Language of document : ECLI:EU:T:2014:155

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 mars 2014 (*)

« Marque communautaire – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale Passion to Perform – Marque constituée d’un slogan publicitaire – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑291/12,

Deutsche Bank AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes R. Lange, T. Götting et G. Hild, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. Harrington, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 24 avril 2012 (affaire R 2233/2011-4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Passion to Perform comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 septembre 2012,

à la suite de l’audience du 14 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 janvier 2011, la requérante, Deutsche Bank AG, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) un enregistrement international désignant l’Union européenne pour le signe verbal Passion to Perform.

2        Le 24 février 2011, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a reçu notification de l’enregistrement international du signe en cause.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 36, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        Classe 35 : « Publicité ; gestion d’entreprise ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;

–        Classe 36 : « Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières » ;

–        Classe 38 : « Télécommunications » ;

–        Classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » ;

–        Classe 42 : « Services scientifiques et technologiques et services de recherche et de conception y afférents ; services d’analyse et de recherches industrielles ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ».

4        Le 24 mars 2011, l’examinateur a informé la requérante de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, fondées sur l’absence de caractère distinctif de celle-ci, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), lu en combinaison avec la règle 113 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1). La requérante a maintenu sa demande d’enregistrement.

5        Par décision du 29 août 2011, l’examinateur a refusé la protection du signe en cause dans l’Union pour tous les services demandés, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

6        Le 27 octobre 2011, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

7        Par décision du 24 avril 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, en considérant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

8        La chambre de recours a tout d’abord rappelé, aux points 10 et 11 de la décision attaquée que, pour qu’un slogan publicitaire puisse être enregistré comme marque communautaire, celui-ci devait être perçu d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et services visés. Elle a ensuite estimé que le public pertinent était composé des consommateurs finaux ainsi que des entreprises commerciales du Royaume-Uni et d’Irlande (point 12 de la décision attaquée) et que son niveau d’attention était faible, compte tenu du caractère promotionnel de la marque demandée (point 13 de la décision attaquée). Elle a en outre considéré que la signification des éléments individuels du signe demandé, comme celle de son ensemble, était évidente et dépourvue de toute originalité et que la marque demandée signifiait, quel que soit le service concerné, que la requérante promettait à ses clients d’agir avec passion (points 14 à 18 de la décision attaquée). Elle a également précisé que, ni des enregistrements précédents, même comparables, ni des enregistrements d’une marque quasi-identique auprès d’offices nationaux ne pouvaient suffire à conférer un droit d’enregistrement à la marque demandée (points 19 à 21 de la décision attaquée). Elle a conclu, au point 22 de la décision attaquée, que la marque demandée, qui ne serait perçue par le public pertinent que comme une déclaration laudative, était incapable de remplir sa fonction consistant à distinguer les services revendiqués en ce qui concerne leur origine commerciale et qu’elle ne satisfaisait donc pas aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Au soutien de son recours, la requérante indique qu’elle soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il y a cependant lieu de procéder à l’examen des arguments exposés dans la requête en les réorganisant en deux moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le second, d’une violation du principe d’égalité.

 Sur le premier moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

12      La requérante soutient, d’une part, que la chambre de recours a exigé un niveau de preuve trop élevé pour établir le caractère distinctif d’une marque constituée d’un slogan publicitaire et, d’autre part, que la chambre de recours a fait une application inexacte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

13      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a retenu des critères trop stricts pour établir le caractère distinctif d’une marque composée d’un slogan publicitaire et qu’elle n’a pas procédé à l’analyse de la situation du marché concernant les services en cause.

14      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

15      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

16      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, Rec. p. I‑10205, point 42, et la jurisprudence citée ; voir également arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 27].

17      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 16 supra, point 43, et la jurisprudence citée). Le niveau d’attention du consommateur moyen est toutefois susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

18      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêts de la Cour du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 41, et du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, Rec. p. I‑535, point 35 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, Rec. p. I‑6959, point 40).

19      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, la Cour a déjà jugé qu’il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts OHMI/Erpo Möbelwerk, point 18 supra, points 32 et 44, et Audi/OHMI, point 18 supra, point 36).

20      La Cour a ainsi jugé qu’il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit revêtu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (arrêt Audi/OHMI, point 18 supra, point 39 ; voir également arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk, point 18 supra, points 31 et 32).

21      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services visés [arrêts du Tribunal du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, non publié au Recueil, point 22, et du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié au Recueil, point 24].

22      En l’espèce, il ressort des points 9 à 12 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que l’enregistrement d’une marque composée de signes par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires ou indications de qualité n’était pas exclu, mais qu’il importait de vérifier que cette marque possède des éléments qui pourraient, au-delà de leur signification promotionnelle évidente, permettre au public de mémoriser facilement et immédiatement l’expression en tant que marque distinctive pour les services concernés. Elle a donc estimé (point 12 de la décision attaquée) qu’il lui appartenait d’examiner si la marque demandée pouvait être perçue d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des services en cause. À l’issue de cet examen, elle est parvenue à la conclusion que la marque demandée, qui ne serait perçue par le public pertinent que comme une déclaration laudative, était incapable de remplir sa fonction consistant à distinguer les services revendiqués en ce qui concerne leur origine commerciale et qu’elle ne satisfaisait donc pas aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (point 22 de la décision attaquée).

23      Contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a donc interprété les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 de manière conforme à la jurisprudence, en considérant notamment qu’une marque constituée d’une combinaison de mots pouvant être utilisée en tant que slogan publicitaire pouvait également délivrer un message objectif et en n’exigeant pas que cette marque présente un caractère de fantaisie ou d’originalité plus important que les autres signes.

24      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours était tenue d’apprécier le caractère distinctif de la marque en cause par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, il ressort du point 17 de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à cette analyse pour chaque catégorie de services demandée.

25      Il convient donc d’écarter la première branche du premier moyen.

26      En second lieu, la requérante estime que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée n’était pas apte à indiquer l’origine des services concernés. Ses arguments sont tirés, premièrement, d’une erreur d’appréciation du degré d’attention du public concerné, deuxièmement, du défaut de prise en compte des différentes significations de la marque demandée, troisièmement, de l’absence de prise en compte de l’originalité de ladite marque et, quatrièmement, de l’enregistrement de celle-ci dans de nombreux pays.

 Sur l’erreur d’appréciation du degré d’attention du public concerné

27      La requérante estime que la chambre de recours a relevé à tort que le degré d’attention du public pertinent était nécessairement faible pour des marques composées de slogans promotionnels, alors qu’en l’espèce, le niveau d’attention du public est élevé, s’agissant des services d’assurance, financiers, monétaires ou immobiliers.

28      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

29      À titre préalable, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque doit notamment être apprécié d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir point 17 ci-dessus). La perception de la marque par le public concerné est influencée par son niveau d’attention, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II-383, point 42].

30      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré qu’en raison de la langue utilisée par la marque demandée, le public pertinent se trouvait au Royaume-Uni et en Irlande et que les services visés s’adressaient à la fois aux consommateurs finaux moyens et aux entreprises commerciales, notamment en ce qui concerne les services de publicité et d’affaires financières (point 12 de la décision attaquée). Elle a ensuite indiqué que le niveau d’attention du public était faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel, y compris celui du public professionnel, en précisant enfin que la combinaison verbale en cause était composée de mots du langage courant, également compréhensibles par les consommateurs finaux et qui ne constituaient pas une terminologie pour les spécialistes (point 13 de la décision attaquée).

31      La requérante estime que la chambre de recours s’est erronément fondée sur deux arrêts cités au point 13 de la décision attaquée pour parvenir à cette conclusion, le premier [arrêt du Tribunal du 17 novembre 2009, Apollo Group/OHMI (THINKING AHEAD), T‑473/08, non publié au Recueil] ne concernant pas des services pour lesquels le consommateur faisait preuve d’un niveau d’attention élevé, et le second [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, BYK-Chemie/OHMI (Substance for Success), T‑58/07, non publié au Recueil] concernant une affaire dans laquelle l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du public était relativement faible ne faisait pas l’objet d’une contestation. En outre, la chambre de recours aurait dû considérer que le public pertinent était très attentif, s’agissant des services relevant de la classe 36.

32      Il ressort cependant d’une jurisprudence constante du Tribunal que le niveau d’attention du public pertinent peut être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel, qu’il s’agisse du consommateur final moyen [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 74, et voir, en ce sens, arrêt THINKING AHEAD, point 31 supra, point 33] ou d’un public plus attentif de spécialistes ou de consommateurs avisés [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 24, du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec. p. II‑2235, point 25, et du 23 septembre 2011, Vion/OHMI (PASSION FOR BETTER FOOD), T‑251/08, non publié au Recueil, point 20].

33      Dès lors, en l’espèce, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que le public pertinent, composé de consommateurs finaux moyens et, pour certains des services demandés, d’entreprises commerciales, avait un niveau d’attention faible à l’égard de la marque en cause, en raison de son caractère promotionnel. Même si elle avait considéré que le consommateur peut, en principe, être plus attentif s’agissant de services relevant de la classe 36, sa conclusion aurait été la même, compte tenu de la nature et du contenu du signe en cause.

34      Il y a donc lieu d’écarter l’argument tiré de l’erreur d’appréciation du degré d’attention du public concerné comme non fondé.

 Sur l’absence de prise en compte des différentes significations des termes composant la marque demandée

35      La requérante estime que la chambre de recours n’a pas pris en compte les différentes significations possibles des termes composant la marque demandée. Lors de l’audience, la requérante a par ailleurs indiqué renoncer aux arguments figurant au point 25 de sa requête, qui visaient à contester les définitions des différents termes composant la marque demandée telles que retenues par l’examinateur dans sa lettre du 24 mars 2011 l’informant de ses objections à l’encontre de la marque demandée.

36      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

37      Il ressort du point 14 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le verbe anglais « to perform » faisait référence à une performance professionnelle et le nom qui le précède, en l’occurrence « passion », à « l’émotion passionnée dans l’activité de ‘performer’ » et que la combinaison de ces termes avait une signification claire et ne devenait pas « vague ou difficile à comprendre au motif que chacun de ses mots a différentes entrées au dictionnaire ou peut impliquer diverses connotations ». Au point 15 de la décision attaquée, elle a ainsi estimé que la combinaison verbale considérée dans son ensemble signifiait que la requérante promettait à ses clients d’agir avec passion. Au point 18 de cette même décision, elle a par ailleurs indiqué, en analysant l’originalité du signe verbal demandé, que la requérante n’avait pas expliqué quelles pouvaient être les autres significations de celui-ci.

38      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Aussi, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec. p. I‑5141, point 44, et du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 20). Cela ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité compétente, chargée de vérifier si la marque dont l’enregistrement est demandé peut être perçue par le public comme une indication d’origine, procède, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale effectuée par ladite autorité, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, Rec. p. I‑5797, point 23, et la jurisprudence citée).

39      En l’espèce, la requérante a produit en annexe A5 à la requête des extraits de dictionnaire qu’elle avait déjà soumis à la chambre de recours, visant à établir que chacun des termes composant la marque demandée pouvaient avoir plusieurs significations et que celle-ci, prise dans son ensemble, n’avait pas de signification évidente, ce qui contribuerait à lui conférer un caractère distinctif.

40      Ces documents ne permettent cependant pas de remettre en cause le constat effectué par la chambre de recours selon lequel le signe verbal demandé, considéré dans son ensemble, ne peut avoir d’autres significations que celle qu’elle a retenue, à savoir que la requérante promettait à ses clients d’agir avec passion.

41      En effet, le contenu sémantique de chacun des termes composant le signe verbal Passion to Perform est clair et précis et n’est pas modifié de façon perceptible lorsque ces termes sont combinés en une seule expression. La combinaison des termes « passion », « to » et « perform », correcte d’un point de vue grammatical en anglais, véhicule un message clair et non équivoque, qui ne nécessite aucune interprétation par le consommateur anglophone et qui ne signifie pas plus que le fait d’exécuter les services en cause avec passion. La requérante ne parvient d’ailleurs pas à présenter une signification alternative crédible à la marque demandée. Ainsi, contrairement à ce qu’elle soutient, le consommateur moyen ou professionnel ne pensera pas, face au signe verbal pris dans son ensemble, que le terme « passion » puisse, par exemple, faire référence à un « morceau de musique fondé sur le récit évangélique de la passion de Jésus-Christ » ou au « fait d’agir sous l’influence d’agents ou de forces extérieures » ou encore que le verbe « perform » puisse faire référence au fait de présenter un spectacle.

42      La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que, prise dans son ensemble, la marque demandée ne pouvait avoir qu’une seule signification et il convient, par conséquent, d’écarter l’argument tiré de l’absence de prise en compte des différentes significations des termes composant la marque demandée.

 Sur le défaut de prise en compte de l’originalité de la marque demandée

43      La requérante soutient que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant aux fins de son enregistrement en tant que marque communautaire. Selon elle, la chambre de recours n’a pas tenu compte de l’originalité résultant de ce que la marque demandée était composée de deux noms communs commençant par un « P » majuscule et qu’elle consistait en une expression très courte ne formant pas une phrase complète. Le caractère original de la marque en cause résiderait également dans le fait qu’elle est composée d’une combinaison verbale peu commune, en particulier pour les services relevant de la classe 36, d’un terme relevant de l’émotion et d’un autre lié à l’intellect. Lors de l’audience, la requérante a par ailleurs indiqué renoncer aux arguments figurant au point 33 de sa requête, par lesquels elle reprochait à la chambre de recours d’avoir considéré que « le public anglais pertinent [était] habitué à voir des slogans commerciaux laudatifs débutant par le terme ‘passion’, suivi d’un verbe à l’infinitif », cette appréciation ne figurant pas dans la décision attaquée, mais dans la lettre de l’examinateur du 24 mars 2011, par laquelle il l’a informée de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

44      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

45      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’examen de la seconde branche du premier moyen que le public pertinent est constitué à la fois de spécialistes, notamment en ce qui concerne les services de publicité et d’affaires financières, et des consommateurs finaux moyens, que son niveau d’attention est faible et qu’il est situé au Royaume-Uni et en Irlande.

46      S’agissant de la signification de la marque demandée, il ressort de l’examen de la seconde branche du premier moyen que la marque demandée est composée d’une combinaison grammaticalement correcte de trois mots anglais signifiant que la requérante promet à ses clients d’agir avec passion.

47      La marque demandée constitue donc un slogan promotionnel qui signifie, comme l’a constaté la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, que la requérante promet à ses clients d’agir avec passion.

48      La chambre de recours a, par conséquent, relevé à juste titre, à l’issue de son examen, que la marque demandée ne serait perçue par le public pertinent que comme une déclaration laudative, était incapable de remplir sa fonction consistant à distinguer les services revendiqués en ce qui concerne leur origine commerciale et ne satisfaisait donc pas aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

49      Les arguments avancés par la requérante aux fins de démontrer l’originalité ou la prégnance du signe Passion to Perform ne permettent pas d’infirmer cette conclusion.

50      S’agissant, ainsi, du fait que la marque demandée est composée de deux noms communs commençant par une lettre majuscule, il y a lieu de rappeler que la requérante a uniquement sollicité une demande d’enregistrement portant sur une marque verbale, sans avoir revendiqué de représentation graphique particulière pour les lettres « P » au sens de la règle 3, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95. La chambre de recours ne pouvait donc prendre en compte cette particularité graphique pour apprécier le caractère distinctif de la marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 mars 2012, Kaltenbach & Voigt/OHMI (3D eXam), T‑242/11, non publié au Recueil, point 34].

51      En tout état de cause, la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 14 de la décision attaquée, que l’usage de majuscules n’est pas inhabituel dans les titres. Quant à la circonstance que la chambre de recours aurait procédé à cette affirmation sans l’étayer par des preuves, il convient de rappeler que rien n’interdit à l’OHMI de prendre en considération des faits notoires dans son appréciation [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 avril 2011, Smart Technologies/OHMI (WIR MACHEN DAS BESONDERE EINFACH), T‑523/09, non publié au Recueil, point 41, et du 20 mars 2013, Bimbo/OHMI–Café do Brasil (Caffè KIMBO), T‑277/12, non publié au Recueil, point 46]. Or, renvoie clairement à un fait notoire l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle l’usage de majuscules pour la première lettre des noms communs est habituel dans les titres ou les manchettes, quels que soient les services ou produits concernés.

52      S’agissant de la circonstance selon laquelle la marque en cause consiste en une expression très courte ne formant pas une phrase complète, il y a également lieu de constater qu’une telle forme est courante pour les slogans publicitaires, quels que soient les services concernés et que cette phrase respecte les règles sémantiques et grammaticales de l’anglais courant.

53      En outre, le fait que la marque demandée est composée d’une combinaison verbale d’un terme relevant de l’émotion et d’un autre lié à l’intellect n’apparaît pas non plus comme inhabituel, s’agissant des services visés.

54      Par ailleurs, afin d’établir l’originalité de la combinaison verbale en cause en ce qu’elle utilise un terme relevant de l’émotion et un autre lié à la raison, en particulier pour les services relevant de la classe 36, la requérante s’est bornée à produire plusieurs listes de slogans publicitaires. La plupart de ces slogans ne concernent cependant pas les services en cause en l’espèce. De plus, plusieurs des slogans produits relatifs auxdits services, même s’ils ne comportent pas le terme « passion », mais font seulement référence à l’émotion comme, par exemple, le slogan « Access – Your flexible friend » pour des cartes de crédit ou encore le slogan « Courtesy and care » pour une assurance automobile.

55      Enfin, la requérante remet en cause l’affirmation figurant au point 16 de la décision attaquée, selon laquelle la seule absence d’information sur la nature des produits visés ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif au signe en cause. Elle estime que la marque demandée se distingue des deux marques ayant fait l’objet des deux arrêts du Tribunal cités dans la décision attaquée [arrêts du Tribunal du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec. p. II‑1915, et du 15 décembre 2009, Media-Saturn/OHMI (BEST BUY), T‑476/08, non publié au Recueil] en ce qu’elle ne contiendrait pas de message aussi clair. Il ressort cependant de l’examen de la seconde branche du premier moyen que la signification de la marque demandée en l’espèce est claire et précise.

56      Il convient donc d’écarter l’argument tiré du défaut de prise en compte de l’originalité de la marque demandée.

 Sur l’utilisation antérieure et les enregistrements nationaux de la marque demandée

57      La requérante souligne que la marque demandée a été enregistrée dans de nombreux pays anglophones.

58      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

59      Il y a lieu de rappeler, comme l’a indiqué la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, que l’existence d’enregistrements identiques ou similaires au niveau national ne constitue pas un motif pour admettre l’enregistrement de marques dépourvues de caractère distinctif. En effet, selon une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 5 décembre 2002, BioID/OHMI (BioID), T‑91/01, Rec. p. II‑5159, point 45]. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation du droit de l’Union pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont donc pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 40, et du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec. p. II‑1113, points 70 et 71]. Dès lors, les arguments de la requérante, tirés de l’existence d’enregistrements nationaux sont inopérants.

60      En tout état de cause, il convient de noter, comme le souligne l’OHMI dans son mémoire en réponse, que la requérante n’a aucunement précisé les motifs sur lesquels les autorités nationales se seraient fondées pour décider d’enregistrer le signe verbal en cause et qui auraient pu, le cas échéant, être pris en compte pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

61      L’argument tiré tant de l’utilisation antérieure que des enregistrements nationaux de la marque demandée doit donc être écarté, ainsi que, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité

62      La requérante estime que la chambre de recours a méconnu le principe d’égalité de traitement en refusant d’enregistrer la marque demandée, alors qu’elle avait accepté d’enregistrer des marques similaires comme la marque Pass on your passion.

63      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

64      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours indique que des enregistrements de marques éventuellement similaires ne constituaient pas un motif pour admettre des enregistrements dépourvus de caractère distinctif et qu’en tout état de cause, sa décision est conforme à de nombreuses décisions du Tribunal et des chambres de recours concernant des slogans similaires.

65      Eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, il a certes été jugé que l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, point 74).

66      Toutefois, ces principes doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 65 supra, points 75 et 76).

67      De plus, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 65 supra, point 77).

68      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret de la marque demandée pour refuser son enregistrement. Au surplus, il résulte de la réponse aux deux premiers moyens que cet examen a conduit la chambre de recours à retenir à juste titre le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour s’opposer à l’enregistrement de la marque demandée. L’examen de la marque en cause n’ayant pu aboutir, à lui seul, à un résultat différent, les allégations de la requérante relatives à l’absence de prise en considération de l’enregistrement de marques similaires telles que Pass on your passion ne sauraient prospérer. La requérante ne peut donc utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion selon laquelle l’enregistrement de la marque demandée est incompatible avec le règlement n° 207/2009, une décision antérieure de l’OHMI.

69      Il y a donc lieu d’écarter le second moyen et, partant, de rejeter l’ensemble du recours.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Bank AG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.