Language of document : ECLI:EU:T:2012:225

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

8 mai 2012 (*)

« Référé – Concours financier – Recherche et développement – Recouvrement des avances versées – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑134/12 R,

Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT, SA, établie à Alicante (Espagne), représentée par Me M. Jiménez Perona, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de l’acte de la Commission, transmis par lettre du 13 janvier 2012, portant révocation de plusieurs subventions accordées à la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente


Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Entre 2004 et 2006, la requérante, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT, SA, a conclu avec la Commission des Communautés européennes des contrats relatifs à la mise en œuvre de plusieurs projets relevant du domaine de la recherche et du développement, dans le cadre desquels elle s’est vu accorder des subventions communautaires.

2        À la suite d’un contrôle des projets en cause ordonné par la Commission, les inspecteurs mandatés ont proposé, dans leur rapport d’audit remis en mai 2011, le retrait de la Commission des projets contrôlés, la récupération de la contribution financière accordée à la requérante et l’exclusion de celle-ci de tous les projets en cours avec la Commission.

3        Ensuite, par lettre du 13 janvier 2012 reçue le 19 janvier 2012, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé de procéder au recouvrement des montants versés au titre des projets susmentionnés, et ce sur le fondement des quatorze notes de débit jointes en annexe à cette lettre, pour une somme totale de 3 028 194,54 euros (ci-après l’« acte attaqué »).

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2012, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de l’acte attaqué et à obtenir réparation à hauteur de 732 788 euros des préjudices qui lui auraient été causés par le comportement prétendument illégal de la Commission, en raison, d’une part, du refus d’effectuer des paiements dus à la requérante au titre de sa participation à plusieurs projets communautaires autres que ceux faisant l’objet de l’acte attaqué et, d’autre part, de son exclusion d’un tel projet.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution intégrale ou partielle de l’acte attaqué.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du président du Tribunal du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée au Recueil, point 7, et la jurisprudence citée).

8        En vertu de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, non publiée au Recueil, points 14 et 15].

9        En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [voir ordonnance Cross Czech/Commission, précitée, point 10, et la jurisprudence citée ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

11      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de vérifier si la demande en référé est recevable en ce qu’elle contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence.

12      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2007, Dimos Peramatos/Commission, T‑312/07 R, non publiée au Recueil, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).

13      Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 20 avril 2012, Fabricela/Commission, C‑507/11 P(R), non publiée au Recueil, point 35, et du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, points 37 et 39].

14      En l’espèce, la requérante se limite à affirmer, dans la demande en référé, que l’exécution de l’acte attaqué avant que le Tribunal ait statué au principal lui causerait « des dommages graves et irréversibles, en particulier la perte de postes de travail et la possible fermeture de l’entreprise, faits qui ne pourraient pas être réparés même si l’acte attaqué était annulé ». Elle indique également que « la situation patrimoniale de l’entreprise ne lui permettrait pas d’assurer le remboursement des plus de trois millions d’euros que représente la subvention puisque, comme les audits l’ont démontré (voir annexes 5 et 50), les fonds ont été investis correctement et conformément à la réglementation applicable » et enfin que « la situation de l’entreprise est attestée par les comptes de 2010 et 2011 (voir annexe 48) ».

15      Or, force est de constater que, si ces allégations présentent un certain lien avec les intérêts financiers de la requérante, elles ne sauraient en aucun cas être considérées comme fournissant une image fidèle et globale de la situation financière de cette dernière, d’autant qu’elles ne sont étayées par aucune preuve documentaire. En omettant de mentionner des indications relatives à son chiffre d’affaires, et ce dans le texte même de la demande en référé (voir point 10 ci-dessus), la requérante, notamment, ne permet pas au juge des référés d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave, en ce que l’exécution de l’acte attaqué menacerait son existence.

16      Au demeurant, les indications établissant une telle image fidèle et globale doivent être étayées par des documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur à la requérante, permettant d’apprécier la véracité desdites indications (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 35 ; du 13 octobre 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R II, Rec. p. II‑4085, point 83, et du 15 mars 2010, GL2006 Europe/Commission, T‑435/09 R, non publiée au Recueil, point 34). Or, les annexes 5, 48 et 50 jointes à la demande en référé et citées par la requérante dans ce contexte, outre qu’elles n’explicitent nullement la situation financière actuelle de cette dernière, ne satisfont pas au critère formel établi par cette jurisprudence, ce qui est d’ailleurs également vrai pour les annexes 36 et 38 dans la version régularisée de ces pièces. S’agissant des autres annexes, il n’incombe pas au juge des référés d’y rechercher, en lieu et place de la requérante, les éléments qui seraient de nature à corroborer la demande en référé (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, points 36 et 37).

17      Par ailleurs, la requérante a omis de se prononcer sur le caractère irréparable du préjudice financier allégué. Notamment, elle n’a pas exposé ce qui l’empêcherait, en cas d’annulation de l’acte attaqué, d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, la seule possibilité de former un tel recours étant suffisante pour attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

18      En conséquence, la simple affirmation, par la requérante, de l’imminence d’un préjudice grave et irréparable n’est manifestement pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et ne satisfait pas au critère de clarté et de précision établi par la jurisprudence mentionnée au point 10 ci-dessus. En effet, la demande en référé ne permet pas, à elle seule, au juge des référés de se prononcer sur la condition relative à l’urgence.

19      Il s’ensuit que la demande en référé doit être rejetée comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la condition relative au fumus boni juris, de procéder à une mise en balance des différents intérêts en présence ou d’examiner si l’acte attaqué et les notes de débit jointes à celui-ci peuvent être qualifiés d’actes attaquables.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :


1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 8 mai 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’espagnol.