Language of document : ECLI:EU:T:2007:104

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

30 mars 2007 (*)

« Référé – Demandes de mesures provisoires et de sursis à exécution – Directive 91/414/CEE – Irrecevabilité »

Dans les affaires T‑393/06 R I, T‑393/06 R II et T‑393/06 R III,

Makhteshim-Agan Holding BV, établie à Amsterdam (Pays‑Bas),

Makhteshim-Agan Italia Srl, établie à Bergame (Italie),

Magan Italia Srl, établie à Bergame,

représentées par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et B. Doherty, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes visant au sursis à l’exécution d’une décision qui serait contenue dans une lettre de la Commission, du 12 octobre 2006, relative à l’évaluation de la substance active azinphos-méthyl, conformément à la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), ainsi qu’au prononcé d’autres mesures provisoires,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La présente ordonnance en référé s’inscrit dans un cadre juridique complexe, fixé par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), qui établit le régime communautaire applicable à l’autorisation et au retrait de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (voir, pour l’exposé des dispositions de la directive 91/414, ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R, non publiée au Recueil, points 1 à 17).

2        Dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’exposer tous les détails de ce cadre juridique, seules seront rappelées les dispositions qui ont un intérêt pour la solution de la présente affaire en référé.

3        L’article 4 de la directive 91/414 prévoit que « [l]es États membres veillent à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement [...] si ses substances actives sont énumérées à l’annexe I ».

4        Les substances actives qui ne sont pas inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 peuvent bénéficier, dans certaines conditions, d’un régime dérogatoire transitoire. L’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 dispose ainsi qu’« un État membre peut, pendant une période de douze ans à compter de la date de notification de la présente directive, autoriser la mise sur le marché, sur son territoire, de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non visées à l’annexe I, qui sont déjà sur le marché deux ans après la date de notification de la présente directive ».

5        Le règlement (CEE) n° 3600/92 de la Commission, du 11 décembre 1992, établissant les modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 366, p. 10), organise la procédure d’évaluation de plusieurs substances en vue de leur inscription éventuelle à l’annexe I de la directive. Parmi ces substances figure l’azinphos-méthyl.

6        L’article 19 de la directive 91/414, tel que modifié par le règlement (CE) n° 806/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (majorité qualifiée) (JO L 122, p. 1), prévoit que « la Commission est assistée par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale institué par l’article 58 du règlement (CE) n° 178/2002 » (ci‑après le « comité phytosanitaire permanent »), comité de réglementation dont la procédure est régie par les articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CEE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), telle que modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil, du 17 juillet 2006 (JO L 200, p. 11).

7        L’article 1er du règlement (CE) n° 2076/2002 de la Commission, du 20 novembre 2002, prolongeant la période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et concernant la non-inclusion de certaines substances actives à l’annexe I de cette directive, ainsi que le retrait des autorisations relatives à des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances (JO L 319, p. 3), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1335/2005 de la Commission, du 12 août 2005 (JO L 211, p. 6), prévoit :

« La période de douze ans visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414[…] est prolongée jusqu’au 31 décembre 2006 pour les substances actives qui sont évaluées dans le cadre du règlement […] n° 3600/92 [...][Jusqu’à cette date], les États membres peuvent continuer à autoriser ou autoriser à nouveau la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives, conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414. »

8        L’article 7, paragraphe 3 bis, du règlement n° 3600/92, inséré par le règlement (CE) nº 1199/97 de la Commission, du 27 juin 1997, modifiant le règlement nº 3600/92 (JO L 170, p. 19), prévoit que, à la suite de la procédure d’évaluation, la Commission saisit le comité phytosanitaire permanent soit d’un projet de directive visant à inscrire la substance active à l’annexe I de la directive, soit d’un projet de décision concernant le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active, soit d’un projet de décision visant un tel retrait tout en conservant cependant la possibilité de réexaminer l’inscription dans l’annexe I de ladite directive après la communication des résultats d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires, soit enfin d’un projet de décision visant à reporter l’inscription de la substance active jusqu’à la communication des résultats d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires.

9        L’article 5 de la décision 1999/468 prévoit :

« [...]

2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet [...]

[...]

4. Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l’avis du comité, ou en l’absence d’avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre et en informe le Parlement européen.

[...]

6. [...] Si [...] le Conseil a indiqué, à la majorité qualifiée, qu’il s’oppose à la proposition, la Commission réexamine celle-ci. Elle peut soumettre au Conseil une proposition modifiée, soumettre à nouveau sa proposition ou présenter une proposition législative sur la base du traité. »

 Faits à l’origine du litige

10      Makhteshim‑Agan Holding BV est un distributeur d’azinphos-méthyl dans l’Union européenne. Makhteshim‑Agan Italia Srl est titulaire d’autorisations pour la commercialisation en Italie de produits phytopharmaceutiques à base d’azinphos-méthyl et distribue sous licence d’autres produits pour lesquels Magan Italia Srl est titulaire d’autorisations de commercialisation.

11      À une date non précisée dans le dossier mais, en tout cas, antérieure au 31 juillet 1993, Makhteshim‑Agan International Co-ordination Center, ensuite remplacé par Makhteshim‑Agan Holding BV, a notifié à la Commission son souhait d’obtenir l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414.

12      Le 3 mars 2006, la Commission a soumis au comité phytosanitaire permanent un projet de directive visant l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414.

13      Le comité phytosanitaire permanent ayant émis un avis défavorable sur ce projet de directive, la Commission a, conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la décision 1999/468, soumis au Conseil le même projet de directive. Le 18 septembre 2006, le Conseil s’est opposé à celui-ci.

14      Le 12 octobre 2006, la Commission a adressé une lettre à la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’État membre rapporteur pour l’azinphos-méthyl (ci-après l’« acte attaqué »), portant la conclusion suivante :

« La Commission ne voit aucune possibilité de modifier l’avis du Conseil sur cette substance. Par conséquent, il serait inutile que la Commission propose à nouveau le même projet ou un projet modifié (par exemple, un projet de directive visant l’inscription de la substance à l’annexe I avec des conditions supplémentaires). Pour les mêmes raisons, il serait inutile que la Commission soumette une proposition législative conformément à l’article 37 CE : la position du Conseil resterait la même et il serait irréaliste d’imaginer qu’un tel texte puisse être adopté avant le délai du 31 décembre 2006.

Par conséquent, la Commission estime que l’opposition du Conseil signifie qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise en vue d’une autorisation de l’azinphos-méthyl. En l’absence de toute autorisation au niveau communautaire avant la date prévue par l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, il n’y aura plus de base juridique permettant de maintenir la substance sur le marché. Cette date est le 31 décembre 2006 (voir l’article 1er du règlement n° 2076/2002, tel que modifié par le règlement n° 1335/2005).

Les États membres devront donc s’assurer que les autorisations pour les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance seront retirées avant le 31 décembre 2006. Je vous saurais gré de bien vouloir informer les parties intéressées (producteurs, distributeurs et agriculteurs, etc.) dans votre État membre, ainsi que l’auteur de la notification avec lequel vous avez été en relation en tant qu’État membre rapporteur. »

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2006, les requérantes ont introduit, d’une part, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l’annulation de l’acte attaqué et, d’autre part, sur le fondement de l’article 232 CE, un recours visant à faire constater une carence de la Commission.

16      Par actes séparés déposés au greffe les 21 et 22 décembre 2006, les requérantes ont introduit, chacune, une demande en référé.

17      Par actes déposés au greffe le 17 janvier 2007, la Commission a présenté ses observations dans les trois affaires en référé.

18      Le 1er février 2007, les parties ont été entendues en leurs explications orales.

19      Par acte déposé au greffe le 15 février 2007, les requérantes ont communiqué des informations supplémentaires, sur lesquelles la Commission a présenté ses observations le 8 mars 2007.

20      Le 1er mars 2007, le juge des référés a invité les parties dans les trois affaires en référé à déposer, avant le 6 février 2006, leurs observations éventuelles sur la jonction des trois affaires en référé, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le 6 mars 2007, les requérantes ont déféré à cette invitation.

21      Dans les trois affaires en référé, les requérantes concluent à ce que le président du Tribunal :

–        déclare les demandes recevables et bien fondées ;

–        suspende, jusqu’à la solution de l’affaire au principal, l’acte attaqué pour autant qu’il équivaut de facto et de jure à une non-inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414 ;

–        suspende le délai mentionné à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, en ce qui concerne l’azinphos-méthyl, jusqu’à la solution de l’affaire au principal et jusqu’à ce qu’une décision soit adoptée quant à l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de cette même directive, ou ordonne (ou enjoigne à la Commission de prévoir) une prorogation de ce délai, afin de permettre aux États membres de continuer à accorder des autorisations pour les produits phytopharmaceutiques à base d’azinphos-méthyl après le 31 décembre 2006 et d’autoriser la commercialisation et la vente de tels produits sur leur territoire ;

–        condamne la Commission aux dépens.

22      Dans les trois affaires en référé, la Commission conclut à ce que le président du Tribunal rejette les demandes en référé comme irrecevables ou non fondées et condamne les requérantes aux dépens.

 En droit

23      En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

24      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, point 47].

25      En l’espèce, d’abord, étant donné, d’une part, que les affaires T‑393/06 R I, T‑393/06 R II et T‑393/06 R III portent sur des faits très similaires et ont un objet identique et, d’autre part, que la question relative à l’urgence ne sera pas examinée dans la présente ordonnance, il y a lieu, en application de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure, d’ordonner leur jonction aux fins de la présente ordonnance. Ensuite, il convient d’examiner la question relative à la recevabilité des demandes en référé.

 Arguments des parties

26      Selon les requérantes, le recours au principal est prima facie recevable. Elles font valoir à cet égard, premièrement, que la requête a été déposée au greffe du Tribunal dans le délai prévu par l’article 230, quatrième alinéa, CE, deuxièmement, que l’acte attaqué, dès lors qu’il résulte de la dernière étape de l’évaluation de l’azinphos-méthyl prévue par la directive 91/414, est contraignant et produit des effets de droit définitifs, tels que, notamment, l’interdiction de la commercialisation de l’azinphos-méthyl et des produits phytopharmaceutiques à base d’azinphos-méthyl et, troisièmement, que, bien que l’acte attaqué ne leur ait pas été adressé, il les concerne directement et individuellement en raison d’un certain nombre de caractéristiques qui leur sont propres, telles que la qualité d’auteur de la notification ou de fournisseur principal de données pendant la procédure administrative.

27      En tout état de cause, selon les requérantes, la question de la recevabilité du recours au principal ne doit pas en principe être examinée dans le cadre d’une procédure relative à une demande de mesures provisoires, afin de ne pas préjuger du fond de l’affaire.

28      La Commission estime, en revanche, que les demandes en référé sont irrecevables en raison du fait que les recours au principal sur lesquels elles se greffent sont irrecevables.

29      Selon elle, tout d’abord, l’acte attaqué n’est pas un acte susceptible de produire des effets contraignants, ensuite, il ne concerne pas individuellement les requérantes et, enfin, le recours en carence n’a pas été introduit conformément aux exigences de l’article 232 CE.

 Appréciation du juge des référés

30      Il convient de rappeler que l’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que toute demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution, présentée au titre de l’article 242 CE, n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal.

31      En l’occurrence, comme il a été mentionné au point 15 ci-dessus, les requérantes ont introduit, d’une part, un recours visant à l’annulation de l’acte attaqué, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et, d’autre part, un recours visant à faire constater la carence de la Commission, sur le fondement de l’article 232 CE.

32      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé. Il peut, néanmoins, s’avérer nécessaire, lorsque l’irrecevabilité manifeste du recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, ce qui est le cas en l’espèce, d’établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d’un tel recours. En effet, pour qu’une demande en référé soit déclarée recevable, le requérant doit établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité du recours au fond sur lequel se greffe sa demande, afin d’éviter qu’il puisse, par la voie du référé, obtenir le bénéfice de mesures provisoires auxquelles il ne pourrait pas avoir droit si son recours était déclaré irrecevable lors de son examen au fond (ordonnance du président de la Cour du 27 janvier 1988, Distrivet/Conseil, 376/87 R, Rec. p. 209, point 21 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 42, et du 24 mars 2006, Sumitomo Chemical Agro Europe et Philagro France/Commission, T‑454/05 R, non publiée au Recueil, point 46).

33      Dès lors, il y a lieu de vérifier si les requérantes ont établi, dans leur demande en référé respective, l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, que les recours en annulation et en carence au principal ne sont pas manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité à première vue du recours en annulation

34      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, point 28). Il convient également de rappeler que la forme dans laquelle l’acte attaqué a été adopté est, en principe, indifférente quant à l’analyse de ses effets juridiques, ceux-ci devant être examinés en premier lieu en fonction de la substance de l’acte (ordonnances du Tribunal du 15 mai 1997, Berthu/Commission, T‑175/96, Rec. p. II‑811, point 19, et du 4 mai 1998, BEUC/Commission, T‑84/97, Rec. p. II‑795, point 48).

35      En l’espèce, les requérantes invoquent en substance deux arguments. Elles affirment, d’une part, que l’acte attaqué, dans la mesure où il exprime une position définitive de la Commission dans le cadre de la procédure d’évaluation prévue par la directive 91/414, est un acte qui produit des effets juridiques propres, notamment l’interdiction de la commercialisation de l’azinphos-méthyl et de produits phytopharmaceutiques à base d’azinphos-méthyl, et, d’autre part, que l’acte attaqué les affecte directement et individuellement en raison de leur qualité d’auteur de la notification ou de fournisseur principal de données.

36      Sans préjuger l’appréciation du Tribunal dans le cadre du recours au principal, il y a donc lieu d’apprécier si, à ce stade, l’acte attaqué peut être considéré, à première vue, comme attaquable au sens de l’article 230 CE.

37      Les requérantes allèguent que l’acte attaqué a pour effet juridique d’interdire la commercialisation dans l’Union européenne de l’azinphos-méthyl et des produits à base d’azinphos-méthyl.

38      Il y a lieu de rappeler à cet égard que par l’acte attaqué la Commission, d’une part, après avoir pris acte des circonstances factuelles dans lesquelles elle se trouvait et constaté l’impossibilité, dans ces circonstances, qu’une directive visant l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414, même assortie de restrictions très strictes, soit adoptée, a informé la République fédérale d’Allemagne de son intention de ne pas poursuivre la procédure d’adoption d’une décision de non-inscription ou d’une directive visant l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414 et, d’autre part, a exposé son interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, en rappelant que les États membres devront s’assurer que les autorisations accordées pour les produits contenant cette substance seront retirées avant le 31 décembre 2006.

39      S’agissant de la partie de l’acte attaqué dans laquelle la Commission informe la République fédérale d’Allemagne de son intention de ne pas poursuivre la procédure d’adoption d’une décision de non-inscription ou d’une directive visant l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I de la directive 91/414, il convient de rappeler qu’un tel acte, qui ne traduit que l’intention de la Commission de suivre une certaine ligne de conduite, ne saurait être considéré comme visant à produire des effets de droit (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, 114/86, Rec. p. 5289, point 13 ; du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 28, et du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, Rec. p. I‑2415, point 34). En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, il apparaît à ce stade que ce n’est pas l’annonce de cette intention, mais l’écoulement du délai prévu par l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et par l’article 1er, du règlement n° 2076/2002 qui est de nature à produire des effets juridiques, en ce sens qu’il met un terme au régime dérogatoire transitoire, venu à échéance le 31 décembre 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, précité, point 13). Les requérantes, quant à elles, n’ont fourni dans le cadre de la procédure en référé aucun élément permettant de considérer que l’existence même de l’acte attaqué modifie de façon caractérisée leur situation juridique.

40      S’agissant de la partie de l’acte attaqué dans laquelle la Commission expose son interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, en rappelant l’obligation des États membres de s’assurer que les autorisations de commercialisation des produits en cause seront retirées, il convient de rappeler qu’une manifestation d’opinion écrite émanant d’une institution communautaire ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission, 133/79, Rec. p. 1299, points 16 et 17 ; du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, point 39 supra, point 12, et ordonnance de la Cour du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151/88, Rec. p. 1255, point 22).

41      En l’espèce, ce n’est pas l’interprétation de la directive 91/414 exposée par la Commission qui est susceptible de produire des effets juridiques, mais son application à une situation donnée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 23). Ainsi que le fait valoir la Commission, même en l’absence de l’acte attaqué, les États membres, après l’écoulement du délai prévu par l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et par l’article 1er du règlement n° 2076/2002, étaient tenus, en vertu de l’article 4 de la directive 91/414, de retirer leurs autorisations de commercialisation de l’azinphos-méthyl et des produits phytopharmaceutiques à base d’azinphos-méthyl.

42      En outre, il convient de rappeler que, dans le système institutionnel communautaire et selon les règles régissant la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres, il appartient à ces derniers, en l’absence d’une disposition contraire du droit communautaire, d’assurer sur leur territoire l’exécution des réglementations communautaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juillet 1987, Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, Rec. p. 3005, point 11, et ordonnance du président du Tribunal du 14 octobre 1996, Valio/Commission, T‑137/96 R, Rec. p. II‑1327, point 30).

43      Or, selon l’article 4 de la directive 91/414, il appartient aux « États membres [de veiller] à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement [...] si ses substances actives sont énumérées à l’annexe I ».

44      Dès lors, dans la mesure où l’exécution des dispositions de l’article 4 de la directive 91/414 incombe aux États membres, la Commission n’a aucune compétence pour prendre des décisions quant à son interprétation. Conformément à une jurisprudence bien établie, la Commission ne saurait donc exprimer, dans un acte tel que celui attaqué, qu’une opinion ne liant pas les autorités nationales compétentes et n’affectant pas la situation juridique des requérantes (voir, en ce sens, arrêt Sucrimex et Westzucker/Commission, point 40 supra, point 16 ; ordonnance du Tribunal du 21 octobre 1993, Nutral/Commission, T‑492/93 et T‑492/93 R, Rec. p. II‑1023, points 25 à 29, et ordonnance Valio/Commission, point 42 supra, point 36).

45      En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel l’acte attaqué équivaut à une décision de non-inscription à l’annexe I de la directive 91/414, il convient de constater que l’acte attaqué n’apparaît ni par sa forme, ni par son contenu, ni par son contexte comme une décision de la Commission adoptée au titre de l’article 7, paragraphe 3 bis, du règlement n° 3600/92.

46      Tout d’abord, l’acte attaqué n’a pas la forme d’une décision, mais celle d’une simple lettre adressée à la République fédérale d’Allemagne. En outre, il n’a pas été publié au Journal officiel de l’Union européenne et n’a pas été adopté à l’issue de la procédure prévue par la directive 91/414.

47      Ensuite, l’acte attaquée n’a pas le contenu d’une décision, dans la mesure où il se borne à indiquer les effets futurs découlant, selon la Commission, de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, tel que modifié par l’article 1er du règlement n° 2076/2002.

48      Enfin, le contexte dans lequel l’acte attaqué a été adressé indique que la Commission n’avait pas l’intention d’adopter un acte produisant des effets autres que ceux résultant de l’écoulement du délai prévu par la directive 91/414. En effet, la Commission explique, dans l’acte attaqué, sa ligne de conduite en exposant, premièrement, que le comité phytosanitaire permanent et le Conseil s’étaient opposés à son projet de directive, deuxièmement, qu’une modification du projet de directive n’était pas envisageable et, troisièmement, qu’il était impossible d’obtenir l’approbation d’un nouveau projet de directive avant le 31 décembre 2006.

49      Dans ces conditions, force est de constater que les requérantes n’ont pas démontré que l’acte attaqué équivalait à une décision de non-inscription au sens de la directive 91/414. En outre, elles n’ont pas non plus démontré à suffisance de droit que l’acte attaqué était susceptible de produire des effets juridiques de nature à modifier de façon caractérisée leur situation juridique.

50      Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes n’ont pas établi à suffisance de droit que le recours en annulation sur lequel se greffent leurs demandes en référé n’était pas, à première vue, manifestement irrecevable.

 Sur la recevabilité à première vue du recours en carence

51      Il y a lieu de constater, à titre préliminaire, qu’il ressort des demandes en référé que celles-ci se greffent uniquement sur le recours au principal visant à l’annulation de l’acte attaqué, introduit sur le fondement de l’article 230 CE.

52      Si cette considération suffit en principe pour rejeter les demandes en référé comme manifestement irrecevables dès lors qu’elles se greffent sur un recours au principal à première vue irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance Sumitomo Chemical Agro Europe et Philagro France/Commission, point 32 supra, points 44 et 64), il convient néanmoins d’examiner les arguments avancés par la Commission qui visent à démontrer que le recours en carence présenté au principal est également irrecevable.

53      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission sans être contestée par les requérantes, celles-ci n’ont pas préalablement invité la Commission à agir avant d’introduire leur recours en carence comme l’exige l’article 232, deuxième alinéa, CE.

54      En ce qui concerne l’argument des requérantes, soulevé pendant l’audition, selon lequel une mise en demeure n’était pas possible en l’occurrence, dès lors qu’elles ne pouvaient pas savoir que la Commission n’adopterait pas une décision de non-inscription ou une directive visant l’inscription de l’azinphos-méthyl à l’annexe I dans le délai expirant le 31 décembre 2006, il suffit de constater, outre le fait que l’article 232 CE ne prévoit aucune dérogation à l’exigence d’une mise en demeure, d’une part, que les requérantes elles-mêmes, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, ont produit une lettre des autorités allemandes datée du 20 novembre 2006 par laquelle celles‑ci informaient Makhteshim‑Agan International Co-ordination Center, auteur de la notification, remplacé par la suite, comme indiqué au point 11 ci‑dessus, par Makhteshim‑Agan Holding BV, que la Commission n’avait pas l’intention de poursuivre la procédure et, d’autre part, que les requérantes n’ont pas fourni d’éléments établissant qu’une mise en demeure ne pouvait valablement être adressée à la Commission avant l’écoulement du délai susmentionné.

55      En outre, même à supposer que la Commission ait été mise en demeure d’agir par les requérantes et qu’elle ait été tenue, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la décision 1999/468, de poursuivre la procédure, il convient de relever qu’il existe des éléments suffisants pour considérer que la Commission a pris position au sens de l’article 232 CE.

56      En effet, il est de jurisprudence constante que, par les termes « avoir manqué de lui adresser un acte », l’article 232 CE vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non l’adoption d’un acte différent de ce que les intéressés auraient souhaité ou estimé nécessaire (arrêts de la Cour du 13 juillet 1971, Deutscher Komponistenverband/Commission, 8/71, Rec. p. 705, point 2 ; du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166/86 et 220/86, Rec. p. 6473, point 17, et du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, Rec. p. I‑6061, point 17 ; ordonnance du président du Tribunal du 27 avril 2005, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, T‑34/05 R, Rec. p. II‑1465, point 60).

57      Or, force est de constater que, dans l’acte attaqué, la Commission a pris position en exprimant clairement son intention de ne pas adopter l’un des actes prévus par l’article 7, paragraphe 3 bis, du règlement n° 3600/92 et de ne pas proposer une mesure législative conformément à l’article 37 CE.

58      Par conséquent, à ce stade et sans nullement préjuger la décision que pourrait adopter le Tribunal sur cette question dans le cadre du recours au principal, le juge des référés ne dispose pas d’éléments suffisants pour considérer que l’acte attaqué ne constitue pas une prise de position au sens de l’article 232 CE.

59      Tout ce qui précède conduit à considérer que les requérantes n’ont pas démontré que le recours en carence au principal n’était pas, à première vue, manifestement irrecevable.

60      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 32 ci‑dessus, il y a lieu de constater que les demandes en référé sont irrecevables et de les rejeter.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Les affaires T‑393/06 R I, T‑393/06 R II et T‑393/06 R III sont jointes aux fins de la présente ordonnance.

2)      Les demandes en référé sont rejetées.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 30 mars 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : l’anglais.