Language of document : ECLI:EU:T:2022:141

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale APIAL – Marque de l’Union européenne verbale antérieure APIRETAL – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 – Éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal »

Dans l’affaire T‑315/21,

Laboratorios Ern, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me I. Miralles Llorca, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Nordesta GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me J. Künzel, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mars 2021 (affaire R 1560/2020-4), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Ern et Nordesta,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 septembre 2018, l’intervenante, Nordesta GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal APIAL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 4 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations de toilette ; préparations pour le toilettage d’animaux ; huiles essentielles et extraits aromatiques ; produits pour aiguiser ; préparations nettoyantes et parfumantes ; cire pour tailleurs et pour cordonniers ; cosmétiques, à l’exception des produits de maquillage ; préparations pour le soin de la peau ; huiles parfumées ; bois odorants ; pommes d’ambre [substances aromatiques] ; sachets parfumés ; sachets parfumés ; eaux de senteur ; sachets parfumés ; pots-pourris odorants ; préparations pour parfums ; sprays parfumés pour le linge ; pierres en céramique parfumées ; pommes de pin parfumées ; géraniol ; ionone [parfumerie] ; fumigations (produits pour -) [parfums] ; pots-pourris odorants ; parfums pour bandelettes en carton ; parfums d’ambiance ; aromates pour fragrances ; produits de parfumerie et parfums ; lingettes jetables imprégnées d’eau de Cologne ; produits pour parfumer le linge ; savons parfumés ; coussins imprégnés de substances odorantes ; coussins remplis de substances odorantes ; mèches (imprégnées) pour la diffusion de parfum d’ambiance ; parfums à usage personnel ; huiles parfumées dégageant des arômes lorsqu’elles sont chauffées » ;

–        classe 4 : « Combustibles et produits éclairants ; bougies parfumées ; bougies parfumées pour l’aromathérapie ; additifs en rapport avec les produits précités, compris dans cette classe » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques pour les soins de la peau ; compléments nutritionnels ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2018/219, du 19 novembre 2018.

5        Le 19 février 2019, la requérante, Laboratorios Ern, SA, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale antérieure APIRETAL désignant notamment les produits pharmaceutiques relevant de la classe 5.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

8        À la suite de la demande formulée par l’intervenante et conformément à l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 27 mai 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition. En substance, après avoir considéré que l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait été établi que pour les « produits pharmaceutiques antipyrétiques », elle a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion et que la requérante n’avait pas établi la renommée de la marque antérieure.

10      Le 27 juillet 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 25 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, tout d’abord, elle a considéré que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été établi pour les « produits pharmaceutiques antipyrétiques » en tant que sous-catégorie des « produits pharmaceutiques ». Ensuite, la chambre de recours a considéré que ces produits étaient différents des produits visés par la marque demandée compris dans les classes 3 et 4 et qu’ils présentaient un faible degré de similitude avec les produits visés par la marque demandée compris dans la classe 5. Elle a considéré que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel et phonétique et que la comparaison conceptuelle était neutre. Procédant à une appréciation globale en tant que les marques en conflit désignaient des produits compris dans la classe 5, la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a également exclu un tel risque en tant que la marque demandée visait des produits compris dans les classes 3 et 4 au motif que ces produits étaient différents des « produits pharmaceutiques antipyrétiques » couverts par la marque antérieure. Enfin, elle a rejeté l’opposition formée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, motif pris de l’absence de preuve de la renommée de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

15      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que l’usage sérieux de la marque antérieure n’a été établi qu’en tant qu’elle désigne des « produits pharmaceutiques antipyrétiques » et que, partant, en application de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits.

 Sur la recevabilité des pièces produites pour la première fois devant le Tribunal

16      La requérante a produit, en annexes 8 et 9 à la requête, d’une part, un rapport établi le 24 mai 2021 par un bureau d’études de marché concernant la renommée de la marque antérieure en tant qu’elle désigne un médicament à usage pédiatrique principalement utilisé pour son action antipyrétique et, d’autre part, une déclaration sous serment de son directeur général, datée du 1er juin 2021, attestant de l’exactitude de l’ensemble des données liées à la marque antérieure figurant au dossier.

17      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent que ces annexes, établies postérieurement à la décision attaquée, ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal et sont donc irrecevables.

18      À cet égard, un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

19      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

23      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, la marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, il y avait lieu de prendre en compte les consommateurs de ce territoire. Elle a également considéré que le public pertinent était composé du grand public et des professionnels du domaine médical. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition du public pertinent, au demeurant non contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

24      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, la requérante, se référant à la décision de la division d’opposition, indique que les produits en cause sont identiques ou similaires compte tenu des « relations » existant entre eux et de leur « proximité ».

26      À cet égard, il y a lieu de relever que la division d’opposition n’a pas procédé à la comparaison des produits en cause. Après avoir relevé que certains des produits contestés étaient identiques ou similaires aux « produits pharmaceutiques antipyrétiques », elle a exclu l’existence d’un risque de confusion à l’issue d’une appréciation globale fondée sur l’hypothèse, retenue pour des raisons d’économie de procédure, d’une identité des produits en cause. Partant, la requérante ne saurait tirer aucune conclusion de la décision de la division d’opposition concernant le degré de similitude de ces produits.

27      En revanche, la chambre de recours a procédé à la comparaison des produits en cause. D’une part, s’agissant des produits visés par la marque demandée et compris dans les classes 3 et 4, la chambre de recours a conclu qu’ils étaient différents des « produits pharmaceutiques antipyrétiques » couverts par la marque antérieure au regard de leur destination, de leur nature et de leur utilisation et que ces produits n’étaient ni complémentaires, ni concurrents. Si, pour certains des produits compris dans la classe 3, les canaux de distribution pouvaient être identiques, une telle circonstance ne suffisait pas, selon la chambre de recours, à rendre les produits en cause similaires.

28      D’autre part, s’agissant des produits visés par la marque demandée et compris dans la classe 5, la chambre de recours a conclu, en substance, que les « produits pharmaceutiques pour les soins de la peau » visés par la marque demandée et les « produits pharmaceutiques antipyrétiques » couverts par la marque antérieure, s’ils coïncidaient par leur destination générale médicale et leurs canaux de distribution, n’étaient que faiblement similaires dès lors que leur indication thérapeutique spécifique, leur nature et leur utilisation étaient différentes et qu’ils n’étaient ni complémentaires, ni concurrents entre eux. Quant aux « compléments nutritionnels » visés par la marque demandée, la chambre de recours a relevé qu’il ne s’agissait pas de produits pharmaceutiques par nature et qu’ils pouvaient être utilisés en dehors de tout traitement médical, contrairement aux « produits pharmaceutiques antipyrétiques ». Elle a également constaté qu’ils n’étaient ni complémentaires, ni concurrents. Elle en a déduit que ces produits étaient faiblement similaires.

29      Force est de constater que la requérante se contente d’une affirmation générale selon laquelle les produits en cause sont identiques ou similaires sans l’assortir d’un quelconque argument de nature à infirmer les éléments sur lesquels la chambre de recours a fondé sa conclusion, tels que la destination, la nature et l’utilisation de ces produits, ou leur absence de complémentarité ou de concurrence. Une telle affirmation ne saurait suffire à invalider l’appréciation de la chambre de recours, laquelle n’apparaît pas résulter d’une application erronée des critères mentionnés au point 24 ci-dessus aux produits en cause.

 Sur la comparaison des signes

30      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

31      La chambre de recours a considéré, sur le plan visuel, que les signes en conflit coïncidaient par leurs trois premières lettres « a », « p » et « i » et leurs deux dernières lettres « a » et « l » et qu’elles différaient en raison de la présence, dans la marque antérieure, des lettres supplémentaires « r », « e » et « t ». Ainsi, la marque demandée n’était pas intégralement incluse dans la marque antérieure et la longueur des signes en conflit était remarquablement différente. Elle en a déduit que ces signes produisaient une impression d’ensemble différente et, partant, qu’ils présentaient un faible degré de similitude. Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que la prononciation des signes en conflit coïncidait par les deux premières syllabes et la dernière partie de la dernière syllabe. En revanche, leur prononciation différait par la suite de lettres supplémentaires « r », « e » et « t » présente au milieu de la marque antérieure, le nombre de syllabes (trois contre quatre) et la succession de voyelles, dont il résultait un faible degré de similitude entre ces signes. Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que la comparaison était neutre dès lorsqu’aucun des signes en conflit n’avait de signification.

32      La requérante conteste les appréciations portées par la chambre de recours dans le cadre des comparaisons visuelle et phonétique des signes en conflit. Elle soutient qu’ils présentent un degré élevé de similitude.

33      S’agissant de la comparaison visuelle, il y a lieu de relever que les signes en conflit sont composés respectivement de cinq et de huit lettres, ce qui les différencie notablement en terme de longueur. Si, certes, la marque antérieure contient toutes les lettres de la marque demandée, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la seconde est incorporée à la première. En effet, dans la marque antérieure, les lettres « r », « e » et « t » s’intercalent entre les trois premières lettres « a », « p » et « i » et les deux dernières lettres « a » et « l » formant la marque demandée, de telle sorte que la marque demandée n’apparaît pas au sein de la marque antérieure.

34      S’agissant de la comparaison phonétique, il y a lieu de relever que les signes en conflit coïncident par les deux premières syllabes « a » et « pi » et divergent dans la mesure où la marque demandée est composée d’une troisième syllabe « al » alors que la marque antérieure se poursuit par les syllabes « re » et « tal ». À l’identité des deux premières syllabes des signes en conflit et du son « al » en fin de signe, s’opposent donc le nombre de syllabes ainsi que la structure de celles-ci liée notamment à la succession de deux voyelles dans la marque demandée.

35      Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que, sur les plans visuel et phonétique, les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude.

36      Les décisions de la chambre de recours invoquées par la requérante ne sont pas de nature à invalider une telle conclusion. En effet, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65). En tout état de cause, il y a lieu de relever que les décisions invoquées par la requérante concernent des situations dans lesquelles les signes en conflit coïncident à hauteur de trois syllabes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et où la syllabe supplémentaire de l’un des signes a été appréciée comme insérée, en substance, de manière plutôt discrète.

 Sur le risque de confusion

37      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

38      En l’espèce, d’une part, la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion en tant que la marque demandée visait des produits compris dans les classes 3 et 4 au motif qu’ils étaient différents des « produits pharmaceutiques antipyrétiques » couverts par la marque antérieure. Dans la mesure où c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude de ces produits, l’une des conditions posées par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 fait défaut. Partant, la requérante n’est pas fondée à contester le rejet de l’opposition en tant que la marque demandée vise les produits compris dans les classes 3 et 4.

39      D’autre part, la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion en tant que la marque demandée visait les produits compris dans la classe 5 à l’issue d’une appréciation globale tenant compte du faible degré de similitude des produits visés, du faible degré de similitude visuelle et phonétique des signes en conflit, de l’absence de toute similitude conceptuelle pertinente et du niveau d’attention accru des consommateurs dès lors que les produits en cause compris dans la classe 5 affectaient la santé humaine. Elle a considéré que cette conclusion demeurait valable, même en prenant en compte le caractère distinctif accru de la marque antérieure.

40      La requérante conteste l’appréciation ainsi portée par la chambre de recours en faisant valoir, en substance, le degré élevé de similitude entre les signes en conflit, la similitude entre les produits en cause et le caractère distinctif accru de la marque antérieure en tant qu’elle désigne des « produits pharmaceutiques antipyrétiques ».

41      D’emblée, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel le public pertinent, qu’il s’agisse du grand public ou des professionnels du domaine médical, fera preuve d’un niveau d’attention élevé dès lors que les produits en cause, compris dans la classe 5, affectent la santé humaine, constat qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause.

42      Par ailleurs, il a été constaté que la chambre de recours avait conclu à juste titre au faible degré de similitude entre les signes en conflit, d’une part, et entre les produits visés par la marque demandée compris dans la classe 5 et « les produits pharmaceutiques antipyrétiques » couverts par la marque antérieure, d’autre part.

43      Certes, comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, notamment en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20). Toutefois, au vu du faible degré de similitude tant des signes en conflit que des produits visés compris dans la classe 5 et du niveau élevé d’attention du public pertinent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, même en tenant compte du caractère distinctif accru de la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion devait être exclue.

44      Il s’ensuit que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

45      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

46      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35 ; voir, également, arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

47      En l’espèce, la chambre de recours a rejeté l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 au motif que la requérante n’avait pas démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée. À l’instar de la division d’opposition, la chambre de recours a considéré que, si les éléments de preuve produits suggéraient que la marque antérieure en tant qu’elle désignait les « produits pharmaceutiques antipyrétiques » jouissait d’une certaine connaissance sur le marché espagnol, ils n’étaient pas suffisants pour établir la renommée de celle-ci compte tenu notamment de l’ancienneté de certains d’entre eux, à savoir un rapport d’étude de marché du 2 novembre 2010 et une attestation de la chambre de commerce de Barcelone du 26 novembre 2010. Elle a également relevé que, devant elle, la requérante n’avait pas contesté les conclusions en ce sens de la division d’opposition.

48      La requérante fait valoir que la marque antérieure jouit d’une grande renommée en Espagne et que le public pertinent pourrait associer les marques en conflit, l’usage de la marque demandée tirant alors profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou lui portant préjudice.

49      S’agissant de la condition liée à la renommée de la marque antérieure, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le rapport établi le 24 mai 2021 par un bureau d’études de marché et la déclaration sous serment du directeur général de la requérante datée du 1er juin 2021, produits en annexes 8 et 9 à la requête et dont la requérante se prévaut aux fins d’établir la renommée de la marque antérieure sont irrecevables (voir point 19 ci-dessus).

50      Ensuite, il convient de préciser que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée [arrêt du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal), T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468, point 112]. Les documents antérieurs à cette date ne sauraient être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt [arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 104 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31].

51      En l’espèce, la renommée de la marque antérieure devait être établie au 20 septembre 2018. À l’instance, la requérante se borne à affirmer que la grande renommée de la marque antérieure pour désigner des « produits pharmaceutiques antipyrétiques » se reflète dans les ventes effectuées et les investissements importants réalisés en matière de publicité sans expliquer en quoi l’appréciation de la chambre de recours concernant l’absence de preuve de la renommée serait erronée.

52      Plus précisément, la requérante ne démontre pas en quoi le rapport d’étude de marché et l’attestation de la chambre de commerce de Barcelone datés de l’année 2010, mentionnés au point 47 ci-dessus, suffisaient à établir l’existence de la renommée de la marque antérieure au 20 septembre 2018, c’est-à-dire huit ans plus tard. Elle n’identifie pas non plus les éléments de preuve produits devant les instances de l’EUIPO qui justifieraient que la renommée de la marque antérieure, telle qu’elle ressort desdits documents, persistait à cette date. En particulier, elle ne présente aucun argument visant à contester l’appréciation de la division d’opposition, confirmée par la chambre de recours, selon laquelle si les factures émises entre le 10 janvier 2014 et le 19 juillet 2018 justifiaient un usage intensif de la marque antérieure pour des « produits pharmaceutiques antipyrétiques », elles ne suffisaient pas à démontrer que la situation établie par les éléments de preuve de 2010 était encore valable au 20 septembre 2018, en l’absence de tout élément transmis par la requérante relatif en particulier à la part de marché détenue par cette marque ou à l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir.

53      Enfin, la requérante se prévaut de la décision du 19 novembre 2018 (affaire R 1725/2017-4) dans laquelle la chambre de recours, confirmant la position retenue par la division d’opposition dans sa décision du 29 juin 2017 (affaire B 2 619 347), a considéré que la marque antérieure bénéficiait d’une renommée en tant qu’elle désignait des « produits pharmaceutiques antipyrétiques ». Dans la décision de la chambre de recours, laquelle a été confirmée par le Tribunal dans l’arrêt du 5 octobre 2020, apiheal (T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468), l’existence de la renommée de la marque antérieure a été reconnue au 27 janvier 2015. La chambre de recours a fondé sa conclusion sur le rapport d’étude de marché et sur l’attestation de la chambre de commerce de Barcelone datés de l’année 2010, mentionnés au point 47 ci-dessus, après avoir relevé que si, certes, ces documents se rapportaient à une période antérieure de près de cinq ans à la date du 27 janvier 2015, il était possible de considérer que la renommée de la marque antérieure persistait à cette date au vu des éléments plus récents produits devant elle, à savoir un nombre important de factures et le contenu d’extraits de sites Internet.

54      Il y a lieu de constater que, devant la division d’opposition, la requérante s’était prévalue de la décision rendue par la division d’opposition le 29 juin 2017. La division d’opposition avait conclu qu’il n’y avait pas lieu de décider dans le même sens dès lors que la décision de la division d’opposition datait de plus de trois ans. Devant la chambre de recours, la requérante n’a produit aucun document supplémentaire, ni même contesté les conclusions de la division d’opposition à cet égard.

55      Certes, dans la procédure d’opposition ayant donné lieu à la décision susmentionnée du 19 novembre 2018, les instances de l’EUIPO ont admis la renommée de la marque antérieure au 27 juillet 2015 en se fondant notamment sur les mêmes documents datés de l’année 2010 que ceux produits par la requérante dans la présente procédure. Toutefois, cette circonstance, à elle seule, n’impliquait pas d’adopter la même conclusion dans le cas d’espèce compte tenu, en particulier, du délai de huit ans qui s’est écoulé entre la date des documents précités et la date à laquelle la renommée de la marque antérieure doit être établie.

56      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que la preuve de la renommée de la marque antérieure n’avait pas été apportée.

57      Partant, l’une des conditions posées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 faisant défaut, les arguments de la requérante visant à établir que le public pertinent pourrait associer les marques en conflit et que l’usage de la marque demandée pourrait tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou porter préjudice sont inopérants et doivent être écartés pour ce motif.

58      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO à l’égard du chef de conclusions de la requête visant au rejet de la demande d’enregistrement.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Ern, SA est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais