Language of document : ECLI:EU:T:2011:542

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

28 septembre 2011 (*)

« Recours en annulation – Politique agricole commune – Régimes de soutien en faveur des agriculteurs – Aide à la production de tabac – Règlement (CE) n° 73/2009 – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑96/09,

Union des coopératives agricoles des producteurs de tabac de France (UCAPT), établie à Paris (France), représentée par Mes B. Peignot et D. F. Garreau, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par Mme K. Banks et M. G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, l’Union des coopératives agricoles des producteurs de tabac de France (UCAPT), regroupe les sept coopératives tabacoles françaises auxquelles adhèrent la totalité des planteurs de tabac en France. Elle est chargée de la mise en production, du suivi de la production, de la commercialisation et, en partie, de la transformation des tabacs cultivés sur le territoire français.

2        La requérante est la seule entreprise agréée par la République Française comme entreprise de première transformation au sens de l’article 171 quater ter, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1973/2004 de la Commission, du 29 octobre 2004, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil en ce qui concerne les régimes d’aide prévus aux titres IV et IV bis dudit règlement et l’utilisation de terres mises en jachère pour la production de matières premières (JO L 345, p. 1).

3        Le 29 octobre 2008, le groupe consultatif « tabac », établi sur la base de la décision 2004/391/CE de la Commission, du 23 avril 2004, relative au fonctionnement des groupes consultatifs dans le domaine de la politique agricole commune (JO L 120, p. 50), a adressé une lettre au membre de la Commission des Communautés européennes chargé de l’agriculture et du développement durable. Dans cette lettre, le groupe consultatif « tabac » sollicitait la suspension de la mise en œuvre de la seconde phase de la réforme de l’aide aux agriculteurs produisant du tabac prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 864/2004 du Conseil, du 29 avril 2004, modifiant le règlement n° 1782/2003 et adaptant ce règlement en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne (JO L 206, p. 20).

4        Par lettre du 10 décembre 2008, ledit membre de la Commission a répondu négativement à la demande du groupe consultatif « tabac ».

5        Le 19 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 73/2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16, ci-après le « règlement attaqué »).

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 2009, la requérante a introduit le présent recours.

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande visant à ce que le Tribunal statue selon la procédure accélérée en application de l’article 76 bis de son règlement de procédure.

8        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du règlement attaqué.

9        Par ordonnance du 3 avril 2009, UCAPT/Conseil (T‑96/09 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et a réservé les dépens.

10      Dans ses observations sur la demande de procédure accélérée déposées au greffe du Tribunal le 3 avril 2009, le Conseil de l’Union européenne a indiqué qu’il s’opposait à ladite demande.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 avril 2009, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Les parties n’ont pas présenté d’observations sur la demande d’intervention dans le délai imparti.

12      Par décision du 23 avril 2009, la troisième chambre du Tribunal a rejeté la demande de traitement accéléré.

13      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 15 juin 2009, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure.

14      Par ordonnance du 1er juillet 2009, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis la Commission à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

15      Le 22 juillet 2009, la requérante a déposé au greffe du Tribunal des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

16      Le 10 août 2009, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en intervention.

17      Le 9 octobre 2009, la requérante a déposé au greffe du Tribunal des observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens pour un montant de 10 000 euros.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable.

 En droit

22      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par le Conseil sans ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

24      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que le recours est irrecevable. Il soutient, d’une part, que la requérante ne serait pas directement et individuellement concernée par le règlement attaqué et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas d’intérêt à agir.

25      La requérante conteste les arguments du Conseil et de la Commission et soutient disposer tant de la qualité pour agir que de l’intérêt à agir pour demander l’annulation du règlement attaqué.

 Appréciation du Tribunal

26      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, applicable à la présente espèce, « [t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

27      En l’espèce, il est constant que la requérante n’est pas le destinataire du règlement attaqué. En revanche, elle prétend être directement et individuellement concernée par cet acte.

28      Eu égard aux circonstances de l’affaire, il convient d’abord d’examiner si la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué.

29      Selon la jurisprudence, le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l’acte en question (ordonnance de la Cour du 12 juillet 1993, Gibraltar et Gibraltar Development/Conseil, C‑168/93, Rec. p. I‑4009, point 11 ; voir ordonnance du Tribunal du 11 septembre 2007, Honig‑Verband/Commission, T‑35/06, Rec. p. II‑2865, point 39, et la jurisprudence citée). Un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 82, et Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse Italia/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 9).

30      Toutefois, selon la jurisprudence, le fait qu’un acte a, par sa nature et par sa portée, un caractère général en ce qu’il s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas qu’il puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 29 ; voir ordonnance du Tribunal du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, T‑532/08, non encore publiée au Recueil, point 96, et la jurisprudence citée). En effet, dans certains cas un acte de l’Union peut à la fois revêtir un caractère normatif et, à l’égard de certains opérateurs économiques intéressés, un caractère décisionnel (arrêts du Tribunal du 13 novembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 50 ; du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II‑1975, point 101, et du 3 février 2005, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑139/01, Rec. p. II‑409, point 107).

31      À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence constante, une personne physique ou morale autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concernée individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 253 ; du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 20, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

32      Par ailleurs, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 60 ; du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451, point 71, et Sahlstedt e.a./Commission, point 30 supra, point 30).

33      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 30 supra, point 31, et ordonnance de la Cour du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec. p. I‑2217, point 70).

34      En l’espèce, il convient d’abord de relever que la requérante cherche à obtenir l’annulation de l’intégralité du règlement attaqué. Or, ce règlement vise à établir, d’une part, des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune, et, d’autre part, certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.

35      Il ressort de l’article premier du règlement attaqué que ce règlement établit en particulier des règles communes en matière de paiements directs, un régime d’aide au revenu en faveur des agriculteurs dénommé régime de paiement unique, un régime d’aide au revenu simplifié et transitoire destiné aux agriculteurs de certains États membres, tels que définis dans le même règlement, ainsi que des régimes de soutien pour les agriculteurs produisant du riz, des pommes de terre féculières, des protéagineux, des fruits à coque, des semences, du coton, du sucre, des fruits et légumes, de la viande ovine et caprine, et de la viande bovine.

36      Force est donc de constater que le règlement attaqué s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Le règlement attaqué revêt dès lors un caractère général.

37      En ce qui concerne spécifiquement les dispositions applicables au secteur du tabac, pertinentes dans la mesure où la requérante est un opérateur actif dans ce secteur, il convient de relever qu’elles ont également une portée générale en ce qu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement et en ce qu’elles produisent des effets à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraites, à savoir à l’égard des agriculteurs produisant du tabac brut.

38      Par ailleurs, il ressort de l’analyse de l’article 33, paragraphe 1, sous a), de l’article 135 et de l’article 146, paragraphe 1, du règlement attaqué que ce règlement n’a apporté aucun changement à la substance du régime de soutien en faveur du tabac qui avait déjà été reformé par le règlement n° 1782/2003, tel que modifié par le règlement n° 864/2004. En effet, l’analyse de ces articles montre – ce que, d’ailleurs, la requérante relève elle-même dans son recours – que le règlement attaqué a maintenu sans ajustement la seconde phase de la réforme qui avait été introduite dans le secteur du tabac par le règlement n° 864/2004, modifiant le règlement n° 1782/2003. D’ores et déjà, il convient toutefois de préciser que le règlement attaqué a notamment abrogé l’article 155 bis du règlement n° 1782/2003, tel que modifié par le règlement n° 864/2004, qui prévoyait que la Commission devait présenter au Conseil, le 31 décembre 2009 au plus tard, un rapport sur la mise en œuvre du règlement n° 1782/2003 en ce qui concernait, notamment, le tabac.

39      Cependant, la requérante soutient qu’elle serait individuellement concernée par le règlement attaqué dans la mesure où elle serait la seule entreprise de première transformation de tabac agréée en France, ainsi qu’il ressortirait d’une liste publiée annuellement par la Commission au Journal officiel de l’Union européenne. En outre, son activité économique serait étroitement corrélée à celle des producteurs de tabac, de sorte que les mesures adoptées dans le cadre du nouveau régime d’aide au tabac auraient nécessairement des répercussions sur la filière de la première transformation du tabac en France. De plus, les entreprises de première transformation auraient joué un rôle majeur dans l’organisation commune du marché du tabac depuis ses débuts en ce qu’elles auraient été chargées d’une mission d’intermédiaire entre le payeur, à savoir la Commission, et le bénéficiaire final de l’aide, à savoir le producteur de tabac. Par ailleurs, le chapitre 10 quater du règlement n° 1782/2003 préciserait que l’aide au tabac est accordée « aux agriculteurs produisant du tabac brut relevant du code NC 2401 ». Or, l’expression « tabac brut » désignerait le tabac ayant subi l’opération de transformation en un produit fini, opération qui est effectuée par les entreprises de première transformation, telles que la requérante.

40      Toutefois, force est de constater que le règlement attaqué et, notamment, les dispositions concernant la production du tabac, ne concernent la requérante qu’en sa qualité objective d’opérateur économique agissant dans ce secteur et cela au même titre que tout autre opérateur se trouvant dans la même situation. Or, il ressort de la jurisprudence constante que cette seule qualité ne suffit pas à la requérante pour établir qu’elle est concernée de façon individuelle par ces dispositions (voir ordonnance de la Cour du 26 mars 2009, Efkon/Parlement et Conseil, C‑146/08 P, non publiée au Recueil, points 36 à 38, et la jurisprudence citée ; voir, également, ordonnances du Tribunal du 30 avril 2003, Villiger Söhne/Conseil, T‑154/02, Rec. p. II‑1921, point 47, et la jurisprudence citée, et du 30 novembre 2009, Veromar di Tudisco Alfio & Salvatore e.a./Commission, T‑313/08 à T‑318/08 et T‑320/08 à T‑328/08, non publiée au Recueil, point 48).

41      À cet égard, il est sans importance que la requérante soit la seule entreprise de première transformation de tabac agréée en France, ainsi qu’elle le fait valoir. En effet, d’une part, le fait qu’un opérateur économique soit le seul opérateur dans un secteur concerné par un acte de caractère normatif n’est pas automatiquement de nature à l’individualiser par rapport à cet acte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 46). D’autre part, et en tout état de cause, il ressort de la documentation produite par la requérante elle-même, que celle-ci n’est pas la seule entreprise de première transformation de tabac dans l’Union. Il existe ainsi un nombre important d’entreprises de première transformation dans l’Union qui se trouvent dans une situation similaire à celle de la requérante.

42      En outre, il n’apparaît pas, et la requérante ne l’a même pas fait valoir, qu’une disposition de droit de l’Union imposait à la Commission, pour adopter le règlement attaqué, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle la requérante aurait eu le droit de revendiquer d’éventuels droits procéduraux, dont celui d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt Commission/Jégo-Quéré, point 41 supra, point 47).

43      En particulier, la requérante ne saurait faire valoir qu’elle disposait de droits procéduraux dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué en raison de l’article 155 bis du règlement n° 1782/2003, tel que modifié par le règlement n° 864/2004, qui a été abrogé par le règlement attaqué (voir point 38 ci-dessus). En effet, force est de constater que cet article se limitait à prévoir que la Commission devait présenter au Conseil, le 31 décembre 2009 au plus tard, un rapport sur la mise en œuvre du règlement n° 1782/2003 en ce qui concernait, notamment, le tabac. Ainsi, cette disposition ne conférait aucune garantie procédurale en faveur d’opérateurs potentiellement affectés par le résultat d’une procédure d’adaptation du règlement n° 1782/2003 (voir, en ce sens, ordonnance Norilsk Nickel Harjavalta, point 30 supra, point 106, et la jurisprudence citée).

44      En outre, la requérante ne saurait affirmer être individualisée en raison de la lettre envoyée, le 29 octobre 2008, par le groupe consultatif « tabac » au membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement durable dans le cadre de la procédure d’adoption du règlement attaqué.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un acte de l’Union n’est de nature à l’individualiser par rapport à l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation de l’Union. Ainsi, dès lors qu’une disposition de droit de l’Union impose, pour adopter une décision, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle une personne physique ou morale peut revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendue, la position juridique particulière dont bénéficie celle-ci a pour effet de l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir ordonnance de la Cour du 17 février 2009, Galileo Lebensmittel/Commission, C‑483/07 P, Rec. p. I‑959, point 53, et la jurisprudence citée).

46      Or, d’une part, il ressort de la décision 2004/391, qui a institué ledit groupe consultatif « tabac », que la consultation de ce groupe n’est pas obligatoire pour la Commission. D’autre part, et en tout état de cause, la requérante affirme elle-même ne pas être membre du groupe consultatif « tabac », de sorte qu’elle ne saurait tirer en aucun cas des droits de la lettre envoyée par ce groupe.

47      Enfin, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas fait valoir et a encore moins démontré qu’elle serait individualisée par rapport au règlement attaqué en raison du fait qu’elle représenterait les intérêts d’entreprises qui, quant à elles, serait recevables à agir.

48      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, la requérante n’étant pas individuellement concernée par le règlement attaqué, elle n’a pas la qualité requise pour agir en annulation de ce règlement.

49      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué. Dès lors, le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir soulevées par le Conseil.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de ce dernier.

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      L’Union des coopératives agricoles des producteurs de tabac de France supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 28 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Azizi


* Langue de procédure : le français.