Language of document : ECLI:EU:T:2012:3

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 janvier 2012(*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Régime allemand relatif aux indemnités versées aux salariés des entreprises devenues insolvables et à leur financement – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑58/10,

Phoenix-Reisen GmbH, établie à Bonn (Allemagne),

Deutscher Reiseverband eV (DRV), établie à Berlin (Allemagne),

représentées par Me R. Gerharz, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze, J. Möller et B. Klein, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 8707 final de la Commission, du 19 novembre 2009, déclarant que le régime relatif aux indemnités versées aux salariés des entreprises devenues insolvables et à leur financement, prévu par la législation allemande, ne constitue pas une aide d’État (aide NN 55/2009) (JO C 323, p. 5),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mmes I. Wiszniewska-Bialecka et M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Phoenix-Reisen GmbH et Deutscher Reiserverband eV (DRV), sont, respectivement, une société établie en Allemagne, active dans le secteur de l’organisation de voyages aériens ainsi que de croisières fluviales et maritimes, opérant en Europe et hors d’Europe, et une association de droit allemand composée d’entreprises actives dans le secteur de l’organisation et/ou de la revente de voyages.

2        Par lettres des 6 mars et 4 avril 2007, les requérantes ont introduit auprès de la Commission européenne une plainte concernant de prétendues aides d’État octroyées par la République fédérale d’Allemagne au moyen du versement d’indemnités d’insolvabilité aux salariés d’entreprises tombées en faillite, tel que prévu, notamment, par les articles 183, 188, 356 et 358 du Sozialgesetzbuch III (code allemand de la sécurité sociale, troisième livre) (ci-après le « SGB III »).

3        Par lettre du 4 mai 2007, la Commission a communiqué aux requérantes son analyse des mesures dénoncées dans la plainte, indiquant, à cet égard, que celles-ci ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans cette même lettre, la Commission a imparti aux requérantes un délai de quinze jours aux fins de présenter des éléments nouveaux visant à établir l’existence d’aides d’État, tout en attirant leur attention sur le fait qu’il serait procédé à la clôture du dossier en l’absence de tels éléments.

4        Par lettre du 8 janvier 2009, à la suite d’une prorogation du délai imparti par la Commission, les requérantes ont fait part à cette dernière de leurs observations.

5        Par lettre du 13 février 2009, la Commission a fait part aux requérantes de son analyse des mesures dénoncées dans la plainte et a conclu que lesdites mesures ne comportaient pas d’éléments d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (ci-après la « lettre du 13 février 2009 »).

6        Le 27 mars 2009, les requérantes ont introduit un recours en annulation enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑120/09 contre la lettre du 13 février 2009.

7        Par lettre du 21 août 2009, les requérantes ont mis en demeure la Commission d’adopter une décision concernant les mesures dénoncées dans leur plainte, conformément à l’article 20, paragraphe 2, et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999, du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 CE (JO L 83, p. 1).

8        Le 19 novembre 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 8707 final (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a considéré que ni le versement de l’indemnité d’insolvabilité, ni son préfinancement, ni même le mode de financement desdites indemnités, tels que prévus par le SGB III, ne constituaient des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, elle a relevé, en substance, que le versement des indemnités d’insolvabilité en cause ainsi que leur préfinancement n’étaient pas imputables à la République fédérale d’Allemagne. La Commission a souligné qu’en adoptant les dispositions du SGB III qui prévoient l’indemnité d’insolvabilité la République fédérale d’Allemagne s’était bornée à transposer dans sa législation la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283, p. 23). En outre, elle a estimé que le système de préfinancement desdites indemnités, bien que non prévu par ladite directive, avait été adopté dans le cadre de la marge d’appréciation dont bénéficiaient les États membres aux fins de la transposition de cette directive.

9        S’agissant du mode de financement des indemnités d’insolvabilité, d’une part, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si celui-ci faisait partie intégrante des mesures en cause, au motif que ces dernières n’étaient pas des aides d’État. D’autre part, la Commission a estimé que, même si lesdites mesures étaient considérées comme des aides d’État, c’est par principe aux juridictions nationales qu’il incombait d’ordonner les mesures que cette illégalité entraînait pour le financement d’une aide.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2010, les requérantes ont, d’une part, introduit le présent recours et, d’autre part, sollicité du Tribunal la jonction de la présente affaire avec l’affaire T-120/09.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2010, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par ordonnance du 29 juillet 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République fédérale d’Allemagne.

13      Par ordonnance du 9 septembre 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal a prononcé un non-lieu à statuer dans l’affaire T‑120/09 ainsi que sur la demande de jonction de cette dernière avec la présente affaire.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 septembre 2010, la République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention.

15      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent été attribuée.

16      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 Sur la recevabilité

18      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties ayant été entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public au rang desquelles figurent les conditions de recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, Rec. p. I‑5263, point 32 ; arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑88/01, Rec. p. II‑1165, point 53, et ordonnance du Tribunal du 21 janvier 2011, Vtesse Networks/Commission, T‑54/07, non encore publiée au Recueil, point 48). Conformément à l’article 114, paragraphe 3, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

19      En l’espèce, sans exciper de l’irrecevabilité du recours par acte séparé, la Commission a fait valoir des arguments en ce sens dans le mémoire en défense et dans le mémoire en duplique en invoquant d’une part, l’absence de qualité pour agir des requérantes et, d’autre part, leur défaut d’intérêt à agir. La requérante a répliqué auxdits arguments. Dans son mémoire en intervention, la République fédérale d’Allemagne a fait valoir que le recours était irrecevable en renvoyant à cet égard à l’argumentation de la Commission.

20      Dans ces conditions, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé et décide, en application de l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans ouvrir la procédure orale.

 Sur la qualité pour agir

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les personnes physiques et morales peuvent attaquer les décisions dont elles sont les destinataires ou qui les concernent directement et individuellement.

22      En l’espèce, en premier lieu, la Commission soutient que les requérantes ne sont pas les destinataires de la décision attaquée, cette dernière étant adressée, à l’instar de toutes les décisions en matière d’aides d’État, à l’État membre concerné, à savoir, en l’espèce, la République fédérale d’Allemagne.

23      Les requérantes font valoir que la décision attaquée constitue un refus d’agir à la suite de leur plainte et doit, dès lors, être considérée comme une décision dirigée à leur égard.

24      À cet égard il convient de relever que la décision attaquée est une décision, adoptée sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, par laquelle la Commission a constaté que les mesures dénoncées dans la plainte des requérantes ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE.

25      Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions adoptées par la Commission dans le domaine des aides d’État n’ont pour destinataires que les États membres concernés. Cela vaut également lorsque ces décisions concernent des mesures étatiques dénoncées dans des plaintes comme des aides d’État contraires au traité et qu’il en résulte que la Commission refuse d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, parce qu’elle estime soit que les mesures dénoncées ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE, soit qu’elles sont compatibles avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 45).

26      Il s’ensuit que, en l’espèce, les requérantes ne sauraient être considérées comme destinataires de la décision attaquée.

27      En deuxième lieu, la Commission soutient que les requérantes ne sont pas individuellement affectées par la décision attaquée. À cet égard, elle fait valoir que les requérantes ne cherchent pas à obtenir, par le présent recours, le respect des garanties de procédure qui découlent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mais se bornent à mettre en cause le bien-fondé de l’appréciation des mesures en cause en tant que telle, sans apporter d’éléments de nature à démontrer que leur position concurrentielle sur le marché est substantiellement affectée par lesdites mesures.

28      Les requérantes font valoir qu’elles sont directement et individuellement concernées par la décision attaquée.

29      À cet égard, les requérantes soutiennent qu’il suffirait qu’elles soient seulement menacées de subir un préjudice pour être considérées comme concernées par la décision attaquée. Or, en l’espèce, un tel préjudice serait déjà survenu dans la mesure où, ainsi qu’en attesteraient une circulaire et un communiqué de presse annexés à la requête, les indemnités d’insolvabilité en cause auraient permis à deux entreprises concurrentes de continuer à opérer sur le marché de l’organisation de voyages touristiques, celles-ci ayant donc pu conclure et exécuter des contrats qui, en l’absence de telles indemnités, auraient été conclus et exécutés par Phoenix-Reisen et les membres de DRV.

30      S’agissant de l’affectation individuelle des requérantes par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, en ce sens, arrêts de la Cour, du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 223, et du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié au Recueil, point 19).

31      Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cette disposition, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de la mesure étatique en cause, et, d’autre part, la phase d’examen formelle, visée au paragraphe 2. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 34, et Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, précité, point 20).

32      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission constate par une décision prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, soit que la mesure étatique en cause n’est pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si ladite mesure est qualifiée d’aide, qu’elle est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 23 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 17, Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 40, et Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, précité, point 21).

33      Pour ces motifs, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE, introduit par un intéressé au sens du paragraphe 2 du même article, est déclaré recevable lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 35).

34      Or, ces intéressés qui peuvent, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, introduire des recours en annulation sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par une mesure étatique, c’est-à-dire, notamment, les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette mesure et les organisations professionnelles (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 41).

35      En revanche, si, par l’introduction de son recours, un requérant ne vise pas à obtenir l’annulation d’une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE au motif que celle-ci a été adoptée par la Commission sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mais se borne à mettre en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de la mesure étatique en cause en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens de cette dernière disposition ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité. Tel serait notamment le cas si la position du requérant sur le marché était substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, précité, point 24, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 37).

36      À cet égard, il convient de relever que les requérantes soulèvent, en substance, un moyen unique, tiré de ce que la Commission aurait estimé à tort, dans la décision attaquée, que les mesures dénoncées dans leur plainte, à savoir les indemnités d’insolvabilité versées aux salariés des entreprises devenues insolvables, le préfinancement desdites indemnités et leur mode de financement, ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

37      À l’appui de ce moyen unique, les requérantes avancent plusieurs arguments qui visent à démontrer que les mesures en cause constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

38      Il ressort ainsi des points 32, 35 et 62 de la requête que les requérantes font valoir que les mesures en cause constituent un avantage direct accordé aux entreprises qui en bénéficient en les dispensant de leurs frais de personnel. Ces mesures auraient, en outre, ainsi que cela ressort du point 64 de la requête, un caractère sélectif, car elles bénéficient uniquement aux entreprises devenues insolvables et non à toutes les entreprises allemandes et, en tout état de cause, elles ne sont pas octroyées aux entreprises d’autres États membres.

39      Les requérantes font également valoir que les mesures en cause sont imputables à la République fédérale d’Allemagne. D’une part, ainsi que cela ressort du point 69 de la requête et du point 11 du mémoire en réplique, la mise en oeuvre du mécanisme de préfinancement des indemnités d’insolvabilité nécessiterait l’intervention de l’État. D’autre part, les requérantes soutiennent aux points 67 de la requête et 9 du mémoire en réplique que, bien que les indemnités d’insolvabilité soient financées par des ressources privées, ces dernières sont collectées sous la contrainte de la République fédérale d’Allemagne, qui pourrait en disposer de la même façon que des ressources provenant d’un impôt.

40      En outre, les requérantes font valoir, ainsi que cela ressort des points 39, 60, 61 et 66 de la requête, que l’illégalité des mesures en cause ne peut pas être justifiée par la directive 80/987. À cet égard, les requérantes soutiennent que, d’une part, cette directive a été transposée dans d’autres États membres de manière à protéger les salariés et non les employeurs et, d’autre part, la marge de manœuvre de l’État pour transposer une directive est limitée par le respect des autres règles du droit de l’Union.

41      Les requérantes font encore valoir, au point 63 de la requête, que la qualification des indemnités d’insolvabilité et du mécanisme de préfinancement d’aides d’État est susceptible d’entraîner l’illégalité de leur mode de financement. Ce dernier serait, en tout état de cause, illégal, ainsi que cela ressort du point 10 de la réplique, dans la mesure où il repose sur la contribution des concurrents des entreprises qui bénéficient du préfinancement des indemnités d’insolvabilité.

42      Dès lors, force est de constater que, par leur recours, les requérantes visent uniquement à contester le bien-fondé de la décision d’appréciation des mesures en cause en tant que telle.

43      Or, il n’appartient pas au Tribunal d’interpréter un tel recours comme visant en réalité à obtenir l’annulation de la décision attaquée au motif qu’elle a été adoptée par la Commission sans ouvrir la procédure formelle d’examen, violant, ce faisant, les droits procéduraux que les requérantes tireraient de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Une telle interprétation du recours constituerait en effet une modification de son objet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Kronoply et Kronotex/Commission, T‑388/02, non publié au Recueil, point 81).

44      Il s’ensuit que, nonobstant la possibilité que les requérantes puissent être considérées comme des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il convient de vérifier, aux fins de déterminer si elles sont individuellement et directement concernées par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que leur position sur le marché a été substantiellement affectée par les mesures en cause.

45      À cet égard, il convient de relever qu’il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre les requérantes et les bénéficiaires des mesures en cause. Dans ce contexte, il incombe seulement aux requérantes d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision attaquée est susceptible de léser leurs intérêts légitimes en affectant substantiellement leur position sur le marché en cause (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 21 octobre 2004, Lenzing/Commission, T-36/99, Rec. p. II-3597, point 80).

46      Dans ce contexte, la question qui se pose est celle de savoir si l’intéressé se trouverait dans une situation plus favorable en l’absence de la décision dont il poursuit l’annulation. Cela peut valablement couvrir l’hypothèse du manque à gagner subi par ce dernier du fait de l’octroi d’un avantage par des autorités publiques à un de ses concurrents ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide. De même, l’intensité d’une telle atteinte est susceptible de varier selon un grand nombre de facteurs tels que la structure du marché en cause ou la nature de la mesure en question (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 35, et arrêt Lenzing/Commission, précité, point 90).

47      En l’espèce, les requérantes font valoir qu’elles sont concernées par la décision attaquée en ce que les mesures sur lesquelles porte ladite décision permettent de maintenir sur le marché en cause, à savoir celui de l’organisation de voyages aériens, fluviaux et maritimes en Europe et hors d’Europe, des entreprises qui, en l’absence de telles mesures, auraient disparu de ce marché.

48      Il convient cependant de constater que, à supposer que les requérantes se trouvent dans une relation de concurrence avec les bénéficiaires des mesures faisant l’objet de la décision attaquée, elles n’ont fourni, ni même avancé, aucun élément pertinent permettant de considérer que leur position concurrentielle était substantiellement affectée par de telles mesures. En effet, les requérantes se bornent à soutenir qu’elles auraient conclu et exécuté davantage de contrats si les bénéficiaires des mesures en cause avaient disparu du marché à la suite de leur insolvabilité.

49      Certes, il ressort des documents annexés à la requête, à savoir une circulaire et un communiqué de presse, que deux entreprises bénéficiaires des mesures en cause ont pu continuer à opérer, respectivement, sur le marché allemand de l’organisation de croisières fluviales et sur le marché allemand des croisières océaniques, à la suite des versements des indemnités d’insolvabilité. Toutefois, de tels documents, au vu de leur caractère général, ne permettent pas d’établir avec une certitude suffisante que les requérantes auraient été amenées à conclure et à exécuter davantage de contrats, de sorte que leur situation concurrentielle aurait été meilleure en l’absence des mesures en cause.

50      Cette constatation est par ailleurs corroborée par la circonstance, relevée par les requérantes au point 6 de leur requête, que de nombreux opérateurs sont présents sur le marché en cause, tant au niveau national qu’au niveau européen. En effet, en présence d’une éventuelle forte concurrence, il ne peut être simplement supposé que les requérantes auraient conclu et exécuté davantage de contrats en cas de disparition du marché des entreprises bénéficiant des mesures en cause, sans aucun élément probant à l’appui de cette allégation.

51      Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas que la décision attaquée les atteint d’une manière particulière en raison de qualités qui leur sont propres ou en raison d’une situation de fait qui les individualise par rapport aux autres opérateurs économiques, de la même manière que si elles étaient destinataires de cette décision.

52      Par ailleurs, il convient de relever qu’il ressort des points 72 à 74 et 79 de la requête ainsi que des points 5 à 8 du mémoire en réplique que les arguments des requérantes, relatifs, d’une part, à leur contribution au financement des mesures en cause et, d’autre part, à la prétendue violation de leur droit à une protection juridictionnelle effective, visent uniquement à démontrer qu’elles sont directement concernées par la décision attaquée.

53      Or, force est de constater que, à supposer que de tels arguments soient de nature à démontrer que les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée, il n’en reste pas moins qu’une telle constatation ne permettrait pas de rapporter la preuve que les requérantes sont individuellement affectées par la décision attaquée.

54      Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne démontrent pas, en l’espèce, qu’elles sont individuellement concernées par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

55      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le défaut d’intérêt à agir des requérantes, tel que soulevé par la Commission, il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

57      Par ailleurs, selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Phoenix-Reisen GmbH et Deutscher Reiseverband eV (DRV) supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 janvier 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’allemand.