Language of document : ECLI:EU:T:1999:252

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 octobre 1999 (1)

«Agriculture - Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Suppression d'un concours financier - Règlement (CEE) n° 355/77 - Règlement (CEE) n° 4253/88 - Règlement (CEE) n° 4256/88 - Règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 - Principe de légalité de la sanction - Confiance légitime - Détournement de pouvoir - Principe de proportionnalité - Motivation»

Dans l'affaire T-216/96,

Conserve Italia Soc. Coop. arl anciennement Massalombarda Colombani SpA, société de droit italien, établie à Massa Lombarda (Italie), représentée par Mes Marina Averani, Andrea Pisaneschi, avocats au barreau de Sienne, et Paolo deCaterini, avocat au barreau de Rome, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Charles Turk, 13 B, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Paolo Ziotti, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Massimo Moretto, avocat au barreau de Venise, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (96) 2760 de la Commission, du 3 octobre 1996, supprimant le concours financier du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole accordé à la société Massalombarda Colombani SpA par la décision C (90) 950/356 de la Commission, du 29 juin 1990, et, pour autant que de besoin, de tout acte de la Commission lié à cette décision, en particulier le document de travail VI/1216/86-IT concernant la fixation du concours maximal possible du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «Orientation», dans le cadre du règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 11 mars 1999 ,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    Le règlement n° 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1, ci-après «règlement n° 355/77») dispose, en ses articles 1er, paragraphe 3, et 2, que la Commission peut accorder un concours à l'action commune en finançant par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (ci-après «FEOGA»), section «Orientation», des projets qui s'inscrivent dans des programmes spécifiques préalablement élaborés par les États membres et approuvés par la Commission et qui visent audéveloppement ou à la rationalisation du traitement, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles.

2.
    Le deuxième considérant de ce règlement indique «que les actions prévues dans ce domaine [...] visent à la réalisation des objectifs définis [au paragraphe 1, sous a), de l'article 39 du traité CE (devenu article 33 CE)]». Le quatrième considérant expose que, «pour bénéficier du financement communautaire, les projets doivent permettre notamment d'assurer tant l'amélioration et la rationalisation des structures de transformation et de commercialisation des produits agricoles qu'un effet positif durable sur le secteur agricole». Enfin, le septième considérant précise que, «pour assurer le respect par les bénéficiaires des conditions posées lors de l'octroi du concours du [FEOGA], il convient de prévoir une procédure de contrôle efficace ainsi que la possibilité de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours du [FEOGA]».

3.
    Un projet, au sens de l'article 1er du règlement n° 355/77, doit, aux termes de l'article 6 dudit règlement, s'entendre comme, notamment, «tout projet d'investissement matériel public, semi-public ou privé portant, en tout ou en partie, sur des équipements destinés notamment [...] à la rationalisation ou au développement du stockage, du conditionnement, de la conservation, du traitement ou de la transformation de produits agricoles [...]».

4.
    L'article 19, paragraphe 2, dudit règlement dispose:

«Pendant toute la durée de l'intervention du [FEOGA], l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toutes pièces justificatives et tous documents de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut, au besoin, effectuer un contrôle sur place.

Après avoir consulté le comité du [FEOGA] sur les aspects financiers, la Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours du [FEOGA] [...]:

-    si le projet n'est pas exécuté comme prévu ou

-    si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies [...]»

5.
    Les demandes de concours doivent contenir les données et pièces indiquées aux annexes du règlement (CEE) n° 2515/85 de la Commission, du 23 juillet 1985, relatif aux demandes de concours du FEOGA, section «Orientation», pour des projets d‘amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et des produits de la pêche (JO L 243, p. 1, ci-après «règlement n° 2515/85»). Ces annexes comportent des modèles de formulaires àremplir par les demandeurs de concours, d'une part, et des notes explicatives destinées à aider les demandeurs dans leurs démarches, d'autre part.

6.
    Le point 5.3 des «Notes explicatives par rubrique» de l'annexe A à ce dernier règlement précise: «[...] les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours.» Ces instructions concernent un engagement que doit prendre le demandeur de concours selon les termes suivants: «Nous nous engageons à ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA, section 'Orientation‘.»

7.
    En 1986, les services du FEOGA ont élaboré un document de travail VI/1216/86-IT, concernant la fixation du concours maximal pouvant être accordé au titre du FEOGA, section «Orientation», dans le cadre du règlement n° 355/77 (ci-après «document de travail»). Sous son point B.1 sont énumérées les actions totalement exclues du concours. Sont notamment exclus, selon le paragraphe 5, les actions ou travaux commencés avant la présentation de la demande, exceptés:

    «[...]

b)    l'achat de machines, d'appareils et de matériel de construction, y compris les charpentes métalliques et éléments préfabriqués (la commande et la fourniture), à condition que le montage, l'installation, l'incorporation, et les travaux sur place en ce qui concerne le matériel de construction, n'aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours;

[...]

Les actions de a) et b) sont éligibles, tandis que les actions sous c) et d) ne sont pas éligibles mais ne rendent pas le projet irrecevable. Tout autre action ou travail commencé avant le dépôt de la demande concernant le projet rend celui-ci irrecevable.»

8.
    Sont également exclus, au titre du point B.1, paragraphe 12, du document de travail, «les frais de location d'équipement et les investissements financés par un crédit-bail (leasing). Par exemple: frais de location pour l'utilisation de machines Tetra Pak; projet partiellement ou totalement financé par un crédit-bail. Toutefois, ces investissements peuvent être éligibles si le contrat de location-achat [...] prévoit que le bénéficiaire devient propriétaire de l'équipement loué ou de l'action financée dans les cinq ans qui suivent la date d'octroi du concours. Ce délai est réduit à quatre ans pour les projets financés à partir de 1985».

9.
    Le 24 juin 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 2052/88, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9, ci-après «règlement n° 2052/88»).

10.
    Sur la base de ce règlement, le Conseil a adopté, le 19 décembre 1988, le règlement (CEE) n° 4253/88, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part (JO L 374, p. 1, ci-après «règlement n° 4253/88»). Ce règlement est, aux termes de son article 34, entré en vigueur le 1er janvier 1989.

11.
    Aux termes de son article 15, paragraphe 2, premier alinéa, «une dépense ne peut pas être considérée comme éligible au concours des fonds si elle est encourue avant la date de réception par la Commission de la demande y afférente». Le deuxième alinéa de cette disposition accordait néanmoins à la Commission la faculté de déroger à cette règle dans certains cas, en ce qu'il précisait: «Toutefois, pour le cofinancement des projets et des régimes d'aides, une dépense peut être considérée comme éligible au concours des fonds si elle est encourue dans les six mois qui précèdent la date de réception par la Commission de la demande y afférente.»

12.
    L'article 24, du même règlement, intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», prévoyait, en son paragraphe 2, ce qui suit:

«[...] la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité, et notamment d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée.»

13.
    Le 19 décembre 1988, le Conseil a également adopté le règlement (CEE) n° 4256/88, portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le FEOGA, section «Orientation», qui est aussi entré en vigueur, en vertu de son article 12, le 1er janvier 1989 (JO L 374, p. 25, ci-après «règlement n° 4256/88»).

14.
    Dans sa version initiale, son article 10, paragraphe 1, prévoyait ce qui suit: «Le Conseil [...] décide au plus tard le 31 décembre 1989 les modalités et conditions de la contribution du [FEOGA] aux mesures d'amélioration des conditions de commercialisation et de transformation des produits agricoles [...] en vue de la réalisation des objectifs visés par le règlement [...] n° 2052/88 et en fonction des règles établies par le règlement [...] n° 4253/88.» Les paragraphes 2 et 3 de ce même article précisaient que le règlement n° 355/77 serait abrogé, avec effet à la date d'entrée en vigueur de la décision du Conseil visée au paragraphe 1, à l'exception des articles 6 à 15 et 17 à 23, qui resteraient applicables aux projets introduits avant l'entrée en vigueur de ladite décision.

15.
    En application de l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 4256/88, le Conseil a adopté, le 29 mars 1990, le règlement (CEE) n° 866/90, concernant l'améliorationdes conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 91, p. 1, ci-après «règlement n° 866/90»).

16.
    La possibilité de dérogation prévue au deuxième alinéa de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 a été explicitement abrogée, à partir du 3 août 1993, par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993, modifiant le règlement n° 4253/88 (JO L 193, p. 20).

17.
    Le 18 décembre 1995, le Conseil a arrêté le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1, ci-après «règlement n° 2988/95»).

18.
    Son article 4, paragraphe 3, dispose: «Les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l'espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l'avantage, soit son retrait.»

19.
    Son article 5, paragraphe 1, précise:

«Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes:

[...]

c)    la privation totale ou partielle d'un avantage octroyé par la réglementation communautaire, même si l'opérateur a bénéficié indûment d'une partie seulement de cet avantage [...]»

Faits à l'origine du litige

20.
    Le 27 octobre 1988, la Commission a reçu une demande tendant à l'octroi d'un concours du FEOGA déposée par le gouvernement italien en vertu du règlement n° 355/77. Cette demande avait été introduite par la Federazione Italiana dei Consorzi Agrari, un groupement de coopératives agricoles qui a géré une grande partie du secteur agro-alimentaire italien jusqu'à sa liquidation en mai 1991, pour le compte de Fedital SpA (ci-après «Fedital»). Le concours demandé était destiné à soutenir un projet de développement, de rationalisation et de modernisation technique d'un établissement de Fedital situé dans la commune de Massa Lombarda.

21.
    La demande n'a pas été accueillie au titre de l'exercice budgétaire de 1989, car elle a été jugée comme étant non prioritaire par rapport aux moyens financiers disponibles. Conformément à l'article 21 du règlement n° 355/77, son examen a été reporté aux fins d'être prise en considération dans le cadre de l'exercice budgétaire suivant.

22.
    Au cours de l'examen de la demande, Fedital a vendu, le 31 décembre 1989, son établissement de Massa Lombarda à Colombani Lusuco SpA, dont la Federazione Italiana dei Consorzi Agrari détenait également le contrôle. La raison sociale de la société acquéreur a ensuite été modifiée en «Massalombarda Colombani SpA» (ci-après «Massalombarda Colombani»). Le 18 octobre 1994, cette dernière société a été vendue à Frabi SpA (devenue par la suite Finconserve SpA), société financière du groupe Conserve Italia Soc. Coop. arl (ci-après «Conserve Italia»), la requérante. Cette dernière est spécialisée dans la transformation, la conservation et la commercialisation de produits destinés à l'alimentation, tels que fruits et légumes, produits agricoles, produits de la pêche, viandes, produits précuisinés et produits alimentaires en général.

23.
    Le 23 mars 1990, la Commission a demandé à Fedital de préciser la nature, le coût et les dates de début et de fin des travaux à financer et d'indiquer s'ils avaient été commencés avant la date de réception de la demande par la Commission (27 octobre 1988). En outre, la Commission a demandé le bilan pour l'année 1988 ainsi qu'une copie des contrats de vente relatifs aux diverses acquisitions de la société.

24.
    Massalombarda Colombani a répondu, le 17 avril 1990, que les travaux avaient commencé le 31 octobre 1988 et avaient été achevés avant le 30 juin 1990 et a joint des copies de contrats à sa réponse. L'un d'eux, signé le 22 décembre 1988, concernait la vente d'une machine d'emballage de marque Tetra Pak.

25.
    Par décision du 29 juin 1990, la Commission a accordé à Massalombarda Colombani un concours d'un montant de 2 002 932 326 LIT, pour un investissement global de 8 036 600 000 LIT (ci-après «décision d'octroi»).

26.
    Par décision du 18 novembre 1991, le gouvernement italien a accordé à Massalombarda Colombani une subvention de 2 008 000 000 LIT en complément du concours financier du FEOGA.

27.
    Le 22 novembre 1991, les autorités italiennes ont procédé à l'inspection finale des travaux et les ont approuvés, au motif qu'ils correspondaient globalement aux conditions posées dans la décision d'octroi.

28.
    A la suite d'inspections effectuées conjointement par les autorités italiennes et la Commission en mars 1993 et du 26 au 30 septembre 1994, cette dernière a constaté que certains achats et travaux avaient été effectués avant la date de réception de la demande de concours et que, contrairement à la copie du contrat d'achat d'une machine Tetra Pak qui lui avait été transmise le 17 avril 1990 en réponse à sa demande de renseignement du 23 mars 1990, l'original indiquait que la machine en question avait déjà été installée dans l'établissement de l'acheteur, au titre d'un contrat de location, avant la date de réception de la demande. En outre, de nombreux bons de livraison de machines acquises dans le cadre du projet portaientune date antérieure à celle de la réception de la demande tandis que d'autres manquaient.

29.
    Par télécopie du 3 novembre 1994 adressée à la Commission, les autorités italiennes se sont déclarées favorables à l'ouverture d'une procédure de suppression du concours accordé par le FEOGA, compte tenu des graves irrégularités constatées.

30.
    Le 22 mai 1995, la Commission a informé Massalombarda Colombani et les autorités italiennes de son intention d'engager une telle procédure et de récupérer les sommes indûment versées et les a invitées à présenter leurs observations à cet égard.

31.
    Les 3 août et 22 septembre 1995, Massalombarda Colombani a présenté ses observations. Elle a souligné que, si elle avait effectivement acheté des équipements avant la réception, par la Commission, de la demande de concours, ces achats avaient été faits à l'essai. Par ailleurs, elle a reconnu que le projet visait certains travaux réalisés avant la demande de concours. A la suite d'un entretien avec les fonctionnaires des services compétents de la Commission, le 19 janvier 1996, elle a déposé un mémoire complémentaire le 27 février 1996.

32.
    Le 3 octobre 1996, la Commission a pris la décision C (96) 2760, supprimant le concours octroyé à la société Massalombarda Colombani par décision de la Commission C (90) 950/356, du 29 juin 1990, relative à l'octroi du concours FEOGA, section «Orientation», dans le cadre du projet n° 90.41.IT.109.0, au titre du règlement n° 355/77, intitulé «Potenziamento e aggiornamento tecnologico degli impianti di uno stabilimento ortofrutticolo in Massa Lombarda (Ravenna)» du FEOGA (ci-après «décision attaquée»).

33.
    Les motifs principaux de cette décision sont reproduits ci-dessous:

«[...]

considérant que le concours a été octroyé compte tenu notamment de la description technique des travaux prévus et de la période de réalisation des travaux indiquée dans le dossier joint à la demande de concours et figurant dans le texte de la décision;

[...]

considérant qu'au cours [d'un] contrôle il a été constaté que certains achats à titre définitif ont été effectués, et que certains travaux ont été réalisés, avant la date de réception, par la Commission, de la demande de concours provenant du bénéficiaire, c'est-à-dire avant le 27.10.88, et que telle circonstance contrevient à l'engagement souscrit par le bénéficiaire, conformément à la disposition de la page5 de l'annexe A1 du règlement [...] n° 2515/85 [...], dans cette même demande de concours;

considérant qu'il a également été constaté qu'un contrat d'achat d'une machine d'emballage Tetra Pak a été falsifié pour occulter le fait que celle-ci avait déjà été installée dans l'établissement avant la date de réception de la demande de concours;

[...]

considérant que, au vu des indications fournies ci-dessus, les irrégularités constatées affectent les conditions de mise en oeuvre du projet en question [...]»

Procédure et conclusions des parties

34.
    La requérante a déposé la requête introductive du présent recours au greffe du Tribunal le 23 décembre 1996.

35.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    pour autant que de besoin, annuler tout acte accompli en relation avec la décision attaquée, en particulier le document de travail;

-    condamner la Commission aux dépens.

36.
    En réponse à une question posée par le Tribunal, la partie requérante a, toutefois, précisé que sa demande tendant à l'annulation de tout acte connexe à la décision attaquée, en particulier le document de travail, était fondée sur l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE).

37.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer irrecevable la conclusion tendant à l'annulation, pour autant que de besoin, du document de travail;

-    pour le surplus, rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

38.
    Selon la défenderesse, le recours est irrecevable dans la mesure où il tend à faire constater l'illégalité du document de travail au titre de l'article 184 du traité, dèslors que la décision attaquée n'est pas fondée sur le document de travail, mais sur les dispositions combinées du point 5.3 de l'annexe A au règlement n° 2515/85 et de l'article 24 du règlement n° 4253/88.

39.
    Le Tribunal estime que l'appréciation de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse nécessite un examen du fond de l'affaire et qu'il y a donc lieu de les traiter ensemble.

Sur le fond

1. Exposé sommaire des moyens soulevés par la requérante

40.
    Au soutien de son recours, la requérante invoque diverses violations de règles de droit relatives à l'application du traité CE et, en particulier, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail et de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88. Dans le cadre de ces moyens, elle fait notamment grief à la défenderesse d'avoir violé les principes de légalité de la sanction, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité et d'avoir commis un détournement de pouvoir. Enfin, la requérante soulève également un moyen tiré d'une violation des formes substantielles, en ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

2. Sur les prétendues violations de règles de droit relatives à l'application du traité CE

41.
    Dans le cadre de ses moyens tirés de violations de règles de droit relatives à l'application du traité CE, la requérante soutient, premièrement, que la bénéficiaire du concours n'a commis aucune irrégularité, deuxièmement, que la suppression du concours ne repose sur aucune base légale et, troisièmement, que cette suppression est disproportionnée par rapport aux irrégularités reprochées.

    

Sur les moyens relatifs aux irrégularités constatées par la Commission

Argumentation des parties

42.
    La requérante soulève deux moyens, tirés d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail, dans le cadre desquels elle critique les sixième et septième considérants de la décision attaquée.

- Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

43.
    Selon la requérante, la condition du point 5.3 des «Notes explicatives par rubrique» de l'annexe A au règlement n° 2515/85, selon laquelle «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours», doit être interprétée à la lumière de l'article 15, paragraphe 2, durèglement n° 4253/88, car la décision de la Commission sur l'éligibilité du projet serait régie par cette disposition.

44.
    Les termes «dépense» et «encourue», figurant au deuxième alinéa de cet article (voir ci-dessus point 11), indiqueraient qu'il faut avoir égard à la date du paiement des achats ou travaux ou, à tout le moins, à la date de facturation.

45.
    En l'espèce, tous les paiements auraient été effectués postérieurement à la date de réception par la Commission de la demande de concours (27 octobre 1988), toutes les factures porteraient une date postérieure au début de l'action, que la requérante fixe, dans sa requête, au 1er octobre 1988, et aucun bordereau de livraison n'aurait été établi plus de six mois avant cette dernière date. Par conséquent, les dépenses litigieuses seraient toutes éligibles.

46.
    En outre, la bénéficiaire n'aurait jamais fait de fausses déclarations quant à la date des achats ou travaux. Les opérations réalisées avant la date de réception par la Commission de la demande de concours (notamment le contrat de location de la machine Tetra Pak) n'auraient pas fait l'objet de contrats à titre définitif, mais seulement de rapports préliminaires ou de contrats sous condition suspensive.

47.
    Enfin, en supprimant le concours litigieux sur la base de critères différents de ceux de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la défenderesse aurait enfreint le principe de protection de la confiance légitime (arrêt de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005).

48.
    La défenderesse conclut au rejet du moyen. Il ressortirait de l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4256/88 que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 n'était pas applicable à la demande en cause, mais que celle-ci était régie par les articles 6 à 15 et 17 à 23 du règlement n° 355/77. En conséquence, la requérante ne saurait se prévaloir ni d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ni d'une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime.

    - Sur le moyen tiré d'une violation du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail

49.
    La requérante reconnaît que la bénéficiaire du concours a transmis à la Commission une copie du contrat de vente d'une machine d'emballage Tetra Pak ne contenant pas la mention, figurant sur l'original, que la machine était déjà installée dans l'établissement de l'acheteur en exécution d'un contrat de location enregistré à Modène (Italie) le 30 novembre 1987. Ce comportement, qui serait imputable à Fedital mais non à elle-même, ne procéderait pas d'une intention frauduleuse, mais constituerait un simple vice de forme.

50.
    En l'espèce, ce vice ne revêtirait pas un caractère substantiel, car si la mention occultée avait été portée à la connaissance de la Commission, elle n'aurait pas fait obstacle à l'octroi du concours demandé. D'une part, comme le contrat d'achat de la machine a été signé le 22 décembre 1988, c'est-à-dire à une date postérieure à la date de réception de la demande par la Commission, la règle de l'exclusion prévue au point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail ne serait pas d'application. D'autre part, le contrat de location aurait dû bénéficier de la dérogation prévue au point B.1, paragraphe 12, du document de travail. Cette dérogation prévoit que les investissements peuvent être éligibles s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un contrat de location-vente ou de crédit-bail stipulant que le bénéficiaire devient propriétaire de l'objet loué dans les cinq années suivant la date d'octroi du concours. Or, en l'espèce, si le contrat de location ne prévoyait pas le délai d'acquisition de la machine louée, celle-ci aurait effectivement été acquise dans un délai de cinq ans à compter de la date d'octroi du concours.

51.
    La requérante souligne, en outre, que la machine n'avait pas été installée dans l'établissement de la bénéficiaire avant la période de six mois précédant la date de réception par la Commission de la demande de concours.

52.
    Dès lors que, en l'espèce, l'irrégularité ne procède pas d'une intention frauduleuse et qu'elle n'est pas substantielle, elle ne justifierait pas la suppression du concours.

53.
    A titre subsidiaire, la requérante reproche à la défenderesse une violation des formes substantielles, en ce qu'elle n'aurait pas publié ni notifié à la bénéficiaire du concours le document de travail sur lequel elle aurait fondé la décision attaquée. En conséquence, ce document ne serait pas opposable à la requérante (arrêt de la Cour du 9 octobre 1990, France/Commission, C-366/88, Rec. p. I-3571).

54.
    Ce document de travail violerait également l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, en ce qu'il s'écarterait de la règle selon laquelle les dépenses encourues dans les six mois précédant la date de début de l'action sont éligibles.

55.
    Selon la défenderesse, le moyen doit être rejeté. Elle estime, en substance, que, même si elle avait été dûment informée que la machine avait été déjà installée dans l'établissement de la bénéficiaire en exécution d'un contrat de location, elle n'aurait pas pu octroyer le concours litigieux, car le règlement n° 355/77 vise à l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Or, des achats ou des travaux réalisés avant la réception de la demande de concours par la Commission ne contribueraient pas à une telle amélioration, sauf si l'acquisition de la propriété d'une machine dans un délai déterminé est prévue dès le départ. Elle ajoute que la décision attaquée n'est pas fondée sur le document de travail.

Appréciation du Tribunal

56.
    La défenderesse a, dans la décision attaquée, relevé l'existence de deux types d'irrégularités. D'une part, certains achats et travaux auraient été réalisés avant la date de réception, par la Commission, de la demande de concours de la bénéficiaire, en violation de l'engagement souscrit par celle-ci. D'autre part, un contrat d'achat d'une machine d'emballage Tetra Pak aurait été falsifié pour occulter le fait que celle-ci avait déjà été installée dans l'établissement de la bénéficiaire avant la date de réception de la demande de concours. Il convient d'examiner successivement ces allégations.

- Achats et travaux antérieurs à la réception par la Commission de la demande de concours

57.
    Il est constant que la demande de concours a été introduite sous l'empire du règlement n° 355/77. En vertu de l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4256/88, qui est entré en vigueur le même jour que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, invoqué par la requérante, les articles 6 à 15 et 17 à 23 du règlement n° 355/77 sont restés d'application jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement n° 866/90 (voir ci-dessus points 14 et 15).

58.
    Les articles 6 à 15 et 17 à 23 du règlement n° 355/77 ne déterminent pas le moment à partir duquel peuvent être réalisés des achats ou des travaux pour lesquels un concours financier est demandé.

59.
    En revanche, l'article 19, paragraphe 2, de ce règlement dispose que la Commission peut décider de suspendre, réduire ou supprimer un concours «si le projet n'est pas exécuté comme prévu» et «si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies».

60.
    Cette disposition ne précise pas quelles sont ces conditions, mais fait explicitement référence aux «conditions financières ou autres imposées pour chaque projet». Il s'ensuit que toutes les conditions imposées pour chaque projet, qu'elles soient d'ordre technique ou financier ou qu'elles imposent le respect d'un délai, sont comprises dans cette expression.

61.
    L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2515/85 prévoit que «[l]es demandes de concours du FEOGA, section 'Orientation‘ [...] doivent contenir les données et pièces indiquées aux annexes». Il s'ensuit que la force obligatoire des indications contenues dans le formulaire de demande de concours, notamment celles relatives à l'engagement que le demandeur de concours doit prendre lors de l'introduction de la demande, examiné à la lumière du point 5.3 des «Notes explicatives par rubrique» de l'annexe A audit règlement (voir ci-dessus point 6), est identique à celle des dispositions du règlement, auquel les modèles et notes explicatives sont annexés (en ce sens, voir arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-232/94, T-233/94 et T-234/94, Rec. p. II-247, point 84). Qui plus est, la société Massalombarda Colombani a, par sa signature,pris l'engagement personnel exprès, solennel et univoque de ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA, section «Orientation». Cet engagement ayant été accepté par la Commission, il a été intégré dans l'acte octroyant le concours et participe à la force juridique de celui-ci. Dès lors, la condition de délai auquel l'engagement se réfère, qui contribue notamment à la sécurité juridique et à un traitement égal des demandeurs de concours, constitue une condition imposée au sens de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 355/77 et son inobservation a pour conséquence que le projet financé n'est pas exécuté comme prévu.

62.
    Toutefois, cet engagement - tel que prévu dans le formulaire de demande de concours et pris par la bénéficiaire lors de l'introduction de la demande - ne fait pas référence à une période de six mois antérieure à la réception de la demande. Il convient donc d'examiner si, comme le soutient la requérante, l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1989, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 a modifié l'engagement en ce sens qu'il permettait que des dépenses soient encourues dans les six mois précédant la date de réception de la demande par la Commission.

63.
    Il ressort de l'article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 4253/88 et du terme «peut» figurant à son deuxième alinéa que, en règle générale, une dépense n'est éligible que si elle a été encourue après la date de réception, par la Commission, de la demande y afférente. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Commission a la faculté de considérer une dépense comme étant éligible si elle a été encourue dans les six mois précédant la date de réception par la Commission de la demande.

64.
    Par la décision d'octroi (voir ci-dessus point 25), la Commission a approuvé la demande contenant l'engagement personnel de ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours, sans préciser qu'elle entendait faire usage de la faculté prévue par l'article 15, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4253/88.

65.
    Même s'il fallait suivre la thèse selon laquelle l'engagement doit être interprété à la lumière de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, le critère à prendre en considération pour déterminer la date à partir de laquelle les travaux peuvent être commencés serait, à défaut d'indication contraire de la Commission, celui posé au premier alinéa de cette disposition.

66.
    Il convient, dès lors, d'identifier la date à prendre en considération pour déterminer si les travaux ont été commencés avant la réception par la Commission de la demande de concours, au sens de l'engagement souscrit lors de l'introduction de la demande du concours litigieux. En particulier, il s'agit d'examiner si, comme le soutient la requérante, cette date est celle du paiement des premiers achats ou travaux subventionnés ou, éventuellement, celle de facturation de ces derniers.

67.
    La conclusion de contrats, même sous condition suspensive, dans le cadre d'un projet d'investissement soutenu a des répercussions déterminantes sur les modalités de mise en oeuvre de celui-ci. Dès lors, de tels contrats constituent une mesure d'exécution d'un projet. Partant, c'est leur conclusion qui détermine la date de commencement des travaux, au sens de l'engagement souscrit par la bénéficiaire.

68.
    Or, la requérante ne conteste pas que des contrats relatifs à des machines faisant l'objet du projet soutenu ont été conclus avant la date de réception par la Commission de la demande de concours.

69.
    En conséquence, la bénéficiaire a violé l'engagement, pris dans le formulaire de demande, de ne pas commencer la mise en oeuvre du projet avant cette date. Il en résulte qu'une condition imposée par la décision d'octroi du concours n'a pas été respectée et que le projet n'a pas été exécuté comme prévu.

70.
    La thèse de la requérante, selon laquelle la date pertinente est celle du paiement ou à tout le moins celle de facturation, ne saurait être accueillie. En effet, il est douteux que la bénéficiaire du concours ait pu croire que le projet n'avait pas fait l'objet d'un commencement d'exécution avant l'établissement ou le paiement des factures. A supposer que la bénéficiaire du concours n'ait eu aucune intention frauduleuse, elle aurait, à tout le moins, dû avoir des doutes quant à son interprétation de l'engagement de ne pas commencer l'exécution du projet avant la réception par la Commission de la demande de concours. En pareil cas, il lui appartenait de s'informer sur la portée de l'engagement requis, non seulement pour ne pas s'engager à la légère, mais également pour éviter tout risque d'induire la Commission en erreur.

71.
    Les demandeurs et bénéficiaires de concours sont tenus de s'assurer qu'ils fournissent à la Commission des informations fiables non susceptibles de l'induire en erreur, sans quoi le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies ne saurait fonctionner correctement. En effet, à défaut d'informations fiables, des projets ne remplissant pas les conditions requises pourraient faire l'objet d'un concours. Il en découle que l'obligation d'information et de loyauté qui pèse sur les demandeurs et bénéficiaires de concours est inhérente au système de concours du FEOGA et essentielle pour son bon fonctionnement.

72.
    La circonstance que, en l'espèce, des informations relatives à la date de commencement des travaux ont été dissimulées ou présentées de manière à induire la Commission en erreur constitue une violation de cette obligation et, partant, de la réglementation applicable.

73.
    Partant, il ne saurait être reproché à la défenderesse d'avoir violé l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88.

74.
    Le grief tiré d'une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime étant fondé sur la prémisse que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 a été violé et l'argument que la requérante tire de cette prétendue violation de ladite disposition n'étant pas fondé pour les raisons exposées ci-dessus, il doit également être rejeté.

- Falsification d'un contrat d'achat d'une machine d'emballage

75.
    La requérante reconnaît que la copie du contrat de vente d'une machine d'emballage Tetra Pak transmise à la Commission en réponse à une demande de renseignement ne contenait pas l'indication, figurant sur l'original, selon laquelle la machine en question était déjà installée dans l'établissement de la bénéficiaire en vertu d'un contrat de location (voir ci-dessus point 49) à la date de réception de la demande de concours par la Commission.

76.
    La bénéficiaire du concours aurait dû présumer qu'une information complète concernant le contrat en cause était indispensable pour que la Commission exerce correctement ses compétences, d'autant plus que cette dernière avait demandé des informations à cet égard. En conséquence, la bénéficiaire devait transmettre une copie conforme à l'original du contrat en question (voir ci-dessus point 71). La transmission d'une copie non fidèle dudit contrat constitue une irrégularité manifeste et grave, qui, si elle n'est pas intentionnelle, procède à tout le moins d'une négligence grave.

77.
    Contrairement à ce qu'affirme la requérante, cette irrégularité a pu avoir une incidence sur le montant du concours. En effet, la finalité du règlement n° 355/77, ainsi qu'il ressort tant de son intitulé que de son quatrième considérant et des dispositions de son titre II, est l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles. L'amélioration s'apprécie en comparant la situation devant résulter de l'action financée par rapport à celle qui existait avant le commencement du projet. L'exécution de ce dernier ne pouvant débuter avant la réception par la Commission de la demande de concours, c'est par rapport à la situation antérieure à cette date qu'il convient d'apprécier l'amélioration. Or, il n'est pas exclu que l'achat définitif d'une machine d'emballage, déjà installée dans l'établissement de l'entreprise bénéficiaire au titre d'un contrat de location, ne constitue pas une telle amélioration. En toute hypothèse, la requérante n'a pas démontré que l'achat de la machine entraînerait une amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles considérés.

78.
    L'absence d'incidence de l'irrégularité en question ne saurait être déduite du document de travail. D'une part, à supposer que le point B.1, paragraphe 5, sous b), dudit document de travail vise les machines du type de celle en cause, il ne s'applique, en toute hypothèse, qu'aux machines n'ayant pas été installées avant la présentation de la demande de concours, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'autre part, le point B.1, paragraphe 12, de ce document de travail prévoit queles investissements financés par crédit-bail ne sont éligibles que si le contrat prévoit que le bénéficiaire devient propriétaire de l'équipement financé dans les quatre ans qui suivent la date d'octroi du concours. En l'occurrence, le contrat de location ne contenait pas de clause stipulant un transfert de propriété dans ce délai.

79.
    Le grief, soulevé à titre subsidiaire par la requérante, selon lequel le document de travail serait illégal, n'infirme nullement l'existence des irrégularités reprochées ni n'étaye sa thèse selon laquelle ces irrégularités n'auraient eu aucune incidence sur le montant du concours et ne seraient donc pas substantielles. En conséquence, il n'y a pas lieu de l'examiner. Du reste, il convient d'observer que la requérante n'a aucun intérêt à invoquer l'illégalité du document de travail, puisque cette argumentation rend caduc son moyen tiré d'une violation du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail.

80.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens tirés d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail doivent être rejetés.

Sur la base légale de la suppression du concours et la prétendue violation de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

Argumentation des parties

81.
    A titre principal, la requérante fait valoir que l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 n'est pas applicable en l'espèce. La finalité de cet article serait d'éviter que l'action financée soit mise en oeuvre selon des modalités différentes de celles définies dans le projet présenté à la Commission, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. En effet, les investissements qui devaient être réalisés l'auraient été comme prévu et les objectifs de l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 355/77 auraient été atteints. En particulier, la machine Tetra Pak aurait rempli les fonctions attendues. Les irrégularités constatées n'ayant pas affecté les conditions de mise en oeuvre de l'action, l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 serait inapplicable.

82.
    Subsidiairement, elle soutient que, si cet article est applicable, il ne prévoit pas la possibilité de supprimer un concours, mais tout au plus de le réduire ou de le suspendre. Partant, la décision attaquée serait illégale en tant qu'elle porte adoption d'une mesure ne reposant sur aucune base légale.

83.
    Cette analyse serait corroborée par l'article 24, paragraphe 3, du même règlement, qui dispose que toute somme donnant lieu à répétition de l'indu doit être reversée à la Commission. La finalité de la réglementation applicable en l'espèce serait d'assurer la répétition de l'indu et non d'infliger une sanction. En conséquence, la Commission ne pourrait supprimer un concours que dans l'hypothèse où toutes les dépenses relatives au projet soutenu sont irrégulières et où la réduction duconcours à due concurrence équivaut à une suppression pure et simple du concours.

84.
    Selon la requérante, la suppression d'un concours entraîne des conséquences qui dépassent la simple répétition de l'indu et constitue une sanction. Or, le principe de légalité de la sanction, consacré d'abord par la jurisprudence (voir arrêts de la Cour du 25 septembre 1984, Könecke, 117/83, Rec. p. 3291, et du 18 novembre 1987, Maïzena, 137/85, Rec. p. 4587) et ensuite par l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/95, ne permettrait d'infliger une sanction que dans la mesure où une disposition du droit communautaire le prévoit.

85.
    Le règlement n° 2988/95 ne constituerait pas non plus une base légale suffisante de la sanction litigieuse. D'une part, ses dispositions en matière de sanctions ne sauraient s'appliquer à des faits qui se sont produits avant son entrée en vigueur. D'autre part, ce règlement poursuivrait deux objectifs, à savoir protéger les intérêts financiers de la Communauté et assurer la sécurité juridique des bénéficiaires de subventions. Il constituerait une réglementation-cadre, dont l'application nécessiterait des réglementations sectorielles définissant les comportements susceptibles d'être sanctionnés et les sanctions correspondantes. Or, l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ne déterminerait aucunement les conditions auxquelles l'imposition d'une sanction est soumise.

86.
    En revanche, ce règlement démontrerait que la Commission ne pouvait pas supprimer le concours au titre de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, mais tout au plus le réduire à concurrence du montant indûment obtenu compte tenu des irrégularités. En effet, le règlement n° 2988/95 opérerait une distinction entre mesures et sanctions. Selon son article 4, les mesures devraient être limitées au retrait de l'avantage indûment obtenu. Son article 5, relatif aux sanctions, renverrait à une réglementation future.

87.
    Enfin, la réglementation applicable en l'espèce ne conférant à la Commission qu'un pouvoir de répétition de l'indu et non un pouvoir répressif, elle se serait rendue coupable, en infligeant la sanction litigieuse, d'un détournement de pouvoir.

88.
    La défenderesse conclut au rejet du moyen. Elle objecte que le projet approuvé par la Commission prévoyait que les achats et travaux ne seraient pas réalisés avant la date de réception de la demande de concours. Or, des achats et travaux auraient été effectués avant cette date. Dès lors, le projet tel qu'il a été concrètement réalisé serait différent de celui qui avait été approuvé. Par conséquent, l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 serait d'application.

89.
    Contrairement à ce que soutient la requérante, cette disposition conférerait à la Commission la faculté de supprimer un concours préalablement octroyé. En conséquence, les griefs tirés d'une violation du principe de légalité de la sanction et d'un détournement de pouvoir devraient être rejetés.

Appréciation du Tribunal

90.
    Il ressort des points 69 et 72 à 76 ci-dessus que la bénéficiaire du concours n'a pas exécuté le projet comme prévu et que certaines des conditions imposées n'ont pas été remplies. Or, l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 355/77 permet à la Commission de suspendre, de réduire ou de supprimer un concours ayant été préalablement octroyé si le projet n'a pas été exécuté comme prévu ou si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies. En conséquence, cette disposition constituait une base juridique adéquate pour l'adoption de la décision attaquée.

91.
    Les violations constatées aux points 69 et 72 à 76 ci-dessus constituent des irrégularités au sens de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88. Il s'ensuit que cette disposition était également applicable en l'espèce.

92.
    Si le libellé dudit article 24, paragraphe 2, ne prévoit pas explicitement la possibilité pour la Commission de prendre une mesure de suppression d'un concours, il demeure qu'il est intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours». Lorsqu'il existe une divergence entre le libellé d'une disposition et son intitulé, il y a lieu d'interpréter l'un et l'autre de manière à ce que tous les termes employés aient une utilité. Compte tenu, premièrement, de cette norme d'interprétation et, deuxièmement, de l'existence d'un autre texte, également applicable au concours considéré, prévoyant la possibilité de supprimer un concours du FEOGA dans certaines conditions (article 19, paragraphe 2, du règlement n° 355/77; voir point 90 ci-dessus), il y a lieu d'interpréter l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 en ce sens que l'ensemble des termes employés par le législateur, notamment le mot «suppression» figurant dans son intitulé, ait une utilité. En conséquence, il convient d'interpréter cet article en ce sens qu'il permet à la Commission de supprimer un concours du FEOGA en cas d'irrégularité, notamment en cas de modification importante de l'action affectant sa nature ou les conditions de sa mise en oeuvre sans que l'approbation préalable de la Commission ait été demandée.

93.
    L'existence d'une base juridique habilitant la Commission à supprimer un concours étant établie, les griefs tirés d'une violation du principe de légalité de la sanction et d'un détournement de pouvoir ne sauraient prospérer.

94.
    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'absence de base juridique habilitant la Commission à supprimer le concours financier en question doit être rejeté.

Sur la proportionnalité de la suppression du concours

Argumentation des parties

95.
    Selon la requérante, à supposer que l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 permette de supprimer un concours, la décision attaquée était illégale, car disproportionnée. Les irrégularités reprochées n'ayant entraîné aucun écart entre le projet approuvé et l'action réalisée et ne procédant pas d'une intention frauduleuse ou du souci d'obtenir un concours financier plus élevé que le montant des investissements réalisés, elles ne justifiaient pas la suppression du concours en cause. A cet égard, elle souligne que, à la différence du cas dont le Tribunal a eu à connaître dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission (cité au point 61 ci-dessus), les irrégularités reprochées en l'espèce n'ont pas permis au bénéficiaire du concours de s'enrichir indûment.

96.
    En particulier, la suppression totale du concours ne serait pas justifiée au regard de l'impact réduit de l'irrégularité concernant le contrat de vente de la machine d'emballage Tetra Pak sur la réalisation des objectifs assignés au projet. D'une part, cet investissement pourrait être isolé du reste du projet et, d'autre part, son coût ne représenterait que 6 % du montant du concours (arrêt de la Cour du 20 février 1979, Buitoni, 122/78, Rec. p. 677).

97.
    La sanction infligée en l'espèce serait cumulable avec les amendes administratives nationales (voir article 3 de la loi italienne n° 898 du 23 décembre 1986, GURI n° 299, du 27 décembre 1986) et avec l'exclusion du bénéfice ultérieur de tout concours du FEOGA, telle qu'elle est prévue à l'article 3 du règlement (CE) n° 860/94 de la Commission, du 18 avril 1994, relatif aux plans et aux demandes de concours, sous forme de programmes opérationnels du FEOGA, section «Orientation», en faveur d'investissements visant à améliorer les conditions de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et sylvicoles (JO L 99, p. 7). Ce cumul causerait à la requérante un préjudice absolument disproportionné par rapport aux irrégularités reprochées.

98.
    En outre, le propriétaire actuel de la société serait entièrement étranger aux griefs avancés par la défenderesse, de sorte que la sanction litigieuse serait d'autant plus disproportionnée.

99.
    Au stade de la réplique, la requérante ajoute enfin que la solution, retenue par la défenderesse, consistant à supprimer un concours FEOGA dès lors qu'une dépense a été engagée avant le début de l'action viole le principe de non-discrimination. En effet, elle aboutirait à la suppression du concours aussi bien dans le cas d'une erreur involontaire que dans celui d'une fraude, ce qui reviendrait à traiter de manière identique des situations différentes.

100.
    La défenderesse conclut au rejet de ce moyen. En l'espèce, la requérante aurait violé des engagements essentiels liés à l'octroi du concours. Se référant au point 160 de l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission (cité au point 61 ci-dessus), elle soutient que la seule réponse adaptée à la violation de ces engagements consistait, en l'espèce, à supprimer le concours.

Appréciation du Tribunal

101.
    Le principe de proportionnalité, consacré par le troisième alinéa de l'article 3B du traité CE (devenu article 5 CE), exige, selon la jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, notamment, arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144).

102.
    La Cour a également précisé que, s'agissant de l'évaluation d'une situation complexe, ce qui est le cas en matière de politique agricole commune (voir, en ce sens, notamment, arrêt de la Cour du 20 octobre 1977, Roquette, 29/77, Rec. p. 1835, point 19), les institutions communautaires jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. En contrôlant la légalité de l'exercice d'un tel pouvoir, le juge doit se limiter à examiner s'il n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si l'institution n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 février 1996, France et Irlande/Commission, C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795, point 31).

103.
    En outre, selon la Cour, les obligations dont le respect est d'importance fondamentale pour le bon fonctionnement d'un système communautaire peuvent être sanctionnées par la perte d'un droit ouvert par la réglementation communautaire, tel le droit à une aide (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 octobre 1995, Cereol Italia, C-104/94, Rec. p. I-2983, point 24, et la jurisprudence y citée).

104.
    Ainsi qu'il a été rappelé au point 77 ci-dessus, le règlement n° 355/77 a pour objet de promouvoir l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles, l'amélioration s'appréciant par comparaison de la situation devant résulter de l'action financée avec celle qui existait avant le commencement du projet. Il découle également du septième considérant du règlement n° 355/77 que le législateur a entendu mettre en place une procédure de contrôle efficace pour assurer le respect par les bénéficiaires des conditions posées lors de l'octroi du concours du FEOGA. Il résulte enfin du point 71 ci-dessus que la fourniture par les demandeurs et bénéficiaires de concours d'informations fiables et non susceptibles d'induire la Commission en erreur est indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si notamment la condition de non-commencement du projet avant la réception par la Commission de la demande de concours est remplie.

105.
    A l'audience, la requérante a reconnu, d'une part, que des travaux avaient été commencés avant la réception par la Commission de la demande de concours pour un montant de 1 780 663 116 LIT et, d'autre part, que l'irrégularité relative aucontrat de vente de la machine d'emballage Tetra Pak correspondait à un montant de 470 000 000 LIT, soit un total de 2 250 663 116 LIT. Le concours octroyé au titre du FEOGA étant de 2 002 932 326 LIT et l'investissement global de 8 036 600 000 LIT, les irrégularités reprochées représentent donc 112 % du concours et 28 % de l'investissement. Le fait que la requérante n'a pas respecté son engagement de ne pas commencer les travaux avant la réception par la Commission de la demande de concours, n'en a pas informé cette dernière et a, en réponse à une demande de renseignement de la Commission, transmis une copie non conforme à l'original d'un contrat de vente d'une machine visée par le projet subventionné constitue des violations graves d'obligations essentielles.

106.
    S'il est exact que les circonstances de l'espèce diffèrent de celles dont le Tribunal a eu à connaître dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 61 ci-dessus, la Commission a, toutefois, pu raisonnablement estimer que toute autre mesure que la suppression du concours risquait de constituer une invitation à la fraude. En effet, les bénéficiaires pourraient être tentés de fournir de fausses informations ou d'occulter certaines informations, pour grossir artificiellement le montant de l'investissement susceptible d'être financé, afin d'obtenir un concours financier communautaire plus important, sous peine de voir ce dernier seulement réduit à concurrence de la part de l'investissement ne remplissant pas une condition d'octroi du concours.

107.
    En outre, l'argumentation de la requérante, selon laquelle la suppression du concours serait disproportionnée, au motif que les irrégularités reprochées seraient imputables à Fedital et non à elle-même, doit être rejetée. En effet, elle a acquis les droits et obligations de Fedital à la suite des rachats successifs évoqués au point 22 ci-dessus.

108.
    Enfin, la simple éventualité d'un cumul de la sanction communautaire avec les amendes administratives nationales est purement hypothétique et en tout état de cause ne suffit pas, en tant que telle, à conclure au caractère disproportionné de la mesure attaquée en l'espèce. Le cas échéant, il appartient à la requérante de faire valoir une éventuelle violation du principe de proportionnalité du fait d'un cumul de sanctions communautaires et nationales devant les tribunaux nationaux.

109.
    En conséquence, la requérante n'a pas démontré que la suppression du concours était disproportionnée au regard des manquements reprochés et de l'objectif de la réglementation en cause.

110.
    Il s'ensuit que la violation alléguée du principe de proportionnalité n'est pas établie.

3. Sur le prétendu défaut de motivation

Argumentation des parties

111.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée et ne la met pas en mesure de comprendre d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire.

112.
    D'abord, la décision attaquée ne répondrait pas de façon suffisamment circonstanciée à certaines de ses observations, présentées le 3 août 1995 (voir ci-dessus point 31). La défenderesse n'aurait pas répondu aux observations tendant à établir, d'une part, le caractère régulier des factures litigieuses, en ce qu'elles portaient une date antérieure de moins de six mois à la date de début de l'action, et, d'autre part, l'illégalité d'une mesure allant au-delà d'une réduction du concours.

113.
    Lorsque la procédure prévoit le droit pour l'intéressé de présenter des observations sur les griefs soulevés par la Commission, il incomberait à celle-ci de prendre ces observations en considération. Or, en l'espèce, la défenderesse aurait omis de préciser les raisons pour lesquelles les arguments avancés par la bénéficiaire ne justifiaient pas lesdites circonstances. En particulier, elle aurait dû énumérer les factures irrégulières et indiquer les raisons pour lesquelles les irrégularités relevées affectaient le projet dans sa totalité.

114.
    La défenderesse aurait ensuite manqué de répondre aux observations par lesquelles Massalombarda Colombani avait fait valoir, à l'égard de la falsification du contrat d'achat de la machine d'emballage, les mêmes arguments que ceux développés par la requérante dans le cadre de la présente procédure.

115.
    Enfin, la requérante fait grief à la défenderesse d'avoir justifié, sans explication, la suppression du concours en se référant à l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, qui, pourtant, ne prévoit que la possibilité de suspendre ou de réduire un concours, mais non celle de le supprimer.

116.
    La défenderesse conclut au rejet du moyen, estimant la décision attaquée suffisamment motivée.

Appréciation du Tribunal

117.
    Selon une jurisprudence constante, d'une part, en vertu de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), la motivation d'un acte doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle et, d'autre part, la portée de l'obligation de motivation s'apprécie en fonction de son contexte (arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 61 ci-dessus, point 140, et la jurisprudence y citée).

118.
    En l'espèce, la décision attaquée se réfère aux différentes étapes de la procédure et indique que les irrégularités constatées, en particulier celles décrites en ses sixième et septième considérants, affectent les conditions de mise en oeuvre du projet (dix-huitième considérant) et justifient, en conséquence, la suppression du concours, en vertu de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88.

119.
    Cette motivation fait apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de la défenderesse et a permis à l'intéressé de défendre ses droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle.

120.
    La requérante ne saurait, notamment, reprocher à la défenderesse d'avoir insuffisamment répondu à l'argumentation qu'elle a développée dans ses observations, selon laquelle les factures litigieuses portaient une date antérieure de moins de six mois à la date de réception de la demande de concours et devaient, en conséquence, être considérées comme régulières. En effet, au sixième considérant de la décision attaquée, la défenderesse a clairement exposé que le fait que certains achats et travaux avaient été effectués avant la date de réception par la Commission de la demande de concours, c'est-à-dire avant le 27 octobre 1988, contrevenait à l'engagement souscrit par la bénéficiaire dans sa demande de concours conformément à l'annexe A du règlement n° 2515/85. Il ressort clairement de la décision attaquée que le critère d'éligibilité des dépenses retenu par la défenderesse est que les achats et travaux à financer ne peuvent pas être effectués avant la date de réception par la Commission de la demande de concours. Au vu de ce critère, la requérante était parfaitement en mesure d'apprécier les irrégularités imputées à la bénéficiaire du concours.

121.
    Il ne saurait pas davantage être fait grief à la défenderesse d'avoir insuffisamment répondu aux arguments de la requérante, selon lesquels, d'une part, la production d'une copie non conforme à l'original du contrat d'achat d'une machine d'emballage Tetra Pak n'avait eu aucune incidence sur le montant du concours et, d'autre part, une mesure allant au-delà d'une réduction du concours serait illégale. En effet, la défenderesse a déclaré que les irrégularités constatées, telles qu'exposées dans la décision attaquée (voir ci-dessus point 33), affectaient les conditions de mise en oeuvre du projet en question et que, eu égard, notamment, à l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, il y avait lieu de supprimer le concours. De la sorte, la défenderesse a rejeté les arguments de la requérante et a considéré que, premièrement, compte tenu des irrégularités constatées dans la décision attaquée, certaines dépenses n'étaient pas éligibles, de sorte que le montant du concours s'en trouvait affecté, deuxièmement, l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 lui conférait le pouvoir de supprimer le concours et, troisièmement, la suppression du concours n'était, dans les circonstances de l'espèce, pas disproportionnée.

122.
    Il ressort, d'ailleurs, de l'argumentation développée par la requérante dans le cadre de ses moyens qu'elle a compris le raisonnement ayant conduit la défenderesse à prendre la décision attaquée.

123.
    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est suffisamment motivée au sens de l'article 190 du traité, de sorte que le moyen doit être rejeté.

124.
    En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

125.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la défenderesse ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie défenderesse.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts

Table des matières

     Cadre juridique du litige

II - 2

     Faits à l'origine du litige

II - 6

     Procédure et conclusions des parties

II - 9

     Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

II - 10

     Sur le fond

II - 10

         1. Exposé sommaire des moyens soulevés par la requérante

II - 10

         2. Sur les prétendues violations de règles de droit relatives à l'application du traité CE

II - 10

             Sur les moyens relatifs aux irrégularités constatées par la Commission

II - 11

                 Argumentation des parties

II - 11

                     - Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

II - 11

                     - Sur le moyen tiré d'une violation du point B.1, paragraphes 5 et 12, du document de travail

II - 12

                 Appréciation du Tribunal

II - 13

                     - Achats et travaux antérieurs à la réception par la Commission de la demande de concours

II - 13

                     - Falsification d'un contrat d'achat d'une machine d'emballage

II - 16

             Sur la base légale de la suppression du concours et la prétendue violation de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

II - 18

                 Argumentation des parties

II - 18

                 Appréciation du Tribunal

II - 19

             Sur la proportionnalité de la suppression du concours

II - 20

                 Argumentation des parties

II - 20

                 Appréciation du Tribunal

II - 21

         3. Sur le prétendu défaut de motivation

II - 23

             Argumentation des parties

II - 23

             Appréciation du Tribunal

II - 24

     Sur les dépens

II - 26


1: Langue de procédure: l'italien.