Language of document : ECLI:EU:T:2016:491

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative VOGUE – Motif absolu de refus – Absence de caractère descriptif – Caractère distinctif – Article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑453/15,

Trinity Haircare AG, établie à Herisau (Suisse), représentée par Mes J. Kroher et K. Bach, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme J. Lewis et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Advance Magazine Publishers, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. D. Ivison, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 27 mai 2015 (affaire R 2426/2014‑4), relative à une procédure de nullité entre Advance Magazine Publishers et Trinity Haircare,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2015,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents au litige

1        Le 4 septembre 2004, l’intervenante, Advance Magazine Publishers, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour cette classe, à la description suivante : « Préparations et substances pour nettoyer, dégraisser et polir ; produits et substances de toilette non médicinales ; produits de beauté et substances ; cosmétiques ; maquillage ; brillant à lèvres et rouge à lèvres ; dentifrices ; fragrances, parfumerie, eau de Cologne et eaux de toilette ; huiles essentielles ; produits de l’aromathérapie ; déodorants ; antisudoraux ; préparations et substances de bronzage et de protection solaire ; produits et substances épilatoires ; crème de rasage et savons à raser ; huiles de massage ; poudres, crèmes et lotions ; vernis à ongles ; produits pour enlever le vernis des ongles ; savons et shampooings ; produits de rasage et d’après-rasage ; produits et substances pour le conditionnement, le soin et l’apparence de la peau, du corps, du visage, des yeux, des cheveux, des dents et des ongles ; produits pour la douche et le bain ; huiles et sels de bain ; talc ; hydratants ; pot-pourri ; encens ; baguettes d’encens ; produits parfumés pour parfumer l’air ambiant ; crèmes et huiles pour bébés non médicinales ; lingettes pour bébés non médicinales ; ouate. »

4        Le 11 avril 2011, la marque de l’Union européenne décrite au point 2 ci-dessus a été enregistrée sous le numéro 9 944 547.

5        Le 6 juillet 2012, la requérante, Trinity Haircare AG, a déposé une demande en nullité à l’encontre de la marque de l’Union européenne mentionnée au point 2 ci-dessus pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus. La demande en nullité était fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 et sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

6        Par décision du 22 juillet 2014, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

7        Le 9 mars 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par une décision du 27 mai 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

9        La chambre de recours a considéré que le signe en cause n’était ni descriptif ni élogieux et qu’il était suffisamment distinctif. Elle a également estimé qu’aucun acte de mauvaise foi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, n’avait été établi.

 Procédure et conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et déclarer la nullité de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens de la procédure.

11      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, le premier tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, le deuxième tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et, le troisième tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

13      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la marque contestée n’était pas descriptive. En particulier, elle estime que c’est à tort que la chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé que le terme « vogue » était utilisé comme synonyme du mot « mode » ou comme forme abrégée de l’expression « en vogue ». En outre, elle allègue que la chambre de recours a omis de prendre en considération un certain nombre de preuves qu’elle avait fournies afin de démontrer que la marque contestée était descriptive. Elle invoque, à cet égard, des résultats de recherches sur Internet en utilisant les mots « vogue » et « cosmétiques » et des décisions d’autorités nationales allemandes et suisses ayant refusé des marques analogues à la marque contestée aux motifs que celles-ci étaient descriptives.

14      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

15      Il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 dispose :

« La nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action de contrefaçon :

a)      lorsque la marque [de l’Union européenne] a été enregistrée       contrairement aux dispositions de l’article 7 […] »

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que son paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

17      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 39, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 24].

18      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25).

19      Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, EU:T:2006:87, point 90 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, il convient tout d’abord de constater que les produits concernés, eu égard à leur description, relèvent du domaine de la beauté et des soins pour bébés et sont, pour la plupart, destinés aux consommateurs finaux en général, ce qui n’est pas contesté par les parties. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a retenu comme public pertinent le consommateur moyen étant normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il importe de relever que la chambre de recours a retenu le consommateur moyen parlant l’anglais ou le français, sans que cela ne soit, non plus, contesté par les parties.

21      Aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, le public ciblé par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus est donc le consommateur moyen anglophone et le consommateur moyen francophone, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

22      Il y a lieu, ensuite, aux fins de l’application de cette dernière disposition, d’examiner, sur la base d’une signification donnée du signe figuratif en cause, s’il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre le mot « vogue » et les produits pour lesquels l’enregistrement a été effectué [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 42 et jurisprudence citée].

23      Dans la décision attaquée (point 15) la chambre de recours a confirmé que « vogue » signifiait en anglais comme en français « popularité ; utilisation ou acceptation générale ; succès auprès de l’opinion publique » selon des dictionnaires bien connus. Elle a également affirmé qu’il existait des expressions comme « en vogue » (en français) ou « in vogue » (en anglais), lesquelles signifient « à la mode, tendance ». En revanche, elle a constaté qu’il n’avait pas été démontré par la requérante que le mot « vogue » était utilisé comme synonyme desdites expressions (décision attaquée, point 16). De même, elle a considéré que rien n’indiquait que le mot « vogue » était descriptif des produits en cause.

24      Il convient d’entériner ces conclusions. En effet, il n’y a rien dans la définition du mot « vogue » qui indique que ce mot présenterait un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description d’une caractéristique essentielle des produits en cause ou d’une de leurs caractéristiques (arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25). S’agissant des produits de beauté et des produits de soins pour bébé, il est difficilement concevable que le mot « vogue » soit descriptif de ces produits dont les caractéristiques sont d’embellir ou de soigner, ce qui ne relève pas du domaine de la mode. À cet égard, c’est à bon droit que l’EUIPO, soutenu par l’intervenante, indique que les produits de beauté et de soins ne sont pas des produits de la mode étant donné que les consommateurs les achètent pour leur « résultat », c’est-à-dire le fait que le produit hydrate bien, qu’il désodorise bien ou qu’il procure un parfum agréable. À cet égard, c’est à juste titre que l’EUIPO note que la notion de mode est rattachée au changement permanent lié à chaque saison et à chaque année. Tel n’est pas le cas des produits en cause pour lesquels le changement est rarement lié au changement de saison ou d’année, mais plutôt à l’innovation, c’est-à-dire à l’apparition d’un nouveau produit à même de répondre aux besoins non satisfaits des consommateurs. Dès lors, la mode ne concerne pas les produits de soins et de beauté.

25      En ce qui concerne la liste des résultats de recherches sur internet produite à titre de preuve par la requérante durant la procédure administrative, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que celle-ci ne permet pas d’établir que le mot « vogue » serait descriptif des produits en cause. En effet, les résultats des recherches présentés démontrent plutôt qu’il s’agit d’une référence à l’origine commerciale de certains services, tels que ceux procurés dans un institut de beauté, ou au magazine de l’intervenante. Que la recherche de la requérante affiche environ 850 millions de résultats ne démontre pas en elle-même que « vogue » est descriptif des produits en cause. La requérante ne propose d’ailleurs aucune analyse en ce sens.

26      De même, en ce qui concerne les décisions par lesquelles des autorités compétentes allemandes et suisses auraient refusé l’enregistrement de marques analogues à la marque contestée au motif qu’elles étaient descriptives, il convient de rejeter cet argument comme inopérant dans la mesure où le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, la marque contestée ne doit être appréciée que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente et les décisions nationales ne sauraient en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision attaquée (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, points 65 et 66).

27      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen comme non-fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

28      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

29      Selon la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 implique que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 34 et jurisprudence citée).

30      Ainsi, les signes visés par cet article ne sont pas à même d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 24].

31      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception du public concerné qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services (arrêt du 27 février 2002, LITE, T‑79/00, EU:T:2002:42, point 27).

32      La chambre de recours a considéré dans la décision attaquée (point 18) que la marque contestée revêtait un caractère distinctif, étant donné que la requérante n’avait pas démontré que le terme « vogue » était couramment utilisé dans la publicité comme un terme élogieux et que rien d’autre n’indiquait que tel serait le cas.

33      La requérante considère que la marque contestée est descriptive et élogieuse et qu’ainsi, elle est dépourvue de caractère distinctif.

34      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

35      Il convient de rappeler, tout d’abord, que, dans le cadre de l’analyse du premier moyen, il a été conclu que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur en considérant que le signe en cause n’était pas descriptif. C’est donc de manière erronée que la requérante a tenté de démontrer que ledit signe était dépourvu de tout caractère distinctif, en raison de son caractère prétendument descriptif.

36      De même, rien dans le dossier ne permet de considérer que la marque contestée est élogieuse et, à ce titre, dépourvue de caractère distinctif en ce qui concerne les produits en cause. En effet, comme il a été constaté ci-dessus, le mot « vogue » n’est pas utilisé comme synonyme du mot « mode » ou de l’expression « en vogue ».

37      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non-fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

38      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, « [l]a nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon […] lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque ».

39      Selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne et, notamment, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

40      La chambre de recours a observé, d’emblée, l’absence de preuve indiquant que l’intervenante avait demandé l’enregistrement une marque de l’Union européenne pour des produits relevant de la classe 3 qui serait susceptible d'être considérée comme identique à la marque contestée. Elle a ensuite considéré, en substance, que la possibilité de déposer une demande de marque de l’Union européenne afin d’obtenir une protection unitaire de la marque à l’échelle de l’Union, en sus de la protection accordée par les marques nationales enregistrées dans les divers États membres, était l’objet même du système de marque de l’Union et ne saurait donc être considéré comme un acte de mauvaise foi.

41      La requérante affirme, en substance, que la marque contestée a été déposée de mauvaise foi étant donné que l’intervenante avait déposé de façon réitérée, entre 1962 et 2003, c’est-à-dire avant le dépôt de la marque contestée, la marque VOGUE dans de nombreux États membres pour des produits compris dans la classe 3, sans intention de les utiliser mais dans le seul but d’éviter les conséquences du non-usage.

42      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

43      Il convient de constater que les pièces jointes au mémoire de la requérante du 6 juillet 2012 portant les références AS 5 et AS 6 concernent les enregistrements internationaux nº 699 080 pour la marque verbale VOGUE, enregistrée le 21 août 1998 et protégée dans des États non membres de l’Union ainsi qu’au Benelux, en Bulgarie, en France, en Croatie, en Italie, en Lettonie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Slovénie et en Slovaquie, et d’autres marques verbales VOGUE déposées en tant que marques nationales, entre 1962 et 2003, en Bulgarie, au Danemark, en Allemagne, en Irlande, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni. Les éléments de preuve ont également trait à la marque figurative allemande nº 398 43 454, à la marque figurative française nº 1 330 837 et à la marque figurative espagnole nº M0447 490, trois marques figuratives qui présentent une stylisation différente de celle de la marque figurative contestée.

44      Il n’existe aucune preuve du dépôt réitéré, de la part de l’intervenante, de demandes de marques de l’Union européenne pour la marque contestée dans la classe 3. En conséquence, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que, en l’espèce, les éléments de preuve ne démontraient pas que le dépôt de la marque contestée constituait un dépôt réitéré d’enregistrements antérieurs au niveau de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, EU:T:2012:689, points 27 et 28].

45      En outre, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que le régime des marques de l’Union européenne était un système autonome et autosuffisant, et son application indépendante de tout système national. La possibilité de déposer une demande de marque de l’Union européenne afin d’obtenir une protection unitaire à l’échelle de l’Union, en sus de la protection accordée par les marques nationales enregistrées dans les divers États membres, est l’objet même du régime des marques de l’Union européenne et ne saurait donc être considérée, en elle-même, comme un acte de mauvaise foi. De plus, le dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne identique ou très semblable à des marques nationales ou internationales déjà déposées répond à une logique commerciale et ne constitue pas, en lui-même, une preuve de mauvaise foi [voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Peeters Landbouwmachines/OHMI – Fors MW (BIGAB), T‑33/11, EU:T:2012:77, point 23]. À cet égard, il convient de relever, au surplus, qu’il ressort du dossier que l’intervenante a utilisé la marque contestée dans le cadre d’une stratégie commerciale afin de diversifier et de développer ladite marque dans différentes catégories de produits. Dans ce contexte, elle a commercialisé auprès du grand public des produits relevant de la classe 3 et a utilisé des produits cosmétiques comme échantillons promus en couverture de magazines et comme arguments d’abonnement pour stimuler la vente desdits magazines dans divers États membres de l’Union.

46      Il convient également d’écarter les arguments tirés de la décision de l’EUIPO du 13 février 2014 dans l’affaire R 1260/2013‑2 (« Canal + »). En effet, contrairement à ce qu’avance la requérante, la question consistant à déterminer la mesure dans laquelle une marque antérieure pourrait être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition est différente de l’appréciation de la mauvaise foi aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, car les conséquences juridiques à en tirer sont différentes. Il convient, à cet égard, de rappeler que, dans l’affaire Canal +, l’opposition avait été rejetée au motif que la marque de l’Union européenne antérieure semblait être un dépôt réitéré de marques nationales et que la preuve de l’usage aurait dû être produite même si la marque antérieure n’était pas soumise à une obligation d’usage. Une telle solution est moins sévère que celle demandée en l’espèce par la requérante, à savoir de déclarer nulle la marque antérieure au motif qu’elle aurait été déposée de mauvaise foi.

47      De même, à titre de preuve du non-usage de la marque VOGUE pour des produits compris dans la classe 3, la requérante invoque le fait que la titulaire de la marque VOGUE a retiré une opposition au cours d’une procédure devant l’Oficina Española de Patentes y Marcas (Office espagnol des brevets et marques) à l’encontre d’une demande déposée par la requérante pour la marque VOGUE DE TRINITY. Selon la requérante, ce retrait (comme en atteste la pièce jointe au mémoire du 6 juillet 2012 portant la référence AS 8) constitue la preuve que l’intervenante n’utilisait pas son droit antérieur pour des produits compris dans la classe 3. [Dossier EUIPO, page 158]

48      Cependant, le retrait de l’opposition devant l’Office espagnol des brevets et marques ne constitue pas la preuve du non-usage de la marque contestée, laquelle serait, en tout état de cause, insuffisante en elle-même pour apporter la preuve de la mauvaise foi de l’intervenante. Il convient, à cet égard, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO n’a pas le droit d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office de tous les motifs absolus de refus, mais uniquement de ceux présentés par le demandeur. La marque de l’Union européenne bénéficie d’une présomption de validité et il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, points 27 à 29].

49      Au vu des considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Trinity Haircare AG est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), et par Advance Magazine Publishers, Inc.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.