Language of document : ECLI:EU:T:2015:816

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 octobre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale " QUO VADIS " – Marque nationale verbale antérieure QUO VADIS – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑517/13,

Éditions Quo Vadis, établies à Carquefou (France), représentées par Mes F. Valentin et J. Canlorbe, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et  A. Schifko, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Francisco Gómez Hernández, demeurant à Jacarilla (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 10 juillet 2013 (affaire R 1166/2012‑4), relative à une procédure d’opposition entre M. Francisco Gómez Hernández et les Éditions Quo Vadis,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2014,

vu la décision du 4 mars 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 24 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 février 2010, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, M. Francisco Gómez Hernández, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal " QUO VADIS ".

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 33 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent pour chacune des classes à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, surgelés, séchés et cuits ; gelées, confiture, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; vente au détail et via des réseaux informatiques mondiaux des produits alimentaires, en particulier de vin et d’huile ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2010/069, du 19 avril 2010.

5        Le 19 juillet 2010 la requérante, les Éditions Quo Vadis, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque française verbale QUO VADIS enregistrée le 11 juin 1992 sous le numéro 92422947 et renouvelée le 22 juin 2012 pour les produits et services relevant des classes 9, 38 et 42, à savoir « Machines à mémoire pour le traitement de l’information, logiciels et progiciels ; diffusion d’informations ; conception et développement de progiciels et logiciels enregistrés pour ordinateurs » ;

–        la marque française verbale QUO VADIS enregistrée le 13 janvier 1984 sous le numéro 1257750 et renouvelée le 19 novembre 2003 pour, notamment, les produits suivants : « Papier et articles en papier, carton et articles en carton ; imprimés, journaux et périodiques, livres ; papeterie, matières adhésives (pour la papeterie et la reliure) ; tous articles de bureau tels que blocs-notes, agendas, calendriers, crayons, stylographes et stylomines, gommes, papier à lettres, enveloppes », relevant de la classe 16.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour les deux marques antérieures et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 pour la marque française verbale numéro 1257750.

8        Par décision du 15 juin 2012, la division d’opposition a, d’une part, rejeté l’opposition en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où tous les produits et services désignés par les marques en cause étaient différents et, d’autre part, accueilli l’opposition tirée de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 pour une partie des produits et des services contestés, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, et la « vente au détail et via des réseaux informatiques mondiaux de boissons alcooliques, en particulier de vin », relevant de la classe 35.

9        Le 25 juin 2012, M. Gómez Hernández a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 10 juillet 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition de la requérante.

11      D’une part, pour autant que l’opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a estimé que, dans la mesure où les produits et services visés par les marques en cause n’étaient pas similaires, il n’existait pas de risque de confusion, indépendamment de la question de savoir si les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux. D’autre part, pour autant que l’opposition était formée sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, la chambre de recours a estimé, en substance, qu’il n’y avait aucun lien entre la marque contestée, utilisée pour des boissons alcooliques et la vente au détail de vin, et la marque antérieure, utilisée pour les agendas.

 Procédure et conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement numéro 8871758 de la marque contestée " QUO VADIS " pour les « boissons alcooliques », relevant de la classe 33, et la « vente au détail et via des réseaux informatiques mondiaux de boissons alcooliques, en particulier de vin », relevant de la classe 35, sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Lors de l’audience, s’agissant de son deuxième chef de conclusions, la requérante a précisé qu’elle demandait exclusivement l’annulation de la décision attaquée, ce dont il a été pris acte.

 En droit

15      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

16      Premièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort qu’il était improbable que le public pertinent établisse un lien entre la marque contestée utilisée pour les boissons alcooliques et la vente au détail de vin et la marque antérieure qui jouit d’une renommée pour les agendas, car les produits et services en cause ont une nature, une finalité et une utilisation différentes. Elle aurait dû considérer d’autres facteurs que la similitude de produits et services tels que la forte renommée de la marque antérieure et le fait que cette dernière jouissait d’un caractère distinctif élevé.

17      Deuxièmement, selon la requérante, l’image de jeunesse véhiculée par la marque antérieure et la connotation négative véhiculée par l’alcool constituent une association préjudiciable du signe avec les comportements à risques et les attitudes antisociales que la consommation d’alcool peut entraîner et les sentiments négatifs qui y sont généralement liés.

18      Troisièmement, la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait que l’enregistrement et l’usage de la marque contestée pour des boissons alcooliques restreindraient la capacité et la liberté du titulaire de la marque renommée antérieure de communiquer par le biais de sa marque en raison de l’image négative des boissons alcooliques et de la législation française qui restreigne considérablement la publicité « directe ou indirecte » en faveur de l’alcool. À cet égard, la requérante fait référence à des décisions de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation française qui confirmeraient sa thèse.

19      Quatrièmement, la requérante soutient qu’aucun motif juridiquement valable n’a été présenté pour justifier l’utilisation du signe " QUO VADIS " par la marque de boissons alcooliques, et qu’elle doit par conséquent être considérée comme enregistrée sans juste motif.

20      L’OHMI conteste les conclusions de la requérante.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou présente des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne présentent pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

22      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec, EU:T:2007:93, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

23      S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre [voir arrêt VIPS, point 22 supra, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, dans la mesure où il est constant que, comme la chambre de recours l’a en substance constaté au point 27 de la décision attaquée, les trois premières conditions exposées au point 22 ci-dessus sont satisfaites dès lors que la marque antérieure est enregistrée en France, les marques en conflit sont presque identiques et la marque antérieure jouit d’une renommée en France pour les « agendas », relevant de la classe 16, il convient d’examiner la quatrième condition exposée au point 22 ci-dessus.

25      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, EU:C:2009:282, point 25 et jurisprudence citée ; arrêts du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, EU:T:2012:26, point 22, et du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI – Grupo Bimbo (GRUPO BIMBO), T‑357/11, EU:T:2012:696, point 29].

26      L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir, par analogie, à propos de l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), disposition qui est en substance identique à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, arrêts du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec, EU:C:2008:655, point 42 ; du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, EU:C:2009:146, point 45, et ordonnance Japan Tobacco/OHMI, point 25 supra, EU:C:2009:282, point 26].

27      À défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de lui porter préjudice (voir arrêt Antartica/OHMI, point 26 supra, EU:C:2009:146, point 44 et jurisprudence citée, et ordonnance Japan Tobacco/OHMI, point 25 supra, EU:C:2009:282, point 27 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que, comme il a été relevé au point 24 ci-dessus, les signes en cause sont quasi identiques.

29      Deuxièmement, il convient de relever que, comme il a été estimé à bon droit par la chambre de recours aux points 31 et 32 de la décision attaquée, les produits et services visés par les marques en cause sont différents sur tous les plans.

30      En effet, il n’existe en l’espèce aucun élément révélateur d’une proximité ou d’un lien entre les boissons alcooliques et la vente au détail de vin et les agendas, qui n’ont en commun aucun des facteurs à prendre en compte pour apprécier leur similitude. Ils ont une nature, une finalité et une utilisation totalement différentes. Leurs producteurs et leurs fournisseurs opèrent dans des secteurs commerciaux complètement différents, sans le moindre recoupement, ni lien entre eux.

31      Troisièmement, il importe de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les publics auxquels les produits et services visés par les marques en cause s’adressent ne se recoupent pas.

32      En effet, bien que les produits et services en cause s’adressent tous au grand public, leurs publics cibles respectifs sont très différents, puisque les produits et services contestés ne sont, par définition, pas mentionnés pour des jeunes ou des adolescents, qui constituent la partie spécifique du public pertinent ciblée par les produits antérieurs. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a fait sienne l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle la marque antérieure était renommée en France parmi la population adolescente pour des « agendas », relevant de la classe 16.

33      Quatrièmement, s’agissant de l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque verbale antérieure, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, plus la marque antérieure présente un caractère distinctif fort, qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage qui a été fait de cette marque, plus il est vraisemblable que, confronté à une marque postérieure identique ou similaire, le public pertinent évoque ladite marque antérieure. Dès lors, aux fins d’apprécier l’existence d’un lien entre les marques en conflit, il convient de prendre en considération le degré de caractère distinctif de la marque antérieure (voir arrêt Intel Corporation, point 26 supra, EU:C:2008:655, points 54 et 55).

34      À cet égard, le caractère distinctif d’une marque est d’autant plus fort que cette marque est unique, c’est-à-dire que le mot dont elle est constituée n’a été utilisé par qui que ce soit pour quelque produit ou service que ce soit, hormis par le titulaire de cette marque pour les produits ou services qu’il commercialise (voir arrêt Intel Corporation, point 26 supra, EU:C:2008:655, point 56).

35      Or, en l’espèce, il convient de relever que l’expression « quo vadis » est une locution latine signifiant « Où vas-tu? » qui est utilisée par des tiers en différents secteurs pour d’autres produits et services que ceux de la marque antérieure. Il suffit, à cet égard, d’effectuer une simple recherche sur Internet ou de consulter la base de données de l’OHMI pour en avoir la confirmation. Il s’ensuit que le caractère distinctif de la marque antérieure est tout au plus moyen.

36      Cinquièmement, comme il a été relevé aux points 17 à 19 de la décision attaquée, tout risque de confusion entre les marques en cause doit être écarté.

37      À la lumière de l’ensemble des considérations exposées aux points 28 à 36 ci-dessus, il y a lieu de constater que, quand bien même les signes en cause sont quasi identiques et que la marque antérieure jouit d’une renommée en France parmi la population adolescente pour des « agendas », relevant de la classe 16, il n’existe aucun risque de rapprochement entre eux dès lors que les produits et services couverts par les marques en cause sont différents à tous égards et, notamment, que les images auxquelles ils renvoient sont sans rapport, que les publics auxquels les produits et services visés par lesdits signes s’adressent ne se recoupent pas, que la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif moyen et que le public pertinent n’est pas susceptible de confondre lesdits signes.

38      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, comme l’a conclu à juste titre la chambre de recours, au point 34 de la décision attaquée, en l’absence de lien susceptible d’être établi entre les marques en cause, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque verbale antérieure ou de leur porter préjudice.

39      En effet, il importe de souligner à cet égard que, comme il ressort, en substance, de la jurisprudence exposée au point 27 ci-dessus, le constat qu’il n’existe aucun lien entre les marques en cause permet de conclure que l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou de leur porter préjudice. Dès lors, les arguments de la requérante, visant à établir que l’usage de la marque demandée créerait un préjudice, doivent être rejetés comme non fondés.

40      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la chambre de recours a, à bon droit, constaté que la quatrième des conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’était pas satisfaite. Le présent moyen soulevé par la requérante doit, par conséquent, être rejeté.

41      En tout état de cause, s’agissant des arguments de la requérante tirés du préjudice prétendument porté à la renommée de la marque antérieure, il y a lieu de relever que la notion de préjudice porté à la renommée, souvent désignée par les termes « dilution par ternissement » ou plus simplement « ternissement », vise les situations dans lesquelles l’usage sans juste motif de la marque contestée est susceptible de déprécier l’image ou le prestige qu’une marque renommée a pu acquérir parmi le public. Le préjudice porté à la renommée de la marque antérieure doit être apprécié eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, Rec, EU:T:2010:500, point 35].

42      La renommée de la marque antérieure peut être entachée ou altérée de cette manière lorsque la marque est reproduite soit dans un contexte obscène, dégradant ou inapproprié, soit dans un contexte qui n’est pas désagréable en soi, mais qui s’avère incompatible avec l’image particulière que la marque antérieure s’est créée dans l’esprit du public grâce aux investissements publicitaires de son titulaire. Le risque d’un tel préjudice peut résulter notamment du fait que les produits ou les services offerts par le tiers possèdent une caractéristique ou une qualité susceptible d’exercer une influence négative sur l’image de la marque (arrêt du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, Rec, EU:C:2009:378, point 40).

43      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, les vins et les spiritueux ne sont pas intrinsèquement nocifs. En revanche, la consommation excessive d’alcool est néfaste et engendre de graves problèmes pour la santé. Les produits et services contestés ne véhiculent donc pas de connotation négative qui contraste fortement avec l’image de la marque antérieure, qui est associée à la jeunesse et à des valeurs qui lui sont apparentées, telles que la santé, le dynamisme, l’amitié ou la décontraction. Cet argument ne saurait donc prospérer.

44      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la prétendue entrave au libre usage de la marque antérieure et de l’atteinte à son caractère distinctif qui en découle, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, même en admettant une éventuelle interdiction publicitaire imposée par la législation française à la publicité de la marque QUO VADIS en tant que publicité indirecte en faveur des boissons alcooliques, l’effet négatif que cette interdiction pourrait avoir sur l’usage de la marque antérieure par sa titulaire légitime découle de la législation nationale et non de l’usage licite que des tiers font de leur marque.

45      À cet égard, il convient de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec, EU:T:2000:283, point 47].

46      Par ailleurs, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement nº 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une jurisprudence nationale, même fondée sur des dispositions analogues à celles de ce règlement [arrêt du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei/OHMI – Anheuser-Busch (BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud), T‑350/04 à T‑352/04, Rec, EU:T:2006:330, point 115].

47      Par conséquent, cet argument ne saurait non plus prospérer.

48      Enfin, s’agissant des arguments de la requérante tirés de l’enregistrement sans juste motif de la marque demandée, il suffit de relever que l’examen de l’existence d’au moins un des trois types de risques visés par la quatrième condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 doit, logiquement, précéder l’appréciation des éventuels « justes motifs ». S’il s’avère qu’aucun de ces trois types de risques n’existe, l’enregistrement et l’usage de la marque demandée ne peuvent être empêchés, l’existence ou l’absence de justes motifs pour l’usage de la marque demandée étant, dans ce cas, dépourvue de pertinence (arrêt VIPS, point 22 supra, EU:T:2007:93, point 60).

49      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les Éditions Quo Vadis sont condamnées aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.