Language of document : ECLI:EU:T:2005:437

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

8 décembre 2005(*)

« Fonctionnaires – Détachement dans l’intérêt du service – Article 38 du statut – Groupe politique – Fin anticipée du détachement – Droits de la défense – Obligation de motivation – Confiance légitime – Devoir de sollicitude – Détournement de pouvoir – Recours en annulation – Recours en indemnité – Annulation partielle d’un arrêt du Tribunal – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑237/00,

Patrick Reynolds, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes P. Legros et S. Rodrigues, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. von Hertzen et D. Moore, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision en date du 18 juillet 2000 du secrétaire général du Parlement mettant fin au détachement dans l’intérêt du service du requérant auprès du groupe politique « Europe des démocraties et des différences » et le réintégrant à la direction générale de l’information et des relations publiques et, d’autre part, une demande en réparation du dommage subi par le requérant du fait de cette décision ainsi que des agissements de ce groupe politique et de certains de ses membres,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 25 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004, applicable au présent litige (ci-après le « statut »), prévoit :

« Le fonctionnaire peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination de son institution d’une demande.

Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée.

[...] »

2       L’article 37 du statut dispose :

« Le détachement est la position du fonctionnaire titulaire qui, par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination :

a)      dans l’intérêt du service :

–       est désigné pour occuper temporairement un emploi en dehors de son institution

ou

–       est chargé d’exercer temporairement des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités instituant les Communautés ou le traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés, ou auprès d’un président élu d’une institution ou d’un organe des Communautés ou d’un groupe politique du Parlement européen ;

[...] »

3       L’article 38 du statut énonce :

« Le détachement dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

a)      il est décidé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, l’intéressé ayant été entendu ;

b)      sa durée est fixée par l’autorité investie du pouvoir de nomination ;

c)      à l’expiration de chaque période de six mois, l’intéressé peut demander qu’il soit mis fin à son détachement ;

[...]

f)      le fonctionnaire détaché conserve son emploi, ses droits à l’avancement et sa vocation à la promotion ;

g)      à l’expiration du détachement, le fonctionnaire réintègre immédiatement l’emploi qu’il occupait antérieurement. »

4       L’article 29 du règlement du Parlement européen (JO 1999, L 202, p. 1 ; ci-après le « règlement du Parlement ») dispose, sous le titre « Constitution des groupes politiques » :

« 1. Les députés peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques.

[...]

4. La constitution d’un groupe politique doit être déclarée au président. Cette déclaration doit indiquer la dénomination du groupe, le nom de ses membres et la composition de son bureau.

[...] »

5       Enfin, le bureau du Parlement a adopté, le 25 juin 1997, une décision concernant l’exercice des pouvoirs confiés par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et par le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement.

6       Les articles 3 à 7 de cette décision prévoient que les pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN en ce qui concerne le détachement de fonctionnaires dans l’intérêt du service sont exercés respectivement par le bureau du Parlement pour les fonctionnaires de grade A 1 et A 2, par le président du Parlement pour les fonctionnaires de grade A 3 et LA 3, par le secrétaire général du Parlement pour les fonctionnaires de grade A 4 à A 8 et LA 4 à LA 8, par le directeur général chargé des questions de personnel pour les fonctionnaires de catégorie B et, enfin, par le directeur du personnel et des affaires sociales pour les fonctionnaires de catégories C et D.

7       En revanche, il est prévu à l’article 14 de cette décision que ce sont les autorités désignées par les groupes politiques qui exercent les pouvoirs normalement dévolus à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement en ce qui concerne les agents temporaires engagés par le groupe sur le fondement de l’article 2, sous c), du règlement applicable aux autres agents des Communautés européennes.

8       L’article 2, troisième à sixième alinéas, des statuts du groupe « Europe des démocraties et des différences » (ci-après le « groupe EDD »), sous l’intitulé « Procédures de vote », stipule :

« Les activités politiques menées au nom du groupe doivent avoir le soutien unanime des sous-groupes […]

Le groupe s’efforce de prendre des décisions par consensus parmi les sous-groupes […]

Seules les questions administratives font l’objet d’une décision à la majorité.

Le bureau peut décider à l’unanimité parmi les sous-groupes des décisions administratives qui doivent être arrêtées par le groupe à la majorité ».

9       L’article 7, premier, quatrième, cinquième et sixième alinéas, des statuts du groupe EDD, sous l’intitulé « Organes du groupe », disposent :

« Le groupe est dirigé par un bureau et une présidence […]

[…]

Les réunions du bureau sont ouvertes aux autres membres du groupe. Les membres du bureau sont élus pour une période de deux ans et demi. Leur mandat est renouvelable.

Lorsqu’un sous-groupe ne peut pas envoyer l’un de ses membres à une réunion du bureau, un membre du personnel de ce sous-groupe doit pouvoir participer à la réunion sans droit de vote.

Le bureau est responsable du bon fonctionnement du groupe. Il soumet à l’approbation du groupe le choix du secrétaire général et du personnel ainsi que la répartition de leurs tâches. »

 Faits et procédure

A –  Antécédents du litige

10     À la fin du mois de septembre 1999, un avis de vacance concernant le poste de secrétaire général du groupe EDD a été publié dans le n° 25/99 du Bulletin du Parlement européen. Cet avis était libellé comme suit :

« 1 secrétaire général (M/F) (carrière A 2) (agent temporaire)

Parfaite connaissance écrite et orale du français et de l’anglais impérative

Lieu d’affectation : Bruxelles

Date limite de dépôt des candidatures : le 18 octobre 1999

Date d’entrée en fonctions : à partir du lundi, 1er novembre 1999 ».

11     À la suite de cette publication, le requérant, qui était fonctionnaire à la direction générale de l’information et des relations publiques du Parlement, de grade LA 5, échelon 3, a présenté sa candidature pour ce poste et a été convoqué à un entretien avec le groupe EDD, lequel a eu lieu le 3 novembre 1999.

12     Par lettre du 12 novembre 1999, le président du groupe EDD a fait part au secrétaire général du Parlement de la décision du bureau du groupe de nommer le requérant au poste de secrétaire général de ce groupe et lui a demandé de bien vouloir autoriser le détachement du requérant auprès du groupe EDD.

13     Le 22 novembre 1999, le requérant a commencé son travail pour le groupe EDD.

14     Par décision du 11 janvier 2000, le secrétaire général du Parlement a confirmé que, en application de l’article 37, sous a), du statut, le requérant était détaché dans l’intérêt du service auprès du groupe EDD, au grade A 2, échelon 1, pour une période d’un an allant du 22 novembre 1999 au 30 novembre 2000. Une copie certifiée conforme à l’original de cette décision a été adressée au requérant par courrier du 17 janvier 2000.

15     Le 18 mai 2000, le président du groupe EDD a, pour la première fois, informé le requérant que, à l’occasion d’une réunion du bureau du groupe qui s’était tenue quelques heures plus tôt, certains sous-groupes avaient manifesté leur perte de confiance à l’égard du requérant et que, en conséquence, il avait été décidé que son détachement auprès du groupe EDD ne serait pas prolongé après le 30 novembre 2000.

16     Le 24 mai 2000, lors d’un second entretien avec le requérant, le président du groupe EDD a confirmé que ce groupe souhaitait se séparer de lui. Le même jour, le requérant a informé le président qu’il comptait s’absenter pour quatre semaines afin de réfléchir à certaines questions, ce qui a été accepté par le président du groupe. Il a par ailleurs, le même jour, consulté son médecin traitant, lequel a conclu à son incapacité de travail.

17     À partir du 24 mai 2000, le requérant ne s’est plus présenté à son travail.

18     Le 23 juin 2000, le requérant a adressé, sur le fondement de l’article 90 du statut, une réclamation au secrétaire général du Parlement à l’encontre des actes lui faisant grief dans l’exercice de ses fonctions auprès du groupe EDD (ci-après la « première réclamation »). Selon le requérant, ces actes incluaient, d’une part, le fait que son accès aux comptes du groupe EDD avait été entravé alors qu’un tel accès participe de la nature même de la fonction de secrétaire général d’un groupe politique, et, d’autre part, le fait que des instructions contradictoires lui avaient été adressées dans un climat de harcèlement moral. Le requérant a demandé qu’une décision soit prise afin de mettre fin à ces actes et qu’il soit remédié à leurs effets négatifs. Il a toutefois précisé qu’il n’entendait pas pour autant démissionner de son poste de secrétaire général du groupe EDD.

19     Le même jour, le requérant a adressé au président de la Cour des comptes une demande formelle d’examen des comptes du groupe EDD, en précisant, d’une part, qu’un tel examen était dans l’intérêt du groupe et dans l’intérêt public et, d’autre part, que son accès à ces comptes avait été entravé.

20     Ayant été informé qu’une telle demande avait été adressée à la Cour des comptes par le requérant, le président du groupe EDD a confirmé au président de la Cour des comptes, par lettre du 30 juin 2000, que la Cour pouvait librement accéder aux comptes de son groupe et que l’initiative prise à cet égard par le requérant s’expliquait vraisemblablement par le fait que ce dernier avait été informé le 18 mai 2000 que son détachement auprès du groupe EDD ne serait pas prolongé.

21     Le 1er juillet 2000, le requérant a établi un mémorandum dans lequel il explique en détail son expérience de détachement auprès du groupe EDD (ci-après le « mémorandum du 1er juillet 2000 »). Le requérant a complété ce mémorandum par un addendum du 2 février 2001.

22     Le 4 juillet 2000, à la suite d’une décision du bureau du groupe EDD, le président du groupe a demandé au secrétaire général du Parlement de mettre fin, dès que possible, au détachement du requérant.

23     Par lettre du 7 juillet 2000, le président de la Cour des comptes a répondu à la lettre du requérant du 23 juin 2000. Il a rappelé que, en ce qui concerne le contrôle des comptes du groupe EDD, son institution avait déjà procédé à un examen général des comptes de tous les groupes politiques, lequel avait donné lieu à la publication du rapport spécial n° 13/2000. Par ailleurs, en ce qui concerne les difficultés rencontrées par le requérant afin d’accéder aux comptes du groupe EDD, le président de la Cour des comptes a invité ce dernier à en référer aux instances dirigeantes du groupe EDD ou du Parlement et, éventuellement, à saisir l’Office européen de lutte antifraude.

24     En outre, par lettre du même jour, le président de la Cour des comptes a informé le président du groupe EDD qu’il avait pris bonne note de la volonté du groupe EDD de coopérer avec la Cour en ce qui concerne l’examen de ses comptes et qu’il considérait que d’éventuelles mesures relevaient de la compétence du Parlement, ce dont il avait fait part au président de cette institution.

25     Le 18 juillet 2000, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AIPN, décidé de mettre fin au détachement dans l’intérêt du service du requérant auprès du groupe EDD à compter du 14 juillet au soir (article 1er) et de le réintégrer à un poste de traducteur principal à la direction générale de l’information et des relations publiques du Parlement, au grade LA 5, échelon 3, à compter du 15 juillet 2000, avec une ancienneté d’échelon fixée au 1er janvier 2000, le lieu d’affectation du requérant étant fixé à Bruxelles (article 2) (ci-après la « décision attaquée »).

26     La décision attaquée a été notifiée au requérant par lettre du 25 juillet 2000.

27     Le 8 août 2000, les conseils du requérant ont demandé au secrétaire général du Parlement de leur communiquer les documents sur lesquels était fondée la décision attaquée, en particulier la lettre du président du groupe EDD du 4 juillet 2000 et la proposition du directeur général du personnel du Parlement, dont il est fait état dans la décision attaquée.

28     En vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a saisi le secrétaire général du Parlement d’une seconde réclamation, en date du 28 août 2000, par laquelle il demande le retrait de la décision attaquée et une réparation des dommages qu’elle lui cause (ci-après la « seconde réclamation »).

B –  Procédure devant le Tribunal et la Cour

29     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2000, le requérant a introduit le présent recours.

30     Par acte séparé déposé le même jour au greffe du Tribunal, le requérant a introduit une demande visant au sursis à l’exécution de la décision attaquée. L’audience de référé a eu lieu le 14 septembre 2000. À cette occasion, le président du Tribunal a proposé aux parties un règlement amiable, lequel est consigné dans le procès-verbal de l’audience. Par lettre du 28 septembre 2000, le défendeur a informé le Tribunal qu’il ne donnait pas son accord à ce règlement amiable. Par lettre datée du même jour, le requérant a informé le Tribunal de sa décision de se désister de sa demande en référé. Par ordonnance du président du Tribunal du 9 octobre 2000, le recours en référé a été radié du registre du Tribunal et les dépens de la procédure en référé ont été réservés.

31     Par lettre du 27 octobre 2000, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant que, dans la mesure où, d’une part, il y avait un lien évident entre la première réclamation et la seconde réclamation et où, d’autre part, le requérant avait soumis des informations utiles à l’appréciation de ces réclamations dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, il répondrait aux deux réclamations dans les délais applicables à la seconde réclamation, c’est-à-dire avant le 29 décembre 2000.

32     Dans une lettre du 15 novembre 2000 adressée au secrétaire général du Parlement, le requérant a protesté contre cette façon de procéder et a fait part de ses critiques à l’égard de l’attitude du défendeur.

33     Le secrétaire général du Parlement a répondu à cette lettre par courrier du 15 décembre 2000 en confirmant que les réclamations du requérant étaient en cours d’examen.

34     Enfin, la présidente du Parlement a rejeté les deux réclamations du requérant par décision du 19 décembre 2000. Cette décision a été communiquée au requérant par lettre du 20 décembre 2000.

35     Par arrêt du 23 janvier 2002, Reynolds/Parlement (T‑237/00, Rec. p. II‑163, ci-après l’« arrêt du Tribunal »), le Tribunal (troisième chambre) a annulé la décision attaquée et a condamné le défendeur à verser au requérant des dommages et intérêts. Le dispositif de l’arrêt est libellé comme suit :

« 1)      La [décision attaquée] est annulée.

2)      Le Parlement est condamné à verser au requérant une somme correspondant à la différence entre la rémunération que le requérant aurait dû percevoir en tant que fonctionnaire détaché au grade A 2, échelon 1, et celle qu’il a perçue à la suite de sa réintégration au grade LA 5, échelon 3, pour la période allant du 15 juillet 2000 au 30 novembre 2000, majorée d’intérêts moratoires au taux de 5,25 % à compter de la date à partir de laquelle les montants constitutifs de la somme visée au point 149 étaient dus jusqu’à la date de paiement effectif.

3)      Le recours en indemnité est irrecevable en ce qu’il vise à la réparation du dommage causé par les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres.

4)      Le Parlement est condamné à verser au requérant la somme de 1 euro à titre symbolique en réparation du dommage moral qu’il a subi du fait de l’adoption de la décision attaquée.

5)      Le Parlement supportera l’ensemble des dépens quant à la procédure au principal.

6)      Chacune des parties supportera ses propres dépens quant à la procédure en référé. »

36     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 2003 sous le numéro T‑237/00 DEP, le requérant a introduit un recours en taxation des dépens, en vertu de l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal.

37     Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 mars 2002, le Parlement a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal. Ce pourvoi a été enregistré sous le numéro C‑111/02 P.

38     Par ordonnance du 16 juillet 2003, le président de la troisième chambre du Tribunal a ordonné la suspension de la procédure de taxation des dépens dans l’affaire T‑237/00 DEP jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑111/02 P.

39     Par arrêt du 29 avril 2004, Parlement/Reynolds (C‑111/02 P, Rec. p. I‑5475 ; ci-après l’« arrêt de la Cour »), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Le dispositif de l’arrêt de la Cour énonce :

« 1)      Les points 1, 2, 4 et 5 du dispositif de l’[arrêt du Tribunal] sont annulés.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance.

3)      Les dépens sont réservés. »

40     Par mémoires déposés les 25 juin et 13 septembre 2004 au greffe du Tribunal, le requérant et le défendeur ont respectivement soumis leurs observations écrites, conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure, concernant les suites à donner à l’arrêt de la Cour dans la présente procédure.

41     Par ordonnance du 7 décembre 2004, le Tribunal a constaté que, à la suite de l’arrêt de la Cour, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en taxation des dépens dans l’affaire T‑237/00 DEP et a réservé les dépens relatifs à cette affaire.

42     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions au Parlement.

43     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 6 avril 2005.

 Conclusions des parties

44     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       dire que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté est engagée ;

–       ordonner au défendeur le paiement des arriérés de traitement et de pension qui lui sont dus depuis le 15 juillet 2000, le tout majoré d’un taux d’intérêt annuel de 10 %, et octroyer des dommages et intérêts, du fait du préjudice moral subi résultant de la décision attaquée, d’un montant de 250 000 euros ;

–       condamner le défendeur aux dépens.

45     Le défendeur conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–       rejeter le recours en indemnité comme irrecevable ou comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur le recours en annulation

A –  Observations liminaires

46     À titre liminaire, il y a lieu de constater que, à la suite de l’annulation par la Cour des points 1, 2, 4 et 5 du dispositif de l’arrêt du Tribunal et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi, en application de l’article 117 du règlement de procédure, par l’arrêt de la Cour et doit se prononcer une nouvelle fois sur l’ensemble des moyens d’annulation soulevés par le requérant, à l’exclusion des éléments du dispositif non annulés par la Cour ainsi que des considérations qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée.

B –  Sur la recevabilité

1.     Arguments des parties

47     Le défendeur relève que, selon la jurisprudence, un fonctionnaire n’a aucun intérêt légitime à demander l’annulation d’une décision pour violation des formes substantielles lorsque, dans un cas comme celui de l’espèce, l’AIPN ne dispose d’aucune marge d’appréciation et était donc tenue d’agir comme elle l’a fait. Dans un tel cas, l’annulation de la décision ne pourrait, en effet, que donner lieu à l’adoption d’une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée (arrêts de la Cour du 29 septembre 1976, Morello/Commission, 9/76, Rec. p. 1415, point 11, et du 6 juillet 1983, Geist/Commission, 117/81, Rec. p. 2191, point 7 ; arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 54, et ordonnance du Tribunal du 20 mars 2001, Mercade Llordachs/Parlement, T‑343/00, non publiée au Recueil, points 33 et 34).

48     Le défendeur souligne également qu’il est de jurisprudence constante que, pour qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire puisse, en vertu des articles 90 et 91 du statut, introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision de l’AIPN, il faut qu’il ait un intérêt personnel à l’annulation de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑769, point 15).

49     Selon le défendeur, il ressort de ces arguments que le requérant n’a pas d’intérêt à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où une telle sanction ne pourrait donner lieu qu’à l’adoption d’une décision identique, quant au fond, à la décision annulée. Le défendeur relève, en effet, que la rupture de la confiance mutuelle entre le requérant et le groupe EDD était incontestable et que, selon ses propres dires, le requérant était dans l’impossibilité d’accomplir son travail au sein du groupe EDD. En conséquence, l’AIPN n’aurait pas eu d’autre choix que de prendre une décision mettant fin au détachement du requérant.

50     Selon le défendeur, cette conclusion s’impose d’autant plus que, ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, la confiance mutuelle est un élément essentiel de l’engagement des agents par des groupes politiques (arrêt du Tribunal du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, Rec. p. II‑33, points 94 et 95), et que, en cas de disparition de cette confiance mutuelle, le groupe politique peut décider de résilier unilatéralement le contrat d’emploi (arrêt de la Cour du 18 octobre 1977, Schertzer/Parlement, 25/68, Rec. p. 1729, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1997, B/Parlement, T‑123/95, RecFP p. I‑A-245 et II‑697, point 73). Cette circonstance ainsi que le devoir d’impartialité qui s’impose au secrétaire général du Parlement en vertu de l’article 182 du règlement du Parlement auraient pour conséquence que l’institution ne saurait en aucun cas substituer sa propre appréciation de l’existence ou non d’un rapport de confiance mutuelle entre le fonctionnaire détaché et le groupe politique à celle de ce dernier.

51     Le requérant conteste la pertinence de la jurisprudence invoquée par le défendeur afin d’établir l’irrecevabilité du recours en annulation.

2.     Appréciation du Tribunal

52     Tout d’abord, force est de constater que les considérations contenues aux points 39 à 43 de l’arrêt du Tribunal portant sur la recevabilité du présent recours n’ont pas été remises en cause par l’arrêt de la Cour. Partant, en conformité avec ces considérations qu’il convient de reprendre, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’argumentation susvisée, le défendeur s’est référé, d’une part, à la jurisprudence selon laquelle l’introduction d’un recours en vertu des articles 90 et 91 du statut requiert que l’intéressé ait un intérêt personnel à l’annulation de la décision litigieuse et, d’autre part, à la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire n’a aucun intérêt légitime à l’annulation d’une décision pour vice de forme dans un cas où l’administration n’a pas de marge d’appréciation et est tenue d’agir comme elle l’a fait (arrêts Morello/Commission, point 47 supra, point 11 ; Geist/Commission, point 47 supra, point 7 ; Díaz García/Parlement, point 47 supra, point 54, et ordonnance Mercade Llordachs/Parlement, point 47 supra, points 33 et 34).

53     Or, il convient de souligner que la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire n’a pas intérêt à demander l’annulation d’une décision pour vice de forme lorsque l’AIPN n’a pas de marge d’appréciation n’est pas pertinente pour l’appréciation de la recevabilité d’un recours en annulation. En effet, cette jurisprudence se rapporte à l’examen au fond des moyens de forme invoqués par la partie requérante à l’appui d’un tel recours.

54     En revanche, quant à la question de savoir si le recours est irrecevable à cause du manque d’un intérêt personnel du requérant à l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 29, et arrêt du Tribunal du 28 février 1992, Moretti/Commission, T‑51/90, Rec. p. II‑487, point 22), le Tribunal considère que cet intérêt doit s’apprécier au moment de l’introduction du recours (arrêts du Tribunal du 18 juin 1992, Turner/Commission, T‑49/91, Rec. p. II‑1855, point 24 ; du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 28, et ordonnance du Tribunal du 30 avril 2003, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑167/01, Rec. p. II‑1873, point 47).

55     En l’espèce, il est manifeste que, au moment de l’introduction du présent recours, le 8 septembre 2000, le requérant avait un intérêt personnel à demander l’annulation de la décision attaquée, laquelle constitue un acte lui faisant grief. En effet, une éventuelle annulation de la décision attaquée aurait, à tout le moins, pour conséquence que la date de la fin du détachement dans l’intérêt du service du requérant auprès du groupe EDD et des divers avantages qui découlaient de cette position pour l’intéressé ne serait pas le 14 juillet 2000.

56     En conséquence, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée doit être rejetée.

C –  Sur le fond

57     À l’appui de son recours, le requérant soulève sept moyens, à savoir une violation de l’article 38 du statut, une violation des droits de la défense, une violation de l’obligation de motivation, une violation de l’accord sur les transferts des agents des groupes politiques de novembre 1974, une violation du principe de confiance légitime, une violation du devoir de sollicitude et un détournement de pouvoir.

1.     Sur le moyen tiré de la violation de l’article 38 du statut

a)     Arguments des parties

58     Le requérant relève que l’article 38 du statut ne prévoit pas la possibilité pour l’AIPN de mettre fin au détachement dans l’intérêt du service avant l’expiration de la période initialement prévue. Il estime, dès lors, que la défenderesse a violé cette disposition en adoptant la décision attaquée.

59     Le défendeur considère que l’article 38, sous b), du statut, selon lequel l’AIPN fixe la durée du détachement dans l’intérêt du service, doit être interprété en ce sens que l’AIPN peut ultérieurement modifier la durée initialement prévue pour un détachement.

60     Selon le défendeur, une telle interprétation de l’article 38 du statut serait nécessaire afin de donner un effet utile à cette disposition. Il souligne, en effet, que, dans la mesure où un détachement a été décidé dans l’intérêt du service, il serait absurde que l’AIPN n’ait pas la faculté, lorsqu’elle est en présence d’une situation devenue intenable, de mettre fin, de manière anticipée, au détachement. Elle rappelle, à cet égard, que, selon la jurisprudence, une mesure portant réaffectation d’un fonctionnaire en vue de mettre fin à une situation administrative devenue intenable doit être considérée comme prise dans l’intérêt du service (arrêt de la Cour du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 22, et arrêt du Tribunal du 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T‑50/92, Rec. p. II‑555, point 35).

61     Le défendeur fait observer, enfin, que les conclusions du Tribunal dans son arrêt à cet égard devraient rester définitives du fait que cette partie de l’arrêt n’a pas été contestée dans le cadre de la procédure de pourvoi devant la Cour.

b)     Appréciation du Tribunal

62     S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 38 du statut, il y a lieu de constater, à titre liminaire, que le défendeur fait observer à juste titre que les considérations figurant aux points 48 à 53 de l’arrêt du Tribunal n’ont pas fait l’objet d’une contestation durant la procédure de pourvoi et n’ont pas non plus été remises en cause par l’arrêt de la Cour. Par conséquent, il convient de reprendre ces considérations.

63     En effet, il est constant que les articles 37 et 38 du statut ne prévoient pas de manière explicite la possibilité pour l’AIPN de mettre fin au détachement dans l’intérêt du service avant l’expiration de la durée initialement prévue.

64     Il convient toutefois de relever que l’article 38, sous b), du statut dispose que la durée du détachement dans l’intérêt du service est fixée par l’AIPN.

65     Cette disposition doit être interprétée en tenant compte du fait que l’« intérêt du service » participe de l’essence même du détachement prévu à l’article 37, premier alinéa, sous a), du statut et constitue, dès lors, une condition essentielle de son maintien. En conséquence, elle doit être interprétée en ce sens que, en cas de disparition de l’intérêt du service, l’AIPN a, à tout moment, la faculté de modifier la durée initialement prévue pour le détachement et, partant, de mettre fin au détachement avant l’expiration de cette durée.

66     Comme le souligne à juste titre le défendeur, cette interprétation est nécessaire afin de préserver l’effet utile de cette disposition. En effet, dans l’hypothèse où un détachement devient incompatible avec l’intérêt du service, notamment en raison de la disparition des rapports de confiance mutuelle entre le fonctionnaire détaché et le service ou la personne auprès desquels celui-ci a été détaché, l’impossibilité, pour l’AIPN, de mettre fin au détachement avant l’expiration de la durée initialement prévue serait de nature à nuire à l’efficience de ce service ou de cette personne et, plus généralement, à l’intérêt de l’administration communautaire.

67     À la lumière des considérations exposées notamment aux points 58 à 59 de l’arrêt de la Cour, en outre, dans le cas d’espèce, l’AIPN a estimé à juste titre qu’elle était tenue de faire usage de cette compétence afin de mettre fin au détachement du requérant auprès du groupe EDD, dès lors qu’elle était saisie d’une demande formelle du président du groupe sollicitant qu’il soit mis fin au détachement du requérant dans les meilleurs délais. En effet, en présence d’une telle demande, l’AIPN, à laquelle il n’incombe pas de se substituer au groupe politique quant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à cet égard, devait conclure que le détachement du requérant ne correspondait plus à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt de la Cour, points 58 et 59). Cette conclusion s’imposait d’autant plus que, ainsi que le défendeur l’a relevé dans ses réponses aux questions du Tribunal, avant même de recevoir la demande formelle du président du groupe, l’AIPN était déjà bien informée et consciente des tensions qui s’étaient manifestées à l’occasion du détachement du requérant.

68     Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que le défendeur n’a pas violé l’article 38 du statut en adoptant la décision attaquée afin d’assurer le respect de l’intérêt du service. En conséquence, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

2.     Sur le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense

a)     Arguments des parties

69     Le requérant relève que la décision attaquée a été adoptée et lui a été notifiée sans qu’il ait eu l’occasion de prendre, au préalable, utilement position à l’égard de celle-ci et des documents sur lesquels elle repose. Il considère qu’il s’agit là d’une violation du principe du respect des droits de la défense.

70     L’argumentation des parties porte, d’abord, sur la question de savoir si l’AIPN avait l’obligation d’entendre le requérant avant l’adoption de la décision attaquée, ensuite, sur le point de savoir si cette obligation a été satisfaite dans le cas d’espèce, et, enfin, sur l’incidence particulière qu’une telle obligation aurait pu avoir sur la décision attaquée.

 Sur la question de savoir si l’AIPN avait l’obligation d’entendre le requérant avant l’adoption de la décision attaquée

71     Le requérant fait observer à cet égard que, contrairement à ce qu’affirme le défendeur, il est sans importance que le statut ne prévoie pas, de manière explicite, le droit du fonctionnaire détaché à être entendu avant que l’AIPN décide de mettre fin, de manière anticipée, à son détachement. Selon le requérant, le principe du respect des droits de la défense constitue en effet un principe fondamental de droit communautaire, lequel doit recevoir application dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1997, Gaspari/Parlement, T‑36/96, RecFP p. I‑A‑201 et II‑595, point 32). Le requérant relève également que, selon la jurisprudence, le principe du respect des droits de la défense s’applique quelle que soit la marge d’appréciation qui pouvait être reconnue par ailleurs à l’institution dans l’adoption de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 11 mai 1978, Oslizlok/Commission, 34/77, Rec. p. 1099, point 30).

72     Le requérant estime par ailleurs qu’il n’y a pas lieu de retenir l’argument du défendeur fondé sur l’absence de parallélisme entre, d’une part, l’article 38, sous a), du statut, lequel prévoit explicitement l’obligation pour l’AIPN d’entendre le fonctionnaire, et, d’autre part, l’article 38, sous b), du statut, lequel ne prévoit pas une telle obligation. Il considère en effet que, à supposer même qu’il y ait lieu de retenir l’interprétation de l’article 38, sous b), du statut selon laquelle l’AIPN a la faculté de mettre fin à un détachement dans l’intérêt du service avant l’expiration de la durée initialement fixée, le parallélisme des formes exige justement que l’obligation d’entendre au préalable le fonctionnaire détaché, prévue à l’article 38, sous a), du statut, soit également applicable dans ce cas.

73     Le défendeur conteste que l’AIPN ait eu l’obligation d’entendre le requérant avant d’adopter la décision attaquée. En outre, le défendeur fait observer que la Cour, aux points 60 et 61 de son arrêt, a définitivement déclaré comme non fondé le présent moyen d’annulation.

 Sur le point de savoir si le requérant a été consulté avant l’adoption de la décision attaquée

74     Le requérant fait valoir que l’AIPN a violé l’obligation de l’entendre avant l’adoption de la décision attaquée, puisque celle-ci a été adoptée et lui a été notifiée sans qu’il ait eu l’occasion de prendre, au préalable, utilement position à l’égard de celle-ci et des documents sur lesquels elle repose.

75     Le défendeur estime que l'argument du requérant n'est pas fondé.

 Sur l’incidence particulière d’une consultation préalable du requérant

76     Le requérant considère que, contrairement à ce qu’affirme le défendeur, le principe du respect des droits de la défense est violé dès lors que l’intéressé n’a pas été entendu utilement avant l’adoption d’une décision lui faisant grief. Il n’y aurait donc pas lieu de rechercher l’incidence éventuelle qu’une telle consultation préalable a pu avoir sur la décision.

77     Le requérant s’interroge sur les fondements d’une telle interprétation du principe du respect des droits de la défense et relève que ni l’arrêt B/Parlement, point 50 supra, ni l’arrêt Gaspari/Parlement, point 71 supra, ne sauraient être interprétés en ce sens.

78     Le requérant fait observer au demeurant que, si l’occasion lui avait été donnée de présenter son point de vue, notamment sur la lettre du 4 juillet 2000 adressée par le président du groupe EDD au secrétaire général du Parlement et sur le procès-verbal qui y était annexé, il aurait alors été en mesure d’attirer l’attention de l’AIPN sur l’authenticité douteuse dudit procès-verbal dans la mesure où, d’une part, deux membres du groupes EDD se sont désolidarisés du contenu de ce procès-verbal et où, d’autre part, le procès-verbal mentionne la présence durant la réunion de deux personnes qui ne sont pas des membres du groupe EDD, mais seulement des agents de ce groupe. Il aurait également pu démontrer à l’AIPN que la décision du 4 juillet 2000 était illégale dans la mesure où, en l’absence d’une disposition particulière dans les statuts du groupe EDD prévoyant la procédure à suivre pour la démission du secrétaire général du groupe, cette décision aurait dû être adoptée selon la même procédure que celle ayant présidé à son engagement, à savoir qu’elle nécessitait l’approbation du groupe et non du bureau du groupe. Enfin, il aurait pu attirer l’attention de l’AIPN sur le fait que ce n’est pas le groupe entier, mais seulement quelques-uns de ses membres qui ont fait état d’une prétendue disparition du rapport de confiance mutuelle entre le groupe et son secrétaire général.

79     Le défendeur conteste les allégations du requérant à cet égard.

b)     Appréciation du Tribunal

80     À cet égard, il suffit de constater que, dans son arrêt, la Cour a statué aux points 50 à 52 et 57 à 60 comme suit :

« 50      En effet, le groupe politique concerné dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour choisir les collaborateurs qu’il souhaite engager pour exercer des fonctions temporaires auprès de ce groupe ainsi que pour mettre fin à l’engagement de ces derniers.

51      Ce pouvoir discrétionnaire est justifié notamment par la nature spécifique des fonctions exercées auprès d’un groupe politique et par la nécessité de maintenir, dans un tel environnement politique, des rapports de confiance mutuelle entre ce groupe et les fonctionnaires détachés auprès de celui-ci.

52      En acceptant d’exercer de telles fonctions temporaires auprès d’un groupe politique, les fonctionnaires concernés doivent avoir conscience du fait que celui-ci pourrait souhaiter mettre fin à leur engagement avant le terme initialement prévu pour ce détachement.

[...]

57      Certes, ainsi que le Tribunal l’a à juste titre constaté au point 42 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a statué sur le moyen d’irrecevabilité, une telle décision constitue, du point de vue procédural, un acte faisant grief au fonctionnaire qui, dès lors, a un intérêt personnel à en demander l’annulation. On ne saurait toutefois en déduire automatiquement, sans avoir égard à la nature de la procédure ouverte à l’encontre de l’intéressé, ainsi que l’a fait de manière erronée le Tribunal au point 87 dudit arrêt, que, par conséquent, l’AIPN avait l’obligation d’entendre utilement M. Reynolds avant l’adoption de la décision litigieuse.

58      Ainsi qu’il a déjà été précisé aux points 50 à 52 du présent arrêt, le fonctionnaire qui accepte une fonction dont les caractéristiques sont très particulières, comme celle de secrétaire général auprès d’un groupe politique du Parlement, doit avoir conscience du pouvoir discrétionnaire de ce groupe de mettre fin à son engagement à tout moment, notamment en cas de disparition des rapports de confiance mutuelle entre ce dernier et ledit fonctionnaire.

59      Il s’ensuit que, lorsque l’AIPN est saisie d’une demande émanant d’un groupe politique du Parlement visant à mettre fin au détachement d’un fonctionnaire auprès de ce groupe, elle est en principe tenue d’y donner suite dans les meilleurs délais après avoir vérifié que cette demande provient effectivement de la personne ou du service compétent pour la présenter.

60      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’adoption par l’AIPN de la décision litigieuse sans avoir entendu au préalable M. Reynolds apparaît justifiée. »

81     Il en résulte que le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté comme non fondé sans qu’il soit besoin d’examiner l’ensemble des arguments soulevés par le requérant à l’appui de ce moyen.

3.     Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

a)     Arguments des parties

82     Le requérant fait valoir que, en adoptant la décision attaquée, le défendeur n’a pas respecté l’obligation de motivation, dans la mesure où cette décision n’indique aucun motif justifiant la fin du détachement. Il fait observer en outre que la décision attaquée se réfère à une lettre du 4 juillet 2000 du président du groupe EDD ainsi qu’à une proposition du directeur général du personnel du Parlement qui ne lui ont pas été communiquées avant l’introduction du présent recours.

83     Le requérant relève que, en raison de cette absence totale de motivation, il n’a pas été mis en mesure de comprendre les raisons qui constituent le fondement de la décision attaquée et qu’il ne peut assurer, de manière efficace, la défense de ses intérêts. Selon une jurisprudence constante, cela serait constitutif d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE et à l’article 25, deuxième alinéa, du statut (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T‑144/96, RecFP p. I‑A‑405 et II‑1153, point 21).

84     Le requérant conteste, par ailleurs, l’allégation du défendeur selon laquelle l’adoption de la décision attaquée serait intervenue dans un contexte connu de lui et lui permettant de comprendre la portée de cette décision.

85     Il relève en effet que les entretiens des 18 et 24 mai 2000, entre le président du groupe EDD et lui-même, ne portaient que sur le non-renouvellement de son détachement auprès du groupe et non sur la fin anticipée de ce détachement. Il souligne également que, selon l’arrêt Hecq/Commission, point 60 supra (point 26), deux conditions sont requises pour qu’une décision puisse être considérée comme étant suffisamment motivée par référence au contexte. Il faut, d’une part, que l’intéressé ait connaissance du contexte, et, d’autre part, que ce contexte lui permette de comprendre la portée de la mesure. Or, le requérant estime que, contrairement au cas d’espèce dans l’arrêt Hecq/Commission, précité, ces conditions n’étaient pas satisfaites dans la présente affaire.

86     À l’audience du 14 novembre 2001, en réponse à une question orale du Tribunal, le requérant a confirmé, sans être contredit par le défendeur, qu’il n’avait ni participé à la réunion du bureau du groupe EDD du 15 juin 2000 ni reçu, en raison de son absence pour cause de congé de maladie à l’époque et durant la phase précontentieuse, copie du procès-verbal de ladite réunion.

87     Le requérant conteste enfin que les motifs évoqués dans la décision explicite de rejet de sa réclamation intervenue le 19 décembre 2000 permettent de pallier l’absence de motivation de la décision attaquée.

88     Le défendeur relève que, selon une jurisprudence constante, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts Hecq/Commission, point 60 supra, point 21, et B/Parlement, point 50 supra, point 51).

89     Le défendeur considère que tel est le cas en l’espèce. Il se réfère à cet égard aux discussions qui ont eu lieu entre le président du groupe EDD et le requérant les 18 et 24 mai 2000 ainsi qu’au mémorandum établi par le requérant le 1er juillet 2000. Selon le défendeur, il ressort de ces éléments que le requérant était au courant du fait que son détachement était en jeu en raison de la détérioration des rapports de confiance mutuelle entre lui et le groupe EDD. La décision attaquée serait dès lors intervenue dans un contexte connu du requérant, ce qui lui aurait permis d’en comprendre toute la portée et la gravité. Enfin, la Cour aurait confirmé aux points 52 et 58 de son arrêt qu’un fonctionnaire occupant un poste de secrétaire général d’un groupe politique du Parlement doit avoir conscience du pouvoir discrétionnaire de ce groupe de mettre fin à son engagement à tout moment, notamment en cas de disparition des rapports de confiance mutuelle.

90     Le défendeur relève également que la décision de la présidente du Parlement du 19 décembre 2000 rejetant les réclamations introduites par le requérant contient une motivation adéquate dans la mesure où elle permettait au requérant de comprendre la portée de la décision attaquée et au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision. Selon le défendeur, il ressort en effet de cette décision que la décision attaquée est fondée sur la lettre du 4 juillet 2000 du président du groupe EDD par laquelle celui-ci a demandé la réintégration du requérant auprès du secrétariat général dans les meilleurs délais. Il ressortirait également de cette décision que la décision attaquée a été adoptée en raison de l’opinion exprimée par le groupe EDD, selon lequel il n’y avait plus de rapport de confiance mutuelle entre le groupe et le requérant.

b)     Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

91     Il est constant que la décision attaquée ne contient aucune motivation quant aux raisons justifiant la fin anticipée du détachement du requérant auprès du groupe EDD. Le défendeur considère, toutefois, que cette décision est suffisamment motivée, dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du requérant qui lui permettait d’en comprendre la portée. Le défendeur estime, en outre, que l’AIPN a fourni une motivation adéquate dans le cadre de la décision rejetant les réclamations du requérant.

92     Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE. Elle a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire, auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêts du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73 ; et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, point 105, et la jurisprudence qui y est citée).

93     Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, non encore publié au Recueil, point 40, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 28).

94     En outre, selon une jurisprudence établie, notamment quant à la promotion des fonctionnaires, la motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 25, et du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 26). En cas d’absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours, il est de jurisprudence constante que ladite absence ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN après l’introduction du recours. À ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction. L’introduction d’un recours met donc un terme à la possibilité pour l’AIPN de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 23, et Hectors/Parlement, point 93 supra, point 50 ; arrêts du Tribunal du 20 juillet 2001, Brumter/Commission, T‑351/99, RecFP p. I‑A‑165 et II‑757, point 33, et Huygens/Commission, point 92 supra, point 108). En effet, la possibilité de régulariser l’absence totale de motivation après la formation d’un recours porterait atteinte aux droits de la défense, puisque le requérant disposerait uniquement de la réplique pour présenter ses moyens à l’encontre de la motivation dont il ne prendrait connaissance qu’après l’introduction de la requête. Le principe d’égalité des parties devant le juge communautaire s’en trouverait ainsi affecté (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, point 41, et Huygens/Commission, point 92 supra, point 109).

95     Ce dernier aspect est d’autant plus important au cas où, ainsi qu’il résulte de l’arrêt de la Cour, l’intéressé ne dispose pas de garanties procédurales, telles que le droit d’être entendu, durant la procédure administrative. Dans ces circonstances, l’obligation de motivation et son respect par l’administration constituent l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de la décision lui faisant grief, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 64).

96     À cet égard, il y a lieu de constater que le caractère discrétionnaire et politique du choix d’un groupe politique quant à l’engagement et au désengagement d’un fonctionnaire détaché, tout comme la nécessité pour le groupe et l’AIPN d’agir rapidement afin de mettre en œuvre ce choix, ne sont pas de nature à justifier de priver l’intéressé de toute garantie procédurale fondamentale, telle que l’obligation de motivation. Cela est d’autant plus vrai que, en l’absence d’une telle obligation, même un contrôle minimal de la part du juge communautaire s’avérerait impossible. La circonstance que l’AIPN ne possède aucune marge d’appréciation quant à la mise en œuvre de la demande du groupe politique ne limite aucunement la portée de l’obligation de motivation. Dans un tel cas, la motivation de la décision de l’AIPN doit, à tout le moins, refléter les motifs de la demande du groupe politique en vertu desquels l’AIPN se voit dans l’obligation de procéder à la décision mettant un terme au détachement. En effet, la demande du groupe peut comporter en elle-même des irrégularités l’entachant d’illégalité et doit, partant, pouvoir être soumise à un contrôle juridictionnel effectif. Enfin, ce n’est effectivement qu’au vu de la motivation que, d’une part, l’intéressé est en mesure de juger de la pertinence d’un recours juridictionnel contre la décision lui faisant grief, et, d’autre part, le juge communautaire peut exercer son contrôle.

97     Il convient d’ajouter qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, point 13, et Hecq/Commission, point 60 supra, point 26 ; arrêt B/Parlement, point 50 supra, point 51). En outre, si une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance, le Tribunal a néanmoins concédé que l’insuffisance initiale de la motivation peut être exceptionnellement palliée dans certaines circonstances, notamment dans un cas de refus de promotion, par des précisions complémentaires apportées, même en cours d’instance, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A‑103 et II‑335, point 36 ; du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A-69 et II‑353, points 78 à 83, et Roman Parra/Commission, point 94 supra, point 30).

98     C’est au regard des principes énoncés ci-dessus que le Tribunal entend examiner les arguments soulevés par le défendeur.

 Sur la motivation figurant dans la décision du 19 décembre 2000

99     Afin de pallier l’absence de motivation de la décision attaquée, le défendeur se réfère à la motivation fournie par la présidente du Parlement, agissant en qualité d’AIPN, dans la décision du 19 décembre 2000 portant rejet des réclamations du requérant.

100   Or, il convient de rappeler que ce rejet est intervenu plus de trois mois après l’introduction du présent recours par le requérant et que, selon la jurisprudence rappelée au point 94 ci-dessus, l’absence totale de motivation d’une décision ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN après l’introduction du recours.

101   Par ailleurs, le Tribunal estime que la possibilité pour l’AIPN de motiver une décision faisant grief à un fonctionnaire uniquement au stade de la réponse à une réclamation de ce dernier constitue une exception, qui est d’interprétation stricte, au principe fondamental de droit communautaire que présente l’obligation de motivation, exception dont l’AIPN ne peut faire usage que dans des conditions limitées et objectivement justifiées.

102   À cet égard, il y a lieu de relever qu’une telle justification objective peut être avancée quant aux procédures affectant un grand nombre d’individus, telles que les procédures de concours, de nomination ou de promotion, lesquelles nécessitent une prise de décision rapide de la part de l’administration dans l’intérêt du service et de chacun des candidats. Dans ces cas, il serait en effet malvenu d’exiger de l’administration qu’elle motive de prime abord, de manière claire et précise, les décisions de rejet de candidature ou de promotion à l’égard de la multitude des candidats évincés ou non promus. Dès lors, la jurisprudence a reconnu que, dans de telles procédures conduisant à une multitude de décisions portant sur un nombre élevé de candidatures (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 février 1994, Coussios/Commission, T‑18/92 et T‑68/92, RecFP p. I‑A‑47 et II‑171, points 69 à 74, et du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 147), ou de promotions (arrêts Thinus/Commission, point 97 supra, point 74, et arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, non encore publié au Recueil, point 42), l’AIPN n’est pas tenue de motiver d’emblée ses décisions à l’égard des candidats évincés (arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 12), ou non promus (arrêt de la Cour du 13 avril 1978, Ganzini/Commission, 101/77, Rec. p. 915, point 10), une telle motivation ne devant intervenir qu’en réponse à une réclamation de l’intéressé, palliant ainsi l’absence de motivation dans la décision initiale.

103   Cependant, force est de constater que la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure individualisée visant le retrait du statut de secrétaire général d’un groupe politique du Parlement, dont le requérant bénéficiait, avec, pour conséquence, la perte des droits individuels et des avantages correspondant à ce statut. Il en résulte que, en l’absence de tout autre argument du défendeur susceptible de fonder une quelconque justification objective pour l’absence de motivation dans la décision attaquée, s’applique, dans le cas d’espèce, le principe général selon lequel la décision initiale doit comporter une motivation suffisante. En outre, ainsi que déjà relevé au point 95 ci-dessus, s’agissant en l’espèce, contrairement aux décisions de rejet de candidature ou de refus de promotion, d’une mesure prise à l’encontre du seul requérant, la motivation de cette mesure revêt une signification d’autant plus importante du fait de l’absence, telle qu’affirmée par l’arrêt de la Cour, de toute garantie procédurale protégeant le requérant durant la procédure administrative ayant précédé à son adoption.

104   Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le fait que le rejet explicite des réclamations, par décision du 19 décembre 2000, est intervenu dans le délai de quatre mois prévu à l’article 91, paragraphe 2, du statut à compter de la seconde réclamation, n’est pas susceptible de pallier l’absence de motivation de la décision attaquée.

105   Cette appréciation ne saurait être infirmée par le fait que, en l’espèce, le requérant a fait usage de la possibilité prévue à l’article 91, paragraphe 4, du statut de saisir le Tribunal d’un recours immédiatement après l’introduction d’une réclamation auprès de l’AIPN. En effet, si le Tribunal a jugé (arrêt du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623, points 76 à 79) que, dans le cas où un requérant entend présenter une demande de suspension, la possibilité, ouverte à celui-ci par l’article 91, paragraphe 4, du statut, de présenter une requête au principal en même temps que la réclamation adressée à l’AIPN permet à l’administration de motiver une décision portant refus de promotion postérieurement à l’introduction du recours contentieux, cette jurisprudence concerne une hypothèse présentant un caractère exceptionnel tenant aux exigences administratives particulières afférentes aux procédures de promotion (voir point 101 ci-dessus). En l’espèce, s’applique, en revanche, le principe général, rappelé au point 95 ci-dessus, selon lequel la décision initiale doit, à plus forte raison du fait de l’absence d’un droit de l’intéressé à être entendu, contenir une motivation suffisante. Par conséquent, le fait que, dans le cas d’espèce, le requérant a fait usage de la possibilité prévue à l’article 91, paragraphe 4, du statut et que l’institution a répondu à la seconde réclamation dans le délai de quatre mois n’est pas de nature à régulariser a posteriori l’absence de motivation de la décision attaquée.

106   À titre surabondant, il convient de relever que, dans le cas d’espèce, l’administration a elle-même contribué à la genèse du litige, dans la mesure où le requérant s’est vu contraint, en l’absence de motivation de la décision attaquée, de saisir le Tribunal dans les délais prévus à l’article 230, cinquième alinéa, CE afin de sauvegarder ses droits, dont celui à une motivation en bonne et due forme de la décision adoptée à son égard. Or, une telle approche de l’AIPN, contraire aux exigences d’une bonne administration, conduit à déséquilibrer la répartition des fonctions et des compétences respectives entre, d’une part, l’administration et, d’autre part, le juge communautaire, en ce que ce dernier devient la seule et première instance devant laquelle le requérant est à même d’obtenir une telle motivation. En effet, cette pratique met en question le système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge, tel qu’il est prévu par le traité, et, plus spécialement, l’effet utile des voies de recours ainsi que les exigences de célérité de la justice et de l’économie de procédure, eu égard au fait qu’une motivation en bonne et due forme de l’acte faisant grief et sa notification à l’intéressé durant la phase précontentieuse sont susceptibles de faire comprendre à celui-ci la portée de la décision prise à son égard et, le cas échéant, de le convaincre du bien-fondé de celle-ci, évitant ainsi que le contentieux soit porté devant le juge. Il s’ensuit que l’AIPN ne saurait, en principe, se dispenser d’une motivation suffisante des décisions mettant fin au détachement d’un fonctionnaire.

107   Dès lors, le Tribunal constate que le rejet explicite des réclamations du 19 décembre 2000 ne constitue pas une motivation de la décision attaquée au sens de l’article 25, deuxième alinéa, du statut.

 Sur la motivation par référence au contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée

108   Selon la jurisprudence constante rappelée au point 97 ci-dessus, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, lui permettant ainsi de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

109   Il convient de relever, premièrement, qu’il ressort des pièces du dossier que, notamment en raison des discussions des 18 et 24 mai 2000 entre le président du groupe EDD et le requérant, ce dernier avait connaissance du fait que certains membres du groupe EDD n’avaient plus confiance en lui et ne souhaitaient pas renouveler son détachement après l’expiration de la période initialement convenue, ainsi qu’il ressort notamment du mémorandum du 1er juillet 2000 établi par le requérant. Au regard des réponses du défendeur aux questions écrites et orales du Tribunal, il est également constant que le requérant n’a pas été préalablement informé par le président du groupe EDD que ce groupe pouvait décider de mettre fin à son détachement même avant le terme initialement prévu et que le groupe avait effectivement l’intention de procéder de cette façon. De même, il n’est pas contesté que le requérant n’a reçu copie ni du procès-verbal de la réunion du 15 juin 2000 du bureau du groupe EDD ni de la lettre du 4 juillet 2000 du président de ce groupe demandant au secrétaire général du Parlement de mettre fin, dès que possible, au détachement du requérant.

110   Dès lors, il est constant que le requérant était conscient de l’éventuelle intention du groupe EDD de faire usage de son pouvoir discrétionnaire afin de mettre un terme à son mandat et de demander au secrétaire général du Parlement d’intervenir à cet effet. En revanche, à ce stade, il ne résultait pas encore du contexte dans lequel a été prise la décision attaquée que le groupe EDD entendait mettre fin au mandat du requérant à une date antérieure à celle initialement prévue par le détachement.

111   Deuxièmement, il y a lieu de constater que le requérant a dû réaliser, par la suite, la gravité de la situation et la rupture définitive des rapports de confiance mutuelle avec le groupe EDD, et ce avant même que celui-ci ne prenne la décision de demander qu’il soit mis fin aux fonctions du requérant avant le terme prévu de son détachement. Cela ressort notamment de la lettre adressée le 23 juin 2000 au président de la Cour des comptes, par laquelle le requérant demandait formellement l’examen des comptes financiers du groupe EDD.

112   Le Tribunal considère que, dans ces conditions, le requérant ne pouvait plus, à partir de cette date, légitimement s’attendre à ce que les rapports de confiance mutuelle entre lui et le groupe EDD subsistent ou puissent même être rétablis. Au contraire, le requérant devait savoir, au regard de ses propres actes, qu’une telle approche, indépendamment des motifs qui la sous-tendent et de leur bien-fondé, devait nécessairement conduire à la rupture irrémédiable de la relation de confiance entre lui-même et le groupe EDD, dans la mesure où ce dernier était susceptible d’interpréter le comportement du requérant comme une mise en cause de l’intégrité des membres du groupe.

113   Le Tribunal relève en outre que, dans ces circonstances et eu égard à la constatation de la Cour selon laquelle un fonctionnaire dans la situation du requérant doit avoir conscience du pouvoir discrétionnaire du groupe politique de mettre fin à son engagement à tout moment, notamment en cas de disparition des rapports de confiance mutuelle (arrêt de la Cour, point 58), le requérant ne pouvait pas s’attendre à pouvoir continuer d’exercer ses fonctions de secrétaire général du groupe EDD. En effet, le requérant devait être conscient du fait que, à la suite de la rupture de la confiance mutuelle, pour quelque raison que ce soit, et à laquelle il a contribué par son comportement, il n’était plus en mesure d’assurer ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour, point 56).

114   Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le requérant devait avoir une connaissance suffisante des motifs constituant le fondement de la décision attaquée, eu égard au contexte dans lequel celle-ci est intervenue, et qu’il ne pouvait plus ignorer la possibilité que soit mis fin à son détachement avant le terme initialement prévu.

115   Troisièmement, le Tribunal constate que, à la suite de la lettre du président du groupe EDD en date du 4 juillet 2000 demandant qu’il soit mis fin au détachement du requérant « dès que possible », le secrétaire général du Parlement a prévu, dans la décision attaquée en date du 18 juillet 2000, qu’« [i]l [était] mis fin au détachement dans l’intérêt du service d[u requérant] auprès du [g]roupe [EDD] à compter du 14 juillet 2000 au soir ».

116   En outre, il est également constant que le requérant n’a reçu copie de la décision attaquée que le 25 juillet 2000, cette dernière date étant censée – sauf réglementation contraire – être la date de sa prise d’effet vis-à-vis du requérant. Le Tribunal en conclut que le secrétaire général du Parlement a donné un effet rétroactif de quatre jours à la fin du détachement du requérant par rapport à la date d’adoption de la décision attaquée et de dix jours par rapport à la date de sa notification au requérant, c’est-à-dire de sa prise d’effet prévue par le statut.

117   À cet égard, il convient de relever que, même s’il est vrai que le requérant avait une connaissance suffisante du contexte dans lequel est intervenue la décision attaquée quant à la cessation anticipée de son détachement, ce contexte n’était pas susceptible d’indiquer au requérant les raisons de l’éventuelle portée rétroactive de cette décision. Cela est d’autant plus vrai que, selon une jurisprudence constante, le retrait rétroactif d’un acte administratif conférant des droits subjectifs est soumis à des conditions très strictes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, points 139 et 140, et la jurisprudence qui y est citée). Par ailleurs, même à supposer que l’approche susvisée de l’AIPN soit licite, le Tribunal constate que, à l’audience, le défendeur a confirmé que cette approche ne relève pas d’une pratique constante de l’AIPN en cas de disparition de la confiance mutuelle entre le fonctionnaire détaché et le groupe politique. Dès lors, une telle pratique, inexistante, n’était à l’évidence pas susceptible d’être connue par le requérant.

118   En effet, le seul argument du défendeur, selon lequel il est de pratique courante, pour l’administration, de prendre des actes concernant la carrière des fonctionnaires avec effet au premier ou au quinzième jour du mois pour faciliter le calcul des traitements ne justifie pas une exception au principe général de non-rétroactivité des décisions affectant la situation juridique et financière du destinataire. Le Tribunal relève, enfin, qu’une telle approche de l’AIPN n’était, en tout état de cause, pas imposée au regard de la demande du groupe EDD, lequel s’est cantonné à solliciter que soit mis un terme au détachement « dès que possible ».

119   Par conséquent, force est de constater que le requérant n’avait pas et ne pouvait pas avoir connaissance du fait que serait donné un effet rétroactif à la décision attaquée. Dès lors, compte tenu du fait que cet aspect constitue un élément essentiel de ladite décision, affectant d’autant plus les intérêts du requérant qu’il s’agissait d’un acte portant réduction de ses droits individuels, l’AIPN ne pouvait se dispenser d’une motivation sur ce point.

120   Enfin, il convient de rejeter l’argument du défendeur selon lequel l’argument tiré de la rétroactivité de la décision attaquée aurait été soulevé tardivement par le requérant. En effet, dans le cadre d’un recours en annulation, le moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation d’un acte communautaire constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge communautaire et qui, par conséquent, peut être invoqué par les parties à tout stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24 ; arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T‑61/89, Rec. p. II‑1931, point 129).

 Conclusion

121   Au vu de ce qui précède, le Tribunal conclut que, pour autant que la décision attaquée met un terme au détachement du requérant avec effet rétroactif, cette décision ne satisfait pas à l’exigence d’une motivation suffisante, laquelle est prévue à l’article 25, deuxième alinéa, du statut.

122   Partant, il y a lieu d’accueillir partiellement le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation et d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle ordonne son application rétroactive couvrant la période allant du 15 au 24 juillet 2000.

4.     Sur le moyen tiré de la violation de l’accord sur les transferts des agents des groupes politiques datant de novembre 1974

a)     Arguments des parties

123   Le requérant fait valoir que la décision attaquée n’a pas respecté les dispositions de l’accord sur le transfert des agents des groupes politiques, tel qu’adopté par les présidents des groupes politiques du Parlement en novembre 1974 et renouvelé en ces termes depuis lors (ci-après l’« accord de 1974 »). Il relève en particulier que, selon l’article 3, troisième alinéa, de cet accord, l’AIPN aurait dû procéder à une reconstitution de sa carrière au moment de sa réintégration dans les services du Parlement. Il prétend que l’AIPN a méconnu cette obligation en le « rétrogradant » du grade A 2 qui était le sien lors de son détachement auprès du groupe EDD à son grade LA 5 d’origine.

124   Le requérant conteste, à cet égard, l’argument du défendeur selon lequel il n’y a pas lieu de reconstituer sa carrière dans la mesure où son détachement n’a duré que quelques mois. Il relève, d’une part, que le détachement a duré huit mois et, d’autre part, que l’article 3, troisième alinéa, de l’accord de 1974 ne subordonne pas la reconstitution de carrière à une durée minimale.

125   Le requérant conteste également la référence faite par le défendeur à l’arrêt B/Parlement, point 50 supra. Il considère en effet qu’il n’est pas impensable que la reconstitution de sa carrière aurait pu conduire l’AIPN à prendre une décision différente de la décision attaquée. Il se réfère à cet égard aux lettres que certains membres du groupe, à savoir MM. Okking et Titford, ont adressées en ce sens au défendeur.

126   Le défendeur conteste les allégations du requérant.

b)     Appréciation du Tribunal

127   À l’article 3, troisième alinéa, de l’accord de 1974, il est prévu que « [...] [p]our les fonctionnaires permanents détachés au service des groupes, qui voudraient faire retour à l’institution ou au service d’origine, on procédera à une reconstitution de carrière, qui tiendra compte du niveau des fonctions exercées ».

128   Dans son arrêt du 21 novembre 1989, Becker et Starquit/Parlement (C‑41/88 et C‑178/88, Rec. p. 3807), la Cour a considéré que l’accord de 1974, pas plus que les directives internes adoptées par l’administration, ne peut déroger aux dispositions impératives du statut (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 1987, Del Plato e.a./Commission, 181/86 à 184/86, Rec. p. 4991, points 14 et 18) ni créer des droits pouvant entraîner un classement contraire au statut.

129   Le Tribunal estime, dès lors, qu’il est exclu, notamment en vertu du principe de la hiérarchie des normes, que l’accord de 1974 puisse octroyer aux fonctionnaires ayant été détachés auprès d’un groupe politique des avantages auxquels ils ne peuvent aspirer en vertu du statut.

130   Quant à la question de savoir si le requérant aurait pu, sans violer le statut, être réintégré à un grade supérieur au grade finalement retenu, il convient de relever que l’AIPN, en réintégrant le requérant à un emploi plus élevé que celui qu’il occupait avant son détachement, aurait violé l’article 38, sous f) et g), du statut. En effet, l’article 38, sous f), du statut prévoit que le fonctionnaire conserve son emploi, ses droits à l’avancement et sa vocation à la promotion. En outre, le point g) de cette disposition stipule que l’intéressé réintègre immédiatement l’emploi qu’il occupait antérieurement à l’expiration du détachement. Il incombait dès lors à l’AIPN de réintégrer le requérant au poste qu’il avait occupé précédemment en tenant compte de ses droits à l’avancement et de sa vocation à la promotion.

131   Or, il ressort de la décision attaquée que le requérant a été effectivement réintégré à un poste de traducteur principal à la direction générale de l’information et des relations publiques du Parlement, au grade LA 5, échelon 3, et qu’il a été tenu compte de ses droits à l’avancement et de sa vocation à la promotion, avec une ancienneté d’échelon au 1er janvier 2000.

132   Dès lors, le Tribunal considère que, en l’espèce, le statut a été respecté et que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

5.     Sur le moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime

a)     Arguments des parties

133   Le requérant relève que le principe du respect de la confiance légitime constitue un principe fondamental de droit communautaire (arrêt de la Cour du 5 mai 1981, Dürbeck, 112/80, Rec. p. 1095) et que la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que l’intéressé doit avoir reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 106 et 107), que ces assurances ont été de nature à faire naître une attente légitime (arrêt du Tribunal du 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T‑235/94, RecFP p. I‑A‑43 et II‑129, points 63 et 64), et, enfin, que ces assurances étaient conformes aux normes applicables (arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 70).

134   Le requérant considère avoir reçu de telles assurances en ce qui concerne la durée de son détachement, lequel aurait dû se maintenir non pas jusqu’au 14 juillet, mais bien jusqu’au 30 novembre 2000, voire même jusqu’à la fin de la législature du Parlement, c’est-à-dire jusqu’en juin 2004.

135   Il relève en effet, en premier lieu, qu’il a reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables que son détachement durerait jusqu’au 30 novembre 2000, dans la mesure où une telle durée est explicitement prévue par la décision du 11 juillet 2000. Il fait également valoir qu’il a reçu des assurances que son détachement serait maintenu jusqu’en juin 2004 dans la mesure où, d’une part, lors d’un entretien avec le président du groupe EDD le 27 octobre 1999 et lors de son audition de recrutement devant le groupe EDD le 3 novembre 1999, il a été précisé que le détachement se ferait pour la durée du mandat parlementaire, c’est-à-dire jusqu’en juin 2004, et où, d’autre part, la secrétaire générale adjointe du groupe EDD, Mme Vangrunderbeek, avait indiqué au requérant que le renouvellement d’un détachement auprès d’un groupe politique était une pratique courante et usuelle au sein du Parlement.

136   Il considère, en deuxième lieu, que ces assurances étaient de nature à faire naître une attente légitime dans son chef, dans la mesure où il a pu estimer être appelé à exercer ses fonctions de secrétaire général du groupe EDD jusqu’au 30 novembre 2000, voire même jusqu’en juin 2004.

137   En troisième lieu, il estime que ces assurances étaient conformes aux normes applicables, notamment au statut.

138   Le défendeur conteste que le requérant puisse invoquer le principe de protection de la confiance légitime afin de demeurer secrétaire général du groupe EDD jusqu’au 30 novembre 2000 et a fortiori jusqu’en juin 2004.

b)     Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

139   Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui est un des principes fondamentaux du droit communautaire, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître dans son chef des espérances fondées (voir, en dernier lieu, arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, Ricci/Commission, T‑329/03, non encore publié au Recueil, point 79 et la jurisprudence qui y est citée).

140   Enfin, il ressort de la jurisprudence que ces assurances doivent être conformes aux dispositions du statut et aux normes applicables en général (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 novembre 1983, Thyssen/Commission, 188/82, Rec. p. 3721, point 11, et du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6 ; arrêt du Tribunal du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1065, point 54). Il est également de jurisprudence constante que la communication d’une interprétation erronée d’une règle communautaire ne saurait engager la responsabilité de l’administration (arrêts de la Cour du 28 mai 1970, Richez-Parise e.a./Commission, 19/69, 20/69, 25/69 et 30/69, Rec. p. 325, points 36 et 37, et du 11 juillet 1980, Kohll/Commission, 137/79, Rec. p. 2601, point 14 ; arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, Rec. p. II‑131, points 28 à 30).

141   Il convient de rechercher, à la lumière de ces principes, dans quelle mesure le requérant est en droit de se réclamer de la protection de la confiance légitime en ce qui concerne la durée de son détachement.

 En ce qui concerne la confiance légitime du requérant en ce que son détachement durerait jusqu’au 30 novembre 2000

142   En l’espèce, il est constant que la décision de l’AIPN du 11 janvier 2000 constitue une information précise et concordante, émanant d’une source autorisée et fiable, dont il ressort que, en principe, le détachement du requérant auprès du groupe EDD prendrait fin le 30 novembre 2000.

143   En revanche, une telle information ne saurait être considérée comme étant de nature à créer une attente légitime sous peine d’affecter l’effet utile de l’article 38, sous b), du statut, tel qu’interprété à la lumière de l’arrêt de la Cour. En effet, il ressort du point 52 de cet arrêt ainsi que des considérations figurant aux points 108 à 114 ci-dessus que le requérant devait avoir conscience que l’AIPN pouvait éventuellement mettre fin à son détachement avant cette date dans certaines circonstances et, notamment, si elle constatait une rupture de la confiance mutuelle entre le groupe EDD et lui. Toute interprétation contraire aurait pour effet de réduire à néant la possibilité dont dispose l’AIPN de mettre un terme à un détachement dans l’intérêt du service avant l’expiration de la durée initialement fixée lorsque les rapports de confiance mutuelle entre un groupe politique et le fonctionnaire détaché auprès de lui ont disparu.

144   Dès lors, dans le cas d’espèce, le requérant ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime en ce que son détachement durerait jusqu’au 30 novembre 2000 et il convient de rejeter cette branche du présent moyen comme non fondée.

 En ce qui concerne la confiance légitime du requérant en ce que son détachement durerait jusqu’en juin 2004

145   Il convient de rappeler, tout d’abord, que la décision du 11 janvier 2000 précisait que le détachement du requérant prendrait fin le 30 novembre 2000. Il s’ensuit que l’on ne saurait considérer que le requérant disposait d’informations précises, inconditionnelles et concordantes selon lesquelles son détachement durerait jusqu’en juin 2004.

146   À supposer même que la secrétaire générale adjointe du groupe EDD ou certains membres du groupe EDD aient réellement confirmé au requérant que le renouvellement de son détachement après un an serait une simple formalité et qu’il pourrait rester en fonctions jusqu’en juin 2004, ces propos ne sauraient être considérés comme des informations émanant de sources autorisées et fiables au sens de la jurisprudence citée au point 139 ci-dessus. En effet, en vertu de l’article 38, sous b), du statut, seule l’AIPN est compétente pour fixer la durée d’un détachement dans l’intérêt du service. En conséquence, seule l’AIPN peut être considérée comme pouvant donner des assurances précises quant à la durée d’un détachement susceptible de fonder une confiance légitime dans le chef du fonctionnaire concerné.

 Conclusion

147   Il découle de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime doit être rejeté comme non fondé.

6.     Sur le moyen tiré du non-respect du devoir de sollicitude

a)     Arguments des parties

148   Le requérant fait valoir que l’AIPN a manqué à son devoir de sollicitude dans la mesure où elle a adopté la décision attaquée sans tenir compte, d’une part, de la première réclamation, en date du 23 juin 2000, et, d’autre part, du fait qu’il se trouvait en congé de maladie.

149   En ce qui concerne la première réclamation, le requérant relève que la présidente du Parlement, exerçant les pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN, n’y a répondu que par lettre du 19 décembre 2000, c’est-à-dire bien après l’adoption de la décision attaquée. Il fait observer, de plus, que cette décision ne répond même pas à l’ensemble des arguments qu’il avait invoqués dans la première réclamation ainsi que dans le mémorandum du 1er juillet 2000 et qu’il n’a à aucun moment eu l’occasion de faire valoir ses intérêts dans le cadre de la procédure précontentieuse.

150   Quant au fait que la décision attaquée a été adoptée alors qu’il se trouvait en congé de maladie, cette circonstance démontre, selon lui, que ses intérêts n’ont pas été pris en compte par l’AIPN. Le requérant conteste, à cet égard, l’allégation du défendeur selon laquelle la décision attaquée a été adoptée afin de tenir compte de son état de santé. Il relève en effet que le défendeur se fonde à cet égard sur des documents tels le mémorandum du 1er juillet 2000 et un certificat médical du 31 août 2000, qui n’ont été portés à la connaissance de l’administration qu’après l’adoption de la décision attaquée.

151   Le défendeur conteste ne pas avoir respecté dans le cas d’espèce le devoir de sollicitude lui incombant.

b)     Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

152   Selon une jurisprudence établie, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique, notamment, que l’AIPN prenne en considération, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du Tribunal du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T‑111/99, RecFP p. I‑A‑135 et II‑611, point 43).

153   Le requérant fait valoir que, dans le cas d’espèce, l’AIPN n’a pas respecté son devoir de sollicitude dans la mesure où elle a adopté la décision attaquée sans tenir compte de la première réclamation et du fait qu’il se trouvait en congé de maladie. Il convient d’analyser séparément ces deux arguments.

 Sur l’absence de prise en compte de la première réclamation

154   Le Tribunal considère, en premier lieu, que l’introduction d’une réclamation par le requérant le 23 juin 2000 n’empêchait pas l’AIPN d’adopter la décision attaquée. À cet égard, il convient de rappeler que l’AIPN dispose, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, d’un délai de quatre mois pour répondre à une réclamation. Ni le devoir de sollicitude ni le statut n’obligent l’AIPN à prendre une décision dans un délai plus court.

155   Le Tribunal relève, en deuxième lieu, que, ainsi que la présidente du Parlement l’a constaté dans sa décision du 19 décembre 2000 rejetant les réclamations du requérant, la première réclamation ne contient pas d’informations précises. Dans cette réclamation, le requérant s’est limité à faire état d’actes lui faisant grief dans l’exercice de ses fonctions auprès du groupe EDD, à savoir du fait que, d’une part, son accès aux comptes du groupe EDD a été entravé alors qu’un tel accès participe de la nature même de la fonction de secrétaire général d’un groupe politique, et, d’autre part, que des instructions contradictoires lui ont été adressées dans un climat de harcèlement moral. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le requérant n’a pas démontré que la première réclamation a été susceptible d’avoir une quelconque influence sur l’adoption de la décision attaquée par l’AIPN, celle-ci ayant été déterminée par la demande du groupe EDD en date du 4 juillet 2000.

156   Par ailleurs, s’il est vrai que le requérant a précisé la portée de la première réclamation dans son mémorandum du 1er juillet 2000 et que la présidente du Parlement a tenu compte de ce mémorandum aux fins de sa réponse à cette réclamation, il est toutefois constant que l’AIPN n’a reçu copie de ce mémorandum que dans le courant du mois de septembre 2000, de sorte que le requérant ne saurait reprocher à l’AIPN de ne pas en avoir tenu compte au moment de l’adoption de la décision attaquée.

157   Le Tribunal estime, en troisième lieu, que le fait que le requérant n’a pas été entendu dans le cadre de la procédure précontentieuse ne saurait constituer en soi, à plus forte raison à la lumière des constatations figurant dans l’arrêt de la Cour (voir point 80 ci-dessus), une violation du devoir de sollicitude. S’il est vrai que le fait pour l’AIPN d’entendre l’intéressé peut être utile afin de mieux comprendre la portée de sa réclamation, il incombe en principe à ce dernier de formuler sa réclamation de manière précise et claire afin que l’AIPN puisse y répondre dans les meilleurs délais.

158   Le Tribunal relève, en dernier lieu, que la décision attaquée a été adoptée par l’AIPN parce que le détachement du requérant auprès du groupe EDD s’avérait ne plus correspondre à l’intérêt du service. Dans un tel cas de figure, l’intérêt du service doit nécessairement primer sur l’intérêt du fonctionnaire afin d’assurer que le détachement du fonctionnaire reste conforme à son objet, à savoir garantir le bon fonctionnement de l’administration communautaire. Cela est d’autant plus vrai lorsque la décision est prise uniquement dans l’intérêt du groupe politique auprès duquel il a été détaché et dont l’AIPN est tenue de prendre en compte la volonté exprimée (voir points 64 à 67 ci-dessus). En outre, dans un cas, comme celui de l’espèce, où toute collaboration est devenue impossible en raison de la disparition de la confiance mutuelle, une telle décision est également prise dans l’intérêt du fonctionnaire détaché, auquel elle permet de retrouver un cadre de travail normal et propice au développement de ses compétences.

 Sur le fait que la décision attaquée a été adoptée durant le congé de maladie du requérant

159   Il ressort des documents produits par les parties que le requérant était en congé de maladie depuis le 24 mai 2000 et qu’il se trouvait dans cette situation au moment de l’adoption de la décision attaquée. Or, le fait qu’un fonctionnaire se trouve en congé de maladie n’implique pas que, en vertu de son devoir de sollicitude, l’AIPN ne saurait adopter une décision lui faisant grief.

160   En outre, dans le cas d’espèce, la décision attaquée a été adoptée parce que le détachement ne s’avérait plus correspondre à l’intérêt du service, les rapports de confiance mutuelle entre le requérant et le groupe EDD ayant disparu. Or, cet état de fait était déjà acquis avant que le requérant ne s’absente pour cause de maladie, c’est-à-dire avant le 24 mai 2000.

 Conclusion

161   Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.

7.     Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

a)     Arguments des parties

162   Le requérant relève que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère à l’usage, par une autorité administrative, de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée d’un détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, précis et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt Samper/Parlement, point 152 supra, point 64).

163   Le requérant estime que la décision attaquée a été adoptée dans le seul but de l’écarter des affaires du groupe EDD. Il fait observer en effet qu’il est pour le moins étrange que la décision attaquée soit intervenue à peine trois semaines après qu’il a fait part, tant au secrétaire général du Parlement qu’au président de la Cour des comptes, des difficultés qu’il avait rencontrées pour accéder aux comptes du groupe. Il remarque également que ses demandes répétées d’accès aux comptes du groupe ont suscité des réactions à la fois gênées et agacées de la part de certains membres et agents du groupe et qu’il a eu de grandes difficultés pour obtenir une analyse du budget du groupe EDD pour l’année 2000.

164   Le défendeur conteste les allégations du requérant.

b)     Appréciation du Tribunal

165   Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir, ayant une portée bien précise, implique qu’une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt Samper/Parlement, point 152 supra, point 64 ; arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, RecFP p. I‑A‑179 et II‑813, point 68, et du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 28). À cet égard, le requérant ne saurait se limiter à invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions ; encore faut-il qu’il fournisse des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance (arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 113, et arrêt Cwik/Commission, précité, point 29).

166   À cet égard, il suffit de relever que dans le cas d’espèce ni les éléments du dossier ni les critiques du requérant à l’encontre de la décision attaquée ne comportent des indices suffisamment précis, objectifs, pertinents et concordants susceptibles de donner lieu à la conclusion selon laquelle la décision de l’AIPN n’aurait pas pour fondement la disparition des rapports de confiance mutuelle entre le groupe EDD et le requérant, mais poursuivrait l’objectif de dissimuler de prétendues irrégularités financières.

167   Dès lors, le Tribunal considère que ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

8.     Sur l’argumentation tirée de l’absence de validité de la décision du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000 au regard des statuts du groupe

a)     Arguments des parties

168   Le requérant conteste la légalité de la décision du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000 pour violation des conditions de forme prévues par les statuts du groupe EDD.

169   En premier lieu, il estime que la décision de renvoi du secrétaire général du groupe aurait requis, tout comme le choix du secrétaire général au sens de l’article 7, sixième alinéa, des statuts du groupe EDD, « l’approbation du groupe », ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, étant donné que c’est le bureau du groupe EDD qui a pris la décision du 4 juillet 2000.

170   En deuxième lieu, le requérant conteste la légalité de cette décision au regard de la lettre de M. Titford, membre du groupe EDD et président du sous-groupe anglais (United Kingdom Independence Party), adressée le 22 septembre 2000 au secrétaire général du Parlement. Cette lettre énonce notamment :

« In a letter sent to you on the 4th of July 2000, Mr Jens-Peter Bonde asked you to take back Patrick Reynolds as soon as possible. With regards to the bureau meeting on the 4th July 2000 upon which the letter was based, my participation in it was based on misleading information, which I had been given. I am asking for my name to be removed from the minutes as one who supported the item on the removal of Mr Reynolds. The UK independence party, namely Nigel Farage MEP and myself were satisfied with his performance as Secretary-General to the EDD Group […] »

171   Le défendeur soutient que, eu égard à la liste de présence figurant à la tête du procès-verbal de la réunion du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000, tous les membres du bureau ont été présents, à l’exception de Mme Mathieu et M. Farage, qui ont toutefois été représentés respectivement par deux autres membres de leurs sous-groupes respectifs, à savoir M. Butel et M. Titford. Le défendeur en conclut que tous les sous-groupes ont été représentés à la réunion du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000. En outre, durant cette réunion, le bureau aurait décidé à l’unanimité d’inviter le secrétaire général du Parlement à mettre fin au détachement du requérant aussitôt que possible.

172   En réponse à une question écrite du Tribunal, le défendeur conteste que la déclaration postérieure de M. Titford ait pu affecter la légalité de la décision adoptée par le bureau du groupe EDD le 4 juillet 2000. Le défendeur relève en effet que le secrétaire général a reçu la lettre de M. Titford le 22 septembre 2000, c’est-à-dire près de deux mois après l’adoption de la décision attaquée, laquelle est intervenue le 18 juillet 2000. Il serait dès lors exclu que la déclaration de M. Titford ait pu affecter la légalité de la décision du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000 et, partant, celle de la décision attaquée, quant à la période précédant le 22 septembre 2000.

173   S’agissant de la période postérieure au 22 septembre 2000, le défendeur estime que l’AIPN était en droit de maintenir la décision attaquée en dépit du fait nouveau que constituait la lettre de M. Titford. Selon le défendeur, d’une part, il existe un principe élémentaire du processus démocratique selon lequel, dès lors qu’une décision collégiale a été prise, un membre individuel n’a pas la faculté de remettre en cause son vote en faveur d’une telle décision. Aucune possibilité en ce sens ne serait d’ailleurs prévue ni par le règlement du Parlement ni par les statuts du groupe EDD. D’autre part, à supposer même que M. Titford ait pu changer son vote antérieur, ce changement n’aurait pas affecté la légalité de la décision du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000 et, partant, celle de la décision attaquée dans la mesure où, conformément à l’article 2 des statuts du groupe EDD, qui prévoit que les décisions administratives sont adoptées à la majorité, les cinq autres membres du groupe EDD, qui ont participé à la réunion du bureau du groupe du 4 juillet 2000, ont tous voté en faveur de la demande de renvoi du requérant.

b)     Appréciation du Tribunal

174   À titre liminaire, le Tribunal estime que le choix et le renvoi d’un secrétaire général au sens de l’article 7, sixième alinéa, des statuts du groupe EDD relèvent d’une décision administrative aux termes de l’article 2, cinquième alinéa, et non d’une décision concernant les activités politiques du groupe en vertu de l’article 2, troisième alinéa, desdits statuts. En effet, il s’agit d’une question relevant de l’organisation et de la gestion des travaux au sein du groupe EDD, à savoir de sa sphère interne, à la différence des activités politiques, qui relèvent des relations du groupe avec le Parlement en tant que tel, avec les autres groupes politiques ainsi qu’avec l’extérieur.

175   En outre, contrairement à l’argument du requérant, l’article 7, sixième alinéa, deuxième phrase, des statuts du groupe EDD ne requiert « l’approbation du groupe » que pour le choix du secrétaire général, et non pour son renvoi. En effet, cette dernière disposition constitue une exception à la règle selon laquelle le bureau, en tant qu’organe directeur au sens de l’article 7, premier alinéa, des statuts du groupe EDD, est responsable de toute mesure administrative visant au bon fonctionnement du groupe, en ce compris toute décision relative à la gestion des relations avec le personnel administratif du groupe EDD. C’est seulement dans le cas de proposition d’un candidat à un poste administratif au sein du groupe EDD, le poste de secrétaire général y compris, qu’une approbation du groupe en tant que tel est requise pour assurer que ce candidat dispose de la confiance tant du bureau que de l’ensemble des membres du groupe. En revanche, il suffit que le membre du personnel perde la confiance du bureau du groupe pour justifier son renvoi, les intérêts du groupe étant suffisamment protégés dans un tel cas par la possibilité d’approuver ou de rejeter ultérieurement la proposition quant au successeur du secrétaire général renvoyé.

176   Il en résulte que la décision portant sur le renvoi du secrétaire général du groupe EDD pouvait être prise par un vote à la majorité en vertu de l’article 2, cinquième alinéa, des statuts du groupe EDD au sein du bureau du groupe.

177   Dès lors, à supposer même que la déclaration de M. Titford, en tant que représentant du sous-groupe anglais, ait pu affecter, de manière rétroactive, l’unanimité de la prise de décision par le bureau du groupe EDD le 4 juillet 2000, et que son vote en faveur de cette décision ait effectivement reposé sur des informations trompeuses, elle ne saurait remettre en cause la légalité de cette décision administrative au regard de l’article 2 des statuts du groupe EDD. En effet, cette décision a été, en tout état de cause, adoptée à la majorité des votes du bureau du groupe EDD, dont tous les sous-groupes ont été représentés, conformément à l’article 7, quatrième et cinquième alinéas, des statuts du groupe EDD.

178   Ce résultat n’est pas infirmé par l’article 2, sixième alinéa, des statuts du groupe EDD selon lequel « [l]e bureau peut décider à l’unanimité parmi les sous-groupes des décisions administratives qui doivent être arrêtées par le groupe à la majorité ». En effet, cette disposition ne remet pas en cause le principe du vote à la majorité même au sein du bureau du groupe EDD. À cet égard, il convient de relever en premier lieu que, selon l’article 7, premier et sixième alinéas, des statuts du groupe EDD, le bureau, conjointement avec la présidence, constitue l’organe directeur du groupe qui est responsable de son bon fonctionnement, notamment de sa gestion administrative. En deuxième lieu, l’article 2, sixième alinéa, des statuts du groupe EDD ne consacre aucunement une exception au principe de la décision à la majorité des questions administratives au sein du bureau du groupe, étant donné qu’il ne s’agit que d’une habilitation à la délégation au groupe entier de décisions quant à certaines questions administratives, délégation dont le groupe EDD, ainsi que le défendeur l’a confirmé à l’audience, n’a jamais fait usage. Cette interprétation se voit confortée par la version anglaise de l’article 2, sixième alinéa, des statuts du groupe EDD qui énonce :

« The Bureau can decide by unanimous decision of the Subgroups which administrative decisions should be taken by the Group by majority vote. »

179   Il en résulte que, s’agissant d’une décision administrative, le bureau du groupe EDD était en droit de décider à la majorité du renvoi du requérant de son poste de secrétaire général et que cette majorité était, en tout état de cause, acquise indépendamment de la validité du vote de M. Titford.

180   Dès lors, les arguments tirés de la violation des conditions de formes établies par les règles des statuts du groupe EDD doivent être rejetés comme non fondés.

9.     Conclusion

181   Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que la décision attaquée doit être annulée pour la violation de l’obligation de motivation pour autant qu’elle met fin au détachement du requérant de manière rétroactive, à savoir pour la période allant du 15 au 24 juillet 2000.

 Sur le recours en indemnité

A –  Sur la recevabilité

1.     Arguments des parties

a)     Généralités

182   Le défendeur fait valoir que le recours en indemnité introduit par le requérant est irrecevable dans la mesure où il se rapporte aux agissements du groupe politique ou de certains de ses membres. En outre, selon le défendeur, ce recours est également irrecevable dans la mesure où le requérant n’a pas respecté la procédure précontentieuse prévue à cet effet par le statut.

b)     Sur la responsabilité du Parlement pour les actes du groupe EDD et de certains de ses membres

183   Le défendeur fait valoir que, en tant qu’institution, le Parlement ne répond que des actes de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ou des actes immédiatement imputables à l’institution elle-même. Or, en l’espèce, le prétendu comportement non décisionnel est imputé à certains députés et non pas à ses agents, de sorte qu’il ne saurait lier l’institution. Il se réfère à cet égard à la jurisprudence de la Cour, qui reconnaît qu’aucune disposition du règlement du Parlement n’habilite un groupe politique à agir au nom du Parlement à l’égard des tiers et, par ailleurs, qu’aucune règle de droit communautaire n’implique que les actes d’un groupe politique pourraient être imputés au Parlement en tant qu’institution des Communautés (arrêt de la Cour du 22 mars 1990, Le Pen, C‑201/89, Rec. p. I‑1183, point 14). Le défendeur considère que ce qui vaut pour un groupe politique devrait valoir a fortiori pour des députés pris individuellement.

184   Enfin, le défendeur ajoute que le requérant n’aurait pas contesté, dans le cadre de la procédure de pourvoi devant la Cour, les points 132 à 134 de l’arrêt du Tribunal qui soutiennent la conclusion, figurant au point 136 de cet arrêt, selon laquelle le recours en indemnité est irrecevable en ce qu’il vise à la réparation du dommage causé par les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres. Étant donné que la Cour a annulé seulement les points 1, 2, 4, et 5 du dispositif de l’arrêt du Tribunal, selon le défendeur, le point 3 du dispositif dudit arrêt reste toujours d’application.

c)     Sur le non-respect de la procédure précontentieuse

185   Le défendeur relève que, selon la jurisprudence, lorsque le dommage dont il est demandé réparation n’a pas été causé par la décision attaquée mais par un comportement dépourvu de caractère décisionnel, la recevabilité d’un recours en indemnité est subordonnée au déroulement d’une procédure administrative comportant deux étapes. En premier lieu, l’intéressé doit d’abord saisir l’AIPN d’une demande visant à obtenir dédommagement pour le préjudice causé par ce comportement dépourvu de caractère décisionnel. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite causé par cette demande qui constitue un acte faisant grief, contre lequel une réclamation peut être dirigée, et c’est seulement après le rejet implicite ou explicite de la réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1994, White/Commission, T‑65/91, RecFP p. I‑A‑9 et II‑23, point 137, et du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T‑36/93, RecFP p. I‑A-161 et II‑497, point 117).

186   Or, selon le défendeur, il est manifeste que le prétendu préjudice moral subi par le requérant a été causé par des comportements dépourvus de caractère décisionnel. Ce prétendu préjudice n’aurait en aucune mesure été causé par la décision attaquée.

187   Il relève, en effet, que, ainsi qu’il ressort clairement tant de la requête que du mémorandum du 1er juillet 2000 et du certificat médical du 31 août 2000 qui ont été produits en annexe de la requête, c’est l’exercice de ses fonctions auprès du groupe EDD qui lui a causé de graves problèmes de santé ainsi que des troubles psychologiques.

188   Dans ces circonstances, le requérant aurait dû introduire une demande afin d’obtenir le dédommagement du préjudice moral causé par les comportements dépourvus de caractère décisionnel qui sont intervenus au sein du groupe EDD avant la fin du mois de mai 2000. Après avoir reçu un rejet explicite ou implicite de cette première demande, le requérant aurait dû introduire une réclamation. Ce n’est qu’après le rejet implicite ou explicite de la réclamation qu’il aurait pu former un recours en indemnité devant le Tribunal.

189   Or, selon le défendeur, une telle procédure précontentieuse fait défaut en l’espèce.

190   Le défendeur conteste en effet que la réclamation introduite le 23 juin 2000 par le requérant puisse être considérée comme étant une demande visant à obtenir un dédommagement pour les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres dans la mesure où cette lettre ne fait aucune référence à une éventuelle compensation pécuniaire.

191   Le défendeur souligne que, à supposer même que cette lettre puisse être considérée comme une telle demande – ce qu’il conteste –, il n’en reste pas moins évident que le requérant n’a pas introduit de réclamation à l’encontre du rejet implicite ou explicite de cette prétendue demande, de sorte que le présent recours en indemnité ne peut en aucun cas être considéré comme faisant suite au rejet d’une réclamation.

192   Le requérant conteste l’allégation du défendeur selon laquelle son recours en indemnité serait irrecevable en raison du non-respect de la procédure précontentieuse. Le requérant demande en outre le réexamen des points 132 à 136 de l’arrêt du Tribunal.

2.     Appréciation du Tribunal

193   S’agissant de la recevabilité du recours en indemnité dans la mesure où celui-ci concerne les agissements du groupe EDD et de ses membres, il convient de rappeler le point 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal, selon lequel « [l]e recours en indemnité est irrecevable en ce qu’il vise à la réparation du dommage causé par les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres. » À cet égard, il suffit de constater que la Cour n’a pas annulé le point 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal, ce point étant, dès lors, passé en force de chose jugée. Par conséquent, la demande du requérant quant au réexamen de la motivation contenue aux points 132 à 136 de l’arrêt du Tribunal ne saurait être accueillie.

194   Quant à l’exception d’irrecevabilité du défendeur concernant le recours en indemnité dans la mesure où ce recours vise à la réparation du dommage causé par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler (arrêt du Tribunal, point 130) que les arguments du défendeur à l’appui de cette exception ne concernent que le fait que ce recours est dirigé contre des comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres. En revanche, ces arguments ne mettent pas en doute la recevabilité du recours en indemnité en ce qu’il vise la réparation du dommage éventuellement causé par la décision attaquée.

B –  Sur le fond

1.     Arguments des parties

195   Le requérant entend obtenir réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi en raison de l’adoption de la décision attaquée par le défendeur.

196   Le requérant estime que le préjudice matériel qu’il a subi est constitué, en premier lieu, d’une perte nette de rémunération résultant de la rétrogradation du grade A 2 au grade LA 5, et ce durant la période du 15 juillet jusqu’au 30 novembre 2000, voire même jusqu’en juin 2004. En deuxième lieu, le préjudice matériel serait constitué d’une perte de pension résultant également de la rétrogradation susvisée, le calcul des pensions reposant sur les traitements perçus, et ce également pour la période allant du 15 juillet au 30 novembre 2000, voire même jusqu’en juin 2004. En troisième lieu, le requérant fait valoir qu’il a été conduit à reverser plus tôt que prévu le montant des allocations de départ au titre du régime de pensions des Communautés européennes, à savoir 93 387,54 euros.

197   Le requérant demande également la réparation du dommage moral résultant de l’adoption de la décision attaquée, qu’il évalue à 250 000 euros. Selon le requérant, ce préjudice comprend non seulement l’atteinte portée à sa dignité et à son sérieux professionnels, mais également la dégradation de son état de santé et de son état psychologique. Il estime, à titre accessoire, que ce préjudice moral comprend également le préjudice subi par ses proches, notamment son épouse et ses deux enfants, compte tenu du chagrin que leur cause la dégradation constante de l’état de santé et de l’état psychologique de leur époux et père.

198   Selon le requérant, il est manifeste que, dans le cas d’espèce, tant le dommage matériel que le dommage moral éprouvés par lui sont la conséquence directe de l’adoption de la décision attaquée par le défendeur. L’existence d’un tel lien de causalité serait d’ailleurs établie par les certificats médicaux établis le 31 août 2000 et le 13 mars 2001 par le médecin personnel du requérant.

199   Le défendeur fait valoir que, même si le Tribunal devait estimer que l’adoption de la décision attaquée constitue une faute de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté, il ne saurait être condamné à réparer le dommage prétendument subi par le requérant du fait de cette illégalité.

200   Le défendeur relève en effet, en premier lieu, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration peut constituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante, de tout préjudice moral que le fonctionnaire requérant peut avoir subi, notamment si l’acte n’a comporté aucune appréciation blessante à son égard (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62, et du 25 février 1999, Giannini/Commission, T‑282/97 et T‑57/98, RecFP p. I‑A‑33 et II‑151, point 40). Or, selon le défendeur, la décision attaquée n’a comporté aucune appréciation négative quant à la personne du requérant et ne pouvait d’ailleurs comporter une telle appréciation, dès lors que l’AIPN était tenue de prendre acte de l’appréciation subjective du groupe EDD à l’égard du requérant et de l’état de santé de ce dernier.

201   Le défendeur souligne, en deuxième lieu, en ce qui concerne le préjudice prétendument subi par le requérant en raison du reversement des allocations de départ au titre du régime des pensions, que le requérant n’explique pas dans quelle mesure ce fait constitue un préjudice matériel qui aurait été causé par l’adoption de la décision attaquée. Il fait observer en effet que le reversement a été sollicité par le requérant lui-même et qu’il a eu lieu le 26 mai 2000, c’est-à-dire avant l’adoption de la décision attaquée.

202   En troisième lieu, le défendeur relève que le requérant n’apporte aucune preuve de la réalité du dommage moral subi par sa famille.

203   Le défendeur considère, en dernier lieu, que le requérant a omis de prouver par des indices objectifs qu’il existe un lien de causalité entre le préjudice moral et la décision attaquée.

204   Il conteste à cet égard la pertinence du certificat médical du 13 mars 2001 établi par le médecin personnel du requérant, dans la mesure où celui-ci a été établi environ huit mois après l’adoption de la décision attaquée et au cours de la procédure contentieuse, c’est-à-dire in tempore suspecto. Il fait observer également que, alors que le médecin personnel du requérant avait fait état, dans le certificat médical du 31 août 2000, de l’éventuelle nécessité de recourir à un psychiatre, plus de six mois plus tard, il n’a pas estimé nécessaire de prescrire une telle consultation. Selon le défendeur, il y aurait par ailleurs des contradictions entre, d’une part, les déclarations faites par le requérant lui-même l’année précédente et, d’autre part, le contenu du nouveau certificat médical du 13 mars 2001. Enfin, le défendeur relève que le requérant a été convoqué à plusieurs reprises à un contrôle médical, mais qu’il ne s’y est présenté que le 16 janvier 2001 et que, à la suite du refus du requérant d’effectuer un bilan complémentaire, l’administration n’a pas été en mesure d’organiser une vérification complète de la situation médicale de celui-ci.

2.     Appréciation du Tribunal

205   Selon une jurisprudence constante, la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose, en matière de fonction publique, que le requérant prouve l’illégalité du comportement reproché à l’organe communautaire, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A-301 et II‑1457, point 150, et la jurisprudence qui y est citée).

206   Or, il résulte des points 115 à 122 ci-dessus que le défendeur a commis une illégalité susceptible d’engager sa responsabilité en adoptant la décision attaquée sans avoir respecté l’obligation de motivation quant à son effet rétroactif.

207   S’agissant du préjudice matériel, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 150 de son arrêt, il est incontestable que la décision attaquée a causé au requérant une perte de rémunération dans la mesure où il a été réintégré plus tôt que prévu initialement dans sa fonction antérieure au sein du Parlement. Or, étant donné que la décision attaquée n’est illégale que pour autant qu’elle ne contient pas de motivation, en conformité avec l’article 25 du statut, quant à son effet rétroactif, et que la défenderesse ne saurait donc opposer la légalité de la décision attaquée au requérant durant la phase couvrant cet effet rétroactif, le défendeur est, dès lors, tenu de verser au requérant une somme correspondant à la différence entre la rémunération que celui-ci aurait dû percevoir en tant que fonctionnaire détaché au grade A 2, échelon 1, et celle qu’il a perçue du fait de sa réintégration au grade LA 5, échelon 3, de manière rétroactive, pour la période allant de la date de la prise d’effet prévue de la décision attaquée, à savoir le 15 juillet 2000, jusqu’à la date à laquelle cette décision aurait pris effet en l’absence de cet effet rétroactif. À cet égard, le Tribunal relève qu’il est constant que le requérant n’a reçu copie de la décision attaquée que le 25 juillet 2000, date à laquelle cette décision aurait pris effet vis-à-vis du requérant en l’absence de son effet rétroactif, en vertu de l’article 25, deuxième alinéa, du statut. Il en résulte que le 25 juillet 2000 constitue la date pertinente à prendre en compte aux fins de déterminer jusqu’à quel moment le requérant avait droit à une rémunération correspondant au grade A 2, échelon 1.

208   Dans la mesure où le requérant a également subi un préjudice matériel en raison du retard de paiement de cette somme et où ce préjudice équivaut au manque à gagner correspondant à la rémunération qui lui aurait été versée pour le placement des sommes dues s’il en avait disposé dès leur exigibilité, le Tribunal rappelle (arrêt du Tribunal, point 150) que, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, il convient de condamner le défendeur à verser au requérant les intérêts moratoires afférents à la somme visée au point précédent à compter de la date à partir de laquelle les montants constitutifs de la somme visée au point 207 ci-dessus étaient dus jusqu’à la date de paiement effectif. Le taux d’intérêt doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points (arrêts du Tribunal du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, non encore publié au Recueil, point 154, et du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, non encore publié au Recueil, points 286 et 296).

209   Ensuite, en ce qui concerne le reversement des allocations de départ par le requérant, il convient de constater que le requérant n’a établi ni la réalité de ce préjudice ni l’existence d’un lien de causalité avec l’adoption de la décision attaquée (arrêt du Tribunal, point 151).

210   S’agissant du préjudice moral subi en raison d’un défaut de motivation, le Tribunal rappelle que l’annulation de l’acte en cause est susceptible de constituer en elle-même une réparation adéquate de tout préjudice moral subi (voir, en ce sens, arrêt Hectors/Parlement, point 93 supra, point 61, et arrêt du Tribunal du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T‑203/98, RecFP p. I‑A‑91 et II‑393, point 66). Il convient de préciser ensuite que tel est notamment le cas lorsque l’acte ne comporte aucune appréciation explicitement négative des capacités de l’intéressé susceptible de porter atteinte à sa dignité, à son estime de soi ou à sa réputation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Pierrat/Cour de justice, point 200 supra, point 62, et la jurisprudence citée ; Giannini/Commission, point 200 supra, point 40, et du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, non encore publié au Recueil, point 79). Or, le Tribunal constate que, dans le cas d’espèce, la décision attaquée ne contient aucune appréciation négative de ce genre.

211   Enfin, le requérant a précisé à l’audience du 14 novembre 2001 que son préjudice moral a principalement été causé par les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres et que la décision attaquée n’avait fait qu’aggraver ce préjudice. Cet état de fait serait d’ailleurs confirmé par les constatations du médecin traitant du requérant qui ont été consignées dans le certificat médical du 31 août 2000. Or, ainsi qu’il a été souligné au point 136 de l’arrêt du Tribunal, à défaut d’avoir respecté la procédure précontentieuse prévue à cet effet, le requérant n’est pas recevable à demander la réparation du préjudice moral qu’il a subi en raison des prétendus comportements du groupe EDD ou de certains de ses membres (arrêt du Tribunal, point 153).

212   Dans ces circonstances, le Tribunal considère que l’annulation de la décision attaquée constitue en elle-même une réparation adéquate du préjudice moral subi par le requérant du fait de l’absence de motivation quant à l’effet rétroactif de son éviction du poste de secrétaire général du groupe EDD.

 Sur les dépens

213   Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chacune des parties supporte ses propres dépens, étant donné que, premièrement, le requérant a obtenu gain de cause en première instance tout en se désistant de sa demande en référé, que, deuxièmement, le défendeur a obtenu l’annulation de l’arrêt du Tribunal sur pourvoi et que le requérant a néanmoins insisté sur une décision du Tribunal quant à sa demande en taxation des dépens concernant la procédure devant le Tribunal, et que, troisièmement, le requérant a partiellement succombé en ses conclusions dans la procédure devant le Tribunal à la suite de l’arrêt de renvoi de la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 18 juillet 2000 du secrétaire général du Parlement de mettre fin au détachement dans l’intérêt du service du requérant auprès du groupe politique EDD et de le réintégrer à la direction générale de l’information et des relations publiques du Parlement est annulée en ce qu’elle est applicable à compter du 15 juillet 2000 et jusqu’au 24 juillet 2000.

2)      Le Parlement est condamné à verser au requérant une somme correspondant à la différence entre la rémunération que le requérant aurait dû percevoir en tant que fonctionnaire de grade A 2, échelon 1, et celle qu’il a perçue à la suite de sa réintégration au grade LA 5, échelon 3, pour la période allant du 15 au 24 juillet 2000, majorée d’intérêts moratoires à compter de la date à partir de laquelle les montants constitutifs de cette somme étaient dus jusqu’à la date de paiement effectif. Le taux d’intérêt à appliquer est calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

3)      Le recours en indemnité est irrecevable en ce qu’il vise à la réparation du dommage causé par les comportements non décisionnels du groupe EDD et de certains de ses membres.

4)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

5)      Chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à l’ensemble des instances visées au point 213 ci-dessus.



Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

M. JaegerTable des matières

Cadre juridique

Faits et procédure

A –  Antécédents du litige

B –  Procédure devant le Tribunal et la Cour

Conclusions des parties

Sur le recours en annulation

A –  Observations liminaires

B –  Sur la recevabilité

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le fond

1.  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 38 du statut

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense

a)  Arguments des parties

Sur la question de savoir si l’AIPN avait l’obligation d’entendre le requérant avant l’adoption de la décision attaquée

Sur le point de savoir si le requérant a été consulté avant l’adoption de la décision attaquée

Sur l’incidence particulière d’une consultation préalable du requérant

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur la motivation figurant dans la décision du 19 décembre 2000

Sur la motivation par référence au contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée

Conclusion

4.  Sur le moyen tiré de la violation de l’accord sur les transferts des agents des groupes politiques datant de novembre 1974

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

5.  Sur le moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

En ce qui concerne la confiance légitime du requérant en ce que son détachement durerait jusqu’au 30 novembre 2000

En ce qui concerne la confiance légitime du requérant en ce que son détachement durerait jusqu’en juin 2004

Conclusion

6.  Sur le moyen tiré du non-respect du devoir de sollicitude

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur l’absence de prise en compte de la première réclamation

Sur le fait que la décision attaquée a été adoptée durant le congé de maladie du requérant

Conclusion

7.  Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

8.  Sur l’argumentation tirée de l’absence de validité de la décision du bureau du groupe EDD du 4 juillet 2000 au regard des statuts du groupe

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

9.  Conclusion

Sur le recours en indemnité

A –  Sur la recevabilité

1.  Arguments des parties

a)  Généralités

b)  Sur la responsabilité du Parlement pour les actes du groupe EDD et de certains de ses membres

c)  Sur le non-respect de la procédure précontentieuse

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le fond

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.