Language of document : ECLI:EU:F:2016:123

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

2 juin 2016 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 4 juillet 2016]

« Fonction publique – Renvoi au Tribunal après annulation – Article 12 bis du statut – Fonctionnaire victime de harcèlement – Article 22 bis du statut – Fonctionnaire lanceur d’alerte – Demande d’assistance – Rejet – Droit à la protection – Conditions – Rejet – Conséquences – Demande indemnitaire »

Dans l’affaire F‑41/10 RENV,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Moises Bermejo Garde, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Levi, avocat,

partie requérante,

contre

Comité économique et social européen (CESE), représenté initialement par Mmes U. Schwab et M. Lernhart, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat, puis par Mme K. Gambino, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat, et enfin par Mmes K. Gambino et X. Chamodraka, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE (T‑530/12 P, ci-après l’« arrêt de renvoi », EU:T:2014:860), annulant l’arrêt du Tribunal du 25 septembre 2012, Bermejo Garde/CESE (F‑41/10, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2012:135), qui avait statué sur le recours parvenu au greffe du Tribunal le 7 juin 2010, par lequel M. Moises Bermejo Garde demandait, en substance, l’annulation des décisions par lesquelles le président du Comité économique et social européen (CESE) avait, d’une part, rejeté la demande d’assistance introduite du fait du harcèlement moral subi et refusé de saisir l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et, d’autre part, mis fin à ses fonctions antérieures et ordonné sa réaffectation ainsi que la condamnation du CESE à lui verser des dommages et intérêts.

 Cadre juridique

2        L’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Dignité humaine », dispose ce qui suit :

« La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

3        Ensuite, l’article 31 de la Charte, intitulé « Conditions de travail justes et équitables », prévoit, au paragraphe 1, que « [t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ».

4        Enfin, les paragraphes 1 et 2 de l’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration », sont ainsi libellés :

« 1.      Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2.      Ce droit comporte notamment :

a)      le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

b)      le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;

c)      l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. »

5        L’article 11, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au présent litige (ci-après le « statut »), est ainsi libellé :

« Le fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union [européenne], sans solliciter ni accepter d’instructions d’aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à son institution. Il remplit les fonctions qui lui sont confiées de manière objective et impartiale et dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union [européenne]. »

6        L’article 12 du statut prévoit ce qui suit :

« Le fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction. »

7        Plus spécialement, les paragraphes 1 et 2 de l’article 12 bis du statut disposent ce qui suit :

« 1.      Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2.      Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi. »

8        En ce qui concerne en revanche la protection des intérêts de l’Union européenne, l’article 22 bis du statut est ainsi libellé :

« 1.      Le fonctionnaire qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l’Union, ou une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, en informe immédiatement son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’[OLAF].

Toute information mentionnée au premier alinéa est transmise par écrit.

Le présent paragraphe s’applique en cas de manquement grave à une obligation similaire commis par un membre d’une institution, toute autre personne au service d’une institution ou tout prestataire de services agissant pour le compte d’une institution.

2.      Le fonctionnaire recevant l’information visée au paragraphe 1 communique immédiatement à l’[OLAF] tout élément de preuve dont il a connaissance, pouvant laisser présumer l’existence des irrégularités visées au paragraphe 1.

3.      Le fonctionnaire qui a communiqué l’information visée aux paragraphes 1 et 2 ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agit de bonne foi.

4.      Les paragraphes 1 à 3 sont inapplicables aux documents, pièces, rapports, notes ou informations, quel qu’en soit le support, détenus aux fins, créés ou communiqués au fonctionnaire dans le cadre du traitement d’une affaire juridictionnelle, pendante ou clôturée. »

9        L’article 22 ter, paragraphe 1, du statut prévoit en outre :

« Le fonctionnaire qui divulgue les informations visées à l’article 22 bis [du statut] au président de la Commission [européenne], au président de la Cour des comptes [de l’Union européenne], au président du Conseil [de l’Union européenne], au président du Parlement européen ou au [M]édiateur européen, ne subit aucun préjudice de la part de l’institution à laquelle il appartient, pour autant que les deux conditions énumérées ci-après soient remplies :

a)      le fonctionnaire estime, de bonne foi, que l’information divulguée et toute allégation qu’elle recèle sont essentiellement fondées, et

b)      le fonctionnaire a préalablement communiqué cette même information à l’[OLAF] ou à son institution et a laissé à l’[OLAF] ou à cette institution le délai fixé par l’[OLAF] ou par l’institution, compte tenu de la complexité de l’affaire, pour engager l’action qui s’impose. Le fonctionnaire est dûment informé de ce délai dans les 60 jours. »

10      Enfin, le nouvel article 22 quater, deuxième alinéa, du statut, modifié suite à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 287, p. 15) et donc postérieure aux faits relevant de la présente affaire, est ainsi libellé :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution établit des règles internes concernant, entre autres :

–        les informations fournies aux fonctionnaires visés à l’article 22 bis, paragraphe 1, ou à l’article 22 ter [du statut], sur le traitement des faits rapportés par eux ;

–        la protection des intérêts légitimes de ces fonctionnaires et de leur vie privée […] »

11      Interrogé par le Tribunal par voie de mesure d’organisation de la procédure au sujet de l’adoption des règles internes prévues par la disposition du statut mentionnée au point précédent, le CESE a précisé que, en son sein, lesdites règles, concernant la protection des intérêts légitimes des fonctionnaires en question et de leur vie privée, « étaient en cours d’adoption ».

 Faits à l’origine du litige

12      Le requérant, fonctionnaire de l’Union depuis 1990, est entré au service du CESE le 1er juin 1991 et a été affecté en tant que conseiller juridique auprès de la direction de l’administration, du personnel et des finances.

13      À compter du 1er juin 1997, le requérant a été nommé chef de l’unité « Service juridique » (ci-après le « service juridique ») de la direction de l’administration, du personnel et des finances.

14      Le 1er avril 2007, le requérant a été promu au grade AD 13.

15      Le 1er octobre 2008, M. W., nouveau secrétaire général du CESE (ci-après le « secrétaire général »), est entré en fonctions.

16      Le jour suivant, le secrétaire général a envoyé une note de service par laquelle il informait le personnel qu’il assurerait l’intérim du poste, alors vacant, de directeur de la direction des ressources humaines et financières.

17      Il est constant que, peu après la nomination de M. W. comme secrétaire général, les relations entre celui-ci et le requérant se sont dégradées, ce dernier reprochant notamment au secrétaire général d’exercer des pressions « illégitimes » sur le service juridique.

18      Le 7 décembre 2009, le requérant a déposé au CESE une note adressée au président du CESE (ci-après le « président ») ainsi qu’aux présidents des trois groupes de partenaires sociaux qui composent cet organe, en leur qualité de membres du bureau du CESE (ci-après le « bureau »). Dans cette note, à laquelle étaient jointes huit annexes et une documentation (ci-après la « note du 7 décembre 2009 »), le requérant, se référant expressément à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut, a informé le bureau de l’existence de graves et nombreuses irrégularités qui auraient été commises, dans l’exercice de leurs fonctions, par le secrétaire général et, dans une moindre mesure, par le chef de l’unité « Recrutement, carrières, formation » de la direction des ressources humaines et financières. Le requérant dénonçait en particulier :

–        l’existence de pressions exercées sur le service juridique ;

–        le refus de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire coupable de faits délictueux et de saisir l’OLAF de ces faits ;

–        le pourvoi irrégulier de postes de directeur au sein du CESE.

19      Dans cette même note, le requérant demandait au bureau, notamment :

–        d’« engage[r] une enquête administrative [avec pour objectif d’]établir les faits et les irrégularités produites » ;

–        de lui « communique[r] le délai évoqué dans l’article 22 ter, [paragraphe] 1, [sous] b[)], du [s]tatut » ;

–        de « prendre les mesures pour restaurer le bon fonctionnement du [secrétariat général] » ;

–        de « garantir l’indépendance du [s]ervice juridique dans les conditions exigées par la jurisprudence de la Cour de [j]ustice [de l’Union européenne] » ;

–        de « déduire les responsabilités de nature personnelle qui s’imposent après l’intervention nécessaire de l’OLAF ».

20      Toujours dans la note du 7 décembre 2009, le requérant sollicitait également, en se fondant sur l’article 24 du statut, l’assistance du bureau afin que celui-ci prenne les « mesures nécessaires pour la cessation du harcèlement moral pratiqué à [son égard] » par le secrétaire général.

21      Par courriels du même jour, le requérant a informé les autres membres du bureau qu’il venait de déposer à l’intention de chacun d’eux, dans les locaux de leurs groupes respectifs, une enveloppe contenant une copie de la note du 7 décembre 2009. Selon le requérant, ces enveloppes ne seraient pas parvenues à leurs destinataires, le président et les trois présidents de groupe ayant fait obstacle à leur distribution.

22      Le 10 décembre 2009, le président a donné instruction à son chef de cabinet de procéder à un « examen préliminaire » des informations communiquées par le requérant dans la note du 7 décembre 2009.

23      En exécution de cette instruction, le chef de cabinet du président a procédé à l’audition des personnes concernées par la note du 7 décembre 2009. Le requérant a en particulier été entendu à deux reprises, le 15 décembre 2009 et le 14 janvier 2010.

24      Fin janvier 2010, le chef de cabinet du président a établi un rapport sur les allégations de harcèlement moral et d’irrégularités que le requérant avait signalées dans la note du 7 décembre 2009 (ci-après le « rapport du chef de cabinet du président »). Dans ce rapport, le chef de cabinet du président a considéré que ces allégations n’étaient pas fondées. Il a néanmoins indiqué que, s’il existait un « climat tendu » entre le service juridique et le secrétariat général, cette « difficulté sembl[ait] […] due pour l’essentiel à une divergence d’opinion sur le rôle du [service juridique] » et que « [l]es divers épisodes qualifiés de harcèlement n[’étaient] que des manifestations de cette divergence, le cas échéant aggravées par des différences culturelles importantes dans le domaine juridique ainsi que par le caractère personnel des intervenants ».

25      Au cours d’un entretien ayant eu lieu le 22 février 2010, le président a invité le requérant à retirer les demandes figurant dans sa note du 7 décembre 2009.

26      Par courrier du 26 février 2010, le requérant a rejeté cette invitation, expliquant que, « après avoir estimé en toute conscience qu’il y avait des conduites irrégulières […], [il] ne p[ouvait à présent s]e contredire sans avoir le sentiment d’être en infraction par rapport à l’article 21 du [s]tatut ». Le requérant insistait, par ailleurs, « sur le fait qu’il n’y a[vait] aucun intérêt ou conflit personnel dans [s]a démarche qui rest[ait] strictement professionnelle ».

27      Par décision no 088/10 A du 3 mars 2010 (ci-après la « décision du 3 mars 2010 »), le président, « sur la base d’un mandat que lui a[vait] confié le [b]ureau le 16 février 2010 », a rejeté l’ensemble des demandes figurant dans la note du 7 décembre 2009, « les faits invoqués ne p[ouvant] être qualifiés d’infraction pénale ni de violation des dispositions statutaires en matière disciplinaire ».

28      Dans cette même décision, il était mentionné qu’« une conciliation a[vait] été tentée, mais que […] [le requérant] n’a[vait] pas accepté la solution proposée », et que le président avait ainsi considéré que « le grief de persécution au travail par le [s]ecrétaire général ou tout autre fonctionnaire n’[était] pas justifié, dès lors que les rares éléments de preuve disponibles en la matière [allaient] dans un sens contraire aux arguments invoqués par le [requérant] » et que « l’accusation d’abus de pouvoir et d’exercice abusif des pouvoirs du [b]ureau […] par le [s]ecrétaire général n’[était] pas attestée ».

29      Par ailleurs, toujours dans cette décision, le président a indiqué que « [l]e [s]ecrétaire général confiera[it] [au requérant] une tâche correspondant à ses qualifications et à son grade, assortie du maintien de l’indemnité de chef d’unité en vue de sa prochaine accession à une charge de cette nature si aucune n’[était] immédiatement disponible, mais dans une unité autre que le service juridique ».

30      Enfin, le président a ajouté que « [l]e secrétaire général indiquera[it] les autres mesures administratives susceptibles de favoriser le bon déroulement de l’activité administrative et propices à ce que soient surmontés les incompréhensions et les différends au sein du secrétariat général, dans le respect des principes de bonne administration et de l’exercice par les différentes structures des compétences, des responsabilités et des pouvoirs qui sont les leurs ».

31      La décision du 3 mars 2010 a été communiquée au requérant le jour de son adoption dans sa version originale, en langue italienne, puis, le 10 mars suivant, dans des versions en langues espagnole et française.

32      Le 24 mars 2010, le président a adopté un « addendum » à la décision du 3 mars 2010, dans lequel il était précisé que les « mesures [de transposition] de la décision [du 3 mars 2010], qui ser[aient] prises par le [s]ecrétaire général, ser[aient] exécutées sous l’autorité du [p]résident » (ci-après l’« addendum du 24 mars 2010 »).

33      Par la décision no 133/10 A de ce même 24 mars 2010, le président, « ayant consulté et avec l’accord du [s]ecrétaire général », a mis fin, « dans l’intérêt du service » et « avec effet immédiat », aux fonctions de chef du service juridique exercées par le requérant et a précisé que celui-ci « ser[ait] réaffecté, en qualité de chef d’unité et avec son poste, auprès d’un autre service du CESE, à partir du [6] avril 2010 » (ci-après la « décision mettant fin aux anciennes fonctions »).

34      Par décision no 184/10 A du 13 avril 2010, le président, « ayant consulté et avec l’accord du [s]ecrétaire général », a, « pour des raisons fonctionnelles », affecté le requérant à la direction de la logistique « en qualité de [c]hef d’unité et avec son poste […] afin notamment de s’occuper des affaires juridiques concernant les contrats et les appels d’offre[s] ». Il était prévu que ladite décision prenne effet à la date du 6 avril 2010 (ci-après la « décision de réaffectation »).

35      Par note du 3 juin 2010, le requérant a, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation à l’encontre :

–        de la décision du 3 mars 2010 ;

–        de l’addendum du 24 mars 2010 ;

–        de la décision mettant fin aux anciennes fonctions ;

–        de la décision de réaffectation.

 Procédure devant le Tribunal et le Tribunal de l’Union européenne

36      Conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, sans attendre la décision sur la réclamation, le requérant a introduit le recours qui a donné lieu à l’arrêt initial et qui tendait à l’annulation des décisions visées par la réclamation. Le même jour, il a également saisi le Tribunal d’une demande en référé tendant à l’octroi du sursis à l’exécution des mêmes décisions.

37      Par lettres du greffe du Tribunal du 11 juin 2010, les parties ont été informées, conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, de la suspension de la procédure au principal.

38      Par ordonnance du 14 juillet 2010, Bermejo Garde/CESE (F‑41/10 R, EU:F:2010:89), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

39      À la suite de la décision de rejet de la réclamation, intervenue le 1er octobre 2010 et notifiée au requérant le 15 octobre suivant, les parties ont été informées, conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, de la reprise de la procédure au principal devant le Tribunal.

40      Par son recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt initial, le requérant a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 3 mars 2010, l’addendum du 24 mars 2010, la décision mettant fin aux anciennes fonctions et la décision de réaffectation ;

–        condamner le CESE à lui payer la somme de 17 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

–        condamner le CESE à l’ensemble des dépens.

41      Le CESE a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant à l’ensemble des dépens, y compris ceux relatifs à la procédure en référé.

42      Par l’arrêt initial, le Tribunal a rejeté le recours et condamné le requérant aux dépens.

43      Par l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a annulé l’arrêt initial, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé les dépens.

 Procédure et conclusions des parties dans l’instance après renvoi

44      Dans la présente instance après renvoi, les mémoires d’observations écrites du requérant et du CESE sont parvenus au greffe du Tribunal respectivement le 22 décembre 2014 et le 19 février 2015.

45      Au cours de l’audience, le Tribunal, compte tenu des plaidoiries des parties, a fixé à ces dernières un délai allant jusqu’au 3 septembre 2015 pour informer le Tribunal si elles souhaitaient ou non tenter un règlement amiable de l’affaire.

46      Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. Le requérant a informé le Tribunal qu’il préférait que l’affaire soit clôturée par un arrêt et a également affirmé que les conclusions de la commission d’invalidité établissant l’origine professionnelle de son invalidité avaient été entérinées par le CESE et lui étaient parvenues par courrier le 27 juillet 2015. Le CESE a pour sa part répondu en se déclarant favorable à une telle tentative de règlement amiable.

47      Au vu des positions prises par les parties, le Tribunal a décidé de clôturer la procédure orale et de mettre l’affaire en délibéré, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffe du Tribunal du 9 septembre 2015.

48      Dans son mémoire d’observations écrites, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable et fondé ;

–        en conséquence, lui accorder le bénéfice de ses conclusions telles que révisées à la suite de l’arrêt de renvoi ;

–        annuler la décision mettant fin aux anciennes fonctions ;

–        annuler la décision de réaffectation ;

–        condamner le CESE au paiement de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

–        condamner le CESE à l’ensemble des dépens.

49      Dans son mémoire d’observations écrites après renvoi, le requérant a précisé que, compte tenu de l’issue donnée à son pourvoi par l’arrêt de renvoi, il se désistait de ses conclusions visant l’annulation de la décision du 3 mars 2010 et de celles visant l’annulation de l’addendum du 24 mars 2010. Le CESE a pris formellement acte de ce désistement dans ses observations écrites.

50      Le CESE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

 En droit

 Sur l’objet du renvoi

51      Par l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne, après avoir rejeté les arguments du CESE contestant, en partie, la recevabilité des conclusions en annulation (arrêt de renvoi, points 40 et suivants), a partiellement annulé l’arrêt initial, notamment en ce qu’il avait conclu que « [le requérant] n’était pas fondé à prétendre que les décisions mettant fin aux fonctions antérieures et de réaffectation auraient été adoptées en violation de l’article 12 bis, paragraphe 2, et de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, ou auraient constitué une sanction déguisée en méconnaissance de l’article 86 dudit statut » (arrêt de renvoi, point 165) et a rejeté le pourvoi pour le surplus.

52      Le Tribunal de l’Union européenne a aussi précisé, in fine de l’arrêt de renvoi, ce qui suit : « […] la question de savoir si le requérant a transmis les informations contenues dans la note du 7 décembre 2009 de bonne foi au sens de l’article 12 bis, paragraphe 2, et de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut implique une réappréciation des faits et des circonstances pertinents, fondée sur un examen des éléments de preuve soumis au Tribunal […] à la lumière des critères indiqués dans [l’arrêt de renvoi ; d]ès lors, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal […] pour qu’il statue sur les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision mettant fin aux fonctions antérieures et de la décision de réaffectation ainsi que sur la demande de réparation du préjudice subi, en ce qu’elle repose sur cette annulation […] » (arrêt de renvoi, point 168).

53      Il convient donc d’examiner en premier lieu la question indiquée au point précédent et, ensuite, de se prononcer sur les conclusions du requérant visant la réparation du préjudice que ce dernier prétend avoir subi.

 Sur la question de savoir si le requérant a transmis les informations contenues dans sa note du 7 décembre 2009 de bonne foi au sens de l’article 12 bis, paragraphe 2, et de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut

54      À cet égard, il convient d’abord de rappeler que, dans l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a relevé que « [l]’obligation générale d’information imposée par l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut peut […] s’avérer incompatible avec la protection spéciale que l’article 12 bis, paragraphe 2, première phrase, du statut entend explicitement conférer à la victime de harcèlement[ ; p]artant, il y a lieu de considérer que le fonctionnaire qui s’estime harcelé ne saurait être tenu de dénoncer les faits de harcèlement[ ; n]éanmoins, il ne saurait être exclu qu’il puisse, s’il le souhaite, dénoncer les faits de harcèlement sur le fondement de l’article 22 bis, dans l’intérêt de l’Union, le harcèlement “pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires” au sens de cet article » (arrêt de renvoi, point 106).

55      Ceci étant, il est constant, et le Tribunal de l’Union européenne l’a d’ailleurs aussi rappelé dans l’arrêt de renvoi, que, tant dans le cas du fonctionnaire qui s’estime victime de harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut que dans le cas du fonctionnaire qui, au titre de l’article 22 bis du statut, alerte la hiérarchie de son institution ou directement l’OLAF sur des faits de harcèlement ou d’autres faits pouvant laisser présumer une activité illégale éventuelle préjudiciable aux intérêts de l’Union (ci-après le « lanceur d’alerte » ou le « fonctionnaire lanceur d’alerte »), les faits dénoncés doivent en tout cas être communiqués à l’institution concernée dans le respect des obligations d’ordre général figurant aux articles 11 et 12 du statut.

56      En effet, ainsi que l’a précisé le Tribunal de l’Union européenne, les fonctionnaires agissant au titre des articles 12 bis et/ou 22 bis du statut sont, comme tous les autres fonctionnaires de l’Union, également « soumis à plusieurs obligations statutaires[ : i]l s’agit [notamment] des obligations d’objectivité, d’impartialité et de loyauté découlant de l’article 11, premier alinéa, du statut, ainsi que de [l’obligation de respect de la] dignité de la fonction, visée à l’article 12 du statut[ ; e]n outre, le fonctionnaire se doit, comme tout citoyen, de respecter le principe de la présomption d’innocence et de la dignité d’autrui[ ; p]artant, lorsqu’un fonctionnaire communique des informations au titre des articles 12 bis et 22 bis du statut, il ne saurait s’affranchir de ses autres obligations et devoirs[ ; a]u contraire, il doit faire preuve de discernement, afin de ne pas nuire indûment à ses collègues ou au bon fonctionnement de son service[ ; o]r, la communication d’informations non vraisemblables ou de faits dépourvus de tout fondement est susceptible d’avoir de tels effets préjudiciables » (arrêt de renvoi, points 128 et 129).

57      Les conditions statutaires que les fonctionnaires ou agents de l’Union doivent respecter lorsqu’ils agissent au titre des articles 12 bis et/ou 22 bis du statut ainsi rappelées, en ce qui concerne d’abord les faits que le requérant a dénoncés sur la base de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, le Tribunal de l’Union européenne a relevé, au point 158 de l’arrêt de renvoi, que « le Tribunal […] aurait dû examiner de manière concrète si [l]es agissements [de harcèlement moral reprochés au secrétaire général] pouvaient être considérés comme des faits authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral ».

58      À cet égard, il convient en premier lieu de rappeler que, dans l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a affirmé qu’« il ressort des points 18 et 85 à 100 de l’arrêt [initial] que les relations entre le requérant en sa qualité de chef du service juridique, d’une part, et le secrétaire général, d’autre part, s’étaient considérablement détériorées[ ; i]l en ressort également que l’administration n’a pas réagi aux difficultés que le requérant éprouvait et qui avaient généré des dysfonctionnements comme l’exclusion du chef du service juridique d’une affaire qu’il devait normalement traiter, évoquée aux points 89 et 90 de l’arrêt [initial ; d]e plus, le requérant rappelle, sans être contredit par le CESE, qu’il a cherché à plusieurs reprises à trouver une solution à la situation de travail détériorée avant de déposer la note du 7 décembre 2009 » (arrêt de renvoi, point 148).

59      Dans ces circonstances, le Tribunal, en sa qualité de juge statuant après renvoi, ne peut que prendre acte des faits ainsi énumérés dans l’arrêt de renvoi, en particulier l’exclusion du requérant d’une affaire qu’il aurait dû normalement traiter ou la situation de travail qui s’était détériorée entre ce dernier et le secrétaire général, et qui, ne faisant pas l’objet de controverses de la part des parties, doivent dès lors être considérés, aux fins de l’application de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, comme des faits authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables, laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, tels que visés au point 158 de l’arrêt de renvoi.

60      En deuxième lieu, il ressort du rapport du chef de cabinet du président que, s’il existait un « climat tendu » entre le chef du service juridique et le secrétaire général, cette difficulté semblait due pour l’essentiel à une divergence d’opinions sur le rôle du service juridique et que « [l]es divers épisodes qualifiés de harcèlement n[’étaient] que des manifestations de cette divergence, le cas échéant aggravées par des différences culturelles importantes dans le domaine juridique ainsi que par le caractère personnel des intervenants » (voir point 24 du présent arrêt).

61      Or, dans le cadre de l’analyse des différents faits exposés par le requérant dans les huit annexes à sa note du 7 décembre 2009, le chef de cabinet du président ne signale dans son rapport, quant à l’origine de ce climat et à l’existence de ces divergences d’opinions, aucun agissement ou conduite imputable au requérant et susceptible, de la part de ce dernier, de constituer une violation aux obligations découlant des articles 11 et 12 du statut.

62      En revanche, dans le rapport du chef de cabinet du président, que les parties n’ont pas contesté, il est également fait état de relations professionnelles considérablement détériorées entre le requérant et le secrétaire général, caractérisées par des épisodes et des manifestations laissant vraisemblablement présumer l’existence, de la part du secrétaire général et envers le requérant, d’une attitude non conforme aux dispositions statutaires régissant les droits, les obligations et la conduite des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, y inclus de la part d’un secrétaire général. À cet égard, il échet également de relever que le CESE, dans ses observations écrites après renvoi, a admis que le requérant avait effectivement subi des pressions de la part du secrétaire général, tout en faisant néanmoins valoir que ce dernier aurait ainsi agi car il aurait été, lui-même, soumis à la pression d’un membre du bureau. Toutefois, comme il sera plus amplement exposé aux points 68 à 72 du présent arrêt, une telle explication n’est pas de nature à pouvoir faire disparaître le fait, admis par le CESE lui-même, que le requérant a, en tout cas, subi des pressions indues exercées par le secrétaire général, laissant présumer l’existence d’une attitude de la part de ce dernier non conforme aux dispositions statutaires, en particulier celles concernant le harcèlement moral.

63      En troisième lieu, dans sa décision du 3 mars 2010, le président, tout en considérant que le grief de persécution au travail de la part du secrétaire général à l’encontre du requérant n’était pas justifié, a néanmoins chargé le secrétaire général lui-même d’indiquer « les […] mesures administratives susceptibles de favoriser le bon déroulement de l’activité administrative et propices à ce que soient surmontés les incompréhensions et les différends au sein du secrétariat général, dans le respect des principes de bonne administration et de l’exercice par les différentes structures des compétences, des responsabilités et des pouvoirs qui sont les leurs ».

64      Il découle ainsi de l’invitation faite par le président au secrétaire général que, depuis un certain temps, il y avait eu des incompréhensions et différends entre ce dernier et le requérant et que, malgré cette situation, aucune mesure administrative susceptible de favoriser le bon déroulement de l’activité administrative ou propice à surmonter le conflit existant n’avait été prise jusque-là.

65      Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments du dossier tels qu’examinés par le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt de renvoi et par le Tribunal dans le cadre de la présente procédure après renvoi constituaient, prima facie, des faits authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables laissant présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral à l’encontre du requérant et que ce dernier, tout en subissant ce comportement, les a communiqués, dans sa note du 7 décembre 2009, avec discernement, en particulier après avoir cherché, à plusieurs reprises, à trouver une solution à la situation de travail détériorée qui était la sienne.

66      Néanmoins, dans ses observations écrites, afin tout d’abord d’expliquer et de justifier l’attitude du secrétaire général, le CESE indique ce qui suit :

« Le nouveau [secrétaire général], qui était anglophone, avait une conception du service juridique qui différait de celle du requérant. Le [secrétaire général] s’attendait en premier lieu à recevoir des conseils sur l’approche concrète à adopter dans les dossiers concernés, plutôt qu’un avis juridique s’étalant plus ou moins longuement sur différentes options et qui laiss[e] ensuite encore des marges d’interprétation. Ceci ne cadrait pas avec l’attente du [secrétaire général] de recevoir des avis avant tout pratiques et sur le terrain, autrement dit des conseils concrets. Par ailleurs, le [secrétaire général] s’attendait – et était en droit de le faire – à ce que le requérant s’adapte à ses attentes, tel que l’on peut s’y attendre de la part d’un fonctionnaire de grade AD 13 affecté à un service aussi important que [le] service juridique. »

67      Or, de tels arguments méconnaissent le fait qu’un service juridique, de par son rôle et ses connaissances spécifiques, est appelé à fournir, à l’institution qu’il est censé servir, toutes les informations nécessaires pour qu’elle adopte, dans l’exercice de ses compétences et dans toute la mesure du possible, des actes conformes au droit de l’Union. Dans cette perspective, un service juridique ainsi que son chef ne sauraient être tenus de s’adapter, d’office, aux attentes du responsable du secrétariat général de l’institution, voire de le seconder de droit, notamment lorsqu’il s’agit comme en l’espèce, d’après l’analyse dudit service juridique, de prétentions susceptibles d’aller à l’encontre des dispositions légales applicables. C’est d’ailleurs dans ce sens que la Cour a clairement relevé qu’il est de l’intérêt de chaque institution, organe ou organisme de l’Union, doté d’un service juridique, de demander et de recevoir, de la part de ce dernier, des avis juridiques « francs, objectifs et complets » (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 42). En statuant ainsi, la Cour n’a d’ailleurs pas affirmé que l’institution concernée devait être tenue, d’office, de suivre tels quels les avis de son service juridique. En tout état de cause, le pouvoir de l’institution de ne pas suivre un avis de son service juridique ne l’empêche pas d’entretenir avec ce dernier les relations professionnelles correctes qui s’imposent dans le cadre d’une bonne administration des services.

68      En ce qui concerne ensuite le caractère authentique ou vraisemblable des informations fournies par le requérant dans sa note du 7 décembre 2009 et relatives aux pressions que le secrétaire général aurait exercées sur le service juridique, le CESE fait valoir, dans ses observations écrites après renvoi, que « le requérant a reconnu que le [secrétaire général] avait agi sous la pression d’un membre du [b]ureau[ ; p]artant, le requérant savait que le [secrétaire général] n’agissait pas vis-à-vis du requérant, si bien que cette action ne laissait pas présumer l’existence d’un harcèlement moral [de la part de ce dernier] ».

69      Cependant, une telle explication, si elle était entérinée sur le plan du droit, reviendrait pratiquement à affirmer qu’il n’y aurait pas de harcèlement moral lorsque le harceleur présumé agit, vis-à-vis du fonctionnaire concerné, sous la pression d’un membre de l’institution et donc en tant qu’intermédiaire de ce dernier.

70      En effet, une telle thèse méconnaîtrait, en premier lieu, la notion même de harcèlement, telle que rappelée d’ailleurs par le Tribunal dans son arrêt initial, au point 83, dans lequel il a été précisé que, pour qu’il y ait harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, il suffit que les agissements du harceleur présumé, dès lors qu’ils ont été commis volontairement – ce dont nul ne doute en l’espèce –, aient entraîné « objectivement » le discrédit sur la victime de ces agissements et la dégradation de ses conditions de travail.

71      En deuxième lieu, la thèse susmentionnée autoriserait en définitive le secrétaire général d’une institution, à savoir l’autorité administrative la plus élevée au sein de celle-ci, à ne pas respecter lui-même les règles statutaires auxquelles il est tenu, en matière par exemple de recrutement impartial du personnel ou de respect de la dignité des fonctions exercées par un fonctionnaire ou encore de respect de l’obligation découlant de l’article 22 bis du statut – qui, à son paragraphe 1, dernier alinéa, régit aussi explicitement le cas de manquement grave commis « par un membre d’une institution » –, et ceci simplement en raison du fait qu’il aurait agi sous la pression indûment exercée à son égard par un membre de son institution.

72      En troisième lieu, la thèse susmentionnée irait à l’encontre du libellé de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, lequel, comme le Tribunal l’a relevé dans l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203, point 51), ne fournit aucune précision quant à l’origine du harcèlement moral dont il s’agit, de sorte que, en vertu de cet article, l’institution concernée est tenue, lorsqu’elle est dûment saisie, de réagir également dans le cas où « l’auteur présumé du harcèlement [moral] est un membre de cette institution » et d’assumer ainsi, en la matière, les responsabilités spécifiques qui sont les siennes.

73      Par conséquent, sur la base de la réappréciation des faits et des circonstances de l’espèce, conduite à la lumière des critères indiqués par le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt de renvoi, il y a lieu de conclure que les faits dénoncés par le requérant dans la note du 7 décembre 2009 au titre de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut ne pouvaient être considérés, en ce qu’ils laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre, que comme des faits authentiques ou, à tout le moins, vraisemblables. Il y a également lieu de conclure que lesdits faits ont été communiqués par le requérant aux autorités compétentes du CESE en faisant preuve de discernement, à savoir dans le respect des obligations d’objectivité, d’impartialité et de loyauté découlant de l’article 11, premier alinéa, du statut ainsi que de la dignité de la fonction visée à l’article 12 du statut, et après avoir cherché, à plusieurs reprises, à trouver une solution aux incompréhensions et différends existant avec le secrétaire général et, en définitive, une solution à la situation de travail détériorée qui était la sienne.

74      À ce dernier égard, il convient aussi de relever que nulle part dans ses observations écrites le CESE n’a fait valoir, preuves à l’appui et compte tenu des constatations faites par le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt de renvoi, que le requérant n’aurait pas respecté lesdites obligations ou n’aurait, finalement, fourni que « quelques éléments de “preuve” ». À cet égard, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, le CESE a admis, lors de l’audience, qu’il avait finalement pris connaissance de l’ensemble de la documentation déposée par le requérant en tant qu’annexe C.7 à sa réplique dans l’instance initiale. En outre, comme il ressort des points 60 à 63 du présent arrêt, ni dans le rapport du chef de cabinet du président ni dans la décision du 3 mars 2010, il n’est fait état d’agissements spécifiques du requérant laissant présumer la violation, de sa part, des obligations découlant des articles 11 et 12 du statut et qu’il n’aurait pas agi avec discernement.

75      Enfin, il y a lieu de rappeler que, afin de justifier la décision mettant fin aux anciennes fonctions du requérant, le CESE, dans son mémoire en défense initial (point 127 de l’arrêt initial), avait fait valoir que les accusations portées à l’encontre du secrétaire général contenues dans la note du 7 décembre 2009 avaient « ébranlé » le degré de confiance requis tout particulièrement par la fonction confiée au requérant en tant que chef du service juridique.

76      Or, il suffit à cet égard de considérer que toute plainte pour harcèlement moral ou sexuel visant un supérieur hiérarchique emporte, dans la plupart des cas, rupture du lien de confiance administrative entre les fonctionnaires concernés. Cependant, c’est exactement pour lutter efficacement contre ces phénomènes de harcèlement que l’article 12 bis du statut confère au fonctionnaire qui en est victime une « protection spéciale », comme l’a rappelé le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt de renvoi, en prévoyant que ce fonctionnaire, lorsqu’il a porté plainte au titre de cet article et dans le respect des obligations d’ordre général prévues aux articles 11 et 12 du statut (voir points 54 et 56 du présent arrêt), ne subit, en principe, aucun préjudice de la part de son institution, surtout quand la relation de confiance administrative entre lui et le harceleur présumé, notamment lorsque ce dernier est le supérieur hiérarchique direct de la victime, ne subsiste plus.

77      Il y a donc lieu de conclure que, sur la base des considérations qui précèdent, les décisions mettant fin aux fonctions antérieures et de réaffectation ont été prises en violation de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut.

78      Ensuite, en ce qui concerne les informations contenues dans la note du 7 décembre 2009 et que le requérant a transmises au titre de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, il convient de rappeler que le Tribunal de l’Union européenne, après avoir annulé l’arrêt initial, a renvoyé la présente affaire au Tribunal pour qu’il vérifie si le requérant avait transmis ces informations « de bonne foi », comme le prévoit expressément cet article, en l’invitant à réapprécier, pour ce faire, les faits et les circonstances de l’espèce à la lumière des trois critères d’appréciation suivants : la gravité des faits dénoncés, le caractère authentique ou vraisemblable des informations transmises et les modalités de communication utilisées (arrêt de renvoi, points 154, 156 et 159).

79      En particulier, en ce qui concerne le premier de ces critères, le Tribunal de l’Union européenne a relevé que le Tribunal, dans son arrêt initial, n’avait pas examiné si « le cumul » des faits dénoncés par le requérant, et ne le concernant pas directement, avec les pratiques dénoncées par ce dernier et qui le concernaient directement, en particulier les pratiques laissant présumer un harcèlement moral à son égard, pouvait être considéré comme étant un comportement grave dans son ensemble (arrêt de renvoi, point 155).

80      [Tel que rectifié par ordonnance du 4 juillet 2016] Or, la réponse à cette question ne peut qu’être affirmative. En effet, il suffit de constater que, compte tenu de l’importance des dispositions de la Charte, notamment des articles 1er et 31 de celle-ci, ainsi que de celles du statut, en particulier des articles 12 et 12 bis de celui-ci, toutes visant à assurer la protection de la dignité humaine sur les lieux de travail des institutions, organes et organismes de l’Union, le harcèlement moral constitue déjà, en soi, un comportement grave (voir aussi point 54, in fine, du présent arrêt). Si, donc, aux pratiques laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral de la part du secrétaire général (voir points 60 à 65 du présent arrêt) viennent s’ajouter d’autres faits laissant présumer, à la charge de ce dernier, des comportements préjudiciables aux intérêts de l’Union, ce cumul de faits ne peut donner lieu, comme résultat d’ensemble, qu’à un faisceau unitaire de faits laissant, en principe, présumer l’existence d’une activité fautive inévitablement grave, voire d’une gravité certaine.

81      En tout état de cause, ces faits doivent être d’abord appréciés à la lumière du deuxième critère indiqué par le Tribunal de l’Union européenne et relatif à leur caractère authentique ou vraisemblable. À cet égard, le Tribunal de l’Union européenne a notamment relevé, dans son arrêt de renvoi, que, pour vérifier si le requérant, en tant que lanceur d’alerte, avait agi de bonne foi, le Tribunal, au lieu de conclure que le secrétaire général n’avait pas usurpé certains pouvoirs, « aurait dû examiner si les informations contenues dans [les] pièces [du dossier] pouvaient laisser présumer l’existence d’une telle usurpation » (arrêt de renvoi, point 157).

82      Or, au point 42 de ses observations écrites après renvoi, le CESE admet, à cet égard, que « si le [secrétaire général] a certes commis certaines irrégularités une vue d’ensemble des pièces du dossier ne cré[e] pas de présomption qu’il pouvait s’agir d’illégalités ou de graves manquements au sens de l’article 22 bis, paragraphe 1, du [s]tatut » (souligné par le CESE). Toujours au point 42 de ses observations écrites après renvoi, le CESE poursuit ainsi : « Vouloir considérer le non[-]respect d’une règle de compétence ou de procédure comme cré[a]nt ipso facto une présomption d’illégalité grave ou de manquement grave serait contraire tant au libellé qu’à la ratio legis de l’article 22 bis du statut. »

83      Cependant, il échet de constater que l’article 22 bis du statut n’exige pas que le fonctionnaire lanceur d’alerte établisse une « présomption d’illégalité grave ou de manquement grave », ce qui serait d’ailleurs une opération juridiquement assez complexe et de ce fait pas à la portée de tout fonctionnaire ou agent de l’Union. L’article 22 bis du statut se limite, en effet, à prévoir que tout fonctionnaire qui a connaissance de faits « qui peuvent laisser présumer » l’existence d’une conduite « pouvant constituer un grave manquement aux obligations » du statut en informe « immédiatement » ses supérieurs hiérarchiques. C’est ensuite aux supérieurs hiérarchiques du lanceur d’alerte que l’article 22 bis, paragraphe 2, du statut impose l’obligation de communiquer « immédiatement » à l’OLAF « tout élément de preuve » dont ils pensent disposer au sujet de l’existence des irrégularités portées à leur connaissance.

84      Or, comme le précise l’article 22 bis du statut lui-même, l’appréciation portée par le fonctionnaire lanceur d’alerte sur la question de savoir s’il s’agit de violations, prima facie, graves, donnant lieu à un préjudice sérieux pour les intérêts de l’Union, doit se faire, en premier lieu, « en rapport avec l’exercice [des] fonctions » exercées par le lanceur d’alerte. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un fonctionnaire exerçant de simples fonctions administratives d’exécution ou, au contraire, d’un fonctionnaire expérimenté exerçant des fonctions directement liées au contrôle d’opérations financières complexes ou encore susceptibles d’engager la responsabilité de l’institution vis-à-vis de tiers. En l’espèce, le Tribunal de l’Union européenne a relevé, dans son arrêt de renvoi, que, « eu égard à son niveau de responsabilité, le chef du service juridique d’une institution ou d’un organe est davantage sensible à ses obligations statutaires » (arrêt de renvoi, point 152).

85      En ce qui concerne ensuite les faits qui, en l’espèce, seraient susceptibles de porter atteinte aux intérêts de l’Union, le Tribunal de l’Union européenne, au point 154 de son arrêt de renvoi, mentionne expressément les cinq faits suivants : « l’absence de sanction disciplinaire par le secrétaire général d’un fonctionnaire qui avait soustrait du matériel au CESE et le refus de saisine de l’OLAF concernant ce cas (arrêt [initial], point 143), l’acceptation par le secrétaire général du paiement d’un montant d’honoraires à un avocat externe, sur lequel le requérant “a pu légitimement s’interroger” (arrêt [initial], points 144 et 145), les “erreurs regrettables” [de la part du secrétaire général] constatées par le chef de cabinet du président […] dans son analyse des procédures de pourvoi des emplois de directeur de la direction A des travaux consultatifs et de directeur des ressources humaines et financières du CESE (arrêt [initial], point 146), le fait que le secrétaire général ait occupé ad interim le poste de directeur des ressources humaines de façon relativement longue et qui a été qualifié d’“anormal” par le même chef de cabinet du président (arrêt [initial], point 147), ainsi que le fait que le secrétaire général n’ait pas décrit avec suffisamment de précision la nature des fonctions et des attributions du secrétaire général adjoint (arrêt [initial], point 147) ».

86      Il s’ensuit que, compte tenu des faits tels que décrits par le juge du pourvoi lui-même, rien ne permet d’exclure qu’aux yeux du requérant, chef du service juridique, ces faits aient pu laisser présumer l’existence d’un comportement grave et aussi continu de la part du secrétaire général. En effet, ainsi qu’il sera constaté au point 93 du présent arrêt, il est constant que la note du 7 décembre 2009, et les faits qu’elle relate, ne saurait être analysée comme un fait isolé, mais comme faisant suite à une série d’événements et d’incidents. En outre, comme il ressort des points 65 et 73 du présent arrêt, les faits en question ont été communiqués par le requérant avec discernement et, ni dans le rapport du chef de cabinet du président ni dans les décisions de ce dernier du 26 mars 2010 et du 13 avril suivant, il n’est fait état d’une communication de la part de l’auteur de la note du 7 décembre 2009 comme ayant été faite de mauvaise foi.

87      Enfin, en ce qui concerne le troisième critère relatif aux modalités de communication utilisées par le requérant, il convient de relever que, dans son arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a constaté que, en ce qui concerne la diffusion en interne de la note du 7 décembre 2009 aux membres du bureau, ces derniers constituent, dans leur ensemble, l’un des organes internes du CESE et peuvent de ce fait « être qualifiés “de personne de […] rang équivalent” au rang des supérieurs hiérarchiques visés par l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut » (arrêt de renvoi, point 161).

88      Dans ses observations écrites après renvoi, le CESE soutient en revanche que, aux termes de l’article 22 bis du statut, « il n’est pas question qu’un fonctionnaire puisse, dans l’exercice de son obligation [de lancer une alerte en vue de protéger les intérêts de l’Union], s’adresser à l’ensemble des personnes composant un organe interne, tel le [b]ureau ». Or, un tel argument est, en l’espèce, dépourvu de tout fondement.

89      En effet, il suffit de relever, d’une part, que, dans son mémoire en défense initial, le CESE a admis lui-même que le « [b]ureau a[vait] débattu à huis clos la plainte du requérant et a[vait] décidé à l’unanimité de clore le dossier sans suites[ ; d]ans le cadre de cette réunion, le [b]ureau [avait d’ailleurs] donn[é] mandat au [p]résident […] d’informer le requérant en conséquence ».

90      D’autre part, il ressort clairement de la décision du 3 mars 2010 que, selon son auteur, le président a agi vis-à-vis du requérant précisément « sur la base du mandat que lui a confié le [b]ureau le 16 février 2010 » et qui devait être, en principe, celui de clore ce dossier « sans suites ».

91      Dans ces circonstances, il apparaît évident que le requérant avait tout intérêt à transmettre sa note du 7 décembre 2009 également à chaque membre de cet organe décisionnel qu’est le bureau et que, ce faisant, il a agi dans le respect des dispositions spécifiques figurant à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut, rappelées expressément par le Tribunal de l’Union européenne comme souligné au point 87 du présent arrêt.

92      Enfin, au point 163 de l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a rappelé, toujours au sujet de ce troisième critère, que le Tribunal « aurait dû examiner si la communication de la note du 7 décembre 2009, qui ne saurait être analysée comme un fait isolé, […] faisait suite à une série d’événements et d’incidents ».

93      Or, dans ses observations écrites après renvoi, le CESE précise que, de son point de vue, le Tribunal, dans son arrêt initial, « n’a pas examiné la note du 7 décembre 2009 comme un “fait isolé” ». Cette conclusion correspond, d’ailleurs, exactement au point de vue que le requérant a exprimé dans ses propres observations écrites après renvoi. Dans ces circonstances, le Tribunal, dans le cadre du présent arrêt, ne peut que prendre acte de ce que les points de vue exprimés à ce sujet par les deux parties sont concordants.

94      En définitive, au vu de la réappréciation des faits qui précède, conduite à la lumière des trois critères indiqués par le Tribunal de l’Union européenne dans son arrêt de renvoi, il y a lieu de conclure que le requérant, en communiquant aux autorités compétentes du CESE la note du 7 décembre 2009, a agi dans le respect de l’article 12 bis, paragraphe 2, et de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut et que, par conséquent, la décision mettant fin à ses anciennes fonctions et la décision de réaffectation ont été adoptées en violation de ces articles du statut et doivent dès lors être annulées.

 Sur les conclusions indemnitaires

95      Le Tribunal de l’Union européenne ayant renvoyé au Tribunal également l’examen de la demande du requérant visant la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi et que le Tribunal avait rejetée dans son arrêt initial, il y a lieu de procéder, suite à l’annulation des décisions litigieuses mentionnées au point précédent, à l’examen desdites conclusions indemnitaires.

96      À cet égard, dans son recours initial, le requérant avait considéré que les décisions mettant fin à ses anciennes fonctions et de réaffectation lui avaient causé un préjudice essentiellement moral, estimé, ex æquo et bono, à la somme de 15 000 euros, ainsi qu’un préjudice matériel évalué à 1 000 euros, causé par les frais d’avocat liés à la phase précontentieuse du litige. Il ressort ensuite de l’arrêt de renvoi que le requérant a demandé au juge du pourvoi de condamner le CESE au paiement de la somme de 17 500 euros au titre de dommages et intérêts. Enfin, dans ses observations écrites après renvoi, le requérant a estimé nécessaire de revoir l’évaluation initiale de son préjudice moral et demande finalement, à ce dernier titre, le versement de la somme de 25 000 euros.

97      Il convient également de relever que, dans le cadre de la réévaluation du préjudice subi, telle que le requérant l’a formulée dans ses observations écrites après renvoi, la mention du préjudice matériel ne figure plus.

98      Ceci étant, dans ses conclusions indemnitaires après renvoi, le requérant fait valoir qu’il est en congé de maladie depuis novembre 2013 et qu’il fait l’objet d’une procédure d’invalidité ouverte par le CESE le 22 octobre 2014. En outre, il fait valoir que, par courrier du CESE en date du 27 juillet 2015 il a été finalement informé que les conclusions de la commission d’invalidité établissant l’origine professionnelle de son invalidité avaient été entérinées par le CESE.

99      En deuxième lieu, la révision du montant des dommages s’inscrirait, selon le requérant, dans le cadre du droit à la protection juridictionnelle « effective », consacré par l’article 47 de la Charte. À cet égard, le requérant souligne l’incertitude dans laquelle il a été laissé, la souffrance née du temps passé à contester les décisions dont il a été destinataire et l’interruption non justifiée de sa carrière.

100    Le CESE, dans ses observations écrites après renvoi fait, pour sa part, notamment valoir que « le fait d’aller en justice, puis d’introduire un pourvoi, pour enfin déposer des observations suite au renvoi […] ne génère pas, ipso jure, un droit à [une] compensation » (souligné par le CESE).

101    Ceci étant, il convient d’abord de constater que les conditions requises pour l’allocation des dommages et intérêts, à savoir l’illégalité du comportement reproché au CESE, la réalité du dommage allégué par le requérant (voir point 103 du présent arrêt) et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement critiqué et le préjudice subi, sont en l’espèce remplies.

102    En ce qui concerne, ensuite, l’évaluation du dommage allégué, il est de jurisprudence constante que l’annulation des actes administratifs qui sont à l’origine de ce dommage peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice moral que le requérant peut avoir subi, au niveau notamment de sa réputation professionnelle (arrêt du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, EU:T:2002:212, point 97).

103    Dans les circonstances de l’espèce, cependant, le préjudice moral subi par le requérant, qui découle de la violation à son égard des dispositions que le statut a spécifiquement établies, d’une part, dans le cadre de la lutte contre le harcèlement, à savoir les articles 12 et 12 bis du statut, et, d’autre part, en défense des intérêts de l’Union, à savoir les articles 22 bis et suivants du statut, ne saurait être entièrement réparé par l’annulation de la décision mettant fin à ses anciennes fonctions et de la décision de réaffectation. En effet, l’annulation de ces décisions, qui intervient plusieurs années après l’adoption de ces actes, ne saurait vraisemblablement avoir l’effet de pouvoir replacer le requérant dans la situation administrative qui était la sienne antérieurement auxdits actes. Le requérant a d’ailleurs informé le Tribunal que les conclusions de la commission d’invalidité établissant l’origine professionnelle de son invalidité avaient été entérinées par le CESE par courrier du 27 juillet 2015.

104    Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, de condamner le CESE au paiement de la somme de 25 000 euros, au titre des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par le requérant.

 Sur les dépens

105    Il appartient au Tribunal de statuer dans le présent arrêt sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, conformément à l’article 131 du règlement de procédure.

106    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

107    En l’espèce, il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le CESE est la partie qui succombe tant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de renvoi que dans la présente affaire. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que le CESE soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le CESE doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter l’ensemble des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions du président du Comité économique et social européen du 24 mars 2010 mettant fin aux fonctions antérieures de M. Moises Bermejo Garde en tant que chef d’unité du service juridique et du 13 avril 2010 relative à sa réaffectation sont annulées.

2)      Le Comité économique et social européen est condamné à verser à M. Bermejo Garde la somme de 25 000 euros.

3)      Le Comité économique et social européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par M. Bermejo Garde dans les affaires F‑41/10, T‑530/12 P et F‑41/10 RENV.

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2016.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      R. Barents


* Langue de procédure : le français.