsque le produit est vendu à un client indépendant sur le marché intérieur sans que le vendeur n’ait une intention spécifique ou sans qu’il y ait une perspective d’exportation ou lorsque le vendeur ignore que le produit vendu est exporté. L’intention ou à tout le moins la connaissance subjective du vendeur au moment de la vente concernant l’exportation ultérieure constituerait également le critère pertinent dans la jurisprudence de l’OMC.  

118    Cette interprétation, qui se fonderait sur des indicateurs pouvant être vérifiés de manière objective, serait également conforme à la logique inhérente au fonctionnement du règlement de base qui viserait à déterminer les véritables différences de prix entre les ventes intérieures et les ventes à l’exportation.  

119    S’agissant plus particulièrement du critère de la « perspective » ou de l’« anticipation », ce dernier serait utilisé, notamment, pour apprécier l’existence de subventions à l’exportation tant dans le droit de l’OMC que dans la réglementation du droit de l’Union. Déterminer si la vente d’un produit constituerait ou non une vente à l’exportation suivrait une logique similaire, qui pourrait être vérifiée objectivement, notamment selon que la vente à un client indépendant sur le marché intérieur serait ou non liée à une exportation réelle ou anticipée. À cet égard, il ne saurait être déduit de l’existence de la politique de rabais à l’exportation de la requérante qu’elle aurait anticipé le fait que les ventes controversées à [confidentiel] seraient réexportées, puisque cette politique de rabais à l’exportation, appelé « rabais pour fabrication ultérieure/exportation », ne viserait pas le produit concerné dans la mesure où elle ne porterait pas sur la simple revente du produit concerné et ne serait donc pas pertinente en l’espèce, mais encouragerait l’exportation de celui-ci après transformation. De plus, la requérante ne saurait pas si et comment les ventes bénéficiant de ce type de rabais seraient revendues sur n’importe quel marché.  Les circonstances de l’espèce n’impliqueraient pas que la requérante aurait dû anticiper le fait que son rabais lié à l’exportation servirait à acheter des produits qui seraient finalement exportés tels quels, en contradiction avec sa propre politique de rabais.

120    S’agissant du critère de la « connaissance », la requérante fait valoir qu’il ressort de la pratique de la Commission que cette institution recourt à ce critère pour identifier les ventes à l’exportation au sens de l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 8, du règlement 2016/1036), même si le mot « intended » n’apparaît pas dans cette disposition, de sorte que ce critère peut a fortiori être pertinent dans le cas de ventes destinées à la consommation intérieure. Ladite connaissance serait susceptible d’être établie à l’aide d’éléments de preuve objectifs, en fonction des éléments de fait de l’affaire. En l’espèce, il ne serait pas contesté que la requérante ignorait que les produits qu’elle vendait à l’acheteur en cause seraient réexportés, ce qui expliquerait également qu’elle aurait facturé les ventes à [confidentiel] en portant en compte la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux de 5 %, par opposition au taux de TVA de 0 % applicable aux ventes à l’exportation.  

121    Enfin, l’interprétation soutenue par la Commission permettrait d’imposer à un producteur des droits antidumping imprévisibles, indépendamment de la politique de prix de ce dernier, ce qui irait à l’encontre de l’objectif général de prévisibilité poursuivi par le règlement de base et par le droit de l’OMC.  

122    Dès lors, en indiquant, au considérant 56 du règlement attaqué, que « ce manque de connaissance au sujet de la destination finale d’une vente n’est pas décisif » et en ne contestant pas que la requérante n’avait pas eu connaissance au moment de la vente de la destination finale du produit vendu par son client indépendant, la Commission aurait violé l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base par son refus de prendre en considération les ventes en cause aux fins de la détermination de la valeur normale.  

123    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

124    Il convient de relever d’abord que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base, la valeur normale du produit concerné est normalement fondée sur les « prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur » et que, aux termes du paragraphe 2 de ce même article, ce sont les ventes du produit similaire « destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur » qui sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale à condition que le volume de ces ventes représente 5 % ou plus du volume des ventes du produit considéré dans l’Union.

125    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 53 ci-dessus, l’objectif de la notion d’opération commerciale normale est d’assurer que la valeur normale d’un produit corresponde le plus possible au prix normal du produit similaire sur le marché intérieur de l’exportateur. Si une vente est conclue selon des termes et des conditions qui ne correspondent pas à la pratique commerciale concernant les ventes du produit similaire dans ce marché au moment pertinent pour la détermination de l’existence ou non d’un dumping, elle ne constitue pas une base appropriée pour déterminer la valeur normale du produit similaire dans ledit marché (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 28).

126    La requérante fait valoir en substance que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement de base en considérant, sans justification adéquate, que certaines ventes du produit concerné à des acheteurs indépendants, effectuées au cours d’opérations commerciales normales, dans le pays exportateur devaient être écartées aux fins de la détermination de la valeur normale au seul motif que les produits en cause avaient été exportés ultérieurement. Eu égard en particulier au libellé de l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base, selon lequel les ventes du produit concerné « destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur » sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale, la Commission n’aurait pu écarter valablement lesdites ventes du calcul de la valeur normale qu’après avoir établi que le vendeur avait, au moment de la vente, connaissance de l’exportation des produits concernés ou anticipait que l’acheteur revendrait ceux-ci à l’exportation.

127    S’agissant de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il importe de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 50 ; du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a., C‑509/09 et C‑161/10, EU:C:2011:685, point 54, et du 26 juillet 2017, Jafari, C‑646/16, EU:C:2017:586, point 73).

128    Concernant plus particulièrement le libellé d’une disposition du droit de l’Union, selon une jurisprudence également constante, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso, C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, point 27 et jurisprudence citée).

129    En premier lieu, il convient de constater qu’il existe en l’espèce des divergences entre les différentes versions linguistiques de la disposition en cause. En effet, si, dans la version anglaise de l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base, les ventes du produit concerné qu’il y a lieu de prendre en compte comme ventes intérieures en vue de la détermination de la valeur normale sont celles dont le produit en cause est « intended » à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur, ce qui pourrait être lu comme indiquant que l’intention du vendeur est le critère pertinent, d’autres versions linguistiques de ladite disposition, telles que les versions française, allemande, néerlandaise, espagnole, italienne, danoise, finnoise ou tchèque, utilisent respectivement le terme « destiné », « zum Verbrauch », « bestemde », « destinado », « destinato », « bestemt », « tarkoitetun » et « ke », qui fait référence à la destination du produit concerné sans se référer à l’intention du producteur quant à ladite destination au moment de la vente.

130    En deuxième lieu, il convient de constater que, à l’instar des versions de l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base mentionnées au point 129 ci-dessus, qui se réfèrent à la destination des ventes et non pas à l’intention du vendeur relative à leur destination, l’article 2.1 de l’accord antidumping utilise, dans ses trois langues officielles, respectivement l’expression « destined for consumption » en anglais, « destiné à la consommation » en français et « destinado al consumo » en espagnol. Or, il ressort de la jurisprudence que les dispositions du règlement de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping (arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 38 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 57).

131    Certes, comme le relève la requérante, le groupe spécial de l’OMC a observé dans la note de bas de page n° 339 de son rapport, du 16 novembre 2007, dans le différend « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège » (WT/DS 337/R), que, « lorsqu’un producteur vend[ait] un produit à un exportateur (ou à un négociant) indépendant en sachant que ce produit sera[it] exporté, cette vente ne [pouvait] pas […] être qualifiée de vente destinée à la consommation intérieure ». Toutefois, il ne saurait être déduit de cette seule observation que, ainsi que le prétend la requérante, l’absence de connaissance effective de la destination finale du produit concerné à l’exportation aurait conduit nécessairement à considérer la vente en cause comme étant destinée à la consommation intérieure, alors même que le produit concerné a, comme en l’espèce, fait l’objet d’une exportation. Les mêmes considérations s’appliquent d’ailleurs à l’argument de la requérante, tiré du considérant 20 du règlement (CE) no 1023/97 de la Commission, du 6 juin 1997, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de palettes simples, en bois, originaires de Pologne et portant acceptation des engagements offerts par certains exportateurs en ce qui concerne ces importations (JO 1997, L 150, p. 4), qui retient, à propos de la détermination du prix à l’exportation, que, « [c]omme le producteur connaissait leur destination finale, [les palettes en cause] ont été considérées comme vendues à l’exportation vers la Communauté par le producteur en question ».

132    En troisième lieu, l’interprétation selon laquelle il n’est pas nécessaire de rechercher une intention ou une connaissance spécifique du vendeur quant à la destination finale du produit concerné est confirmée par une analyse du contexte de la disposition en cause. En effet, ni la notion de « dumping » au sens de l’article 2 du règlement de base, ni celle de « préjudice » prévue à l’article 3 du même règlement (devenu article 3 du règlement 2016/1036), ni la notion de « contournement », qui fait l’objet de l’article 13 de ce règlement (devenu article 13 du règlement 2016/1036), ne supposent, comme condition d’application, la constatation d’une intention particulière de la part de l’intéressé, mais requièrent la réunion de conditions objectives indépendamment d’une intention ou d’une connaissance spécifique de celui‑ci. Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base, tout comme d’ailleurs l’article 2, paragraphe 8, de ce règlement, relatif à la détermination du prix à l’exportation, ne contiennent aucune référence au critère de la « connaissance » de l’intéressé, contrairement à l’article 10, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 10, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), qui, aux fins de l’application rétroactive d’un droit antidumping, dispose expressément que « l’importateur [avait] connaissance ou [aurait] dû avoir connaissance des pratiques de dumping, de leur importance et de celle du préjudice allégué ou établi ».

133    En quatrième lieu, force est de constater que cette interprétation est également conforme à la finalité de l’enquête antidumping qui consiste, pour les institutions de l’Union, à rechercher des éléments de preuve objectifs, en utilisant les outils mis à leur disposition par le règlement de base et sur la base d’une coopération volontaire des opérateurs économiques, à savoir en particulier les réponses au questionnaire antidumping, les éventuelles vérifications sur place et les observations des intéressés aux documents d’information, ainsi qu’il a été rappelé au point 107 ci‑dessus, afin d’établir l’existence d’un dumping éventuel après avoir déterminé la valeur normale du produit concerné conformément à l’article 2 du règlement de base.

134    Dans ce contexte, subordonner la mise à l’écart des ventes de produits qui ont été exportés de la détermination de la valeur normale du produit concerné à la preuve de l’intention ou de la connaissance effective du vendeur au moment de la vente quant à la destination finale du produit concerné, en ce que cette preuve risquerait en pratique de se révéler fréquemment impossible à rapporter, reviendrait en définitive à permettre la prise en compte, aux fins de la détermination de la valeur normale conformément à l’article 2 du règlement de base, des prix de produits exportés susceptibles de fausser et de compromettre la détermination correcte de ladite valeur normale.

135    En cinquième lieu, il importe d’ajouter que cette interprétation est également compatible avec les principes de prévisibilité et de sécurité juridique invoqués par la requérante, alors que l’application d’un critère fondé sur l’intention ou la connaissance spécifique du vendeur ferait dépendre la prise en compte du prix de vente de produits exportés aux fins de la détermination de la valeur normale d’un élément subjectif dont l’existence risquerait de se révéler en pratique aléatoire, voire, ainsi qu’il vient d’être relevé, impossible à établir.

136    En l’espèce, il convient de relever plus particulièrement que, au stade du règlement provisoire, la Commission avait, en partant de l’interprétation selon laquelle il n’y avait pas lieu d’établir la présence d’une intention ou d’une connaissance spécifique du vendeur quant à la destination finale du produit concerné, exclu certaines ventes déclarées comme intérieures du calcul de la valeur normale, après avoir relevé, notamment au considérant 63 de ce règlement, qu’un calcul, fondé sur les données de production provenant des cinq sociétés ayant coopéré et des statistiques sur les importations et les exportations du produit en cause à Taïwan au cours de la période d’enquête, avait confirmé que, parmi les ventes sur le marché intérieur déclarées par les producteurs-exportateurs ayant coopéré, environ 50 % étaient des ventes à l’exportation indirectes qui n’étaient pas destinées à la consommation intérieure. Plus particulièrement, il résultait des données figurant dans les conclusions provisoires que si, au cours de la période d’enquête, le niveau de production déclaré par les cinq producteurs-exportateurs ayant coopéré s’élevait à [confidentiel] tonnes du produit concerné et que les statistiques d’exportation officielles indiquaient une quantité de 717 671 tonnes du même produit, la quantité des ventes intérieures déclarées par ces mêmes producteurs-exportateurs s’élevait à [confidentiel] tonnes, à savoir à plus du double de la différence entre les deux premiers chiffres. Afin de s’assurer que la valeur normale était uniquement fondée sur les prix établis pour la consommation intérieure, la Commission avait, au stade du règlement provisoire, déclaré adopter une approche prudente en écartant en conséquence du calcul de la valeur normale la totalité des ventes du produit concerné aux « distributeurs » établis à Taïwan, à hauteur de [confidentiel] tonnes, par opposition aux ventes aux « utilisateurs finals à Taïwan » qui ont été prises en compte. 

137    Par la suite, la Commission a remplacé l’approche globale fondée sur les risques prenant en compte de grandes catégories d’acheteurs du produit concerné par une approche fondée sur l’existence de preuves objectives de l’exportation du produit concerné par le distributeur concerné. En effet, selon le considérant 59 du règlement attaqué, au lieu d’exclure les ventes aux distributeurs dans leur ensemble, la Commission a écarté du calcul de la valeur normale seulement les ventes intérieures pour lesquelles elle disposait de suffisamment d’éléments de preuve objectifs de leur exportation réelle. Ainsi, selon le même considérant, la Commission a examiné les ventes déclarées en question et les a classées comme ventes intérieures sur la base de la situation et des données spécifiques de chaque producteur-exportateur concerné. Il ressort enfin de ce considérant que des éléments subjectifs comme l’intention ou la connaissance, ou le manque de connaissance, n’ont en l’espèce joué aucun rôle dans l’évaluation objective réalisée par la Commission, contrairement à l’existence de réductions liées à l’exportation qui a, notamment, été utilisée comme élément de preuve pertinent.

138    À cet égard, il convient de constater, premièrement, que l’enquête a révélé notamment qu’un certain nombre des ventes déclarées par la requérante comme intérieures avaient fait l’objet d’un rabais à l’exportation au titre d’un système appliqué pendant quelques mois au cours de la période d’enquête et destiné à fournir un incitant aux centres de service locaux (distributeurs) qui exportaient leurs produits sidérurgiques, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 64 du règlement provisoire.

139    L’argument de la requérante, selon lequel ledit rabais, intitulé « Autre rabais à la production/exportation », n’est pas un élément de preuve pertinent, notamment dans la mesure où il ne s’agit pas d’un rabais à l’exportation pour le produit concerné, mais où il vise des ventes de produits non finis qui nécessitent des transformations avant leur exportation en tant que produits transformés, ne saurait être retenu.

140    En effet, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission et comme il ressort notamment de la lettre de la requérante du 9 février 2015, en réponse à une question posée par la Commission au cours de l’enquête, que ledit rabais vise des volumes de ventes du produit concerné qui est destiné à l’exportation après transformation conformément à l’objet du système de rabais en cause et que, partant, il ne vise pas les volumes du produit concerné qui est destiné à la consommation intérieure à Taïwan. En outre, ladite transformation va de pair avec l’exportation du produit en cause et, ainsi qu’il ressort aussi du considérant 14 du règlement provisoire, [confidentiel] n’effectue sur lesdits produits, tout au plus, que des opérations mineures telles que le polissage ou le refendage sans que le produit en résultant soit modifié au point de ne plus relever de la définition du produit concerné. 

141    Deuxièmement, la requérante a indiqué dans sa réponse au questionnaire antidumping qu’elle appliquait un tel rabais à l’exportation et des preuves de l’application d’un tel rabais ont été relevées dans le registre des ventes intérieures de la requérante au cours de la visite de vérification sur place. Par ailleurs, comme la requérante l’a indiqué elle-même dans sa lettre du 9 février 2015, en réponse à une question posée par la Commission au cours de l’enquête, ledit rabais concernait, à titre d’exemple, 40 % des ventes de la requérante à son plus gros client à Taïwan, le distributeur [confidentiel], au cours du mois de décembre 2013.

142    Troisièmement et surtout, ainsi qu’il ressort également du considérant 59 du règlement attaqué, d’autres preuves objectives de l’exportation réelle de produits de ventes déclarées comme étant des ventes intérieures ont pu être rassemblées. La Commission a relevé à cet égard que tel était le cas des ventes auprès de [confidentiel], qui est également distributeur du produit concerné, de sorte qu’elle a finalement exclu de la prise en considération au titre des ventes intérieures seulement les 120 000 tonnes vendues par la requérante au cours de la période d’enquête à son client [confidentiel] qui, selon l’enquête, n’avait vendu qu’une quantité négligeable du produit concerné sur le marché intérieur.

143    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur de droit ou une erreur d’appréciation manifeste des faits en refusant de prendre en considération les ventes de la requérante à son client [confidentiel] aux fins de la détermination de la valeur normale au motif qu’il existait des éléments de preuve objectifs selon lesquels lesdites ventes étaient en réalité des ventes à l’exportation, qui plus est lorsqu’il est établi qu’une partie des ventes en question a fait l’objet d’un système de rabais à l’exportation, tel que celui appliqué par la requérante, et était, dès lors, conclue à des prix inférieurs au prix du produit concerné destiné à la consommation sur le marché intérieur, en sachant que ces prix encourageaient l’exportation du produit concerné.

144    Par conséquent, la Commission pouvait légalement et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation écarter les ventes en cause de la détermination de la valeur normale en application de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement de base.

145    Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Yieh United Steel Corp. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL.

Buttigieg

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées