Language of document : ECLI:EU:T:2014:605

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 juillet 2014(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Modulation dans le temps des effets d’une annulation »

Dans l’affaire T‑155/13,

Babak Zanjani, demeurant à Dubaï (Émirats arabes unis), représenté par Mes L. Defalque et C. Malherbe, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, premièrement, une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 71), en ce qu’elle a inscrit le nom du requérant sur la liste figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), ainsi que, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 55), en ce qu’il a inscrit le nom du requérant sur la liste figurant dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), et, deuxièmement, une demande visant à obtenir une déclaration d’inapplicabilité de la décision 2012/829 et du règlement d’exécution n° 1264/2012 dans la mesure où l’article 19, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/413 lui est appliqué,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant est un homme d’affaires iranien.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’annexe II de cette décision contient la liste des noms des personnes, des entités et des organismes – autres que ceux désignés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006) – dont les avoirs sont gelés en application de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de ladite décision et qui, s’agissant des personnes physiques, font l’objet de restrictions en matière d’admission en application de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de cette décision.

4        L’article 19, paragraphe 1, sous b), et l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 prévoient respectivement l’adoption de restrictions en matière d’admission à l’égard des personnes physiques, et de mesures de gel des fonds à l’égard des personnes et des entités, qui ont aidé les personnes et les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 ( 2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies ou de cette décision.

5        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). En application de la décision 2012/35, l’article 19, paragraphe 1, sous c), ainsi que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 prévoient respectivement des restrictions en matière d’admission à l’égard des personnes, et des mesures de gel des fonds à l’égard des personnes et des entités, qui fournissent un appui au gouvernement iranien.

6        En conséquence, le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1).

7        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). L’article 1er, paragraphe 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, qui prévoit dès lors que feront l’objet de mesures restrictives :

« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »

8        Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/829/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71). L’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, tel que modifié par la décision 2012/829, prévoit ainsi le gel des fonds des « personnes et entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des RCSNU 1737 (2006), 1747 (2007), 1829 (2008) et 1929 (2010) ou de la présente décision, ou à les enfreindre ».

9        Le 21 décembre 2012, le Conseil a également adopté le règlement (UE) n° 1263/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34). L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, tel que modifié par le règlement n° 1263/2012, se lit comme suit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe IX comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b) et c), de la décision 2010/413/PESC du Conseil, ont été reconnus :

[…]

b)      comme étant une personne physique ou morale, une entité ou unorganisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413/PESC du Conseil ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, ou à s’y soustraire ;

[…]

d)      comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associés.

[…] »

10      Par la décision 2012/829, le nom du requérant a été inscrit pour la première fois sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives énumérées dans l’annexe II de la décision 2010/413.

11      Conformément à la décision 2012/829, le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 55), a modifié l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en y ajoutant notamment le nom du requérant.

12      Dans la décision 2012/829 et le règlement d’exécution n° 1264/2012 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), le Conseil a justifié le gel des fonds et des ressources économiques du requérant par les motifs suivants :

« Babak Zanjani aide des entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement UE sur l’Iran et apporte un soutien financier au gouvernement iranien. Il est un médiateur important dans les transactions pétrolières de l’Iran et le transfert de fonds liés au pétrole. Il possède et dirige le groupe Sorinet, établi dans les Émirats arabes unis, dont il utilise certaines sociétés pour acheminer des paiements liés au pétrole. »

13      Le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives adoptées dans les actes attaqués, au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012 (JO C 398, p. 8).

14      Par lettre du 22 janvier 2013, le requérant a contesté les mesures restrictives prises à son égard.

15      Par lettre du 27 février 2013, le requérant a notamment demandé que lui soient communiquées des copies de tous les documents invoqués par le Conseil, détenus par ce dernier ou placés sous son contrôle, qui justifieraient l’inscription de son nom sur les listes. Dans cette lettre, le requérant a également demandé à être entendu.

16      Par lettre datée du 28 février 2013, le Conseil a accusé réception de la lettre susmentionnée datée du 27 février 2013 et a indiqué que ladite lettre était en cours d’examen.

17      Par lettre du 7 mars 2013, le requérant a adressé au Conseil un rappel de sa lettre du 27 février 2013.

18      Par lettre du 10 juin 2013, le Conseil a répondu à la lettre du requérant du 27 février 2013. Il a indiqué que le requérant pouvait avoir accès aux documents suivants, joints à la lettre :

–        extrait d’une proposition par un État membre pour l’inscription du requérant (document 9869/13 EXT 1, point 5) ;

–        extrait du rapport des réunions du groupe de travail COMEM (Moyen-Orient/Golfe) des 29 novembre et 3 décembre 2012 (document 10246/13);

–        document de réunion MD 229/12 ADD 1 REV 1 RELEX ;

–        notes du 18 décembre 2012 du secrétariat général du Conseil adressées, d’une part, au comité des représentants permanents (Coreper) et, d’autre part, au Coreper et au Conseil (documents 17795/12 et 17523/12 ADD 1 REV 1).

19      Le Conseil a par ailleurs indiqué, dans sa lettre du 10 juin 2013, que les parties supprimées dans le rapport des réunions du COMEM constituaient des éléments confidentiels de la discussion au sein du Conseil et ne pouvaient pas être divulguées.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2013, le requérant a introduit le présent recours. Le mémoire en défense et la réplique ont été déposés dans le délai imparti. Par acte versé au dossier le 22 juillet 2013, le Conseil a produit sa lettre au requérant datée du 10 juin 2013. Le Conseil n’a pas déposé de duplique dans le délai imparti.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité le Conseil à répondre par écrit à des questions. Le Conseil a déféré à cette demande dans le délai imparti.

23      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en tant qu’ils ont inscrit son nom dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ;

–        déclarer inapplicables la décision 2012/829 et le règlement d’exécution n° 1264/2012 dans la mesure où l’article 19, paragraphe 1, sous b et c), de la décision 2010/413 lui est appliqué, et déclarer qu’il n’est pas concerné par les mesures restrictives qui y sont prévues ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

24      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

25      Le Conseil soutient que le requérant a introduit son recours tardivement.

26      En ce qui concerne le point de départ du délai de recours, le Conseil rappelle que le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE commence à courir à compter de la notification des mesures restrictives à l’intéressé ou, si une telle notification n’est pas possible, de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

27      En l’espèce, le Conseil souligne qu’un avis concernant l’inscription du nom du requérant sur les listes a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012.

28      Le Conseil soutient que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qui fait courir le délai de recours à partir de la fin du quatorzième jour suivant la publication de l’acte, ne s’applique pas aux actes de portée individuelle, comme le sont les actes attaqués.

29      Le Conseil allègue que le délai de recours contre les actes individuels commence à courir à partir non de leur publication, mais de leur communication à l’intéressé. En conséquence, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure ne s’appliquerait pas en ce qui concerne les mesures restrictives, même si ces mesures ont été communiquées indirectement au requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

30      Partant, en l’espèce, le délai de recours de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, aurait expiré le 4 mars 2013. Le présent recours, introduit le 15 mars 2013, serait dès lors irrecevable.

31      Dans la réplique, le requérant fait valoir que le recours a été formé dans le délai prescrit.

32      En premier lieu, en ce qui concerne le point de départ du délai de recours, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

33      Par ailleurs, selon la jurisprudence, le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union européenne, qui adopte des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, communique les motifs sur lesquels ces mesures sont fondées soit au moment où ces mesures sont adoptées, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après leur adoption, afin de permettre à ces personnes ou entités l’exercice de leur droit de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 47, et la jurisprudence citée).

34      En l’occurrence, ce principe est concrétisé à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, lesquels énoncent que le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de l’inscription de son nom sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

35       Il en découle que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, lorsqu’il était impossible de procéder à la communication directe de cet acte à l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, points 59 à 62).

36      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses décisions aux personnes intéressées. Il ressort en effet du point 61 de l’arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, que la Cour a entendu permettre une communication indirecte des actes attaqués par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. En conclure autrement permettrait au Conseil de se soustraire aisément à son obligation de communication individuelle.

37      Dans la présente affaire, il ressort des actes attaqués, et le requérant ne conteste pas, que son adresse n’était pas connue du Conseil au moment de l’adoption de ces actes. Le Conseil n’avait donc d’autre choix que de communiquer l’inscription du nom du requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

38      En second lieu, en ce qui concerne la computation du délai de recours, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai court à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

39      Dans ce contexte, l’argument du Conseil selon lequel l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure n’est pas applicable aux actes de portée individuelle, et ce même si ces derniers sont communiqués au requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne et non par notification, doit être rejeté pour trois raisons.

40      Tout d’abord, il ressort des termes de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure que l’augmentation du délai de quatorze jours est applicable aux actes pour lesquels le délai de recours commence à courir à partir de leur publication, ce qui exclut uniquement de son champ d’application les actes faisant l’objet d’une notification.

41      En effet, il convient de constater que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure n’établit aucune distinction quant au type d’acte publié au Journal officiel de l’Union européenne. Comme l’affirme le requérant, il peut donc être conclu que, pour autant qu’un acte fait l’objet d’une publication et que la date de cette dernière constitue le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable.

42      Ensuite, il découle de la finalité de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lequel vise à garantir aux intéressés un laps de temps suffisant pour former un recours à l’encontre des actes publiés et, partant, le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt de la Cour du 26 septembre 2013, Polyelectrolyte Producers Group et SNF/ECHA, C‑625/11 P, non encore publié au Recueil, points 35 et 36), que cet article s’applique également en cas de communication indirecte d’un acte individuel par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

43      En effet, la publication d’un avis concernant l’inscription de noms de personnes et d’entités faisant l’objet de mesures restrictives au Journal officiel de l’Union européenne ne saurait être assimilée à une notification de ces mesures aux personnes et aux entités concernées. Lorsqu’un acte est notifié, il peut être présumé qu’il a été mis à la disposition de son destinataire le jour de la notification. Tel n’est cependant pas le cas lorsque des actes de portée individuelle, tels que des mesures restrictives, sont communiqués indirectement aux personnes et aux entités concernées par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne. Or, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit un délai de quatorze jours au terme duquel il peut raisonnablement être présumé que le Journal officiel de l’Union européenne est effectivement disponible dans l’ensemble des États membres et dans les États tiers. Partant, l’augmentation du délai de quatorze jours prévue à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure doit s’appliquer à l’ensemble des actes communiqués par voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne, y compris les actes de portée individuelle communiqués aux personnes concernées par le biais de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

44      Enfin, l’application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure répond à la finalité du droit des intéressés à la communication des mesures restrictives adoptées à leur égard, le cas échéant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle a précisément pour objet de permettre aux destinataires de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, point 58).

45      En effet, lorsque les adresses des personnes ou des entités visées par des mesures restrictives ne sont pas connues, ou qu’il est impossible de procéder à une communication directe des mesures, soumettre la communication indirecte de telles mesures, au moyen de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, au régime de computation des délais applicable aux notifications individuelles, priverait les intéressés de l’augmentation du délai de recours de quatorze jours à compter de la publication de l’acte, prévue par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, sans qu’ils soient pour autant en mesure de bénéficier par ailleurs des garanties résultant d’une communication directe. Dans ces circonstances, l’obligation de communication indirecte des mesures restrictives, par la publication d’un avis, qui vise en principe à conférer des garanties supplémentaires aux intéressés, aurait paradoxalement pour effet de les placer dans une situation moins favorable que celle qui découlerait de la simple publication des actes attaqués au Journal officiel de l’Union européenne.

46      En l’espèce, le Conseil a publié un avis concernant l’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012. Le délai de deux mois, augmenté du délai de quatorze jours prévu à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure ainsi que du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu au paragraphe 2 du même article, expirait dès lors le 18 mars 2013.

47      Dans la mesure où le présent recours a été introduit le 15 mars 2013, il a été introduit dans le délai légal, de sorte que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée.

 Sur la recevabilité de la demande visant à obtenir une déclaration d’inapplicabilité

48      À titre liminaire, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon la jurisprudence, la compétence du juge de l’Union pour connaître du recours (arrêts de la Cour du 18 mars 1980, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, 154/78, 205/78, 206/78, 226/78 à 228/78, 263/78, 264/78, 31/79, 39/79, 83/79 et 85/79, Rec. p. 907, point 7, et du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, Rec. p. II‑2289, point 80) et les questions portant sur la recevabilité du recours (arrêt de la Cour du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125, 1147). Le contrôle du Tribunal n’est donc pas limité aux seules fins de non-recevoir soulevées par les parties (ordonnance du Tribunal du 10 juillet 2002, Comitato organizzatore del convegno internazionale/Commission, T‑387/00, Rec. p. II‑3031, point 36). Toutefois, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit ou sur une fin de non-recevoir, fussent-ils d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, points 50 à 59, et du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, Rec. p. I‑12033, point 57).

49      En l’espèce, le requérant sollicite, par son troisième chef de conclusions, une déclaration d’inapplicabilité de la décision 2012/829 et du règlement d’exécution n° 1264/2012, en ce que l’article 19, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/413, relatif aux restrictions en matière d’admission, lui est appliqué. Cette demande se fonde expressément sur l’article 277 TFUE. Le requérant allègue que, dans la mesure où l’article 19, paragraphe 1, sous b) et c), de la décision 2010/413 n’a pas été mis en œuvre par le règlement n° 267/2012, cet article est resté sans effet.

50      Premièrement, dans la mesure où cette demande, qui se réfère spécifiquement aux restrictions en matière d’admission, vise à obtenir une déclaration d’inapplicabilité du règlement d’exécution n° 1264/2012, il suffit de constater qu’elle est privée d’objet. En effet, ce règlement ne prévoit pas et ne saurait d’ailleurs prévoir de telles mesures, à la différence de la décision 2012/829 qui impose effectivement, outre le gel des fonds, des restrictions en matière d’admission à l’égard du requérant.

51      Deuxièmement, dans la mesure où cette demande se rapporte à la décision 2012/829, il convient de relever que, bien que le Tribunal ait invité le requérant à la clarifier lors de l’audience, la portée d’une telle demande est restée imprécise.

52      Tout d’abord, en considérant que le requérant invoque, par cette demande, une exception d’illégalité, fondée sur l’article 277 TFUE, il convient d’observer que cet article permet à une partie de contester l’applicabilité d’un acte de portée générale, sur lequel se fonde l’acte individuel attaqué, mais qu’il ne confère pas de compétence au juge de l’Union pour déclarer un acte individuel inapplicable. Or, en l’espèce, le requérant sollicite une déclaration d’inapplicabilité des restrictions à l’admission individuelles adoptées à son égard.

53      Ensuite, en supposant que la demande susmentionnée puisse être interprétée comme une demande en constatation, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 274 TFUE, le juge de l’Union ne dispose que de compétences d’attribution. Il ne lui appartient pas d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de la légalité qu’il exerce (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑133/95 et T‑204/95, Rec. p. II‑3645, point 52). De même, le contrôle de légalité des actes des institutions visés par l’article 263 TFUE, tels que les restrictions en matière d’admissions litigieuses, ne confère pas au juge de l’Union la compétence pour statuer à titre déclaratoire (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 novembre 2008, TEA/Commission, C‑500/07 P, Rec. p. I‑161, point 33).

54      Il convient dès lors de rejeter le présent chef des conclusions du requérant comme étant en partie privé d’objet et en partie porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur le fond

55      À l’appui de la demande en annulation, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le troisième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré de vices entachant l’examen opéré par le Conseil.

56      Il convient d’examiner d’abord le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

57      Par son troisième moyen, le requérant soutient que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve permettant d’établir qu’il aide des « entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’UE sur l’Iran » ou qu’il apporte un soutien au gouvernement iranien. Par ailleurs, le requérant conteste l’existence du groupe Sorinet qui n’existe, selon lui, ni en tant que société ni en tant que société holding. En outre, à sa connaissance, aucune des trois sociétés de ce prétendu groupe ne serait impliquée dans les comportements qui leur sont reprochés.

58      Le requérant ajoute qu’il n’a jamais été actionnaire de First Islamic Investment Bank et qu’il a démissionné de ses fonctions de directeur de cette société avec effet au 26 décembre 2012. Le conseil d’administration de cette société aurait été composé de quatre directeurs. Par ailleurs, cette société n’aurait pas pu être utilisée pour effectuer des paiements interdits liés au pétrole iranien, dans la mesure où elle n’était pas encore opérationnelle lors de son inscription sur les listes.

59      En ce qui concerne International Safe Oil, le requérant aurait vendu, le 28 juin 2012, l’unique action qu’il détenait à M. D., qui est devenu l’unique actionnaire de ladite société du 28 juin au 29 novembre 2012. Le requérant affirme qu’il n’a jamais été un directeur de cette société.

60      Le requérant admet qu’il figure parmi les administrateurs et les actionnaires de Sorinet Commercial Trust Bankers. Cette société exercerait cependant son activité dans les secteurs des denrées alimentaires et de l’emballage de produits alimentaires et de produits cosmétiques, conformément à son objet social.

61      Le Conseil, sans contester cette argumentation factuelle du requérant, maintient qu’il n’a commis aucune erreur d’appréciation en le désignant au titre des mesures attaquées.

62      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, dit « Kadi II », C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, non encore publié au Recueil, point 119).

63      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, précité, points 121 à 123).

64      À titre liminaire, il y a lieu de déterminer les éléments susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil devant le Tribunal, au regard, d’une part, du contenu du dossier du Conseil et, d’autre part, des exigences liées au droit de la défense.

65      À cet égard, il convient de rappeler que la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de ces actes, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement compléter les motifs énoncés dans ces actes et contribuer à fonder leur adoption. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, non encore publié au Recueil, point 29).

66      En outre, le Conseil ne saurait invoquer utilement, devant le Tribunal, les éléments de preuve qui n’ont pas été communiqués au requérant, à sa demande, sans porter atteinte aux droits de la défense de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié au Recueil, point 57). En effet, le droit de l’intéressé à la communication des éléments à charge implique non seulement son droit à une communication initiale d’informations suffisamment précises pour lui permettre de comprendre les motifs de son inscription, mais également le droit d’accès au dossier. Ce n’est que sur demande de l’intéressé que le Conseil est tenu de lui donner accès aux documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 92, confirmant arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 97).

67      En l’espèce, il y a lieu de relever que, tandis que le requérant avait demandé au Conseil, par lettre du 27 février 2013, de lui communiquer les documents justifiant son inscription sur les listes, ce dernier ne lui a communiqué un certain nombre de documents qu’après l’expiration du délai de recours. En outre, et en tout état de cause, force est de constater que les documents ainsi communiqués au requérant, en annexe à la lettre du Conseil du 10 juin 2013, ne contiennent aucune information, ni aucun élément supplémentaires par rapport au contenu des actes attaqués. En effet, l’extrait de la proposition par un État membre pour l’inscription du requérant (document 9869/13 EXT1, point 5), de même que le document de réunion MD n229/12 ADD 1 REV RELEX et les notes du 18 décembre 2012 du secrétariat général du Conseil adressées, d’une part, au comité des représentants permanents (Coreper) et, d’autre part, au Coreper et au Conseil (documents 17795/12 et 17523/12 ADD 1 REV 1) ne mentionnent pas d’éléments autres que ceux repris dans la motivation énoncée dans les actes attaqués. L’extrait du rapport des réunions du COMEM (document 10246/13), quant à lui, ne contient aucun élément spécifique au requérant.

68      En outre, il convient de souligner que certaines parties des documents communiqués au requérant ont été supprimées pour des raisons de confidentialité.

69      À cet égard, il y a lieu de rappeler que des considérations impérieuses, touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite des relations internationales, peuvent s’opposer à la communication de certaines informations ou de certains éléments de preuve à la personne concernée (arrêt Kadi II, précité, point 125).

70      Toutefois, il incombe alors au Conseil d’apporter la preuve que la sûreté de l’Union ou de ses États membres, ou la conduite des relations internationales, serait effectivement compromise par une communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision en matière de mesures restrictives (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, non encore publié au Recueil, point 61).

71      Lorsque le Conseil invoque le caractère confidentiel de certaines informations, il appartient au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par ladite autorité pour s’opposer à la communication de ces informations à la personne ou à l’entité concernée (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, précité, point 126).

72      S’il s’avère que les raisons invoquées par le Conseil s’opposent effectivement à la communication à la personne concernée d’informations ou d’éléments de preuve produits devant le juge de l’Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou de la conduite de leurs relations internationales (arrêt Kadi II, précité, point 128).

73      Or, en l’espèce, le Conseil a précisé, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, que les passages occultés dans les documents annexés à sa lettre du 10 juin 2013 ne concernaient pas le requérant. Il a également répondu que, lors des discussions relatives à l’inscription du nom du requérant, il a tenu compte d’autres informations, figurant dans un document confidentiel séparé, qui lui a été fourni par l’État membre qui avait proposé cette inscription. Cet État membre s’oppose cependant à ce que ces informations soient divulguées, en totalité ou en partie.

74      Il convient dès lors de constater que le Conseil est dans l’impossibilité de fournir davantage d’éléments que ceux déjà connus du requérant. En outre, il n’a avancé aucun élément en vue de justifier l’impossibilité de divulguer les informations figurant dans le document séparé susmentionné, dont il invoque la confidentialité. Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de se baser sur les seuls éléments qui lui ont été communiqués, à savoir, en l’occurrence, les indications contenues dans l’exposé des motifs et dans les écrits des parties (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, précité, point 123).

75      Or, dans ses écrits, le Conseil n’a produit aucun élément d’information ou de preuve supplémentaire au soutien des motifs énoncés dans les actes attaqués pour justifier l’adoption de mesures restrictives à l’égard du requérant. En effet, en guise de réponse aux observations formulées par le requérant dans la requête quant à l’existence d’une erreur d’appréciation, le Conseil s’est contenté de procéder à des affirmations générales sur la nature et les raisons d’être des mesures restrictives ainsi que sur sa compétence pour adopter de telles mesures à l’encontre d’une personne ou entité qui, comme le requérant, aiderait « des entités désignées à enfreindre le règlement de l’UE sur l’Iran » et apporterait « un soutien financier au gouvernement iranien ».

76      Par conséquent, les éléments dont dispose le Tribunal ne contiennent aucun indice susceptible d’étayer les allégations du Conseil selon lesquelles le requérant aiderait certaines entités à enfreindre les dispositions de la réglementation de l’Union concernant les mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran ou apporterait un soutien financier au gouvernement iranien.

77      Il s’ensuit que le Conseil ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait en vertu de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, tel qu’interprété par la Cour dans son arrêt Kadi II, précité (voir point 62 ci-dessus).

78      Il convient dès lors d’accueillir le troisième moyen.

79      Il s’ensuit que les actes attaqués doivent être annulés pour autant qu’ils concernent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les premier, deuxième et quatrième moyens.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

80      En vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Il résulte de la jurisprudence que cette disposition permet au juge de l’Union de décider de la date de prise d’effet de ses arrêts en annulation (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, non publié au Recueil, points 250 et 251).

81      En l’espèce, le Tribunal considère, pour les raisons exposées ci-après, qu’il est nécessaire de maintenir les effets des actes attaqués dans le temps jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

82      En effet, il convient de rappeler que le programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran est une source de préoccupations vives tant sur le plan international que sur le plan européen. C’est dans ce contexte que le Conseil a graduellement élargi le nombre de mesures restrictives prises à l’encontre de cet État, en vue de faire obstacle au développement d’activités mettant en péril la paix et la sécurité internationale, dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

83      Dès lors, l’intérêt du requérant à obtenir une prise d’effet immédiate du présent arrêt en annulation doit être mis en balance avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par la politique de l’Union en matière de mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran. La modulation des effets dans le temps de l’annulation d’une mesure restrictive peut ainsi se justifier par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures restrictives et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres (voir, par analogie avec l’absence d’obligation de communication préalable à l’intéressé des motifs de son inscription initiale sur les listes, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, Rec. p. I-13427, point 67).

84      Or, l’annulation avec effet immédiat des actes attaqués en ce qu’ils concernent le requérant permettrait à ce dernier de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union, sans que le Conseil puisse, le cas échéant, appliquer en temps utile l’article 266 TFUE en vue de remédier aux irrégularités constatées dans le présent arrêt, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à l’égard du requérant.

85      En effet, s’agissant de l’application de l’article 266 TFUE dans le cas d’espèce, il y a lieu de relever que l’annulation par le présent arrêt de l’inscription du nom du requérant sur les listes découle du fait que les motifs de cette inscription ne sont pas étayés par des preuves suffisantes (voir point 77 ci-dessus). Bien qu’il appartienne au Conseil de décider des mesures d’exécution de cet arrêt, une nouvelle inscription du nom du requérant ne saurait ainsi être exclue d’emblée. En effet, dans le cadre de ce nouvel examen, le Conseil a la possibilité de réinscrire le nom du requérant sur la base de motifs étayés à suffisance de droit.

86      Il s’ensuit que les effets des actes attaqués doivent être maintenus à l’égard du requérant, jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

 Sur les dépens

87      L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée en ce qu’elle a inscrit le nom de M. Babak Zanjani dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC.

2)      Le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulé en ce qu’il a inscrit le nom de M. Zanjani dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010.

3)      Les effets de la décision 2012/829 et du règlement d’exécution n° 1264/2012 sont maintenus en ce qui concerne M. Zanjani, jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par M. Zanjani.

van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2014.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du recours

Sur la recevabilité de la demande visant à obtenir une déclaration d’inapplicabilité

Sur le fond

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.