Language of document : ECLI:EU:C:2021:273

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

15 avril 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Secteur des télécommunications – Utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en œuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite – Décision no 626/2008/CE – Article 2, paragraphe 2, sous a) et b) – Article 4, paragraphe 1, sous c), ii) – Article 7, paragraphes 1 et 2 – Article 8, paragraphes 1 et 3 – Systèmes mobiles par satellite – Notion de “station terrienne mobile” – Notion d’“éléments terrestres complémentaires” – Notion de “qualité requise” – Rôle respectif des éléments satellitaires et terrestres – Obligation pour l’opérateur de systèmes mobiles par satellite sélectionné de desservir un certain pourcentage de la population et du territoire – Non-respect – Incidence »

Dans l’affaire C‑515/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 28 juin 2019, parvenue à la Cour le 8 juillet 2019, dans la procédure

Eutelsat SA

contre

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP),

Inmarsat Ventures SE, anciennement Inmarsat Ventures Ltd,

en présence de :

Viasat Inc.,

Viasat UK Ltd,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. A. Kumin (rapporteur), T. von Danwitz, P. G. Xuereb et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Eutelsat SA, par Mes L. de la Brosse et C. Barraco-David, avocats,

–        pour Inmarsat Ventures SE, par Mes C. Spontoni, N. Brice et É. Barbier de La Serre, avocats,

–        pour Viasat Inc. et Viasat UK Ltd, par Mes L. Panepinto, P. de Bandt et H. Farge, avocats, ainsi que par Me J. Ruiz Calzado, abogado,

–        pour le gouvernement français, par Mmes A.-L. Desjonquères et E. de Moustier ainsi que par M. P. Dodeller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de MS. Depré, avocat,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon, en qualité d’agent, assisté de Mme J. Morrison, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. É. Gippini Fournier et G. Braun ainsi que par Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de l’article 7, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 8, paragraphes 1 et 3, de la décision no 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2008, concernant la sélection et l’autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (MSS) (JO 2008, L 172, p. 15, ci-après la « décision MSS »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eutelsat SA à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP, France) au sujet de la décision de cette dernière d’accorder à Inmarsat Ventures SE, anciennement Inmarsat Ventures Ltd (ci-après « Inmarsat »), des droits d’utilisation pour des éléments terrestres complémentaires (ci-après des « ETC ») de systèmes mobiles par satellite.

 Le cadre juridique

 Le droit international

 La constitution de l’UIT

3        L’Union internationale des télécommunications (UIT) est une institution spécialisée des Nations unies chargée des technologies de l’information et de la communication. Ainsi qu’il ressort, notamment, de l’article 1er de sa constitution, c’est dans le cadre de l’UIT que le spectre radioélectrique et les orbites des satellites sont attribués à l’échelle mondiale et que des normes techniques sont élaborées afin d’assurer l’interconnexion des réseaux et des technologies.

4        Conformément à l’article 2 de la constitution de l’UIT, celle-ci est composée d’États membres et de membres des secteurs. Actuellement, 193 États sont membres de l’UIT, dont l’ensemble des États membres de l’Union européenne qui, elle-même, est un « membre de secteur ».

5        L’article 4 de cette constitution, intitulé « Instruments de l’[UIT] », dispose, à son paragraphe 3 :

« Les dispositions de la présente [c]onstitution et de la [c]onvention sont de plus complétées par celles des [r]èglements administratifs énumérés ci-après, qui réglementent l’utilisation des télécommunications et lient tous les États Membres :

[...]

–        le [r]èglement des radiocommunications.

[...] »

 Le règlement des radiocommunications

6        Les conférences mondiales des radiocommunications (CMR) ont pour tâche d’examiner et, s’il y a lieu, de réviser le règlement des radiocommunications visé à l’article 4 de la constitution de l’UIT. Ce règlement, dans sa version issue de la CMR qui s’est tenue à Genève (Suisse) le 23 janvier 2012 (CMR-12) (ci-après le « règlement des radiocommunications »), contient un chapitre I, intitulé « Terminologie et caractéristiques techniques », qui comprend l’article 1er de ce règlement, intitulé « Termes et définitions ». Cet article est divisé en sections, dont la section III est intitulée « Services radioélectriques ». Les sections sont elles-mêmes divisées en numéros. Sous cette section III, figure notamment le numéro 1.25 dudit article 1er, libellé comme suit :

« service mobile par satellite : Service de radiocommunication :

–        entre des stations terriennes mobiles et une ou plusieurs stations spatiales, ou entre des stations spatiales utilisées par ce service ; ou

–        entre des stations terriennes mobiles, par l’intermédiaire d’une ou plusieurs stations spatiales.

Ce service peut en outre comprendre les liaisons de connexion nécessaires à son exploitation. »

7        L’article 1er du règlement des radiocommunications comprend une section IV, intitulée « Stations et systèmes radioélectriques », laquelle contient notamment les numéros 1.61, 1.63, 1.64, 1.67 et 1.68 de celui-ci, rédigés en ces termes :

« 1.61      station : Un ou plusieurs émetteurs ou récepteurs, ou un ensemble d’émetteurs et de récepteurs, y compris les appareils accessoires, nécessaires pour assurer un service de radiocommunication ou pour le service de radioastronomie, en un emplacement donné.

Chaque station est classée d’après le service auquel elle participe d’une façon permanente ou temporaire.

[...]

1.63      station terrienne :  Station située soit sur la surface de la Terre, soit dans la partie principale de l’atmosphère terrestre, et destinée à communiquer :

–        avec une ou plusieurs stations spatiales ; ou

–        avec une ou plusieurs stations de même nature, à l’aide d’un ou plusieurs satellites réflecteurs ou autres objets spatiaux.

1.64      station spatiale : Station située sur un objet qui se trouve, est destiné à aller, ou est allé, au-delà de la partie principale de l’atmosphère terrestre.

[...]

1.67      station mobile : Station du service mobile destinée à être utilisée lorsqu’elle est en mouvement, ou pendant des haltes en des points non déterminés.

1.68      station terrienne mobile : Station terrienne du service mobile par satellite destinée à être utilisée lorsqu’elle est en mouvement ou pendant des haltes en des points non déterminés. »

 Le droit de l’Union

 La décision MSS

8        Aux termes des considérants 1, 4, 5, 18 et 19 de la décision MSS :

« (1)      Comme le Conseil l’a confirmé dans ses conclusions du 3 décembre 2004, l’utilisation rationnelle et cohérente du spectre radioélectrique est essentielle au développement des services de communications électroniques et contribue à promouvoir la croissance, la compétitivité et l’emploi ; il convient de faciliter l’accès au spectre pour en accroître l’efficacité, encourager l’innovation et offrir davantage de souplesse aux utilisateurs ainsi qu’un choix plus large aux consommateurs, dans le respect des objectifs d’intérêt général.

[...]

(4)      La directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive “cadre”) [(JO 2002, L 108, p. 33)] vise à encourager l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation, à lever les derniers obstacles à la fourniture des réseaux et services correspondants, à faire en sorte qu’il n’y ait pas de discrimination et à favoriser la mise en place et le développement de réseaux transeuropéens et l’interopérabilité des services paneuropéens.

(5)      L’introduction de nouveaux systèmes fournissant des services mobiles par satellite (“services mobiles par satellite”, MSS) contribuerait au développement du marché intérieur et intensifierait la concurrence en augmentant l’offre de services paneuropéens et la connectivité point-à-point ainsi qu’en encourageant les investissements rentables. Les MSS constituent une nouvelle plate-forme pour divers types de services paneuropéens de télécommunications et de radiodiffusion/multidiffusion, indépendamment de la localisation de l’utilisateur final, tels qu’accès internet/intranet à haut débit, multimédia mobile et protection civile et secours en cas de catastrophe. De tels services pourraient, en particulier, améliorer la couverture des zones rurales dans la Communauté et, ainsi, réduire la fracture numérique sur le plan géographique et renforcer la diversité culturelle et le pluralisme des médias, tout en contribuant à la compétitivité du secteur européen des technologies de l’information et des communications conformément aux objectifs de la stratégie de Lisbonne renouvelée. [...]

[...]

(18)      Les [ETC] font partie intégrante du système mobile par satellite et sont généralement utilisés pour améliorer les services offerts par le satellite dans les zones où il n’est pas forcément possible de maintenir une visibilité continue avec lui en raison d’obstructions de la ligne d’horizon causées par les bâtiments et par le terrain. [...] L’autorisation de ces [ETC] sera donc essentiellement conditionnée par la situation locale. Aussi convient-il de les sélectionner et de les autoriser au niveau national, sous réserve des conditions fixées par le droit communautaire. Cela sans préjudice de demandes spécifiques des autorités nationales compétentes à l’adresse des candidats sélectionnés, pour qu’ils fournissent des informations techniques indiquant en quoi des éléments terrestres complémentaires particuliers amélioreraient la disponibilité des MSS proposés dans les zones géographiques où les communications avec une ou plusieurs stations spatiales ne peuvent être assurées avec la qualité requise, pour autant que de telles informations techniques n’aient pas déjà été fournies conformément au titre II.

(19)      La quantité limitée de spectre radioélectrique disponible implique que le nombre d’entreprises pouvant être sélectionnées et autorisées est lui aussi forcément limité. Cependant, si le processus de sélection aboutit à la conclusion qu’il n’y a pas pénurie de spectre, tous les candidats admissibles devraient être sélectionnés. Vu la quantité limitée de spectre radioélectrique disponible, toute fusion ou rachat d’un opérateur fournissant des MSS avec ou par un autre pourrait entraîner une réduction importante de la concurrence et serait donc soumis à un contrôle en vertu du droit de la concurrence. »

9        L’article 1er de cette décision est libellé comme suit :

« 1.      La présente décision a pour objet de favoriser le développement d’un marché intérieur concurrentiel des services mobiles par satellite (MSS) dans la Communauté et d’assurer une couverture progressive dans tous les États membres.

Elle crée une procédure communautaire de sélection commune des opérateurs de systèmes mobiles par satellite qui utilisent, conformément à la décision 2007/98/CE [de la Commission, du 14 février 2007, sur l’utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en œuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (JO 2007, L 43, p. 32)], la bande de fréquences de 2 GHz, comprenant les radiofréquences entre 1 980 MHz et 2 010 MHz pour les communications Terre-satellite et entre 2 170 MHz et 2 200 MHz pour les communications satellite-Terre. Elle établit également les dispositions relatives à l’autorisation coordonnée, par les États membres, des opérateurs sélectionnés pour l’utilisation des radiofréquences assignées à l’intérieur de cette bande en vue de l’exploitation des systèmes mobiles par satellite.

2.      Les opérateurs de systèmes mobiles par satellite sont sélectionnés selon une procédure communautaire conformément au titre II.

3.      Les opérateurs de systèmes mobiles par satellite sélectionnés sont autorisés par les États membres conformément au titre III.

[...] »

10      L’article 2, paragraphe 2, de ladite décision dispose :

« [...] On entend par :

a)      “systèmes mobiles par satellite”, les réseaux de communications électroniques et installations associées permettant de fournir des services de radiocommunications entre une station terrienne mobile et une ou plusieurs stations spatiales, ou entre des stations terriennes mobiles à l’aide d’une ou de plusieurs stations spatiales, ou entre une station terrienne mobile et un ou plusieurs [ETC] utilisés en des points déterminés. Les systèmes de ce type comprennent au moins une station spatiale ;

b)      “[ETC]” de systèmes mobiles par satellite, les stations au sol utilisées en des points déterminés afin d’augmenter la disponibilité du service mobile par satellite dans les zones géographiques, situées à l’intérieur de l’empreinte du ou des satellites du système, où les communications avec une ou plusieurs stations spatiales ne peuvent être assurées avec la qualité requise. »

11      Le titre II de la décision MSS, intitulé « Procédure de sélection », comprend, notamment, les articles 3 et 4 de cette décision. L’article 3, paragraphe 1, de ladite décision prévoit :

« Pour la sélection des opérateurs de systèmes mobiles par satellite, la Commission organise une procédure de sélection comparative [...] »

12      L’article 4, paragraphe 1, de la même décision dispose :

« Les critères de recevabilité suivants sont applicables :

[...]

b)      les candidatures doivent préciser la quantité de spectre radioélectrique demandée, qui ne doit pas être supérieure à 15 MHz pour les communications Terre-satellite et à 15 MHz pour les communications satellite-Terre en ce qui concerne chaque candidat, et comporter les déclarations et justificatifs concernant le spectre radioélectrique demandé, les étapes requises et les critères de sélection ;

c)      dans sa candidature, le candidat s’engage à ce que :

[...]

ii)      le MSS soit fourni dans tous les États membres et desserve au minimum 50 % de la population et plus d’au minimum 60 % de l’ensemble du territoire terrestre de chaque État membre à l’échéance indiquée par le candidat mais, en tout état de cause, au plus tard sept ans à partir de la date de publication de la décision de la Commission [relative à la sélection des candidats]. »

13      Le titre III de la décision MSS, intitulé « Autorisation », comprend, notamment, les articles 7 et 8 de cette décision. Aux termes de l’article 7 de cette dernière :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les candidats sélectionnés, conformément aux engagements pris par eux-mêmes en termes de calendrier et de zone de service, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point c), et conformément aux dispositions du droit national et du droit communautaire, aient le droit d’utiliser les radiofréquences spécifiques déterminées dans la décision de la Commission [relative à la sélection des candidats], et le droit d’exploiter un système mobile par satellite. Ils informent en conséquence les candidats sélectionnés de ces droits.

2.      Les droits visés au paragraphe 1 sont soumis aux conditions communes suivantes :

[...]

c)      les candidats sélectionnés respectent tous les engagements qu’ils prennent dans leur candidature ou au cours de la procédure de sélection comparative, que la demande cumulée de spectre radioélectrique dépasse ou non la quantité disponible ;

[...] »

14      L’article 8 de ladite décision prévoit :

« 1.      Les États membres veillent, conformément aux dispositions du droit national et du droit communautaire, à ce que leurs autorités compétentes accordent aux candidats sélectionnés conformément au titre II et autorisés à utiliser le spectre en vertu de l’article 7 les autorisations nécessaires à la fourniture d’[ETC] de systèmes mobiles par satellite sur leur territoire.

[...]

3.      Toutes les autorisations nationales délivrées pour l’exploitation d’[ETC] de systèmes mobiles par satellite dans la bande de fréquences de 2 GHz sont soumises aux conditions communes suivantes :

a)      les opérateurs utilisent les radiofréquences assignées pour la fourniture d’[ETC] de systèmes mobiles par satellite ;

b)      les [ETC] font partie intégrante du système mobile par satellite et sont contrôlés par le mécanisme de gestion des ressources et des réseaux satellitaires ; ils utilisent le même sens de transmission et les mêmes portions de bande de fréquences que les éléments satellitaires associés, et ne doivent pas nécessiter d’autres fréquences que celles du système mobile par satellite associé ;

c)      le fonctionnement autonome des [ETC], en cas de panne de l’élément satellitaire du système mobile par satellite associé, ne doit pas dépasser dix-huit mois ;

d)      les droits d’utilisation et les autorisations sont accordés pour une durée venant à échéance au plus tard à l’expiration de l’autorisation du système mobile par satellite qui y est associé. »

 La décision de sélection

15      Aux termes de l’article 2 de la décision 2009/449/CE de la Commission, du 13 mai 2009, concernant la sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) (JO 2009, L 149, p. 65, ci-après la « décision de sélection ») :

« Inmarsat Ventures Limited et Solaris Mobile Limited sont retenus comme candidats admissibles à l’issue de la première phase de sélection de la procédure de sélection comparative prévue au titre II de la décision [MSS].

Étant donné que la quantité cumulée de spectre radioélectrique demandée par les candidats admissibles à l’issue de la première phase de sélection de la procédure de sélection comparative prévue au titre II de la décision [MSS] ne dépasse pas la quantité de spectre radioélectrique disponible indiquée à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision [MSS], Inmarsat Ventures Limited et Solaris Mobile Limited sont sélectionnés. »

16      L’article 3 de cette décision est libellé comme suit :

« Les fréquences que chaque candidat sélectionné sera autorisé à utiliser dans chaque État membre conformément au titre III de la décision [MSS] sont les suivantes :

a)      Inmarsat Ventures Limited : entre 1 980 MHz et 1 995 MHz pour les communications Terre-satellite et entre 2 170 MHz et 2 185 MHz pour les communications satellite-Terre ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      À l’issue de la procédure de sélection visée au titre II de la décision MSS, Inmarsat a été sélectionnée, en vertu de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision de sélection, comme l’un des opérateurs de systèmes mobiles par satellite.

18      Cette entreprise a développé un système dénommé « European Aviation Network » (EAN), destiné à fournir des services de connexion en vol aux avions survolant l’Union au moyen de transmissions par satellite, reçues par un terminal situé au-dessus du fuselage des avions, et de transmissions effectuées à partir d’ETC déployés sur le territoire de l’Union, reçues par un terminal situé en dessous du fuselage des avions.

19      Par décision du 21 octobre 2014, l’ARCEP a autorisé Inmarsat à utiliser, sur le territoire de la France métropolitaine, les fréquences visées à l’article 3, sous a), de la décision de sélection. En outre, par décision du 22 février 2018 (ci-après la « décision du 22 février 2018 »), cette autorité a attribué à Inmarsat l’autorisation d’exploiter des ETC de systèmes mobiles par satellite.

20      Eutelsat, concurrente d’Inmarsat, a saisi la juridiction de renvoi, le Conseil d’État (France), d’un recours tendant à l’annulation de la décision du 22 février 2018, motif pris, notamment, d’une méconnaissance du droit de l’Union.

21      À cet égard, Eutelsat soulève principalement trois moyens. Elle soutient, premièrement, que le système EAN envisagé par Inmarsat ne constitue pas un système mobile par satellite, à défaut pour ses ETC d’en faire partie intégrante. Deuxièmement, les ETC autorisés par la décision du 22 février 2018 ne présenteraient pas un caractère complémentaire par rapport à la composante satellitaire de ce réseau. Troisièmement, le fait qu’Inmarsat n’avait pas fourni de services mobiles par satellite à la date prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de la décision MSS ferait obstacle à la délivrance de l’autorisation d’exploiter des ETC de systèmes mobiles par satellite.

22      Viasat Inc. et Viasat UK Ltd (ci-après ensemble « Viasat ») sont intervenues au soutien du recours en annulation introduit par Eutelsat.

23      La juridiction de renvoi considère, tout d’abord, que la réponse à apporter au premier moyen mentionné au point 21 du présent arrêt nécessite notamment de déterminer les critères juridiques permettant d’identifier une « station terrienne mobile », au sens de la décision MSS, afin de vérifier si le système EAN peut être considéré comme remplissant ces critères.

24      Ensuite, selon cette juridiction, la réponse au deuxième moyen visé au point 21 du présent arrêt impose de clarifier le rôle respectif des éléments satellitaires et terrestres d’un système mobile par satellite, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la décision MSS, ainsi que la notion de « qualité requise », au sens du point b) de cet article 2, paragraphe 2.

25      Enfin, ladite juridiction considère que la réponse au troisième moyen mentionné au point 21 du présent arrêt nécessite de préciser l’incidence d’un éventuel non-respect de la date butoir prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de la décision MSS, par l’opérateur sélectionné conformément au titre II de celle-ci, pour la couverture du territoire au moyen d’un système mobile par satellite et, en particulier, de déterminer si, dans le cas d’un tel manquement, les autorités compétentes des États membres doivent refuser d’accorder des autorisations d’exploiter des ETC ou si, à tout le moins, elles peuvent refuser d’accorder ces autorisations.

26      Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)      Quels critères juridiques permettent d’identifier une station terrienne mobile au sens de la décision [MSS] ? Cette décision doit-elle être lue comme exigeant qu’une station terrienne mobile qui communique avec un [ETC] puisse également, sans matériel distinct, communiquer avec un satellite ? Comment, dans l’affirmative, doit être appréciée l’unicité du matériel ?

2)      Les dispositions [de l’article 2, paragraphe 2, de la décision MSS] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’un système mobile par satellite doit reposer, à titre principal, sur des éléments satellitaires ou permettent-elles de considérer que le rôle respectif des éléments satellitaires et terrestres est indifférent, y compris dans une configuration où l’élément satellitaire n’est utile que lorsque les communications avec les éléments terrestres ne peuvent être assurées ? Des [ETC] peuvent-ils être installés de façon à couvrir l’ensemble du territoire de l’[Union] au motif que les stations spatiales ne permettent d’assurer la qualité requise de communications en aucun point au sens [de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette décision] ?

3)      Dans l’hypothèse où il est avéré que l’opérateur sélectionné conformément au titre II de [la décision MSS] n’a pas respecté les engagements en termes de couverture du territoire définis [à l’article 7, paragraphe 2, de cette décision] à la date butoir prévue [à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de ladite décision], les autorités compétentes des États membres doivent-elles refuser d’accorder des autorisations d’exploiter des ETC ? En cas de réponse négative, peuvent-elles refuser d’accorder ces autorisations ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la deuxième question

27      Aux fins de répondre à la deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, il importe de préciser qu’il est constant que, en l’occurrence, le système développé par Inmarsat, tout en étant doté d’un satellite, repose, en termes de capacité des données transmises, essentiellement sur les communications avec des stations au sol, ces dernières couvrant l’ensemble du territoire européen des États membres. Ainsi, les stations au sol en cause dans l’affaire au principal qu’Inmarsat a été autorisée à exploiter en tant qu’ETC de systèmes mobiles par satellite, par la décision du 22 février 2018, s’étendent sur tout le territoire de la France métropolitaine.

28      Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le satellite déployé par Inmarsat dans le cadre de son système mobile par satellite n’a vocation à être utilisé que dans les zones non couvertes par les stations au sol exploitées par cette entreprise, à savoir notamment au‑dessus des mers.

29      Dès lors, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la décision MSS doit être interprété en ce sens qu’un système mobile par satellite doit reposer à titre principal, en termes de capacité des données transmises, sur la composante satellitaire de ce système et si des ETC de systèmes mobiles par satellite peuvent être installés de façon à couvrir l’ensemble du territoire de l’Union, au motif que cette composante satellitaire ne permet d’assurer les communications en aucun point de ce territoire avec la « qualité requise », au sens de cette disposition.

30      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, les « systèmes mobiles par satellite » sont définis comme les réseaux de communications électroniques et installations associées permettant de fournir des services de radiocommunications entre une station terrienne mobile et une ou plusieurs stations spatiales, ou entre des stations terriennes mobiles à l’aide d’une ou de plusieurs stations spatiales, ou entre une station terrienne mobile et un ou plusieurs ETC utilisés en des points déterminés. Cette disposition précise également que les systèmes de ce type comprennent au moins une station spatiale.

31      Par ailleurs, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette décision, les « ETC de systèmes mobiles par satellite » sont les stations au sol utilisées en des points déterminés afin d’augmenter la disponibilité du service mobile par satellite dans les zones géographiques, situées à l’intérieur de l’empreinte du ou des satellites du système, où les communications avec une ou plusieurs stations spatiales ne peuvent être assurées avec la qualité requise.

32      S’agissant des autorisations nécessaires à la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite, l’article 8, paragraphe 1, de la décision MSS prévoit qu’il incombe aux autorités compétentes des États membres d’accorder ces autorisations, avec effet sur leurs territoires nationaux respectifs, aux candidats sélectionnés conformément au titre II de cette décision et autorisés à utiliser le spectre en vertu de l’article 7 de ladite décision.

33      Conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la même décision, lesdites autorisations sont soumises à des conditions communes, énumérées aux points a) à d) de cette disposition. Ainsi, il est exigé, notamment, que les opérateurs utilisent les radiofréquences assignées pour la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite. En outre, les ETC doivent faire partie intégrante du système mobile par satellite, doivent être contrôlés par le mécanisme de gestion des ressources et des réseaux satellitaires, doivent utiliser le même sens de transmission et les mêmes portions de bande de fréquences que les éléments satellitaires associés, et ne doivent pas nécessiter d’autres fréquences que celles du système mobile par satellite associé. De surcroît, le fonctionnement autonome des ETC, en cas de panne de l’élément satellitaire du système mobile par satellite associé, ne doit pas dépasser dix-huit mois.

34      Tout d’abord, il ressort des dispositions rappelées ci-dessus qu’un « système mobile par satellite », au sens de la décision MSS, doit obligatoirement comporter au moins une station spatiale, alors que l’exploitation d’ETC n’est que facultative. En outre, lorsqu’un opérateur souhaite recourir à des ETC, les conditions communes prévues à l’article 8, paragraphe 3, de cette décision doivent être respectées.

35      À cet égard, il convient de constater que ni l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la décision MSS, ni l’article 8, paragraphes 1 et 3, de celle-ci ne définissent, en termes de capacité des données transmises, le rapport entre la composante satellitaire d’un système mobile par satellite, d’une part, et la composante terrestre de ce système, d’autre part.

36      En particulier, aucune conclusion ne saurait, sur ce point, être tirée de l’emploi du terme « complémentaire » dans l’expression « éléments terrestres complémentaires », dès lors que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 77 de ses conclusions, ce terme est silencieux quant à l’importance relative des deux composantes.

37      Par conséquent, il ne saurait être considéré qu’un système mobile par satellite, dont font partie tant un satellite que des ETC, doit reposer à titre principal, en termes de capacité des données transmises, sur la composante satellitaire de ce système.

38      Ensuite, s’agissant de l’étendue de la couverture des ETC, il y a lieu de relever, d’emblée, que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la décision MSS, ce n’est que pour leurs territoires nationaux respectifs que les autorités compétentes des États membres accordent les autorisations nécessaires à la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite.

39      Conformément à la condition prévue à l’article 8, paragraphe 3, sous a), de cette décision, commune à toutes les autorisations délivrées par les États membres, l’opérateur doit utiliser les radiofréquences assignées pour la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite. Dès lors, les stations au sol qu’un opérateur demande à exploiter en tant qu’ETC doivent correspondre à des « ETC de systèmes mobiles par satellite », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de ladite décision.

40      Cette dernière disposition fait apparaître deux exigences principales pour qu’une station au sol puisse être qualifiée d’« ETC de systèmes mobiles par satellite ». En termes de localisation, cette station au sol doit être utilisée à un point déterminé et couvrir une zone géographique située à l’intérieur de l’empreinte du ou des satellites du système mobile par satellite concerné. En outre, d’un point de vue fonctionnel, elle doit être utilisée afin d’augmenter la disponibilité du service mobile par satellite dans les zones où les communications avec la composante satellitaire de ce système ne peuvent être assurées avec la qualité requise.

41      Il s’ensuit que, dès lors qu’il est satisfait à ces exigences et que les autres conditions communes, prévues à l’article 8, paragraphe 3, de la décision MSS, sont remplies, aucune limitation quant au nombre d’ETC pouvant être exploités ou à l’étendue de leur couverture géographique ne saurait être déduite de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette décision, ni d’aucune autre disposition de celle-ci.

42      S’agissant, dans ce contexte, de la notion de « qualité requise », figurant audit article 2, paragraphe 2, sous b), et spécifiquement visée par la juridiction de renvoi, la Commission soutient, dans ses observations écrites, que celle-ci devrait être interprétée par rapport à la composante satellitaire du système mobile par satellite concerné. Ainsi, la « qualité requise » devrait être comprise comme étant le niveau de capacité maximal de transmission de données que cette composante serait en mesure de fournir en des circonstances normales d’exploitation commerciale, dans des conditions idéales de communication, dans un endroit donné où se situe une station au sol.

43      Cette interprétation, ne trouvant pas de fondement dans le libellé de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision MSS, ne saurait être retenue.

44      Au contraire, compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit ledit article 2, paragraphe 2, sous b), ainsi que des objectifs poursuivis par la décision MSS, il convient de considérer que la « qualité requise », au sens de cette disposition, se détermine, en premier lieu, en fonction du niveau de qualité nécessaire pour fournir le service proposé par l’opérateur du système mobile par satellite concerné.

45      En effet, conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous b), de la décision MSS, lu à la lumière du considérant 18 de celle-ci, les ETC font partie intégrante du système mobile par satellite. À cet égard, les services fournis par un tel système constituent, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de cette décision, une nouvelle plateforme pour divers types de services paneuropéens de télécommunications et de radiodiffusion/multidiffusion, tels que l’accès Internet/intranet à haut débit ou multimédia mobile. En outre, il résulte des considérants 1 et 5 de ladite décision que celle-ci vise à promouvoir l’innovation ainsi que les intérêts des consommateurs.

46      Or, la fourniture de tels services, innovants et de qualité, requiert toujours davantage de capacité. En outre, il n’apparaît ni techniquement possible ni commercialement viable pour l’opérateur d’un système mobile par satellite de satisfaire des demandes de capacité et, par conséquent, de qualité accrues en renforçant uniquement la composante satellitaire de son système, étant donné que la quantité de spectre radioélectrique dont cet opérateur dispose est limitée et s’élève, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision MSS, à 15 MHz au maximum pour les communications Terre-satellite et à 15 MHz au maximum pour les communications satellite-Terre.

47      Dans ces conditions, l’exploitation renforcée de stations au sol, qui sont, eu égard à leurs propriétés techniques intrinsèques, plus performantes en termes de capacité, peut être mieux adaptée pour répondre à ces besoins et permet, par ailleurs, une utilisation plus efficace des radiofréquences, objectif souligné au considérant 4 de la décision MSS.

48      Il y a encore lieu de relever, à cet égard, que le principe de neutralité technologique, dont il convient de tenir compte dans ce domaine, requiert que l’interprétation des dispositions en cause ne restreigne pas l’innovation et le progrès technologique.

49      Du reste, le libellé du considérant 18 de la décision MSS ne s’oppose pas à une telle interprétation dans la mesure où celui-ci, en énonçant que les ETC sont généralement utilisés pour améliorer les services offerts par le satellite dans les zones où il n’est pas forcément possible de maintenir une visibilité continue avec lui en raison d’obstructions de la ligne d’horizon causées par les bâtiments et par le terrain, se limite à faire état d’un certain type d’utilisation possible d’ETC, sans pour autant en exclure d’autres.

50      Il convient cependant d’ajouter que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision MSS, celle-ci a pour objet de favoriser le développement d’un marché intérieur concurrentiel des services mobiles par satellite, objectif également souligné par les considérants 5 et 19 de cette décision. Or, eu égard à cet objectif, le droit d’exploiter des ETC conféré à l’opérateur d’un tel système mobile par satellite ne devrait pas aboutir à fausser la concurrence sur le marché concerné.

51      Dès lors, il incombe à l’autorité nationale compétente, seule habilitée à accorder les autorisations nécessaires à la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite, d’examiner dans quelle mesure l’exploitation d’ETC demandée est susceptible de provoquer une distorsion de concurrence et d’assortir lesdites autorisations de limitations et d’obligations adéquates et nécessaires pour que la concurrence ne soit pas faussée, voire, le cas échéant, de refuser l’autorisation.

52      Il s’ensuit que l’autorité compétente d’un État membre est habilitée à autoriser que des ETC de systèmes mobiles par satellite soient exploités de façon à couvrir l’ensemble du territoire de cet État membre, au motif que, en aucun point de ce territoire, la composante satellitaire du système mobile par satellite concerné ne permet d’assurer les communications avec la « qualité requise », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision MSS, comprise comme le niveau de qualité nécessaire pour fournir le service proposé par l’opérateur de ce système, pourvu que la concurrence ne soit pas faussée.

53      Enfin, il revient également à cette autorité de vérifier que la condition commune prévue à l’article 8, paragraphe 3, sous c), de cette décision, selon laquelle tout fonctionnement autonome des ETC est limité au cas d’une panne de l’élément satellitaire de ce système et ne doit pas dépasser dix-huit mois, sera respectée.

54      En effet, il résulte de cette disposition, lue en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la décision MSS, que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 72 de ses conclusions, un système mobile par satellite doit non seulement être doté d’une composante satellitaire, mais celle-ci doit également être effectivement utilisée.

55      Il s’ensuit que la composante satellitaire d’un système mobile par satellite doit fonctionner, en pratique, conjointement avec les ETC et que son rôle ne saurait se limiter, en réalité, à faire en sorte que, d’un point de vue formel, les conditions prévues par la décision MSS soient remplies.

56      Dès lors, l’autorité nationale compétente est tenue de vérifier que la composante satellitaire du système mobile par satellite concerné présente une utilité réelle et concrète, en ce sens qu’une telle composante doit être nécessaire pour le fonctionnement dudit système, sous réserve, ainsi qu’il a été précisé au point 33 du présent arrêt, d’un fonctionnement autonome des ETC en cas de panne de la composante satellitaire, lequel ne doit pas dépasser dix‑huit mois.

57      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b ), de la décision MSS, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphes 1 et 3, de cette décision, doit être interprété en ce sens qu’un système mobile par satellite ne doit pas reposer à titre principal, en termes de capacité des données transmises, sur la composante satellitaire de ce système et que des ETC de systèmes mobiles par satellite peuvent être installés de façon à couvrir l’ensemble du territoire de l’Union, au motif que cette composante satellitaire ne permet d’assurer les communications en aucun point de ce territoire avec la « qualité requise », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de ladite décision, comprise comme le niveau de qualité nécessaire pour fournir le service proposé par l’opérateur de ce système, pourvu que la concurrence ne soit pas faussée et que ladite composante satellitaire présente une utilité réelle et concrète, en ce sens qu’une telle composante doit être nécessaire pour le fonctionnement du système mobile par satellite, sous réserve d’un fonctionnement autonome des ETC en cas de panne de la composante satellitaire, lequel ne doit pas dépasser dix-huit mois.

 Sur la première question

58      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, doit être interprétée en ce sens qu’il est exigé que, pour relever de cette notion, une telle station puisse être en mesure de communiquer, sans matériel distinct, tant avec un ETC qu’avec un satellite.

59      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en l’occurrence, dans le cadre du système développé par Inmarsat, les avions équipés de ce système sont dotés d’un terminal de réception situé au-dessus du fuselage ainsi que d’un terminal de réception situé en dessous de celui‑ci. Alors que le premier terminal reçoit des communications par satellite, le second reçoit celles qui sont effectuées à partir des ETC. En outre, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les deux terminaux sont reliés par un gestionnaire de communication.

60      À cet égard, Eutelsat et Viasat font valoir, en substance, d’une part, que le terminal de réception situé en dessous du fuselage ne saurait être regardé comme étant une « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, à défaut pour ce terminal de réception d’être en mesure de communiquer avec un satellite. D’autre part, selon ces parties, il n’est pas envisageable de considérer les deux terminaux ainsi que le gestionnaire de communication, dans leur ensemble, comme constituant une telle station.

61      Il convient de relever que, alors que la décision MSS n’apporte pas de précisions quant au contenu de la notion de « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette décision, le règlement des radiocommunications fournit une définition d’une telle notion.

62      Selon une jurisprudence constante de la Cour, les textes du droit de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international (arrêt du 4 septembre 2014, Zeman, C‑543/12, EU:C:2014:2143, point 58 et jurisprudence citée). Cela vaut en particulier lorsqu’un tel texte recourt à des notions spécifiques utilisées dans un accord international conclu sous l’égide d’une organisation internationale, telle que l’UIT, dont l’ensemble des États membres de l’Union sont membres et dont l’Union, elle-même, est un « membre de secteur ».

63      Partant, aux fins de l’interprétation de la notion de « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, il convient de tenir compte de la définition fournie par le règlement des radiocommunications.

64      Aux termes du numéro 1.68 de l’article 1er du règlement des radiocommunications, correspond à une « station terrienne mobile » une station terrienne du service mobile par satellite destinée à être utilisée lorsqu’elle est en mouvement ou pendant des haltes en des points non déterminés. À cet égard, les expressions « station », « station terrienne » et « service mobile par satellite » sont elles-mêmes définies, respectivement, aux numéros 1.61, 1.63 et 1.25 de cet article 1er.

65      Il découle de l’ensemble de ces dispositions qu’une station terrienne mobile, au sens du règlement des radiocommunications, se caractérise par quatre éléments distincts, en termes de structure, de localisation, de mobilité et de fonction.

66      Premièrement, concernant sa structure, une telle station consiste en un ou plusieurs émetteurs ou récepteurs, ou en un ensemble d’émetteurs et de récepteurs, y compris des appareils accessoires.

67      Deuxièmement, quant à sa localisation, une station terrienne mobile se trouve soit sur la surface de la Terre, soit dans la partie principale de l’atmosphère terrestre.

68      Troisièmement, s’agissant de l’aspect tenant à sa mobilité, une telle station est destinée à être utilisée lorsqu’elle est en mouvement ou pendant des haltes en des points non déterminés.

69      Quatrièmement, en ce qui concerne l’aspect fonctionnel d’une station terrienne mobile, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la fourniture de certains types de services de radiocommunications, celle-ci est destinée à permettre la communication entre des stations spatiales, ou à communiquer avec une ou plusieurs stations spatiales, ou avec d’autres stations de même nature, par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs stations spatiales.

70      Or, concernant cet aspect fonctionnel et ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, à la différence du règlement des radiocommunications, l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS n’envisage pas, s’agissant des services de radiocommunications visés à cette disposition, les communications entre des stations spatiales, alors qu’elle inclut les communications entre une station terrienne mobile et un ou plusieurs ETC. En outre, ladite disposition prévoit que les systèmes mobiles par satellite comprennent au moins une station spatiale.

71      Dès lors, il y a lieu de considérer qu’une « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, est une station, à savoir un ou plusieurs émetteurs ou récepteurs, ou un ensemble d’émetteurs et de récepteurs, y compris des appareils accessoires, située soit sur la surface de la Terre soit dans la partie principale de l’atmosphère terrestre, destinée à être utilisée lorsqu’elle est en mouvement ou pendant des haltes en des points non déterminés, qui doit avoir la capacité de communiquer avec une ou plusieurs stations spatiales, ou avec d’autres stations de même nature à l’aide d’une ou de plusieurs stations spatiales, et qui peut avoir la capacité de communiquer avec un ou plusieurs ETC.

72      En ce qui concerne une configuration telle que celle en cause dans l’affaire au principal, il convient de constater que répond à ces exigences un ensemble composé de deux terminaux de réception distincts reliés par un gestionnaire de communication, le premier situé au-dessus du fuselage d’un avion et communiquant avec une station spatiale, le second situé en dessous de ce fuselage et communiquant avec des ETC.

73      En revanche, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 57 de ses conclusions, est dénuée de pertinence, à cet égard, la circonstance que les éléments individuels ne forment pas un ensemble physiquement indissociable.

74      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la notion de « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision MSS, doit être interprétée en ce sens qu’il n’est pas exigé que, pour relever de cette notion, une telle station puisse être en mesure de communiquer, sans matériel distinct, tant avec un ETC qu’avec un satellite.

 Sur la troisième question

75      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 1, de la décision MSS, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette décision, doit être interprété en ce sens que, dans le cas où il est avéré qu’un opérateur sélectionné conformément au titre II de ladite décision et autorisé à utiliser le spectre radioélectrique en vertu de l’article 7 de cette même décision n’a pas fourni de services mobiles par satellite au moyen d’un système mobile par satellite pour la date butoir prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de la décision MSS, les autorités compétentes des États membres doivent ou, du moins, peuvent refuser d’accorder des autorisations nécessaires à la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite à cet opérateur au motif que celui-ci n’a pas respecté l’engagement pris dans sa candidature.

76      Dans la mesure où, dans son arrêt du 5 mars 2020, Viasat UK et Viasat (C‑100/19, EU:C:2020:174), la Cour a déjà été amenée à examiner une question identique, la réponse apportée par la Cour à cette question, telle qu’elle figure dans le dispositif de cet arrêt, est pleinement transposable à la présente question préjudicielle.

77      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 8, paragraphe 1, de la décision MSS, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette décision, doit être interprété en ce sens que, dans le cas où il est avéré qu’un opérateur sélectionné conformément au titre II de ladite décision et autorisé à utiliser le spectre radioélectrique en vertu de l’article 7 de cette même décision n’a pas fourni de services mobiles par satellite au moyen d’un système mobile par satellite pour la date butoir prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de la décision MSS, les autorités compétentes des États membres ne sont pas habilitées à refuser d’accorder des autorisations nécessaires à la fourniture d’ETC de systèmes mobiles par satellite à cet opérateur au motif que celui-ci n’a pas respecté l’engagement pris dans sa candidature.

 Sur les dépens

78      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la décision no 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2008, concernant la sélection et l’autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (MSS), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphes 1 et 3, de cette décision, doit être interprété en ce sens qu’un système mobile par satellite ne doit pas reposer à titre principal, en termes de capacité des données transmises, sur la composante satellitaire de ce système et que des éléments terrestres complémentaires de systèmes mobiles par satellite peuvent être installés de façon à couvrir l’ensemble du territoire de l’Union européenne, au motif que cette composante ne permet d’assurer les communications en aucun point de ce territoire avec la « qualité requise », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de ladite décision, comprise comme le niveau de qualité nécessaire pour fournir le service proposé par l’opérateur de ce système, pourvu que la concurrence ne soit pas faussée et que ladite composante satellitaire présente une utilité réelle et concrète, en ce sens qu’une telle composante doit être nécessaire pour le fonctionnement du système mobile par satellite, sous réserve d’un fonctionnement autonome des éléments terrestres complémentaires en cas de panne de la composante satellitaire, lequel ne doit pas dépasser dix-huit mois.

2)      La notion de « station terrienne mobile », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision no 626/2008, doit être interprétée en ce sens qu’il n’est pas exigé que, pour relever de cette notion, une telle station puisse être en mesure de communiquer, sans matériel distinct, tant avec un élément terrestre complémentaire qu’avec un satellite.

3)      L’article 8, paragraphe 1, de la décision no 626/2008, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette décision, doit être interprété en ce sens que, dans le cas où il est avéré qu’un opérateur sélectionné conformément au titre II de ladite décision et autorisé à utiliser le spectre radioélectrique en vertu de l’article 7 de cette même décision n’a pas fourni de services mobiles par satellite au moyen d’un système mobile par satellite pour la date butoir prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), de la décision no 626/2008, les autorités compétentes des États membres ne sont pas habilitées à refuser d’accorder des autorisations nécessaires à la fourniture des éléments

terrestres complémentaires de systèmes mobiles par satellite à cet opérateur au motif que celui-ci n’a pas respecté l’engagement pris dans sa candidature.

Arabadjiev

Kumin

von Danwitz

Xuereb

 

Ziemele

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 avril 2021.

Le greffier

Le président de la IIème chambre

A. Calot Escobar

 

A. Arabadjiev


*      Langue de procédure : le français.