Language of document : ECLI:EU:T:2002:35

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

20 février 2002(1)

«Fonctionnaires - Promotion - Réclamation administrative préalable - Décision implicite de rejet - Motivation»

Dans l'affaire T-117/01,

Marcos Roman Parra, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Zaventem (Belgique), représenté par Mes J. N. Louis et V. Peere, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 6 au titre de l'exercice de promotion 2000,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique)

juge: M. H. Legal,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 janvier 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée.»

2.
    L'article 45 du statut prévoit:

«1. La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.»

3.
    L'article 90, paragraphe 2, du statut énonce:

«2. Toute personne visée au présent statut peut saisir l'autorité investie du pouvoir de nomination d'une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu'elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. [...]

L'autorité notifie sa décision motivée à l'intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l'introduction de la réclamation. À l'expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'un recours au sens de l'article 91.»

Antécédents du litige et procédure

4.
    M. Roman Parra est entré au service de la Commission le 16 juin 1986 en tant que fonctionnaire de grade B 5, échelon 3. À la suite de sa réussite au concours COM/A/16/93, il a été nommé administrateur de grade A 7, échelon 1, avec effet au 16 octobre 1995, affecté à la direction générale (DG) «Personnel et administration», direction B «Droits et obligations», jusqu'au 16 août 1999, puis à la DG «Énergie et transports».

5.
    Dans le cadre de l'exercice de promotion 2000, M. Roman Parra, promouvable au grade A 6, figurait en premier parmi les deux candidats proposés par la direction B. Son nom apparaissait en troisième position des propositions de la DG «Personnel et administration» triées suivant les critères objectifs d'âge et d'ancienneté et, sur la liste de l'ensemble des propositions des DG, publiée aux Informations administratives n° 47-2000 du 18 mai 2000, il se trouvait en neuvième et dernière position au titre de la DG «Personnel et administration».

6.
    Par note du 27 juin 2000, M. Roman Parra a saisi le président du comité de promotion d'un recours gracieux concernant ce classement.

7.
    La liste des promotions au grade A 6 au titre de l'exercice 2000 a été publiée aux Informations administratives n° 65-2000 du 14 août 2000. Le nom de M. Roman Parra n'y figurait pas.

8.
    Le président du comité de promotion a indiqué au fonctionnaire, le 29 septembre 2000, que le groupe paritaire restreint chargé, notamment, de l'examen des recours n'avait pas été en mesure de recommander au comité de promotion un examen favorable de son recours.

9.
    M. Roman Parra a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, datée du 12 octobre 2000, dont le secrétariat général de la Commission a accusé réception le 20 octobre 2000. Cette réclamation était dirigée contre la décision de la Commission de l'exclure de la liste des fonctionnaires de grade A 7 promus au grade A 6 pour l'exercice de promotion 2000.

10.
    La réclamation de M. Roman Parra a été examinée par le «groupe interservices», lors d'une réunion tenue le 13 décembre 2000, dont l'intéressé avait été avisé par lettre du 5 décembre.

11.
    Quatre mois à compter du jour de l'introduction de la réclamation de M. Roman Parra, la Commission n'avait pas pris de décision explicite à son sujet.

12.
    C'est dans ces conditions que le requérant a introduit, sur le fondement de l'article 236 CE, le présent recours, par requête déposée le 28 mai 2001.

13.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la première chambre a attribué l'affaire à M. H. Legal, siégeant en qualité de juge unique. Entendues conformément à l'article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties ont déclaré qu'elles n'avaient aucune objection à présenter à cet égard.

14.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 18 janvier 2002.

Conclusions des parties

15.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 6 au titre de l'exercice de promotion 2000;

-    condamner la Commission aux dépens.

16.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la légalité de la décision attaquée

17.
    Le recours est dirigé contre la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 6 pour l'exercice de promotion 2000, qui résulte de la publication aux Informations administratives n° 65-2000 du 14 août 2000 de la liste des fonctionnaires promus à ce grade.

18.
    À l'appui de son recours en annulation, le requérant invoque, en premier lieu, la violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 25, deuxième alinéa, du statut. En deuxième lieu, il fait valoir que la décision de ne pas le promouvoir méconnaît les dispositions de l'article 45 du statut ainsi que les principes d'égalité de traitement et de vocation à la carrière.

Sur le moyen tiré du défaut de motivation et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête

Arguments des parties

19.
    Le requérant soutient que la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 6 au titre de l'exercice 2000 n'est pas motivée, en violation de l'obligation de motivation posée à l'article 25 du statut.

20.
    Le requérant rappelle l'importance qu'une jurisprudence constante accorde à l'obligation de motivation et, en particulier, au devoir qui incombe à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») de motiver sa décision de rejet de la réclamation d'un fonctionnaire non promu, cette motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 13, du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549, points 22 et 23, et arrêt du Tribunal du 9 mars 2000, Nuñez/Commission, T-10/99, RecFP p. I-A-47 et II-203, point 42).

21.
    Le requérant indique que la Commission ne lui a donné aucune explication sur les motifs de sa décision de ne pas le promouvoir au cours de la phase précontentieuse, notamment lors du rejet de son recours gracieux formé devant le président du comité de promotion. Il fait observer que les listes de fonctionnaires promouvables puis promus sont dépourvues de motivation et qu'une décision implicite de rejet a été opposée à sa réclamation.

22.
    Il estime, en conséquence, que la décision attaquée est entachée d'une absence totale de motivation, qui ne peut être couverte après l'introduction du recours (arrêts Culin/Commission, précité, point 15, et Parlement/Volger, précité, point 23; arrêt du Tribunal du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 75).

23.
    La Commission, qui reconnaît l'importance attachée par la jurisprudence à l'obligation de motivation, fait observer que, s'il n'a pas été explicitement répondu à la réclamation de M. Roman Parra, la réponse du président du comité de promotion, en date du 29 septembre 2000, à son recours gracieux indiquait les motifs qui ont conduit à ne pas le promouvoir. La défenderesse admet que ces indications puissent apparaître insuffisantes et fournit des éléments de motivation, selon elle complémentaires, dans son mémoire en défense.

Appréciation du Tribunal

24.
    L'obligation de motivation prescrite par l'article 25, deuxième alinéa, du statut et, s'agissant des décisions prises à la suite d'une réclamation, par l'article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit statut a pour objet, d'une part, de fournir àl'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision et l'opportunité d'introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d'autre part, de permettre au juge d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143, point 73).

25.
    Ainsi, selon une jurisprudence constante, si l'AIPN n'est tenue de motiver une décision de promotion, ni à l'égard de son destinataire, ni à l'égard des candidats non promus (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 13, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T-112/96 et T-115/96, RecFP p. I-A-115 et II-623, point 76), elle a, en revanche, l'obligation de motiver sa décision portant rejet d'une réclamation introduite en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu (arrêt de la Cour Culin/Commission, précité, point 13).

26.
    S'il est vrai que l'AIPN n'est pas, en général, tenue de répondre à une réclamation, il en va différemment lorsque la décision qui en fait l'objet n'est pas motivée (arrêt de la Cour Parlement/Volger, précité, point 23). La motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 25).

27.
    Le caractère suffisant de la motivation est apprécié au regard du contexte factuel et juridique dans lequel s'est inscrite l'adoption de l'acte attaqué (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16). Les promotions se faisant au choix, conformément à l'article 45 du statut, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation se rapporte à l'application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt Vela Palacios/CES, précité, point 22).

28.
    En l'espèce, il est constant que la décision rejetant la réclamation de M. Roman Parra, dirigée contre le refus de le promouvoir au grade A 6 au titre de l'exercice de promotion 2000, qui devait être motivée, n'a pas, du fait de son caractère implicite, satisfait l'obligation légale rappelée ci-dessus.

29.
    La Commission fait valoir, cependant, que, au cours de la phase précontentieuse, M. Roman Parra a eu connaissance des motifs pour lesquels il n'avait pas été donné une suite favorable au recours gracieux qu'il avait formé contre son classement devant le président du comité de promotion du fait de la réponse de ce dernier, en date du 29 septembre 2000. Elle expose, en particulier, qu'il lui était indiqué dans cette lettre que les conditions légales de procédure avaient été respectées. La Commission fournit, dans son mémoire en défense, des compléments à ces premiers éléments d'explication.

30.
    Le Tribunal a certes admis, s'agissant, notamment, du rejet implicite d'une réclamation concernant un refus de promotion, que, dans le cas où le requérantdisposait d'éléments constituant un début de motivation avant l'introduction de son recours, des précisions complémentaires apportées en cours d'instance puissent pallier l'insuffisance initiale de la motivation (arrêts du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. I-A-103 et II-335, point 36, et Thinus/Commission, précité, points 78 à 83).

31.
    En l'espèce, la lettre du 29 septembre 2000 du président du comité de promotion se borne à indiquer à M. Roman Parra que, «compte tenu des éléments de [son] dossier et sur base de la comparaison des mérites, le Groupe n'a pas été en mesure d'en recommander un examen favorable au Comité de Promotion». Une telle formulation, générale et stéréotypée, calquée sur la rédaction de l'article 45 du statut et qui ne comporte aucun élément d'information spécifique au cas de l'intéressé, équivaut, en réalité, à une absence totale de motivation.

32.
    Or, selon une jurisprudence constante, une absence totale de motivation avant l'introduction d'un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l'AIPN en cours d'instance (arrêt Culin/Commission, précité, point 15, et arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 40).

33.
    En conséquence, il y a lieu d'accueillir le présent moyen et d'annuler la décision de la Commission de ne pas faire figurer M. Roman Parra sur la liste des fonctionnaires promus au grade A 6 pour l'exercice de promotion 2000, publiée aux Informations administratives n° 65-2000 du 14 août 2000, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen invoqué par le requérant.

Sur les dépens

34.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1 )    La décision de la Commission de ne pas promouvoir M. Roman Parra au grade A 6 pour l'exercice de promotion 2000, qui résulte de la publicationaux Informations administratives n° 65-2000 du 14 août 2000 de la liste des fonctionnaires promus à ce grade, est annulée.

2 )    La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 février 2002.

Le greffier

Le juge

H. Jung

H. Legal


1: Langue de procédure: le français.