Language of document : ECLI:EU:F:2013:217

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

16 décembre 2013 (*)

« Fonction publique – Agent temporaire – Congé de maladie – Réintégration – Devoir de sollicitude – Harcèlement moral »

Dans l’affaire F‑162/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

CL, ancien agent temporaire de l’Agence européenne pour l’environnement, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, J.‑N. Louis et D. Abreu Caldas, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne pour l’environnement (AEE), représentée par M. O. Cornu, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo et R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 décembre 2012, CL demande, en substance, l’annulation de la lettre du 21 février 2012 relative à sa réintégration suite à un congé de maladie de longue durée, l’annulation de la décision du 20 septembre 2012 rejetant sa réclamation du 21 mai 2012 dirigée contre ladite lettre, ainsi que la condamnation de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) à lui verser l’équivalent d’une année de traitement en réparation du préjudice subi.

 Cadre juridique

2        Le cadre juridique de la présente affaire est constitué de l’article 16, alinéas 2 et 3, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »).

 Faits à l’origine du litige

3        Par contrat conclu pour une durée de quatre ans, prenant effet le 16 juin 2008, le requérant, fonctionnaire de la Commission européenne, de grade AST 6, a été engagé par l’AEE comme agent temporaire de grade AD 11 pour exercer la fonction de chef d’administration jusqu’au 15 juin 2012.

4        À partir du mois de mai 2010, le requérant a été placé en congé de maladie, justifié par une série de certificats médicaux successifs.

5        Par courrier électronique du 30 octobre 2011, le requérant a informé l’AEE que le docteur X, médecin du service médical à Copenhague (Danemark) auquel l’AEE fait appel pour les visites médicales préalables à l’embauche, ainsi que pour les visites médicales annuelles de son personnel, avait prolongé son congé de maladie jusqu’au 28 décembre 2011.

6        Par lettre du 16 novembre 2011, par laquelle la directrice de l’AEE sollicitait un entretien avec le requérant au sujet d’un éventuel renouvellement de son contrat, le conseil de ce dernier a fait parvenir à l’AEE un avis du médecin-psychiatre du requérant, le docteur Y, daté du 14 novembre 2011, indiquant que le requérant serait en congé de maladie jusqu’au 13 mai 2012.

7        Par lettre du 25 novembre 2011, le conseil du requérant a communiqué à l’AEE deux certificats, l’un du docteur Y, daté du 30 septembre 2010, l’autre du docteur Z, psychologue, daté du 29 octobre 2011 et a indiqué qu’il se tenait à la disposition de la directrice de l’AEE, en qualité de mandataire, pour discuter d’une adaptation des conditions de travail du requérant afin de permettre sa réintégration dans un environnement de travail sain.

8        Par note du 25 novembre 2011, la directrice de l’AEE a informé le requérant qu’à compter du 21 décembre 2011 il serait placé en congé de maladie sans rémunération, conformément à l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA, et de son intention d’appliquer cette disposition jusqu’à l’expiration de son contrat le 15 juin 2012.

9        Par courrier électronique du 2 décembre 2011, le requérant a rappelé à la directrice de l’AEE son souhait de reprendre le travail dans des conditions appropriées et son invitation à lui soumettre toute proposition en ce sens. Il a également demandé l’approbation d’une demande de congé annuel débutant à la fin de la période couverte par le dernier certificat médical. Dans sa réponse du 9 décembre 2011, la directrice de l’AEE a fait savoir au requérant que toute réintégration supposait au préalable un dialogue et un accord quant aux modalités d’une possible reprise des fonctions et qu’en tout état de cause la réintégration impliquait un avis préalable du médecin-conseil.

10      Le 19 décembre 2011, le requérant a envoyé un certificat médical du docteur X, confirmant l’avis de ses médecins au sujet de son aptitude à reprendre ses fonctions à compter du 20 décembre 2011, « pour autant que des garanties soient données que la situation de harcèlement cesse ». Dans le courrier électronique relatif à l’envoi du certificat, le requérant a demandé à la direction de l’AEE de valider sa demande de congé annuel à partir du 20 décembre 2011, de mettre fin à l’application de l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA et de corriger en conséquence son salaire du mois de décembre 2011.

11      Le 20 décembre 2011, le requérant s’est présenté au travail. Toutefois, la directrice de l’AEE lui a interdit de reprendre ses fonctions. Le même jour, elle lui a envoyé un courrier électronique lui rappelant les termes de son courrier du 9 décembre 2011 portant sur la nécessité d’un contrôle préalable du médecin-conseil et l’informant de l’impossibilité d’organiser ce contrôle avant les congés de fin d’année.

12      Dans sa réponse du même jour, le 20 décembre 2011, le requérant a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), contre la décision de lui interdire de reprendre ses fonctions.

13      Le lendemain, 21 décembre 2011, la directrice de l’AEE a informé le requérant qu’en l’absence d’un avis du médecin-conseil mandaté par l’AEE aucune décision sur la reprise de ses fonctions ne pouvait être adoptée et que, par conséquent, sa réclamation était prématurée et, dès lors, irrecevable dans la mesure où il n’existait, à la date d’introduction de ladite réclamation, aucun acte faisant grief.

14      Par courrier du 25 janvier 2012, la directrice de l’AEE a rappelé au requérant la teneur du courrier du 9 décembre 2011 l’invitant à lui préciser ce qu’il entendait par des « conditions de travail appropriées et acceptables » et à lui indiquer les tâches qu’il estimait pouvoir accomplir.

15      Le 26 janvier 2012, le requérant a reçu la copie de l’avis médical du médecin-conseil de la Commission, rédigé le 24 janvier 2012. Dans cet avis, le médecin-conseil déclarait avoir vu le requérant le 19 janvier 2012 et partager l’avis du médecin indépendant, qui avait également examiné le requérant en date du 20 janvier 2012, selon lequel le requérant était apte à reprendre une activité professionnelle. Dans son avis, le médecin-conseil précisait également qu’« [i]l [était] à noter qu’il pourrait y avoir un risque de rechute si la reprise se fai[sai]t au même poste ».

16      Par courrier électronique du 30 janvier 2012, le requérant a rappelé à la directrice de l’AEE les termes de l’avis du médecin-conseil de la Commission, soutenu à nouveau que le maintien de l’application de l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA était illégal et détaillé les conditions de travail qu’il estimait inappropriées et inacceptables auxquelles il aurait été exposé et qui auraient été la cause de son congé de maladie. Le requérant a réitéré sa demande de réintégration avec effet au 20 décembre 2011.

17      Par lettre du 7 février 2012, la directrice de l’AEE a informé le requérant que sa réintégration n’était pas possible tant qu’il ne précisait pas ce qu’il entendait par des « conditions normales de travail ».

18      Par courrier électronique du 10 février 2012, le requérant, en réponse à la lettre du 7 février 2012, a précisé à la directrice de l’AEE les conditions de travail qu’il considérait être des conditions normales de travail.

19      Le 21 février 2012, la directrice de l’AEE a envoyé une lettre au requérant « sous toute réserve de reconnaissance préjudiciable ». Dans cette lettre (ci-après « la lettre du 21 février 2012 »), celle-ci déclarait que « [l]a documentation qui a[vait] été fournie à l’[AEE] au cours des 6 derniers mois par [le requérant] et le [s]ervice médical de la Commission […] et relative à [son] congé de maladie, a[vait] amené [l’AEE] à la conclusion qu[e la Commission] exclu[ai]t la reprise de […] fonctions dans le cadre du contrat d’emploi pour le poste de [c]hef de l’administration pour lequel [le requérant] av[ait] été recruté, et que [son] contrat a[vait] donc perdu son objet ». La directrice de l’AEE précisait en outre qu’« une réaffectation à un autre poste correspondant [au] grade [du requérant] n’[était] pas possible en ce moment étant donné les contraintes [imposées par le] tableau des effectifs [de l’AEE] et les vacances d’emploi actuelles ». Dans cette lettre, la directrice, compte tenu de ces constatations et en raison de la situation du requérant ainsi que du devoir de sollicitude de l’AEE, formulait également trois propositions de reprise de travail pour « d’autres tâches » en qualité de juriste principal et indiquait qu’en cas d’acceptation par le requérant de l’une de ces trois propositions, son placement en congé sans solde serait levé avec effet rétroactif à compter de la date du certificat médical du médecin-conseil mandaté par l’AEE, soit le 24 janvier 2012, et qu’il serait autorisé à prendre la totalité de ses jours de congé annuel à partir du début de la période de reprise de ses fonctions.

20      Par courrier électronique du 22 février 2012, le requérant a informé la directrice de l’AEE qu’il acceptait la troisième proposition, à savoir le placement en congé spécial avec maintien du salaire intégral et en travaillant à distance sur son lieu d’affectation à Copenhague afin de développer sa propre carrière comme conseiller d’orientation professionnelle.

21      Le 21 mai 2012, le requérant a introduit une réclamation contre la lettre du 21 février 2012 en tant que celle-ci entendait mettre fin à l’application de l’article 16 du RAA à compter du 24 janvier 2012 et non à compter du 20 décembre 2011. Dans cette même note, le requérant a également demandé l’ouverture d’une enquête administrative aux fins d’établir les faits de harcèlement dont il prétendait être la victime.

22      La réclamation a été rejetée le 20 septembre 2012. Le rejet implicite de la demande d’ouverture d’une enquête administrative a fait l’objet d’une réclamation introduite le 19 décembre 2012, laquelle a été rejetée par une décision du 3 avril 2013.

 Conclusions des parties

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 21 février 2012 ;

–        annuler la décision du 20 septembre 2012 rejetant la réclamation du 21 mai 2012 ;

–        condamner l’AEE à lui verser l’équivalent d’une année de traitement ;

–        condamner l’AEE aux dépens.

24      L’AEE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

25      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

26      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la recevabilité du recours et décide, en application de l’article 76 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

 Sur les conclusions en annulation de la lettre du 21 février 2012

–       Arguments des parties

27      Le requérant soutient que sa réclamation du 21 mai 2012 et, ce faisant, le présent recours seraient recevables dans la mesure où la lettre du 21 février 2012 serait un acte attaquable. En effet, selon le requérant, la portée de la lettre du 21 février 2012 serait de conditionner sa réintégration et la fin de l’application de l’article 16 du RAA à une série de mesures, notamment à un contrôle médical préalable afin de déterminer son aptitude à reprendre ses fonctions, ou encore à sa démission et son choix parmi trois propositions de tâches à accomplir selon des modalités prédéfinies. Toujours selon le requérant, à cette occasion, l’AEE aurait également refusé, comme alternative à l’application de l’article 16 du RAA, qu’il épuise son congé annuel.

28      L’AEE soutient que la lettre du 21 février 2012 ne serait pas un acte faisant grief. D’abord, ladite lettre ne contiendrait aucune décision de soumettre le requérant à un contrôle médical par le conseil médical, mais se contenterait de confirmer la date déterminée par le conseil médical à partir de laquelle le requérant aurait été apte à reprendre son service, en l’occurrence le 24 janvier 2012. Ensuite, toujours selon l’AEE, les trois propositions découlant de la lettre ne constitueraient pas un acte faisant grief et il n’y aurait été fait mention d’aucun refus d’utiliser le congé annuel comme alternative à l’application de l’article 16 du RAA. Enfin, la démission du requérant n’aurait nullement été une condition à sa reprise de service.

–       Appréciation du Tribunal

29      En vertu d’une jurisprudence constante, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, points 51 et 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, point 26 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, point 155 ; arrêts du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, point 56 ; du 28 septembre 2011, AZ/Commission, F‑26/10, point 34, et du 29 février 2012, AM/Parlement, F‑100/10, points 47 et 48).

30      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les moyens de fond invoqués par le requérant dans le cadre du présent recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’AEE, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 20 septembre 2012

31      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Hoppenbrouwers/Commission, F‑104/07, point 31). Dans ces conditions, la décision du 20 septembre 2012 rejetant la réclamation contenue dans la note du 21 mai 2012 étant dépourvue de contenu autonome, les conclusions en annulation doivent être regardées comme dirigées seulement contre la lettre du 21 février 2012.

32      Dans sa note du 21 mai 2012, le requérant a également demandé à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de l’AEE (ci-après l’« AHCC ») de reconnaître qu’il a fait l’objet d’un harcèlement moral et, à titre subsidiaire, d’ouvrir une enquête administrative en vue d’établir ou de préciser les faits de harcèlement. Dans la réponse à cette note, l’AHCC n’a pas pris position au sujet de ces demandes.

33      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans son mémoire en défense, l’AEE a fait valoir que le requérant a introduit, le 19 décembre 2012, une réclamation contre le rejet implicite de ces demandes, laquelle a été rejetée le 3 avril 2013. Il s’ensuit que, même à supposer que le rejet de la réclamation du 20 septembre 2012 constitue un rejet implicite de ces demandes, celles-ci ne sauraient être comprises dans l’objet du présent recours.

34      Il s’ensuit que les conclusions en annulation de la décision du 20 septembre 2012 sont manifestement irrecevables.

 Sur le fond

35      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens, tirés, premièrement, du défaut de base légale pour le contrôle médical et, deuxièmement, de l’existence d’un harcèlement moral et de la violation du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré du défaut de base légale pour le contrôle médical

–       Arguments des parties

36      Le requérant soutient que l’AHCC n’aurait réservé aucune suite à son souhait de discuter des conditions de sa réintégration et qu’elle resterait en défaut d’indiquer sur quelle base légale il a été soumis à un contrôle médical pour réintégrer les services, l’article 59 du statut ne visant pas une telle hypothèse. Ce contrôle médical, auquel il a été soumis le 24 janvier 2012, méconnaîtrait le principe de bonne administration, le devoir de sollicitude et d’assistance ainsi que le principe de proportionnalité en ce que deux contrôles auraient déjà eu lieu avant cette date, et ne ferait que confirmer les appréciations des médecins selon lesquelles les raisons de son incapacité seraient les conditions de travail inappropriées et inacceptables dans lesquelles il a exercé ses fonctions. Selon le requérant, ce contrôle médical et le maintien de l’application de l’article 16 du RAA n’auraient été exigés que dans l’intention de lui nuire et d’éviter toute possibilité de réintégration effective au sein de l’AEE.

37      Selon l’AEE, ce moyen est manifestement non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

38      L’article 59, paragraphe 1, alinéa 3, du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution ».

39      D’après la jurisprudence, l’administration ne peut nier la validité d’un certificat médical et conclure à l’irrégularité de l’absence d’un fonctionnaire que si elle l’a soumis, auparavant, à un contrôle médical dont les conclusions ne produisent leurs effets administratifs qu’à partir de la date de ce contrôle (arrêt du Tribunal de première instance du 20 novembre 1996, Z/Commission, T‑135/95, point 32).

40      Il n’est pas contesté que le requérant a fait parvenir plusieurs certificats médicaux à l’AEE. Le 29 octobre 2011, le docteur Z, psychologue, a indiqué que le requérant était désormais complètement rétabli, mais qu’il faudrait lui garantir des conditions de travail appropriées. Le lendemain, 30 octobre 2011, le requérant a informé l’AEE que son congé de maladie avait été prolongé jusqu’au 28 décembre 2011 par le docteur X. Ensuite, le 14 novembre 2011, le docteur Y a émis un avis médical maintenant le requérant en congé de maladie jusqu’au 13 mai 2012. Finalement, le 19 décembre 2011, le docteur X a certifié que le requérant était apte à travailler dès le lendemain, 20 décembre 2011. Face à ces certificats contradictoires et une absence prolongée de plus de 18 mois, l’AEE était en droit de soumettre le requérant à un examen médical complémentaire.

41      S’agissant des arguments du requérant selon lesquels l’AEE aurait refusé de discuter de sa réintégration et que le seul but de l’AEE aurait été de lui nuire et d’éviter toute possibilité de réintégration, violant ainsi le devoir de sollicitude, de bonne administration et de proportionnalité, il convient de constater que c’est justement en vue de l’application de ces principes, analysés de manière plus détaillée dans le cadre du deuxième moyen, que l’AEE était en droit de soumettre le requérant à un contrôle par le médecin-conseil.

42      Le premier moyen est, par conséquent, manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’un harcèlement moral et de la violation du devoir de sollicitude

–       Arguments des parties

43      Selon le requérant, l’AHCC aurait été dûment informée des agissements constitutifs de harcèlement moral par plusieurs rapports médicaux, notamment du 30 septembre 2010 et du 29 octobre 2011. Toujours selon le requérant, l’attitude de l’AHCC, à l’occasion de sa demande de réintégration, confirmerait une conduite abusive durable dans le chef de la directrice, répétitive et systématique, portant atteinte à sa personnalité, sa dignité et son intégrité physique. Le refus de tenir compte des avis médicaux, attestant de son aptitude à reprendre le travail à compter du 20 décembre 2011, aurait aussi eu des conséquences néfastes sur sa santé. De plus, le contrôle des certificats d’aptitude auquel il a été soumis, serait dépourvu de toute base légale, l’article 59 du statut prévoyant le contrôle des absences pour raisons médicales et non des certificats d’aptitude à la reprise de travail. Par ailleurs, cette violation du principe de proportionnalité se retrouverait dans l’acharnement de la directrice de l’AEE à faire application, à son égard, de l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA, le privant ainsi de sa rémunération et de sa couverture sociale dans l’attente de l’avis du médecin contrôleur, alors qu’il aurait pu être placé pendant cette période en congé annuel. Finalement, la lettre du 21 février 2012, fixant comme condition à sa réintégration sa démission et sa réintégration rétroactive au 24 janvier 2012 et non au 20 décembre 2011, aurait été prise sans base légale et de manière abusive. Le requérant fait également état d’un manque d’impartialité dans l’adoption de la réponse à sa réclamation, attesté par le refus d’ouvrir une enquête administrative aux fins d’établir les faits de harcèlement.

44      Selon l’AEE, ce moyen est manifestement non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

45      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la notion de devoir de sollicitude de l’administration, telle que développée par la jurisprudence, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’administration et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts de la Cour du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, point 22, et du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, point 38).

46      Le devoir de sollicitude impose à l’administration, lorsqu’il existe un doute sur l’origine médicale des difficultés rencontrées par un fonctionnaire pour exercer les tâches qui lui incombent, de faire toute diligence pour lever ce doute (arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, U/Parlement, F‑92/09, point 65). De plus, les obligations qu’impose à l’administration le devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation particulière d’un fonctionnaire pour lequel il existe des doutes quant à sa santé mentale et, par conséquent, quant à sa capacité à défendre, d’une manière adéquate, ses propres intérêts (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑17/05, point 72). Par suite, dans ce contexte particulier, il incombe à l’administration d’insister auprès du fonctionnaire pour que celui-ci accepte de subir un examen médical complémentaire, notamment en se prévalant du droit pour l’institution de faire examiner le fonctionnaire par le médecin-conseil, sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, alinéa 3 (voir, en ce sens, arrêt U/Parlement, précité, point 85).

47      Il découle du dossier que l’AEE, face à ces certificats médicaux contradictoires, a pris toutes les dispositions nécessaires lui incombant dans le cadre de son devoir de sollicitude. Suite au certificat médical du 29 octobre 2011, attestant du rétablissement du requérant, l’AEE a invité ce dernier à un entretien en vue de discuter un éventuel renouvellement de son contrat. Alors que le requérant a refusé de participer à cet entretien en raison de son état de santé et des conditions de travail jugées malsaines, l’AEE, par lettre du 25 novembre 2011, l’a placé en congé de maladie sans rémunération à partir du 21 décembre 2011, en application de l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA. Suite à son souhait de reprendre le travail dans des conditions appropriées, l’AEE, en date du 9 décembre 2011, a fait savoir au requérant qu’une réintégration impliquait en tout état de cause un avis préalable du médecin-conseil. Un rappel en ce sens lui a été envoyé le 20 décembre 2011, le 21 décembre 2011 et le 25 janvier 2012. Dans cette dernière lettre, l’AEE a également demandé au requérant ce qu’il entendait par « conditions de travail appropriées et acceptables » et d’indiquer les tâches qu’il estimait pouvoir accomplir. Enfin, après avoir obtenu une liste des conditions de travail que le requérant considérait comme normales, l’AEE a, par lettre du 21 février 2012, formulé trois propositions de reprise de travail pour d’autres tâches. Le lendemain, 22 février 2012, le requérant a accepté la troisième proposition faite par l’AEE. Par conséquent, l’AEE, dans le cadre d’une bonne administration et de son devoir de sollicitude, a fait toute diligence, dont l’exigence d’un examen médical par le médecin-conseil des institutions, pour lever le doute qui subsistait quant à l’état de santé du requérant et proposer à celui-ci une réintégration répondant à ses exigences.

48      Cela n’est pas mis en doute par l’argument du requérant selon lequel il y aurait eu des faits constitutifs de harcèlement. Pour ce qui est des faits constitutifs de harcèlement datant d’avant son congé de maladie et de la demande d’ouverture d’une enquête administrative, il y a lieu de rappeler le point 33 de la présente ordonnance, indiquant que cette demande ne fait pas l’objet du présent recours. Quant aux faits de harcèlement résultant du refus de tenir compte des avis médicaux présentés par le requérant, ces faits ne sont basés sur aucun élément pertinent alors que l’AEE était, de par l’article 59 du statut, en droit de demander au requérant de se soumettre à un contrôle médical.

49      Pour ce qui est de la date du 24 janvier 2012 retenue par le médecin-conseil, il découle de la jurisprudence que les conclusions du contrôle médical ne produisent leurs effets administratifs qu’à partir de la date de ce contrôle (arrêt Z/Commission, précité, point 32). L’argument du requérant selon lequel la date aurait dû être rétroactivement fixée au 20 décembre 2011 n’est donc pas fondé.

50      Quant au prétendu acharnement de la directrice de l’AEE à appliquer, dans le cas du requérant, l’article 16, alinéas 2 et 3, du RAA, le privant ainsi de sa rémunération et de sa couverture sociale dans l’attente de l’avis du médecin-conseil, au lieu de lui accorder un congé annuel, il suffit de constater que compte tenu du fait que le requérant était en congé de maladie jusqu’au 24 janvier 2012, il n’était pas possible de lui accorder un congé annuel à partir du 20 décembre 2011.

51      Le deuxième moyen est, par conséquent, manifestement non fondé.

52      Compte tenu de tout ce qui précède, les conclusions en annulation doivent être rejetées dans leur intégralité.

 Sur les conclusions en indemnité

53      Conformément à une jurisprudence constante, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière, soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, point 43 ; arrêts du Tribunal du 4 mai 2010, Fries Guggenheim/Cedefop, F‑47/09, point 119, et du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, point 94).

54      En l’espèce, les conclusions en annulation ont été rejetées.

55      Par conséquent, les conclusions en indemnité doivent aussi être rejetées.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

57      Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, l’AEE a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’AEE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CL supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’Agence européenne pour l’environnement.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.