Language of document : ECLI:EU:T:2002:50

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

28 février 2002 (1)

«Concurrence - Conférences maritimes - Transport multimodal - Règlement (CEE) n° 4056/86 - Champ d'application - Exemption par catégorie - Règlement (CEE) n° 1017/68 - Exemption individuelle - Amende»

Dans l'affaire T-86/95,

Compagnie générale maritime, établie à Suresnes (France),

Hapag-Lloyd Aktiengesellschaft, établie à Hambourg (Allemagne),

Kawasaki Kisen Kaisha Ltd, établie à Tokyo (Japon),

Lloyd Triestino di Navigazione SpA, établie à Trieste (Italie),

A. P. Møller-Maersk Line, établie à Copenhague (Danemark),

Malaysian International Shipping Corporation Berhad, établie à Kuala Lumpur (Malaisie),

Mitsui OSK Lines Ltd, établie à Tokyo,

Nedlloyd Lijnen BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas),

Neptune Orient Lines Ltd, établie à Singapour (Singapour),

Nippon Yusen Kabushiki Kaisha, établie à Tokyo,

Orient Overseas Container Line, établie à Hongkong (Chine),

P & O Containers Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Wilh. Wilhemsen Ltd A/S, établie à Oslo (Norvège),

représentées par MM. P. Rutley, solicitor, J. Pheasant et A. Mariott, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

soutenues par

The European Community Shipowners' Associations ASBL, ayant son siège à Bruxelles (Belgique), représentée par Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

The Japanese Shipowners' Association, ayant son siège à Tokyo, représentée par MM. F. Randolph, barrister, et F. Murphy, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Langeheine et R. Lyal, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

The European Council of Transport Users ASBL, ayant son siège à Bruxelles, comprenant The European Shippers Council, représentée par M. M. Clough, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/985/CE de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/33.218 - Far Eastern Freight Conference) (JO L 378, p. 17),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. Y. Mottard, référendaire,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 7 juin 2000,

rend le présent

Arrêt(2)

Cadre juridique

1.
    Le règlement (CEE) n° 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4), prévoit un régime d'exemption par catégorie pour les conférences maritimes. Le huitième considérant de ce règlement est ainsi libellé:

«considérant qu'il est opportun de prévoir une exemption de groupe en faveur des conférences maritimes; que ces conférences exercent un rôle stabilisateur de nature à garantir des services fiables aux chargeurs; qu'elles contribuent généralement à assurer une offre de services de transport maritime réguliers, suffisants et efficaces et cela en prenant en considération les intérêts des usagers dans une mesure équitable; que ces résultats ne peuvent être obtenus sans la coopération que les compagnies maritimes développent au sein desdites conférences en matière detarifs et, le cas échéant, d'offre de capacité ou de répartition des tonnages à transporter, voire des recettes; que, le plus souvent, les conférences restent soumises à une concurrence effective de la part tant des services réguliers hors conférence que, dans certains cas, de services de tramp et d'autres modes de transport; que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transport maritime, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause».

2.
    En vertu de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, ce dernier ne vise que les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté, autres que les services de tramp, c'est-à-dire le transport de marchandises en vrac au moyen de navires affrétés à la demande. L'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 définit la notion de conférence maritime comme suit:

«[U]n groupe d'au moins deux transporteurs exploitants de navires qui assure des services internationaux réguliers pour le transport de marchandises sur une ligne ou des lignes particulières dans des limites géographiques déterminées et qui a conclu un accord ou un arrangement, quelle qu'en soit la nature, dans le cadre duquel ces transporteurs opèrent en appliquant des taux de fret uniformes ou communs et toutes autres conditions de transport concertées pour la fourniture des services réguliers.»

3.
    L'article 3 du règlement n° 4056/86 exempte de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE), les accords ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions relatives à la fourniture de services réguliers de transport maritime. L'exemption s'étend également aux accords ayant un ou plusieurs des objectifs suivants:

«a)    coordination des horaires des navires ou de leurs dates de voyage ou d'escale;

b)    détermination de la fréquence des voyages ou des escales;

c)    coordination ou répartition des voyages ou des escales entre membres de la conférence;

d)    régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres;

e)    répartition entre ces membres du tonnage transporté ou de la recette».

4.
    Selon l'article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, la Commission, avant de prendre une décision, donne aux entreprises et associations d'entreprises intéressées, l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefsretenus contre elles. Le règlement n° 4260/88 de la Commission, du 16 décembre 1988, relatif aux communications, aux plaintes, aux demandes et aux auditions visées au règlement n° 4056/86 (JO L 376, p. 1), en vigueur au moment des faits, précise les conditions procédurales à respecter lors de l'audition.

5.
    L'article 1er du règlement (CEE) n° 1017/68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1), prévoit:

«Dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, les dispositions du présent règlement s'appliquent aux accords, décisions et pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l'offre de transport, la répartition des marchés de transport, l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique, le financement ou l'acquisition en commun de matériel ou de fournitures de transport directement liés à la prestation de transport pour autant que cela soit nécessaire pour l'exploitation en commun d'un groupement d'entreprises de transport par route ou par voie navigable tel que défini à l'article 4, ainsi qu'aux positions dominantes sur le marché des transports. Ces dispositions s'appliquent également aux opérations des auxiliaires de transport qui ont le même objet ou les mêmes effets que ceux prévus ci-dessus.»

6.
    Selon l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68:

«Sous réserve des dispositions prévues aux articles 3 à 6, sont incompatibles avec le marché commun et interdits, sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet, tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et notamment ceux qui consistent à:

a)    fixer de façon directe ou indirecte, les prix et conditions de transport ou d'autres conditions de transaction,

[...]»

7.
    L'article 5 du règlement n° 1017/68 est libellé comme suit:

«L'interdiction de l'article 2 peut être déclarée inapplicable avec effet rétroactif:

-    à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

-    à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,

-    à toute pratique ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent

-    à améliorer la qualité des services de transport, ou

-    à promouvoir, sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps de l'offre et de la demande, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction des besoins de transport, ou

-    à augmenter la productivité des entreprises, ou

-    à promouvoir le progrès technique ou économique

en prenant en considération, dans une mesure équitable, les intérêts des utilisateurs de transport et sans

a)    imposer aux entreprises de transport intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b)    donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle du marché de transport en cause, d'éliminer la concurrence.»

8.
    Selon l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1017/68, «[si] la Commission arrive à la conclusion, au terme d'une procédure engagée sur plainte ou d'office, qu'un accord, une décision ou une pratique concertée remplit les conditions de l'article 2 et de l'article 5, elle rend une décision d'application de l'article 5. La décision indique la date à partir de laquelle elle prend effet. Cette date peut être antérieure à celle de la décision».

9.
    Conformément à l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68, la Commission peut infliger aux entreprises et associations d'entreprises, des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction, notamment, à l'article 2 dudit règlement.

10.
    Selon l'article 26, paragraphe 1, du règlement n° 1017/68, la Commission, avant de prendre une décision, donne aux entreprises et associations d'entreprises intéressées, l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus contre elles. Le règlement (CEE) n° 1630/69 de la Commission, du 8 août 1969, relatif aux auditions prévues à l'article 26, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) n° 1017/68 du Conseil du 19 juillet 1968 (JO L 209, p. 11), précise les conditions procédurales à respecter lors de cette audition.

Faits à l'origine du litige

11.
    La Far Eastern Freight Conference (ci-après la «FEFC») désigne un ensemble de conférences maritimes associées regroupant des compagnies maritimes assurant desservices réguliers de transport maritime de conteneurs entre l'Europe du Nord et l'Asie du Sud-Est et de l'Est, ainsi que des services de transport «porte à porte» ou multimodal.

12.
    Les compagnies membres de la FEFC ont convenu, outre des conditions générales d'adhésion, d'un tarif commun. En vue de tenir compte du transport multimodal, elles ont étendu vers 1971, date du début de l'utilisation des conteneurs, les compétences de la FEFC en matière de fixation des prix dans le secteur du transport maritime et de la manutention dans le port de chargement ou de déchargement à celui des services de transport terrestre.

13.
    Le tarif de la FEFC applicable à l'époque des faits en cause figure dans un document intitulé NT90 et est entré en vigueur le 1er janvier 1990. Il fixe les conditions générales des prestations de transport, y compris les modalités de paiement. Il est divisé en cinq parties, dont deux sont consacrées aux volets terrestres des opérations de transport multimodal (segments terrestres dans le pays d'origine et dans celui de destination).

14.
    Le 28 avril 1989, la Commission a été saisie d'une plainte du Bundesverband der Deutschen Industrie (BDI), du Deutscher Industrie- und Handelstag (DIHT) et du Bundesverband des Deutschen Gross- und Aussenhandels (BGA), les organismes qui parrainent la Deutsche Seeverladerkomitee (DSVK, Conseil allemand des chargeurs maritimes), concernant certaines pratiques des membres de la FEFC en matière de fixation des prix dans le domaine du transport multimodal.

15.
    Les plaignants ont énuméré les cinq éléments constitutifs d'un service de transport multimodal:

a)    transport jusqu'au port d'embarquement;

b)    manutention au port (transfert du mode de transport terrestre au navire);

c)    transport maritime (transport du port d'embarquement au port de destination);

d)    manutention au port de destination (transfert du navire au mode de transport terrestre);

e)    transport terrestre du port de destination au lieu de destination finale.

16.
    Ils ont fait valoir que l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne concerne que le troisième des cinq éléments susmentionnés (le transport maritime proprement dit) alors que les membres de la FEFC ont convenu des prix non seulement pour le transport maritime mais aussi pour les services de transport terrestre et les opérations de manutention.

17.
    Ils ont indiqué que, puisque l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 vise «les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté autres que les services de tramp», le champ d'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement ne pouvait être plus étendu que celui du règlement lui-même. Selon eux, la législation applicable est en l'espèce le règlement n° 1017/68 dont l'article 2 interdit les pratiques restrictives - y compris la fixation des prix - et ne prévoit pas d'exemption pour les activités de fixation des prix, telles que pratiquées par les membres de la FEFC dans le domaine des transports terrestres.

18.
    Ils ont demandé à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette pratique de fixation des prix de la FEFC concernant les services de transport terrestre.

19.
    Le 18 décembre 1992, la Commission a décidé d'engager une procédure dans la présente affaire.

20.
    Par lettre du 21 décembre 1992, la Commission a notifié aux requérantes une communication des griefs.

21.
    La Commission a ensuite donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leurs points de vue au sujet des griefs retenus par elle et de présenter toute autre observation éventuelle conformément à l'article 26, paragraphe 1, du règlement n° 1017/68 et aux dispositions du règlement n° 1630/69.

22.
    Le 21 décembre 1994, la Commission a adopté la décision 94/985/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/33.218 - Far Eastern Freight Conference) (JO L 378, p. 17, ci-après la «décision attaquée»).

23.
    Le dispositif de la décision attaquée est le suivant:

«Article premier

Les membres de la Far Eastern Freight Conference [...] ont enfreint les dispositions de l'article 85 du traité et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017/68 en fixant collectivement les prix des services de transport terrestre fournis sur le territoire de la Communauté européenne aux chargeurs en combinaison avec d'autres services dans le cadre du transport multimodal de chargements conteneurisés entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

Article 2

Les conditions de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017/68 ne sont pas remplies.

Article 3

Les membres de la Far Eastern Freight Conference [...] sont tenus de mettre fin à l'infraction visée à l'article 1er.

Article 4

Les entreprises destinataires de la présente décision sont tenues de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou de toute pratique concertée ayant un objet ou un effet identique ou similaire à celui de l'accord visé à l'article 1er.

Article 5

Les amendes figurant ci-après sont infligées aux entreprises destinataires de la décision, au titre de l'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017/68, constatée à l'article 1er.

Compagnie Générale Maritime                10 000 écus

Hapag-Lloyd Aktiengesellschaft                10 000 écus

Croatia Line                            10 000 écus

Kawasaki Kisen Kaisha Limited                10 000 écus

Lloyd Triestino di Navigazione SpA            10 000 écus

A. P. Møller-Maersk Line                    10 000 écus

Malaysian International Shipping

Corporation Berhad                        10 000 écus

Mitsui OSK Lines Ltd                        10 000 écus

Nedlloyd Lijnen BV                        10 000 écus

Neptune Orient Lines Ltd                    10 000 écus

Nippon Yusen Kabushiki Kaisha                10 000 écus

Orient Overseas Container Line                10 000 écus

P & O Containers Ltd                        10 000 écus

Article 6

Les amendes infligées à l'article 5 sont payables en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de la présente décision, au compte n° 310-0933000-43 de la Commission des Communautés européennes, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, rond-point Schumann 5, B-1040 Bruxelles.

Le montant de ces amendes porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai indiqué au premier alinéa, au taux appliqué par l'Institut monétaire européen à ces opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au coursduquel la présente décision a été adoptée, ce taux étant majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 9,25 %.

Article 7

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire en vertu de l'article 192 du traité.»

Procédure

24.
    Le 16 mars 1995, treize des quatorze compagnies maritimes destinataires de la décision attaquée ont déposé une requête en annulation de cette décision en application de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE).

25.
    Par acte séparé du 10 avril 1995, elles ont également demandé, en vertu des articles 185 et 186 du traité CE (devenus articles 242 CE et 243 CE), qu'il soit sursis à l'exécution de la décision attaquée. Au vu de l'ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a. [C-149/95 P(R), Rec. p. I-2165], les parties sont convenues que la Commission ne poursuivrait pas l'exécution de l'interdiction de la fixation collective des taux de service de transport terrestre prévue par les requérantes, dans l'attente de l'arrêt du Tribunal soit dans l'affaire T-395/94, Atlantic Container Line e.a., soit dans la présente affaire. Dans ce contexte, le président du Tribunal, sur demande des parties, a décidé, le 31 octobre 1995, de suspendre la procédure en référé jusqu'au prononcé de l'arrêt rendu en premier, soit dans l'affaire T-395/94 soit dans la présente affaire.

26.
    Par ordonnance du 12 décembre 1995, le président de la cinquième chambre élargie du Tribunal a admis à intervenir The European Community Shipowners' Association ASBL (ci-après l'«ECSA») et The Japanese Shipowners' Association (ci-après la «JSA») au soutien des conclusions des requérantes, ainsi que The European Council of Transport Users ASBL (ci-après l'«ECTU»), comprenant The European Shippers Council, au soutien des conclusions de la Commission.

27.
    Le 30 octobre 1995, la High Court of Justice (England & Wales) a, sur la base de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles relatives, notamment, à l'application de l'article 85 du traité et à l'interprétation des règlements n° 4056/86 et n° 1017/68 aux accords conclus entre compagnies maritimes ayant pour objet la fixation de taux de fret dans le cadre d'opérations de transport multimodal composées de segments terrestres et maritimes (affaire C-339/95, Compagnia di Navigazione Marittima e.a.) (JO C 351, p. 4).

28.
    Par ordonnance du 26 juin 1996 (non publiée au Recueil), le Tribunal a prononcé la suspension de la procédure dans l'affaire T-86/95 jusqu'au prononcé de l'arrêt dans l'affaire C-339/95, conformément à l'article 47, troisième alinéa, du statut CE de la Cour et aux articles 77, sous a), et 78 du règlement de procédure du Tribunal. À la suite de la radiation de l'affaire C-339/95 par ordonnance du président de la Cour du 11 mars 1998 (non publiée au Recueil), la procédure dans l'affaire T-86/95 a repris.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, invité les requérantes à répondre à certaines questions écrites.

30.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 7 juin 2000.

Conclusions des parties

31.
    Les requérantes, soutenues par la JSA et l'ECSA, parties intervenantes, concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

32.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les requérantes aux dépens.

En droit

33.
    Les requérantes invoquent cinq moyens à l'appui de leur recours. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 3 du règlement n° 4056/86 qui prévoit l'exemption par catégorie. Le troisième est pris de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement n° 1017/68 concernant l'octroi d'une exemption individuelle. Le quatrième moyen est tiré de l'existence d'irrégularités procédurales lors du déroulement de la procédure administrative. Le cinquième moyen vise à l'annulation ou la réduction des amendes.

I - Observations préliminaires

34.
    Par un renvoi exprès aux affaires T-395/94 et T-395/94 R, les requérantes invoquent, dans le cadre de la présente procédure, les arguments développés dans ces affaires. Ainsi que le fait justement remarquer la Commission, une telle référence globale aux arguments développés dans une autre affaire ne peut être prise en considération. En effet, conformément à l'article 19, premier alinéa, du statut CE de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, un requérant doit présenter, au moins sous une forme sommaire, les moyens qu'il invoque. Ces dispositions ont pour objet de permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt de la Cour du 13 décembre 1990, Commission/République hellénique, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 28; ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, de Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523, points 20 à 22).

35.
    Or, en l'espèce, la référence dans la requête (point 1.37) «pour autant que cela soit possible et nécessaire [...] aux arguments et aux éléments de preuve avancés [...] dans les affaires T-395/94 et T-395/94 R, dans la mesure où ceux-ci concernent la question des tarifs multimodaux des conférences maritimes» constitue un renvoi si général aux développements dans l'affaire T-395/94 que le Tribunal n'est pas à même d'exercer son contrôle juridictionnel. Cette conclusion s'impose également s'agissant de la référence faite au point 11.25 de la requête à l'ensemble des arguments développés dans le cadre de l'affaire T-395/94 R, lesquels sont résumés de manière sommaire au point 11.26 de la requête. Il convient dès lors de limiter le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal aux moyens et arguments exposés explicitement dans la requête.

II - Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

A - Arguments des parties

Marché pertinent

(36 à 69)

Restriction sensible de la concurrence

(70 à 82)

Effet sur les échanges entre les États membres

(83 à 109)

B - Appréciation du Tribunal

110.
    Dans le cadre de l'examen du premier moyen pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il convient de relever, à titre liminaire, que les requérantes ne contestent pas la nature restrictive de concurrence de l'accord faisant l'objet de la décision attaquée par lequel elles ont fixé collectivement le tarif des services de transport terrestre de la FEFC fournis dans le cadre du transport multimodal. À cet égard, il convient de rappeler qu'un accord portant fixation des prix constitue une restriction de concurrence explicitement visée par l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977, points 18 et 19, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, point 198).

111.
    En revanche, les requérantes contestent que ledit accord soit susceptible, sur le marché en cause correctement défini, de restreindre la concurrence et d'affecter le commerce entre États membres de manière sensible et, dès lors, de tomber sous le coup de l'interdiction prévue par l'article 85, paragraphe 1, du traité. À cet égard, les requérantes font, à titre principal, grief à la Commission de ne pas avoir défini, dans la décision attaquée, le marché en cause. À titre subsidiaire, elles soutiennent que la définition du marché en cause implicitement retenue par la Commission dans la décision attaquée est erronée, en ce qu'elle suppose que l'acheminement terrestre des conteneurs dans le cadre des opérations de transport multimodal organisé par la FEFC constitue un marché distinct de celui du transport maritime. Enfin, les requérantes affirment encore que si les services de transport en cause relèvent d'un marché des services de transport terrestre, celui-ci devrait comprendre tous les services de transport terrestre.

Sur la définition du marché en cause

112.
    S'agissant du grief soulevé à titre principal, il convient de relever que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission a clairement identifié, aux considérants 10 et 42 de la décision attaquée, les services de transport terrestre en cause comme étant le marché affecté par l'accord en cause. La Commission a indiqué que les services auxquels se rapportent la décision attaquée sont les services de transport terrestre offerts aux chargeurs, à l'intérieur de la Communauté européenne, par les compagnies de navigation membres de la FEFC, dans le cadre du transport multimodal de marchandises placées dans des conteneurs entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. En outre, aux considérants 12 à 37 de la décision attaquée, la Commission a décrit plus amplement ces services en identifiant les opérateurs économiques actifs du point de vue de l'offre et de la demande (considérants 16 à 27), ainsi que les conditions de concurrence pertinentes, notamment en matière de prix (considérants 26, 28 et 30).

113.
    Il s'ensuit que la Commission a bien exposé le cadre réel dans lequel l'accord en cause a été conclu et est destiné à déployer ses effets, ainsi que la structure et le fonctionnement des services en cause.

114.
    Par ailleurs, il est sans pertinence que la Commission n'a pas inséré, dans la décision attaquée, une partie spécifique relative à la définition du marché en cause et portant cet intitulé.

115.
    Dès lors, le grief des requérantes tiré de l'absence de définition du marché en cause dans la décision attaquée doit être rejeté.

116.
    En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, c'est pour déterminer si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut, le cas échéant, définir le marché en cause (arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62/98, Rec. p. II-2707, point 230, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, points 93 à 95 et 103). Par conséquent, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, les griefs formulés par les requérantes à l'encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l'affectation du commerce entre États membres et à l'atteinte à la concurrence (arrêts du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 75, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, point 1093).

117.
    S'agissant, ensuite, du grief subsidiaire, selon lequel la définition du marché en cause qui sous-tend la décision attaquée est erronée, il convient de rappeler que l'accord restrictif de concurrence identifié dans la décision attaquée porte sur la fixation, par les membres de la FEFC, d'un tarif commun concernant «les services de transport terrestre fournis sur le territoire de la Communauté européenne aux chargeurs en combinaison avec d'autres services dans le cadre du transport multimodal de chargements conteneurisés entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient» (article 1er de la décision attaquée).

118.
    Il y a lieu d'observer que la notion de «transport multimodal» (appelé également, dans l'industrie en cause, «transport intermodal», «transport direct» ou «transport combiné») se réfère au transport combiné de conteneurs par voie terrestre et par voie maritime. En ce qui concerne le transport par voie terrestre, il est constant que l'acheminement de conteneurs maritimes des installations du chargeur au port d'embarquement (préacheminement) et du port de débarquement aux installations du destinataire (postacheminement) peut, ainsi que le relève la décision attaquée (considérant 16), être assuré soit par le chargeur lui-même, soit par le transporteur maritime. Il appartient, à cet égard, au chargeur de décider librement de recourir à l'une ou l'autre de ces deux formules (considérant 17 de la décision attaquée). Dans l'un ou l'autre cas, le service de transport terrestre peut être sous-traité (considérants 19 à 24 de la décision attaquée).

119.
    Lorsque l'acheminement terrestre est assuré par le chargeur, le chargeur doit se procurer les conteneurs nécessaires, le cas échéant, auprès de la compagnie maritime de son choix, afin d'y placer, dans ses propres installations, les marchandises concernées et acheminer les conteneurs jusqu'au point de remise du matériel déterminé par la compagnie maritime. De la même manière, au port de déchargement, c'est au chargeur ou au destinataire des marchandises transportées qu'il appartient d'organiser l'acheminement terrestre des conteneurs vers ses propres installations en vue de procéder à leur déchargement et de les retourner ensuite, vidés de leur contenu, à la compagnie maritime. S'il n'effectue pas le transport terrestre lui-même, le chargeur peut, ainsi que le relève la décision attaquée (considérants 21 à 24), faire appel aux services d'un tiers indépendant, comme, par exemple, un commissionnaire de transport, un transporteur routier ou une compagnie de chemin de fer ou une compagnie de voie navigable.

120.
    Lorsque l'acheminement terrestre est assuré par le transporteur maritime, c'est la compagnie maritime qui fournit au chargeur les conteneurs et achemine ces derniers vers le port d'embarquement ou vers les installations du destinataire à partir du port de débarquement. Dans ce cas, le transport terrestre du conteneur est, le plus souvent, assuré physiquement, non par la compagnie maritime elle-même, mais par un transporteur routier ou ferroviaire ou une entreprise de transport par voie navigable indépendant de la compagnie maritime, à qui cette dernière a sous-traité l'opération (considérants 19 et 20 de la décision attaquée). Seul un nombre réduit de compagnies maritimes ont créé des filiales chargées d'assumer des services de transport terrestre. Il est constant que l'accord en cause a pour objet la fixation par les membres de la FEFC du prix de vente aux chargeurs de ces services de transport terrestre organisés par les compagnies maritimes dans le cadre d'un transport multimodal.

121.
    Dans le cadre de leur grief subsidiaire pris d'une définition erronée du marché en cause, les requérantes allèguent que lesdits services de transport terrestre relèvent du marché plus large des transports maritimes organisés dans le cadre du transport multimodal. Selon les requérantes, le marché en cause doit dès lors se définir comme celui du transport maritime régulier, dans le cadre de services de port à port ou de transport multimodal, entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, avec des escales dans des ports situés dans ces territoires. À cet égard, les requérantes soulignent plus particulièrement le fait que les services de transport terrestre de conteneurs qu'elles offrent aux chargeurs font partie intégrante et sont indissociables des services de transports maritimes réguliers vendus par la FEFC aux chargeurs pour l'acheminement de leurs marchandises placées dans des conteneurs entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

122.
    Il ressort de la jurisprudence que, pour être considéré comme un marché suffisamment distinct, le service ou le bien en cause doit pouvoir être individualisé par des caractéristiques particulières le différenciant d'autres services ou biens au point qu'il soit peu interchangeable avec eux et ne subisse leur concurrence qued'une manière peu sensible (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, Rec. p. 803, points 39 et 40, et du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 11 et 12, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 64). Le degré d'interchangeabilité entre produits doit être évalué en fonction des caractéristiques objectives de ceux-ci, ainsi qu'en fonction de la structure de la demande, de l'offre sur le marché et des conditions de concurrence (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 37, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 63).

123.
    Il convient de rappeler qu'il est constant que, en dépit du fait que les compagnies maritimes offrent des services de transport terrestre en complément des services de transport maritime, les chargeurs conservent le choix d'acheter séparément ces deux types de prestations auprès d'opérateurs économiques différents. L'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 4056/86 garantit d'ailleurs aux chargeurs cette faculté de s'adresser aux entreprises de leur choix pour les services de transport terrestre. Pour la vente de ces services aux chargeurs, les compagnies maritimes sont dès lors en concurrence avec les transporteurs terrestres. Or, il ne saurait être contesté que ces derniers ne sont présents que sur le marché des services de transport terrestre.

124.
    Il convient également d'observer que, avant que les compagnies maritimes ne commencent à offrir des services de transport terrestre de préacheminement et de postacheminement de conteneurs, les chargeurs devaient s'organiser pour assurer l'acheminement des marchandises à destination et en provenance des ports. Le marché de cet acheminement terrestre de marchandises préexistait à l'arrivée des compagnies maritimes sur ce marché. Même après le développement de l'utilisation des conteneurs et l'arrivée des compagnies maritimes sur le marché des services du transport terrestre, il fallait, ainsi que le relève le rapport économique des professeurs S. Gilman et M. Graham (point 4.42 de leur rapport, cité au considérant 17 de la décision attaquée) déposé par les requérantes au soutien de leur thèse, «laisser aux chargeurs la possibilité de procéder comme auparavant et de continuer à organiser eux-mêmes leur acheminement s'ils le [souhaitaient]». Même s'il est indéniable que l'utilisation des conteneurs a facilité la combinaison des différents modes de transport, il n'en reste pas moins que le préacheminement et le postacheminement des marchandises demeurent un service de transport terrestre. Cette circonstance démontre l'existence d'un marché des services de transport terrestre connexe mais distinct du marché des services de transport maritime dans le cadre d'un service de transport multimodal (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, Rec. p. 3261, point 26).

125.
    En outre, il est constant, ainsi que le souligne la décision attaquée (considérants 19 à 24), que les services de transport terrestre nécessaires au pré- et au postacheminement de conteneurs dans le cadre d'un transport multimodal sont, en règle générale, fournis par des entreprises de transport terrestre indépendantes descompagnies maritimes et des chargeurs, que l'acheminement terrestre soit assuré par le chargeur ou par la compagnie maritime. Dans ces deux hypothèses, les services de transport terrestre requis pour le préacheminement et le postacheminement des conteneurs sont, en effet, le plus souvent sous-traités à des entreprises de transport terrestre indépendantes spécialisées dans le transport par route, par rail ou par voie navigable.

126.
    Il apparaît ainsi que le préacheminement et le postacheminement terrestre de conteneurs dans le cadre d'un transport multimodal relèvent d'une demande et d'une offre spécifiques. Il existe des entreprises de transport terrestre indépendantes des chargeurs et des compagnies maritimes qui fournissent à ces derniers des services spécialisés de transport terrestre de conteneurs maritimes en vue de leur acheminement par voie maritime ou faisant suite à leur acheminement par voie maritime dans le cadre d'un transport multimodal.

127.
    Le caractère spécifique susmentionné est, en outre, renforcé par le fait que l'offre et la demande de services de transport terrestre en vue d'un acheminement multimodal répondent à des conditions de concurrence particulières, qui sont différentes de celles prévalant sur d'autres marchés, spécialement celui du transport maritime. Ainsi, alors que le prix du transport maritime dépend essentiellement de la valeur des marchandises transportées, il n'est pas contesté que le prix du service de transport terrestre est fixé pour chaque conteneur sans aucune relation directe avec la valeur des marchandises transportées. Par ailleurs, il est constant que l'acheminement terrestre est facturé en monnaie locale, alors que le transport maritime est libellé en dollars américains.

128.
    Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission a pu estimer dans la décision attaquée, à juste titre, que les services de transport terrestre relatifs au préacheminement et au postacheminement de conteneurs dans le cadre d'un transport multimodal constituent un marché distinct des services de transport maritime fournis dans ce cadre par les compagnies maritimes membres de la FEFC. Ainsi qu'il résulte de la jurisprudence, un sous-marché qui a des caractéristiques spécifiques du point de vue de la demande et de l'offre et qui concerne des produits occupant une place indispensable et non interchangeable dans le marché général duquel il fait partie doit être considéré comme un marché de produit distinct (voir arrêts du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T-69/89, Rec. p. II-485, points 61 et 62, BBC/Commission, T-70/89, Rec. p. II-535, point 50, et ITP/Commission, T-76/89, Rec. p. II-575, points 47 et 48).

129.
    L'allégation des requérantes, selon laquelle les services de transport terrestre assurés par les compagnies maritimes dans le cadre d'un transport multimodal sont fournis par ces dernières aux chargeurs en tant que partie intégrante de leurs services de transport maritime, est, à cet égard, dénuée de pertinence. Dès lors qu'il existe une demande et une offre spécifiques pour les services de transportterrestre de conteneurs maritimes et que ceux-ci sont proposés, notamment, par des entreprises indépendantes des compagnies maritimes, il en résulte nécessairement l'existence d'un marché distinct (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22/78, Rec. p. 1869, points 7 et 8; arrêt Hilti/Commission, précité, point 67, confirmé par arrêt de la Cour du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, points 13 et 14; arrêt Tetra Pak/Commission, précité, point 82, confirmé par arrêt de la Cour du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C-333/94 P, Rec. p. I-5951, point 36). Ainsi, dans le domaine des transports terrestres de conteneurs maritimes, le Tribunal a déjà jugé que les services ferroviaires relatifs, notamment, à l'accès à l'infrastructure ferroviaire, à la mise à disposition de locomotives et leur traction constituent, en raison de leur spécificité, un marché distinct du marché des transports ferroviaires en général et du marché des transports routier et fluvial (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, points 55 et 56).

130.
    En conséquence, contrairement à la thèse des requérantes, la Commission a, dans la décision attaquée, estimé à juste titre que le marché en cause en l'espèce est celui des services spécialisés de transport terrestre de conteneurs maritimes en vue de leur acheminement par voie maritime, dans le cadre d'un transport multimodal entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, à l'exclusion des services de transport maritime de conteneurs fournis par les compagnies maritimes dans le cadre précité.

131.
    Enfin, les requérantes soutiennent encore, dans le cas où le Tribunal estimerait que lesdits services de transport terrestre relèvent d'un marché distinct, qu'il conviendrait, à tout le moins, d'inclure dans le marché en cause tous les transports terrestres similaires. À cet égard, les requérantes allèguent en particulier que le marché en cause devrait englober, outre le transport terrestre de conteneurs en vue de leur acheminement maritime par la FEFC entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, le transport terrestre de conteneurs par des compagnies maritimes indépendantes se rattachant à cette même route maritime, le transport terrestre de conteneurs assuré par la FEFC et des compagnies indépendantes en relation avec d'autres routes, le transport terrestre de tout autre conteneur entre des points à l'intérieur des terres en Europe, ainsi que le transport terrestre d'autres marchandises effectué de façon similaire mais autrement que par conteneur.

132.
    Cette thèse doit être rejetée comme étant manifestement dépourvue de tout fondement.

133.
    En effet, il ressort des considérants 10 et 42 de la décision attaquée, ainsi que de l'article 1er du dispositif de ladite décision, que le tarif commun en cause dans la présente procédure concerne les services de transport terrestre offerts aux chargeurs en combinaison avec d'autres services, dans le cadre d'opérations de transport multimodal de marchandises placées dans des conteneurs entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, qui sont assurées par les compagnies maritimes membres de la FEFC. Il en résulte que, à l'évidence, le marché en cause concerne, non pas tous les services de transport terrestre de quelque nature que ce soit, maisles seuls services de transport terrestre de conteneurs en tant qu'élément du service de transport multimodal.

134.
    Par ailleurs, et pour la même raison, le marché géographique en cause n'est pas celui de tous les transports terrestres de conteneurs dans le cadre du transport multimodal en relation avec toutes les routes maritimes, mais uniquement les transports terrestres de conteneurs qui se rattachent à la route entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. En effet, le tarif commun en cause dans la présente affaire s'applique exclusivement dans le cadre des services de transport multimodal concernant cette seule route maritime entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, cette dernière n'étant, par ailleurs, pas substituable à d'autres routes (voir, par analogie, arrêt Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, précité, points 40 et 41). Sans qu'il soit besoin, en l'espèce, de se prononcer sur la question de savoir si le marché pertinent doit être limité au transport terrestre de conteneurs destinés à être embarqués sur les seuls navires des compagnies membres de la FEFC, comme cela semble ressortir du considérant 11 de la décision attaquée, ou plus largement sur tous les navires effectuant la route maritime susvisée, il suffit de constater qu'il ressort du considérant 33 de la décision attaquée que la Commission a apprécié l'effet sur la concurrence dans le cadre plus large de la seconde hypothèse. La Commission était dès lors fondée à ne pas inclure, dans la définition du marché en cause, les services de transport terrestre fournis dans le cadre de services de transport multimodal concernant d'autres routes maritimes que celle entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

135.
    À la lumière de ce qui précède, il apparaît que la définition du marché en cause comme étant celui des services de transport terrestre de conteneurs offerts aux chargeurs en combinaison avec d'autres services, à l'intérieur de la Communauté européenne, dans le cadre du transport multimodal de marchandises placées dans des conteneurs entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, ne saurait être remise en cause.

136.
    Dans ces circonstances, les griefs des requérantes tirés principalement de l'absence de définition du marché en cause et subsidiairement du caractère incorrect de la définition du marché en cause doivent être rejetés.

Sur le caractère sensible de l'atteinte à la concurrence

137.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le grief des requérantes tiré de ce que la décision attaquée ne contient aucune appréciation des critères du caractère sensible de la restriction de concurrence en cause et ne définit pas le marché en cause par rapport auquel cet effet sensible doit être apprécié, il suffit de relever qu'il ressort à suffisance de droit du considérant 33 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, que les compagnies maritimes membres de la FEFC détenaient, en 1993, soit au moment des faits en cause, 38,5 % du marché du transport terrestre de conteneurs maritimes, dans le cadre d'un transport multimodal, entrel'Europe du Nord et l'Extrême-Orient. Ainsi qu'il a été constaté dans le cadre de l'examen du grief relatif à la définition du marché en cause, c'est à bon droit que la Commission a considéré que ledit marché constitue le marché pertinent aux fins de l'application de l'article 85 du traité à l'accord incriminé.

138.
    Il en résulte que le grief des requérantes doit, pour cette seule raison, être rejeté. La circonstance que les requérantes détiennent près de 40 % du marché en cause est en effet, à elle seule, de nature à démontrer que l'accord faisant l'objet de la décision attaquée est de nature à restreindre la concurrence de manière sensible sur ledit marché. Une part de marché de cette ampleur ne saurait en effet raisonnablement être considérée comme insignifiante au sens de la jurisprudence (voir, notamment, arrêts de la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7, et du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100 à 103/80, Rec. p. 1825, point 86). Dès lors, dans la mesure où la décision attaquée fait explicitement référence à la part de marché des compagnies maritimes membres de la FEFC sur le marché en cause, il y a lieu de considérer que la Commission a, de ce fait, apprécié à suffisance de droit les critères du caractère sensible de la restriction de concurrence en cause.

139.
    Pour le surplus, il convient encore de souligner que la Commission a exposé, dans la décision attaquée, que les services de transport terrestre assurés par les compagnies maritimes membres de la FEFC représentaient, en 1991, environ 1 015 208 conteneurs EVP (équivalents de 20 pieds), soit approximativement 9 276 653 tonnes. Environ 89 % de ces transports ont été effectués, en totalité ou partiellement, sur le territoire de la Communauté (considérant 33 de la décision attaquée). En outre, la décision attaquée relève que, sur les routes entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, les opérations de transport terrestre représentent 18,6 % du coût total des services de transport multimodal, ce qui correspondait, en 1992, à un montant d'environ 477 200 000 écus (considérants 34 et 35 de la décision attaquée). C'est à la lumière de ces éléments que la Commission a conclut, au considérant 45 de la décision attaquée, que «la restriction de concurrence entre les membres de la FEFC en ce qui concerne les prix facturés pour le volet terrestre des opérations de transport multimodal est probablement importante en raison du très grand nombre de conteneurs concernés et des coûts en jeu (considérants 33 à 37)».

140.
    Dans ces circonstances, il est manifeste que les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission de ne pas avoir apprécié le caractère sensible de l'accord en cause sur la concurrence.

141.
    En ce qui concerne, en second lieu, le grief des requérantes tiré de ce que la décision attaquée n'apprécie pas correctement si l'accord en cause a un effet sensible sur la concurrence au motif que l'effet sensible de l'accord en cause devrait s'apprécier dans le contexte des transports maritimes fournis dans le cadre du transport multimodal, il doit également être rejeté dans la mesure où il se fonde sur une définition erronée du marché en cause. En outre, il y a lieu de relever que,à supposer que la définition du marché en cause défendue par les requérantes soit pertinente, l'accord en cause restreindrait d'autant plus sensiblement la concurrence. Il est en effet constant que, sur le marché ainsi défini, les membres de la FEFC détenaient, en 1992, une part de marché de 58 % (considérant 33 de la décision attaquée). Il ne saurait être contesté qu'un accord de fixation des prix, relatif des services représentant une partie significative du coût total des services de transport multimodal, conclu par des entreprises représentant près de 60 % du marché concerné, restreint de manière sensible la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

142.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, la thèse des requérantes selon laquelle la position des parties à l'accord en cause devrait s'apprécier sur le marché des transports terrestres de type analogue, elle doit également être rejetée, dans la mesure où elle se fonde sur une définition erronée du marché en cause, lequel ne concerne pas tous les transports terrestres, mais uniquement les services de transport terrestre fournis dans le cadre du transport multimodal sur les routes entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

143.
    Par ailleurs, il convient de relever que l'effet sur la concurrence est sensible non seulement si le marché se limite aux seuls services de transport terrestre fournis par les compagnies maritimes membres de la FEFC, mais également s'il devait englober ceux fournis par les compagnies maritimes indépendantes. En effet, ainsi qu'il ressort du considérant 33 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, dans la première hypothèse, les compagnies membres de la FEFC détiendraient 70 % du marché, tandis que dans la seconde, elles en détiendraient 38,5 %.

144.
    Enfin, en ce qui concerne, en quatrième lieu, le grief des requérantes tiré de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait examiné l'effet sensible sur la concurrence de l'accord en cause, pour la première fois, dans la décision attaquée, il fera l'objet d'un examen distinct dans le cadre du quatrième moyen tiré de l'existence de vices de procédure, ce grief y étant développé par les requérantes dans un cadre plus large.

Sur l'affectation du commerce entre États membres

145.
    S'agissant de l'affectation du commerce entre États membres, il convient de rappeler, d'abord, que, selon une jurisprudence constante, un accord entre entreprises, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre États (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, dit «Pâte de bois II», C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85,C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 143). En particulier, il n'est pas nécessaire que le comportement incriminé ait effectivement affecté le commerce entre États membres de manière sensible, il suffit d'établir que ce comportement est de nature à avoir un tel effet (voir, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, arrêt SPO e.a./Commission, précité, point 235).

146.
    Force est de constater ensuite que l'accord en cause est un accord conclu entre des compagnies maritimes dont plusieurs sont établies dans différents États membres, portant sur les conditions de vente de services de transport terrestre à des chargeurs établis également dans différents États membres. Un tel accord est manifestement susceptible d'affecter le commerce entre États membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La condition d'affectation du commerce entre États membres ayant, d'ailleurs, pour but de déterminer le domaine du droit communautaire par rapport à celui du droit des États membres (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Gründig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429; arrêt SPO e.a./Commission, précité, point 227), il ne saurait être contesté que l'accord en cause, qui impose des conditions de vente de services de transport terrestre à une grande partie des chargeurs de la Communauté, relève du droit communautaire de la concurrence. À cet égard, il convient, en particulier, de relever que la fixation du prix de vente des services de transport terrestre peut, notamment, avoir une incidence sur la décision des chargeurs de confier l'acheminement terrestre de leurs conteneurs aux membres de la FEFC ou à un transporteur terrestre, faussant ainsi la concurrence existant sur le marché des services de transport terrestre entre les compagnies maritimes membres de la FEFC et les transporteurs terrestres présents dans différents États membres.

147.
    De même, la Commission a encore constaté, à juste titre, aux considérants 50 et 51 de la décision attaquée, que la fixation du prix du transport terrestre peut aussi influer sur la concurrence que se livrent les ports de différents États membres. En effet, la fixation desdits prix en fonction d'un transport fictif, dans le cadre d'un système de «péréquation portuaire», entre un point à l'intérieur des terres et le plus proche des ports desservis par l'un quelconque des membres de la FEFC, a pour objet même de neutraliser l'avantage économique que peut constituer une distance plus courte par rapport à un port donné. À cet égard, il convient d'observer que les requérantes n'ont pas contesté l'existence du détournement de fret résultant de l'application du tarif commun en cause relatif au transport terrestre, mais se sont bornées à en relativiser l'importance. La circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle, même en l'absence d'un accord portant sur la fixation des tarifs des services de transport terrestre au sein de la FEFC, les compagnies maritimes prendraient en charge les frais supplémentaires qu'implique l'acheminement vers un port plus lointain, ne supprime pas le fait que l'objet ou, à tout le moins, l'effet de la pratique de «péréquation portuaire» est de drainer des marchandises vers des ports qui, autrement, n'en auraient pas été destinataires et que cette modification des flux des marchandises est une conséquence de l'accord de fixation des prix du transport terrestre. Il convient d'ajouter que le détournement de trafic résultant de la tarification collective est, en outre, différentde celui qui aurait existé si chaque compagnie avait déterminé une péréquation portuaire individuelle en fonction de ses propres critères.

148.
    Enfin, quoique de manière plus indirecte, l'accord en cause est, à tout le moins, susceptible d'avoir un effet sur le commerce des marchandises entre États membres, dans la mesure où les prix des services de transport terrestre fixés par la FEFC représentent une part du prix de vente final des marchandises transportées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 décembre 1987, BNIC, 136/86, Rec. p. 4789, point 18). C'est dès lors à juste titre que, au considérant 54 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l'accord en cause pouvait, en raison de l'effet qu'il produit sur le coût d'exportation vers d'autres pays, inciter les producteurs de la Communauté à rechercher d'autres marchés vers lesquels les coûts de transport de leurs marchandises sont moins élevés, en particulier, le marché national du producteur lui-même ou les marchés d'autres États membres.

149.
    Il en résulte que les griefs des requérantes tirés de l'absence d'effet sensible sur le commerce intracommunautaire doivent être rejetés.

Conclusion sur le premier moyen des requérantes

150.
    Au vu de ce qui précède, le premier moyen des requérantes tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, doit être déclaré non fondé.

III - Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 3 du règlement n° 4056/86

A - Arguments des parties

(151 à 155)

La décision attaquée ne tiendrait pas compte du fait que les règlements n° 1017/68 et n° 4056/86 étaient destinés à fixer les règles applicables à des secteurs particuliers de l'économie

(156 à 159)

La décision attaquée ne tiendrait pas compte de la définition correcte des marchés en cause sur lesquels les accords produisent leurs effets

(160 à 161)

La décision attaquée serait incompatible avec les indications du règlement n° 4056/86 sur son champ d'application

(162 à 209)

La décision attaquée ne serait pas compatible avec les principes généraux du droit communautaire applicables à la détermination de la portée de la législation communautaire

(210 à 215)

La décision attaquée ne serait pas compatible avec l'interprétation donnée à des expressions identiques dans d'autres règlements sectoriels dans le domaine des transports

(216 à 221)

La décision attaquée serait source d'insécurité juridique et d'incohérence procédurale

(222 à 224)

La décision attaquée ne serait pas conciliable avec le raisonnement suivi par le Conseil dans le règlement n° 4056/86 quant à l'octroi d'une exemption par catégorie aux conférences

(225)

La décision attaquée méconnaîtrait les caractéristiques distinctives du secteur des transports

(226)

L'arrêt de la Cour du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883) cité par la Commission ne serait pas pertinent en l'espèce

(227 à 229)

B - Appréciation du Tribunal

230.
    Les requérantes soutiennent, en substance, que l'accord en cause bénéficie de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 et que c'est à tort que la Commission l'a examiné dans le cadre du règlement n° 1017/68.

231.
    L'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne pouvant s'appliquer qu'aux seuls accords relevant du règlement n° 4056/86, il convient, en premier lieu, de vérifier si l'accord de fixation de prix conclu entre les membres de la FEFC pour les services de transport terrestre fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal entre dans le champ d'application dudit règlement.

232.
    Il convient de rappeler que l'article 1er du règlement n° 4056/86, qui a pour intitulé «objet et champ d'application du règlement», prévoit, en son paragraphe 1, que le «présent règlement détermine les modalités d'application aux transports maritimes des articles 85 et 86 du traité». Ne relèvent donc du règlement n° 4056/86 que les ententes et abus de position dominante relatifs aux «transports maritimes».

233.
    À cet égard, il convient de rappeler, d'abord, qu'il a été constaté, dans le cadre du premier moyen, que les services de transport terrestre en cause constituent un service distinct des services de transport maritime.

234.
    Force est de constater, ensuite, que, selon le sens commun, les termes «transports maritimes» désignent précisément le transport par mer. Contrairement à ce qu'avancent les requérantes, rien ne justifie d'interpréter les termes «transports maritimes», comme comprenant également le transport terrestre, consistant dans le pré- ou le postacheminement des conteneurs, fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal.

235.
    Le sens de l'expression «transports maritimes» étant clair, il y a lieu de considérer que si le Conseil avait voulu inclure dans cette expression d'autres services assurés conjointement avec le transport maritime, tel le pré- ou postacheminement terrestre des marchandises, il l'aurait, ainsi que l'a d'ailleurs fait le législateur américain, expressément mentionné.

236.
    Or, loin d'avoir prévu une telle extension du champ d'application du règlement n° 4056/86 au transport terrestre, son article 1er, paragraphe 2 précise, au contraire, que ce dernier «ne vise que les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté autres que les services de tramp».

237.
    Il ressort donc du libellé même dudit article que le pré- ou postacheminement terrestre des marchandises ne relève pas du champ d'application du règlement n° 4056/86, puisque celui-ci ne vise que les services de transport maritime de ports à ports.

238.
    À cet égard, l'interprétation des requérantes, selon laquelle ledit article n'aurait d'autre objet que de préciser que le règlement n° 4056/86 s'applique aux catégories de transports maritimes qui sont «internationaux» et qui, donc, s'effectuent entre États membres ou entre la Communauté et un pays tiers, est manifestement dépourvue de fondement en ce qu'elle ignore les termes «au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports» y figurant. En outre, le sixième considérant du règlement n° 4056/86 sur lequel s'appuie cette interprétation, se réfère à nouveau explicitement, quoique dans le cadre spécifique de la condition de l'affectation du commerce entre États membres, aux transports maritimes «au départ ou à destination de ports de la Communauté». Ce considérant confirme, dèslors, l'inapplicabilité du règlement n° 4056/86 aux services de transport terrestre consistant dans le pré- ou le postacheminement des marchandises.

239.
    Il convient d'ailleurs de rappeler que, dans son arrêt du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto, précité, la Cour, interrogée sur la question de savoir si le règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L 378, p. 1) s'applique aux segments terrestres dans le cadre d'une opération de transport multimodal, a jugé que le service de transport maritime cesse à l'arrivée au port ou à l'installation offshore et ne s'étend donc pas au transport par route de marchandises débarquées du navire.

240.
    C'est à tort que les requérantes soutiennent que la solution adoptée par la Cour dans cet arrêt n'est pas transposable en l'espèce. Le règlement n° 4055/86 faisant partie du même ensemble de mesures et ayant été adopté le même jour que le règlement n° 4056/86, il n'est pas concevable que le Conseil ait voulu définir des champs d'application différents pour les deux règlements précités. À tout le moins, si le Conseil avait eu l'intention que le règlement n° 4056/86 ait un champ d'application beaucoup plus large que celui du règlement n° 4055/86, il l'aurait précisé expressément et n'aurait pas défini le champ d'application des deux règlements précités en utilisant la même expression «transports maritimes». La circonstance que les deux règlements ont un objet différent est dénuée de pertinence dans le cadre de la problématique consistant à dégager la signification des termes «transports maritimes». En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le règlement n° 4055/86 ne constitue pas une mesure destinée à empêcher les pays tiers de refuser l'accès au transport maritime international, mais vise, ainsi qu'il ressort de son intitulé même, à assurer la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres, et entre États membres et pays tiers, de sorte que l'argument, selon lequel le Conseil souhaitait que sa législation couvre toutes les activités des conférences maritimes, s'applique tout autant au règlement n° 4055/86 qu'au règlement n° 4056/86. Enfin, l'argument des requérantes selon lequel l'interprétation donnée par la Cour au règlement n° 4055/86 résulte de la circonstance spécifique que l'article 1er, paragraphe 4, sous a), de ce dernier règlement définit les services de transport maritime comme étant ceux «par mer entre un port d'un État membre et un port ou une installation offshore d'un autre État membre» est également dénué de pertinence, dès lors que l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 définit également, dans des termes quasi identiques, les transports maritimes visés comme étant ceux «au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté».

241.
    Il apparaît ainsi que le champ d'application du règlement n° 4056/86 est limité au seul transport maritime proprement dit, c'est-à-dire au transport par mer, de port à port, et ne couvre pas les services de pré- ou de postacheminement terrestre des marchandises fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal.

242.
    En deuxième lieu, il ressort clairement du onzième considérant du règlement n° 4056/86 que le Conseil n'a pas entendu étendre l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement aux accords relatifs aux services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou le postacheminement des marchandises, fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal. En effet, selon le onzième considérant «les usagers doivent pouvoir à tout moment prendre connaissance des prix et des conditions de transport pratiqués par les membres de la conférence étant entendu qu'en matière de transport terrestre organisé par les transporteurs maritimes, ceux-ci restent soumis au règlement (CEE) n° 1017/68».

243.
    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que la version anglaise du règlement n° 4056/86 mentionne le terme «shippers» (chargeurs) à la place de celui de «shipping lines» (transporteurs maritimes) n'est pas pertinente car elle ne peut, manifestement, résulter que d'une erreur de traduction. En effet, non seulement toutes les autres versions linguistiques mentionnent, à l'instar de la version française, «les transporteurs maritimes», mais en outre, la phrase, telle qu'elle figure dans la version anglaise, n'a guère de sens et il n'y a aucune raison qu'elle figure dans un règlement relatif au transport maritime.

244.
    De même, l'allégation subsidiaire des requérantes selon laquelle, dans l'hypothèse où le onzième considérant viserait effectivement les «transporteurs maritimes» et non les «chargeurs», signifierait simplement que les accords conclus entre les compagnies maritimes et les transporteurs terrestres sont soumis au règlement n° 1017/68, doit être manifestement rejetée. D'une part, le onzième considérant, tel qu'interprété par les requérantes, n'aurait aucun sens, la circonstance que les compagnies maritimes s'entendent sur le prix d'achat des services de transport terrestre n'ayant aucun lien avec la nécessité pour les usagers de pouvoir, à tout moment, «prendre connaissance des prix et conditions de transport pratiqués pas les membres de la conférence». D'autre part, l'exemption prévue à l'article 3 du règlement n° 4056/86 pour la «fixation des prix et des conditions de transport» ne pouvant viser que la détermination des prix de vente du transport maritime et non la négociation d'un prix d'achat pour un autre type de transport, il était inutile de prévoir que les transporteurs maritimes ne peuvent s'entendre sur le prix d'achat du transport terrestre.

245.
    En troisième lieu, il convient de relever que la définition de la conférence maritime figurant à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, se réfère aux transporteurs exploitants de navires qui «opèrent en appliquant des taux de fret uniformes ou communs et toutes autres conditions de transport concertés pour la fourniture des services réguliers». De même, l'exemption prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 concerne, selon l'intitulé dudit article, les «ententes entre transporteurs concernant l'exploitation de services réguliers de transport maritime».

246.
    Or, les services de transport terrestre de conteneurs offerts dans le cadre d'une opération de transport multimodal en cause ne constituent pas des «services réguliers» au sens des dispositions précitées. En effet, ils ne sont pas, à la différence des services de transport maritime, organisés selon un itinéraire et un horaire réguliers et prédéterminés. Il s'ensuit qu'un accord de fixation des prix des services de transport terrestre ne peut bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

247.
    En quatrième lieu, il convient de relever que l'article 3 du règlement n° 4056/86, qui énumère les objectifs que peuvent avoir les accords des conférences maritimes bénéficiant de l'exemption par catégorie, ne mentionne pas, parmi ceux-ci, les accords concernant des activités relatives aux transports terrestres, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, développées en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal, mais ne vise, au contraire, que des activités spécifiquement maritimes telles que, par exemple, la coordination des horaires des navires ou de leurs dates de voyage ou d'escale, la détermination de la fréquence des voyages ou escales, la coordination ou la répartition des voyages ou escales entre membres de la conférence. De même, l'intitulé de l'article 3 se réfère uniquement aux services de transport maritime.

248.
    Il y a lieu de rappeler, en cinquième lieu, que, au cours de la procédure législative qui a débouché sur l'adoption du règlement n° 4056/86, tant le Parlement que le Comité économique et social ont proposé un amendement prévoyant que l'exemption s'appliquerait aussi aux services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal. Or, cette proposition n'a pas été reprise par le Conseil. L'argumentation des requérantes selon laquelle le Conseil a estimé inutile de se conformer à ces propositions au motif qu'il considérait que le segment terrestre du transport multimodal était déjà inclus dans le transport maritime ne saurait être suivie. D'une part, elle implique que soit conféré aux termes «transports maritimes» une signification beaucoup plus large que celle correspondant au sens commun. La circonstance que tant le Parlement que le Comité économique et social, appelés à donner leur avis sur la proposition de règlement, aient tous deux estimé nécessaire que soit ajouté la précision que l'exemption visait également les accords relatifs aux services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal, montre indiscutablement que les segments terrestres ne peuvent être considérés comme étant visés par l'expression «transports maritimes». D'autre part, en raison de ces propositions du Parlement et du Comité économique et social, la sécurité juridique requérait que le Conseil, s'il avait souhaité étendre le bénéfice de l'exemption par catégorie aux accords portant sur la partie terrestre du transport multimodal, l'indique expressément.

249.
    En sixième lieu, l'inapplicabilité à l'accord en cause de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ressort également d'une déclaration du Conseil du 17 décembre 1991, citée par les requérantes elles-mêmes, dans laquelle celui-ci indique qu'il examinera la question de savoir s'il y a lieu de faire bénéficier les accords sur les prix et les conditions du transport terrestre dans le cadre du transport multimodal d'une exemption par catégorie. Cette déclaration, émise cinq ans après l'adoption du règlement n° 4056/86, confirme également que le Conseil, même s'il était sensible à la problématique du transport multimodal, voire enclin, le cas échéant, à faire bénéficier d'une exemption par catégorie les accords relatifs aux services de pré- ou postacheminement terrestre des marchandises fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal, considérait manifestement que ces accords n'étaient pas couverts par l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

250.
    En septième lieu, la Commission a expressément indiqué, page 5 de son mémorandum explicatif de la proposition de règlement de 1981, qu'il a été tenu compte, notamment, du fait que le règlement en question ne devait s'appliquer qu'à un seul mode de transport.

251.
    En huitième lieu, l'inapplicabilité de l'exemption prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 aux accords de fixation de prix des services de transport terrestre fournis dans le cadre de services de transport multimodal résulte également des principes généraux d'interprétation.

252.
    En effet, selon une jurisprudence constante, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté par l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption doivent, par nature, faire l'objet d'une interprétation restrictive (arrêt du Tribunal du 22 avril 1993, Peugeot/Commission, T-9/92, Rec. p. II-493, point 37; conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935). Tel doit également être le cas des dispositions du règlement n° 4056/86 qui exemptent certains accords de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'article 3 du règlement n° 4056/86 constituant une exemption par catégorie au sens de l'article 85, paragraphe 3, du traité (arrêt du Tribunal du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge de transports e.a./Commission, T-24/93 à T-26/93 et T-28/93, Rec. p. II-1201, point 48).

253.
    Dans ces conditions, les parties ne peuvent utilement se prévaloir de ce que l'objectif même d'une conférence maritime aurait été reconnu bénéfique, ce qui n'est, au demeurant, nullement contesté par la Commission. Une telle circonstance, si elle est de nature à justifier les exemptions octroyées par le règlement n° 4056/86, ne saurait signifier que toute atteinte à la concurrence qui est le fait des conférences maritimes échappe au principe d'interdiction de l'article 85, paragraphe1, du traité (arrêt Compagnie maritime belge de transports e.a./Commission, précité, point 50).

254.
    En outre, eu égard au caractère tout à fait exceptionnel de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, en ce qu'il y est accordé, pour une durée illimitée, une exemption pour des accords horizontaux de fixation des prix du transport maritime, il est d'autant moins acceptable d'étendre le bénéfice de cette exemption par catégorie aux accords de fixation de prix du transport terrestre conclus entre les membres d'une conférence maritime.

255.
    Le grief des requérantes selon lequel l'interprétation de la Commission est en contradiction avec la raison d'être de l'exemption par catégorie parce que la plupart des conférences établissent un tarif multimodal doit donc être rejeté. Cette interprétation ne porte, au demeurant, aucunement atteinte au pouvoir accordé par l'article 3 du règlement n° 4056/86 aux conférences maritimes de fixer les taux du transport maritime.

256.
    Le grief selon lequel la décision attaquée aurait méconnu les caractéristiques distinctives du secteur des transports en général doit donc également être rejeté. Il convient, en effet, d'observer que les requérantes soulignent elles-mêmes que les différents règlements concernant le domaine des transports ont été adoptés par le Conseil en fonction des caractéristiques spécifiques de chacun des modes de transport, maritime, terrestre ou aérien. L'accord en cause portant sur des services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal et non sur des services de transport maritime, il n'y a pas de raison de le faire bénéficier des dérogations exceptionnelles accordées aux accords concernant le transport maritime.

257.
    Il résulte ainsi clairement tant du libellé des dispositions précisant le champ d'application du règlement n° 4056/86 ou les accords couverts par l'exemption prévue à l'article 3 de ce règlement, que des travaux préparatoires du règlement n° 4056/86 et de la déclaration du Conseil de décembre 1991, ainsi que des principes généraux d'interprétation, que l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 de celui-ci en faveur de certains accords des membres des conférences maritimes ne peut s'appliquer à un accord de fixation de prix des services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal conclu entre les membres d'une conférence maritime.

258.
    Par ailleurs, force est de constater qu'aucun des autres arguments invoqués par les requérantes ne saurait remettre en cause la conclusion susvisée.

259.
    Premièrement, la thèse des requérantes, selon laquelle l'accord en cause relève du règlement n° 4056/86, car les membres de la FEFC sont des entreprises du secteur du transport maritime, n'est pas fondée.

260.
    En vue de déterminer le règlement applicable à un accord donné, il convient d'examiner ce dernier à la lumière des dispositions précisant le champ d'application des différents règlements concernés et non de se fonder uniquement sur le secteur auquel appartient l'entreprise qui fournit le service ou le produit objet de l'accord. En l'espèce, il ressort clairement de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 que celui-ci ne vise pas tous les accords conclus par les compagnies maritimes mais uniquement ceux relatifs aux «transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté». Dès lors, un accord fixant les prix des services de transport terrestre ne relève manifestement pas du champ d'application du règlement n° 4056/86, fût-il conclu et exécuté par des compagnies maritimes dans le cadre de services de transport multimodal. À cet égard, il convient de rappeler que, dans un arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC (C-264/95 P, Rec. p. I-1287, point 42), la Cour a jugé que l'application du règlement n° 1017/68 est subordonnée à la qualification des accords en cause et non à l'identification préalable du marché sur lequel ces accords produisent leurs effets. Dès lors, l'argumentation des requérantes selon laquelle, dans le domaine des transports, les différents règlements d'application des règles de concurrence s'appliquent à des secteurs particuliers de l'économie doit être rejetée, car les règlements applicables doivent être déterminés par rapport à l'accord en cause et non par rapport à l'entreprise qui fournit le produit ou le service. En effet, un même accord ne saurait être soumis à un règlement d'application des règles de concurrence différent selon l'entreprise qui le conclut.

261.
    En tout état de cause, même si, comme le soutiennent les requérantes le règlement applicable dépendait de la définition du marché, l'accord en cause ne relèverait pas du règlement n° 4056/86. En effet, ainsi qu'il résulte de l'examen du premier moyen, les services de transport terrestre en cause doivent être considérés comme un service distinct des services de transport maritime et non comme un produit intégré unique de service de transport multimodal, en raison, notamment, de ce que les services de transport maritime et terrestre peuvent être achetés et vendus séparément auprès et par des opérateurs économiques différents. À cet égard, la comparaison effectuée par les requérantes avec les lacets de chaussures est manifestement dépourvue de pertinence puisque si les lacets peuvent, certes, être achetés séparément des chaussures, ces dernières ne peuvent être vendues ou utilisées sans leurs lacets et les deux produits forment un produit unique. En revanche, les services de transport terrestre offerts par les membres de la FEFC ne sont qu'un service complémentaire de leurs services de transport maritime pour lequel les usagers ont la faculté, d'ailleurs garantie par le règlement n° 4056/86, de s'adresser aux entreprises de leur choix, les chargeurs ayant également la possibilité d'assurer eux-mêmes le pré- ou postacheminement terrestre des marchandises. Dès lors, même vendus en combinaison avec un service de transport maritime dans le cadre d'un transport multimodal, les services de transport terrestre, de pré- ou de postacheminement des marchandises, n'en demeurent pas moins des services distincts des services de transport maritime. Le marché pertinent en l'espèce n'est donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le marché desservices de transport maritime, mais celui des services de transport terrestre fournis par les membres de la FEFC dans le cadre d'un transport multimodal.

262.
    Il convient encore d'ajouter que, à supposer même que le transport multimodal puisse être considéré comme un produit composite unique relevant d'un marché propre, la thèse présentée à titre subsidiaire par les requérantes, selon laquelle les activités accessoires, qui sont nécessairement fournies en tant que composant intégral d'un service de transport multimodal, doivent être traitées comme une partie de ce service unique, n'implique pas, en toute hypothèse, que l'accord en cause soit couvert par l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. En effet, les dispositions prévoyant une exemption par catégorie étant d'interprétation restrictive, la circonstance que le transport multimodal constituerait un service composite unique conduirait, tout au contraire, à s'interroger sur la question de savoir si l'exemption par catégorie pourrait encore trouver à s'appliquer à l'égard de la fixation du prix du service de transport multimodal, y compris pour le segment maritime.

263.
    En outre, il convient d'observer que la thèse des requérantes conduirait à des discriminations.

264.
    Ainsi, les transporteurs routiers ou compagnies de chemin de fer ne pourraient, à la différence des compagnies maritimes, s'entendre sur le prix des services de transport terrestre qu'ils vendent aux chargeurs. Il ne saurait, par ailleurs, être exclu que la possibilité pour les conférences maritimes de fixer collectivement le prix des services du transport terrestre risquerait de leur donner celle d'étendre, au détriment des transporteurs terrestres, la puissance qu'elles détiennent sur le marché du transport maritime sur le marché du transport terrestre. Ainsi, tout en laissant inchangé le tarif du transport multimodal, elles pourraient, par exemple, augmenter le prix afférent au segment maritime du transport et diminuer dans la même mesure celui concernant la partie terrestre du transport, de sorte que, en pratique, les chargeurs n'auraient d'autre option que d'acheter le transport terrestre aux compagnies maritimes.

265.
    La possibilité pour les compagnies maritimes de fixer collectivement les prix des services relatifs aux transports maritimes et des services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal conduirait également à une discrimination de certains commissionnaires de transport qui sont d'authentiques opérateurs de transport multimodal sans être détenteurs de navires («non vessel operating multimodal transport operators») et offrent les mêmes services que les compagnies de transport maritime de ligne. Ces commissionnaires de transport proposent des services de transport multimodal mais, à la différence des compagnies maritimes, ils n'exploitent eux-mêmes aucun navire mais affrètent des espaces auprès d'armateurs. Ainsi qu'il est relevé au considérant 23 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, la concurrence entre ces commissionnaires de transport et les transporteurs maritimes assurant des servicesréguliers s'est fortement accrue au point de devenir une des caractéristiques majeures du secteur concerné.

266.
    Deuxièmement, les différents arguments tirés du texte du règlement n° 4056/86 doivent être rejetés. En effet, soit ils reposent sur la prémisse erronée, et déjà rejetée (ci-dessus points 120 à 129), selon laquelle les services de transport terrestre, consistant dans le pré- ou postacheminement des marchandises, fournis avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal constituent des services de transport maritime, soit ils sont dénués de pertinence, soit ils relèvent d'une exégèse abusive du texte.

267.
    Ainsi, les arguments tirés de l'article 5 du règlement n° 4056/86 ne sont pas pertinents dès lors que cet article ne fait qu'énoncer les obligations attachées à l'exemption prévue par l'article 3 du même règlement et ne saurait, par définition, élargir la portée du champ d'application de ladite exemption. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les paragraphes 3 et 4 de l'article 5 du règlement n° 4056/86, même s'ils font référence au transport terrestre, ne permettent pas d'établir que ledit règlement régit ce transport. D'une part, l'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 4056/86 vise seulement à éviter que les compagnies maritimes membres d'une conférence ne profitent de leur puissance sur le marché du transport maritime pour imposer aux chargeurs l'achat auprès d'elles d'autres services, tels que les services de transport terrestre. Il convient d'observer, par ailleurs, que la disposition susvisée, qui a donc pour but d'éviter que les compagnies maritimes lient le transport terrestre à leur service de transport maritime, confirme que les transports maritimes et terrestres sont deux services distincts relevant de marchés différents.

268.
    D'autre part, l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 n'indique pas que ce dernier s'applique au transport terrestre mais, envisageant des situations où il existe un prix unique pour un service de transport comprenant un segment terrestre, prévoit que les tarifs des compagnies maritimes doivent préciser les services couverts par le fret au prorata de la partie maritime et de la partie terrestre du transport. Les tarifs visés dans cet article ne se réfèrent pas à celui de la conférence, mais visent les conditions offertes par les différentes compagnies maritimes. En effet, l'article prévoit que ces tarifs pourront être consultés dans les bureaux des compagnies et de leurs agents et non dans les bureaux de la conférence. Il est clair que les compagnies maritimes peuvent proposer des services de transport multimodal et, dans ce contexte, il convient que les chargeurs puissent connaître la ventilation des prix, entre transport terrestre et transport maritime.

269.
    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'article 4 du règlement n° 4056/86 selon lequel, pour bénéficier de l'exemption, un accord ne peut appliquer des prix et des conditions qui diffèrent selon le pays d'origine ou de destination ou selon le port de chargement et de déchargement, ne prouve nullement que le règlement n° 4056/86 s'applique au transport terrestre maistranspose simplement le principe de l'interdiction des discriminations mentionné à l'article 79, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 75, paragraphe 1, CE). Même en l'absence de transport multimodal, les compagnies maritimes pourraient appliquer des conditions différentes au transport des marchandises de différents États membres et assurer ainsi le transit des marchandises par un port plutôt que par un autre.

270.
    Troisièmement, s'agissant de l'assertion des requérantes selon laquelle certains États membres ont émis l'avis, en 1984, dans le cadre d'une réforme législative menée dans un pays tiers, qu'il serait souhaitable que ledit pays autorise également les compagnies maritimes membres de conférences maritimes à fixer collectivement les prix des services de transport terrestre fournis en combinaison avec les services de transport maritime, il ne saurait en être déduit que le Conseil a nécessairement décidé, trois ans plus tard, qu'il convenait d'adopter au niveau communautaire une réglementation en ce sens. En outre, il convient de souligner, d'une part, qu'il ne s'agissait que de l'opinion d'une partie des États membres et, d'autre part, qu'il ne saurait être exclu que les États membres qui semblaient en faveur de l'octroi d'une exemption n'aient pas modifié leur position, laquelle pouvait s'expliquer par le fait qu'il n'existait pas, à l'époque, de règlement communautaire déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes. En tout état de cause, l'avis exprimé autrefois par certains États membres ne saurait l'emporter sur le texte du règlement n° 4056/86 et, notamment, de son article 1er, au libellé parfaitement clair, qui prévoit que ledit règlement ne s'applique qu'aux transports maritimes.

271.
    Par ailleurs, force est de constater que la législation américaine, dont se prévalent les requérantes, démontre également que les termes «transports maritimes» ne peuvent être interprétés comme s'étendant au transport terrestre fournis dans le cadre du transport multimodal. En effet, ainsi que l'a relevé, à juste titre, la Commission, le Shipping Act adopté en 1984 aux États-Unis d'Amérique afin de permettre aux transporteurs maritimes de «discuter, fixer ou réglementer les taux de transport, y compris les taux combinés du point d'enlèvement au point de livraison» a pris soin de préciser expressément qu'il exempte aussi de l'application des lois antitrust les accords concernant le segment terrestre d'un transport multimodal. Cet exemple confirme donc qu'une exemption des règles de concurrence permettant aux membres d'une conférence maritime de fixer les prix du transport maritime ne peut être interprétée comme leur accordant également et implicitement une exemption pour les accords portant fixation des prix des services de transport terrestre fournis dans le cadre du transport multimodal.

272.
    Quatrièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que le règlement n° 4056/86 s'applique au seul transport maritime, tandis que le règlement n° 1017/68 s'applique au transport terrestre, n'est source d'aucune d'insécurité juridique et d'incohérences procédurales.

273.
    Cinquièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'interprétation selon laquelle le règlement n° 4056/86 ne s'applique pas à la partie terrestre du transport multimodal n'a pas pour conséquence de priver de tout effet utile l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 dudit règlement. D'une part, en effet, les compagnies membres des conférences maritimes peuvent, conformément à ce qui est prévu à l'article 3 du règlement n° 4056/86, fixer collectivement les prix des services de transport maritime et, le cas échéant, conclure également des accords ayant d'autres objets mentionnés à l'article 3 précité. D'autre part, il est clair que chaque compagnie maritime membre de la conférence peut proposer et vendre des services de transport multimodal, étant entendu seulement que si le prix du segment maritime peut être fixé par la conférence, le prix du segment terrestre du transport doit, en revanche, être fixé individuellement par chaque compagnie. L'interprétation de la Commission ne limite donc en rien ni la portée du champ d'application de l'exemption par catégorie prévue pour le transport maritime proprement dit, ni la possibilité pour les compagnies maritimes membres des conférences de fournir des services de transport multimodal. Il convient d'ailleurs d'observer, à cet égard, qu'il est constant que de nombreuses compagnies maritimes indépendantes, ainsi que des commissionnaires de transport, offrent des services de transport multimodal équivalents à ceux fournis par les membres de la FEFC sans cependant fixer en commun, avec les autres compagnies maritimes ou les autres commissionnaires de transport, le prix du transport terrestre.

274.
    Sixièmement, s'agissant de l'allégation des requérantes selon laquelle l'interprétation donnée par la Commission du règlement n° 4056/86 serait contraire à l'avis général des États membres, il suffit de constater qu'elle doit être écartée dès lors que les requérantes n'ont apporté aucune preuve à son appui. La Commission a fait valoir que, dans son avis sur le projet de la décision attaquée, le comité consultatif, composé de représentants des administrations des transports et de la concurrence des États membres, s'est déclaré favorable, à l'unanimité de ses membres, aux conclusions de la Commission concernant la définition du marché, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité et la détermination du champ d'application du règlement n° 4056/86. Toutefois, la Commission n'ayant pas produit cet avis, son argument ne saurait être retenu (arrêt du Tribunal du 28 mars 2001, Institut des mandataires agréés/Commission, T-144/99, Rec. p. II-1087, point 133). Il convient, en outre, d'observer que, si les requérantes soutiennent que l'interprétation du règlement n° 4056/86 défendue par la Commission est contraire à l'avis général des États membres, aucun État membre n'est cependant intervenu, dans la présente procédure, pour défendre la thèse des requérantes selon laquelle le segment terrestre du transport multimodal relève du champ d'application du règlement n° 4056/86. Au contraire, il ressort de l'arrêt rendu ce jour dans l'affaire T-18/97, que la République française est intervenue, dans cette affaire, pour soutenir, notamment, qu'un accord de fixation de prix du segment terrestre du transport multimodal, de même nature que celui en cause, relève du règlement n° 1017/68 et non du règlement n° 4056/86.

275.
    Septièmement, la thèse des requérantes, selon laquelle l'accord en cause doit bénéficier de l'exemption par catégorie au motif que les services sur lesquels il porte sont vendus en combinaison avec des services de transport maritime couverts par l'exemption, conduirait en définitive à considérer que tout service fourni par des compagnies maritimes, conjointement au transport maritime, devrait bénéficier de l'exemption par catégorie. Les requérantes se sont cependant défendues de soutenir une telle thèse et ont fait valoir qu'elles estiment, en réalité, que les activités accessoires, qui sont nécessairement fournies en tant que composant intégral d'un service de transport multimodal, doivent être traitées comme une partie de ce service unique. Sans qu'il soit besoin dans le cadre du présent recours de se prononcer sur le bien-fondé de cette thèse ainsi précisée, il suffit de constater qu'elle ne peut, en tout état de cause, conduire à faire bénéficier de l'exemption par catégorie, prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, l'accord sur les services de transport terrestre en cause, dès lors que ceux-ci, ainsi qu'il a été constaté dans le cadre du premier moyen, constituent un service distinct du transport maritime.

276.
    Enfin, force est de constater que c'est à bon droit que la Commission a examiné l'accord en cause au regard des dispositions du règlement n° 1017/68. En effet, il est constant que l'accord en cause est un accord de fixation de prix conclu entre les membres de la FEFC pour les services de transport terrestre qu'ils offrent aux chargeurs dans le cadre du transport multimodal. Ces services de transport terrestre fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal doivent, ainsi qu'il a été exposé (voir ci-dessus, points 120 à 129), être considérés, du point de vue du droit de la concurrence, comme des services, certes complémentaires, mais néanmoins distincts des services de transport maritime. L'accord en cause a donc bien pour objet la fixation des prix et conditions de transport dans le domaine du transport terrestre au sens de l'article 1er du règlement n° 1017/68 et relève donc dudit règlement.

277.
    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen tiré d'une violation de l'article 3 du règlement n° 4056/86 doit être rejeté dans son intégralité.

IV - Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement n° 1017/68

A - Arguments des parties

278.
    Avant de procéder à l'analyse de certaines conditions d'octroi de l'exemption individuelle, les requérantes ont formulé des observations générales sur le raisonnement de la Commission et sur certaines questions touchant au transport multimodal.

Observations générales

(279 à 280)

- Pratiques d'autres autorités compétentes en matière de concurrence et d'autres législateurs

(281 à 285)

- L'incidence de la tarification commune du transport multimodal dans le cadre d'une conférence sur la stabilité des prix

(286 à 302)

- Sur le rôle des conférences comme pionnières du développement des services de transport multimodal

(303 à 304)

Conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité

- Première condition: avantages économiques de l'accord

(305 à 315)

- Deuxième condition: réservation d'une part équitable des avantages aux utilisateurs

(316 à 319)

- Troisième condition: le caractère indispensable des restrictions de concurrence

(320 à 338)

B - Appréciation du Tribunal

Observations générales

339.
    En premier lieu, il convient de rappeler que conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre d'un recours en annulation introduit sur le fondement de l'article 173 du traité, le contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 85, paragraphe 3, du traité, à l'égard de chacune des quatre conditions qu'il contient, doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, point 109, SPOe.a./Commission, précité, point 288, et du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 190). Il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission, ni de se prononcer sur des moyens, griefs ou arguments, qui, dans l'hypothèse même où ils seraient fondés, ne sont, en tout état de cause, pas susceptibles d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.

340.
    Il convient de préciser, à cet égard, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que l'accord en cause a été ouvertement mis en oeuvre par les membres de la FEFC pendant une longue période n'est pas de nature à modifier le pouvoir de contrôle du Tribunal, ni, en elle-même, pertinente pour déterminer si l'accord remplit ou non les conditions requises pour l'octroi d'une exemption individuelle. Tout au plus, cet élément pourrait-il, le cas échéant, être pris en compte au stade de l'examen du caractère justifié et proportionné de la sanction infligée.

341.
    En second lieu, s'agissant de l'argument des requérantes tiré de ce que plusieurs législateurs et autorités compétentes en matière de concurrence de pays tiers ont accepté la fixation par les conférences maritimes des prix des services de transport terrestre dans le cadre du transport multimodal, il ressort du dossier que cette acceptation, si elle n'est certes pas inexistante, ne semble, à tout le moins, pas avoir la portée que lui attribuent les requérantes et les parties intervenantes au soutien de celles-ci. Ainsi, le rapport de l'OCDE, invoqué par la JSA, loin de constituer une reconnaissance unanime de cette tarification, constate, au contraire, que si les États-Unis, le Canada et l'Australie autorisent la fixation des taux du transport terrestre par les conférences maritimes, le Japon et la Communauté européenne, en revanche, ne l'autorisent pas. En tout état de cause, il convient de rappeler que des pratiques nationales, à supposer qu'elles soient communes à tous les États membres, ne sauraient s'imposer dans l'application des règles de concurrence du traité (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 40). Dès lors, a fortiori, des pratiques de certains États tiers ne sauraient-elles commander l'application du droit communautaire. Il s'ensuit que la circonstance alléguée par les requérantes que certains États tiers admettent la fixation collective par les membres d'une conférence maritime des prix des services de transport terrestre, ne saurait, à elle seule, conduire, ipso facto, à l'annulation de la décision attaquée. Tout au plus, ces pratiques alléguées pourraient-elles, le cas échéant, être prises en considération aux fins d'apprécier le bien-fondé des constatations effectuées par la Commission dans le cadre de l'examen des différentes conditions requises par l'article 5 du règlement n° 1017/68 pour l'octroi d'une exemption individuelle.

342.
    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que l'approche de la Commission serait totalement viciée en ce qu'elle se serait bornée à analyser séparément les avantages découlant de l'accord en cause, d'une part, pour le transport terrestre et, d'autre part, pour le transport maritime et aurait ainsi refusé de prendre en considération les avantages résultant de l'accord pour les services de transportmultimodal alors que les bénéfices considérables que ces services apportent aux chargeurs seraient très généralement reconnus, en particulier par la Commission elle-même.

343.
    En vue d'examiner le bien-fondé des constatations effectuées par la Commission dans le cadre de l'examen des différentes conditions requises à l'article 85, paragraphe 3, du traité et à l'article 5 du règlement n° 1017/68, il convient, certes, d'avoir égard aux avantages qui découlent de l'accord en cause, non seulement pour le marché en cause, à savoir le marché des services de transport terrestre fournis dans le cadre d'un transport multimodal, mais, le cas échéant, également pour tout autre marché sur lequel l'accord en cause pourrait produire des effets bénéfiques, voire, de manière plus générale, pour tout service dont la qualité ou l'efficacité serait susceptible d'être améliorée par l'existence dudit accord. En effet, tant l'article 5 du règlement n° 1017/68, que l'article 85, paragraphe 3, du traité envisagent la possibilité d'une exemption en faveur, notamment, des accords qui contribuent à promouvoir le progrès technique ou économique, sans exiger un lien particulier avec le marché en cause.

344.
    En l'espèce, ainsi que la Commission l'a, à juste titre, exposé au considérant 94 de la décision attaquée, il y a lieu d'établir une distinction entre les avantages du transport multimodal en général, la nécessité de la fixation, dans le cadre d'une conférence, des prix applicables au segment terrestre, pour la fourniture de services de transport multimodal et la nécessité de la fixation, dans le cadre d'une conférence, des prix applicables au segment terrestre, afin de préserver le système des conférences.

345.
    Il convient toutefois de préciser immédiatement que, comme la Commission le relève, à juste titre, au considérant 95 de la décision attaquée, les avantages du transport multimodal en général ne sont nullement contestés. En outre, les arguments fondés sur ces avantages sont dépourvus de toute pertinence, dès lors que la décision attaquée porte exclusivement sur la légalité, au regard des règles de concurrence, non pas du transport multimodal en tant que tel mais seulement d'un accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans le cadre du transport multimodal. Il ne s'agit donc pas d'examiner si les services de transport multimodal produisent des effets bénéfiques, ce qui n'est pas contesté, mais bien de vérifier si la fixation collective par les membres de la FEFC des prix des services de transport terrestre fournis dans le cadre de ces services de transport multimodal, produit les effets bénéfiques requis par l'article 85, paragraphe 3, du traité en ce que, notamment, cette fixation collective améliorerait les services de transport terrestre, maritime ou multimodal. Les arguments des requérantes visant à établir les bienfaits du transport multimodal en tant que tel sont donc dépourvus de pertinence.

346.
    Selon les requérantes, l'accord en cause apporte les effets bénéfiques requis en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en ce qu'il est nécessaire pour assurer lafourniture de services de transport multimodal stables. En effet, selon leur thèse, à défaut de fixation collective des prix du transport terrestre, les membres de la FEFC risqueraient de vendre aux chargeurs les services de transport terrestre à des prix inférieurs à leurs coûts d'achat, ce qui reviendrait à offrir des rabais sur le tarif du transport maritime fixé par la conférence, lequel, dès lors, perdrait son effet stabilisateur. Il s'ensuivrait une instabilité sur le marché maritime et l'impossibilité pour les compagnies maritimes d'effectuer les investissements nécessaires pour assurer et développer des services de transport multimodal fiables et performants.

347.
    Force est de constater que cette argumentation, en substance, ne concerne que le problème d'une éventuelle instabilité du marché des services du transport maritime résultant des rabais accordés sur le tarif du transport terrestre. Partant, elle doit être examinée dans le cadre de l'analyse des effets de l'accord en cause sur le marché des services de transport maritime.

348.
    C'est dans ce cadre qu'il convient à présent d'examiner si la Commission a correctement apprécié les effets bénéfiques de l'accord en cause au regard des conditions d'exemption prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement n° 1017/68.

349.
    À cet égard, selon une jurisprudence constante, les quatre conditions d'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, sont cumulatives (voir, notamment, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, et arrêt CB et Europay/Commission, précité, point 110) et il suffit dès lors qu'une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que l'exemption doive être refusée (arrêt SPO e.a./Commission, précité, point 267, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. 1611, points 34 à 37).

350.
    En l'espèce, il ressort du considérant 140 de la décision attaquée que la Commission n'a pas examiné la quatrième condition relative à l'élimination de la concurrence. Il convient, dès lors, d'examiner seulement les trois premières conditions.

Première condition: amélioration de la qualité des services de transport, promotion de la continuité et de la stabilité sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps, augmentation de la productivité des entreprises, ou promotion du progrès technique ou économique

351.
    Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission établit une distinction entre, d'une part, les avantages du transport multimodal en général et, d'autre part, le rôle que joue la fixation collective des prix par les membres de la FEFC dans l'amélioration de la qualité des services de transport. La Commission considère que l'appréciation de l'applicabilité de l'article 5 du règlement n° 1017/68 concerne le second élément.

352.
    En premier lieu, en ce qui concerne l'amélioration de la qualité des services de transport, la Commission conclut qu'il n'a pas été démontré que le fait d'appliquer un prix fixé collectivement par les membres de la conférence pour la fourniture de services de transport terrestre contribue à améliorer la qualité desdits services (considérant 101 de la décision attaquée) ni celle des services de transport maritime fournis par les membres de la conférence (considérant 103 de la décision attaquée).

353.
    En second lieu, en ce qui concerne la question de savoir si l'accord en cause contribue à promouvoir, sur le marché, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction de besoins de transport, la Commission estime que les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que le marché sur lequel sont fournis les services de transport terrestre par les transporteurs maritimes se caractérise par de fortes fluctuations de l'offre et de la demande dans le temps. Même si c'était le cas, il n'aurait pas été démontré que la tarification collective, par les membres de la FEFC, des services de transport terrestre contribue à la continuité et à la stabilité sur le marché en cause (considérant 105 de la décision attaquée).

354.
    En troisième lieu, en ce qui concerne l'augmentation de la productivité, la Commission conclut qu'il n'a pas été démontré que la fixation collective des prix du transport terrestre, par la conférence, a entraîné ou est susceptible d'entraîner une augmentation de la productivité des entreprises concernées (considérant 106 de la décision attaquée), la fixation de prix par la FEFC n'ayant aucun effet direct sur les services fournis ou leur mode d'exécution (considérant 107 de la décision attaquée). Au considérant 108 de cette dernière, la Commission expose par ailleurs qu'il n'a pas été non plus démontré que l'accord en cause contribue à accroître la productivité des membres de la FEFC pour les services de transport maritime qu'ils assurent.

355.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne le fait de promouvoir le progrès technique, la Commission conclut, au considérant 109 de la décision attaquée, que les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que la fixation des prix concernant les services de transport terrestre fournis par les transporteurs maritimes satisfait à cette condition. La Commission expose à cet égard que l'argument des requérantes selon lequel l'accord en cause permet d'investir dans les segments du service de transport intégré peut être avancé pour n'importe quel accord de fixation des prix (considérants 110 et 111 de la décision attaquée). Selon la Commission, la fixation collective des prix prévue par l'accord en cause, au lieu de stimuler l'introduction d'une technologie nouvelle, peut décourager des investissements nouveaux en réduisant les avantages concurrentiels qui reviennent normalement aux entreprises ayant mieux exploité leurs investissements (considérant 111 de la décision attaquée).

356.
    Les requérantes font grief à la Commission de s'être fondée, pour justifier sa conclusion sur l'absence d'amélioration de la qualité des services, sur la circonstance que la plupart des compagnies maritimes offrant des services detransport multimodal achètent les services de transport terrestre à des entreprises de transport terrestre aux prix du marché.

357.
    À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission constate que «les membres de la FEFC n'effectuent généralement pas l'acheminement sur le segment terrestre eux-mêmes, mais le sous-traitent à des transports terrestres» (considérant 101). Par ailleurs, au considérant 102 de la décision attaquée, la Commission observe que «si le prix du [transport terrestre] est fixé dans le cadre de la FEFC, chacun des membres négocie individuellement avec les transporteurs terrestres», de sorte que «les améliorations apportées à la qualité du service pour répondre à la demande des chargeurs ne résultent pas des pratiques de fixation des prix de la conférence, mais des négociations menées à titre individuel entre les transporteurs terrestres et les compagnies maritimes».

358.
    Force est de constater que ce raisonnement de la Commission n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation manifeste. Il n'apparaît pas, en effet, que la capacité de fixer un prix commun pour un service que les compagnies maritimes achètent, dans le cadre d'une sous-traitance, à des prix différents peut contribuer à rationaliser la partie terrestre de leurs activités par un contrôle plus efficace des conteneurs.

359.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument selon lequel la Commission a méconnu le fait que les coûts directs du transport terrestre ne représentent qu'une faible proportion du total des coûts des services de transport terrestre. Les requérantes n'ont, en effet, pas apporté la preuve que la fixation des prix, par la conférence, contribue à améliorer la qualité des services de transport terrestre, même si la grande majorité des coûts terrestres correspondent à des activités propres des compagnies maritimes et non des services achetés par celles-ci. Quelle que soit la proportion que représentent les coûts directs du transport terrestre, il suffit de relever que, en tout état de cause, les requérantes n'ont pas démontré en quoi la fixation collective des taux serait de nature à rendre plus efficaces les services de transport multimodal et, en particulier, la gestion des conteneurs vides.

360.
    Quant à la question de savoir si l'accord en cause contribue à promouvoir, sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction de besoins de transport, la Commission note, au considérant 105 de la décision attaquée, que «les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que le marché sur lequel sont fournis les services de [transport terrestre] se caractérise par de fortes fluctuations de l'offre et de la demande dans le temps». À cet égard, la Commission relève à juste titre que les raisons avancées par les requérantes pour établir l'existence d'une instabilité des prix dans le cadre du service de transport multimodal et la nécessité de fixer collectivement les prix pour la partie terrestre du transport multimodal sont les mêmes que celles qui ont été avancées pour expliquer l'instabilité des prix du transport maritime et sont propres à ce type de transport.

361.
    En revanche, ainsi que la Commission le fait observer au considérant 30 de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles le transport terrestre est assuré sont très différentes de celle du transport maritime. En effet, les prix du transport terrestre sont, en règle générale, les mêmes pour toutes les marchandises quel que soit la nature ou la valeur intrinsèque de celles-ci et sont fixés en fonction du coût du service. Par ailleurs, ces coûts sont déterminés pour chaque conteneur. Comme la Commission le souligne dans ses écrits déposés devant le Tribunal, en se référant au rapport Gilman et Graham produit par les requérantes, il n'y a, en conséquence, aucune incitation à vendre l'espace disponible à tout prix.

362.
    À la lumière de ces éléments, il ne saurait être reproché à la Commission une erreur manifeste d'appréciation sur ce point. Les membres de la FEFC n'ont d'ailleurs apporté aucun élément de nature à démontrer que le marché du transport terrestre se caractérise par de fortes fluctuations de l'offre et de la demande dans le temps. Enfin, en tout état de cause, même si le marché pouvait être ainsi caractérisé, les requérantes n'ont pas démontré en quoi la tarification collective des services de transport terrestre contribuerait à la continuité et à la stabilité sur le marché en cause.

363.
    En ce qui concerne l'augmentation de la productivité des entreprises, la Commission relève à nouveau, au considérant 107 de la décision attaquée, que les membres de la FEFC n'interviennent généralement pas eux-mêmes dans la fourniture du service de transport terrestre. Elle précise à cet égard que «la fixation de prix par la FEFC n'a aucun effet direct sur les services fournis ou leur mode de prestation, car ils sont vendus aux membres de la FEFC au prix courant du marché et non au prix fixé par la conférence». Partant, elle conclut que l'accord de fixation des prix pour le transport terrestre «n'a pas d'incidence directe sur le service que les compagnies maritimes fournissent effectivement».

364.
    Il a déjà été constaté ci-dessus, au stade de l'examen de l'effet de l'accord en cause sur la qualité des services, que cette appréciation n'est entachée d'aucune erreur manifeste. Cette conclusion s'impose également dans le cadre de l'examen de l'effet dudit accord sur la productivité des entreprises concernées, étant observé que les requérantes n'ont pas, en tout état de cause, apporté la preuve que l'accord portant fixation des prix du transport terrestre contribue à augmenter leur productivité.

365.
    En ce qui concerne la question de savoir si l'accord en cause contribue à promouvoir le progrès technique ou économique, la Commission relève, au considérant 109 de la décision attaquée, que les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve de ce que la fixation des prix concernant les services de transport terrestre contribue à la réalisation de cet objectif. Comme la Commission le souligne à juste titre au considérant 110 de sa décision, l'argument des requérantes selon lequel l'accord en cause permet d'investir dans les segments du service de transport intégré peut être avancé pour n'importe quel accord de fixation des prix. En réalité, il apparaît plus probable, comme la Commission le souligne auconsidérant 111 de la décision attaquée, que les restrictions de concurrence résultant de l'accord portant fixation des prix, au lieu de stimuler l'introduction d'une technologie nouvelle, découragent des investissements nouveaux en réduisant les avantages concurrentiels qui reviennent normalement aux entreprises ayant mieux exploité leurs investissements.

366.
    Dans ces circonstances, les requérantes n'ont pas apporté la preuve que l'accord de fixation des prix des services de transport terrestre contribue à promouvoir le progrès technique ou économique.

367.
    Enfin, s'agissant des effets de l'accord sur la promotion de la stabilité sur le marché des services de transport maritime, il apparaît que la Commission s'est bornée, au considérant 104 de la décision attaquée, à renvoyer à l'examen effectué aux considérants 123 à 137 de ladite décision concernant le caractère indispensable des restrictions. La Commission a ainsi considéré que, à supposer même que la première condition soit remplie, une exemption ne peut être accordée dès lors que les restrictions de concurrence ne sont, en tout état de cause, pas indispensables pour atteindre l'objectif poursuivi par l'accord. Eu égard au caractère cumulatif des quatre conditions de l'article 85, paragraphe 3 (arrêt SPO e.a./Commission, précité, point 227), cette circonstance n'est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée pour autant que celle-ci établisse, à suffisance de droit, le caractère non indispensable des restrictions résultant de l'accord ou qu'une autre condition de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas remplie.

Deuxième condition: réservation d'une part équitable des avantages aux utilisateurs

368.
    Dans la décision attaquée, la Commission conclut, au considérant 115, que l'accord en cause ne tient pas suffisamment compte des intérêts des chargeurs et autres usagers, ledit accord servant uniquement à assurer le maintien des prix à un niveau plus élevé qu'il ne le serait autrement. À cet égard, la Commission relève que la fixation par la conférence des prix des services de transport terrestre empêche les compagnies les plus efficaces de répercuter les réductions de coût (considérant 116 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission fait valoir qu'elle a tenu compte des plaintes dont l'ont saisie les organismes représentant les intérêts des usagers des services de transport terrestre, qui ont exprimé leur préoccupation au sujet des distorsions de concurrence dans ce secteur (considérant 117 de la décision attaquée). Enfin, la Commission observe que, en pratique, il serait plus facile de réserver aux usagers une part équitable du profit résultant du transport porte à porte s'il n'y avait pas accord de fixation de prix comme celui conclu par les membres de la FEFC (considérant 118 de la décision attaquée).

369.
    En premier lieu, les requérants soutiennent que la Commission ne s'est pas forgée sa propre opinion sur la question, contrairement au devoir qui lui incombe, en déclarant qu'elle a tenu compte de différentes plaintes d'utilisateurs.

370.
    Cet argument ne saurait être retenu. Outre que la Commission est parfaitement en droit de tenir compte des plaintes des usagers pour apprécier si l'accord en cause prend en compte leurs intérêts, il ressort du texte de la décision attaquée, et plus particulièrement de la teneur des considérants 115 et 116 rappelés ci-dessus, que la Commission a bien effectué sa propre analyse de la question. Ainsi, au considérant 115 de la décision attaquée, la Commission relève que «l'accord de fixation collective des prix sert uniquement à assurer le maintien des prix à un niveau plus élevé qu'il ne le serait autrement». Par ailleurs, au considérant 116, la Commission considère que «dans la mesure où les transporteurs individuels sont en mesure de réduire leurs coûts en organisant leurs flottes de conteneurs plus efficacement que d'autres, la fixation par la conférence des prix de services de 'carrier haulage' empêche les compagnies les plus efficaces de répercuter les réductions de coût».

371.
    En tout état de cause, c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de l'existence d'un nombre élevé de plaintes des usagers que l'accord en cause ne prenait pas en compte, dans une mesure équitable, les intérêts de ces derniers.

372.
    En second lieu, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir conclu au considérant 118 de la décision attaquée que «si l'on veut réserver aux utilisateurs une part équitable du profit, il faut maintenir un niveau élevé de concurrence dans la fourniture des services de transport terrestre aux chargeurs». Les activités de transport multimodal de la FEFC ne représentant que 38 % du total du trafic maritime entre l'Extrême-Orient et l'Europe, elles concluent qu'il existe une concurrence suffisante, d'un niveau élevé.

373.
    À cet égard, il convient de rappeler qu'un accord de fixation des prix constitue une atteinte très grave à la concurrence. Par ce type d'accord, les requérantes sont en effet en mesure de maintenir les prix à un niveau plus élevé qu'ils ne le seraient autrement. Par ailleurs, il convient de constater que cet argument des requérantes vise, en réalité uniquement à minimiser l'impact sur la concurrence de l'accord en cause, mais nullement à établir que celui-ci prend en considération les intérêts des utilisateurs. Il est, dès lors, inopérant dans le présent contexte.

374.
    Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'accord en cause ne réserve pas une partie équitable du profit aux utilisateurs.

Troisième condition: le caractère indispensable des restrictions de concurrence en cause

375.
    En ce qui concerne l'examen du caractère indispensable des restrictions en cause, il convient de constater que la Commission, aux considérants 119 à 139 de la décision attaquée, a examiné si les restrictions de concurrence résultant de l'accord en cause sont indispensables, d'une part, pour la fourniture des services detransport multimodal, et d'autre part, pour le maintien du système de fixation des prix des transports maritimes par les conférences maritimes.

376.
    S'agissant du premier volet, la Commission conclut, au considérant 121 de la décision attaquée, que la fixation collective des prix des services de transport terrestre n'est pas essentielle à la fourniture de ces services. À cet égard, elle relève en particulier que «la plupart des membres de la FEFC ne fournissent pas eux-mêmes les services de transport terrestre» et que «la FEFC n'exerce non plus aucune activité de transport terrestre autre qu'offrir simplement une tribune où se fixent collectivement les prix des [transports terrestre]» (considérant 120 de la décision attaquée). Par ailleurs, elle fait valoir que «de nombreux transporteurs et commissionnaires de transport indépendants offrent des services équivalents ou similaires en dehors du cadre de la FEFC ou de toute autre conférence, sans fixer en commun avec une autre compagnie maritime les prix des services de [transport terrestre]» (considérant 121 de la décision attaquée).

377.
    S'agissant du second volet, la Commission conclut, en substance, qu'«il n'a pas été prouvé que la fixation des prix [du transport terrestre] est indispensable au maintien du rôle stabilisateur joué par les conférences» (considérant 131). À cet égard, la Commission relève, en particulier, l'existence des mesures alternatives énumérées par l'article 3 du règlement n° 4056/86, qui peuvent être prises pour assurer la stabilité des tarifs du transport maritime d'une conférence, à savoir la répartition, entre les membres d'une conférence, du tonnage transporté ou de la recette. Par ailleurs, la Commission souligne, au considérant 135 de la décision attaquée, que «certaines activités sont exercées, non sur la base d'un prix convenu dans le cadre d'une conférence, mais sur la base, beaucoup moins restrictive, d'un accord prévoyant que les services ne peuvent être facturés en dessous de leur coût».

378.
    Dans ces circonstances, la Commission rejette l'argument des requérantes, s'appuyant en partie sur le rapport Gilman et Graham, tiré de ce que le rôle stabilisateur des conférences maritimes serait compromis si celles-ci ne fixaient pas les prix du transport terrestre, car ses membres seraient tentés de porter atteinte aux prix du transport maritime fixés par la conférence en jouant sur les prix appliqués au segment terrestre du transport. Elle considère à cet égard que «le fait que la cartellisation d'une partie des activités des compagnies maritimes soit jugée compatible avec les règles de concurrence ne saurait en soi justifier l'exemption de toutes les activités exercées par ces entreprises».

379.
    Dans leurs écrits, les requérantes se bornent à réaffirmer que la stabilité des prix, résultant d'un contrôle des tarifs dans le cadre d'une conférence, aide et encourage les compagnies maritimes à effectuer des investissements plus importants.

380.
    Force est de constater que ce grief se rattache au second volet de l'analyse de la Commission concernant le caractère indispensable des restrictions en cause pour le maintien de la stabilité des prix des services de transport maritime fixés par lesconférences. Il en résulte que les requérantes ne contestent pas l'analyse de la Commission relative au caractère indispensable des restrictions de l'accord en cause pour la fourniture de services de transport multimodal. À cet égard, il y a lieu de considérer que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire du fait que la plupart des membres de la FEFC ne fournissent pas eux-mêmes les services de transport terrestre, que la FEFC n'exerce aucune activité de transport terrestre autre qu'offrir une tribune de fixation collective des prix et que de nombreux commissionnaires et transporteurs indépendants offrent des services similaires sans fixation commune des prix, que la fixation collective des prix du transport terrestre n'est pas indispensable à la fourniture de ces services.

381.
    En ce qui concerne les griefs des requérantes relatifs au second volet de l'analyse de la Commission, il y a lieu de rappeler qu'il appartient aux requérantes, en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de démontrer que les restrictions de concurrence en cause remplissent les objectifs visés par ladite disposition et que ces derniers ne pourraient être atteints sans l'instauration de ces restrictions.

382.
    En l'espèce, les requérantes soutiennent, en substance, que, en l'absence d'un tarif de transport multimodal fixé dans le cadre d'une conférence, une grave déstabilisation des prix des services de transport maritime se produirait, qui serait de nature à paralyser le fonctionnement des conférences. Elles estiment notamment que, à défaut d'un tel tarif, les compagnies pourraient facturer facilement en dessous des tarifs du transport maritime en absorbant une partie ou la totalité du coût du transport terrestre.

383.
    Force est de constater que, au considérant 136 de la décision attaquée, la Commission a reconnu que, en l'absence de fixation collective des prix, les membres de la FEFC peuvent imposer aux chargeurs, pour les services de transport terrestre des prix inférieurs à leurs coûts d'achat, ce qui reviendrait à offrir un rabais sur le tarif du transport maritime fixé par la conférence. La Commission ajoute que cette pratique risque effectivement de nuire davantage à la stabilité apportée par la FEFC que ne le font d'autres types de rabais accordés sur les tarifs du transport maritime de la FEFC et la concurrence d'autres compagnies maritimes non membres de cette conférence.

384.
    Dans le considérant suivant de la décision attaquée, la Commission déclare toutefois qu'il n'a pas été prouvé que des mesures moins restrictives de la concurrence ne seraient pas suffisantes pour atteindre l'objectif de stabilité générale. Les requérantes ne sauraient objecter que la Commission n'a pas concrètement démontré l'existence de mesures moins restrictives. En effet, il résulte d'une jurisprudence constante qu'il appartient aux entreprises demandant le bénéfice d'une exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, d'établir sur la base de preuves documentaires, le caractère justifié d'une exemption. Dans ces circonstances, il ne saurait être fait grief à la Commission de n'avoir pas proposé d'autres solutions ni indiqué ce qu'elle considérerait comme justifiantl'octroi d'une exemption (voir arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 52).

385.
    En tout état de cause, force est de constater que la Commission a indiqué deux types de mesures alternatives.

386.
    D'une part, au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission relève, ainsi qu'il a été déjà été exposé ci-dessus, que les mesures qui peuvent être prises pour assurer la stabilité des tarifs du transport maritime d'une conférence sont énumérées à l'article 3 du règlement n° 4056/86 et que celles-ci comprennent notamment la répartition, entre les membres d'une conférence, du tonnage transporté ou de la recette.

387.
    D'autre part, il ressort de la décision attaquée que la Commission soulignait déjà au considérant 135 que certaines activités pouvaient être exercées sur la base d'un accord prévoyant que les services de transport terrestre ne peuvent être facturés en dessous de leurs coûts. La Commission développe son raisonnement à cet égard sous la note de bas de page correspondante au considérant 139 de la décision attaquée. Dans cette note, la Commission rappelle que dans un rapport qu'elle a présenté au Conseil concernant le transport maritime, elle s'est déclarée disposée à envisager l'octroi d'une exemption individuelle pour un accord de conférence comprenant une disposition prévoyant que les tarifs du transport terrestre ne peuvent être inférieurs aux coûts, de manière à éviter dans une large mesure le risque d'instabilité pour les conférences maritimes lié à une éventuelle subvention croisée entre les parties terrestre et maritime du transport.

388.
    Il y a lieu de constater que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de nature à remettre en cause les conclusions de la Commission sur ce point. En particulier, les requérantes n'ont pas démontré en quoi les mesures alternatives proposées par la Commission n'étaient pas moins restrictives que l'accord de fixation des prix en cause ou les raisons pour lesquelles ces mesures n'étaient pas réalisables.

389.
    En premier lieu, il convient d'observer que les requérantes ne sauraient se prévaloir du fait qu'elles pourraient manquer aux obligations découlant de l'accord de fixation des prix des services de transport maritime pour justifier l'octroi d'une autre exemption en faveur d'un accord de fixation des prix des services de transport terrestre. Le simple fait que le respect de l'accord de fixation des prix du transport maritime prive de toute utilité un accord de fixation des taux terrestres suffit à démontrer l'absence de caractère indispensable de ce dernier.

390.
    Il s'ensuit que tous les arguments des requérantes visant à justifier le caractère indispensable des restrictions de concurrence en cause en raison de l'instabilité pouvant résulter de leur propre violation de l'accord de fixation des prix du transport maritime doivent être rejetés.

391.
    Tel est le cas, notamment, de l'argument tiré de ce que le transport multimodal est actuellement le service le plus recherché par les chargeurs de sorte que la concurrence concernant ce mode de transport risquerait prétendument de porter atteinte au tarif du transport maritime. Il convient d'observer, par ailleurs, que cette circonstance ne fait que souligner la gravité des restrictions de concurrence découlant de l'accord en cause.

392.
    En deuxième lieu, il convient de souligner la gravité des restrictions de concurrence générées par l'accord en cause.

393.
    D'une part, un accord portant fixation des prix constitue une restriction très grave à la concurrence. Or, l'accord en cause a pour effet d'étendre au marché des services de transport terrestre une restriction de ce type, autorisée à titre exceptionnel sur le marché des services de transport maritime.

394.
    D'autre part, la fixation collective des prix pour le transport terrestre risque de donner aux membres de la conférence la faculté d'étendre la position importante qu'elles détiennent sur le marché des services de transport maritime sur celui des services de transport terrestre. En particulier, les compagnies membres de la FEFC peuvent, en raison de l'accord en cause, porter atteinte à la concurrence sur le marché des services de transport terrestre en absorbant le coût des ristournes qu'elles octroiraient sur ce marché par le biais de leurs tarifs de transport maritime.

395.
    Dans ce contexte, l'argument des requérantes selon lequel il n'existe pas de mesure alternative moins restrictive à l'accord en cause s'avère peu convaincant, étant donné le caractère fortement restrictif de ce dernier.

396.
    Il ressort de ces considérations que l'accord en cause entraîne des restrictions de concurrence qui, non seulement sont extrêmement graves, mais surtout ne sont pas indispensables pour atteindre l'objectif de stabilité allégué par les requérantes.

397.
    L'absence de caractère indispensable de ces restrictions ressort également de l'argumentation des requérantes. En effet, il résulte de celle-ci que la raison fondamentale alléguée au soutien de la prétendue nécessité de l'accord en cause réside uniquement dans la préservation de la stabilité des prix du transport maritime. Or, ainsi que la Commission le rappelle au considérant 137 de la décision attaquée, le règlement n° 4056/86 prévoit des mesures, couvertes par l'exemption par catégorie, qui peuvent être prises pour assurer la stabilité des services de transport maritime. Par conséquent, il appartient aux requérantes de recourir, en priorité, à ces possibilités offertes par la réglementation communautaire, en particulier celle prévue à l'article 3, sous e), du règlement n° 4056/86. Les arguments des requérantes visant à établir que ces mesures seraient plus restrictives que l'accord en cause ne sauraient donc prospérer. En effet, dès lors qu'une mesure est exemptée par un règlement du Conseil, il importe peu de s'interroger sur sa nature plus ou moins restrictive au regard de l'article 85, paragraphe 3, dutraité. C'est donc à bon droit que la Commission a estimé que les restrictions de concurrence en cause n'étaient pas indispensables au vu de l'existence des mesures prévues par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

398.
    Par ailleurs, la Commission a indiqué au considérant 135 et à la note de bas de page du considérant 139 de la décision attaquée, une autre mesure moins restrictive que l'accord en cause pour atteindre l'objectif allégué de stabilité, à savoir une disposition, insérée dans un accord prévoyant que les services de transport terrestre ne peuvent être facturés en dessous de leurs coûts.

399.
    Force est en effet de constater qu'une telle disposition constitue une mesure indiscutablement moins restrictive que l'accord en cause. Les requérantes ne le contestent d'ailleurs pas, mais font valoir que la Commission n'aurait pas prouvé que cette mesure est réalisable. Outre le fait qu'il n'appartient pas à la Commission de proposer d'autres solutions ou d'indiquer ce qu'elle considérerait comme justifiant l'exemption (arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 52), il suffit de relever que la règle d'interdiction de vente à perte des services de transport terrestre a été proposée dans le rapport intermédiaire du groupe Carsberg au sein duquel les compagnies maritimes étaient représentées. Par ailleurs, il peut être observé que des compagnies maritimes ont notifié un accord comportant une telle interdiction à la Commission.

400.
    Il y a lieu de relever que, d'une part, cette clause d'interdiction de vente à perte incite les compagnies à comprimer les coûts du transport terrestre de manière à être compétitives sur l'ensemble de l'opération de transport multimodal. Un tel système permet aux compagnies de transport maritime de se concurrencer sur la base de la qualité spécifique du service de transport terrestre dans le cadre d'une opération de transport multimodal. En outre, la clause élimine la possibilité d'accorder implicitement des rabais sur le tarif du transport maritime de la conférence grâce à l'absorption d'une partie des coûts du transport terrestre et, par conséquent, contribue à la stabilité du transport maritime.

401.
    Il ressort de ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a constaté que l'accord contenait des restrictions de concurrence non indispensables. En tout état de cause, les requérantes n'ont pas démontré que, ce faisant, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.

402.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement n° 1017/68 doit être rejeté.

V - Sur le quatrième moyen pris de l'existence de vices de procédure lors de la procédure administrative

A - Sur le grief tiré de la violation de la procédure de conciliation prévue par le code de conduite

Arguments des parties

(403 à 404)

Appréciation du Tribunal

405.
    Comme le souligne à juste titre la Commission, la présente affaire, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus dans le cadre de l'examen du deuxième moyen, ne portant pas sur une procédure d'application du règlement n° 4056/86, elle n'était pas tenue de recourir aux procédures de consultation et de conciliation prévues par le règlement n° 4056/86. Le grief des requérantes doit dès lors être rejeté.

B - Sur le grief tiré de la violation de l'accord sur l'Espace économique européen

Arguments des parties

(406 à 407)

Appréciation du Tribunal

408.
    Il suffit de relever que les dispositions pertinentes de l'accord EEE ainsi que celles des protocoles 23 et 24 et de l'annexe XIV dudit accord n'étaient pas applicables à la procédure administrative ayant abouti à la décision attaquée. En effet, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994, date à laquelle les étapes procédurales requérant la coopération entre la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, à savoir l'audition des entreprises et la consultation du comité consultatif, avaient déjà eu lieu (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 259).

C - Sur le grief tiré de la privation de garanties procédurales en raison d'un choix erroné quant au règlement de procédure applicable

Arguments des parties

(409 à 411)

Appréciation du Tribunal

412.
    Dès lors qu'il a été constaté dans le cadre de l'examen du deuxième moyen que le règlement applicable en l'espèce était le règlement n° 1017/68, le grief tiré de ce que la Commission n'aurait pas consulté le comité consultatif prévu par lerèglement n° 4056/86 doit être rejeté. À titre surabondant, il y a lieu de relever que la Commission a fait valoir, sans être contredite sur ce point par les requérantes, que, en pratique, les gouvernements des États membres envoient les représentants de leurs choix, suivant les questions soulevées dans l'affaire considérée et que, dans le cas d'espèce, les représentants des États membres composant le comité consulté en l'espèce connaissaient parfaitement le secteur des transports maritimes, de sorte qu'il n'y a aucune raison de supposer que le résultat eût été différent si le comité avait été celui visé par les requérantes.

413.
    Par ailleurs, il convient d'observer que, en l'espèce, les requérantes ont, en ce qui concerne les garanties procédurales, retiré un bénéfice de l'application du règlement n° 1017/68. En effet, en premier lieu, la Commission a été contrainte, en vertu de l'article 5 du règlement n° 1017/68, de faire application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, bien que l'accord n'ait pas été notifié. En deuxième lieu, l'application du règlement n° 1017/68 a entraîné l'applicabilité de la procédure prévue en son article 17, alors que les droits y réservés aux États membres d'intervenir ne sont pas prévus par le règlement n° 4056/86. Il s'ensuit que les requérantes n'ont été privées d'aucune des garanties procédurales prévues par le règlement de procédure applicable en l'espèce et que, partant, le grief doit être rejeté.

D - Sur le grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

(414 à 422)

Appréciation du Tribunal

423.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

424.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le défaut de motivation relatif à la définition du marché en cause et à l'effet sensible de l'accord en cause sur la concurrence, il suffit de relever que la Commission a décrit, à suffisance de droit, les caractéristiques essentielles du marché en cause aux considérants 7 à 37 de la décision attaquée et a, de la même manière, défini, notamment aux considérants 10 et 42 de la décision attaquée, le marché en cause. De même, la Commission a exposé à suffisance de droit dans ladite décision, en particulier aux considérants 34 à 37, les éléments fondant son appréciation au sujet de l'effet sensible de l'accorden cause sur la concurrence. Partant, le grief des requérantes tiré d'un défaut de motivation sur ces questions doit être rejeté.

425.
    En second lieu, en ce qui concerne le grief des requérantes tiré de l'absence de motivation, aux considérants 51 et 54 de la décision attaquée, de l'affectation du commerce entre États membres, il ressort de l'examen du premier moyen, que la Commission a, aux considérants 46 à 55 de la décision attaquée, décrit à suffisance de droit la mesure dans laquelle l'accord en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Quant à l'allégation selon laquelle la thèse de la Commission est dépourvue de fondement en ce que l'effet du tarif des services de transport terrestre sur les échanges intracommunautaires de marchandises est purement hypothétique et n'est pas fondé sur une analyse qualitative et quantitative, il suffit de constater que cette allégation vise, en substance, à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission relative à cette question et qu'elle n'est donc pas pertinente dans le cadre de l'examen du respect de l'obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 389). En tout état de cause, le bien-fondé des conclusions, confirmé lors de l'examen du premier moyen, de la Commission sur l'affectation du commerce entre États membres ressort à suffisance de droit des constatations effectuées aux considérants 47 à 50 ainsi qu'aux considérants 52 et 53 de la décision attaquée.

426.
    En troisième lieu, en ce qui concerne le défaut de motivation pris de l'absence de réponse, dans la décision attaquée, aux allégations des requérantes tirées de la pratique d'autres autorités compétentes en matière de concurrence et d'autres législateurs, il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont amenées à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, points 26 et 44). Tout au plus, la Commission a l'obligation, au regard de l'article 190 du traité, de répondre de manière spécifique aux seules allégations essentielles soulevées par les requérantes au cours de la procédure administrative.

427.
    En l'espèce, force est de constater que les requérantes se sont bornées à exposer, de manière générale, dans le cadre de leurs observations sous le point 11 de la communication des griefs relatifs à la description du marché des services en cause, la situation juridique des conférences maritimes, en ce compris leurs services de transports terrestres multimodaux, prévalant dans certains États membres et États tiers, en particulier au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis, et, dans ce dernier cas, en reproduisant, pour l'essentiel, les sections pertinentes du rapport de MM. Gilman et Graham (p. 78 à 85). Il ressort d'un examen de la réponse à la communication des griefs que les requérantes n'ont tiré aucun argument de fait oude droit de ces constatations générales, sous réserve, tout au plus, de certaines références ponctuelles et limitées au droit des États-Unis d'Amérique dans le cadre de leurs observations sur l'analyse de la Commission relative aux conditions d'octroi d'une exemption individuelle. Force est de constater que, dans ces circonstances, la Commission n'était nullement tenue, dans la décision attaquée, de répondre aux constatations exposées par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs au sujet de la pratique de certaines juridictions nationales. À cet égard, il est significatif de relever que les requérantes n'ont pas estimé nécessaire d'invoquer, dans la requête, un moyen d'annulation tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point.

428.
    Dans ce contexte, la référence effectuée par les requérantes, au stade de la réplique, à l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/ Commission (C-360/92 P, Rec. p. I-23), est dénuée de pertinence. Dans le cadre de cet arrêt, les décisions de la juridiction nationale en cause avaient été présentées par la requérante, selon les termes mêmes de l'arrêt, «comme [un] élément de preuve essentiel des effets bénéfiques allégués» (point 40), de sorte que, dans ces circonstances, la Cour a conclu que la Commission aurait dû examiner les arguments que la requérante faisait valoir sur la base des décisions de ladite juridiction (point 41). Par ailleurs, contrairement à l'arrêt Publishers Association/ Commission, précité, dans lequel la juridiction nationale en cause s'était prononcée sur le même accord que celui examiné par la Commission, et en ce qui concerne le même marché géographique, force est de constater que les précédents nationaux invoqués par les requérantes dans la présente affaire ne concernent ni l'accord ni le marché en cause dans la décision attaquée, cette dernière portant exclusivement, aux termes de l'article 1er de son dispositif, sur le seul tarif commun des services de transport terrestre des membres de la FEFC, fournis (dans le cadre du transport multimodal) sur le territoire de la Communauté européenne.

429.
    Par conséquent, aucun défaut de motivation concernant la prise en considération des pratiques d'autorités et de juridictions nationales ne peut être reproché à la Commission.

430.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne le défaut de motivation relatif à la non-application des procédures de consultation et de conciliation du code de conduite, il convient de relever que, aux considérants 56 à 59 de la décision attaquée, la Commission a exposé clairement les raisons pour lesquelles le règlement n° 4056/86 n'est pas applicable à l'accord en cause. Il en résulte que, comme il a été expliqué au stade de l'examen du deuxième moyen et du premier grief sous le quatrième moyen, les procédures instituées par le code de conduite auquel le règlement n° 4056/86 fait référence, sont également inapplicables. Partant, la décision attaquée n'est entachée d'aucun défaut de motivation sur ce point.

431.
    En cinquième lieu, en ce qui concerne l'argument de l'ECSA tiré de ce que la Commission n'aurait pas suffisamment motivé l'absence de caractère indispensable des restrictions de concurrence en cause, il convient de rappeler que, selon lajurisprudence, il ne saurait être fait grief à la Commission de n'avoir pas proposé d'autres solutions ni indiqué ce qu'elle considérerait comme justifiant l'octroi d'une exemption (voir arrêts VBVB et VBBB/Commission, précité, point 52, et SPO e.a./Commission, précité, point 262). En outre, il ressort des considérants 135 et 137 ainsi que de la note de bas de page sous le considérant 139 de la décision attaquée, que la Commission a exposé les moyens moins restrictifs de concurrence qui pouvaient être envisagés par les parties. À cet égard, il convient de rappeler qu'il appartient uniquement à la Commission, au titre de son obligation de motivation, de mentionner les éléments de fait et de droit et les considérations qui l'ont amenée à prendre une décision rejetant la demande d'exemption, sans que les requérantes puissent exiger qu'elle discute tous les points de fait et de droit qu'elles ont soulevés au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt Remia e.a./Commission, précité, points 26 et 44). Or, en l'espèce, il ressort des considérants 135 et 137 de la décision attaquée que la Commission a motivé, à suffisance de droit, la conclusion selon laquelle la fixation en commun du tarif des services de transport terrestre n'était pas indispensable pour assurer la stabilité du tarif des services de transport maritime. Enfin, en tout état de cause, pour autant que le grief des requérantes viserait à contester le bien-fondé des conclusions de la Commission à cet égard, il serait dénué de pertinence dans le présent contexte portant sur l'examen d'une prétendue violation par la Commission de l'obligation de motivation.

432.
    Enfin, en sixième lieu, en ce qui concerne l'argument de la JSA tiré de ce que l'absence de référence à l'accord EEE équivaut à un défaut de motivation, il suffit de rappeler qu'il a été conclu, au stade de l'examen du second grief sous le quatrième moyen, que la Commission n'était nullement tenue de consulter, en l'espèce, les institutions prévues par l'accord EEE préalablement à l'adoption de la décision attaquée. En conséquence, la décision attaquée n'est entachée d'aucun défaut de motivation sur ce point.

433.
    Il résulte de ce qui précède que l'ensemble du grief des requérantes pris d'un défaut de motivation doit être déclaré non fondé.

E - Sur le grief tiré de la violation des droits de la défense au regard des contenus de la décision attaquée et de la communication des griefs

Arguments des parties

(434 à 441)

Appréciation du Tribunal

442.
    Dans le cadre de l'examen du grief tiré de la violation des droits de la défense, il convient d'emblée de rappeler que la communication des griefs doit, selon une jurisprudence constante, contenir un exposé des griefs libellés dans des termessuffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la communication des griefs peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d'entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission adopte une décision définitive (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, point 63; du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T-348/94, Rec. p. II-1875, point 83, et du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T-308/94, Rec. p. II-925, point 42). Il est, par ailleurs, de jurisprudence constante que cette exigence est respectée dès lors que la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs, et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (voir, notamment, arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 26 et 94). La décision finale de la Commission ne doit toutefois pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs (voir arrêt Compagnie maritime belge de transports e.a./Commission, précité, point 113; arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 14; arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 91). C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'apprécier le présent grief tiré de la violation des droits de la défense des requérantes.

443.
    S'agissant, d'abord, de l'argument selon lequel la Commission n'a pas fourni les éléments de preuve sur lesquels était basé le point 72 de la communication des griefs, qui soulignait, au stade de l'examen de la première condition d'exemption relative au progrès technique ou économique, que l'instabilité résultant de tarifs individuels du transport terrestre ne semblait pas plus élevée que celle due aux ristournes secrètes pratiquées au sein de la FEFC, il convient d'observer que ce paragraphe de la communication des griefs n'est pas repris dans la décision attaquée, que ce soit au stade de l'examen de cette même condition d'exemption ou dans une autre partie de ladite décision. Dans ces circonstances, l'absence de communication, par la Commission, des éléments de preuve qui fondaient le point 72 de la communication des griefs ne saurait être considérée comme constitutive d'une violation des droits de la défense des requérantes. À cet égard, il ressort, tout au plus, des considérants 132 à 134 de la décision attaquée que la Commission se réfère, aux fins de l'examen de la troisième condition d'exemption relative au caractère indispensable de la restriction de concurrence en cause, à l'instabilité inévitable, au sein des conférences maritimes, résultant du fait que les membres sont susceptibles, comme dans toutes les ententes, de «tricher» ou d'accorder en secret des rabais. Il est toutefois constant que cet élément figurait déjà au point 71 de la communication des griefs, de sorte que les droits de la défense des requérantes n'ont nullement été violés.

444.
    Pour le surplus, les requérantes soutiennent, en substance, que leurs droits de la défense auraient été violés au motif que la décision attaquée contiendrait desallégations nouvelles, qui n'apparaissaient pas dans la communication des griefs, en ce qui concerne le caractère sensible de la restriction de concurrence, l'affectation du commerce entre les États membres et les conditions d'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 5 du règlement n° 1017/68, en particulier la deuxième condition relative à la prise en compte, dans une mesure équitable, des intérêts des usagers et la troisième condition relative au caractère indispensable de la restriction de concurrence en cause.

445.
    Cette argumentation doit être rejetée.

446.
    En ce qui concerne, en premier lieu, les allégations des requérantes relatives à l'effet sensible sur la concurrence et à l'affectation du commerce entre États membres, force est de constater qu'il ressort de l'examen de la communication des griefs que la Commission y énonce de manière claire, conformément aux exigences de la jurisprudence précitée, les éléments essentiels retenus par elle.

447.
    S'agissant, d'abord, du caractère sensible de la restriction de concurrence contenue dans l'accord en cause, il suffit de constater que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission expose aux points 18 à 20 et 23 de la communication des griefs, les éléments retenus par elle à ce stade de la procédure administrative, pour souligner l'importance économique des services de transport terrestre organisés dans le cadre du transport multimodal. Par ailleurs, s'il est vrai que, sur la question spécifique de l'importance économique de l'activité de transport terrestre par rapport à celle du transport maritime proprement dit, la décision attaquée ne reproduit pas exactement la communication des griefs, il suffit de constater que c'est précisément en vue de tenir compte des critiques formulées par les requérantes dans leur réponse du 31 mars 1993 à la communication des griefs (p. 114 à 119), que la Commission a été amenée, le 20 juillet 1993, à adresser des demandes d'informations à ce sujet aux principaux membres de la FEFC et à modifier, sur la base des données fournies, l'analyse contestée dans la décision attaquée. Dans ces circonstances, il ne saurait être contesté que les requérantes ont été en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet de l'analyse de l'effet sensible de la restriction de concurrence en cause effectuée par la Commission au stade de la procédure administrative. À cet égard, la prise en compte d'un argument avancé par les requérantes au cours de la procédure administrative, sans qu'elles aient été mise en mesure de s'exprimer à ce sujet avant la décision finale, ne saurait constituer, en tant que telle, une violation de leurs droits de la défense, lorsque la prise en compte de cet argument ne modifie pas la nature des griefs qui leur ont été adressés (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, Rec. p. II-2969, points 34 et 36, et CB et Europay/Commission, précité, points 49 à 52). Les requérantes ont en effet eu la possibilité de faire connaître leur point de vue sur l'analyse du caractère sensible de la restriction de concurrence en cause contenue dans la communication des griefs et elles pouvaient donc s'attendre à ce que leurs propres explications conduisent la Commission à modifier son opinion (arrêt Irish Sugar/Commission,précité, point 34; arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 437 et 438). En tout état de cause, force est de constater que les données économiques figurant au considérant 33 de la décision attaquée suffisent à elles seules à établir le caractère sensible de la restriction de concurrence en cause. Or, ces données figuraient déjà intégralement au point 23 de la communication des griefs. Le grief des requérantes tiré de ce qu'elles n'ont pas été en mesure de commenter l'exactitude des données fournies par ses membres et utilisées dans la décision attaquée, doit dès lors être rejeté.

448.
    S'agissant, ensuite, de l'affectation du commerce entre États membres, il convient, à titre liminaire, de relever que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission décrit explicitement, aux points 40 à 42 de la communication des griefs, l'effet de l'accord en cause sur la concurrence entre les ports des États membres et l'influence, dans ce cadre, du système dit de «péréquation portuaire». Ces points de la communication des griefs sont développés et repris dans la décision attaquée aux considérants 50 et 51. Le grief des requérantes sur ce point doit dès lors être rejeté. En ce qui concerne, en revanche, l'effet sur la concurrence entre armateurs opérant dans plusieurs États membres, sur les échanges de biens et des services entre États membres et sur les services annexes, force est de constater que les requérantes observent à juste titre que ces éléments, qui figurent aux considérants 49 et 52 à 55 de la décision attaquée, n'apparaissent pas dans la communication des griefs. Toutefois, contrairement aux allégations des requérantes, cette seule circonstance n'est nullement de nature à entraîner une violation de leurs droits de la défense. En effet, la Commission est parfaitement en droit, à la lumière des éléments résultant de la procédure administrative, d'aménager et de compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 92). Tel est précisément l'objet des considérants 49 et 52 à 55 de la décision attaquée. En tout état de cause, il y a lieu de considérer que les points 40 à 42 de la communication des griefs contiennent un exposé clair des éléments essentiels retenus par la Commission à ce stade de la procédure administrative en ce qui concerne l'effet de l'accord en cause sur le commerce intracommunautaire. Il ressort, par ailleurs, de la réponse des requérantes à la communication des griefs (p. 142 à 151) que celles-ci ont été en mesure de faire valoir leur point de vue au sujet de l'analyse de la Commission sur ce point. Dans ces circonstances, c'est à tort que les requérantes soutiennent que leurs droits de la défense ont été violés par la Commission en ce qui concerne l'analyse de la condition de l'affectation du commerce intracommunautaire.

449.
    En ce qui concerne, en second lieu, les allégations des requérantes portant sur l'analyse, dans la communication des griefs, de la seconde et de la troisième condition d'octroi d'une exemption individuelle, il convient, à titre liminaire, de rappeler que l'obligation de la Commission de communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre une entreprise et de ne retenir dans sa décision que ces seuls griefs concerne essentiellement l'indication des motifs qui l'amènent à appliquer l'article 85, paragraphe 1, du traité, soit qu'elle ordonne la cessation d'une infraction ouinflige une amende aux entreprises, soit qu'elle leur refuse une attestation négative ou le bénéfice du paragraphe 3 de cette même disposition (arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 13). En l'espèce, il ressort de l'examen de la communication des griefs, que la Commission y expose de manière claire les griefs retenus par elle à l'encontre des requérantes à ce stade de la procédure administrative (voir, en particulier, les points 27 à 32 et 36 et 42).

450.
    En ce qui concerne la condition d'octroi de l'exemption individuelle relative à la prise en considération des intérêts des usagers, force est de constater que la Commission a clairement indiqué, dans sa communication des griefs, les raisons pour lesquelles elle estimait, à ce stade de la procédure, que l'accord en cause ne remplissait pas cette condition. En particulier, la Commission fait mention dans la communication des griefs des plaintes des organismes représentant les intérêts des usagers des services de transport terrestre fournis par les membres de la FEFC (points 74 et 75) et la nécessité de préserver la concurrence entre les différents fournisseurs de services de transport terrestre aux chargeurs (points 76 et 78). Dans la décision attaquée, ces éléments de motivation sont développés, respectivement, aux considérants 117 et 118. Il est donc erroné de soutenir, comme le font les requérantes, que la communication des griefs ne mentionnerait pas les plaintes des organismes représentant les intérêts des usagers au soutien du refus d'octroi d'une exemption individuelle. Il convient, par ailleurs, de relever que les requérantes ont eu la possibilité, au cours de la procédure administrative, de répondre spécifiquement, dans leur réponse complémentaire du 12 mai 1993 à la communication des griefs, aux plaintes du Conseil allemand des chargeurs et du Conseil français des chargeurs. Enfin, en tout état de cause, contrairement aux allégations des requérantes, la référence, au considérant 117 de la décision attaquée, aux plaintes des chargeurs et des commissionnaires de transport n'a nullement mis à la charge des requérantes de nouveaux griefs par rapport à ceux figurant dans la communication des griefs. L'objet du considérant 117 de la décision attaquée est en effet uniquement de motiver les conclusions de la Commission concernant la deuxième condition d'octroi d'une exemption relative à la prise en compte, dans une mesure équitable, des intérêts des usagers. C'est d'ailleurs à bon droit que la Commission a pu déduire de l'existence d'un nombre élevé de plaintes des usagers, parmi d'autres éléments, que l'accord en cause ne prenait pas en compte, dans une mesure équitable, les intérêts desdits usagers.

451.
    Quant à la circonstance que la Commission relève, au considérant 115 de la décision attaquée, que l'accord sert uniquement à assurer le maintien des prix à un niveau plus élevé qu'il ne le serait autrement, il convient de constater, comme le souligne à juste titre la Commission dans son mémoire en défense, que ce sont les requérantes elles-mêmes qui prétendent que leur accord est nécessaire pour éviter une concurrence qui ferait baisser les prix et aurait ainsi un effet déstabilisateur sur les conférences maritimes. Les requérantes ne peuvent dès lors sérieusement soutenir que le considérant 115 de la décision attaquée contient une allégationnouvelle de la Commission au sujet de laquelle elles n'ont pu faire valoir utilement leur point de vue.

452.
    S'agissant, ensuite, du considérant 116 de la décision attaquée dans lequel la Commission précise que l'accord en cause empêche les compagnies maritimes membres de la FEFC de répercuter les réductions de coûts résultant d'une organisation de leur flotte de conteneurs plus efficace, c'est à juste titre que la Commission fait observer qu'il s'agit d'une version remaniée, tenant compte des observations des requérantes, du point 59 de la communication des griefs, dans lequel il est indiqué que les membres de la FEFC ne sont pas incités à améliorer les services de transport terrestre fournis aux chargeurs. Dans leur réponse à la communication des griefs (p. 176, point 2), les requérantes ont en effet elles-mêmes souligné que les transporteurs les plus efficaces sont, en raison de l'accord en cause, en mesure d'augmenter leur rentabilité. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission est parfaitement en droit, à la lumière des éléments résultant de la procédure administrative, d'aménager et de compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs (arrêt Irish Sugar/Commission, précité, point 34; arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 92; arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 437 et 438). Enfin, en toute hypothèse, force est de constater que le considérant 116 de la décision attaquée n'a pas, dans le raisonnement de la Commission, une valeur déterminante, la Commission se fondant sur d'autres motifs pour conclure à l'absence de prise en compte, dans une mesure équitable, des intérêts des usagers (voir, en ce sens, arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 86). Dans ce contexte, il convient d'ailleurs de rappeler que la Commission, compte tenu du caractère cumulatif des conditions requises, peut, à tout moment et jusqu'au stade de l'adoption finale de la décision, constater que l'une des conditions, peu importe laquelle, fait défaut (arrêts SPO e.a./Commission, précité, point 267, et CB et Europay/Commission, précité, point 110). À la lumière de ces considérations, il apparaît dès lors que la Commission n'a pas violé les droits de la défense des requérantes en ce qui concerne la deuxième condition d'octroi d'une exemption individuelle.

453.
    En ce qui concerne le caractère indispensable de la restriction de concurrence en cause, les requérantes soutiennent, en substance, que le considérant 137 de la décision attaquée contient un argument nouveau en ce que la Commission y expose qu'il n'a pas été prouvé que des mesures moins restrictives de la concurrence ne seraient pas suffisantes pour assurer la stabilité générale des conférences maritimes, telles que, en particulier, les mesures énumérées à l'article 3 du règlement n° 4056/86, et notamment la répartition, entre les membres d'une conférence, du tonnage transporté ou de la recette. Cette argumentation doit être rejetée. Au point 86 de la communication des griefs, la Commission indique en effet explicitement que les membres de la FEFC pourraient, afin de restreindre la concurrence interne sur les tarifs maritimes, adopter les mesures autorisées par l'article 3, sous e), du règlement n° 4056/86 en faveur des conférences maritimes. En vertu de cette disposition, les accords entre membres de conférences maritimes destinés à répartir le tonnage transporté ou la recette sont exemptés del'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité. C'est dès lors à tort que les requérantes soutiennent que le considérant 137 de la décision attaquée contient un argument totalement nouveau par rapport à la communication des griefs. Il convient, en outre, de souligner que, contrairement aux allégations des requérantes, il n'appartenait pas à la Commission de préciser davantage, dans la communication des griefs, le contenu des mesures moins restrictives que pouvaient envisager les membres de la FEFC, dès lors que ladite communication fait explicitement référence à une disposition d'un règlement d'exemption, à savoir l'article 3, sous e), du règlement n° 4056/86, qui précise lui-même le contenu de ces mesures. Quant à l'allégation des requérantes selon laquelle la communication des griefs ne contient aucune référence à la possibilité de recourir à une règle interdisant de facturer en dessous du prix coûtant, force est de constater que, outre son caractère tardif, comme ayant été soulevée pour la première fois au stade de la réplique, ladite allégation est également dénuée de fondement dès lors que la possibilité de recourir à la règle en cause en tant que mesure moins restrictive de concurrence a été discutée, sous la direction de la Commission, dans le cadre du groupe d'experts Carsberg, composé de représentants des chargeurs et des compagnies maritimes, y compris certaines des requérantes. Pour ces motifs, le grief des requérantes tiré de la violation de leurs droits de la défense doit, en ce qu'il porte sur la troisième condition d'octroi d'une exemption individuelle, également être considéré comme non fondé.

454.
    Par conséquent, et pour l'ensemble des raisons exposées ci-dessus, il convient de considérer comme non fondé, en son entier, le grief tiré d'une violation des droits de la défense.

F - Sur le grief tiré d'irrégularités affectant l'audition

Arguments des parties

(455 à 462)

Appréciation du Tribunal

463.
    S'agissant, en premier lieu, de l'allégation des requérantes concernant le délai qui leur a été imparti par la Commission pour préparer l'audition dans la présente affaire, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1630/69, en vigueur au moment des faits, la Commission donne aux personnes qui l'ont demandé dans leurs observations écrites, l'occasion de développer verbalement leur point de vue si celles-ci ont justifié d'un intérêt suffisant à cet effet ou si la Commission se propose de leur infliger une amende ou une astreinte. En vertu de l'article 8, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission convoque les personnes à entendre pour la date qu'elle fixe.

464.
    En l'espèce, il est constant que les requérantes ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue oralement au sujet des griefs retenus contre elles dans la communication des griefs du 18 décembre 1992 au cours des auditions qui se sont tenues les 6, 7, 12 et 13 juillet 1993, soit un peu plus de six mois plus tard. Les requérantes ont été formellement convoquées à ces auditions par lettre de la Commission du 16 juin 1993, soit trois semaines avant la date de la première audition. Force est de constater qu'un tel délai, dont l'expiration intervient environ trois mois après le dépôt, le 31 mars 1993, de la première réponse à la communication des griefs et environ un mois après la réponse complémentaire à la communication des griefs, le 12 mai 1993, n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense des requérantes. Il convient en effet de rappeler que, conformément à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1630/69, en vigueur au moment des faits, l'audition a essentiellement pour objet de permettre aux parties faisant l'objet d'une procédure d'infraction en vertu du règlement n° 1017/68, de développer verbalement les arguments qu'elles ont présentés par écrit dans leur réponse à la communication des griefs. Par ailleurs, s'il est exact que les questions soulevées dans la présente affaire sont d'une complexité certaine, il n'en demeure pas moins que les requérantes ont largement eu le temps de les examiner de manière approfondie, la Commission ayant ouvert la procédure administrative dès le mois de juin 1989, à la suite de la plainte déposée par les chargeurs allemands, et l'instruction s'étant déroulée de manière continue sur une période de près de six ans, pendant laquelle les requérantes ont eu l'occasion de présenter, à de nombreuses reprises, tous les éléments qui pouvaient être pris en considération.

465.
    En outre, aux fins d'apprécier le caractère suffisant du délai imparti aux requérantes pour préparer l'audition, il convient encore de relever que la Commission soutient, sans être contredite par les requérantes, que le conseil des requérantes a été informé par la Commission, dès le 26 mars 1993, que des dispositions allaient être prises pour fixer la date de l'audition et par le conseiller-auditeur, dès le 7 avril 1993, que l'audition était provisoirement prévue pour le 21 juin 1993, ce qui a permis au conseil des requérantes d'adresser à la Commission, le 15 avril 1993, une liste des participants probables à l'audition. Il en résulte que les requérantes ont été informées de la tenue d'une audition dans la présente affaire dès le mois d'avril 1993, soit plus de deux mois avant la date initialement prévue pour la tenue de cette audition. Par ailleurs, cette dernière ayant finalement eu lieu, non le 21 juin 1993 comme prévu initialement, mais à partir du 6 juillet 1993, les requérantes ont encore bénéficié d'un délai supplémentaire de deux semaines pour la préparation de l'audition. Les requérantes ont été informées par la Commission de la nouvelle date de l'audition dès le 2 juin 1993. Dans ces circonstances, il apparaît que les requérantes ont eu le temps nécessaire pour préparer utilement leur défense orale dans le cadre de l'audition organisée par la Commission. Elles ne sauraient dès lors en aucun cas se prévaloir d'une quelconque violation de leurs droits de la défense à cet égard.

466.
    S'agissant, en deuxième lieu, de la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle certaines personnes n'ont pas pu assister aux auditions, notamment leconseil de Hapag-Lloyd et le professeur Yarrow, en qualité d'expert économique, il y a lieu d'observer que si la Commission ne peut certes interdire à une entreprise de se faire assister par un avocat ou un autre conseil externe de son choix, il ne saurait, cependant, lui être reproché, dans le cadre d'une procédure d'infraction impliquant quatorze entreprises différentes, de ne pas avoir tenu compte, pour l'organisation de l'audition, des exigences pratiques de chacune desdites entreprises. Il appartient en effet d'abord à ces dernières de prendre les mesures appropriées pour assurer au mieux la défense de leurs intérêts. Dès lors, la seule circonstance que le conseil de la société Hapag-Llyod ou le professeur Yarrow n'ont pas pu assister à l'une ou l'autre des auditions organisées par la Commission dans la présente affaire ne saurait être considérée comme constitutive d'une violation des droits de la défense des requérantes concernées, voire de toutes les requérantes. En tout état de cause, il est constant que la société Hapag-Lloyd a été représentée par six personnes lors des auditions en cause, tandis que le professeur Yarrow a assisté à trois des quatre journées d'auditions organisées par la Commission. Par ailleurs, les requérantes n'ont pas apporté d'éléments qui permettraient de penser que la Commission, en n'entendant pas les personnes concernées, aurait dans ces circonstances indûment restreint l'instruction de l'affaire et de cette manière limité la possibilité, pour les requérantes, de faire expliquer les divers aspects des problèmes soulevés par les griefs de la Commission (voir, en ce sens, arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 18).

467.
    Dans ces circonstances, le grief des requérantes tiré d'une violation des droits de la défense au cours de l'audition doit être rejeté comme non fondé.

468.
    S'agissant, en troisième lieu, du grief tiré du fait que la Commission a autorisé des tiers à assister à l'audition alors même que ces derniers n'avaient pas la qualité de plaignants, il convient de souligner que l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1630/69, en vigueur au moment des faits, confèrait à la Commission le pouvoir de donner à toute personne l'occasion d'exprimer oralement son point vue, même si cette dernière n'a pas déposé, sur la base de l'article 10 du règlement n° 1017/68, de plainte en vue de l'engagement de la procédure d'infraction ou d'observations écrites en vertu de l'article 5 du règlement n° 1630/69 au sujet des griefs retenus contre les entreprises faisant l'objet de la procédure d'infraction. En outre, conformément à l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1630/69, la Commission peut entendre les personnes en question séparément ou en présence d'autres personnes convoquées. Il résulte à l'évidence de ces dispositions que la Commission dispose d'une marge d'appréciation raisonnable pour décider de l'intérêt que peut présenter une audition de personnes dont le témoignage peut avoir une importance pour l'instruction du dossier, de sorte que la Commission était en droit, en l'espèce, d'entendre à l'audience des tiers qui n'avaient pas préalablement déposé de plainte ou d'observations écrites au cours de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 18).

469.
    Par ailleurs, contrairement aux allégations des requérantes, la participation des tiers à une audition en vertu de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1630/69, n'est nullement subordonnée au dépôt d'observations écrites en vue de l'audience au sujet desquelles les requérantes auraient encore le droit de présenter de nouvelles observations écrites. Conformément à la jurisprudence (voir, notamment, arrêt Mo och Domsjö/Commission, précité, point 63), les droits de la défense des requérantes sont en effet respectés dès lors qu'elles ont pu faire valoir leur point de vue au sujet des comportements qui leur sont reprochés dans la communication des griefs. Il ressort par ailleurs de la jurisprudence que cette exigence est respectée dès lors que la décision finale ne met pas à charge des entreprises concernées de nouveaux griefs par rapport à ceux exposés dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (voir, notamment, arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 94). Or, en l'espèce, les requérantes n'ont pas allégué que la décision attaquée reposerait sur des données fournies par des tiers sur lesquelles elles n'auraient pas eu la possibilité de faire valoir leur point de vue. Enfin, à cet égard, il convient encore de préciser que la référence à l'article 9 du règlement n° 4260/88 relatif aux communications, aux plaintes, aux demandes et aux auditions visées au règlement n° 4056/86, outre le fait que cet article n'a pas la portée que lui attribue les requérantes, est dépourvue de toute pertinence, étant donné que, ainsi qu'il résulte de l'examen du deuxième moyen, le règlement n° 4056/86 n'est pas applicable en l'espèce. Le grief des requérantes sur ce point est donc non fondé.

470.
    De même, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission de ne pas leur avoir communiqué certaines observations formulées par l'un des plaignants au sujet d'informations envoyées par les requérantes à la Commission. Il n'est en effet pas démontré que la décision attaquée repose sur de telles observations au sujet desquelles les requérantes n'auraient pas eu la possibilité de faire valoir leur point de vue. En tout état de cause, même dans l'hypothèse où il y aurait eu une violation des droits de la défense, il faudrait en outre, pour que le moyen puisse être retenu, que, en l'absence de cette prétendue irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 48). Or, force est de constater que les requérantes n'ont nullement établi cette circonstance. Par ailleurs, en ce qui concerne l'absence de communication aux requérantes des observations des chargeurs au sujet de la réponse des requérantes aux allégations de la Commission en matière de rabais, il suffit de rappeler, ainsi qu'il a déjà été souligné dans le cadre de l'examen des griefs des requérantes sous le présent moyen concernant le contenu de la décision attaquée par rapport à celui de la communication des griefs, que ladite décision de la Commission ne retient pas ces allégations, de sorte que l'absence de communication des observations des chargeurs à ce sujet ne saurait affecter les droits de la défense des requérantes.

471.
    Il résulte de ce qui précède que le grief des requérantes tiré de la violation des droits de la défense en ce qui concerne l'audition doit être rejeté dans son intégralité.

VI - Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des règles relatives aux amendes

A - Arguments des parties

472.
    Les requérantes rappellent que, à l'exception de l'entreprise Wilh. Wilhelmsen Ltd, elles se sont toutes vues infliger par la décision attaquée (considérants 143 et suivants) des amendes au titre de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68.

473.
    Elles soutiennent, principalement, que la Commission, qui aurait dû examiner le service de transport multimodal fourni par les compagnies maritimes membres de la FEFC au regard du règlement n° 4056/86, n'a aucun droit d'infliger une amende au titre d'un règlement appliqué à tort.

474.
    Subsidiairement, dans l'hypothèse où le règlement n° 1017/68 serait considéré par le Tribunal comme applicable en l'espèce, elles estiment que c'est à tort que des amendes ont été infligées en application de l'article 22, paragraphe 2, de ce règlement. Elles relèvent que cette disposition soumet la possibilité d'infliger une amende à la condition que l'infraction ait été commise «de propos délibéré ou par négligence», ce qu'elles contestent. D'abord, la FEFC se serait montrée, tout au long de la procédure, ouverte et franche à l'égard de la Commission et aurait coopéré à son enquête. Ensuite, les requérantes n'auraient pas cru qu'il leur incombait de procéder à une notification de l'accord en cause au titre du règlement n° 4056/86, puisque, à leur avis, les mesures prises par elles relevaient de l'exemption par catégorie prévue pour les conférences par l'article 3 de ce règlement. Finalement, même si le règlement n° 1017/68 devait être considéré comme étant applicable en l'espèce, les amendes infligées seraient injustifiées, puisque la Commission, alors même qu'elle était au courant de l'existence des services de transport multimodal depuis 1968, n'a pas enquêté sur la partie terrestre de ces services pendant plus de deux décennies.

475.
    Elles estiment que la Commission aurait, à tout le moins, dû suivre une approche plus souple s'agissant d'une première décision dans un secteur donné et font référence, à cet égard, à la décision 87/1/CEE de la Commission, du 2 décembre 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.128 - Fatty Acids) (JO 1987, L 3, p. 17) et à la décision 92/212/CEE de laCommission, du 25 mars 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/30.717 -A - Eurochèque: accord d'Helsinki) (JO L 95, p. 50).

476.
    En conclusion, les requérantes demandent au Tribunal d'annuler la décision de la Commission d'infliger des amendes, alors même que ces amendes sont symboliques, ou de réduire lesdites amendes.

477.
    La Commission observe que «l'intention» prévue à l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 (analogue à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17) désigne simplement une intention de restreindre la concurrence et non une intention de violer la loi (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279/87, Rec. p. I-261). L'objectif exprès de l'accord en cause sur la fixation des prix des services de transport terrestre serait bien de restreindre la concurrence. La Commission aurait tenu compte de circonstances atténuantes, comme le fait qu'il s'agit de la première décision appliquant le règlement n° 1017/68 à une conférence maritime, et elle aurait donc décidé d'infliger une amende d'un montant symbolique (considérant 158 de la décision attaquée). Il n'y aurait donc pas lieu d'annuler les articles de la décision attaquée concernant les amendes infligées aux requérantes.

B - Appréciation du Tribunal

478.
    S'agissant du premier grief des requérantes selon lequel la Commission n'avait pas le droit d'infliger des amendes au titre de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 au motif que le service de transport multimodal fourni par les membres de la FEFC relève du règlement n° 4056/86, il suffit de rappeler qu'il ressort du deuxième moyen que l'accord en cause entre dans le champ d'application du règlement n° 1017/68 et non du règlement n° 4056/86.

479.
    L'argument selon lequel les dispositions de la décision attaquée relative aux amendes devraient être annulées au motif que l'infraction n'a pas été commise de propos délibéré ou par négligence doit également être rejeté. Il ressort en effet de la jurisprudence que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction édictée par ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117). Or, il ne saurait être contesté que, à l'évidence, l'objectif de l'accord en cause, un accord horizontal de fixation des prix du transport terrestre, est de restreindre la concurrence.

480.
    Selon les considérants 158 et 159 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, compte tenu de l'existence de circonstances atténuantes, le niveau des amendes devait être fixé à un niveau symbolique pour souligner l'existence de l'infraction et la nécessité, pour les entreprises en question et les autres entreprisespouvant être impliquées dans des pratiques équivalentes, de respecter à l'avenir les règles de concurrence.

481.
    Il convient, en premier lieu, de relever que le tarif de la FEFC étant public et, donc, parfaitement connu par les premiers intéressés, à savoir les chargeurs, l'accord en cause, même s'il constitue un accord horizontal de prix, ne saurait, en aucune manière, être assimilé à un quelconque cartel secret. L'accord en cause était également parfaitement connu des services de la Commission et des diverses autorités des États membres qui en ont, notamment, fait état dans le cadre de la procédure d'adoption du règlement n° 4056/86 ainsi que dans le cadre de la réforme du Shipping Act en 1984.

482.
    Il y a lieu de souligner, en deuxième lieu, ainsi qu'il ressort du considérant 41 de la décision attaquée, que la FEFC a étendu ses compétences en matière de fixation des prix dans le secteur du transport maritime à celui des services de transport terrestre au début de l'utilisation des conteneurs, c'est-à-dire autour de 1971. La fixation par les membres des conférences des prix des services de transport terrestre, telle que celle prévue par l'accord en cause, existe donc depuis l'introduction des services de transport multimodal. Ce type de transport, dont les avantages sont au demeurant unanimement reconnus, a, en outre, été principalement créé et développé par les conférences maritimes.

483.
    En troisième lieu, ainsi qu'elle l'admet au considérant 158 de la décision attaquée, il a fallu un certain temps à la Commission pour définir ses orientations en la matière et celles-ci n'étaient pas largement connues jusqu'à ce qu'elle présente au Conseil le rapport sur l'application des règles communautaires de concurrence au transport maritime en juin 1994, mentionné au considérant 156 de la décision attaquée. Il s'ensuit, notamment, que les griefs formulés aux considérants 153 et 149 de la décision attaquée, selon lesquels «l'infraction dure de manière générale depuis 1971 et incontestablement depuis que le DVSK a déposé une plainte auprès de la Commission en avril 1989», et le fait que, «en dépit des avertissements répétés de la Commission (dont une lettre adressée au président de la FEFC en juin 1990, par le membre de la Commission alors responsable de la politique de concurrence) signalant que les pratiques en cause tombaient sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, et ne bénéficiaient d'aucune exemption conformément à l'article 85, paragraphe 3, les parties n'ont jamais cessé de les mettre en oeuvre», ne sauraient être retenus.

484.
    En quatrième lieu, il ne saurait être contesté que, même s'il s'agit d'une forme très grave et très classique d'infraction aux règles de concurrence, à savoir un accord horizontal de fixation de prix, le traitement juridique qu'il convenait de réserver à ce type d'accord, en particulier en raison de ses liens étroits avec le transport maritime qui fait l'objet d'une réglementation tout à fait spécifique et exceptionnelle en droit de la concurrence, ne présentait pas un caractère d'évidenceet soulevait, notamment, des questions complexes tant de nature économique que juridique.

485.
    En cinquième lieu, de nombreux éléments ont pu inciter les requérantes à croire en la légalité de l'accord en cause. Outre l'ancienneté et le caractère public de l'accord en cause, il convient de souligner, en particulier, que, dans une déclaration jointe en annexe au procès-verbal de la réunion du Conseil lors de l'adoption du règlement n° 4056/86, la Commission a, elle-même, indiqué ce qui suit: «les opérations multimodales maritimes/terrestres sont soumises aux règles de concurrence relatives au transport terrestre et à celles relatives au transport maritime. En pratique, la même application de l'article 85, paragraphe 1, CEE, serait la règle quant à l'organisation et l'exécution de transports multimodaux successifs ou complémentaires ainsi qu'à la fixation ou à l'application de prix globaux, étant donné que conformément à l'article 2 du règlement n° 4056/86 et à l'article 3 du règlement n° 1017/68, la prohibition de l'article 85, paragraphe 1, CEE, ne s'applique pas à de telles pratiques». Sans qu'il soit besoin, dans le cadre du présent moyen, de se prononcer sur la signification et la portée exacte de cette déclaration, il suffit de relever qu'elle a, à tout le moins, pu faire naître des doutes chez les requérantes et leur faire croire que leur accord n'était pas condamnable.

486.
    Il convient encore de souligner que, en 1983, six États membres, dans le cadre de la réforme du Shipping Act, ont adressé un mémorandum aux États-Unis en 1983 pour soutenir la proposition autorisant les conférences maritimes à fixer les prix du transport multimodal incluant le transport terrestre, en indiquant qu'ils ne réglementaient pas la liberté des conférences maritimes d'arrêter en commun les prix du transport multimodal pour des destinations européennes et que cette pratique n'a suscité aucun problème ni abus, mais, au contraire, a favorisé le développement de l'utilisation des conteneurs et du transport multimodal dans le cadre du commerce extérieur européen au bénéfice des exportateurs.

487.
    En sixième lieu, il convient d'observer que, dans sa décision 94/980, la Commission n'a pas infligé d'amende aux compagnies parties à cet accord, alors que, non seulement, l'accord en cause prévoyait également la fixation des prix du segment terrestre du transport multimodal, mais contenait, en outre, d'autres infractions graves aux règles de concurrence. Certes, la circonstance que la Commission n'a pas infligé d'amende à l'auteur d'une violation des règles de concurrence ne saurait, à elle seule, empêcher que soit infligé une amende à l'auteur d'une infraction de même nature. En effet, nul ne saurait invoquer le principe d'égalité de traitement dans l'illégalité. Toutefois, il n'en reste pas moins que la décision susvisée, rendue très peu de temps avant la décision attaquée, montre que la Commission elle-même estimait que l'entente concernée n'imposait pas nécessairement, en raison de l'ensemble des circonstances, d'infliger des amendes aux entreprises parties à cette entente. Il convient en outre d'ajouter que, jusqu'à la décision attaquée, la Commission n'avait pas infligé d'amende à aucune compagnie maritime ou conférence maritime pour la fixation du prix du segment terrestre du transport multimodal, alors que, selon les informations fournies par les requérantes et noncontestées par la Commission, la quasi-totalité des conférences concluent des accords portant fixation d'un tel prix.

488.
    Au vu de l'ensemble de ces circonstances, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, considère qu'il est justifié de ne pas imposer d'amende en l'espèce. En conséquence, l'article 5 de la décision attaquée en tant qu'il inflige une amende de 10 000 écus à chacune des requérantes doit être annulé.

Sur les dépens

489.
    En application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que très partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que quatre cinquième des dépens exposés par la Commission et que cette dernière supportera un cinquième de ses propres dépens.

490.
    En ce qui concerne les parties intervenantes ECSA et JSA, il sera fait une juste application de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, en les condamnant à supporter leurs propres dépens, ainsi que ceux de la Commission relatifs à leurs interventions. En ce qui concerne la partie intervenante ECTU, il sera fait une juste application de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, en la condamnant à supporter un cinquième de ses propres dépens, les requérantes supportant quatre cinquième de ces dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    L'article 5 de la décision 94/985/CE de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/33.218 - Far Eastern Freight Conference), est annulé en tant qu'il impose une amende aux requérantes.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    Les requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que quatre cinquième de ceux exposés par la Commission et quatre cinquième de ceux exposés par l'ECTU, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

4)    La Commission supportera un cinquième de ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

5)    L'ECSA et la JSA supporteront leurs propres dépens ainsi que les dépens de la Commission relatifs à leurs interventions.

6)    L'ECTU supportera un cinquième de ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Lenaerts
Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger

Table des matières

     Cadre juridique

II - 3

     Faits à l'origine du litige

II - 6

     Procédure

II - 10

     Conclusions des parties

II - 11

     En droit

II - 11

         I - Observations préliminaires

II - 11

         II - Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

II - 12

             A - Arguments des parties

II - 12

                 Marché pertinent

II - 12

                 Restriction sensible de la concurrence

II - 12

                 Effet sur les échanges entre les États membres

II - 12

             B - Appréciation du Tribunal

II - 12

                 Sur la définition du marché en cause

II - 13

                 Sur le caractère sensible de l'atteinte à la concurrence

II - 19

                 Sur l'affectation du commerce entre États membres

II - 21

                 Conclusion sur le premier moyen des requérantes

II - 23

         III - Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 3 du règlement n° 4056/86

II - 23

             A - Arguments des parties

II - 23

                 La décision attaquée ne tiendrait pas compte du fait que les règlements n° 1017/68 et n° 4056/86 étaient destinés à fixer les règles applicables à des secteurs particuliers de l'économie

II - 23

                 La décision attaquée ne tiendrait pas compte de la définition correcte des marchés en cause sur lesquels les accords produisent leurs effets

II - 23

                 La décision attaquée serait incompatible avec les indications du règlement n° 4056/86 sur son champ d'application

II - 23

                 La décision attaquée ne serait pas compatible avec les principes généraux du droit communautaire applicables à la détermination de la portée de la législation communautaire

II - 23

                 La décision attaquée ne serait pas compatible avec l'interprétation donnée à des expressions identiques dans d'autres règlements sectoriels dans le domaine des transports

II - 24

                 La décision attaquée serait source d'insécurité juridique et d'incohérence procédurale

II - 24

                 La décision attaquée ne serait pas conciliable avec le raisonnement suivi par le Conseil dans le règlement n° 4056/86 quant à l'octroi d'une exemption par catégorie aux conférences

II - 24

                 La décision attaquée méconnaîtrait les caractéristiques distinctives du secteur des transports

II - 24

                 L'arrêt de la Cour du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883) cité par la Commission ne serait pas pertinent en l'espèce

II - 24

             B - Appréciation du Tribunal

II - 24

         IV - Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement n° 1017/68

II - 36

             A - Arguments des parties

II - 36

                 Observations générales

II - 36

                     - Pratiques d'autres autorités compétentes en matière de concurrence et d'autres législateurs

II - 36

                     - L'incidence de la tarification commune du transport multimodal dans le cadre d'une conférence sur la stabilité des prix

II - 37

                     - Sur le rôle des conférences comme pionnières du développement des services de transport multimodal

II - 37

                 Conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité

II - 37

                     - Première condition: avantages économiques de l'accord

II - 37

                     - Deuxième condition: réservation d'une part équitable des avantages aux utilisateurs

II - 37

                     - Troisième condition: le caractère indispensable des restrictions de concurrence

II - 37

             B - Appréciation du Tribunal

II - 37

                 Observations générales

II - 37

                 Première condition: amélioration de la qualité des services de transport, promotion de la continuité et de la stabilité sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps, augmentation de la productivité des entreprises, ou promotion du progrès technique ou économique

II - 40

                 Deuxième condition: réservation d'une part équitable des avantages aux utilisateurs

II - 44

                 Troisième condition: le caractère indispensable des restrictions de concurrence en cause

II - 45

         V - Sur le quatrième moyen pris de l'existence de vices de procédure lors de la procédure administrative

II - 50

             A - Sur le grief tiré de la violation de la procédure de conciliation prévue par le code de conduite

II - 50

                 Arguments des parties

II - 50

                 Appréciation du Tribunal

II - 51

             B - Sur le grief tiré de la violation de l'accord sur l'Espace économique européen

II - 51

                 Arguments des parties

II - 51

                 Appréciation du Tribunal

II - 51

             C - Sur le grief tiré de la privation de garanties procédurales en raison d'un choix erroné quant au règlement de procédure applicable

II - 51

                 Arguments des parties

II - 51

                 Appréciation du Tribunal

II - 51

             D - Sur le grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation

II - 52

                 Arguments des parties

II - 52

                 Appréciation du Tribunal

II - 52

             E - Sur le grief tiré de la violation des droits de la défense au regard des contenus de la décision attaquée et de la communication des griefs

II - 55

                 Arguments des parties

II - 55

                 Appréciation du Tribunal

II - 55

            F - Sur le grief tiré d'irrégularités affectant l'audition

II - 61

                 Arguments des parties

II - 61

                 Appréciation du Tribunal

II - 61

         VI - Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des règles relatives aux amendes

II - 65

             A - Arguments des parties

II - 65

             B - Appréciation du Tribunal

II - 66

     Sur les dépens

II - 69


1: Langue de procédure: l'anglais.


2: -    Ne sont reproduits que les points des motifs du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.