Language of document : ECLI:EU:T:2021:554

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours général pour le recrutement d’administrateurs dans les domaines du droit de la concurrence, du droit financier, du droit de l’Union économique et monétaire, des règles financières applicables au budget de l’Union et de la protection des pièces en euro contre la contrefaçon – Limitation du choix de la langue 2 parmi quatre langues – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Intérêt du service – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑554/19,

Royaume d’Espagne, représenté par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme I. Galindo Martín, M. T. Lilamand et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/374/19, pour la constitution d’une liste de réserve dans les domaines du droit de la concurrence, du droit financier, du droit de l’Union économique et monétaire, des règles financières applicables au budget de l’Union européenne et de la protection des pièces en euro contre la contrefaçon (JO 2019, C 191 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juin 2019, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/374/19, pour la constitution d’une liste de réserve dans les domaines du droit de la concurrence, du droit financier, du droit de l’Union économique et monétaire, des règles financières applicables au budget de l’Union européenne et de la protection des pièces en euro contre la contrefaçon (JO 2019, C 191 A, p. 1, ci-après l’« avis attaqué »).

2        Il est indiqué, dans la partie introductive de l’avis attaqué, que celui-ci et ses annexes constituent le cadre juridique applicable aux procédures de sélection y afférentes et que les intéressés doivent se reporter à son annexe III pour les dispositions applicables aux concours généraux.

3        Selon l’avis attaqué, les lauréats du concours seront susceptibles d’être recrutés auprès de services de la Commission européenne. Plus spécifiquement, cet avis énonce que les lauréats ayant réussi dans le domaine du droit de la concurrence (60 lauréats) seront susceptibles d’être recrutés, « essentiellement, dans une unité de la direction générale de la concurrence de la Commission […] ou du service juridique de [cette dernière] », ceux ayant réussi dans le domaine du droit financier (33 lauréats), « essentiellement, dans une unité de la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux de la Commission […] ou du service juridique [de cette dernière] » ou « à la direction générale des affaires économiques et financières », ceux ayant réussi dans le domaine du droit de l’Union économique et monétaire (13 lauréats), « essentiellement, à la direction générale des affaires économiques et financières […] ou au service juridique », ceux ayant réussi dans le domaine des règles financières applicables au budget de l’Union (38 lauréats), « essentiellement, à la direction générale du budget […] ou au service juridique de la Commission » et, enfin, ceux ayant réussi dans le domaine de la protection des pièces en euro contre la contrefaçon (12 lauréats) « auprès de la direction générale des affaires économiques et financières », et, « en particulier, au centre technique et scientifique européen ».

4        Il est précisé dans l’avis attaqué que les services concernés par le concours en cause attendent des lauréats ayant réussi celui-ci dans chacun de ces domaines qu’ils soient « immédiatement opérationnels ».

5        Le concours concerné par l’avis attaqué se déroule en six étapes.

6        La première étape consiste, pour les intéressés, à remplir un acte de candidature et à le valider. Lors de la deuxième étape, qui est prévue si le nombre des candidats inscrits au concours est supérieur à un certain seuil fixé par le directeur de l’EPSO, les candidats sont invités à passer une série de tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, visant à évaluer leurs capacités de raisonnement verbal, de raisonnement numérique et de raisonnement abstrait. Dans le cadre de la troisième étape, l’EPSO vérifie le respect des conditions d’admission générales définies par l’avis attaqué et le jury contrôle la conformité des candidatures avec les conditions d’admission spécifiques prévues par cet avis, sur la base des données fournies dans les actes de candidature. La quatrième étape consiste en l’évaluation des candidats jugés admissibles à la troisième étape, sur la base des informations fournies dans la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », par référence aux critères de sélection figurant dans l’avis attaqué. À l’issue de cette procédure de sélection sur titres, un nombre de candidats correspondant au maximum à trois fois le nombre de lauréats visés pour chaque domaine sont invités à la cinquième étape, appelée « Centre d’évaluation », dans le cadre duquel les candidats sont évalués au moyen de quatre épreuves, portant sur différentes compétences générales et spécifiques, conformément aux tableaux figurant dans l’avis attaqué. C’est dans le cadre de cette cinquième étape que se déroulent les tests de type QCM mentionnés ci-dessus si le nombre des candidats ne dépasse pas le seuil fixé par le directeur de l’EPSO. Enfin, lors de la sixième et dernière étape, après vérification de l’admissibilité des candidats au regard de leurs pièces justificatives et de leurs qualifications, le jury établit, pour chaque domaine, une liste de réserve comportant les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales, à concurrence du nombre visé de lauréats.

7        Selon la section de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », au titre des conditions particulières d’admission au concours concerné par ledit avis, ce dernier exige un « niveau C1 au minimum (connaissance approfondie) » dans une des langues officielles de l’Union européenne, cette langue étant désignée comme la « langue 1 » du concours (ci-après la « langue 1 »), et un « niveau B2 au minimum (connaissance satisfaisante) » dans une deuxième langue officielle de l’Union, désignée comme la « langue 2 » du concours (ci-après la « langue 2 »), à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais, le français et l’italien, étant précisé que celle-ci doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que « langue 1 ».

8        Dans la même section de l’avis attaqué, il est indiqué que les candidats seront appelés à utiliser leur langue 1 pour les tests de type QCM sur ordinateur et leur langue 2 pour la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », pour les épreuves du centre d’évaluation ainsi que dans le cadre de leurs échanges avec l’EPSO.

9        Il y est, par ailleurs, précisé ce qui suit :

« Les lauréats recrutés pour [les] domaines particuliers [du concours] doivent avoir une connaissance satisfaisante (niveau B2 minimum) de l’allemand, de l’anglais, du français ou de l’italien. Si la connaissance d’autres langues peut être un atout, les services de la Commission concernés ont recours à un nombre limité de langues pour leurs travaux d’analyse, leur communication interne et la rédaction de décisions, de rapports et d’autres documents. Ces services sont en relation constante avec les États membres, des parties prenantes externes et les principales institutions compétentes dans les domaines concernés (comme la [Banque centrale européenne (BCE)], la [Banque européenne d’investissement (BEI)] ou [l’Autorité bancaire européenne (ABE)]) basées, pour l’essentiel, en Belgique, au Luxembourg, en France et en Allemagne.

Plus précisément, les activités qui relèvent des domaines de l’économie, de la finance et de la concurrence supposent des contacts fréquents avec les États membres (par exemple, dans le cadre du semestre européen), le secteur des services financiers et du marché des capitaux, ainsi qu’avec des acteurs économiques, dont des entreprises des secteurs bancaire, financier, des assurances ou de la production industrielle (par exemple, dans le cadre de l’application du droit de la concurrence de l’Union européenne, notamment lors des inspections sur place).

Ce choix est dicté par l’intérêt du service, dans la mesure où il est avéré que les langues susmentionnées sont les plus couramment utilisées dans ces domaines. Certaines de ces langues sont particulièrement utiles pour certains domaines de la concurrence ; par conséquent, seuls les candidats ayant une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais, du français ou de l’italien en plus de leur langue 1 seraient immédiatement opérationnels. »

10      S’agissant plus spécifiquement de la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », qui doit, selon l’avis attaqué, être remplie dans la langue 2 choisie par les candidats, il est indiqué ce qui suit :

« Vous pouvez choisir l’une des 24 langues officielles de l’Union européenne pour remplir votre acte de candidature, à l’exception de la rubrique […] “Evaluateur de talent” qui doit être remplie dans votre langue 2, et ce pour les raisons suivantes : la rubrique […] “Évaluateur de talent” fait l’objet d’une appréciation comparative par le jury ; elle sert de document de référence au jury pendant l’entretien relatif au domaine lors du centre d’évaluation et est utilisée à des fins de recrutement lorsqu’un candidat est retenu. C’est donc dans l’intérêt du service et des candidats que ces derniers sont invités à compléter la rubrique […] “Évaluateur de talent” dans leur langue 2. »

11      Il ressort, enfin, de l’annexe III de l’avis attaqué que les procédures de réexamen et de réclamation relatives au déroulement du concours doivent être introduites dans la langue 2 choisie par les candidats (voir JO 2019, C 191 A, p. 27 à 29).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2019, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

14      La Commission a déposé le mémoire en défense le 23 octobre 2019.

15      Le 9 décembre 2019, le Royaume d’Espagne a déposé la réplique.

16      Le 22 janvier 2020, la Commission a déposé la duplique.

17      Le 19 février 2020, le Royaume d’Espagne a demandé la tenue d’une audience.

18      Les parties ayant été interrogées à cet effet par le Tribunal le 18 septembre 2020, le 5 octobre 2020, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑355/18 aux fins de la phase orale de la procédure.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 décembre 2020. 

20      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

22      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des articles 1er et 2 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 »), de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), le deuxième, de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et des articles 27 et 28, sous f), du statut, ainsi que, à titre subsidiaire, d’un défaut de motivation, le troisième, d’une discrimination fondée sur la langue prohibée par l’article 1er du règlement no 1, par l’article 22 de la Charte, par l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et les articles 27 et 28, sous f), du statut et, le quatrième, de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, ainsi que des articles 27 et 28, sous f), du statut, en raison d’une discrimination fondée sur la nationalité et sur la langue « parlée » (à savoir la langue principale d’un candidat, qui peut être soit sa langue maternelle, soit la langue habituellement ou principalement parlée par lui).

 Sur l’objet et la portée du présent recours

23      Le Royaume d’Espagne met en cause la légalité de l’avis attaqué sur deux plans. D’une part, par ses deuxième et troisième moyens, il conteste la limitation imposée par l’avis attaqué quant au choix de la langue 2 du concours en cause parmi l’allemand, l’anglais, le français et l’italien (ci-après la « limitation litigieuse »). D’autre part, le Royaume d’Espagne conteste, en particulier, par son premier moyen, les règles posées dans l’avis attaqué selon lesquelles les candidats doivent utiliser la langue 2 pour rédiger la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent » et pour communiquer avec l’EPSO (ci-après la « première obligation litigieuse ») ainsi que, par son quatrième moyen, les règles établies par l’avis attaqué en vertu desquelles les candidats sont tenus d’utiliser la langue 2 dans le cadre de certaines épreuves prévues par cet avis (ci-après la « seconde obligation litigieuse »).

24      La Commission fait valoir que, au vu de la jurisprudence, l’ensemble des moyens invoqués par le Royaume d’Espagne doivent être examinés uniquement au regard de l’article 1er quinquies du statut. Elle considère, par ailleurs, que les deuxième et troisième moyens, mais également le premier moyen, sont intrinsèquement liés, dans la mesure où, par ceux-ci, le Royaume d’Espagne contesterait le même fait, à savoir la limitation litigieuse. En effet, selon la Commission, la légalité du régime des communications entre l’EPSO et les candidats est corrélée à la légalité de la limitation litigieuse. Elle répond, ainsi, dans ses écritures, de manière conjointe aux trois premiers moyens invoqués par le Royaume d’Espagne. En outre, dans la duplique, elle fait valoir que l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne dans le cadre de son quatrième moyen repose, en réalité, également sur les mêmes prémisses que les trois premiers moyens.

25      Avant d’examiner les différents aspects de l’avis attaqué contestés par le Royaume d’Espagne, il convient de rappeler le cadre législatif et jurisprudentiel dans lequel se situe la présente affaire.

 Le cadre législatif et jurisprudentiel

26      L’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

27      Ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement no 1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs.

28      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue.

29      En outre, l’article 28, sous f), du statut dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 85 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 55 et jurisprudence citée].

30      De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union », et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article, qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».

31      Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la deuxième langue d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 86 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 56 et jurisprudence citée].

32      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que la limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, déterminées à l’article 1er du règlement no 1, constitue une discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est, en effet, évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 91 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 57 et jurisprudence citée].

33      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, son paragraphe 6, première phrase, prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

34      Par ailleurs, selon la jurisprudence, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93 et jurisprudence citée).

35      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

36      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que celui concerné par l’avis attaqué, dès lors que seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières, et, partant, si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ces concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

37      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

38      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner l’ensemble des moyens présentés par le Royaume d’Espagne.

 En ce qui concerne la limitation litigieuse

39      Le présent recours vise, en premier lieu, la limitation litigieuse, qui restreint le choix de la langue 2 du concours qu’il régit à l’allemand, à l’anglais, au français et à l’italien. Selon l’avis attaqué, trois raisons expliquent que seuls les candidats disposant d’une connaissance satisfaisante de l’une de ces quatre langues seraient susceptibles d’être immédiatement opérationnels dès leur recrutement (voir point 9 ci-dessus). Premièrement, les services de la Commission concernés par le concours en cause « ont recours à un nombre limité de langues pour leurs travaux d’analyse, leur communication interne et la rédaction de décisions, de rapports et d’autres documents ». Deuxièmement, ces services seraient « en relation constante avec les États membres, des parties prenantes externes et les principales institutions compétentes dans les domaines concernés […], basées, pour l’essentiel, en Belgique, au Luxembourg, en France et en Allemagne ». En ce qui concerne, « plus précisément », l’utilisation de ces langues dans les relations qu’entretiennent les services concernés par l’avis attaqué avec des opérateurs externes, il est indiqué que « les activités qui relèvent des domaines de l’économie, de la finance et de la concurrence supposent des contacts fréquents avec les États membres […], le secteur des services financiers et du marché des capitaux […] ainsi qu’avec des acteurs économiques, dont des entreprises du secteur bancaire, financier, des assurances ou de la production industrielle (par exemple, dans le cadre de l’application du droit de la concurrence de l’Union […], notamment lors des inspections sur place) ». Enfin, troisièmement, l’avis attaqué indique que lesdites langues « sont les plus couramment utilisées dans ces domaines » et que « [c]ertaines de ces langues sont particulièrement utiles pour certains domaines de la concurrence ».

40      Partant, le Tribunal doit se prononcer, à la lumière de l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne, sur la question de savoir si, en limitant le choix de la langue 2 du concours concerné par l’avis attaqué à l’allemand, à l’anglais, au français et à l’italien, l’EPSO a violé l’article 1er quinquies du statut en instaurant une différence de traitement non justifiée.

41      À cet égard, au vu de la nature et de la portée des arguments avancés par le Royaume d’Espagne dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, ces derniers doivent être examinés ensemble.

 En ce qui concerne la première obligation litigieuse

42      Par le présent recours, le Royaume d’Espagne remet en cause, en deuxième lieu, la première obligation litigieuse, laquelle impose aux candidats, une fois effectué leur choix quant à la langue 2 pour le concours en cause, non seulement de compléter la partie de leur acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent » dans cette langue, mais également de l’utiliser dans leurs échanges avec l’EPSO (voir point 8 ci-dessus).

43      L’avis attaqué comporte une motivation séparée s’agissant de l’obligation imposée aux candidats d’utiliser la langue 2 du concours pour remplir la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent ». Ainsi, il y est précisé que cette partie de l’acte de candidature « fait l’objet d’une appréciation comparative par le jury ; elle sert de document de référence [à celui-ci] pendant l’entretien relatif au domaine lors du centre d’évaluation et est utilisée à des fins de recrutement lorsqu’un candidat est retenu ». Ainsi, cette obligation serait imposée « dans l’intérêt du service et des candidats » (voir point 10 ci-dessus).

44      À cet égard, force est de constater que, tout en présupposant une limitation telle que la limitation litigieuse, cet extrait de l’avis attaqué ne fournit aucun élément permettant au Tribunal de juger de son caractère justifié en ce qui concerne les langues proposées aux candidats ou leur nombre.

45      En effet, la première obligation litigieuse, qui impose aux candidats de remplir une partie de l’acte de candidature dans la langue 2 du concours en cause et d’utiliser cette langue dans leurs échanges avec l’EPSO, est fondée sur la prémisse selon laquelle la connaissance d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 constitue un critère valable pour la sélection de candidats susceptibles d’être immédiatement opérationnels dans le cadre du concours en cause. Ainsi, les motifs invoqués à cet égard, qui pourraient être énoncés indépendamment de la limitation des langues parmi lesquelles le choix des candidats pour la langue 2 du concours devrait être effectué, constituent des motifs secondaires et corrélés aux motifs principaux justifiant la limitation litigieuse. Il s’ensuit que le Tribunal ne devra examiner ces motifs secondaires justifiant l’utilisation de la langue 2 du concours en cause au regard du premier moyen invoqué par le Royaume d’Espagne que s’il conclut que la limitation litigieuse est, en elle-même, justifiée.

46      Il y a lieu, en outre, de constater que l’avis attaqué ne contient aucune motivation spécifique quant à l’obligation des candidats de communiquer avec l’EPSO dans la langue 2 du concours en cause.

47      Il convient, à cet égard, de rappeler qu’il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général du droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation n’y soit autorisée, d’utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

48      En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article 1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).

49      À cet égard, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la langue 2 d’un concours organisé par l’EPSO à un nombre restreint de langues officielles, et ce même dans le cadre des concours ayant une nature générale et y compris pour ce qui est de la langue des communications entre les candidats et l’EPSO, une telle limitation doit, néanmoins, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats aux concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que l’obligation imposée aux candidats au concours concerné par l’avis attaqué de communiquer avec l’EPSO dans la langue 2 du concours est corrélée à la limitation litigieuse, relative au choix de cette langue, et que ladite obligation est, en réalité, imposée pour les mêmes raisons que l’est la limitation litigieuse, à savoir dans l’objectif de sélectionner des lauréats qui puissent être immédiatement opérationnels. Il ne saurait, dès lors, être considéré que l’avis attaqué est entaché, à cet égard, d’un défaut de motivation. Par ailleurs, rien ne permet de déduire de la jurisprudence que la justification fournie dans un avis de concours tel que l’avis attaqué concernant le régime des communications entre les candidats et l’EPSO devrait être distincte des motifs justifiant le régime linguistique du concours en cause en général.

51      Partant, eu égard à ce qui a été exposé au point 45 ci-dessus, le Tribunal ne devra examiner l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne, s’agissant du régime de communications en question, dans le cadre de son premier moyen que s’il aboutit à la conclusion que la limitation litigieuse est en elle-même justifiée.

 En ce qui concerne la seconde obligation litigieuse

52      Enfin, le présent recours vise, en troisième et dernier lieu, la seconde obligation litigieuse, laquelle impose aux candidats au concours concerné par l’avis attaqué de passer certaines des épreuves prévues dans cet avis dans la langue 2 dudit concours.

53      Force est de constater que l’avis attaqué ne contient aucune motivation spécifique justifiant cette obligation. Il convient, toutefois, de déduire dudit avis que les motifs y invoqués pour justifier l’obligation des candidats de rédiger la partie de leur acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent » dans la langue 2 sont également valables en ce qui concerne la seconde obligation litigieuse.

54      En effet, la seconde obligation litigieuse est justifiée par la nature comparative de l’appréciation que le jury sera amené à effectuer, de sorte qu’elle serait imposée « dans l’intérêt du service et des candidats » (voir point 43 ci-dessus).

55      Partant, cette obligation repose également sur la prémisse selon laquelle la connaissance d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 constitue un critère valable pour la sélection de lauréats susceptibles d’être immédiatement opérationnels dans le cadre du concours en cause. Ainsi, les motifs mentionnés au point 54 ci-dessus ne devront être examinés par le Tribunal, au regard des arguments présentés par le Royaume d’Espagne dans le cadre de son quatrième moyen, que s’il considère que cette prémisse est fondée (voir points 45 et 51 ci-dessus).

56      Partant, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’examiner en premier lieu et conjointement les deuxième et troisième moyens, relatifs à la limitation litigieuse.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte ainsi que des articles 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, 27 et 28, sous f), du statut

57      Afin de répondre à l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, il y a lieu d’examiner si la limitation litigieuse est, d’abord, objectivement justifiée et, ensuite, proportionnée aux besoins réels du service au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.

58      Ainsi qu’il ressort de l’avis attaqué, l’objectif poursuivi par la limitation litigieuse est le besoin de disposer, au terme de la procédure de sélection en cause, de lauréats immédiatement opérationnels. Tel serait le cas des lauréats disposant d’une connaissance d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour trois raisons. Premièrement, les services de la Commission concernés par la procédure de sélection en cause auraient recours à un nombre limité de langues dans leur travail au quotidien. Deuxièmement, ces services seraient en relation constante non seulement avec les États membres et des opérateurs privés, mais également avec « les principales institutions compétentes dans les domaines concernés (comme la BCE, la BEI ou l’ABE) basées, pour l’essentiel, en Belgique, au Luxembourg, en France et en Allemagne ». Enfin, troisièmement, les quatre langues susmentionnées seraient les plus couramment utilisées dans les domaines concernés par le concours en cause et « [c]ertaines de ces langues [seraient] particulièrement utiles pour certains domaines de la concurrence ».

59      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la requête, le Royaume d’Espagne fait valoir, à titre subsidiaire, que la limitation litigieuse ne repose pas sur des critères clairs, objectifs et prévisibles, au sens de la jurisprudence, permettant aux candidats d’en comprendre les motifs et au juge de l’Union d’en contrôler la légalité.

60      Dans la mesure où le Royaume d’Espagne invoque ainsi, en substance, un défaut de motivation de l’avis attaqué s’agissant du régime linguistique du concours en cause, il y a lieu de constater qu’il ressort de manière évidente du point 58 ci-dessus qu’un tel grief doit être écarté. En effet, indépendamment de leur bien-fondé, les motifs censés justifier la limitation litigieuse ressortent clairement de l’avis attaqué et il ne saurait être considéré qu’ils ne permettent pas aux candidats d’en comprendre la portée et au juge de l’Union d’en contrôler la légalité.

61      Avant d’examiner les raisons pour lesquelles les lauréats du concours en cause doivent, selon l’avis attaqué, connaître une des quatre langues susmentionnées afin de pouvoir être considérés comme étant immédiatement opérationnels à la lumière des éléments fournis à cet égard par la Commission, il y a lieu de répondre à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels ne constituerait pas un objectif légitime susceptible de justifier la limitation litigieuse.

 Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

62      Le Royaume d’Espagne considère que l’intérêt du service qui consisterait à disposer de lauréats immédiatement opérationnels ne constitue pas un objectif légitime, dans la mesure où il ne serait pas apte à faciliter la sélection de fonctionnaires qui possèdent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, lesquelles seraient indépendantes des connaissances linguistiques des candidats.

63      La Commission réfute cette argumentation. Elle fait valoir, à cet égard, que la capacité de s’intégrer rapidement au sein de ses services est particulièrement essentielle s’agissant de concours destinés à sélectionner des spécialistes, comme en l’espèce, étant donné que, pour exploiter leurs qualités professionnelles, ils doivent être capables de travailler dans une des langues véhiculaires de la Commission.

64      Selon la jurisprudence, une limitation telle que la limitation litigieuse doit répondre à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89). L’intérêt du service peut, par ailleurs, constituer un objectif légitime susceptible d’être pris en considération dans un cas comme celui de l’espèce (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 88).

65      Or, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire de l’avis de concours y afférent, il existe bien un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection telle que la procédure de sélection en cause puissent être immédiatement opérationnelles et, ainsi, capables d’assumer rapidement les fonctions que lesdites institutions ont l’intention de leur confier (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 91 et jurisprudence citée).

66      À cet égard, même à supposer qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, d’une part, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir et, d’autre part, d’échanger avec les collaborateurs et les correspondants externes des services en cause. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière (arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 96). Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel ces personnes vont être intégrées.

67      Par ailleurs, force est de constater que la capacité des lauréats d’un concours tel que le concours en cause à être immédiatement opérationnels ne fait pas obstacle à ce qu’ils disposent des qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir point 30 ci-dessus), ces capacité et qualités n’étant en aucun cas antinomiques.

68      Certes, la Cour a jugé que, bien que les connaissances linguistiques des candidats puissent, voire doivent, faire l’objet d’une évaluation lors d’une procédure de concours, afin que les institutions s’assurent que lesdits candidats possèdent les connaissances requises par l’article 28, sous f), du statut, cette évaluation poursuit un objectif indépendant de celle visant la détermination des « plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité », au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. Ainsi, les connaissances linguistiques ne sauraient être assimilées aux « compétences » au sens de cette dernière disposition (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 82).

69      En l’espèce, les connaissances linguistiques des candidats ne constituent qu’un parmi les nombreux critères pris en considération dans le cadre de la procédure de sélection en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des conditions particulières énoncées dans l’avis attaqué, les candidats doivent disposer de diplômes sanctionnant des cycles complets d’études universitaires dans les domaines concernés ainsi que d’une expérience professionnelle de plusieurs années en rapport direct avec la nature des fonctions (JO 2019, C 191 A, p. 6 et 7) concernées. Ils doivent, par ailleurs, dans la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », apporter des réponses à des questions relatives aux critères de sélection figurant dans l’annexe II de l’avis attaqué (JO 2019, C 191 A, p. 7).

70      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement telle que celle résultant de la limitation litigieuse doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

71      Ainsi, la Cour a jugé que, dans la mesure où l’objectif de recruter des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux, il appartient aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et l’objectif d’identifier les candidats ayant les plus hautes qualités de compétence. Il en va de même s’agissant de la mise en balance de l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et des possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, points 94 et 97).

72      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que l’examen de la mise en balance des différents objectifs et possibilités mentionnés au point 71 ci-dessus dans le cadre de la procédure de sélection litigieuse, remise en cause par le Royaume d’Espagne (voir points 71 à 80 de la requête), relève, en réalité, de la question de savoir si la limitation litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué. Or, ce contrôle et l’examen des arguments y afférents présentés par le Royaume d’Espagne ne peuvent être effectués qu’après avoir examiné si la limitation litigieuse est apte à réaliser cet objectif (voir point 70 ci-dessus).

73      Partant, il convient, dans un premier temps et à la lumière des arguments présentés par le Royaume d’Espagne, de se pencher sur la question de savoir si l’avis attaqué et les éléments de preuve produits par la Commission permettent d’établir, objectivement, l’existence d’un tel intérêt du service susceptible de justifier la limitation litigieuse (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 95). Plus spécifiquement, il convient d’examiner les raisons pour lesquelles, selon l’avis attaqué et à la lumière des éléments fournis par la Commission, la connaissance d’une des quatre langues proposées dans celui-ci permettrait aux lauréats du concours concerné de devenir des fonctionnaires immédiatement opérationnels une fois recrutés.

74      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 14 de la réplique, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’aucune des raisons invoquées dans le mémoire en défense pour justifier la limitation litigieuse n’a été mentionnée dans l’avis attaqué. Toutefois, cette allégation est dénuée de pertinence. En effet, il suffit de constater à cet égard que l’ensemble des circonstances évoquées par le Royaume d’Espagne au point 13 de la réplique, à savoir l’utilisation des quatre langues susmentionnées dans le travail au quotidien des services concernés par l’avis attaqué ainsi que l’utilisation de ces quatre langues dans les différents domaines visés par le concours en cause, sont effectivement liées à la motivation figurant dans cet avis (voir point 58 ci-dessus).

 En ce qui concerne les langues utilisées par les services de la Commission concernés

75      Le Royaume d’Espagne affirme que les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours en cause ne sont pas les seules langues de travail des services concernés par ce concours. En invoquant l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), il soutient, plus précisément, que rien n’indique qu’un lauréat ayant une maîtrise satisfaisante d’une langue officielle autre que les quatre langues susmentionnées ne serait pas également immédiatement opérationnel.

76      En réponse à cette argumentation, la Commission produit plusieurs documents visant à démontrer la pratique interne des services concernés par le concours en cause en matière linguistique et les connaissances linguistiques du personnel de ces services.

–       Sur les annexes B.1 à B.3

77      S’agissant de l’allemand, de l’anglais et du français, la Commission fait valoir qu’elle a adopté des règles internes prévoyant un régime linguistique, dans le cadre de l’exercice de l’autonomie accordée aux institutions au titre des articles 335 et 336 TFUE.

78      En premier lieu, elle produit la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de cette institution (annexe B.1), ainsi qu’un extrait du procès-verbal de la mille-cinq-cent-deuxième réunion de la Commission, du 29 novembre 2000, établi le 6 décembre 2000 sous la référence PV(2002) 1502, portant approbation, par le collège des membres, de cette communication (annexe B.2). La Commission souligne que, au point 2.2, paragraphe 3, de cette dernière, il est indiqué que les documents dont l’adoption est prévue par voie de procédure écrite font l’objet d’une diffusion interne dans les trois langues de travail de la Commission.

79      En deuxième lieu, la Commission produit un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », qu’elle qualifie de « règles arrêtées par habilitation par le président de la Commission, relatives à l’adoption des décisions de la Commission par voie de procédure orale, de procédure écrite et par habilitation » (annexe B.3), adopté sur le fondement des modalités d’application de son règlement intérieur. L’habilitation octroyée à cet égard à son président aurait été prévue dans l’objectif d’établir « des exigences minimales de compréhension et de communication du collège ».

80      Ces règles internes auraient une influence sur les langues utilisées au sein de la Commission en tant que langues de communication interne, en particulier dans la gestion des consultations interservices. La Commission fournit, à cet égard, des éléments concernant les connaissances linguistiques des membres de son personnel, en annexes B.4 et B.5.

81      Enfin, en troisième lieu, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, la Commission a produit certains documents relatifs à la mise en œuvre des « règles » contenues dans le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » ainsi que, en tant qu’annexe R.3, sa communication SEC(2006) 1489 final, du 20 décembre 2006, relative à « la traduction à la Commission », assortie d’un document exposant les « règles de traduction après 2006 ». Cette communication aurait été adoptée lors de la réunion du collège des membres de la Commission du 20 décembre 2006, dont elle a également produit le procès-verbal (annexe R.4).

82      Il convient de relever, tout d’abord, que, en ce qui concerne la communication SEC(2000) 2071/16, la Commission se réfère au point 2.2, paragraphe 3, de ce texte, limitant, selon elle, le nombre des « langues de travail » de ses services à trois, à savoir l’allemand, l’anglais et le français. Partant, les éléments de preuve examinés ci-après ne sont pas pertinents en ce qui concerne l’inclusion de l’italien parmi les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2.

83      Ensuite, il y a lieu de constater que l’objet de la communication SEC(2000) 2071/16 consiste, en substance, à évaluer les différents types de procédure de prise de décision par le collège des membres de la Commission, tels qu’ils étaient prévus par son règlement intérieur dans sa version en vigueur au moment où ladite communication a été émise, et à en proposer la simplification. C’est dans un tel contexte et en se référant à un type précis de procédure, à savoir la procédure écrite, que le point 2.2 de cette communication indique que « les documents doivent être diffusés dans les trois langues de travail de la Commission », sans, par ailleurs, les nommer. Or, ce seul passage, quand bien même il comporte l’expression « langues de travail », ne suffit pas pour établir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues effectivement utilisées par tous les services de la Commission dans leur travail au quotidien (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 113).

84      Certes, la Commission fait valoir que, bien que limitées au collège, ces règles auraient des incidences sur l’ensemble de ses services (voir point 80 ci-dessus). Les éléments qu’elle présente à l’appui de cette affirmation seront examinés par la suite.

85      En outre, la portée de la référence aux « langues de travail » de la Commission doit être nuancée eu égard à d’autres passages de cette communication.

86      Ainsi, d’une part, il résulte du point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 que, dans le cadre de la procédure par habilitation, par laquelle la Commission peut habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des décisions en son nom et sous sa responsabilité, le texte de la décision à adopter est « présenté dans une seule langue de travail et/ou dans sa version qui fait foi ».

87      D’autre part, le point 5.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 met en évidence le rôle de la direction générale (DG) « Traduction » de la Commission, qui est « pleinement impliqué[e] dans le processus » décisionnel. Il y est, notamment, précisé qu’« une des causes majeures de retard dans le lancement ou l’achèvement des procédures écrites et des procédures par habilitation est l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes linguistes », raison pour laquelle une transmission à temps des documents concernés à la DG « Traduction » paraissait indispensable.

88      Partant, la communication SEC(2000) 2071/6 ne permet pas de tirer des conclusions utiles quant à l’utilisation effective de l’allemand, de l’anglais et du français dans le travail quotidien des services de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 117), et encore moins dans le cadre de l’exercice des fonctions visées dans l’avis attaqué.

89      Compte tenu de ce qui précède, il convient de relever que, ainsi que l’indique, en substance, le Royaume d’Espagne, les documents produits en annexes B.1 et B.2 ne sauraient s’analyser comme comportant des modalités d’application du régime linguistique général établi par le règlement no 1, au sens de l’article 6 de ce dernier. Ainsi que la Commission l’a elle-même confirmé dans la duplique, ces documents ne font que refléter une pratique administrative établie en son sein, consistant à utiliser l’allemand, l’anglais et le français comme langues dans lesquelles les documents doivent être rendus disponibles pour être soumis à l’approbation du collège de ses membres. De manière générale, même à admettre, comme le soutient la Commission, que ces règles constituent des règles obligatoires pour ses services, il ne ressort pas du dossier de la présente affaire qu’il existait, au moment de la publication de l’avis attaqué, une décision de la Commission fixant les règles concernant la langue ou les langues de travail en son sein.

90      Cette constatation ne saurait être remise en cause par le document produit par la Commission en annexe B.3, intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » (voir point 79 ci-dessus).

91      Ce document fait référence, notamment, à l’utilisation de « langues procédurales », notion qui devrait être comprise comme désignant les langues qui servent à la compréhension du contenu d’un projet d’acte en vue de son adoption par le collège des membres de la Commission ou, le cas échéant, par un organe délégué. Il résulte dudit document que les « langues procédurales » sont l’allemand, l’anglais et le français et que leur utilisation varie selon le type de procédure d’adoption d’acte.

92      Ainsi, en ce qui concerne les procédures orales et écrites, ce document indique qu’un projet d’acte et ses annexes éventuelles sont soumis aux membres de la Commission dans les trois langues procédurales ainsi que, le cas échéant, dans la ou les langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de l’acte concerné. Il y est également précisé que, à la suite de l’adoption d’un tel acte, les versions de celui-ci dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

93      S’agissant des procédures d’adoption d’acte par habilitation ou délégation, il résulte dudit document que l’organe délégué peut accepter d’adopter un acte sur la base d’une seule langue procédurale, mais que, le cas échéant, la ou les versions de celui-ci dans la ou les autres langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de cet acte doivent également être rendues disponibles. En outre, de même que pour les procédures orales et écrites, le document en question énonce que les versions dudit acte dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

94      Par ailleurs, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » prévoit que le président de la Commission peut, dans certaines conditions, accorder, ponctuellement ou à titre permanent, des dérogations quant au nombre de langues procédurales devant être utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption ou à la fois pour le lancement d’une telle procédure et pour l’adoption de l’acte concerné.

95      En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » précise que celles-ci peuvent être accordées, dans une pluralité de domaines, pour certains dossiers récurrents par des notes officielles émanant du secrétaire général ou du cabinet du président de la Commission.

96      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressée, la Commission a précisé que le document produit en annexe B.3 était extrait du « Manuel des procédures opérationnelles », à savoir un guide électronique interne élaboré par les services de son secrétaire général et ayant pour objet, notamment, de codifier la pratique administrative susmentionnée. S’agissant de la date d’adoption et de l’application dans le temps de ce guide, la Commission s’est bornée à se référer à la note SEC(2003) 153 de son secrétaire général à l’attention des directeurs généraux et des chefs de service, du 11 février 2003, relative à la mise à jour dudit guide et à sa diffusion sur son site Intranet.

97      Or, à supposer même que la version du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » produite par la Commission en annexe au mémoire en défense fût bien celle existante à la date de la publication de l’avis attaqué, un document extrait du « Manuel des procédures opérationnelles » ne saurait s’analyser comme une décision du président de cette institution de fixer les langues de présentation des documents soumis au collège de ses membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 134). Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce document a été formellement approuvé par le président de la Commission, et encore moins par le collège de ses membres.

98      En outre, force est de constater que ce document, lu à la lumière des modalités d’application du règlement intérieur de la Commission, que celle-ci a produites en annexe à ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées, est loin d’indiquer une utilisation exclusive des trois langues « procédurales » dans les procédures qu’il vise.

99      En effet, d’une part, il résulte dudit document que, certes, le lancement d’une procédure d’adoption d’acte nécessite, en règle générale et sans préjudice de la possibilité d’utiliser une seule langue dans les procédures d’habilitation et de délégation, la présentation du projet d’acte dans les trois langues procédurales. Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce projet peut ou doit, selon les exigences découlant de la nature de l’acte concerné, rendre nécessaire la disponibilité de l’acte concerné également dans une ou plusieurs autres versions linguistiques, voire, lorsque l’acte en question est destiné à être publié au Journal officiel ou à être transmis à d’autres institutions, dans toutes les langues officielles de l’Union. D’autre part, ainsi qu’il ressort également de ce document, des dérogations sont possibles quant au nombre de langues procédurales utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption, voire aussi pour l’adoption d’un projet d’acte (voir point 94 ci-dessus).

100    En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes dont il est question au point 94 ci-dessus, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » indique que, par exemple, les décisions individuelles en matière d’aides d’État sont établies dans l’une des langues procédurales, « généralement l’anglais et le français ». Ainsi que la Commission l’a précisé dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées, de telles dérogations autorisent l’utilisation d’une seule des trois langues procédurales sans préciser laquelle, ou « l’utilisation de l’anglais uniquement », ou « prévoient la possibilité d’utiliser l’anglais ou le français ».

101    En tout état de cause, de même qu’en ce qui concerne les documents produits en annexes B.1 et B.2 (voir point 78, 88 et 89 ci-dessus), il ne ressort pas du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » qu’il existe un lien spécifique entre le travail des services de la Commission et les procédures décisionnelles dont le déroulement ledit document semble encadrer. Partant, ces documents ne sauraient être considérés comme justifiant la limitation litigieuse.

102    En effet, à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté qui ne maîtrise aucune de ces langues ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile au sein de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 137 et jurisprudence citée). Ainsi, la Commission aurait dû, en l’espèce, établir en quoi chacune des langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours en cause présenterait une utilité particulière pour l’exercice des fonctions visées dans cet avis (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 77).

103    Il ne ressort pas non plus des documents produits par la Commission que l’ensemble des trois langues qualifiées de « langues procédurales » soient effectivement utilisées par ses services, dans leur travail au quotidien. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 87 ci-dessus, le service de traduction de la Commission est « pleinement » impliqué dans le processus décisionnel. Le document produit en annexe B.1 fait également mention des délais nécessaires pour l’obtention des traductions ainsi que de la nécessité d’une transmission à temps des documents concernés au service de traduction. Il s’ensuit que c’est non pas le service matériellement responsable de la rédaction d’un document, mais bien la DG « Traduction », qui établit les versions de ce document dans les « langues procédurales » nécessaires en vue de leur transmission au collège des membres, le service responsable de l’élaboration de ce document se limitant à une tâche de vérification du texte traduit. Il est, en effet, difficilement envisageable qu’un service de la Commission puisse exiger de chaque membre de son personnel de fournir trois versions linguistiques des documents à soumettre pour adoption au collège.

104    Enfin, dans la mesure où aucun fonctionnaire n’est tenu d’avoir une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues ici concernées parmi les quatre langues proposées par l’avis attaqué pour le choix de la langue 2, il est tout aussi difficilement envisageable que la mission d’établir un projet d’acte dans les versions linguistiques requises pour sa transmission au collège soit simultanément répartie entre un nombre correspondant de fonctionnaires relevant du service responsable pour la rédaction de ce projet. Cela devient encore plus difficile à envisager dans la mesure où il n’existe aucune garantie qu’il y ait, au sein de chaque service, des fonctionnaires disposant d’une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues concernées.

105    Eu égard à l’analyse qui précède, il y a lieu de constater que les documents produits par la Commission en annexes B.1 à B.3 ne sauraient être considérés comme étant de nature à démontrer que la limitation du choix de la langue 2 du concours concerné par l’avis attaqué soit apte à répondre à des besoins réels du service, à savoir un intérêt du service à ce que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles.

106    L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission tire de la communication SEC(2006) 1489 final (voir annexe R.3, point 81 ci-dessus). Selon la Commission, il résulte de cette communication, en particulier de son annexe intitulée « Règles de traduction après 2006 », que, s’agissant de certains documents à usage interne, seule une traduction en anglais, en français et en allemand serait exigée, en sus d’une éventuelle langue faisant foi.

107    Il convient, à cet égard, de relever que le contenu de la communication SEC(2006) 1489 final a pour effet non pas d’infirmer, mais, bien au contraire, de confirmer les appréciations exposées ci-dessus. En effet, les « Règles de traduction après 2006 », présentées en annexe à cette communication, ne mentionnent l’allemand, l’anglais et le français que comme langues cibles dans lesquelles doivent être traduites certaines catégories de documents, sans aucunement en définir la langue source. Par ailleurs, pour la grande majorité des catégories de documents visées par lesdites règles, une traduction dans toutes les langues officielles est prévue, la traduction vers les seules langues allemande, anglaise et française étant, en réalité, l’exception.

108    Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, il convient de considérer que la communication SEC(2006) 1489 final ne présente pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

–       Sur l’annexe B.4

109    L’annexe B.4, à laquelle se réfère la Commission dans le mémoire en défense, comporte six pages de données tirées de son système informatique interne, qui rendent compte des connaissances linguistiques déclarées des fonctionnaires et des agents des services concernés par l’avis attaqué au 1er janvier 2019. Plus spécifiquement, la première page de cette annexe comporte, selon les explications apportées par la Commission dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, des données détaillant les connaissances linguistiques des membres du personnel appartenant aux catégories AD (administrateurs) et GF IV (agents contractuels du groupe de fonctions IV). Dans ses deuxième à sixième pages figurent des données portant sur les connaissances linguistiques desdites personnes en fonction de la DG dont chacune dépend. Par ailleurs, la septième page de cette annexe comporte, ainsi que l’a précisé la Commission dans lesdites réponses, un tableau récapitulatif des données en question qui renseigne sur les six premières langues eu égard aux connaissances linguistiques déclarées, d’une part, par les administrateurs et les agents contractuels du groupe de fonctions IV de ces différents services et, d’autre part, par l’ensemble du personnel affecté à ceux-ci.

110    Au point 25 du mémoire en défense, la Commission indique, sur la base des données susmentionnées, que plus de 90 % du personnel exerçant des fonctions de niveau AD dans les DG concernées par l’avis attaqué parlent l’anglais et plus de 74 % parlent le français alors que, dans la plupart de ces DG, 28 % des fonctionnaires de niveau AD parlent l’allemand, à l’exception de la DG « Budget », où ce pourcentage est de 21,43 %. La Commission précise, par ailleurs, que ces pourcentages sont basés sur les seules données concernant les trois premières langues déclarées par chacun des membres de son personnel, dans la mesure où il est possible de « supposer qu[e,] à partir de la quatrième langue, le niveau de connaissance de la langue diminuera progressivement dans la plupart des cas ».

111    Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, la Commission a précisé que la raison pour laquelle les données concernant les membres du personnel appartenant à la catégorie AST (assistant) n’étaient pas comprises dans les données figurant dans les six premières pages de l’annexe B.4 était que « l’avis attaqué a[vait] pour objet de recruter des fonctionnaires pour exercer [des] fonctions [d’administrateur,] et non pour accomplir des fonctions d’assistant ». En revanche, elle a indiqué qu’ont été reprises dans ces données celles relatives à la catégorie des agents contractuels du groupe de fonctions IV, « car ceux-ci exercent des tâches similaires à celles des fonctionnaires ou agents de niveau AD, ce qui n’est pas le cas du personnel du groupe de fonctions AST ».

112    Lors de l’audience, la Commission a souligné, s’agissant plus spécifiquement de l’allemand, qu’environ un quart des fonctionnaires des DG en question parlent l’allemand et que cette langue est utilisée de façon traditionnelle dans la communication interne. Selon la Commission, si toutes les langues sont utilisées entre collègues, l’allemand l’est plus souvent que d’autres. Il en irait de même pour l’italien.

113    Il y a lieu de constater que, si la date de référence pour lesdites données, à savoir, selon les réponses de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, le 23 octobre 2019, est postérieure à celle de la publication de l’avis attaqué, elle n’en est cependant pas très éloignée. Ainsi, ces données peuvent être regardées comme reflétant, globalement, l’état des connaissances linguistiques du personnel concerné à la date de cette publication. Par conséquent, il convient d’en tenir compte dans l’appréciation du bien-fondé du motif tiré de la nécessité, pour les personnes nouvellement recrutées, d’être immédiatement opérationnelles, tel qu’énoncé dans l’avis attaqué.

114    À cet égard, il ressort du tableau récapitulatif constituant la septième page de l’annexe B.4, mentionné au point 109 ci-dessus, une nette prépondérance de l’anglais et du français par rapport aux autres langues que le personnel des services concernés a déclaré connaître, l’allemand étant la troisième langue la plus connue, avec des pourcentages, toutefois, bien moins importants, suivie, dans l’ordre et en ce qui concerne la plupart de ces services, par l’italien, l’espagnol et le néerlandais.

115    Or, il convient de constater que les données présentées dans ledit tableau récapitulatif, mises en exergue par la Commission dans le mémoire en défense, ne tiennent pas compte du niveau de connaissance de chacune des langues qui y figurent, se limitant à présenter pour chaque langue le nombre total de personnes la « parlant », sans faire de distinction en fonction du niveau de connaissance déclaré. Ainsi, par exemple, s’il est indiqué, dans ce tableau, que 61 personnes affectées au service juridique de la Commission parlent le néerlandais, le niveau de connaissance de cette langue par ces personnes ne saurait en être déduit. Il y a lieu, dès lors, de se pencher de manière plus détaillée sur les données présentées dans les six premières pages de l’annexe B.4. Toutefois, ces données présentent, en tout état de cause, une pertinence réduite dans le cadre de la présente affaire, dans la mesure où, ainsi qu’il a été confirmé par la Commission (voir point 111 ci-dessus), elles ne renseignent pas sur les connaissances linguistiques des membres du personnel appartenant à la catégorie AST. S’il est, certes, vrai que, par l’avis attaqué, la Commission cherche à recruter des membres du personnel appartenant à la catégorie AD, rien ne permet de considérer que les lauréats du concours concerné n’auront à communiquer, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, qu’avec leurs collègues appartenant à cette catégorie.

116    Cela étant précisé, il ressort, plus particulièrement, des données figurant dans la première page de l’annexe B.4 que la première langue déclarée en tant que langue principale par les administrateurs et les agents contractuels du groupe de fonctions IV affectés aux services concernés par l’avis attaqué est l’allemand (253 personnes sur les 1 765 personnes affectées à ces services, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience), suivi par le français (233 personnes), l’anglais (199 personnes), l’italien (184 personnes), le néerlandais (131 personnes) et l’espagnol (122 personnes). Ensuite, pour ce qui de la deuxième langue, 1 216 personnes ont déclaré avoir une connaissance de l’anglais, 372 du français, 66 de l’allemand, 16 de l’espagnol, 13 du néerlandais et 8 de l’italien. Enfin, pour ce qui est de la troisième langue, le français a été déclaré par 774 personnes, l’anglais par 243 personnes, l’allemand par 186 personnes, l’espagnol par 107 personnes, le néerlandais par 69 personnes et l’italien par 50 personnes.

117    Force est de constater, d’emblée, que l’ensemble de ces données ne fait que recenser les connaissances linguistiques du personnel des catégories AD et GF IV affecté aux services concernés par l’avis attaqué. Par conséquent, elles ne permettent ni à elles seules ni en combinaison avec les documents examinés aux points 77 à 108 ci-dessus d’établir quelles sont la ou les langues effectivement utilisées par les services concernés dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué. Ainsi, ces données ne sont, a priori, pas susceptibles d’établir que la limitation litigieuse est apte à atteindre l’objectif légitime poursuivi, à savoir la sélection de lauréats susceptibles d’être immédiatement opérationnels lors de leur recrutement. Les affirmations formulées par la Commission lors de l’audience concernant les éventuelles langues de communication entre collègues (voir point 112 ci-dessus) ne sauraient infirmer ces constatations. En effet, la langue dans laquelle sont susceptibles d’échanger les personnes affectées à un même service dépend, certes, des connaissances linguistiques de ces personnes. Toutefois, le fait que plusieurs collègues soient susceptibles d’échanger dans une langue qui leur est commune ne signifie aucunement que ces personnes seront amenées à travailler et à communiquer avec leur hiérarchie ou avec leurs autres collègues dans cette même langue.

118    En tout état de cause, même à suivre la logique de la Commission et, donc, à admettre la pertinence des données visées au point 116 ci-dessus dans le cadre du présent litige, la conclusion exposée au point 117 ci-dessus ne saurait être remise en cause.

119    D’une part, s’agissant des données relatives à la troisième langue déclarée par les membres du personnel concernés par l’annexe B.4, elles ne sauraient être prises en compte. En effet, conformément à l’article 28, sous f), du statut, seule la connaissance de deux langues officielles est exigée pour le recrutement des fonctionnaires de l’Union. Par ailleurs, il résulte de l’article 45, paragraphe 2, du statut que la capacité à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à la première promotion après le recrutement d’un fonctionnaire. Or, en l’occurrence, il ne ressort nullement de l’annexe B.4 que l’ensemble des membres du personnel concernés ont déjà fait preuve d’une telle capacité ou bien que ces personnes ont obtenu leur première promotion. Qui plus est, ladite annexe concerne non pas seulement les fonctionnaires, mais également les agents temporaires et contractuels, alors que ces derniers ne sont pas soumis au même régime de promotion que celui prévu par le statut pour les fonctionnaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 58). À cet égard, certes, la Commission « suppose » que ce n’est qu’à partir de la quatrième langue déclarée que le niveau de connaissance de la langue diminuera progressivement « dans la plupart des cas » (voir point 110 ci-dessus), mais cette affirmation relève, ainsi que la Commission l’admet elle-même, d’une simple hypothèse et n’est fondée sur aucun élément concret.

120    Lors de l’audience, la Commission a indiqué, à propos des données concernant la troisième langue déclarée par les personnes concernées, que la plupart de ces personnes sont des fonctionnaires et que, en tout état de cause, tenir compte des autres catégories d’agents ou bien des fonctionnaires qui n’ont pas encore obtenu leur première promotion ne changerait pas de façon significative les données fournies. Toutefois, aucun élément du dossier ne vient au soutien de ces affirmations.

121    D’autre part, en ce qui concerne les données portant sur les langues déclarées en tant que première et deuxième langues par le personnel concerné, il ressort desdites données que, au total et pour ne prendre en considération que les six  premières langues déclarées, 1415 personnes ont une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’anglais, 605 personnes du français, 319 personnes de l’allemand, 192 personnes de l’italien, 144 personnes du néerlandais et 138 personnes de l’espagnol.

122    À cet égard, il importe de rappeler qu’une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable, voire nécessaire, d’autres langues dont la connaissance ne confère aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à celle d’une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 140 (non publié)].

123    Ainsi, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnelle sur le plan de la communication interne, une personne nouvellement recrutée devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé au sein de ce personnel, les données produites par la Commission ne sauraient justifier la limitation imposée par l’avis attaqué au choix de la langue 2 du concours en cause.

124    En effet, il résulte de l’analyse des données relatives aux langues déclarées à titre de première et deuxième langues (voir point 121 ci-dessus) que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais et, dans une moindre mesure, du français pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels du concours en cause, étant donné que, respectivement, 1 415 et 605 personnes ont déclaré avoir une connaissance satisfaisante de ces deux langues. Il est, certes, vrai que les deux langues qui sont déclarées ensuite par les personnes concernées sont l’allemand (par 319 personnes) et l’italien (par 192 personnes). Toutefois, au regard du nombre, relativement faible, de personnes ayant déclaré avoir une connaissance de ces deux dernières langues, le seul fait qu’elles ont été déclarées par un nombre de personnes plus important que celui des personnes ayant déclaré d’autres langues officielles ne saurait justifier leur inclusion parmi les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours. En effet, afin d’être immédiatement opérationnelle dès son recrutement, une personne qui a déclaré comme langue 2 l’allemand ou l’italien devrait être recrutée dans un service où sa langue 2 est effectivement utilisée par un nombre important de ses collègues et, de surcroît, par sa hiérarchie. Toutefois, au vu des chiffres relatifs à la connaissance de ces deux langues, il est peu probable qu’un lauréat du concours en cause se fasse recruter dans un service auquel sont affectées un nombre important de personnes ayant une connaissance satisfaisante de l’allemand ou de l’italien.

125    Cette constatation est confirmée par les données figurant dans les deuxième à sixième pages de l’annexe B.4, concernant les connaissances linguistiques des membres du personnel des services concernés par l’avis attaqué en fonction de leur service d’affectation.

126    Ainsi, à titre d’exemple, s’agissant du personnel de la DG « Budget », 190 personnes ont déclaré avoir une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’anglais, 88 du français, 33 de l’allemand, 26 de l’espagnol, 22 du néerlandais et 20 de l’italien. Partant, à suivre la logique de la Commission, une personne recrutée au sein de cette DG disposant d’une connaissance satisfaisante de l’italien serait moins susceptible d’être immédiatement opérationnelle qu’une personne maîtrisant de manière satisfaisante l’espagnol ou le néerlandais. Au vu, d’ailleurs, de la diffusion relativement modérée de l’allemand au sein de cette DG et de la dispersion probable des personnes disposant d’une connaissance à tout le moins satisfaisante de cette langue parmi ses différents services, il est peu probable qu’une personne disposant d’une connaissance satisfaisante de l’allemand soit, de ce fait, immédiatement opérationnelle lors de son recrutement.

127    Il en va de même s’agissant du niveau de diffusion de l’italien, de l’espagnol et du néerlandais au sein du service juridique de la Commission (dont, respectivement, 30, 27 et 23 personnes déclarent avoir une connaissance à tout le moins satisfaisante) ainsi que du niveau de diffusion, au sein de ce même service, de l’allemand, comparé à celui de l’anglais et du français (dont, respectivement, 55, 204 et 124 personnes déclarent avoir une connaissance à tout le moins satisfaisante).

128    Ainsi, au vu des constatations figurant au point 114 ci-dessus, les données fournies par la Commission portant sur les connaissances linguistiques du personnel des catégories AD et GF IV affecté aux services concernés par l’avis attaqué, indépendamment de leur valeur probante relative (voir point 115 ci-dessus), ne permettent pas de considérer que des lauréats disposant d’une connaissance satisfaisante de l’une quelconque des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours en cause seraient des recrues immédiatement opérationnelles. Plus spécifiquement, si, en suivant la logique de la Commission, il est possible d’admettre qu’une connaissance satisfaisante, par un candidat, de l’anglais ou du français est susceptible de faire de lui un lauréat du concours concerné immédiatement opérationnel lors de son recrutement, le même constat ne saurait être posé s’agissant d’un candidat qui disposerait d’une connaissance satisfaisante de l’allemand et, moins encore, de l’italien.

129    La Commission souligne, dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées, en se référant également au mémoire en défense, que les données que comporte l’annexe B.4 révèlent, entre autres, l’influence que les règles internes qui ressortiraient des documents constituant les annexes B.1 à B.3, examinées aux points 77 à 108 ci-dessus, auraient « sur les langues utilisées dans les services de la Commission en tant que langues de communication interne, en particulier dans la gestion des consultations interservices ». Toutefois, force est de constater que lesdites données ne portent ni sur les langues de travail des services concernés ni sur les langues utilisées dans le cadre des consultations interservices, mais concernent uniquement les connaissances linguistiques des membres du personnel en activité dans certains services de la Commission. Or, aucun lien direct ne saurait être établi entre ces connaissances linguistiques et les règles auxquelles se réfère la Commission, dans la mesure où ni la date de recrutement de chacun de ses membres du personnel ni les langues dont ceux-ci avaient une connaissance satisfaisante à l’époque de leur recrutement ne sont connues.

130    Enfin, et en tout état de cause, à supposer même, en suivant la logique de la Commission, qu’il soit possible de considérer que la limitation litigieuse est apte à atteindre l’objectif poursuivi en l’espèce s’agissant des trois premières langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours, il n’en va pas de même s’agissant de la quatrième de ces langues, à savoir l’italien, ainsi qu’il ressort des points 126 et 127 ci-dessus.

–       Sur l’annexe B.5

131    La Commission produit, en annexe B.5, deux tableaux comportant des données statistiques relatives au nombre des documents « internes » traduits par la DG « Traduction » à la demande des services concernés par l’avis attaqué entre les mois de juillet 2016 et de juin 2019, triés en fonction de leur langue source. Les données présentées dans le premier tableau concernent les documents ayant été établis pour adoption par la Commission, à savoir, ainsi que celle-ci l’a confirmé lors de l’audience, par le collège de ses membres, et celles présentées dans le second tableau portent sur tout autre document dont la traduction a été demandée par les services concernés par l’avis attaqué.

132    Selon la Commission, il ressort de ces tableaux que plus de 90 % des documents dont la traduction est demandée par lesdits services sont, à l’origine, rédigés en anglais, sauf en ce qui concerne la DG « Concurrence », pour laquelle ce pourcentage est de 60 %. Dans cette dernière DG, les textes rédigés en français représentent 17,9 % de l’ensemble des textes. La Commission se réfère, en outre, aux textes dont la traduction est demandée par son service juridique, dont 57 % sont rédigés en français et 33,8 % en anglais.

133    En ce qui concerne les données relatives aux documents destinés à être adoptés par la Commission, présentées dans le premier tableau, il en ressort que, entre les mois de juillet 2016 et de juin 2019, l’ensemble des services concernés par l’avis attaqué ont demandé la traduction de 571 867 documents rédigés en anglais, de 3 236 documents rédigés en français, de 1 481 documents rédigés en hongrois, de 403 documents rédigés en allemand, de 264 documents rédigés en italien, de 93 documents rédigés en espagnol et de 51 documents rédigés en grec.

134    S’agissant des données relatives aux autres documents internes dont la traduction a été demandée durant la même période par lesdits services, 201 815 documents ont été, à l’origine, rédigés en anglais, 46 796 en français, 25 220 en allemand, 18 590 en espagnol, 14 320 en italien, 11 152 en néerlandais et 9 186 en roumain.

135    La Commission a confirmé, lors de l’audience, que, en qualifiant ces documents de « documents internes », elle entend qu’il s’agit de documents rédigés par des membres de son personnel. Dans ces conditions et en l’absence de toute information concernant la langue dans laquelle ces documents ont été traduits, quatre conclusions peuvent être tirées des statistiques fournies par la Commission.

136    Premièrement, il ressort de ces données statistiques qu’une nette majorité des textes rédigés par les fonctionnaires et les agents de la Commission le sont en anglais. Deuxièmement, les services concernés par l’avis attaqué ont mis à contribution les connaissances linguistiques de leurs fonctionnaires et agents et ces derniers ont fait preuve d’une capacité à travailler dans plusieurs langues officielles en dehors des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours, telles que le hongrois, l’espagnol, le néerlandais, le roumain ou le grec. Troisièmement, lesdites données statistiques confirment le rôle prépondérant de la DG « Traduction » dans le travail quotidien de la Commission, étant donné que les services concernés ont demandé la traduction d’un grand nombre de documents rédigés même en anglais et en français, alors que ces langues sont, selon les données fournies par la Commission, parmi les langues les plus parlées par ses fonctionnaires et agents (voir points 109 à 114 ci-dessus). Quatrièmement, des écarts considérables existent en fonction des besoins spécifiques de chaque service, besoins qui sont susceptibles de varier selon les affaires que chacun de ces services a eu à traiter pendant la période de référence.

137    En revanche, les données présentées ci-dessus ne sont pas susceptibles de démontrer que la limitation litigieuse est apte à atteindre l’objectif poursuivi en l’espèce, à savoir la sélection de lauréats immédiatement opérationnels au moment de leur recrutement. En effet, ces données ne démontrent, tout au plus, qu’une tendance des services concernés à travailler en anglais, sans pour autant exclure l’utilisation de toute autre langue officielle, en fonction des besoins particuliers de chaque service à chaque moment précis.

–       Sur l’annexe B.6

138    La Commission fait valoir que, en son sein, les informations et les logiciels internes « sont toujours disponibles en anglais, mais aussi souvent en français et, dans une moindre mesure, en allemand ». Plus spécifiquement, la page Intranet de la Commission portant sur les questions concernant le personnel serait disponible dans les trois langues susmentionnées, alors que d’autres outils internes, tels que le programme de gestion des documents (ARES), le guide des procédures de la Commission (GoPro), la base des données contenant tous les documents officiels de la Commission et les informations y afférentes (Vista), le programme de gestion des consultations intraservices (Decide), le programme de gestion du personnel (Sysper2) et le programme de gestion des déplacements professionnels (MiPS), seraient disponibles uniquement en anglais et en français. La Commission produit des impressions d’écran des premières pages de ces différents programmes et logiciels en annexe B.6.

139    À cet égard, il convient de constater, d’une part, que ces éléments ne se réfèrent pas à l’italien. D’autre part, un seul des outils internes que mentionne la Commission serait disponible en allemand, en anglais et en français, à savoir la page Intranet de la Commission portant sur les questions concernant le personnel. En revanche, les autres outils mentionnés par celle-ci, qui, par référence à leur dénomination, semblent constituer des outils importants pour le travail quotidien des membres de son personnel, ne sont disponibles qu’en anglais et en français. Partant, les éléments fournis en annexe B.6 ne sauraient être considérés comme pertinents pour la résolution du présent litige.

140    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les éléments produits par la Commission en annexes B.1 à B.6 ne sont pas susceptibles de démontrer que les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de langue 2 du concours en cause sont les langues utilisées par les services concernés par cet avis dans le cadre de leur fonctionnement au quotidien. Partant, ces éléments ne sont susceptibles, ni pris de manière isolée ni considérés dans leur ensemble, de démontrer que la limitation litigieuse est apte à atteindre l’objectif poursuivi en l’espèce, à savoir la sélection de lauréats qui soient immédiatement opérationnels au moment de leur recrutement.

141    À cet égard, même à considérer que les éléments examinés ci-dessus puissent justifier l’inclusion de l’anglais et du français parmi les langues proposées aux candidats au concours concerné pour le choix de la langue 2, il ne saurait être considéré qu’il en va de même pour ce qui est de l’allemand et de l’italien. Il reste, toutefois, à examiner si la limitation litigieuse, et, plus particulièrement, l’inclusion de ces deux dernières langues parmi les quatre langues proposées dans l’avis attaqué, peut être justifiée par les autres motifs invoqués dans l’avis attaqué et explicités par la Commission dans ses écritures.

 En ce qui concerne les domaines visés par le concours en cause et les relations qu’entretiennent les services concernés avec des opérateurs publics et privés

142    Le Royaume d’Espagne soutient que les motifs que comporte l’avis attaqué s’agissant des domaines visés par le concours en cause seraient trop généraux, vagues et ne correspondraient pas à la réalité. Plus spécifiquement, la motivation de l’avis attaqué ne serait pas claire quant à la nécessité de connaître l’allemand ou l’italien. Selon le Royaume d’Espagne, la limitation litigieuse ne saurait se justifier, en outre, par référence à la coopération entre les services concernés par l’avis attaqué et les différents opérateurs publics et privés y cités. Il ressortirait, au contraire, de cet avis une nécessité de connaître davantage de langues, dans la mesure où l’ensemble des fonctions concernées seraient exercées en relation avec l’ensemble des États membres ou bien au niveau international.

143    Selon la Commission, « [e]n ce qui concerne l’italien et, en partie, l’allemand, […] bien que sans nul doute [ces langues] n’aient pas l’importance du français et surtout de l’anglais pour le travail interne, elles peuvent s’avérer particulièrement utiles pour les domaines, très économiques, qui font l’objet de l’avis [attaqué] ».

144    À cet égard, la Commission admet, en premier lieu, que les services concernés par l’avis attaqué sont en relation avec des acteurs publics et privés dans l’ensemble des États membres et que, dans ce contexte, ils n’utilisent pas uniquement les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2. En second lieu, une partie importante des contacts de ces services avec l’extérieur se dérouleraient en anglais. Néanmoins, la connaissance de ces quatre langues constituerait un atout pour travailler de manière efficace dans les secteurs concernés, un atout qui servirait l’intérêt du service et justifierait, ainsi, la limitation litigieuse.

145    Plus spécifiquement, les économies de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie seraient les plus importantes au sein de l’Union et leur poids dans les secteurs visés par l’avis attaqué aurait un impact sur les travaux de la Commission et rendraient ces langues plus utiles pour les services concernés que d’autres langues, comme l’espagnol. La Commission fournit quelques exemples à cet égard, ayant trait au nombre des missions et des affaires gérées par la Commission en lien avec divers pays, ainsi que quelques explications s’agissant du rôle des services de traduction dans le processus de gestion des dossiers au sein de ses services.

146    À l’appui de ces allégations, la Commission produit, premièrement, en tant qu’annexe B.7, quatre tableaux comportant des données relatives à la valeur totale de plusieurs secteurs économiques de différents États membres pour la période allant de 2014 à 2017.

147    Deuxièmement, la Commission produit en annexe B.8 une liste recensant les affaires d’aides d’État traitées par la DG « Concurrence » entre 2016 et 2019, triées par État membre concerné. Il en ressort que le plus grand nombre d’affaires traitées a concerné, dans l’ordre, l’Allemagne (2 155 affaires), les Pays-Bas (1 144 affaires), l’Italie (1 129 affaires), l’Espagne (882 affaires) et la République tchèque (655 affaires).

148    Enfin, troisièmement, l’annexe B.9 contient des données relatives au nombre de jours de mission du personnel de la DG « Affaires économiques et financières » par État membre également pour la même période. Il en ressort que les membres du personnel de cette DG ont réalisé 4 885 jours de mission en Belgique, 4 535 en Grèce, 1 307 en France, 1 208 au Luxembourg, 906 en Allemagne, 912 en Italie, 881 au Royaume-Uni et 526 au Portugal.

149    S’agissant de l’ensemble de ces données, il convient tout d’abord de constater que, même à considérer que les allégations de la Commission concernant l’importance des économies de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie soient confirmées par les données statistiques fournies par l’annexe B.7 et que, dans une certaine mesure, le poids de l’activité économique développée au sein de ces États membres soit susceptible de se traduire dans le volume des affaires à traiter avec ces États membres ou en lien avec ceux-ci par les services concernés par l’avis attaqué, force est de constater, indépendamment de la procédure de sortie du Royaume-Uni de l’Union, qui était en cours en 2019, que la ou les langues dans lesquelles ces affaires sont traitées par les services concernés ne ressortent pas des éléments du dossier. À cet égard, la Commission admet elle-même, d’une part, que ses fonctionnaires et agents utilisent plusieurs langues dans le cadre de leur travail et, d’autre part, qu’une partie importante des contacts avec les États membres et les acteurs privés dans les domaines concernés par l’avis attaqué se font en anglais. Dans ce contexte, il ne saurait être déduit des éléments fournis par la Commission ici examinés qu’une personne disposant d’une connaissance satisfaisante de l’allemand ou de l’italien serait, à la suite de son recrutement, plus susceptible d’être immédiatement opérationnelle qu’une personne disposant d’une connaissance satisfaisante d’une autre langue officielle de l’Union.

150    S’agissant des éléments produits en annexes B.8 et B.9, il convient de constater, d’emblée, qu’ils ne renseignent que sur les travaux de deux des cinq services concernés par l’avis attaqué et, par conséquent, qu’ils ne sont pas pertinents pour la résolution du présent litige, étant donné que les lauréats du concours litigieux sont susceptibles d’être recrutés par l’ensemble de ces services. Certes, selon ce qui est indiqué à la première page de l’avis attaqué (voir point 3 ci-dessus), le plus grand nombre des lauréats visés par le concours en cause semblent être destinés à être recrutés par les deux DG en question. Toutefois, il suffit de constater, à cet égard, que la limitation litigieuse est imposée non pas uniquement aux candidats susceptibles d’être recrutés par ces deux DG, mais à l’ensemble des candidats.

151    En tout état de cause, les constatations opérées à propos de l’annexe B.7 (voir point 149 ci-dessus) valent, pour l’essentiel, également à l’égard des informations que comportent les annexes B.8 et B.9. En effet, aucun élément du dossier ne permet de déduire de ces seules informations que les affaires auxquelles il est fait référence dans l’annexe B.8 ont été traitées par la DG « Concurrence » dans la langue de l’État membre concerné ou que les fonctionnaires et les agents de la DG « Affaires économiques et financières » ont dû utiliser, dans le cadre de leur travail, la langue des États membres dans lesquels ils ont effectué les missions mentionnées dans l’annexe B.9.

152    Enfin, même à considérer que lesdites données puissent fournir certaines informations s’agissant des langues utilisées par les fonctionnaires et les agents des services concernés par l’avis attaqué dans leur travail, ces informations ne seraient, en réalité, que circonstancielles et susceptibles de varier selon le contexte économique, au sens large du terme, dans chacun des États membres, contexte qu’il est impossible de prévoir. La Commission ne fait, par ailleurs, que confirmer cette constatation lorsqu’elle indique, dans le mémoire en défense, à propos de l’annexe B.9, que, si les données communiquées par la DG « Affaires économiques et financières » montrent un nombre très important de jours de mission en Grèce, « cette circonstance est liée à la période très difficile sur le plan financier que cet État membre a traversé ces dernières années ». La Commission ajoute que c’est pour cette raison qu’elle n’a pas jugé nécessaire de tenir compte de cette circonstance pour les futurs besoins en personnel que l’avis attaqué vise à couvrir. En réalité, cette circonstance ne fait que démontrer que le travail des services de la Commission tel que conçu par cette dernière est toujours susceptible d’être perturbé en raison du contexte économique dans des États membres autres que ceux dont la langue officielle est l’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 du concours en cause et, ainsi, susceptible d’obliger ses services à traiter des affaires relatives à ce contexte économique.

153    Il convient, ainsi, de constater que la Commission n’a pas su établir que « certaines [des langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 sont] particulièrement utiles pour certains domaines de la concurrence », comme cela est indiqué dans l’avis attaqué.

154    Il y a, dès lors, lieu de considérer que les éléments produits par la Commission en annexes B.7 à B.9 ne sont, ni pris isolément ni considérés conjointement avec les éléments produits en annexes B.1 à B.6, susceptibles de démontrer que la limitation litigieuse est apte à atteindre l’objectif poursuivi en l’espèce.

155    Par ailleurs, force est de constater que la Commission ne produit aucun élément susceptible de démontrer quelles seraient les langues de travail des institutions mentionnées dans la partie de l’avis attaqué justifiant la limitation litigieuse et avec lesquelles les services concernés par le concours en cause sont censés être en relation constante.

156    Partant, il y a lieu de considérer que les éléments produits par la Commission à l’appui de ses arguments ne permettent pas d’étayer les conclusions qu’elle en tire. Plus spécifiquement, ces éléments ne permettent pas de conclure qu’exiger des candidats au concours en cause de disposer d’une connaissance satisfaisante d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 permet nécessairement la sélection de lauréats immédiatement opérationnels dès leur recrutement.

157    Partant, il y a lieu d’accueillir les deuxième et troisième moyens invoqués par le Royaume d’Espagne et, par conséquent, d’annuler l’avis attaqué dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne s’agissant de la proportionnalité de la limitation litigieuse ni ses premier et quatrième moyens (voir points 42 à 55 ci-dessus), s’agissant des obligations litigieuses.

158    S’agissant des effets de cette annulation, il y a lieu de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à la suite de la procédure de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les lauréats qui se seraient d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 230 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

159    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Royaume d’Espagne.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours général EPSO/AD/374/19, pour la constitution d’une liste de réserve dans les domaines du droit de la concurrence, du droit financier, du droit de l’Union économique et monétaire, des règles financières applicables au budget de l’Union européenne et de la protection des pièces en euro contre la contrefaçon, est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume d’Espagne.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.