Language of document : ECLI:EU:T:2007:184

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 juin 2007 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour une organisation internationale – Indemnité d’installation – Indemnité journalière »

Dans l’affaire T‑473/04,

Cristina Asturias Cuerno, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. García-Gallardo Gil-Fournier et A. Sayagués Torres, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté de Mes J. Rivas Andrés, J. Gutiérrez Gisbert et M. Canal Fontcuberta, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 25 août 2004, rejetant la réclamation de la requérante du 27 avril 2004 et lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ainsi que des indemnités qui y seraient associées,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et M. Prek, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

2        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut :

« L’indemnité de dépaysement […] est accordée :

a)      au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ;

         […] »

3        L’article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut dispose, dans sa rédaction applicable à la présente espèce, qu’une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. Enfin, l’article 10, paragraphe 1, de ladite annexe établit que le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut a droit à une indemnité journalière, dont le montant et la durée sont précisés.

 Faits à l’origine du recours

4        La requérante, de nationalité espagnole, a effectué des études universitaires en Espagne, à l’université du Pays basque, entre 1986 et 1994.

5        Entre septembre 1994 et juin 1996, la requérante a effectué des études à l’Université libre de Bruxelles. Parallèlement, de septembre 1994 à septembre 1995, elle a réalisé des stages pratiques professionnels dans l’entreprise Arco Consulting à Bruxelles, dans le cadre du programme européen Commet et, du 1er octobre 1995 au 26 février 1996, elle a effectué un stage à la Commission à Bruxelles.

6        Les mois d’août et de septembre 1996, la requérante a travaillé comme interprète en Espagne. Entre octobre 1996 et mars 1997, elle a exercé une activité professionnelle au sein de la Société Générale Trust and Bank à Luxembourg.

7        Du 1er avril 1997 au 31 janvier 2001, la requérante a travaillé comme assistante parlementaire d’un député du Parlement européen à Bruxelles.

8        Entre le 1er février 2001 et le 30 avril 2003, la requérante a occupé un emploi à la Fédération hypothécaire européenne à Bruxelles.

9        Enfin, entre le 12 mai et le 30 novembre 2003, la requérante a travaillé pour l’Asociación de Estudios Europeos (association d’études européennes, ci-après l’« AEE »), dont le siège se trouve à Madrid (Espagne).

10      Le 1er décembre 2003, la requérante est entrée en fonctions à la Commission à Bruxelles, en qualité de fonctionnaire. La période de cinq années mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut (ci-après la « période de référence ») était, en l’espèce, comprise entre le 1er juin 1998 et le 1er juin 2003.

11      Le 28 janvier 2004, la Commission a adressé à la requérante une note lui signifiant qu’elle ne réunissait pas les conditions statutaires nécessaires pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement.

12      Le 27 avril 2004, la requérante a présenté une réclamation administrative, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 28 janvier 2004.

13      Par décision du 25 août 2004, notifiée à la requérante le 26 août 2004 (ci-après la « décision attaquée »), l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante.

14      Il ressort de la décision attaquée que l’indemnité de dépaysement et les indemnités qui y seraient associées ont été refusées à la requérante au motif que son activité d’assistant d’un député au Parlement ne pouvait être considérée comme des services effectués pour une organisation internationale au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et, partant, ne pouvait être neutralisée dans le calcul de la période de référence. De même, il a été considéré que l’activité de la requérante auprès de la Fédération hypothécaire européenne ne pouvait être neutralisée, car cette entité ne remplissait pas les conditions pour être considérée comme une organisation internationale au sens de la disposition précitée. La décision attaquée relève, par ailleurs, que la requérante a maintenu sa résidence habituelle à Bruxelles pendant la totalité de la période de référence.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par lettre du 20 mai 2005, la requérante a renoncé au dépôt d’une réplique et a demandé à verser au dossier deux documents supplémentaires, qu’elle a produits par lettre du 25 mai 2005. Le 21 juin 2005, la Commission a présenté des observations au sujet desdits documents.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé certaines questions à la partie requérante et lui a demandé de produire certains documents. La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 23 janvier 2007.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours fondé ;

–        annuler la décision de la Commission du 26 août 2004 rejetant la réclamation de la requérante du 27 avril 2004 ;

–        reconnaître son droit à percevoir l’indemnité de dépaysement ainsi que les autres indemnités qui y sont associées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevable la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal constate son droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités liées à celle-ci ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante au paiement de ses propres dépens.

 Sur la recevabilité

21      La Commission soutient que le troisième chef de conclusions de la requérante, par lequel elle demande au Tribunal de reconnaître son droit à percevoir l’indemnité de dépaysement et les autres indemnités qui y seraient associées, est irrecevable. En effet, le Tribunal ne serait pas compétent pour donner des ordres contraignants aux institutions communautaires (ordonnance du Tribunal du 12 novembre 1996, SDDDA/Commission, T‑47/96, Rec. p. II‑1559, point 45).

22      Le Tribunal constate néanmoins que, contrairement à ce que prétend la Commission, ce chef de conclusions ne comporte aucunement une demande d’adresser un ordre contraignant à une institution communautaire. La requérante se limite à demander au Tribunal qu’il reconnaisse l’existence de son droit à percevoir les indemnités litigieuses.

23      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’article 91, paragraphe 1, dernière phrase, du statut confère au Tribunal une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire, comme celui de l’espèce. Dans le cadre de ce pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal est compétent pour reconnaître l’existence d’un droit au bénéfice d’indemnités (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 41 ; voir, également, arrêts du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 50, et du 12 décembre 1996, Lozano Palacios/Commission, T‑33/95, RecFP p. I‑A‑575 et II‑1535, point 67).

24      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette fin de non-recevoir.

 Sur le fond

 Sur l’indemnité de dépaysement

25      La requérante invoque trois moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une appréciation erronée des faits en ce que la Commission n’a pas considéré son activité d’assistant parlementaire comme des services effectués pour une organisation internationale aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation des faits concernant la durée de la résidence de la requérante dans le lieu d’affectation. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que la Commission, en refusant en l’espèce le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, se serait écartée tant de la pratique d’autres institutions communautaires que de sa propre pratique antérieure.

26      Il convient d’examiner en premier lieu le moyen tiré d’une erreur de droit et d’une appréciation erronée des faits en ce qui concerne l’activité d’assistant parlementaire de la requérante.

 Arguments des parties

27      La requérante soutient que la période pendant laquelle elle a travaillé en tant qu’assistante parlementaire doit être considérée comme une situation résultant de services effectués pour une organisation internationale au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et que, par conséquent, cette période aurait dû être neutralisée aux fins de la détermination de la période de référence.

28      La requérante rappelle que la Commission s’est fondée, dans son appréciation, sur l’arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement (T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189), lequel a énoncé que devait exister un lien juridique direct entre l’intéressé et l’organisation internationale. Or, d’après la requérante, la Commission n’a pas pris en considération le fait que la situation dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et celle de l’espèce ne sont pas comparables.

29      En effet, premièrement, M. Lo Giudice aurait été employé par deux sociétés du secteur privé, chargées de procéder à l’installation de programmes informatiques à la suite d’un appel d’offres de la Commission et du Parlement. La requérante, quant à elle, aurait travaillé comme assistante d’un député du Parlement, membre élu de cette institution, qui représenterait et ferait partie intégrante de celle-ci. Deuxièmement, le travail de M. Lo Giudice aurait consisté en la prestation d’un ensemble de services informatiques ponctuels, tandis que, dans l’exercice de ses fonctions d’assistant parlementaire, la requérante aurait effectué des travaux liés au mandat d’un député. Troisièmement, dans le cas de M. Lo Giudice, il serait ressorti de son contrat de travail que ce n’était pas lui qui avait un lien juridique direct avec les institutions communautaires, mais les sociétés qui l’employaient. Le Tribunal aurait ainsi considéré que M. Lo Giudice « n’[avait] pas été engagé directement par une des institutions européennes par contrat ou sous une quelconque autre forme, conformément au régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ou à un autre texte communautaire » (point 34 de l’arrêt). En revanche, en l’espèce, la relation contractuelle de la requérante avec le député serait définie par les textes communautaires.

30      S’agissant de l’engagement des assistants, la requérante soutient que le fait que le contrat soit conclu avec le député et non avec le Parlement n’empêche pas l’existence d’un lien juridique entre l’assistant et l’institution parlementaire. Ce contrat serait signé avec le député en raison de l’essence même du mandat parlementaire. En effet, selon la requérante, si un fonctionnaire est un administrateur indépendant, un député exerce quant à lui un mandat politique, de même que son assistant, qui effectue des taches « liées au mandat de député ».

31      La requérante relève, en outre, que c’est le Parlement qui procède au paiement des assistants parlementaires. La rémunération des assistants serait à la charge du budget communautaire et serait versée à la demande des députés européens concernés. Ainsi, la réglementation relative à l’accréditation des assistants et à leurs activités au Parlement européen – laquelle indiquerait, en son point 1, que c’est le député qui engage l’assistant – ferait référence expressément à l’article 14 de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen, aux termes duquel la demande d’indemnisation est déposée auprès des questeurs et traitée par la direction générale des finances du Parlement. Il existerait donc un contrôle du Parlement sur les contrats conclus entre les députés et les assistants. Par ailleurs, cet article 14 reconnaîtrait même la possibilité pour l’institution d’assumer les dépenses liées à la gestion desdits contrats. En l’espèce, la requérante produit un extrait bancaire daté du 9 décembre 1999, afin de démontrer qu’elle a directement reçu des sommes du Parlement. Or, dans l’arrêt du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil (T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489), le Tribunal aurait précisé que la rétribution est un élément clé pour déterminer l’existence d’un lien juridique entre l’intéressé et l’institution. Les assistants parlementaires étant rémunérés sur le budget communautaire, cette condition serait donc remplie en l’espèce.

32      La requérante ajoute que, selon la jurisprudence, la notion de situations résultant de services effectués pour une organisation internationale doit être interprétée largement (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 34, et Lo Giudice/Parlement, précité, point 35). La conception restrictive et purement formelle de la Commission, qui limiterait l’analyse du lien existant entre la requérante et le Parlement au contrat conclu avec le député, serait contraire à cette jurisprudence. En outre, la Commission n’aurait pas pris en considération la jurisprudence en la matière postérieure à l’arrêt Lo Giudice/Parlement, précité, notamment l’arrêt du Tribunal du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission (T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865), et l’arrêt Liaskou/Conseil, précité. Il ressortirait de ces arrêts qu’il faut analyser la situation du fonctionnaire d’un point de vue matériel et non formel.

33      Au demeurant, la requérante prétend que l’existence d’un lien juridique direct entre les assistants et le Parlement a été reconnue par l’institution parlementaire elle-même. Elle fait notamment référence à l’attestation fournie par le député pour lequel elle a travaillé, aux attestations d’assistance à des cours organisés par le Parlement et au permis de séjour spécial qui dispense les assistants de l’inscription au registre des étrangers de leur commune de résidence. La requérante mentionne aussi la réglementation relative à l’accréditation des assistants parlementaires, qui leur permet de circuler dans les bâtiments du Parlement, d’occuper le bureau du député et d’accéder aux bâtiments des autres institutions européennes comme les autres membres du personnel du Parlement.

34      De même, il ressortirait de la réponse du membre de la Commission M. Kinnock à une question parlementaire concernant les frais des enfants d’assistants parlementaires scolarisés dans les écoles européennes que la Commission considère que les assistants sont au service du Parlement. De plus, un ensemble de propositions législatives présentées par la Commission refléteraient la volonté de celle-ci de donner un cadre juridique au statut des assistants parlementaires.

35      La Commission soutient que l’activité d’assistant d’un député du Parlement ne peut être considérée comme des services effectués pour une organisation internationale.

36      Elle fait observer que la jurisprudence exige l’existence d’un lien juridique direct entre l’organisation internationale concernée et l’intéressé, pour permettre de neutraliser une période de travail (arrêts du Tribunal Lo Giudice/Parlement, précité, point 36, et du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, points 51 et 52). Or, cette condition, d’après la Commission, n’est pas remplie en l’occurrence. Les éléments fournis par la requérante ne feraient que confirmer l’absence de lien juridique direct entre celle-ci et le Parlement et la seule existence d’un lien avec le député concerné, qui, par définition, ne serait pas l’institution parlementaire.

37      D’abord, concernant le recrutement des assistants, l’article 14 de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement indiquerait, aux points 2, 5 et 8, que l’on ne peut, en aucun cas, considérer le Parlement comme partie contractante ou tiers payant dans les relations entre le député et son assistant. Partant, le Parlement nierait toute relation directe avec les assistants. Par ailleurs, la demande d’octroi des indemnités de secrétariat signée le 14 juillet 1999 par la requérante et son député aurait exposé clairement que le Parlement n’était pas l’employeur ou le cocontractant de l’assistant.

38      S’agissant, ensuite, des cartes d’accréditation, la réglementation relative à l’accréditation des assistants et à leurs activités au Parlement européen disposerait expressément que la délivrance de ces cartes est facultative, que c’est le député qui en fait la demande et que leur durée de validité correspond à la durée du contrat entre ce dernier et l’assistant. Ce serait donc le député qui aurait un lien direct avec le Parlement et non les assistants.

39      Enfin, concernant la rémunération des assistants, la Commission soutient que, conformément à l’arrêt Liaskou/Conseil, précité, cet élément est uniquement pertinent en l’absence d’un lien juridique formel avec l’institution concernée. Toutefois, la situation serait différente en l’espèce, car la requérante aurait établi des liens juridiques formels, mais avec un député et non avec l’institution. Par ailleurs, l’extrait bancaire daté du 9 décembre 1999, produit par la requérante, serait sans intérêt aux fins de la présente affaire. Cette pièce démontrerait seulement qu’un montant a été versé à la requérante sur « ordre du Parlement européen » à une seule occasion, ce qui ne permettrait pas de savoir à quel titre il a été versé ni si c’était un paiement régulier.

40      En tout état de cause, même si la requérante avait démontré qu’une rémunération lui avait été directement versée par le Parlement, cet élément n’aurait pas été significatif. Ainsi, par exemple, dans l’arrêt Lo Giudice/Parlement, précité, la rémunération perçue par le requérant aurait été payée en fin de compte au moyen de fonds communautaires, puisque les deux sociétés employeurs avaient perçu leurs rémunérations d’une institution communautaire en contrepartie des services effectués. La Commission fait en outre observer que la réglementation concernant les frais et indemnités des députés indique que le Parlement, en payant l’indemnité d’assistance, ne saurait être considéré, en aucun cas, comme tiers payant et que l’indemnité est payée directement à l’assistant sur instruction personnelle et sous la responsabilité du député. Le Parlement se contenterait, dès lors, de remettre à l’assistant ou à un tiers payant les montants dus par le député en contrepartie de son travail ou de la prestation des services en cause.

41      Au demeurant, la Commission fait observer qu’il existe des travailleurs qui effectuent aussi des services au sein du Parlement, mais qui établissent un lien juridique avec l’institution, tels que notamment les membres du cabinet du président du Parlement. Ces derniers, tout comme les membres des cabinets des membres de la Commission, lorsqu’ils ne sont pas fonctionnaires détachés d’une institution, signeraient un contrat d’agent temporaire à durée déterminée directement avec l’institution concernée. Par conséquent, ces travailleurs, à la différence des assistants des députés, établiraient un lien juridique direct avec cette institution.

42      Enfin, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission ne reconnaîtrait pas le travail d’assistant parlementaire comme des services effectués pour une organisation internationale. La thèse de la requérante reposerait sur la réponse donnée par M. Kinnock durant son mandat de membre de la Commission à une question parlementaire. Or, cette réponse contiendrait des déclarations subordonnées à une condition qui ne serait pas remplie jusqu’ici (« si le statut de ces assistants évolue dans le sens des changements proposés par le Parlement ») et ne se référerait pas à l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la qualification des services effectués par la requérante en tant qu’assistante d’un membre du Parlement

43      L’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut prévoit que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de référence, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen de l’État dans lequel est situé le lieu de son affectation. La dernière phrase de cette disposition précise toutefois que, pour l’application de cette règle, « les situations résultant de services effectués pour [...] une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ».

44      Cette exception en faveur des fonctionnaires ayant effectué des services pour une organisation internationale trouve sa raison d’être dans le fait que ceux-ci ne peuvent pas être considérés comme ayant établi des liens durables avec le pays d’affectation en raison du caractère temporaire de leur détachement dans ce pays (arrêt de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 2005, Atienza Morales/Commission, T‑99/03, Rec. p. I-A-225 et II-1029, point 30).

45      Il y a également lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, cette exception ne saurait être appliquée aux seules personnes ayant fait partie du personnel d’une organisation internationale, puisqu’elle vise « toutes les situations résultant de services effectués » pour une telle organisation (arrêts Diamantaras/Commission, précité, point 52, et Liaskou/Conseil, précité, point 49). Ainsi, l’expression susvisée a une portée beaucoup plus large que les termes « exercice de fonctions dans une organisation internationale » (arrêt Liaskou/Conseil, précité, point 47).

46      C’est notamment à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les services effectués par la requérante du 1er avril 1997 au 31 janvier 2001 en tant qu’assistante d’un membre du Parlement européen sont couverts par l’exception en cause.

47      Il ressort de la déclaration du 30 janvier 2001 du membre du Parlement pour lequel la requérante a travaillé, ainsi que de celle du 8 juin 2004 du chef de division de la commission économique et monétaire du Parlement que, dans l’exercice de ses fonctions, la requérante a effectué des travaux d’analyse, de recherche, de documentation et de secrétariat, sous les instructions du député qui l’avait engagée. En particulier, elle a participé directement aux travaux de la commission économique et monétaire, en effectuant l’analyse de propositions législatives et le suivi de rapports concernant cette commission et en collaborant à la rédaction d’avis et d’amendements, de sorte qu’elle a eu une contribution substantielle importante dans plusieurs dossiers, notamment en ce qui concerne les services financiers. Elle a assuré également la coordination de l’intergroupe « Services financiers » du Parlement, en étant responsable de l’organisation des réunions. Enfin, elle a participé à l’élaboration du livre Le pari européen : de la monnaie à l’union politique, écrit par son député et par un autre membre du Parlement. Il s’ensuit que la requérante a accompli des tâches étroitement liées à l’exercice par un député européen de son mandat électif au sein du Parlement.

48      Le Tribunal considère que les services que la requérante a effectués doivent être considérés comme des services en faveur du Parlement. En effet, en tant qu’assistante parlementaire, elle a collaboré, dans le cadre de ses tâches et dans la limite de ses responsabilités, à l’exécution et à la mise en œuvre des fonctions qui ont été attribuées au Parlement et à ses membres par le traité.

49      La Commission, sans contester expressément les fonctions concrètes de la requérante ni l’importance de la tâche des assistants pour le Parlement et pour ses membres, allègue néanmoins que le Tribunal, dans les arrêts Lo Giudice/Parlement et Nevin/Commission, précités, a exigé l’existence d’un lien juridique direct entre l’organisation internationale concernée et l’intéressé, pour permettre de neutraliser une période de travail au titre de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut (voir, respectivement, point 36 de l’arrêt Lo Giudice/Parlement, précité, et point 51 de l’arrêt Nevin/Commission, précité). Selon la Commission, cette condition n’est pas satisfaite dans le cas des assistants parlementaires.

50      Le Tribunal considère que la situation des assistants parlementaires est complètement différente de celles dont il a été appelé à connaître dans les affaires invoquées par la Commission. Dans celles-ci, les requérants étaient soit des salariés de sociétés privées qui avaient conclu, à la suite d’un appel d’offres, des contrats de prestation de services avec une institution communautaire (affaire Lo Giudice/Parlement), soit des employés de sociétés d’intérim mis à la disposition des institutions communautaires en tant que commis (affaire Nevin/Commission). Il existait donc, dans ces cas, une relation triangulaire entre le travailleur, une société externe et l’institution communautaire (voir, à cet égard, arrêt Nevin/Commission, précité, point 53). Cette relation était ainsi caractérisée par la présence d’une société privée intermédiaire qui réalisait un bénéfice en mettant un travailleur à la disposition de l’institution communautaire ou en l’affectant à la réalisation de tâches déterminées au sein ou pour le compte de celle-ci. C’est l’intervention de ces sociétés externes en tant qu’intermédiaires qui ne permettait pas de conclure, en l’occurrence, à l’existence d’un lien juridique direct entre l’intéressé et l’institution communautaire.

51      Or, dans la présente affaire, la situation est fondamentalement différente. En effet, contrairement aux sociétés externes visées dans les affaires Lo Giudice/Parlement et Nevin/Commission, les membres du Parlement ne peuvent pas être considérés comme des tiers par rapport à l’institution elle-même. Ainsi qu’il est énoncé à l’article 189 CE, le Parlement est composé de « représentants des peuples des États », à savoir les « membres du Parlement ». Les députés constituent donc un élément consubstantiel de l’institution elle-même et, dans l’exercice de leur mandat, se confondent ainsi avec le Parlement. Or, c’est dans le cadre de leurs mandats électifs que les députés engagent des assistants, afin de disposer du soutien nécessaire à l’accomplissement de leurs fonctions.

52      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante, en tant qu’assistante d’un membre du Parlement, a eu un lien juridique direct avec le Parlement.

53      La Commission elle-même a reconnu tant le fait que les membres du Parlement font partie consubstantielle de cette institution que le fait qu’ils agissent en tant que telle quand ils engagent leurs assistants.

54      Ainsi, premièrement, il convient de citer une partie de la réponse donnée par le membre de la Commission M. Kinnock le 4 juin 2003, au nom de cette dernière, à la question parlementaire posée le 16 avril 2003 par Mme Dührkop concernant les frais des enfants d’assistants parlementaires scolarisés dans les Écoles européennes (JO C 280 E, p. 146). Il ressort de cette réponse que la Commission a indiqué que les enfants des assistants parlementaires devraient entrer dans la catégorie des enfants d’agents au service des institutions communautaires (la « catégorie I ») et non dans la catégorie des enfants de personnes ne fournissant pas de services aux institutions communautaires (la « catégorie III »). Contrairement à ce que semble prétendre à présent la Commission (voir point 42 ci-dessus), sa prise de position n’était aucunement subordonnée à une modification préalable du statut des assistants parlementaires.

55      En effet, M. Kinnock a notamment indiqué à cet égard :

« S’il est vrai que, d’un point de vue formel, il n’y a pas un lien direct entre les assistants et le Parlement, le lien direct étant entre les assistants et les parlementaires, il n’est pas moins vrai que, d’un point de vue substantiel, ces parlementaires, lorsqu’ils engagent leurs assistants, n’agissent pas en tant que particuliers ou personnes externes à l’institution, mais comme partie intégrante de celle-ci, compte tenu de leur qualité de membres du Parlement. »

56      Deuxièmement, il importe de relever que, le 18 mai 1998, la Commission a adopté une proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom, CECA) nº 259/68 fixant le statut ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO C 179, p. 16). Dans cette proposition, la Commission a constaté que les assistants parlementaires « sont appelés à exercer des tâches dans des conditions identiques et qui justifient une solution comportant leur nomination en qualité d’agents auxiliaires au titre de l’article 3 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ». Par la suite, cette proposition n’a toutefois pas été adoptée par le Conseil.

57      La conclusion suivant laquelle un assistant parlementaire effectue des services pour le Parlement et a un lien juridique direct avec cette institution ne saurait être infirmée par le fait que la réglementation édictée par ladite institution prévoit que le député et l’assistant doivent conclure un contrat de droit privé, lequel doit stipuler expressément que le Parlement ne peut être considéré comme l’employeur ou le cocontractant de l’assistant (article 14, paragraphes 2, 5 et 8, de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen) ou par le fait que, en l’espèce, le député pour lequel travaillait la requérante a accepté expressément, dans sa demande d’indemnisation des frais d’assistance parlementaire, introduite le 15 juillet 1999, que le contrat conclu avec son assistant ne pouvait donner lieu à aucune réclamation contre le Parlement, la requérante ayant donné, à son tour, son accord à cette condition.

58      En effet, il y a lieu de relever, en premier lieu, que le fait que la requérante a conclu un contrat de droit privé avec le député ne fait aucunement obstacle à la constatation selon laquelle, comme il a été relevé aux points 48 et 52 ci-dessus, elle a effectué des services pour le Parlement et a eu un lien juridique direct avec cette institution. L’exception figurant à la dernière phrase de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut vise, effectivement, « toutes les situations résultant de services effectués pour [...] une organisation internationale » (arrêts Diamantaras/Commission, précité, point 52, et Liaskou, précité, point 49). Ce qui importe aux fins de l’application de ladite exception n’est donc pas la forme juridique de la relation professionnelle – qu’il s’agisse d’une relation statutaire ou contractuelle, de droit public ou de droit privé – mais l’existence d’une prestation effective de services en faveur d’un membre du Parlement et, partant, de l’institution elle-même et d’un lien juridique direct entre la personne fournissant ces services et cette institution. Or, tel est le cas en l’espèce.

59      À cet égard, il convient de rejeter la thèse de la Commission selon laquelle les membres du cabinet du président du Parlement devraient être considérés comme ayant un lien juridique direct avec le Parlement, tandis que, en revanche, les assistants parlementaires n’auraient pas un tel lien et seraient uniquement liés aux députés qui les engagent (voir point 41 ci-dessus). En effet, eu égard à la similarité de leurs fonctions respectives – assister le président du Parlement, dans un cas, et assister les membres du Parlement, dans l’autre –, il n’est pas justifié de traiter différemment les membres du cabinet du président du Parlement et les assistants parlementaires, aux fins de l’application de l’exception en cause. Or, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, cette différence de traitement ne saurait se fonder sur la forme juridique différente de la relation existant entre ces personnes et l’institution.

60      En ce qui concerne, en second lieu, les dispositions réglementaires selon lesquelles le Parlement ne peut être considéré comme l’employeur ou le cocontractant de l’assistant, ainsi que les clauses mettant en oeuvre ces dispositions dans les contrats conclus par les députés et leurs assistants, elles ne sauraient non plus faire obstacle à la reconnaissance d’un lien juridique direct entre le Parlement et les assistants de ses membres aux fins de l’application de la dernière phrase de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut.

61      En effet, les dispositions et les clauses susvisées semblent avoir uniquement pour objet d’écarter la responsabilité du Parlement envers les assistants parlementaires pour les questions relevant des domaines contractuel, fiscal et de sécurité sociale. En tout état de cause, il importe de relever que l’existence ou non d’un lien juridique entre deux parties dépend de la nature et du contenu des rapports existant entre celles-ci, dont la qualification relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la qualification donnée par les parties elles-mêmes (arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 38 ; ordonnance du Tribunal du 15 juillet 1993, Hogan/Parlement, T‑115/92, Rec. p. II‑895, point 36 ; arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 21, et du 10 juin 2004, Garroni/Parlement, T‑276/01, RecFP p. I‑A‑177 et II‑795, point 52).

62      Ainsi, le seul fait que le contrat de droit privé conclu entre un assistant et un député doit stipuler, en application de la réglementation édictée par le Parlement, que cette institution ne peut être considérée comme l’employeur ou le cocontractant dudit assistant ne saurait empêcher le Tribunal d’examiner si un lien juridique direct a toutefois existé entre l’assistant et le Parlement. Or, en l’espèce, le Tribunal a jugé que le contenu de la relation existant entre la requérante et le député impliquait l’existence d’un tel lien entre celle-ci et le Parlement (voir points 47 à 52 ci-dessus).

63      De même, la clause selon laquelle le contrat conclu entre la requérante et le député ne pouvait donner lieu à aucune réclamation contre le Parlement, à laquelle était conditionné le versement de l’indemnisation des frais d’assistance parlementaire, ne saurait suffire à écarter l’existence de tout lien juridique direct entre le Parlement et l’assistant. En fait, une telle clause d’exclusion de responsabilité, imposée par le Parlement dans les contrats conclus entre les députés et leurs assistants, ne peut avoir de raison d’être que dans l’hypothèse de l’existence d’un lien juridique direct entre le Parlement et l’assistant. Au demeurant, même s’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de la présente affaire, de se prononcer sur la validité de cette clause, il importe toutefois de relever qu’une telle clause d’exclusion de responsabilité est susceptible d’affecter la possibilité de la requérante de faire valoir ses droits par la voie juridictionnelle, dans la mesure où cette clause l’empêcherait de réclamer au Parlement le respect de ses obligations envers elle, notamment de ses obligations financières telles que le versement des honoraires dus par cette institution. Or, l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit (arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, Rec. p. II‑2937, point 60), une telle clause pourrait être constitutive d’un abus de droit.

64      Par ailleurs, au-delà du fait que les députés européens ne sauraient être considérés comme des tiers par rapport au Parlement, aux fins de l’application des critères dégagés des arrêts Lo Giudice/Parlement et Nevin/Commission, précités, plusieurs éléments confirment en l’espèce le lien juridique direct existant entre la requérante, en tant qu’assistante parlementaire, et le Parlement.

65      Ainsi, il importe de relever que le Parlement réglemente la situation de l’assistant parlementaire, en particulier dans le cadre de la réglementation concernant les indemnités auxquelles le député a droit afin de couvrir les dépenses résultant de l’engagement ou de l’utilisation des services des assistants – dont les dispositions sont développées dans un « guide pratique » en vue de leur application , ainsi que dans le cadre de la réglementation relative à l’accréditation des assistants et à leurs activités au Parlement européen.

66      Par le biais de ces dispositions, le Parlement a établi un cadre réglementaire concernant les principaux aspects du statut des assistants, notamment en ce qui concerne l’engagement et la rémunération de ceux-ci. Ce cadre réglementaire s’applique à tous les assistants engagés par les membres du Parlement et impose des obligations tant pour les assistants que pour les députés et pour les services administratifs du Parlement.

67      En application de ces dispositions, les services du Parlement exercent un contrôle à l’égard de certains aspects administratifs de la situation des assistants qui sont engagés par les députés. Ce contrôle s’effectue, en particulier, au moment de la vérification de la demande d’indemnisation des frais d’assistance parlementaire, laquelle est soumise à des formalités bien précises.

68      De même, dans la plupart des cas, c’est le Parlement lui-même qui procède au versement direct du salaire ou des honoraires de l’assistant. En effet, contrairement à ce que semble prétendre la Commission, il ressort de l’article 14, paragraphe 7, sous a), premier alinéa, de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen que, en principe, c’est le Parlement qui verse directement la rémunération nette sur le compte de l’assistant au titre de l’indemnité d’assistance parlementaire, même si c’est sur instruction personnelle du député et sous sa responsabilité. En l’espèce, ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, il ressort expressément du dossier que les honoraires de la requérante lui étaient versés directement par le Parlement. À cet égard, il convient de relever que, dans l’arrêt Nevin/Commission, précité, le Tribunal a pris en considération dans son analyse le fait que le seul débiteur des sommes dues au travailleur intérimaire en contrepartie de sa prestation de services était l’entreprise de travail intérimaire et non l’institution concernée, laquelle ne versait pas directement à ce travailleur des honoraires, des primes ou des indemnités (voir point 57 de l’arrêt).

69      Or, le fait que le Parlement réglemente les aspects principaux du statut des assistants, procède au contrôle administratif de leur engagement par les députés et soit chargé directement, en principe, de verser la rémunération correspondant à leur travail ou à leur prestation de services montre à quel point il serait artificiel de considérer que le Parlement est un tiers par rapport aux assistants et qu’il n’existe pas un lien juridique direct entre cette institution et les assistants parlementaires de ses membres.

70      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les services effectués par la requérante comme assistante d’un membre du Parlement européen correspondent à des services effectués pour une organisation internationale aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

–       Sur le droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement

71      Il convient, par la suite, de déterminer si la requérante a droit en l’espèce à l’indemnité de dépaysement prévue par l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, qui lui a été refusée par la Commission dans la décision attaquée.

72      Il importe de relever que, étant donné que la période pendant laquelle la requérante a travaillé pour le Parlement du 1er avril 1997 au 31 janvier 2001, est à considérer comme une période de services effectués pour une organisation internationale et n’est donc pas à prendre en considération, la période de référence de cinq ans se subdivise en l’espèce en deux parties, à savoir la période allant du 31 juillet 1994 jusqu’au 31 mars 1997, d’une part, et celle allant du 1er février 2001 jusqu’au 1er juin 2003, d’autre part.

73      Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut doit être interprété comme retenant pour critère primordial, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle du fonctionnaire, antérieurement à son entrée en fonctions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 21, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, E/Commission, T‑251/02, RecFP p. I‑A‑359 et II‑1643, point 53). La résidence habituelle est le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts.

74      En l’espèce, il ressort du dossier que, avant avril 1997, la requérante n’avait pas fixé en Belgique, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En effet, en premier lieu, entre septembre 1994 et juin 1996, la requérante avait résidé en Belgique afin notamment de compléter ses études universitaires et de réaliser des stages pratiques professionnels (voir point 5 ci-dessus). Cette situation ne permet pas de présumer l’existence d’une volonté de sa part de déplacer le centre permanent de ses intérêts dans ce pays (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Dedeu i Fontcuberta/Commission, T-229/02, RecFP. 2005, p. I-A-303 et II-1377, point 66). En second lieu, pendant les mois d’août et de septembre 1996, la requérante a travaillé comme interprète en Espagne et, entre octobre 1996 et mars 1997, elle a exercé une activité professionnelle à Luxembourg (voir point 6 ci-dessus).

75      Partant, pendant la première partie de la nouvelle période de référence, à savoir celle comprise entre le 31 juillet 1994 et le 31 mars 1997, la requérante n’a pas eu sa résidence habituelle en Belgique.

76      Il s’ensuit que la requérante remplit la condition exigée par l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, à savoir ne pas avoir, de façon habituelle, habité ou exercé son activité professionnelle dans le pays d’affectation pendant la totalité de la période de référence de cinq ans. Il n’est pas contesté que la requérante satisfait également à la condition posée au premier tiret de cette disposition, soit celle de n’avoir jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation.

77      Dès lors, il y a lieu de conclure que la requérante a droit en l’espèce au bénéfice de l’indemnité de dépaysement.

 Sur l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière

 Arguments des parties

78      La requérante fait valoir que la jurisprudence a établi que l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière, prévues aux articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, respectivement, doivent être considérées comme associées à l’octroi de l’indemnité de dépaysement (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Commission/Lozano Palacios, C‑62/97 P, Rec. p. I‑3273). Par conséquent, étant donné que le recours porte sur la reconnaissance du droit à l’indemnité de dépaysement, il concernerait également la reconnaissance du droit aux indemnités qui y seraient liées.

79      La requérante soutient par ailleurs que, à partir du mois de mai 2003, sa résidence habituelle a été en Espagne. En effet, entre le 12 mai et le 30 novembre 2003, elle aurait exercé une activité professionnelle pour l’AEE à Madrid. Les arguments invoqués par la Commission pour faire valoir qu’elle n’avait pas eu, à ce moment, l’intention de déplacer le centre de ses intérêts de Bruxelles à Madrid ne seraient pas pertinents. Ainsi, son mariage en août 2003 avec un fonctionnaire de la Commission serait sans incidence, car il s’agirait d’un élément postérieur à son déplacement à Madrid et qui appartiendrait à sa vie privée. De même, le fait d’indiquer, dans le contrat de travail conclu avec l’AEE, l’adresse de ses parents, située à Portugalete (Vizcaya), et non une adresse à Madrid, confirmerait qu’elle avait quitté Bruxelles au mois de mai 2003.

80      La Commission considère que, puisque la requérante n’a pas droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement, elle n’a pas non plus droit aux primes liées à cette indemnité. La Commission conteste, en tout état de cause, l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait établi sa résidence habituelle en Espagne en mai 2003.

 Appréciation du Tribunal

81      L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe VII du statut prévoit, dans sa version applicable à la présente espèce, qu’une indemnité d’installation est due au fonctionnaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. Cette disposition établit donc que, pour avoir droit à l’indemnité d’installation, le fonctionnaire doit satisfaire à l’une des deux conditions alternatives susvisées (arrêt Dedeu i Fontcuberta/Commission, précité, point 83). Il s’ensuit que l’indemnité d’installation est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement (arrêt Commission/Lozano Palacios, précité, point 20).

82      En l’espèce, le Tribunal ayant jugé que la requérante avait droit à l’indemnité de dépaysement, il y a lieu de conclure qu’elle avait également, de ce fait, droit au bénéfice de l’indemnité d’installation prévue audit article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

83      En revanche, s’agissant de l’indemnité journalière, il importe d’observer que cette indemnité n’est pas liée à l’indemnité de dépaysement et qu’elle est uniquement octroyée, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, au fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. En effet, cette indemnité journalière, dont la durée d’octroi ne peut dépasser certaines limites, vise à compenser les frais et les inconvénients occasionnés par la nécessité de se déplacer ou de s’installer provisoirement au lieu de son affectation, tout en gardant, également à titre provisoire, sa résidence au lieu de son recrutement ou de son affectation antérieure (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Costantini/Commission, T‑57/96, RecFP p. I‑A‑495 et II‑1293, point 40).

84      Selon une jurisprudence constante, pour déterminer si le fonctionnaire a été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, au sens de l’article 10 de l’annexe VII, la résidence dont il faut tenir compte est celle où l’intéressé maintient le centre de ses intérêts (arrêts de la Cour du 11 août 1995, Parlement/Vienne, C‑43/94 P, Rec. p. I‑2441, point 21, et Lozano Palacios/Commission, précité, point 47).

85      En l’espèce, la requérante prétend que, depuis mai 2003, sa résidence habituelle était en Espagne. Elle fait remarquer, en effet, que, entre le 12 mai et le 30 novembre 2003, elle a exercé son activité professionnelle pour l’AEE à Madrid. Il s’ensuivrait que, en décembre 2003, lors de son entrée en fonctions à la Commission, elle aurait dû changer de résidence et s’installer en Belgique, le pays de son lieu d’affectation.

86      Cependant, le Tribunal considère que la requérante n’a pas prouvé que, entre mai et novembre 2003, elle avait déplacé sa résidence habituelle, et ainsi le centre de ses intérêts, de Bruxelles, où elle résidait et exerçait son activité professionnelle jusqu’à cette époque (voir point 8 ci-dessus), à Madrid.

87      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a accepté, dans des situations comparables à celles de l’espèce, la possibilité de la coexistence, pendant une certaine période, de deux résidences, la première au titre de la résidence habituelle et la seconde au titre de l’activité professionnelle principale (arrêt E/Commission, précité, point 73). En l’occurrence, il ne saurait donc être déduit du seul fait que la requérante a pu travailler à Madrid entre mai et novembre 2003 qu’elle a eu la volonté, au cours de cette période, de fixer le centre permanent de ses intérêts en Espagne. Des éléments tirés des circonstances professionnelles et personnelles de la requérante contredisent en fait qu’elle ait eu une telle intention.

88      Ainsi, premièrement, la requérante n’a pas justifié avoir réalisé une quelconque démarche concrète pour mettre fin à sa résidence à Bruxelles et pour fixer sa résidence en Espagne. En particulier, elle n’a pas allégué qu’elle avait effectué un déménagement de ses meubles et de ses affaires personnelles de Bruxelles à Madrid, ni qu’elle avait quitté son appartement situé à Bruxelles, ni encore qu’elle avait conclu un contrat de bail à Madrid. Lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’elle n’avait pas loué d’habitation à Madrid et qu’elle s’était contentée de se loger provisoirement chez des membres de sa famille.

89      Deuxièmement, il convient de rappeler que, le 11 juin 2003, soit peu après le début de sa relation professionnelle avec l’AEE, la Commission a informé la requérante de son inscription sur la liste de réserve établie à la suite d’un concours d’entrée dans la fonction publique communautaire et du fait que cette inscription la rendait éligible à être nommée à un poste au sein de l’une des institutions communautaires. Ainsi que l’a reconnu la requérante à l’audience, dans ces circonstances, son séjour à Madrid était nécessairement provisoire, dans la mesure où elle savait alors qu’elle allait entrer au service de la Commission à Bruxelles (voir, à cet égard, arrêt E/Commission, précité, point 75).

90      Enfin, troisièmement, il ressort de la décision attaquée que la requérante, en 2004, soit postérieurement à son entrée en fonctions à la Commission, continuait à résider à la même adresse à Bruxelles qu’elle avait indiquée comme étant celle de sa résidence, en mai 2002, dans son acte de candidature pour le concours susvisé.

91      Il y a donc lieu de conclure que le centre des intérêts de la requérante n’était pas en Espagne lors de son entrée en fonctions à la Commission. Il s’ensuit qu’elle n’a pas été tenue de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

92      Partant, il y a lieu de déclarer que la requérante n’a pas droit au bénéfice de l’indemnité journalière prévue à l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

 Conclusion

93      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée. De même, il y a lieu d’annuler la décision du 28 janvier 2004 de la Commission. En effet, selon une jurisprudence constante, le recours d’un fonctionnaire formellement dirigé contre le rejet explicite ou implicite d’une réclamation administrative préalable introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23, et du 16 octobre 1996, Capitanio/Commission, T‑36/94, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1279, point 33). Enfin, il y a lieu de reconnaître à la requérante son droit au bénéfice des indemnités de dépaysement et d’installation et de lui refuser le bénéfice de l’indemnité journalière.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Commission des 28 janvier et 25 août 2004 sont annulées.

2)      La requérante a droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ainsi qu’à l’indemnité d’installation prévue à l’article 5 de ladite annexe.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission supportera l’ensemble des dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’espagnol.